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Un monde à court d’eau ?Réveillez-vous ! 2001 | 22 juin
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Un monde à court d’eau ?
“ Pouvoir accéder à des sources d’eau douce sûres et suffisantes est indispensable à la survie, au bien-être et au développement socioéconomique de l’humanité tout entière. Nous continuons pourtant à nous comporter comme si l’eau douce était inépuisable, alors que ce n’est pas le cas. ” — KOFI ANNAN, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DES NATIONS UNIES.
DEPUIS environ 1 000 ans, tous les jeudis midi, un tribunal unique en son genre siège à Valence, en Espagne. Il est chargé de régler les litiges relatifs à l’eau.
Dans la plaine fertile de Valence, l’agriculture repose sur l’irrigation, et qui dit irrigation dit beaucoup d’eau. Malheureusement, l’eau a toujours été une denrée rare dans cette partie de l’Espagne. Les agriculteurs ont donc la possibilité de faire appel au tribunal de l’eau quand ils estiment ne pas en recevoir leur part. Les conflits liés à l’eau n’ont rien de nouveau, mais ils sont rarement tranchés aussi équitablement qu’à Valence.
Il y a environ 4 000 ans, une violente dispute a éclaté entre des bergers à propos de l’accès à un puits situé près de Béer-Shéba, en Israël (Genèse 21:25). Depuis, le problème de l’eau au Proche-Orient n’a cessé d’empirer. Au moins deux dirigeants éminents de cette partie du monde ont affirmé que, s’ils déclaraient la guerre à un État voisin, ce serait à cause de ce problème.
Dans les pays semi-arides, l’eau a toujours suscité de vives réactions. La raison en est simple : elle est indispensable à la vie. Comme l’a expliqué Kofi Annan, “ l’eau douce est précieuse, car on ne peut vivre sans elle. Elle est irremplaçable, car rien ne peut s’y substituer. Elle est fragile, car elle dépend pour beaucoup des activités humaines en termes de qualité et de quantité ”.
Aujourd’hui comme jamais auparavant, le volume et la qualité de l’eau douce que recèle notre planète sont menacés. Même si dans certaines régions favorisées du monde l’eau semble abondante, il ne faut pas se leurrer.
Une réserve en peau de chagrin
“ C’est l’une des grandes contradictions de la nature humaine, nous n’accordons aux choses toute leur valeur qu’à partir du moment où elles deviennent rares, souligne Elizabeth Dowdeswell, sous-secrétaire générale des Nations unies. Nous n’apprécions l’eau qu’une fois le puits tari. Or, les puits ne tarissent plus seulement dans les zones de sécheresse, mais aussi dans des régions qui jusqu’ici ne connaissaient pas ce problème. ”
Ceux qui doivent affronter quotidiennement la pénurie d’eau ne connaissent que trop le problème. Asokan, employé de bureau à Madras, en Inde, doit se lever deux heures avant l’aube chaque matin pour se rendre, avec ses cinq seaux, à la pompe publique située à cinq minutes de marche. Étant donné que l’eau n’est fournie qu’entre 4 heures et 6 heures, il lui faut faire la queue très tôt. L’eau qu’il ramène doit durer toute la journée. Bien d’autres Indiens, comme d’ailleurs un milliard de personnes sur la planète, n’ont pas cette chance. Ils n’ont ni pompe, ni rivière, ni puits près de chez eux.
Abdullah, un jeune Africain du Sahel, est dans ce cas. Le panneau indicateur qui signale son petit village précise qu’il s’agit d’une oasis. Cependant, l’eau a disparu depuis très longtemps et les arbres sont presque inexistants. Abdullah est chargé de puiser l’eau pour sa famille ; le puits est à plus d’un kilomètre.
Dans certains endroits du monde, la demande en eau potable excède déjà les réserves. Et pour cause : une grande partie de l’humanité vit dans des régions arides ou semi-arides qui manquent d’eau depuis la nuit des temps (voir la carte de la page 3). Selon le Stockholm Environment Institute, un tiers de la population mondiale habite dans des régions moyennement à gravement touchées par la pénurie d’eau. La demande en eau croît plus de deux fois plus vite que la population.
D’un autre côté, fondamentalement, les réserves d’eau ne bougent pas. Des puits plus profonds et de nouveaux réservoirs peuvent temporairement améliorer la situation, mais la quantité d’eau de pluie qui tombe sur la terre et la quantité d’eau souterraine restent sensiblement les mêmes. Conclusion : d’après des météorologistes, d’ici à 25 ans la quantité d’eau disponible par habitant pourrait être réduite de moitié.
Conséquences sur la santé et la nourriture
En quoi la pénurie d’eau affecte-t-elle les humains ? D’abord, elle nuit à leur santé. Le problème n’est pas qu’ils mourront de soif, mais plutôt qu’ils risquent de tomber malades à cause de l’eau qu’ils boivent ou qu’ils utilisent pour cuisiner. Elizabeth Dowdeswell déclare que “ dans le monde en développement, 80 % des maladies et plus d’un tiers des décès sont dus à de l’eau contaminée ”. Dans les pays semi-arides du tiers-monde, les réserves d’eau sont souvent polluées par les excréments des humains ou des animaux, les pesticides, les engrais ou encore les produits chimiques de l’industrie. Pourtant, une famille pauvre n’a pas d’autre solution que de se servir de cette eau souillée.
Tout comme notre corps a besoin d’eau pour éliminer ses déchets, de même de bonnes installations sanitaires nécessitent une grande quantité d’eau, eau dont la plupart des habitants du globe ne disposent tout bonnement pas. En 1990, 2,6 milliards de personnes ne possédaient pas d’équipements sanitaires convenables ; en 1997 ce chiffre est passé à 2,9 milliards, ce qui représente presque la moitié de la population mondiale. Or, de tels équipements sont littéralement une question de vie ou de mort. Dans une déclaration commune, deux représentants des Nations unies, Carol Bellamy et Nitin Desai, ont affirmé : “ Quand les enfants sont privés d’eau propre à la consommation et d’assainissement, presque tous les aspects de leur santé et de leur développement sont menacés. ”
La production de nourriture est également tributaire de l’eau. Évidemment, beaucoup de cultures sont arrosées par la pluie, mais ces derniers temps l’irrigation est devenue la carte maîtresse pour nourrir la population mondiale en pleine expansion. Actuellement, 36 % des récoltes mondiales en dépendent. Toutefois, le total des terres agricoles irriguées a atteint son maximum il y a une vingtaine d’années, et il n’a cessé de diminuer depuis.
Si chez nous l’eau jaillit de tous les robinets et si nous possédons des toilettes hygiéniques qui évacuent correctement les déchets, nous aurons peut-être du mal à croire que la planète commence à manquer d’eau potable. Pourtant, n’oublions pas que seulement 20 % de l’humanité a accès à ce luxe. En Afrique, par exemple, de nombreuses femmes passent au moins six heures par jour à aller chercher de l’eau, une eau qui, de surcroît, est souvent polluée. Ces femmes sont parfaitement conscientes de la dure réalité : l’eau pure et potable est rare, et elle le devient de plus en plus.
La technologie est-elle capable de résoudre le problème ? Peut-on exploiter les stocks d’eau de façon plus économique ? Où s’en va toute l’eau ? Les articles suivants tenteront de répondre à ces questions.
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[Encadré, page 5]
LA CRISE DE L’EAU
◼ CONTAMINATION En Pologne, seulement 5 % de l’eau des rivières est potable, et 75 % est trop polluée, même pour servir dans l’industrie.
◼ RÉSERVES URBAINES À Mexico, deuxième métropole du monde par sa population, le niveau de la nappe phréatique, qui fournit 80 % de l’eau utilisée par cette ville, diminue inexorablement. Le pompage est de plus de 50 % supérieur au remplissage naturel. Pékin (Beijing), capitale de la Chine, souffre de la même situation. Sa nappe aquifère descend de plus de un mètre par an, et un tiers de ses puits sont taris.
◼ IRRIGATION Le niveau de la gigantesque nappe aquifère d’Ogallala, aux États-Unis, a tellement baissé que la surface des terres irriguées du nord-ouest texan a diminué d’un tiers. La Chine et l’Inde, deuxième et troisième plus grands producteurs de nourriture, connaissent une crise semblable. Dans l’État de Tamil Nadu, au sud de l’Inde, le niveau hydrostatique a diminué de plus de 23 mètres en 10 ans à cause de l’irrigation.
◼ DISPARITION DES COURS D’EAU Durant la saison sèche, le puissant Gange ne se déverse plus dans la mer. En effet, toute son eau est détournée avant. Il en va de même pour le Colorado, fleuve d’Amérique du Nord.
[Carte, page 3]
(Voir la publication)
ENDROITS OÙ L’EAU EST EN QUANTITÉ LIMITÉE.
Zones de pénurie d’eau.
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Où s’en va toute l’eau ?
Cherrapunji, en Inde, est l’un des endroits les plus arrosés de la terre. Durant la mousson, la pluviométrie atteint 9 000 millimètres dans ses collines au pied de l’Himalaya. Pourtant, si incroyable que cela puisse paraître, Cherrapunji connaît également une pénurie d’eau.
COMME la végétation n’est pas assez fournie pour retenir l’humidité, l’eau s’écoule presque à la même rapidité qu’elle tombe du ciel. Deux mois après les pluies de la mousson, l’eau se raréfie. Dans son livre L’eau : la crise internationale (angl.), Robin Clarke, il y a des années, a qualifié Cherrapunji de “ désert le plus humide de la terrea ”.
Non loin de Cherrapunji, en aval, s’étend le Bangladesh, un pays à basse altitude, densément peuplé, vers lequel converge le plus gros des eaux de la mousson qui dégringolent des versants nus de l’Inde et du Népal. Certaines années, les deux tiers du Bangladesh sont inondés. Cependant, après la décrue, le Gange se réduit à un filet, et la terre s’assèche. Plus de 100 millions de Bangladais essuient chaque année ce cycle cruel d’inondations et de sécheresse. Pour ne rien arranger, l’eau des puits est polluée par l’arsenic. Cette contamination a peut-être déjà empoisonné des millions de personnes.
À Nukus (Ouzbékistan), ville proche de la mer d’Aral, le problème n’est pas l’arsenic, mais le sel. Des dépôts blancs et granuleux se forment autour des cotonniers et retardent leur croissance. C’est le sel, présent dans le sous-sol détrempé, qui remonte à la surface. Ce processus, qu’on appelle la salinisation, n’est pas nouveau. Il y a 4 000 ans, le même phénomène a affaibli l’agriculture mésopotamienne. À cause d’une irrigation excessive et d’un mauvais drainage, le sel contenu dans le sol s’accumule en surface. Si l’on veut obtenir une récolte satisfaisante, on doit utiliser toujours plus d’eau douce. Mais le sol finit par devenir inexploitable, et il le sera surtout pour les générations futures.
Où donc passe l’eau ?
Malheureusement, la pluie tombe très souvent en trombes, ce qui provoque des inondations. Comme l’eau n’a pas le temps de s’infiltrer dans le sol, elle se précipite dans la mer. Certains endroits reçoivent beaucoup de pluie et d’autres peu. À Cherrapunji, la pluviométrie a déjà été de 26 000 millimètres en un an, alors que dans le désert d’Atacama, dans le nord du Chili, des années peuvent passer sans qu’il tombe une bonne averse.
Par ailleurs, la plupart des habitants de la planète vivent dans des zones où la quantité d’eau est limitée. Ainsi, relativement peu de gens habitent dans les régions tropicales d’Afrique ou d’Amérique du Sud, où les précipitations sont abondantes. Le puissant Amazone déverse dans l’océan Atlantique 15 % du ruissellement pluvial annuel mondial. Pourtant, comme dans cette zone la population est clairsemée, très peu d’eau est nécessaire pour la consommation domestique. À l’opposé, le Nil amaigri doit combler la majeure partie des besoins en eau des quelque 60 millions d’habitants de l’Égypte, où les précipitations sont faibles.
Autrefois, de telles disparités n’étaient pas lourdes de conséquences. Selon une enquête, en 1950, aucune région de la terre n’avait des réserves d’eau très basses. Toutefois, le temps où l’eau abondait est révolu. Dans les régions arides d’Afrique du Nord et d’Asie centrale, la quantité d’eau disponible par personne est dix fois moindre qu’en 1950.
Outre l’explosion démographique et les faibles précipitations dans maints endroits très peuplés, d’autres facteurs viennent gonfler la demande en eau. Dans la société actuelle, le progrès et la richesse vont de pair avec des réserves d’eau permanentes.
Une demande croissante
Si vous vivez dans un pays industrialisé, vous aurez sans doute remarqué que les usines se concentrent autour des fleuves. Et pour cause : dans l’industrie, on utilise l’eau pratiquement pour tout ce que l’on fabrique, des ordinateurs aux trombones. Dans l’agroalimentaire, on fait aussi appel à une quantité surprenante d’eau. Les centrales électriques en sont également de grosses consommatrices, ce qui explique qu’elles s’établissent près des lacs ou des rivières.
L’agriculture a encore plus recours à l’eau. Étant donné que dans de nombreuses régions les précipitations sont soit trop faibles, soit trop imprévisibles pour assurer une bonne récolte, l’irrigation a semblé être la solution miracle pour nourrir la planète affamée. Voilà pourquoi l’agriculture absorbe une part importante des stocks d’eau douce de la planète.
De plus, la consommation domestique d’eau augmente. Au cours des années 90, un nombre renversant de 900 millions de nouveaux citadins ont eu besoin d’installations sanitaires convenables et d’eau potable. Les points d’eau traditionnels, comme les rivières et les puits, ne suffisent plus aux grandes villes. Mexico, par exemple, est actuellement obligée d’acheminer l’eau par canalisations sur plus de 125 kilomètres et par-dessus une chaîne de montagnes qui s’élève à 1 200 mètres. Dans son rapport L’eau, source de vie, Dieter Kraemer déclare que “ la ville est une sorte de pieuvre qui étend les bras en quête de l’eau nécessaire à la vie ”.
En résumé, l’industrie, l’agriculture et les agglomérations réclament toutes davantage d’eau. Jusqu’à présent, on a satisfait leur demande en puisant dans les réserves de la planète, les eaux souterraines. Effectivement, les nappes aquifères sont l’une des principales réserves d’eau douce. Toutefois, elles ne sont pas intarissables. On peut les comparer à l’argent qu’on dépose à la banque. On ne peut pas continuer à en retirer si on n’approvisionne pas le compte. Tôt ou tard, il faudra régler l’addition !
Bon et mauvais emploi des eaux souterraines
Les eaux souterraines sont la réserve dans laquelle on puise lorsque l’on fore un puits. Selon un rapport du Fonds des Nations unies pour l’enfance intitulé Les eaux souterraines : une ressource invisible et menacée, on estime que la moitié de l’eau utilisée à des fins domestiques ou pour irriguer les terres provient de cette réserve. Étant en général moins polluées que les eaux de surface, les eaux souterraines fournissent également l’essentiel de l’eau potable que nous buvons, aussi bien dans les villes qu’à la campagne. Si les extractions étaient raisonnables, les nappes phréatiques resteraient à un niveau constant, puisqu’elles sont réapprovisionnées régulièrement par la pluie qui s’infiltre lentement dans ces réservoirs souterrains. Cependant, depuis des décennies, l’homme pompe bien plus d’eau que le cycle naturel n’est en mesure d’en remplacer.
Par conséquent, le niveau des eaux souterraines s’éloigne de la surface, et il devient difficile, soit économiquement, soit techniquement, d’y accéder. L’assèchement des puits est désastreux pour l’économie et pour la population. C’est déjà le cas en Inde. L’avenir est donc inquiétant parce que la nourriture produite pour le milliard de personnes qui vivent dans les plaines du centre de la Chine et de l’Inde est tributaire des stocks d’eaux souterraines.
À la diminution de ces réserves vient s’ajouter la pollution. En effet, les engrais, les déchets humains et animaux, et les produits chimiques industriels finissent tous dans la nappe souterraine. “ Une fois la pollution installée, le traitement peut se révéler long, coûteux, voire impossible ”, explique un rapport publié par l’Organisation météorologique mondiale. “ La lente pénétration des polluants dans les aquifères a été qualifiée de ‘ bombe chimique à retardement ’, une bombe qui menace l’humanité. ”
Le comble, c’est que l’eau que l’on pompe dans les aquifères risque de souiller la terre qu’elle était censée irriguer. Dans les pays arides ou semi-arides, une grande partie des terres irriguées souffrent aujourd’hui de la salinisation. En Inde et aux États-Unis, deux des plus gros producteurs mondiaux de nourriture, 25 % de ces terres ont déjà été gravement endommagées.
Qui épargne gagne
Malgré toutes ces difficultés, la situation ne serait pas si catastrophique si on utilisait l’eau inestimable de notre globe de façon plus économique. À cause de mauvaises méthodes d’irrigation, on gaspille souvent 60 % de l’eau avant qu’elle n’atteigne les cultures. Avec une meilleure efficacité, en se servant de la technologie dont on dispose, on diminuerait de moitié la consommation d’eau dans l’industrie. De même, si on réparait rapidement les canalisations détériorées, il serait possible de réduire de 30 % celle des villes.
Les mesures à prendre pour économiser l’eau exigent à la fois de la bonne volonté et des moyens. A-t-on de solides raisons de croire que la précieuse eau de la planète continuera de couler pour les générations futures ? Le dernier article de ce dossier traitera cette question.
[Note]
a Voir l’article “ Cherrapunji : l’un des endroits les plus arrosés de la terre ” paru dans notre numéro du 8 mai 2001.
[Encadré/Illustration, page 7]
L’EAU FAIT TOURNER LE MONDE.
Pratiquement tous les processus industriels consomment de grandes quantités d’eau.
◼ La production d’une tonne d’acier nécessite 280 tonnes d’eau.
◼ Pour fabriquer un kilo de papier, on peut employer jusqu’à 700 kilos d’eau (dans le cas où l’usine ne recycle pas l’eau).
◼ Pour produire une voiture, le fabricant utilise une quantité d’eau équivalant à 50 fois le poids de celle-ci.
L’agriculture fait probablement autant appel à l’eau, surtout pour l’élevage dans les régions semi-arides.
◼ En Californie, la production d’un kilo de bifteck demande 20 000 litres d’eau.
◼ Pour congeler un seul poulet, il faut au moins 26 litres d’eau.
[Graphique/Illustrations, page 8]
(Voir la publication)
COMMENT EST-ELLE UTILISÉE ?
Agriculture 65 %
Industrie 25 %
Usage domestique 10 %
[Illustrations, page 9]
Des millions de litres d’eau sont gaspillés parce qu’on laisse fuir les canalisations et les robinets cassés.
[Indication d’origine]
AP Photo/Richard Drew
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En quête de l’eau de la vieRéveillez-vous ! 2001 | 22 juin
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En quête de l’eau de la vie
IL Y A plus de 2 000 ans, dans le désert d’Arabie, une ville florissante de 30 000 habitants s’est développée. Malgré le climat accablant de la région, où les précipitations ne dépassent pas les 150 millimètres par an, les résidents de Pétra ont appris à se débrouiller avec peu d’eau. Pétra est devenue riche et prospère.
Ses habitants, des Nabatéens, ne disposaient pas de pompes à eau électriques. Ils ne creusaient pas de grands barrages. Toutefois, ils savaient parfaitement récupérer et conserver l’eau. Ils la stockaient soigneusement et la transportaient jusqu’à la ville et sur leurs lopins de terre à travers un impressionnant réseau de réservoirs, de fossés, de canaux et de citernes de petite taille. Ils n’en perdaient pas une goutte. Leurs puits et leurs citernes ont été si bien construits que les Bédouins s’en servent encore.
“ L’hydrologie est la splendeur cachée de Pétra, a déclaré un hydrologue émerveillé. Ces gens étaient de véritables génies. ” Dernièrement, des spécialistes israéliens ont tenté de retrouver le savoir-faire des Nabatéens, qui cultivaient également dans le Négueb, où les précipitations excèdent rarement les 100 millimètres par an. Des agronomes ont aussi analysé les vestiges de milliers de petites fermes nabatéennes, dont les propriétaires canalisaient habilement l’eau de pluie hivernale jusqu’à leurs petits champs en terrasse.
En Afrique, dans les États du Sahel frappés par la sécheresse, les agriculteurs tirent d’ores et déjà profit des méthodes des Nabatéens. Toutefois, les procédés modernes de conservation de l’eau peuvent être tout autant efficaces. À Lanzarote, une île des Canaries au large des côtes africaines, les agriculteurs ont appris à cultiver du raisin et des figues là où il ne pleut que très rarement. Ils plantent les vignes ou les figuiers dans des cuvettes dont ils recouvrent le sol de cendres volcaniques afin d’empêcher l’évaporation. La rosée suffit à humecter les racines pour assurer une bonne récolte.
Les solutions artisanales
Il existe dans le monde entier des populations semblables qui s’adaptent aux climats arides. Citons les Bishnoi, qui vivent dans le désert de Thar, en Inde, les femmes turkana, au Kenya, et les Indiens navahos de l’Arizona, aux États-Unis. Au fil des siècles, ils ont mis au point des techniques de collecte de l’eau de pluie, qui s’avèrent beaucoup plus sûres que l’impressionnante technologie de pointe pour répondre aux besoins de l’agriculture.
Durant le XXe siècle, on a construit d’innombrables barrages, exploité de gros fleuves et aménagé d’énormes systèmes d’irrigation. Selon un scientifique, on est parvenu à dompter, dans une certaine mesure, 60 % des cours d’eau de la planète. Même si de tels ouvrages ont apporté quelques avantages, les écologistes dénoncent les dégâts qu’ils ont causés à l’environnement, sans parler des millions de personnes qu’ils ont délogées.
De plus, en dépit des bonnes intentions, ces travaux profitent rarement aux agriculteurs qui manquent désespérément d’eau. À propos de travaux d’irrigation en Inde, l’ancien premier ministre Rajiv Gandhi a affirmé : “ Depuis 16 ans, nous jetons l’argent par les fenêtres. La population n’a rien reçu en retour : pas d’irrigation, pas d’eau, pas de meilleur rendement, pas d’aide dans sa vie quotidienne. ”
En revanche, les solutions artisanales se sont révélées plus utiles et moins nuisibles pour l’environnement. Les petits bassins et barrages qu’ont réalisés les autochtones sont très efficaces en Chine, où l’on en a construit six millions. En Israël, les gens se sont aperçus qu’avec un peu d’imagination ils pouvaient utiliser la même eau, d’abord pour se laver, puis pour les installations sanitaires, et enfin pour l’irrigation.
Une solution pratique consiste également à effectuer l’irrigation au goutte-à-goutte. Elle n’érode pas le sol et exige seulement 5 % de l’eau que les méthodes classiques nécessitent. Si l’on veut faire un bon usage de l’eau, il est aussi important de choisir des cultures qui supportent un climat sec, telles que le sorgho ou le millet, plutôt que celles qui réclament une irrigation intensive, comme la canne à sucre ou le maïs.
Moyennant quelques efforts, les particuliers et l’industrie peuvent également réduire leur demande en eau. Par exemple, si elle recycle l’eau, une usine peut produire un kilo de papier avec environ un litre d’eau : une économie de plus de 99 %. À Mexico, on a remplacé les toilettes traditionnelles par d’autres qui n’utilisent qu’un tiers de l’eau nécessaire ordinairement. Cette ville a en outre financé une campagne d’information dans le but de diminuer considérablement la consommation d’eau.
La clé du succès
Les solutions à la crise de l’eau, et à la majorité des problèmes écologiques, impliquent un changement d’état d’esprit. Les humains doivent se montrer coopératifs et non égoïstes, consentir des sacrifices raisonnables là où cela est nécessaire, et être déterminés à prendre soin de la planète pour les générations à venir. À ce propos, dans son livre La dernière oasis : la lutte contre la pénurie d’eau (angl.), Sandra Postel explique : “ Nous avons besoin d’une éthique de l’eau, d’un guide de bonne conduite face aux décisions difficiles à prendre concernant les systèmes naturels que nous ne comprenons pas pleinement et que nous ne sommes pas en mesure de comprendre pleinement. ”
Bien entendu, une telle “ éthique de l’eau ” va au-delà d’une démarche entreprise sur le plan local. Il faut coopérer aussi bien entre pays qu’entre voisins, car les cours d’eau se jouent des frontières. “ Les préoccupations liées à la quantité et à la qualité de l’eau — toujours traitées séparément — doivent désormais être envisagées comme une question d’envergure mondiale ”, déclare Ismail Serageldin dans son rapport intitulé Combattre la crise de l’eau (angl.).
Cependant, comme l’a reconnu Kofi Annan, le secrétaire général des Nations unies, il est difficile d’amener les pays à traiter les problèmes mondiaux. “ Dans un monde globalisé, dit-il, les mécanismes dont on dispose pour agir au niveau mondial ne sont qu’au stade embryonnaire. Il est grand temps de concrétiser la notion de ‘ communauté internationale ’. ”
Manifestement, une réserve d’eau potable en quantité suffisante est vitale, mais elle ne suffit pas si nous désirons mener une vie saine et heureuse. Les humains doivent d’abord admettre qu’ils ont une obligation envers Celui qui a donné à la fois l’eau et la vie (Psaumes 36:9 ; 100:3). Qui plus est, au lieu d’exploiter aveuglément la planète et ses ressources, il leur faut la ‘ cultiver et s’en occuper ’, comme l’avait ordonné le Créateur à nos premiers parents. — Genèse 2:8, 15 ; Psaume 115:16.
Une eau d’une nature supérieure
Étant donné que l’eau est indispensable à la vie, il n’est pas surprenant que la Bible lui donne un sens symbolique. En effet, si nous voulons bénéficier de la vie qui était prévue pour nous, nous devons reconnaître la source de cette eau symbolique. Il nous faut également apprendre à démontrer le même état d’esprit qu’une femme qui, au Ier siècle, a demandé à Jésus Christ : “ Monsieur, donne-moi cette eau. ” (Jean 4:15). Voyons ce récit.
Jésus s’était arrêté à un puits profond près de la ville qui correspond aujourd’hui à Naplouse. (Il s’agit apparemment du puits qui de nos jours attire des visiteurs du monde entier.) Une Samaritaine s’y était également rendue. Comme beaucoup de femmes du Ier siècle, elle faisait certainement des allers et retours réguliers au puits pour approvisionner sa maison. Cependant, Jésus lui a affirmé qu’il pouvait lui donner “ de l’eau vive ”, une source d’eau intarissable. — Jean 4:10, 13, 14.
On comprend aisément que la curiosité de cette femme ait été éveillée. Mais, bien entendu, l’“ eau vive ” dont Jésus parlait n’était pas de l’eau proprement dite. Jésus faisait allusion aux dispositions spirituelles qui offrent aux humains la possibilité de vivre éternellement. Toutefois, il existe un rapport entre l’eau symbolique et l’eau littérale : nous avons besoin des deux si nous voulons profiter pleinement de la vie.
À plusieurs reprises, Dieu a secouru son peuple lorsque celui-ci manquait d’eau. Par exemple, quand la foule des réfugiés israélites a traversé le désert du Sinaï pour gagner la Terre promise, il l’a miraculeusement approvisionnée en eau (Exode 17:1-6 ; Nombres 20:2-11). Élisha, un prophète de Dieu, a purifié le puits de Jéricho, qui avait été contaminé (2 Rois 2:19-22). Et lorsqu’un reste d’Israélites repentants ont quitté Babylone pour retourner chez eux, Dieu les a conduits jusqu’à de “ l’eau dans le désert ”. — Isaïe 43:14, 19-21.
Aujourd’hui, notre planète a expressément besoin d’une réserve d’eau inépuisable. Puisque par le passé notre Créateur, Jéhovah Dieu, a résolu les problèmes liés à l’eau, pourquoi ne le ferait-il pas encore dans l’avenir ? La Bible nous donne l’assurance qu’il le fera. À propos des conditions qui régneront sous le Royaume qu’il promet, Dieu déclare : “ Sur des collines dénudées j’ouvrirai des fleuves, et des sources au milieu des vallées-plaines. Je changerai le désert en étang d’eau couvert de roseaux, la terre aride en sources d’eau. [...] afin que les gens à la fois voient et sachent, prêtent attention et soient perspicaces, comprenant que la main même de Jéhovah a fait cela. ” — Isaïe 41:18, 20.
La Bible nous fait la promesse que, lorsque ce moment arrivera, les humains “ ne souffriront pas de la faim et ils ne souffriront pas de la soif ”. (Isaïe 49:10.) Grâce à une nouvelle administration mondiale, la crise de l’eau sera définitivement résorbée. Cette administration, le Royaume pour lequel Jésus nous a appris à prier, agira “ par le moyen du droit et par le moyen de la justice, dès maintenant et pour des temps indéfinis ”. (Isaïe 9:6, 7 ; Matthieu 6:9, 10.) Ainsi, partout sur la terre, les humains formeront une véritable communauté internationale. — Psaume 72:5, 7, 8.
Si dès à présent nous nous mettons en quête de l’eau de la vie, nous pouvons regarder avec espoir vers un jour où tout le monde aura suffisamment d’eau !
[Illustrations, page 10]
Ci-dessus : dans l’Antiquité, les habitants de Pétra savaient conserver l’eau.
Ci-dessous : une conduite d’eau nabatéenne dans Pétra.
[Indication d’origine]
Garo Nalbandian
[Illustration, page 10]
Les agriculteurs d’une île des Canaries ont appris à faire pousser des plantes là où il ne pleut que très rarement.
[Illustrations, page 13]
Que voulait dire Jésus lorsqu’il a promis à cette femme “ de l’eau vive ” ?
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