Chapitre 8
Une activité intense, en attendant 1914
LOÏS: Les divisions qui se sont produites dans l’organisation et l’opposition qu’on a soulevée contre Russell ont-elles sérieusement porté atteinte à l’œuvre, Jean?
JEAN: Non, pas au point de la compromettre. En fait, le pasteur Russell disait que de telles épreuves servaient à rapprocher les survivants. Ceux qui se sont détachés de l’organisation, à un moment donné, étaient d’ailleurs peu nombreux. Quant à Russell et à ses collaborateurs, ils avaient de quoi être occupés.
Pendant les dix premières années de ce nouveau siècle, Russell était entièrement absorbé par l’organisation grandissante et par la proximité de 1914. Il savait que ce que représentait la Jérusalem d’avant 607 avant notre ère serait ‘foulé par les nations jusqu’à ce que les temps fixés des nations soient accomplis’. Telle était la prophétie de Jésus dans Luc 21:24. Russell savait que ce temps de la domination ininterrompue — exercée par les nations de Satan — devait prendre fin en 1914. Or, depuis 1877, les témoins de Jéhovah des temps modernes proclamaient énergiquement que cette période des temps des Gentils, longue de 2 520 ans, toucherait bientôt à sa fina.
En prévision de cet événement, Russell s’est mis à préparer et à mener une campagne générale à l’échelle mondiale. Celle-ci devait servir de témoignage final aux nations, leur faisant savoir que les quelques années qui leur restaient avant 1914 seraient leur dernière chance de faire la paix avec Dieu, avant qu’il intervienne pour les juger.
Russell avait tout de suite compris que, malgré ses trois étages, la maison de la Bible d’Allegheny-Pittsburgh, qui avait servi de siège à la Société pendant vingt ans, allait devenir trop petite pour servir désormais de centre à une œuvre internationale en plein essor. Aussi, en 1908, la Société a-t-elle envoyé plusieurs de ses représentants à New York, et parmi eux son conseiller juridique, J. F. Rutherfordb. Ils avaient pour tâche d’acquérir deux immeubles que Russell avait repérés naguère, et d’y établir le nouveau bureau central.
Ils ont donc acheté l’ancien presbytère de Henry Ward Beecher, sis au 124 Columbia Heights à Brooklyn. Après quelques transformations, cette maison en grès, haute de trois étages, allait servir de demeure aux trente membres du personnel employé au siège de la Société. Quant à l’ancien cabinet de travail de Beecher, il servirait de bureau au pasteur Russell.
THOMAS: Ce Henry Ward Beecher, prédicateur de Brooklyn, n’était-il pas célèbre à l’époque pour ses sermons contre l’esclavage?
JEAN: Oui, c’est cela. Il prêchait du haut de la chaire de l’église congrégationaliste de Plymouth, toute proche, dont il était le pasteurc. On raconte aussi qu’Abraham Lincoln figurait parmi les personnalités qui, au cours des années 1860, rendaient visite à Beecher dans sa résidence de Columbia Heights.
La Société a également acquis l’ancien “Béthel de Plymouth”, foyer missionnaire tout proche, dont l’Église de Plymouth s’était servie pendant longtempsd. Après quelques transformations, la Société a inauguré son nouveau bureau central, le 31 janvier 1909, en présence de 350 personnes. Au premier étage de ce Béthel de Plymouth rénové, on avait aménagé une salle de réunion pour 800 personnes. Pour la repeindre, on avait choisi un vert olive tendre, et pour décorer les murs, quelques textes bibliques avaient été inscrits avec goût et art. Au rez-de-chaussée, on avait installé les bureaux de la Société, tandis qu’au sous-sol une petite presse permettait d’imprimer des feuilles de petit format. Il s’y trouvait aussi un service d’expédition. Un avis paru dans La Tour de Garde disait au sujet de ces deux immeubles:
Cette nouvelle demeure, nous l’appellerons “Béthel”, tandis que le nouveau bureau et la salle de conférences seront appelés “Le Tabernacle de Brooklyn”; ces noms remplaceront celui de “Maison de la Biblee”.
Les immeubles que la Société possédait à Pittsburgh ont alors été vendus. Quant à la campagne accélérée de prédication de cette période importante de l’œuvre, elle pouvait maintenant entrer dans sa dernière phase. Quoique vaste et pratique, ce bureau central agrandi est devenu insuffisant au bout de deux ans. Aussi a-t-il fallu, en 1911, construire de nouveaux logements spacieux sur l’arrière du Béthel, logements qui donnaient sur la rue Furman et les quais de Brooklynf.
UN NOUVEL INSTRUMENT LÉGAL EST CRÉÉ
Afin qu’ils puissent devenir propriétaires de leurs biens immobiliers dans l’État de New York, les témoins ont jugé utile de créer un nouvel organisme, car la Watch Tower Bible and Tract Society of Pennsylvania était sujette à certaines restrictions légales. Une requête ayant été présentée en bonne et due forme, le juge Isaac N. Miller de la Cour suprême de New York rendait, le 23 février 1909, une ordonnance qui reconnaissait le statut légal de la People’s Pulpit Association [Association de la Tribune du peupleg]. Voici les buts énoncés dans les statuts:
Les buts de l’association sont: charitables, bienveillants, scientifiques, historiques, littéraires et religieux; l’édification morale et mentale des hommes et des femmes, la diffusion de vérités bibliques en différentes langues au moyen de la publication de tracts, de brochures, de journaux et d’autres écrits religieux, ainsi que l’œuvre missionnaireh.
THOMAS: Comment faites-vous pour coordonner les activités de ces deux organismes, Jean?
JEAN: Voici une citation parue dans La Tour de Garde de 1914 qui va peut-être vous éclairer:
Dans l’intérêt de nos nombreux lecteurs, nous expliquerons que la WATCH TOWER BIBLE AND TRACT SOCIETY [de Pennsylvanie] gère, en sa qualité d’organisation mère, toutes les affaires touchant l’œuvre chrétienne à laquelle sont rattachés le périodique LA TOUR DE GARDE et son rédacteur. Or, tout le travail accompli directement ou indirectement au moyen de l’ASSOCIATION INTERNATIONALE DES ÉTUDIANTS DE LA BIBLE et de l’ASSOCIATION DE LA TRIBUNE DU PEUPLE fait partie de l’œuvre accomplie par la WATCH TOWER BIBLE AND TRACT SOCIETY.
Je vous ai déjà expliqué, Thomas, que l’Association de la tribune du peuple était le groupement constitué à New York en 1909, tandis que l’Association internationale des Étudiants de la Bible, mentionnée dans la citation, était le groupement constitué en Grande-Bretagne en 1914. Bien que cette association britannique ait notamment été créée pour diriger l’œuvre en Grande-Bretagne, elle possédait aussi une adresse auprès du siège de la Société, à Brooklyn. Voici ce que l’article de La Tour de Garde disait encore:
Le rédacteur de LA TOUR DE GARDE est le président de ces trois sociétés. Toute responsabilité financière se rapportant à l’œuvre procède de la WATCH TOWER BIBLE AND TRACT SOCIETY [de Pennsylvanie]. C’est d’elle que les autres Sociétés et toutes les filiales de l’œuvre reçoivent leur appui financier. (...)
Nous avons dû procéder à une répartition du travail du fait que les statuts de la société mère, établis conformément aux lois en vigueur dans l’État de Pennsylvanie, ne lui permettent pas de posséder des biens dans l’État de New York; aussi a-t-il fallu organiser une société auxiliaire afin de pouvoir posséder des biens-fonds à New York. Il en va de même pour la Grande-Bretagne où les lois empêchent les sociétés étrangères d’avoir le droit de propriété sur des biens-fonds. Cela a rendu nécessaire la création de l’ASSOCIATION INTERNATIONALE DES ÉTUDIANTS DE LA BIBLE régie par des statuts conformes aux lois anglaises. Il arrive donc que nous employions tantôt l’une, tantôt l’autre appellation dans les différentes branches de l’œuvre; pourtant, en fin de compte, elles veulent toutes dire la WATCH TOWER BIBLE AND TRACT SOCIETY [de Pennsylvanie], à laquelle devraient être versés tous les donsi.
THOMAS: Est-ce que vous ne vous servez que de ces trois organismes?
JEAN: Non, car la Société a créé depuis un certain nombre d’organismes dans différents pays du monde, lesquels travaillent tous sous la direction de l’organisation mère de Pennsylvanie. Or, celle-ci n’est à son tour qu’un instrument légal pour les témoins de Jéhovah du monde entier, qui eux-mêmes ne constituent pas une personne juridique.
UNE CAMPAGNE INTENSIVE S’ENGAGE
Les témoins de Jéhovah n’ont jamais cessé de mener des campagnes intensives. Néanmoins, ce sont les années 1909 à 1914 qui ont marqué le point culminant aussi bien de l’activité déployée par ces premiers témoins des temps modernes que des résultats obtenus. En mettant à contribution les moyens dont ils pouvaient disposer, tous se sont dépensés à fond pour donner un témoignage mondial: les frères du bureau central travaillaient jour et nuit; ils étaient secondés par les frères pèlerins et les colporteurs, ainsi que par les ouvriers qui participaient au service volontaire en donnant gratuitement de leurs heures de loisir.
À partir de 1909, la Société s’est mise à publier une nouvelle série de tracts intitulés d’abord “La Tribune du Peuple”, puis “Journal pour Tous” et enfin “L’Étudiant de la Bible”. Chaque mois paraissait un nouveau numéro qui contenait une nouvelle salve puissante tirée contre le protestantisme, la fausse religion et l’apostasie. Les illustrations et les caricatures en augmentaient l’effet. C’est par millions que l’on distribuait ces publications en les glissant sous les portes des foyers, en les remettant à ceux qui sortaient des églises, et aussi grâce aux contacts personnels. Les efforts déployés par la Société en vue de donner un témoignage aussi vaste que possible ne se limitaient nullement à la distribution de tracts. Les colporteurs distribuaient à eux seuls plusieurs millions de brochures et de livres.
MARIE: Et c’est à la même époque que les frères ont organisé un service de presse international auprès des journaux qui accordaient une place importante aux sermons du pasteur Russell. Chaque semaine, on les adressait à quelque 3 000 journaux des États-Unis, du Canada et d’Europe.
JEAN: Ce service de presse se composait de quatre membres du Béthel qui faisaient partie du personnel du bureau central. Chaque semaine, où qu’il se soit trouvé, le pasteur Russell envoyait un nouveau sermon à ce service installé au Béthel. De là, les quatre frères télégraphiaient aux journaux le sermon qui devait remplir près de deux colonnes. Comme le public ne possédait pas encore la radio, la presse constituait le meilleur moyen d’atteindre les gens. Aussi a-t-il été possible, grâce à ce service, d’augmenter considérablement la prédication orale aux portes et aux réunions publiques. On évalue à dix millions les personnes qui, chaque semaine, pouvaient ainsi lire les sermons du pasteur Russell.
THOMAS: La Société devait-elle payer pour faire paraître ces sermons, ou les journaux versaient-ils des droits d’auteur à Russell?
JEAN: Les journaux s’engageaient à publier les sermons gratuitement, et la Société se chargeait des frais de télégraphej.
Mais l’activité de ce service de presse n’était pas du tout censée remplacer la prédication individuelle qu’accomplissaient les témoins de Jéhovah. Une vaste campagne de réunions publiques allait rendre encore plus efficace l’activité intensifiée de cette période. On l’a appelée l’“œuvre pour la formation de nouvelles ecclésias”, et c’est en 1911 qu’elle a commencék. Rien qu’en cette première année, 12 113 conférences publiques et semi-publiques ont été prononcées. De cette façon, on élargissait le service des conférences publiques que le pasteur Russell avait autrefois entrepris lui-même. Pour accomplir cette tâche, il a fallu le concours de cinquante-huit ministres itinérants spéciaux que la Société chargeait d’une tournée de conférences, selon un itinéraire préétabli.
On ne se contentait pas de donner des discours, pour ensuite oublier ceux qui étaient venus les écouter. Au contraire, on s’approchait des personnes qui avaient manifesté de l’intérêt, pour leur demander leurs nom et adresse, après quoi on les visitait chez elles dans l’intention de les rassembler pour créer une nouvelle congrégation. Les colporteurs ou pionniers aidaient à organiser ces congrégations, ce qui a permis de créer de nombreuses nouvelles “ecclésias”. En 1914, il en existait 1 200 dans les différentes parties du monde. Pour ce qui est des autres chiffres se rapportant à l’accroissement, il faut dire que les rapports sur ceux qui assistaient à la Commémoration étaient incomplets; en 1915, le rapport partiel mentionne le nombre de 15 430 assistants, tandis que les statistiques indiquent que la diffusion de La Tour de Garde s’élevait à 55 000 exemplairesl.
Il est compréhensible qu’on ait aussi sollicité Russell à venir plus souvent parler lui-même, à mesure que l’intérêt allait croissant. Chaque année, il se rendait en Europe, et ses voyages à travers l’Amérique du Nord se faisaient plus nombreux et plus longs également. Pour s’acquitter de ses engagements d’orateur, il s’était naguère fait accompagner par quelques personnes en se servant d’un wagon spécial appelé “voiture des congressistes”. Désormais, il fallait organiser des groupes plus grands et se servir d’un train spécial appelé “train des congressistes”, dont l’un a transporté une fois 240 personnes qui accompagnaient Russell. Il fallait alors plusieurs wagons pour le transport de ces “groupes de congressistes” qui se rendaient d’une grande ville à une autre, selon un horaire établi d’avancea.
Dès leur arrivée dans la ville prévue, toutes les personnes du groupe allaient annoncer la conférence publique en distribuant des invitations. Ensuite, elles assistaient elles-mêmes à la conférence pour y accueillir ceux qui venaient l’écouter et pour demander aux personnes manifestant de l’intérêt leurs nom et adresse. Partout où c’était possible, les frères rendaient visite à ces personnes, et ils établissaient des congrégations. Ce travail puissamment concerté a produit des résultats durables.
MARIE: Nombreux sont les récits intéressants qui ont été rapportés au sujet des problèmes rencontrés par ces frères. Ainsi, on raconte qu’un jour frère Russell et sa suite se trouvaient dans le train qui traversait l’État du Wisconsin, et que les cheminots à bord du train avaient oublié de décrocher le wagon spécial de Russell dans une gare où le train ne s’arrêtait pas d’habitude. Leur train a donc traversé à toute allure la ville où devait avoir lieu la conférence publique; et ce n’est qu’une heure plus tard qu’il s’est arrêté à Milwaukee. Vous concevez dans quel état d’énervement se trouvaient les frères qui n’avaient pu descendre au bon endroit. Immédiatement, ils ont demandé au chef de gare de faire atteler une locomotive au wagon spécial pour les ramener dans la ville où frère Russell était censé prendre la parole. Ils y sont arrivés tout juste assez tôt pour tenir la conférence publique.
JEAN: Le pasteur Russell et ses collaborateurs n’ignoraient pas le passage de Matthieu 24:14, qui dit: “Cette bonne nouvelle du royaume sera prêchée par la terre habitée tout entière en témoignage à toutes les nations; et alors la fin viendra.” Même s’ils ne savaient pas de quelle manière cette prédication pourrait être achevée pour 1914, les témoins ont intensifié encore davantage leur programme. Une campagne de conférences publiques s’est alors organisée sur le plan mondial, et le passage biblique que nous venons de lire apparaissait sur certaines affiches.
Dans le cadre de cette campagne allant de décembre 1911 à mars 1912, le pasteur Russell a fait le tour du monde à la tête d’un comité de sept hommes, pour répandre les semences de la vérité, lesquelles, à la longue, ont amené de nouveaux groupes de chrétiens oints à une activité féconde, dans de vastes territoires du globe. Les frères de ce comité s’attachaient surtout à étudier les missions étrangères de la chrétienté et à donner des discours sur place. Leur voyage les a conduits vers l’ouest, à Hawaii, au Japon, en Chine, puis à travers l’Asie méridionale jusqu’en Afrique et enfin en Europe, d’où ils ont regagné New Yorkb. C’était vraiment un long voyage qui avait pour but de ceindre la terre d’un message d’avertissement concernant l’approche de la fin des temps des Gentils, en 1914.
LE PHOTO-DRAME DE LA CRÉATION
Ensuite, le pasteur Russell a élaboré un projet audacieux mais bien conçu, d’ordre éducatif, très en avance sur son temps. Le cinéma commençait alors à être connu du public. Ayant compris que c’était là un moyen efficace pour atteindre des foules de gens en un temps relativement court, Russell s’est mis à préparer le “Photo-Drame de la Création”. Cette œuvre a été entreprise en 1912, dans l’espoir que tout serait prêt pour cette campagne générale avant 1914. Le titre avait une valeur descriptive, car cette œuvre dépeignait les desseins de Dieu à l’égard de la terre et du genre humain, à partir de l’aménagement de la terre comme demeure de l’homme jusqu’à la fin du règne millénaire, point culminant des desseins divins. Tout ce projet se composait de clichés ainsi que de projections animées synchronisées avec des disques de phonographe sur lesquels étaient enregistrées des causeries et de la musique. La Société faisait ainsi œuvre de pionnier dans le domaine du film sonore et, en s’embarquant dans cette affaire, elle était pleinement confiante en son succès. Les résultats obtenus, grâce aux efforts ingénieux déployés dans ce domaine, montraient que l’esprit de Dieu reposait sur toute cette entreprise.
La tâche étant bien plus grande que Russell ne l’avait prévue, le “Photo-Drame” n’était pas prêt pour la fin de 1912, car il a fallu deux années entières pour passer du projet à la première représentation, et le tout a coûté 300 000 dollars à la Sociétéc. Voici la description que La Tour de Garde de 1914 donnait du “Photo-Drame”:
Il est naturel que nos lecteurs s’intéressent vivement au PHOTO-DRAME DE LA CRÉATION. Au cours de ces deux dernières années, vous avez tous plus ou moins entendu dire qu’il était en préparation. Le travail a été beaucoup plus pénible que nous ne l’avions pensé. Tous ceux qui ont vu le “Photo-Drame” admettent qu’il est très beau. Un pasteur, qui venait d’en voir deux parties, déclara: “Je n’ai vu que la moitié du PHOTO-DRAME DE LA CRÉATION, mais il m’en a appris plus long sur la Bible que mes trois années d’études à la faculté de théologie.” (...)
Or, il [le Drame] contient tout ce qui entre dans la création terrestre: les animaux, l’homme, les expériences vécues par le genre humain au cours des six mille ans écoulés et ce que le Messie accomplira dans son Royaume de mille ans. Le tout se compose de quatre parties, soit quatre spectacles [de deux heures chacun] agrémentés d’une musique appropriée, etc.
La première partie nous mène d’une nébuleuse à la création du monde, puis au déluge, pour se terminer au temps d’Abraham.
La deuxième partie va de la délivrance d’Israël en Égypte à son séjour dans le désert, etc., jusqu’à l’époque des rois et au temps d’Élisée, le prophète.
La troisième partie reprend le récit depuis le temps de Daniel jusqu’au temps où le Logos fut fait chair lors de la naissance de Jésus. Elle montre Jésus enfant, puis adulte, son baptême, son ministère, ses miracles, sa crucifixion, sa mort et sa résurrection.
La quatrième partie commence à la Pentecôte et retrace les expériences vécues par l’Église au cours des dix-neuf siècles écoulés jusqu’à nos jours, et mille ans au-delà jusqu’à la glorieuse consommationd.
LOÏS: Ce devait être un projet remarquable, étant donné que l’industrie cinématographique n’en était alors qu’à ses débuts.
MARIE: En effet, et il nous arrive, dans notre ministère de porte en porte, de rencontrer des personnes qui se souviennent d’avoir vu le Photo-Drame.
JEAN: Mais en raison de sa longueur et des détails qu’il a fallu mettre au point, celui-ci n’a pas pu être présenté avant 1914. Nous vous parlerons plus tard des représentations qui en ont été données. Or, à mesure que s’approchait le temps annoncé depuis longtemps, le service et la certitude de voir se réaliser les événements prévus constituaient la première préoccupation des témoins de Jéhovah.
SÉRIEUSES MISES EN GARDE CONTRE LES CONJECTURES
THOMAS: Vous nous avez dit, il y a un instant, que le pasteur Russell n’était pas très sûr de ce qui devait se produire en 1914. Était-ce l’attitude générale qui prévalait alors parmi les témoins?
JEAN: Sans aucun doute, nombreux étaient ceux qui pendant cette période s’empressaient d’émettre leur avis personnel sur les événements qui allaient se produire. Certains ont fait dire à La Tour de Garde des choses qu’elle n’a jamais dites et, quoique Russell se soit trouvé dans la nécessité d’attirer l’attention sur la certitude qu’il fallait s’attendre à un grand changement à la fin des “temps des Gentils”, il a pourtant encouragé ses lecteurs à garder leur esprit libre, surtout en ce qui concernait le facteur temps. Pour prouver ce point, nous pourrions lire un certain nombre d’extraits d’articles parus dans La Tour de Garde au fil des années. Ainsi, en 1885 déjà, Russell écrivait dans La Tour de Garde:
De gros nuages menaçants s’amoncellent au-dessus du vieux monde. Il semble qu’une grande guerre européenne soit une éventualité à envisager dans un proche avenir.
Suit une description plutôt sombre de la situation mondiale, et l’article conclut en ces termes:
Pour ce qui est de ces prétendus royaumes de Dieu et de leurs armées, on adresse des prières à Dieu au nom de celui qui ordonne paix et bonne volonté envers les hommes, et qui s’annonce lui-même comme celui qui libérera les captifs et qui proclamera l’amour, la paix et la liberté sur la terre entière à tous ceux pour la liberté desquels il est mort.
Grâce soit rendue à Dieu de ce que l’affranchissement est proclamé; les chaînes théologiques et politiques commencent à se briser, et la création gémissante doit sous peu être rendue à la véritable liberté des fils de Dieu, sous la domination d’Emmanuele.
En 1893, La Tour de Garde déclarait:
Une grande tempête est imminente. Quoique l’on ne sache pas exactement quand elle éclatera, il semble raisonnable de supposer qu’elle se situe à douze ou quatorze ans tout au plusf.
En 1894, le même périodique déclarait:
Quelques années de plus en finiront avec le présent ordre de choses, et alors le monde châtié se tiendra face à face avec les conditions réelles du Royaume de Dieu établi. Et pourtant, l’Église doit achever sa course dans le court laps de temps qui resteg.
Une autre déclaration, publiée au cours de la même année, est significative:
“Comme les douleurs de l’enfantement surprennent la femme enceinte”, voilà la description inspirée du jour de détresse de quarante ans qui marque le commencement de l’âge millénaire. La panique de 1873, qui a affecté le monde entier, était le premier spasme, et depuis lors, à intervalles irréguliers, la terre a connu d’autres douleurs de l’enfantement. En ce moment même, nous nous trouvons ici aux États-Unis au beau milieu de l’une de ces convulsions de la création gémissanteh.
En 1912, pour prévenir toute conjecture extravagante et personnelle concernant l’année 1914, Russell a fait retentir l’avertissement spécial que voici:
Il est sans doute permis d’avoir de légères différences d’opinions sur ce sujet, et il nous faut laisser la plus grande latitude les uns aux autres. La suzeraineté des Gentils peut se terminer en octobre 1914 ou en octobre 1915. Et la période de lutte intense et d’anarchie “telle qu’il n’y en a point eu depuis que les nations existent” peut marquer la fin définitive des temps des Gentils, ou le début du règne du Messie.
Mais nous rappelons une fois de plus à nos lecteurs que nous n’avons rien prophétisé concernant les temps des Gentils qui prendraient fin en un temps de détresse, ni concernant la glorieuse époque qui succéderait à cette catastrophe. Nous avons simplement attiré l’attention sur ce que disent les Écritures en exprimant nos vues quant à leur signification et en demandant à nos lecteurs de juger, chacun pour soi, ce qu’elles signifient. Ces prophéties gardent encore le même sens pour nous. (...) Il se peut que certains fassent cependant des déclarations positives de ce qu’ils savent, et de ce qu’ils ne savent pas; nous ne nous laissons jamais aller à cela; mais nous déclarons simplement que nous croyons ceci ou cela pour telles ou telles raisonsi.
Ces premiers observateurs avaient donc de quoi être certains que bien des choses allaient se produire dès 1914. Même si leur compréhension sur la manière dont ces prophéties allaient s’accomplir exactement n’était pas absolument nette, les preuves augmentaient sans cesse, montrant que ce devait être une date marquée dans l’histoire de la terre.
Dans le monde entier, on créait une situation tendue en attisant les rivalités nationales; et, pour leur campagne fébrile, les dirigeants politiques et commerciaux se lançaient dans une course aux armements effrénée qui avait l’entier appui du clergé de tous les pays. L’Allemagne et la France amassaient un énorme potentiel de guerre, tandis que la Grande-Bretagne et les États-Unis se fortifiaient également. Les dernières découvertes scientifiques, telles que la machine à vapeur, le moteur à explosion et l’électricité, ont toutes été mises à contribution pour la guerre, car les meilleurs cerveaux scientifiques du monde mettaient tout en œuvre afin de créer des armes encore plus perfectionnées pour la destruction massive. Les masses humaines se faisaient rassembler dans les camps de la guerre. Satan, le maître de ce monde, rassemblait ses forces pour la fin, laquelle, il le savait, viendrait en 1914.
En ce XXe siècle toutefois, la débâcle mondiale des nations, qui paraissait inévitable, était simplement la preuve de ce qu’une guerre beaucoup plus significative devait commencer cette année-là. Il ne s’agissait pas, dans ce différend de la plus haute importance, de savoir si la domination monarchique l’emporterait sur la domination démocratique. Le calendrier des desseins divins indiquait que le moment était venu de régler la question de la domination universelle. Quant aux témoins de Jéhovah, il ne leur était pas donné, à cette époque-là, de comprendre ce que ce conflit allait apporter comme résultats immédiats ni quelle tournure les événements allaient prendre pour accomplir la volonté divine. Pendant quarante ans, ils avaient été chargés d’en annoncer la proximité. Tous leurs efforts zélés avaient tendu vers ce même but. Maintenant que le moment était venu, ils n’allaient pas se croiser les bras et attendre la suite des événements. Des flots ininterrompus d’écrits sur le Royaume continuaient à atteindre toutes les parties du globe, depuis le nouveau siège de Brooklyn.
Sur l’autre rive de l’East River, face au bureau central de la Société, se dressait la masse imposante des gratte-ciel du quartier financier de New York. Ces gratte-ciel, qui étaient alors les plus hauts du monde, symbolisaient pour bien des gens la force et la puissance du plus grand empire de la terre. Par leurs dimensions, ceux-ci dépassaient de loin les modestes immeubles de la Société Watch Tower, à Brooklyn. Mais nul ne pouvait alors savoir ce que Jéhovah réservait à cette petite troupe de témoins qu’il avait rassemblés des quatre coins de la terre; et personne ne pouvait prévoir non plus comment cette voix relativement faible, qui émanait des modestes bureaux de la Société, arriverait un jour à remplir la terre avec tant de force et de puissance que les fondements mêmes du monde de Satan en seraient ébranlés.
[Notes]
a a w oct.-nov. 1881, p. 3.
b b w 1919, p. 58.
c c Webster’s Biographical Dictionary, p. 125; History of Kings County (New York, 1884: Munsell & Co.), pp. 1021, 1022.
d d Construit en 1868 au 13-17 Hicks Street, cet immeuble a été démoli depuis. Quant à l’église de Plymouth, fondée en 1849, elle se trouve encore à Orange Street, près de Hicks, à deux pâtés de maisons du 124 Columbia Heights.
e e w 1909, pp. 67, 68.
f f w 1917, p. 53.
g g Les statuts ayant été soumis aux autorités, cette association fut dûment enregistrée, le 4 mars 1909. Le 6 février 1939, son nom fut légalement changé en Watchtower Bible and Tract Society, Inc., et le 16 janvier 1956 en son nom actuel: Watchtower Bible and Tract Society of New York, Inc.
h h Statuts de la Watchtower Bible and Tract Society, Inc., pp. 1, 5, 6, 11.
i i w 1914, p. 371. Voir aussi “L’histoire et les actions de notre Société”, w 1917, pp. 327-330 [ainsi que wF avril 1927, pp. 106, 107].
j j Sermons du pasteur Russell (angl.) [1917; IBSA], pp. 3, 4; w 1909 p. 269; w 1916, p. 388; w 1912, p. 26 [voir aussi wF 1910 p. 80; wF 1916, p. 26].
k k w 1911, pp. 453, 454.
l l w 1915, pp. 127, 372.
a m w 1909, pp. 183, 196, 259, 298; w 1913, p. 218.
b n Les voyageurs firent escale dans les villes suivantes: à Honolulu dans les îles Hawaii; à Yokohama, à Tokyo, à Kobe et à Nagasaki au Japon; à Changhaï et à Hong-Kong en Chine; à Manille dans les Philippines; à Singapour et à Penang dans les Straits Settlements [Établissements des Détroits]; à Colombo dans l’île de Ceylan; à Trivandrum, à Kottarakara, à Nagercoil, à Puram, à Madras, à Vizagapatam, à Calcutta, à Bénarès, à Lucknow et à Bombay en Inde; à Aden en Arabie; au Caire et à Alexandrie en Égypte; au Pirée, à Athènes, à Corinthe et à Patras en Grèce; à Brindisi et à Rome en Italie; à Paris; ensuite à Londres, et le voyage se termina à New York (w 1911, p. 434). Compte rendu détaillé et photos dans w 1912, pp. 123-138, ainsi que dans Souvenir Notes 1912, pp. 7-287.
c o w 1914, p. 375.
d p w 1914, pp. 105, 106, 371.
e q w fév. 1885, p. 1.
f r w 1893, p. 194.
g s w 1894, p. 56.
h t Ibid., p. 162.
i u w 1912, p. 377.
[Illustrations, page 48]
TABERNACLE DE BROOKLYN, 1909.
BÉTHEL, 122-124 COLUMBIA HEIGHTS, 1911.