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  • Défenseurs des libertés de parole et du culte

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  • Défenseurs des libertés de parole et du culte
  • Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
  • Intertitres
  • APPEL SYSTÉMATIQUE
  • LIBERTÉS APPORTÉES PAR LES PREMIER ET QUATORZIÈME AMENDEMENTS
  • EXERCICE DES LIBERTÉS GARANTIES DANS LE PREMIER AMENDEMENT
  • UN CHANGEMENT DÉCHAÎNE UNE VAGUE DE VIOLENCE
  • DES ACTES CONTRAIRES AUX PRINCIPES DES AMÉRICAINS
  • LE CONGRÈS DE 1940 EST UNE SOURCE D’ENCOURAGEMENT
  • LA POLICE ADOPTE DEUX ATTITUDES OPPOSÉES
Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
jp chap. 25 p. 175-185

Chapitre 25

Défenseurs des libertés de parole et du culte

LOÏS: Depuis que Marie et vous êtes venus dimanche dernier, Jean, je n’ai cessé de penser aux terribles traitements infligés aux témoins de Jéhovah du monde entier. Toute ma vie j’ai fréquenté l’Église, ma mère étant très pieuse comme vous le savez, et nous avons souvent discuté du pouvoir de la foi, mais je commence à me demander si j’ai jamais su ce que signifie avoir la foi. S’il m’avait fallu affronter des difficultés semblables à celles que vous nous avez décrites, je ne sais si je les aurais supportées.

JEAN: Nous ne voulons pas honorer des hommes, même s’ils ont manifesté une foi inébranlable. Évidemment, nous nous réjouissons avec eux; toutefois, j’aimerais vous rappeler une chose qui a été l’objet de la première discussion que nous avons eue ici, un soir. Voilà: Jéhovah a suscité un peuple à notre époque, pour que ceux qui en font partie soient ses témoins et servent ses desseins. Jésus n’a-​t-​il pas dit à ses disciples: “Vous serez des objets de haine pour tous à cause de mon noma.” Ces serviteurs de Dieu, dont nous avons parlé, savaient que cette prophétie s’accomplirait, aussi ne se fièrent-​ils pas en leur propre force pour survivre, mais ils ne cessèrent de louer Jéhovah qui les délivrerait.

LOÏS: J’ai en effet remarqué cela dans les récits que vous nous avez lus. Il n’en reste pas moins vrai que je puise un encouragement dans le fait que ces fidèles chrétiens, qui n’étaient que des gens ordinaires sous tous les rapports, sauf pour ce qui est de la sincérité, ont persévéré dans la foi.

THOMAS: C’est parce qu’ils formaient un peuple entièrement voué à Dieu, Loïs. Mais que s’est-​il passé aux États-Unis, Jean? Vous nous avez laissé entendre tout à l’heure que les témoins avaient également connu des tribulations dans ce pays.

JEAN: Certainement, bien que l’œuvre n’ait pas été interdite. L’opposition manifestée par le gouvernement ne se faisait ressentir que localement, sur le plan des municipalités, quoique de nombreux tribunaux aient failli à leur devoir de protéger nos droits et que beaucoup de juges aient montré une grande animosité à l’égard de notre œuvre.

Comme je vous l’ai déjà dit, de 1928 à 1933 on n’a pas enregistré les arrestations. Mais en 1933, il y en a eu 269, et cela n’a fait que croître d’année en année. Rien qu’en 1936, on compta 1 149 arrestations, et pourtant le chiffre maximum n’était pas encore atteint. Ces cas mettaient en cause un certain nombre de lois et d’ordonnances que les autorités locales s’efforçaient d’appliquer contre les témoins de Jéhovah. Il s’agissait de lois relatives aux démarcheurs, aux quêteurs, à la vente de publications sans permis, licence ou paiement d’une taxe, ou encore de lois interdisant la diffusion d’écrits dans les rues, de décrets comme celui appelé “Green River”, selon lequel on ne pouvait visiter un foyer qu’après y avoir été invité, ou encore celui du nom de “Blue Law”, défendant de se livrer à certaines activités le dimanche, sans compter les ordonnances ayant trait à la violation de l’ordre public ou à la conduite désordonnée, et de nombreuses autres lois.

La mise en application de ces lois avait pour but d’entraver l’œuvre des témoins de Jéhovah ou d’y mettre un terme. Ces lois concernaient en premier lieu l’activité déployée par les témoins et consistant à prêcher de maison en maison et à diffuser leurs publications; toutefois, outre celles intéressant directement notre œuvre, on se servit d’autres lois contre les témoins de Jéhovah. Citons, entre autres, le salut au drapeau obligatoire, les lois relatives à la délinquance juvénile et à la tutelle, à la sédition, à la diffamation, etc. Transgresser certaines de ces lois constituait un crime, aussi les témoins étaient-​ils représentés comme des criminels de la pire espèce.

Les témoins de Jéhovah ne s’avouèrent pas vaincus. Nos cas ont été portés en justice, où nous avons plaidé non coupables. Nous n’avons pas abandonné la lutte quand les magistrats, tous les tribunaux inférieurs, voire même les Cours suprêmes des différents États, se prononcèrent contre nous. Non, nous nous sommes alors adressés à la plus haute cour du pays, en vue de faire reconnaître nos droits. Notre politique consistant à faire appel a été décrite dans les termes suivants:

APPEL SYSTÉMATIQUE

La réputation que les témoins de Jéhovah se sont faite aux États-Unis prouve combien il est important d’en appeler aux tribunaux supérieurs chaque fois qu’un jugement est défavorable. Si nous n’avions pas interjeté appel au sujet des milliers de condamnations prononcées par les juges, les tribunaux de simple police et autres, les précédents se seraient accumulés, devenant ainsi un obstacle gigantesque pour notre culte. Grâce aux pourvois en appel, nous avons empêché la formation d’un tel obstacle. Notre mode d’adoration a été consigné par écrit dans le code de lois des États-Unis et d’autres pays, en raison de notre insistance à faire appel quand la décision des tribunaux ne nous était pas favorableb.

LOÏS: Excusez-​moi, Jean, mais j’aimerais que vous me donniez une explication à ce sujet. Depuis que vous nous avez entretenus de la “bataille du New Jersey” et des difficultés rencontrées par les témoins dans cet État, j’ai souvent pensé à la liberté accordée à chaque individu. J’ai eu quelques cours d’instruction civique en classe, mais comme la plupart des Américains, je n’ai pratiquement aucune notion du droit. J’ai toujours considéré les libertés dont nous jouissons comme un dû. Je pense que vous êtes parfaitement en droit d’aller de maison en maison et de vendre des Bibles et des manuels bibliques. Qui pourrait vous en empêcher? Ne sommes-​nous pas dans un pays libre?

JEAN: Certes, vous avez raison, mais notre liberté a été considérée comme une chose établie. La Constitution des États-Unis a toujours été regardée comme la charpente ou le squelette des nombreuses lois promulguées par les législateurs rattachés aux municipalités ou à l’État. Toutefois, la façon dont ces lois ont été mises à l’épreuve dans les controverses débattues devant les tribunaux du pays a revêtu de chair ce squelette, en ce sens qu’elle a défini et éclairci ce code de lois, tout en déterminant lesquelles de ces nombreuses lois sont valides et comment elles doivent être appliquées.

LIBERTÉS APPORTÉES PAR LES PREMIER ET QUATORZIÈME AMENDEMENTS

Pour bien discerner les principes impliqués dans les cas défendus et gagnés par les témoins de Jéhovah, il faut savoir que la Constitution originelle des États-Unis ne garantissait pas les libertés individuelles. Cela ne fut inclus que plus tard dans les dix amendements rédigés par James Madison et adoptés par tous les États qui avaient accepté la première constitution. Ces amendements sont appelés le Bill of Rights (Déclaration de droits). Le Premier Amendement est bref; il a trait à la liberté religieuse et est ainsi libellé: “Le Congrès ne fera aucune loi relative à la création d’une religion, ni n’interdira le libre exercice du culte, pas plus qu’il ne portera atteinte à la liberté d’expression ou de la presse, à la liberté de s’assembler paisiblement et au droit de faire appel au gouvernement pour redresser les torts.”

Cette constitution étant fédérale, le Premier Amendement n’imposait de contrainte qu’au gouvernement national des États-Unis. Les différents États inclurent des réserves semblables dans leur propre constitution, et à cette époque il n’avait pas été jugé utile d’appliquer des restrictions contre les États, pour autant qu’il s’agissait de la Constitution fédérale. Toutefois, après la guerre de Sécession, quand les Américains comprirent qu’il était indispensable de préserver les libertés civiles des esclaves affranchis, le Congrès proposa d’insérer le Quatorzième Amendement à la Constitution des États-Unis. Celui-ci ne concerne en rien la liberté religieuse; il stipule simplement, entre autres choses: “Aucun État (...) ne privera quelqu’un de sa vie, de sa liberté ou de ses biens sans procédure judiciaire dans les règles.” C’était là une restriction imposée aux États, et selon cet amendement toute personne qui avait été privée de ses droits par l’État pouvait en appeler à la Constitution fédérale. Pendant de nombreuses années, très peu de cas impliquant ces précieuses libertés d’expression, de la presse et du culte, furent présentés devant les cours.

Les témoins de Jéhovah arguèrent que les termes liberté et procédure judiciaire dans les règles mentionnés dans le Quatorzième Amendement impliquaient toutes les libertés garanties par les dix premiers amendements, et que les libertés du culte, d’expression et de la presse assurées par le Premier Amendement et imposées comme restrictions au gouvernement fédéral seraient en revanche appliquées contre tous les États.

Avant 1940, une seule affaire relative à la liberté du culte avait été portée devant la Cour suprême. Il s’agissait des cas David contre Beason (1890) et Reynolds contre États-Unis (1878)c, ayant trait au droit revendiqué par les Mormons de pratiquer la polygamie; les décisions relevaient du Premier Amendement. Les Mormons perdirent leur procès, car la constitution protège uniquement l’exercice du culte et non l’abus de cet exercice dans une pratique qui serait regardée comme une violation des lois morales.

EXERCICE DES LIBERTÉS GARANTIES DANS LE PREMIER AMENDEMENT

La position adoptée par les témoins de Jéhovah concernait leur mission de prêcher. Nous n’avons accepté aucun compromis, affirmant que nous considérions qu’en dépit du point de vue personnel d’un juge quelconque, notre activité consistant à aller de maison en maison pour diffuser les publications et présenter des sermons oraux, en bref la prédication, était notre façon d’adorer Dieu. Nous avons également pris le parti qu’il n’appartenait à aucun juge, fût-​il de la Cour suprême ou d’une autre cour du pays, de contester ou de nier que tel était notre mode d’adoration. Nous avons fait valoir que la décision prise par l’autorité ecclésiastique d’une organisation religieuse, quant à la qualification de ses ministres et au mode de prédication à observer par cette Église, était définitive et valable pour le monde entier. En conséquence, l’œuvre dans laquelle nous étions engagés n’était pas un abus de l’exercice du droit que garantit le Premier Amendement, mais constituait plutôt l’exercice de ce droit et ne devait donc pas être entravé. Les témoins de Jéhovah s’en tinrent strictement à ce principe fondamental pour défendre leur cause devant les tribunaux.

Nous étions également d’avis que les lois appliquées contre les témoins n’étaient pas de simples ordonnances, mais des restrictions, et que, bien que certaines lois puissent réglementer à juste titre la vente ou la prospection, il n’en reste pas moins vrai que lorsqu’elles sont dirigées contre la prédication des témoins de Jéhovah, elles portent atteinte à la liberté religieuse qui est garantie intégralement, ce qui équivaut à une interdiction.

Il importe de noter que les témoins de Jéhovah prirent aussi parti pour le principe juridique suivant lequel toutes les lois sont présumées constitutionnelles. En ce cas, les témoins déclarèrent que pour toutes les affaires dans lesquelles était impliqué le Premier Amendement, une loi employée pour restreindre la liberté religieuse devait être considérée comme invalide, c’est-à-dire anticonstitutionnelle.

En 1938, le cas Lovell contre la ville de Griffin fut présenté devant la Cour suprême des États-Unis. Dans l’affaire Lovell, l’accusé, un témoin de Jéhovah, avait été condamné sur la base d’une ordonnance de la ville de Griffin, en Géorgie, interdisant “la diffusion (...) des publications de toutes sortes (...) sans l’autorisation écrite du maire de la ville de Griffin”. Défendant leur position de ministres, les témoins de Jéhovah refusèrent de demander cette autorisation. Les cours ayant statué que les décrets municipaux adoptés sous l’autorité fédérale constituaient une action de l’État et touchaient par conséquent aux droits accordés par le Quatorzième Amendement, la Cour suprême accepta d’examiner l’affaire et ses membres décidèrent d’un commun accord que l’ordonnance en question était manifestement nulle et non avenue. Toutefois, l’argumentation des témoins de Jéhovah n’était pas essentiellement fondée sur la liberté religieuse, mais également sur la liberté de la presse. Cette décision favorable de la Cour était ainsi exprimée:

Nous pensons que l’ordonnance est nulle et non avenue. Quel que soit le motif qui a présidé à son adoption, par son caractère elle sape à sa base la liberté de la presse, en soumettant cette dernière à la censure et en la faisant dépendre d’un permis officiel. (...)

On ne peut défendre cette ordonnance en faisant valoir qu’elle concerne la diffusion et non la publication. “La liberté de diffusion est tout aussi essentielle à la liberté de la presse que la liberté de publier; en fait, si elle ne pouvait être diffusée, une publication n’aurait guère d’utilité.” Ex parte Jackson, 96 U.S. 727, 733d.

L’année suivante, en 1939, lors de la session du mois d’octobre, la Cour suprême des États-Unis disculpa un autre témoin de Jéhovah accusé d’avoir diffusé des publications de porte en porte sans autorisation à Irvington, dans le New Jersey. L’ordonnance en cause interdisait à “quiconque, sauf dans les cas prévus par la présente ordonnance, de colporter, de solliciter, de diffuser des circulaires et autres choses ou d’aller de maison en maison”. Suivant ce décret, il fallait se faire délivrer un permis par le chef de la police, qui procédait d’abord à une enquête, exigeait une photographie et relevait les empreintes digitales. Évidemment, les témoins refusèrent de soumettre à la censure leur œuvre venant de Dieu, et déployèrent leur activité de prédication sans demander d’autorisation. Ici encore il s’agissait d’une question de licence ou de permis, aussi la Cour décréta-​t-​elle:

Cette cour a caractérisé les libertés d’expression et de la presse comme étant des libertés et des droits individuels fondamentaux. Cette déclaration n’est pas vide de sens et n’a pas été faite à la légère. Elle reflète la conviction des auteurs de la constitution qui croyaient que l’exercice de ces libertés est le fondement même du droit des hommes libres de se gouverner. Elle souligne, comme le font de nombreux arrêts de cette cour, l’importance d’empêcher la limitation de la jouissance de ces libertés. (...)

Imposer une censure par le moyen de licences qui rendent impossible la libre diffusion d’imprimés porte atteinte au cœur même des garanties constitutionnellese.

Le troisième cas intéressant les témoins de Jéhovah et présenté à la Cour suprême est celui dont nous avons discuté il y a quelque temps; il s’agissait de faire passer le disque “Ennemis” sur un phonographe et de diffuser le livre portant le même titre. Ce fut l’affaire Cantwell contre Connecticut. Le décret du Connecticut invoqué dans ce cas interdisait les quêtes faites au profit d’œuvres religieuses ou de bienfaisance, sans autorisation accordée par le secrétaire du comité de défense des intérêts des citoyens du comté. En outre, une condamnation de droit civil était également prononcée pour délit contre l’ordre public, quand on faisait jouer sur un phonographe des disques attaquant les doctrines de l’Église catholique romaine. Défendant et justifiant la position des témoins de Jéhovah devant ces deux chefs d’accusation, voici, en partie, ce que décida la Cour suprême:

Nous déclarons que l’ordonnance, telle qu’elle est interprétée et appliquée contre les appelants, les prive de leur liberté sans procédure judiciaire dans les règles, ce qui est contraire au Quatorzième Amendement. La conception fondamentale de la liberté renfermée dans cet amendement embrasse toutes les libertés garanties par le Premier Amendement. Le Premier Amendement déclare que le Congrès ne promulguera pas de loi relative à la création d’une religion ni n’interdira le libre exercice du culte. Le Quatorzième Amendement a établi que le corps législatif des États était tout aussi incompétent que le Congrès pour décréter de telles lois. (...)

(...) Il ne fait pas de doute qu’un État peut protéger ses citoyens contre le colportage frauduleux. (...) Un État est également autorisé à réglementer la prospection en général pour ce qui est du moment et de la manière d’exercer cette activité, et cela dans l’intérêt de l’ordre, de la sécurité et de la convenance du public. Toutefois, faire dépendre d’un permis la prospection visant à perpétuer les idées ou systèmes religieux, permis qui est délivré suivant la décision prise par l’État qui détermine ce qui est une cause religieuse, revient à freiner illicitement l’exercice de la liberté assurée par la constitutionf.

Pour la première fois et à l’unanimité, la Cour suprême des États-Unis décida que les poursuites contre les témoins de Jéhovah constituaient une violation de la liberté religieuse garantie par la clause du Quatorzième Amendement contre l’ingérence de l’État.

Assisté du service légal de la Société, le juge Rutherford, lui-​même avocat autorisé à plaider devant la Cour suprême, déposa des dossiers sur ces affaires.

UN CHANGEMENT DÉCHAÎNE UNE VAGUE DE VIOLENCE

En juin 1940, l’affaire Gobitis a marqué un “recul dans les décisions libéralesg”.

THOMAS: Ne s’agit-​il pas du cas impliquant le salut au drapeau dont nous avons déjà parlé et à propos duquel la Cour d’appel des États-Unis s’était prononcée en faveur des témoins de Jéhovah?

JEAN: En effet. Mais quand cette affaire fut portée devant la Cour suprême des États-Unis en 1940, celle-ci annula le jugement établi en faveur des témoins par huit voix contre une. Le juge Harlan F. Stone fut le seul qui s’opposa à cette décision cruciale. Certains aspects du cas Gobitis ainsi que les conséquences de la décision de la Cour ont été exposés dans la biographie du juge Stone (qui fut par la suite nommé président de la Cour suprême). Voyons cela ensemble.

Par intervalles et sur une période de vingt ans, le juge Stone avait lutté sincèrement pour concilier la liberté et l’autorité à ce niveau délicat. (...) Jusqu’en 1940, à l’instar de la Cour elle-​même, il semblait hésiter entre deux points de vue. L’épreuve de force se produisit au printemps de cette année-​là. Alors, en parfaite contradiction avec la position que le juge Stone et d’autres avaient prise pour la liberté de pensée et de croyance, tous ses collègues approuvèrent la décision rendant le salut au drapeau obligatoire pour les témoins de Jéhovah. Le moment était décisif. Enfin, le juge Stone prit ouvertement position, seul.

En 1936, les enfants Gobitis, âgés de douze et dix ans, avaient refusé de se joindre aux autres élèves pour saluer le drapeau conformément à l’ordre donné par la direction de l’école de Minersville, en Pennsylvanie. Ils furent par suite renvoyés du lycée de la ville. Leur refus ne signifiait pas qu’ils étaient antipatriotes et n’aimaient pas leur pays. Cela indiquait simplement, selon leur compréhension des Écritures, que le salut au drapeau constituait une violation de l’ordre biblique interdisant de se prosterner devant une image. La requête du père pour leur réadmission parvint à la Cour suprême juste au moment où la Seconde Guerre mondiale allait être déclarée. La nation était en pleine effervescence, se préparant activement. Influencés, semble-​t-​il, par les temps et les circonstances, huit juges, ayant pour porte-parole le juge [Félix] Frankfurter, exprimèrent l’avis que la direction de l’école avait organisé une cérémonie tout à fait conforme au but consistant à protéger l’unité nationale — “le fondement de la sécurité nationale”, et “un intérêt qui occupe une place importante dans la hiérarchie des valeurs légales”.

La question fondamentale n’était nouvelle ni pour Stone ni pour Frankfurter. Dans le mémorandum qu’il avait adressé le 18 septembre 1918 au secrétaire de la guerre, Newton Baker, Frankfurter avait déclaré que les “objecteurs de conscience, qu’ils appartiennent à une secte ou non, (...) qui s’opposent d’une manière inflexible [que ce soit au service combattant ou non combattant] devraient être condamnés et emprisonnés”. “Je suggère, écrit Frankfurter, que ces absolutistes soient envoyés aux autorités du fort Leavenworth pour recevoir le traitement qu’ils méritent.” En revanche, Stone déclarait que “toutes les expériences faites par les hommes nous ont enseigné qu’il est impossible de supprimer ou de résoudre une question d’ordre moral, en faisant des martyrs de ceux qui défendent cette cause”. Le juge Stone s’en tint à cette conviction dans les cas des témoins de Jéhovahh.

L’avis contraire exprimé par Stone fut favorablement accueilli; on déclara qu’il était “non seulement raisonnable mais courageux”, ainsi que “l’un des avis contraires les plus remarquables de l’histoire américaine”. Les commentaires de la presse étaient tout aussi favorables. Il y eut 171 journaux importants qui condamnèrent la décision de la Cour, tandis qu’une poignée seulement l’approuva. Cependant,

en certains endroits, la hardiesse de Stone provoqua de violentes réactions. Une organisation d’anciens combattants de Boston réclama sa démission, au moyen d’une résolution qui disait: “En vous opposant à cette décision, vous avez donné le mauvais exemple et encouragé un plus grand nombre d’élèves à refuser de saluer le drapeau. Il ressort également de votre attitude que vous êtes soit un révolutionnaire ou un disciple de cette prétendue religion.”

Après que la Cour eut approuvé la décision rendant le salut au drapeau obligatoire, le sectarisme et le fanatisme religieux ainsi que le patriotisme irréfléchi se déchaînèrent. On disait des témoins de Jéhovah qu’ils “ne croient pas à la religion, que pour eux la religion est une supercherie consistant à amasser de l’argent en vendant les livres du Juge Rutherford”. Des comités pleins de zèle prirent sur eux d’imposer le respect du drapeau au moyen de la violence. Entre le 12 et le 20 juin 1940, des centaines d’attaques dirigées contre les témoins furent enregistrées au ministère de la Justice pour qu’éventuellement le FBI puisse y donner suite. À Kennebunkport, dans le Maine, la Salle du Royaume fut brûlée. À Rockville, dans le Maryland, à environ trente mètres de l’imposant bâtiment de la Cour suprême, la police se joignit aux émeutiers, perturbant une réunion biblique. À Litchfield, dans l’Illinois, un millier d’habitants encerclèrent soixante témoins qui allaient de porte en porte, brûlant leurs tracts et renversant leurs voitures. À Connersville, dans l’Indiana, l’avocat des témoins fut battu et conduit hors de la ville. À Jackson, dans le Mississippi, une organisation d’anciens combattants expulsa de la ville les témoins et leurs caravanes. Des incidents semblables eurent lieu au Texas, en Californie, dans l’Arkansas et dans le Wyoming. Le ministère de la Justice fit remonter l’origine de cette vague de violence à la décision prise par la Cour dans la première affaire du salut au drapeaui.

DES ACTES CONTRAIRES AUX PRINCIPES DES AMÉRICAINS

Cette vague de violence sans précédent fut accompagnée d’arrestations dont le nombre allait sans cesse croissant. Au cours des années 1940, 1941 et 1942, on a enregistré une moyenne annuelle de plus de 3 000 arrestations. Dans de nombreux cas, les autorités locales et les représentants de l’ordre public prirent part à cette activité illégale. Voici un autre rapport révélant les effets néfastes que produisit sur le public la décision relative à l’affaire Gobitis.

THOMAS [Il l’interrompt]: Je commence à croire de plus en plus que le juge Rutherford savait de quoi il parlait quand il mit en garde les Américains en 1938 contre la menace sans cesse croissante du fascisme aux États-Unis.

JEAN: Eh bien, voici quelques-uns des actes illégaux et contraires aux principes des Américains commis contre les témoins de Jéhovah au cours de cette période.

Les centaines de poursuites judiciaires n’ayant pas réussi à empêcher le peuple du Seigneur de chanter des louanges à Jéhovah de porte en porte et dans les rues, l’ennemi, agissant sous l’influence des démons, suscita une violente opposition, sous la forme d’émeutes dirigées contre les proclamateurs du Royaume. Ce genre de persécution se renouvela de nombreuses années plus tard, en commençant dans certains endroits de Pennsylvanie et de l’Ohio, en automne de 1939. La violence des émeutes atteignit son paroxysme en mai 1940, les troubles ayant débuté à Del Rio, au Texas, pour s’étendre immédiatement à d’autres villes de cet État et à de nombreux autres États.

Le 3 juin 1940, la Cour suprême décréta que la direction des écoles publiques pouvait exiger que les enfants saluent le drapeau et les renvoyer en cas de refus. Sous l’influence de la Hiérarchie catholique romaine, la presse américaine présenta cette conception sous un faux jour, disant que chaque individu devait saluer le drapeau. Après cette déformation des faits, la Légion [anti]américaine, qui subissait l’influence des démons, ainsi que la Hiérarchie catholique romaine excitèrent la violence qui avait déjà pris naissance au Texas et dans les environs, si bien que ces violentes émeutes se répandirent rapidement dans tous les États de l’Union américaine.

Depuis le mois de mai 1940, la Hiérarchie et la Légion américaine, passant outre à la loi, saccageaient tout au moyen de ces émeutes, causant des ravages indescriptibles. Les témoins de Jéhovah ont été attaqués, battus, enlevés, chassés des villes, des comtés et des États, enduits de goudron et garnis de plumes; on les a obligés à boire de l’huile de ricin, on les a attachés ensemble et chassés comme des bêtes dans les rues. Certains ont été castrés et autrement mutilés, ridiculisés et injuriés par des foules démonisées. Des centaines d’entre eux ont été emprisonnés sans raison et se sont vu refuser le droit de communiquer avec leurs parents, amis ou avocats. Des centaines d’autres ont été jetés en prison et tenus “en lieu sûr”; on a tiré sur certains pendant la nuit; d’autres, menacés d’être pendus, ont été battus jusqu’à ce qu’ils perdent connaissance. Des émeutes très variées ont été organisées. Un grand nombre de témoins ont été déshabillés, leurs vêtements ont été arrachés, on s’est saisi de leurs Bibles et d’autres publications pour les brûler publiquement. Leurs voitures, leurs caravanes, leurs maisons et leurs lieux de réunion ont été mis à sac et incendiés; les dommages s’élevèrent à de nombreux milliers de dollars.

Cette violence d’origine démoniaque s’est totalement emparée des foules et des autorités et cela dans des centaines de villes d’Amérique, à tel point que ces gens ont faussement accusé les témoins de sédition et d’autres crimes, comme celui d’être “contre le gouvernement”. Cette sorte de persécution embrasa le Kentucky, le Missouri et l’Indiana. Dans le Kentucky, dix frères sont en instance de jugement pour sédition, crime qui leur fait encourir une peine maximale de vingt et un ans de réclusion dans un pénitencier. Dans l’Indiana, deux pauvres femmes ont été condamnées à dix ans de pénitencier pour “sédition”, parce qu’elles possédaient des publications que la Légion américaine déclare être “contre le gouvernement”.

Dans de nombreux cas, où les jugements ont eu lieu dans des villes menées par des bandes d’émeutiers, les avocats comme les témoins de Jéhovah ont été malmenés et battus dans le tribunal même.

Dans presque tous les cas d’émeutes violentes, les représentants de l’ordre ne sont pas intervenus et ont refusé d’accorder leur protection; de plus, de nombreuses fois, ils ont pris part aux émeutes et certains d’entre eux sont allés jusqu’à en prendre la têtej.

Cette persécution devint si cruelle que le Procureur général des États-Unis, Francis Biddle, ainsi que Madame Éléonore Roosevelt, épouse du président des États-Unis d’alors, se sentirent dans l’obligation de faire une déclaration publique pour faire cesser de telles pratiques. Le Procureur général déclara, le 16 juin 1940, dans une émission radiodiffusée dans l’ensemble des États-Unis par le réseau de la N.B.C. (Compagnie nationale de radiodiffusion):

Les témoins de Jéhovah ont été attaqués et battus à maintes reprises. Ils n’avaient commis aucun délit; mais la foule les en a jugés coupables et leur a infligé des châtiments populaciers. Le Procureur général a ordonné une enquête immédiate sur ces actes de violence.

Les citoyens doivent être vigilants et se tenir sur leurs gardes et, par-dessus tout, faire preuve de calme et de bon sens. Étant donné que les violences perpétrées par la populace rendent la tâche du gouvernement infiniment plus difficile, celles-ci ne seront pas tolérées. Nous ne vaincrons pas le mal nazi en imitant ses méthodesk.

Ensuite, un groupe de personnes qui s’intéressent aux libertés civiles a publié une brochure dans laquelle elles décrivaient ces excès. En voici un court extrait:

Depuis la persécution des Mormons, qui remonte à de nombreuses années, aucune minorité religieuse n’a été aussi cruellement et généralement attaquée que les membres des témoins de Jéhovah, surtout au printemps et en été 1940. Ces attaques, qui ont alors atteint leur point culminant, sont le résultat de l’hostilité et de la discrimination qui règnent contre eux depuis plusieurs années.

Des documents, déposés au ministère de la Justice par les avocats des témoins de Jéhovah et par l’Union pour les libertés civiles américaines, faisaient état en 1940 de plus de 335 cas où, dans 44 États, la populace avait commis des actes de violence contre 1 488 hommes, femmes et enfants.

Les causes de cet extraordinaire déchaînement de violence étaient la crainte “patriotique” née du succès des armées nazies en Europe et la panique qui s’empara du pays à la pensée de l’invasion des États-Unis. De la Californie au Maine, cette angoisse se manifesta par la recherche de “membres de la Cinquième colonne” et de “Chevaux de Troie”, termes qui devinrent presque immédiatement populaires pour caractériser ceux que l’on pensait être opposés à la défense nationale.

Les témoins de Jéhovah furent l’objet d’une attaque immédiate et générale, principalement à cause de leur attitude à l’égard du salut au drapeau, attitude qu’ils avaient fait connaître en diffusant partout l’édition du 29 mai 1940 de leur périodique Consolation (angl.), qui relatait les détails sur l’audience, devant la Cour suprême des États-Unis, de l’affaire Gobitis relative au salut au drapeau. En raison de la décision du 3 juin 1940, reconnaissant à la direction scolaire le droit d’expulser de l’école les enfants de cette secte qui refusaient de saluer le drapeau, cette propagande fut considérée par quelques-uns comme séditieusel.

LE CONGRÈS DE 1940 EST UNE SOURCE D’ENCOURAGEMENT

Au cœur des batailles légales et tandis que la persécution des témoins atteignait son point culminant, la Société décida d’organiser un congrès. Vous pensez peut-être que le moment était mal choisi pour cela, mais vous verrez qu’il en fut tout autrement. Les témoins de Jéhovah étaient déterminés à persévérer en dépit de l’opposition, et les congrès ont toujours été une source d’unité et de force pour le peuple de Dieu, grâce à la nourriture spirituelle qui y est dispensée et à la compagnie fraternelle.

Ainsi, on procéda aux préparatifs de ce congrès qui devait avoir lieu à la foire commerciale de Columbus, dans l’Ohio, du 24 au 28 août 1940. Au même moment, des assemblées étaient organisées dans plus de trente autres villes des États-Unis. Elles devaient être reliées entre elles par téléphone pour ne former qu’un seul congrès. Cependant, suite aux pressions exercées par la Hiérarchie catholique romaine, les dirigeants de l’État de l’Ohio annulèrent le contrat et interdirent aux témoins d’employer la foire commerciale.

Immédiatement une pétition circula dans tout le pays, et en quelques jours seulement, 2 042 136 signataires demandaient au gouverneur Bricker et à l’Association de la foire commerciale de l’Ohio d’autoriser les témoins de Jéhovah à tenir leur assemblée chrétienne à la foire commerciale. Le gouverneur Bricker refusa d’accéder à la requête des pétitionnaires, aussi les témoins se trouvèrent-​ils dans l’obligation de chercher une autre ville clé.

Suite aux pressions exercées, nombre d’autres villes annulèrent les contrats, si bien que lorsque le moment vint de se réunir en assemblée, dix-huit villes seulement acceptèrent de recevoir les témoins. Quand la Société acquit la certitude qu’il ne fallait pas compter obtenir la foire commerciale de Columbus, la ville clé choisie fut Detroit, dans le Michigan, et en dépit de l’opposition, une assemblée eut lieu dans une série de grands garages reliés entre eux; elle remporta un vif succès. Le juge Rutherford, dont les forces déclinaient, put néanmoins se présenter trois fois devant l’auditoire. L’un des discours principaux était intitulé “Les temps et les saisons”. L’assistance à Detroit s’éleva à 35 000 témoins. À la fin de ce discours, on publia le livre Religion; les congressistes venus de toutes les parties du pays en emportèrent immédiatement 30 000 exemplaires. Le clou de l’assemblée fut le discours “La religion est-​elle le remède aux maux du monde?”. Il dénonçait particulièrement la fausse religion et la corruption des systèmes mauvais fonctionnant au nom de Jésus-Christ. Cette conférence fut gravée sur disques, ainsi qu’imprimée, et largement diffusée après le congrès.

Ce discours public du dimanche 28 juillet fut prononcé à Detroit devant un auditoire de 45 000 personnes, qui se pressaient sur les lieux mêmes du congrès et à la salle Eastern Star Temple; des milliers d’auditeurs se trouvant dans les rues et aux sorties des salles écoutaient le message retransmis par les haut-parleurs. Des lignes privées diffusèrent également la conférence dans le camp de caravanes, où 12 000 personnes s’étaient réunies. Les chrétiens rassemblés dans les dix-sept autres villes vinrent s’ajouter à ceux de Detroit, ce qui fait qu’au total 80 000 personnes écoutèrent cet exposé sur la religion. Les deux discours “Les temps et les saisons” et “La religion est-​elle le remède aux maux du monde?” ont été publiés dans la brochure intitulée Conspiration contre la démocratie.

D’autres points saillants du congrès furent la réunion avec les pionniers, la réunion de service modèle, l’étude de La Tour de Garde et la mise en service d’un phonographe à platine verticale, qu’on faisait fonctionner simplement en tournant un bouton, sans avoir à soulever le couvercle. Ce type de phonographe avait été conçu et fabriqué par les frères du Béthel de Brooklyn, et il était beaucoup plus adapté à l’activité de porte en porte. En outre, le no 6 de la feuille intitulée Nouvelles du Royaume fut publié lors de ce congrès et les frères en emportèrent plus de 2 000 000 d’exemplaires, afin de les diffuser immédiatement.

Même cette assemblée de Detroit s’était déroulée au sein d’une grande opposition. La Légion américaine et la Hiérarchie catholique de Detroit exercèrent de violentes pressions en vue d’interrompre la réunion et de faire annuler le contrat de location dont le prix avait été payé d’avance. Les témoins se trouvèrent dans l’obligation de faire garder les lieux vingt-quatre heures sur vingt-quatre, par de nombreux frères, et cela avant et pendant l’assemblée.

Des journalistes, des photographes et des représentants de presque tous les magazines étaient présents, en raison de l’intense persécution dont les témoins de Jéhovah avaient fait l’objet dans tout le pays; ainsi la presse donna aux témoins la plus grande publicité jamais vue jusque-​làa.

Nombre d’articles rédigés en cette période n’étaient pas favorables à ces chrétiens, toutefois certains le furent, témoin cet éditorial du Michigan Christian Advocate du 8 août 1940:

Voilà un groupe qui, en cette année 1940 de notre Seigneur, n’a pas honte de témoigner ouvertement pour Jésus-Christ. Il croit en Jésus et le fait connaître. À une époque où la religion a adopté une attitude fausse et compromettante, où certains membres des Églises considèrent leur adhérence comme une fin au lieu d’un commencement dans l’œuvre de témoignage sur le Christ et où un trop grand nombre d’entre nous hésitent à rendre témoignage par crainte d’être embarrassés, ces témoins se présentent sur la scène contemporaine comme un défi lancé contre notre contentement païen. (...)

En outre, chose qui importe certainement plus aujourd’hui que tout ce qui précède, c’est l’attention que cette secte a attirée sur le problème de la liberté religieuse, dans un pays qui se convertit rapidement au fascisme. Que ce groupe ne représente qu’une faible minorité ne change absolument rien aux principes de la liberté religieuse qui ont été transgressés par suite de la persécution qu’on lui a infligéeb.

De nombreuses personnes bien disposées furent éclairées par cette publicité et répondirent favorablement à notre œuvre de prédication.

LA POLICE ADOPTE DEUX ATTITUDES OPPOSÉES

Un peu plus d’un mois avant cette assemblée, le 14 juin 1940, jour anniversaire de l’adoption du drapeau, la ferme du Royaume située à South Lansing, dans l’État de New York, et appartenant à la Société, fut menacée par la foule. Le responsable de la ferme avait été averti par un homme âgé qui, la nuit précédente, avait surpris une conversation dans un café de South Lansing, selon laquelle la Légion américaine de l’ouest de l’État de New York convergerait le lendemain vers la propriété de la Société, pour incendier les bâtiments.

Le serviteur de la ferme prit immédiatement ce rapport en considération et avertit le shérif du comté de Tompkins, lequel prit également la nouvelle au sérieux. Ce shérif était désireux de faire respecter les lois, et bien qu’il ne disposât lui-​même que de quelques hommes, il décida d’empêcher toute violence. Il avait aussi eu vent de cette émeute dirigée contre la ferme et appela la police d’État en renfort.

Le 14 juin, à 6 heures exactement, des centaines de voitures firent leur apparition et se dirigèrent vers les bâtiments de la Société situés sur la Route 34. Dans chaque voiture il y avait quatre ou cinq hommes, mais la police était prête. La troupe de l’État et les shérifs adjoints protégeaient tous les bâtiments de la Société. En outre, la police de l’État avait promulgué une ordonnance spéciale, interdisant à tout véhicule de ralentir ou de stationner sur une longueur d’environ huit cents mètres, c’est-à-dire d’une extrémité de la propriété de la Société à l’autre. Des policiers étaient postés sur cette distance, afin de faire circuler les voitures; aucune n’était autorisée à s’arrêter, pour que ses occupants n’en descendent pas et ne mettent pas le feu aux bâtiments. La police resta sur les lieux jusqu’à plus de minuit, obligeant tous les véhicules à circuler. C’est ainsi que fut déjouée l’attaque de la ferme du Royaume. On estima le nombre des voitures à 1 000 et celui des manifestants à environ 4 000, venus de toutes les parties de l’ouest de l’État de New York, dans l’intention de détruire la ferme de la Société.

LOÏS: C’est encourageant de constater qu’il y eut quand même des autorités désireuses de faire leur devoir.

JEAN: Oui, et le fait qu’elles réussirent à enrayer de violentes émeutes met davantage en évidence la grande négligence de celles qui refusèrent d’accorder la protection de la police aux témoins de Jéhovah.

Mais tous les chefs de police ne furent pas aussi désireux de faire respecter la loi que le shérif du comté de Tompkins. En effet, un incident révoltant, illustrant la brutalité de la police, se produisit en Virginie occidentale. Le 29 juin 1941, sept témoins masculins se rendaient à Richwood, afin d’y prêcher. Trois d’entre eux passèrent à la mairie pour remettre au maire une lettre demandant la protection de la police au cours de leur prédication. Les quatre autres restèrent dans la voiture. Cette requête avait été jugée nécessaire, car un an auparavant, deux de ces témoins avaient reçu l’ordre de quitter la ville, parce qu’ils diffusaient des publications et faisaient circuler la pétition relative à l’assemblée nationale devant se tenir à la foire commerciale de Columbus, dans l’Ohio.

Le maire étant absent, on amena les témoins devant Bert Stewart, chef de la police de Richwood, et Martin L. Catlette, shérif adjoint du comté de Nicholas et membre de la Légion américaine. Catlette était l’un des six membres de la Légion américaine de Richwood qui avaient, l’année précédente, intimé l’ordre de quitter la ville aux témoins. La lettre sollicitant la protection de la police fut donc remise à Stewart, chef de la police, mais il n’y donna pas suite. Au contraire, les trois témoins furent poussés dans le bureau du maire que Catlette partageait en qualité de shérif adjoint et percepteur d’impôts, et on les retint alors que Catlette portait son insigne officiel et que le chef de la police gardait la porte.

Catlette appela au téléphone d’autres membres de la Légion américaine, disant entre autres choses: “Nous tenons ici trois de ces crétins et nous allons cueillir les autres!” Pendant qu’une foule d’environ 1 500 personnes se rassemblait, on amena les quatre autres témoins dans le bureau. Alors Catlette ôta son insigne de shérif adjoint et déclara: “Ce qui se fera à partir de maintenant ne sera pas fait au nom de la loi.” On força trois des témoins à ingurgiter un quart de litre d’huile de ricin, et à un autre qui protestait on ordonna d’en boire un demi-litre, après qu’un docteur l’eut menacé avec une pompe stomacale.

Les sept témoins furent ensuite attachés ensemble avec une longue corde, à environ un mètre les uns des autres, et on les fit marcher jusque devant le bureau de poste de Richwood, sur le toit duquel flottait le drapeau américain. Catlette lut les préliminaires de la constitution de la Légion américaine, et toutes les personnes présentes saluèrent le drapeau, à l’exception des témoins. On les conduisit ensuite, toujours liés, à travers les rues de Richwood et au-delà de ses limites. On les relâcha hors de la ville en leur enjoignant de ne plus reparaître, et on leur rendit leur voiture, qui avait été endommagée, enduite d’huile de ricin et décorée d’inscriptions peu flatteuses.

À partir du moment où ils avaient pénétré dans le bureau du shérif adjoint, c’est-à-dire à 9h.30 du matin, jusqu’à trois ou quatre heures de l’après-midi, quand ils furent libérés, les témoins n’avaient ni mangé ni bu, à l’exception de l’huile de ricin, et on leur avait interdit d’aller aux toilettes.

Catlette et Stewart furent condamnés pour avoir transgressé la loi sur les droits civiques, en conspirant dans le but d’enlever aux témoins de Jéhovah leurs droits de prêcher l’évangile et d’expliquer leur refus de saluer le drapeau américain par motif de conscience. Condamné par le tribunal de district des États-Unis, pour le district sud de la Virginie occidentale, Catlette interjeta appel, mais la Cour d’appel de la quatrième circonscription des États-Unis confirma la décision prise par le tribunal inférieur et déclara entre autres:

L’argument de Catlette n’a conséquemment pas plus de valeur que l’idée selon laquelle un officier peut se dissocier lui-​même de ses devoirs officiels simplement en ôtant son insigne avant d’adopter une ligne de conduite illégale et, ce faisant, s’absolvant avec insouciance de toute culpabilité pour avoir commis des actes répréhensibles. Nous devons condamner cette suggestion insidieuse selon laquelle un officier peut se défaire avec légèreté de son rôle officiel. Accepter un tel dualisme juridique équivaudrait à détruire les protections constitutionnelles et à rendre dérisoire l’application de la loic.

Catlette fut condamné à une amende de 1 000 dollars et à un an de détention à la prison fédérale de Mill Point, en Virginie occidentale.

LOÏS: Quand je pense à toute cette opposition et aux violentes émeutes, je me demande comment vous êtes parvenus à poursuivre votre œuvre.

JEAN: Il est de fait que ce fut une période d’épreuve même pour les États-Unis, mais dans ce pays au moins l’œuvre n’a pas été considérée comme illégale, si bien que nous n’avons pas été forcés d’entrer dans la clandestinité. Ainsi, en ces jours de batailles légales et de combat contre les foules démonisées, les témoins de Jéhovah jouirent d’une liberté relative, leur permettant d’accomplir la volonté divine, affermissant la structure théocratique de l’organisation et augmentant ainsi sa maturité.

Il conviendrait maintenant de considérer les différentes modifications apportées dans les méthodes de prédication, car les années à venir devaient voir des changements décisifs dans le programme d’instruction suivi par la Société.

[Notes]

a a Matthieu 10:22.

b b Defending and Legally Establishing the Good News (1950), pp. 14, 15.

c c 133 U.S. 333, 10 S. Ct. 299, 33 L. Ed. 637 (1890); 98 U.S. 145, 25 L. Ed. 244 (1878).

d d Lovell contre ville de Griffin, 303 U.S. 444, 451, 452, 58 S. Ct. 666, 669, 82 L. Ed. 949 (1938).

e e Schneider contre New Jersey, 308 U.S. 147, 161, 164, 60 S. Ct. 146, 150, 151, 152, 84 L. Ed. 155 (1939).

f f Cantwell contre Connecticut, 310 U.S. 296, 303, 306, 307; 60 S. Ct. 900, 903, 904, 905, 84 L. Ed. 1213 (1940).

g g Minnesota Law Review, Vol. XXVIII, No 4, mars 1944, p. 227.

h h Harlan Fiske Stone, de Alpheus Thomas Mason (New York, 1956: The Viking Press), p. 525.

i i Ibid., pp. 531-533.

j j Annuaire (angl.) 1941, pp. 96, 97.

k k Dossier des défendeurs, West Virginia Board of Education contre Barnette, p. 74.

l l The Persecution of Jehovah’s Witnesses [La persécution des témoins de Jéhovah], publié par l’Union américaine des libertés civiles, janv. 1941, p. 3.

a m Annuaire (angl.) 1941, pp. 87-92.

b n Ibid., pp. 43, 44.

c o Catlette contre États-Unis, 132 F. 2e 902, 906 (1943).

[Illustration, page 179]

“ENNEMIS”, 1937.

[Illustration, page 180]

VOITURES RENVERSÉES PAR DES ÉMEUTIERS, LE 16 JUIN 1940, À LITCHFIELD, DANS L’ILLINOIS.

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