Chapitre 7
Les racines de l’opposition sont mises à nu
THOMAS: La semaine dernière, vous nous avez dit, Jean, que les conducteurs religieux se sont efforcés de répondre à Russell sur le plan doctrinal. Comment s’y sont-ils pris?
JEAN: Il s’agissait d’un effort restreint, Thomas, qui n’a pas vraiment servi leurs intentions. À mesure que la distribution de milliers et de milliers de tracts et de brochures bibliques couvrait un territoire toujours plus vaste, dont le centre était Pittsburgh (en Pennsylvanie), l’opposition du clergé devenait de plus en plus évidente. Les chefs religieux éminents se sentaient obligés de réagir. Ils tenaient rigueur à quiconque ne reconnaissait pas à l’Alliance évangélique le droit de parler de la Bible avec autorité. Étant donné que Russell n’était pas sorti de l’une des écoles de théologie appartenant aux sectes importantes qui adhéraient à cette alliance, ces ecclésiastiques ridiculisaient Russell comme président de la Société Watch Tower, lui reniant surtout le droit d’être appelé “pasteur”. Pour forger et répandre des mensonges scandaleux sur Russell et les divergences qui le séparaient de sa femme, ils ont eu recours à certains journaux sans scrupules, tout disposés à leur servir d’instruments docilesa.
Puis, le 10 mars 1903, l’alliance des pasteurs s’est efforcée de répondre aux explications que Russell donnait de la Bible, en choisissant un homme très cultivé et versé dans l’art de l’argumentation. Le débat public devait durer six jours. En réalité, il s’agissait là d’une nouvelle tentative visant à discréditer Russell et à le faire passer pour un “homme ignorant et sans instruction”. Quant à l’adversaire de Russell, un certain Dr E. L. Eaton, il était ministre de l’Église méthodiste épiscopale, North Avenue, Pittsburgh. En toute bonne foi, Russell a accepté cette offre dans les deux jours; et finalement, c’est à l’automne de la même année que les débats ont eu lieu au Carnegie Hall de Pittsburgh devant des auditoires qui battaient tous les records.
Le premier point a été débattu le dimanche après-midi 18 octobre. Eaton affirmait que, d’après la Bible, la grâce divine est intervenue en faveur du salut depuis la chute de l’homme et qu’il n’y aura plus d’épreuve après la mort. Russell a réfuté cette affirmation avec les Écritures.
Deuxième débat: Mardi soir 20 octobre. Russell affirmait que la Bible enseigne clairement que les âmes des morts sont inconscientes quand leurs corps reposent dans la tombe. Eaton a soutenu le contraire.
Troisième débat: Jeudi soir 22 octobre. Eaton affirmait que, selon la Bible, tous ceux qui seront sauvés deviendront des créatures spirituelles qui iront au ciel après le jugement dernier. Russell a nié cela.
Quatrième débat: Mardi soir 27 octobre. Affirmant que d’après la Bible seuls les “saints” de l’âge évangélique participeront à la “première résurrection”, Russell soutenait également que de vastes multitudes seraient sauvées lors de la résurrection suivante. Eaton n’était pas d’accord.
Cinquième débat: Jeudi 29 octobre. Russell affirmait que, d’après la Bible, le but de la seconde venue du Christ et du Millénium était de bénir toutes les familles de la terre. Eaton n’a pas admis cette explication.
Sixième et dernier débat: Dimanche 1er novembre. Eaton affirmait que, selon la Bible, le châtiment divin du péché, qui sera finalement infligé aux incorrigibles, consistera en de grandes et inconcevables souffrances, de durée éternelle. Russell a vigoureusement nié cette doctrine du feu de l’enferb.
MARIE: Je me souviens d’une histoire intéressante racontée par des personnes qui ont assisté aux débats. Inutile de dire que tous les frères s’y sont rendus, ainsi que des milliers de méthodistes et des adeptes d’autres religions qui habitaient dans la région de Pittsburgh. Quelle n’a pas été la surprise de Russell à son arrivée dans la salle, le premier soir, en voyant que le Dr Eaton n’était pas seul, mais que plusieurs autres pasteurs éminents, qui avaient pris place au fond de l’estrade, formaient un comité! Eaton recevait fréquemment des billets de ces hommes-là, ce qui lui a permis de tenir bon pendant tout le débat. Quant à Russell, il était seul à se défendre. Aussi pouvait-on voir dans une publication, quelques années plus tard, un dessin humoristique représentant le pasteur Russell sous les traits de Daniel dans la fosse aux lions.
LE “FEU DE L’ENFER” EST ÉTEINT
LOÏS: Quel a été le résultat de ces débats?
JEAN: Dans l’ensemble, Russell est sorti victorieux de chacun de ces six débats, et surtout du dernier sur l’enfer. On rapporte qu’un pasteur, ayant suivi le dernier débat et reconnu cette victoire, est allé dire à Russell: “Je suis content de vous voir arroser l’enfer pour en éteindre les flammesc.” Par la suite, de nombreux membres de la communauté d’Eaton sont devenus témoins de Jéhovah. Disons, en passant, qu’il y a encore de nos jours des frères âgés qui sont dans la vérité et qui étaient de ce nombre. Voilà une preuve éclatante du pouvoir de la vérité contre les fausses doctrines de l’apostasie.
THOMAS: Je n’ai jamais pu comprendre comment certains peuvent accepter la doctrine de l’“enfer”. Il n’est pas raisonnable de croire qu’un Dieu — dont on dit qu’il est l’amour même — soit capable de créer un lieu pareil.
LOÏS: Je n’y crois pas vraiment non plus. D’ailleurs, notre Église n’enseigne plus guère l’enfer. Je ne me rappelle pas y avoir entendu un seul sermon sur l’enfer depuis mon enfance.
JEAN: C’est fort possible, Loïs. Mais ce changement dans les enseignements de l’Église n’a pas été uniquement provoqué par l’avènement des connaissances scientifiques. C’est bien plus comme ce ministre l’avait dit au pasteur Russell: par leur vaste campagne d’instruction biblique, les premiers étudiants de la Bible ont bel et bien éteint le feu de l’enfer, au sens figuré. Tout cela a suscité une telle colère chez certains éminents chefs religieux et chez certains évangélistes en vue, qu’ils ont souvent désigné ironiquement les premiers témoins sous le nom d’“anti-infernalistes”. À vrai dire, ce sobriquet donne une fausse idée sur les témoins de Jéhovah, car ils croient effectivement au “Schéol” de la Bible, traduit par “enfer”, mais ce mot ne signifie pas un lieu de tourments. La Bible révèle clairement que l’enfer est la tombe commune aux hommes, où vont les personnes décédées, pour y rester jusqu’à la résurrection.
L’enfer a été l’un des thèmes dont le pasteur s’est énormément servi. Ainsi, parmi ses discours les plus populaires, on trouvait celui-ci: “Voyage en enfer, aller et retour”. Pendant les années 1905 à 1907, Russell a parcouru tous les États-Unis et le Canada en train spécial ou en automobile. Il prenait la parole devant une série d’assemblées d’un jour, au programme desquelles figurait cette conférence publique. Celle-ci a été prononcée devant des salles combles, dans presque chaque grande ville des deux paysd.
Dans cet exposé remarquable, Russell faisait faire à son auditoire un voyage humoristique, piquant et imaginaire, jusqu’en enfer et retour. Les arguments irréfutables qu’il y exposait, et ceux que les étudiants de la Bible présentaient pendant toute cette période, ont laissé une impression durable chez beaucoup de personnes.
Nombreuses sont les histoires intéressantes que l’on raconte de ce temps-là sur la “voiture des congressistes” et le “train des congressistes”. À Oakland, en Californie, par exemple, les frères n’avaient pas pu trouver de salle assez grande pour la foule considérable qu’on attendait. Aussi le frère responsable des préparatifs a-t-il retenu la plus grande église méthodiste de la ville pour la conférence publique du dimanche après-midi. Les signataires du contrat ne connaissaient pas le titre de la conférence qui allait être donnée dans leur église. Selon l’habitude, la distribution des invitations s’est faite une ou deux semaines avant la conférence. C’est par milliers que les gens étaient invités à venir l’écouter. Une annonce payante paraissait en outre dans les journaux et sur de grandes affiches: “Venez écouter la conférence ‘Voyage en enfer, aller et retour’ par C. T. Russell, à l’église méthodiste d’Oakland.”
Les “aînés” de cette Église étaient furieux et voulaient rompre le contrat sur-le-champ. Leur avocat les a avertis qu’ils pouvaient le rompre, mais que si Russell leur intentait un procès, ils devraient s’attendre à être condamnés à payer la somme qu’il exigerait. La meilleure des choses à faire, d’après leur avocat, c’était de donner l’ordre au portier de ne pas se présenter à l’heure prévue.
Fidèle à son habitude, le pasteur Russell arrive une heure avant le début de la conférence. À sa grande surprise, beaucoup de gens se trouvent à l’extérieur de l’église. Comme il veut savoir ce qui se passe, les frères responsables s’empressent de lui expliquer qu’ils ne peuvent pas faire ouvrir l’église parce que le portier ne s’est pas présenté. Sur quoi, Russell leur demande: “Nous avons bien un contrat, n’est-ce pas? Et un acompte a été versé?” Quand les frères répondent affirmativement, il leur dit: “Bon, légalement, cette église est notre propriété pour quelques heures. Si nous ne pouvons pas y entrer par la porte principale, que l’un des frères passe par le sous-sol et qu’il ouvre la porte aux gens.” C’est ce que les frères ont fait, et leur grande assemblée s’est déroulée avec succès dans l’église méthodiste d’Oakland.
L’OPPOSITION NE RÉUSSIT PAS À ARRÊTER L’ACCROISSEMENT
THOMAS: On peut dire que Russell était non seulement un homme courageux mais aussi plein de ressources.
JEAN: En effet. Il ne se laissait pas facilement détourner de ce qu’il reconnaissait être une tâche venant de Dieu. Il était fermement convaincu que l’œuvre qu’il accomplissait était conforme à la volonté divine à l’égard de toutes les personnes honnêtes et chrétiennes. Aussi était-il déterminé à s’acquitter de sa responsabilité en faisant appel à toutes ses capacités. Or toute l’opposition provoquée contre Russell et l’organisation ne pouvait arrêter sa progression. De nos jours, où nous avons l’habitude des méthodes et des avantages scientifiques avancés, il est difficile de se faire une idée du zèle et de l’activité dont ces premiers témoins ont fait preuve. Quoique peu nombreuse, cette troupe de témoins fidèles ne s’est laissé effrayer ni par l’opposition ni par la tâche immense à accomplir.
L’œuvre s’étendait de plus en plus, et l’organisation prenait de l’extension. Peu avant les débats qui devaient opposer Eaton à Russell, en 1903, Russell a entrepris son deuxième voyage à travers l’Europe. À cette époque, il a établi une filiale de la Société en Allemagnee. L’année suivante, une filiale a été créée en Australief. Vers la même époque les semences de la vérité sont tombées dans une bonne terre, dans la lointaine Afrique du Sudg, au Japonh, et aux Antilles britanniques. À Kingston, à la Jamaïque, a été tenu un congrès auquel ont assisté 400 personnes, et 600 ont écouté la conférence publiquei. L’expansion s’est également poursuivie aux États-Unis. En 1908, il a été possible de tenir un congrès à Put-in-Bay, dans l’Ohio, du 29 août au 7 septembre. Selon les estimations, l’assistance aurait atteint 4 800 personnesj.
On continuait à distribuer les écrits par millions d’exemplaires. Quant aux abonnés à La Tour de Garde, ils étaient alors au nombre de 30 000, dont des milliers participaient à l’œuvre consistant à porter les vérités bibliques à ceux qui désiraient ardemment connaître la Parole de Dieu. De plus, pour faire face à la demande croissante de vérités bibliques, pour répondre aux objections soulevées par le clergé de la chrétienté, et pour marcher de pair avec les flots de vérités à mesure que celles-ci se révélaient de façon progressive à ces sincères étudiants de la Bible, de nouveaux écrits sortaient continuellement de presse. Quant aux vérités qui, au début, n’avaient été comprises qu’en partie, elles étaient passées au crible et au creuset.
THOMAS: Est-ce qu’il n’y eut qu’un seul débat, celui entre Eaton et Russell?
JEAN: Non. En 1908, le protestantisme a trouvé un autre défenseur pour sa cause en la personne de L. S. White, “aîné” des “Disciples du Christ” — l’un des plus grands groupements du sud des États-Unis. Misant sur la popularité grandissante de Russell et sa faculté d’attirer par ses discours des foules énormes, ce groupement proposait un débat public dans l’espoir que celui-ci apporterait un renouveau parmi les “Disciples du Christ”. Le pasteur Russell se méfiait cependant de leurs intentions. Aussi la Société a-t-elle discrètement convoqué un congrès de huit jours à Cincinnati, dans l’Ohio, qui devait avoir lieu en même temps que le débat. On avait compris que, sans cette précaution, la petite congrégation de Cincinnati serait surpassée en nombre par la nuée de “Disciples du Christ” qui allaient venir. Comme prévu, les six débats qui figuraient au programme ont eu lieu du 23 au 28 février 1908. Des milliers de personnes étaient là. Elles ont pu constater avec quelle aisance Russell a remporté la victoire. C’est qu’il était passé maître dans l’art des débatsk. Le journal Cincinnati Enquirer a publié des photos de Russell et de White, ainsi que le texte intégral des débatsl. Le succès obtenu par cette série de débats publics permet sans doute de mieux mesurer à quel point le mouvement religieux de White a échoué. En effet, alors que 2 100 personnes ont assisté à la dernière séance du congrès tenu par les étudiants de la Bible, le dimanche après-midi 1er mars, White pour sa part n’a pu réunir le même jour qu’un total de 31 personnes (lui-même y compris) pour sa première réunion de renouveau religieux. D’autres adversaires ont encore voulu engager des débats, mais au dernier moment ils se sont désistésa.
L’ENNEMI FRAPPE DEPUIS L’INTÉRIEUR
LOÏS: Est-il jamais arrivé au pasteur Russell d’avoir des difficultés avec quelqu’un faisant partie de l’organisation?
JEAN: Si. Il a toujours existé des gens qui permettent à l’égoïsme, à l’orgueil et à l’ambition de voiler leur vision. Mais leur opposition servait simplement à mettre à l’épreuve la qualité et le degré d’intégrité du canal dont Dieu se sert. Vous vous rappelez comment, au début, Barbour avait créé des difficultés en s’opposant à la doctrine de la rédemption. Or, peu de temps après, l’un de ceux qui avaient survécu à cette épreuve est devenu la proie de la critique biblique, et il a essayé de se faire des adeptesb.
Quant au criblage qui s’est produit peu après, il a démontré combien il est fatal de chercher à concurrencer le canal du Seigneur, même pour celui dont les intentions sont bonnes. À ce propos, écoutons Russell nous parler d’un autre collaborateur qui
proposa de fonder un autre journal aligné sur LA TOUR DE GARDE, de republier certaines données faciles concernant le plan de Dieu et d’être une sorte de missionnaire donnant un enseignement primaire. Sachant qu’il avait une claire compréhension de la rançon, je lui souhaitai bonne chance, et j’envoyai un spécimen de son journal “L’astre du jour de Sion” (Zion’s Day Star) — qui a cessé de paraître il y a de nombreuses années — à nos quelque dix mille lecteurs (...). Or, au bout d’une année, cet homme avait totalement sombré dans l’incroyancec.
Ensuite, d’autres semences de rébellion prenaient racine dans l’organisation, peu après 1890. Certains collaborateurs en vue s’opposaient au pasteur Russell pour tenter d’avoir la haute main sur la Société. Peu de temps après le congrès de Chicago, Illinois, en 1893, ces conspirateurs se préparaient à faire exploser leur “bombe”, laquelle, du moins ils l’espéraient, ruinerait la popularité de Russell et l’achèverait comme président de la Société. Cette tentative a causé beaucoup de soucis et de chagrin au pasteur Russell. Mais quand tous les faits ont été connus au grand jour, il a été réhabilité, tandis que ceux qui avaient comploté contre lui ont rapidement été perdus de vue, et l’œuvre s’est poursuivie sans euxd.
Voilà qu’autre chose est venu se greffer là-dessus. Depuis plusieurs années, Mme Russell était directrice et membre du bureau de la Société. Elle servait en qualité de secrétaire et de trésorière. De plus, elle était co-rédactrice de La Tour de Garde, et elle écrivait régulièrement des articles pour les colonnes de ce périodique. Au moment où se tramait le complot dont nous venons de parler, Mme Russell visitait un certain nombre de congrégations pour y prendre la parole en faveur de son mari. Comme c’était une femme brillante et instruite, on lui réservait partout un bon accueil; à tel point, en fait, qu’elle a voulu en tirer profit pour mieux asseoir sa position et pouvoir décider de ce qui devait être publié dans La Tour de Garde. Cette ambition allait causer sa perte. En effet, elle présente une ressemblance frappante avec celle de Marie, sœur de Moïse, qui s’était révoltée contre son frère, le chef d’Israël, et avait cherché à jouer un rôle important dans la natione. Quand Mme Russell a constaté qu’aucun de ses articles ne serait publié tant qu’il ne s’accorderait pas avec les vues bibliques exprimées dans La Tour de Garde, elle a été fort troublée. Finalement, sa rancune croissante l’a amenée à rompre toutes relations avec la Société et avec son mari. Cette rupture a obligé Russell à procurer un foyer séparé à sa femme; il dut en outre lui verser une pension.
Des années plus tard, soit en 1906, après un procès fait dans les formes, la séparation a été déclarée légale, et le tribunal a condamné Russell à verser à sa femme une indemnité de plusieurs milliers de dollars. En raison de certaines déclarations faites au cours de ce procès, les adversaires du pasteur Russell ont cherché depuis à faire passer ce dernier pour un homme immoral qui n’aurait pas été qualifié pour le poste qu’il occupait alors dans le domaine religieux. Pourtant, la feuille d’audience montre clairement que de telles accusations sont fausses. Dans un récit publié plus tard, il est dit à ce propos:
Que Mme Russell elle-même ne croyait pas et n’a jamais cru que son mari se fût rendu coupable d’une conduite immorale, cela ressort de la feuille d’audience [du tribunal] sur laquelle est inscrite cette affaire. D’après cette feuille (à la page 10), c’est son propre avocat-conseil qui posa à Mme Russell cette question: “Voulez-vous dire que votre mari est coupable d’adultère?” Réponse: “Nonf.”
LOÏS: Ce dut être un temps d’épreuve très pénible pour le pasteur Russell.
MARIE: Effectivement. Mais il était conscient de ce qui en résulterait pour lui personnellement et de ce que ses ennemis chercheraient à en dire dans la presse. Voici l’attitude qu’il a toujours adoptée: pour être serviteur de Dieu, il ne pourrait jamais abandonner les principes divins, ni la ligne de conduite tracée dans les Écritures. Aussi a-t-il fait la seule chose qui lui restait à faire dans ces circonstances.
UNE ÉPREUVE PAREILLE AU “CRIBLAGE DU BLÉ”
JEAN: Au dire des contemporains du pasteur Russell encore en vie aujourd’hui, qui l’ont connu de près et qui ont eu des contacts personnels avec lui, ils n’ont jamais connu homme plus intransigeant pour ce qui est des principes. Le récit de sa vie leur donne raison. Il plaçait sa foi en Jéhovah Dieu, et il a maintenu cette attitude dès le début. Voilà pourquoi sa position était justifiée.
De temps en temps, d’autres hommes ont tenté d’usurper le poste occupé par le pasteur Russell, mais ils ont tous échoué. Voici ce que Russell a dit plus tard en commentant ces tentatives:
Depuis des années, jour et nuit, nous mettons les chers frères en garde contre les épreuves qui se produiront au temps de la moisson et qui viendront sûrement de ce côté-là, et nous les avertissons que la loyauté suprême envers Dieu, sa Parole et sa providence se manifestant dans l’Église, mettrait à l’épreuve notre amour pour les frères. Il est sûr, également, que nous avons longtemps averti les chers amis que même si nous attirions leur attention sur les vérités antérieures, ils devraient les revêtir telle une armure, sinon ils ne seraient pas prêts lorsque l’Adversaire lancerait ses attaques.
Il fallait bien s’attendre à ce que notre rusé Adversaire tentât d’empêcher le peuple de Dieu de revêtir et de s’attacher l’armure complète de Dieu. Plus encore, il cherche à implanter des préjugés contre les instruments mêmes que Dieu fournit pour protéger les “pieds” du Christ, en ce mauvais jour. — Psaume 91:11, 12.
De différents côtés, il a été porté à notre connaissance que les conducteurs de classes d’étude exigeaient que l’on ne se référât pas aux publications de LA TOUR DE GARDE pendant les réunions, mais uniquement à la Bible. Cela paraissait loyal envers la Parole de Dieu, mais il n’en est rien. Les efforts de ces instructeurs tendaient uniquement à les interposer entre le peuple de Dieu et la lumière divine répandue sur la Parole de Dieu.
Rappelons-nous que Satan se tient derrière une telle manœuvre! Il se fait passer pour un ange de lumière et un défenseur de la Bible; aussi a-t-il réussi à aveugler des millions de personnes qui possèdent la Bible et qui la lisent régulièrement dans les cercles bibliques! Pourquoi donc serait-il plus déloyal envers la Bible de consulter les publications de LA TOUR DE GARDE concernant la signification d’un verset des Écritures que de consulter le conducteur de la classe d’étude ou un membre quelconque de la classe? (...)
D’autre part, nous tenons à avertir tous les frères que Satan cherchera sûrement à leur faire adopter une attitude contraire: celle d’apprendre, tel un perroquet, à répondre aux questions béréennesg en lisant ce qui est imprimé, sans comprendre. Les questions devraient d’abord être discutées librement par tous, et puis, avant de passer à la question suivante, on devrait considérer, discuter et comprendre la réponse fournie par l’AURORE. N’oubliez jamais que la Bible est notre fondement, et que même si nos guides bibliques viennent de Dieu, ce ne sont que des “guides”; il ne faut pas qu’ils remplacent la Bibleh.
Voilà une nouvelle preuve que l’homme tombe facilement dans les extrêmes. C’est bien pourquoi les Écritures ne cessent d’exhorter le chrétien à faire preuve d’équilibre dans tous ses efforts. Pour conclure son exposé sur les résultats de ces épreuves, Russell déclare:
Dans l’ensemble, le “criblage comme le blé” semble produire un effet de respect mêlé de crainte chez ceux qui ont gardé une vue claire des choses, en les rendant plus circonspects, en les rapprochant tant du Seigneur que les uns des autres. L’effet semble contraire chez les autres. Ils ont l’air contents de “s’éloigner”, impatients qu’ils sont de provoquer des divisions et de se vanter de leur “liberté”. Ne tolérant pas qu’une minorité l’emporte sur eux, ils réprouvent la majorité en la traitant méchamment d’“esclaves” vivant dans la “servitude babylonienne”, etc.
Or il semblerait que presque chaque cas de déviation doctrinale et d’aveuglement ait été précédé, plus ou moins, d’un empoisonnement de l’esprit par la calomnie, la médisance et les mauvais soupçons. C’est par de telles racines d’amertume, qui ne tardent pas à se développer, que l’Adversaire ouvre la voie à l’erreur, dans presque chaque cas. (...)
Ayez l’œil sur ceux qui causent les divisions et les occasions de chute par des choses qui ne sont pas selon la doctrine que vous avez apprise, et évitez-les (Rom. 16:17, 18). Ne rendez point mal pour mal, ou injure pour injure; mais quand vous pensez à eux et quand vous parlez d’eux, faites preuve d’un amour compatissant, et faites de même pour tous les hommes que l’Adversaire a troublés (II Cor. 4:4)i.
LOÏS: Comment ne pas éprouver de plus en plus de respect pour l’attitude du pasteur Russell à mesure que l’on interroge les faits? Nul ne peut nier qu’il a travaillé dans des conditions extrêmement pénibles; or il est certain que les résultats de son travail parlent en sa faveur. Je suis sûre qu’à sa place beaucoup d’autres hommes auraient penché d’un côté ou de l’autre, sous la pression.
JEAN: Mais il ne faudrait pas non plus oublier, Loïs, que le pasteur Russell n’a jamais attribué à l’une de ses qualités le moindre résultat provenant de son travail. Il a toujours reconnu que sa force lui venait de Dieu, qui le guidait. Et lorsqu’on a réuni toutes les preuves, nulle autre conclusion n’est possible.
[Notes]
a a A Great Battle in the Ecclesiastical Heavens (1915), par J. F. Rutherford, pp. 7-10, “Unholy Alliance”.
b b w 1903, p. 391; pour le texte intégral de chacun des six débats, voir la Pisttburgh Gazette, édition spéciale, 2 nov. 1903.
c c A Great Battle in the Ecclesiastical Heavens (1915), par J. F. Rutherford, p. 10.
d d w 1905, p. 224; w 1907, p. 112.
e e w 1903, p. 197.
f f w 1904, p. 82 [voir aussi wF août 1904, p. 60].
g g w 1907, pp. 54-56.
h h w 1907, pp. 215, 216.
i i w 1905, p. 326.
j j w 1908, p. 275.
k k Idid., pp. 19, 70.
l l Cincinnati Enquirer, 15 août 1908.
a m w 1908, pp. 8, 18.
b n w 1916, pp. 173, 174.
c o w 1916, p. 175.
d p w 1894, pp. 163-174.
e q Nombres 12:1-15.
f r A Great Battle in the Ecclesiastical Heavens (1915), par J. F. Rutherford, pp. 16-19; voir aussi w 1906, pp. 211-227.
g s Ce nom dérive des premiers chrétiens de Bérée, connus pour leur méthode d’étude (Voir Actes 17:11). Il fut d’abord appliqué aux études spéciales de la Bible, sujet par sujet, destinées à la considération analytique en groupe (w 1902, p. 159; wF 1913, p. 82 “Avis”, et wF 1914, p. 16); par la suite, ce nom fut appliqué aux questions établies pour l’étude en groupe de La Tour de Garde (w 1922, pp. 146, 159; wF nov. 1922, p. 19).
h t w 1909, p. 371.
i u Ibid., p. 372.