Chapitre 18
Jéhovah identifie son dessein et son peuple
LOÏS: Jean, vous nous avez parlé la semaine dernière des sept proclamations de jugement que les témoins de Jéhovah ont faites de 1922 à 1928, et vous nous avez montré que chacune d’elles a été diffusée sous forme de tract ou de brochure à des millions d’exemplaires. Mais vous ne nous avez pas dit s’il en a été de même de la “Déclaration contre Satan et pour Jéhovah”.
JEAN: Ce discours et cette résolution ont effectivement été publiés en de nombreuses langues dans la brochure Le Bienfaiteur de l’homme (angl.), dont plus de 5 400 000 exemplaires ont été diffusés aux États-Unis et dans d’autres paysa. Elle a puissamment aidé à la défense du vrai culte.
La mise en circulation des livres “Réconciliation” et “Gouvernement” à l’assemblée de Detroit, dans le Michigan, porta un nouveau coup au monde de Satan. Le second de ces ouvrages démontrait la faiblesse des systèmes politiques de ce monde et expliquait pourquoi Jéhovah avait prononcé sur eux une sentence de condamnation; en même temps, il soutenait le gouvernement théocratique de Jéhovah comme la véritable espérance des peuples. Cet ouvrage servit donc à atteindre une fois de plus le double but de l’œuvre de témoignage: la séparation des hommes, les uns pour la vie et les autres pour la mort.
Jéhovah avait non seulement rétabli son peuple pour qu’il le loue, mais il l’avait rempli de courage, par la restauration de la vérité, et en lui accordant la compréhension de sa volonté, pour se tenir à la porte de ses ennemis et défendre le vrai culte. Plus de somnolence ou d’assoupissement dans les rangs de ces actifs guerriers! Plus de compromis avec les chefs religieux apostats et avec leurs adeptes! Ce temps était celui de l’action, et les témoins de Jéhovah avaient l’ardent désir de se donner tout entiers à l’œuvre.
THOMAS: Dans la campagne qu’elle a menée, la Société a-t-elle fait un usage intensif de la radio? Vous avez dit qu’à plusieurs assemblées des relais radiophoniques ont été utilisés pour la retransmission des discours publics.
JEAN: La radio a joué un rôle important dans le combat qui allait survenir après 1928. La Société a très tôt compris les possibilités qu’offrait un tel moyen de communication et, en 1922, elle avait acheté un terrain à Staten Island, dans la ville de New York, afin d’y construire sa propre station de radiodiffusion. Finalement, après quelques difficultés, le président de la Société a inauguré cet émetteur le 24 février 1924, en prononçant un important discours intitulé “Radio et prophétie divineb”. L’émetteur était enregistré par le gouvernement américain sous le nom de WBBR. Au début, il fonctionnait avec une puissance de 500 watts; trois ans plus tard, cette puissance a été doubléec. Pendant plus d’une trentaine d’années, cet émetteur a diffusé gratuitement ses programmes éducatifs sur tout le territoire de la ville de New York et de sa banlieue, ainsi que celui des États voisins du Connecticut et du New Jersey. Placé à cet endroit, ce fut une voix internationale qui toucha presque autant de personnes d’expression italienne qu’il y en avait dans toute la ville de Rome, plus encore de citoyens de souche irlandaise que Dublin, capitale de l’Irlande, ne comptait d’habitants, et plus de Juifs qu’il n’en existait en Palestine. Les studios ont finalement été installés dans le Béthel, situé au 124 Columbia Heights à Brooklyn, New York, et en 1948, avec l’autorisation du gouvernement américain, la puissance émettrice de la WBBR a été portée à 5 000 wattsd.
Comme leurs prédécesseurs, les chrétiens du premier siècle, les témoins de Jéhovah étaient prêts à profiter des avantages de toute technique nouvelle capable de contribuer à une extension plus rapide de l’œuvre du Royaume. Les premiers chrétiens s’étaient vite rendu compte des avantages que présentait pour eux le codex, assemblage de pages manuscrites semblable à nos livres modernes; ils en ont préféré l’usage aux rouleaux peu pratiques utilisés jusqu’alorse. Ainsi, les témoins de Jéhovah ont compris qu’avec la radio il était possible d’atteindre un maximum de personnes dans un minimum de temps, et aux jours où ils étaient peu nombreux, ils l’ont fait valoir dans ce but.
MARIE: Vous savez qu’en 1924, il y avait en moyenne aux États-Unis 1 064 témoins qui prêchaient toutes les semaines de maison en maison, diffusant livres et brochuresf. Il est vrai que le rapport de l’assistance à la Commémoration indiquait que, sur toute la terre, 65 105 personnes avaient accepté la vérité et, sans aucun doute, rendaient occasionnellement témoignage à leurs amis et connaissancesg. Cependant, la méthode du service organisé de maison en maison n’était encore appliquée qu’à une échelle limitée. Aussi la radio a-t-elle été un instrument très commode pour atteindre simultanément des milliers de gens.
THOMAS: Avez-vous dirigé des stations autres que la WBBR?
JEAN: Oui; pendant un certain temps, la Société a employé six émetteurs qui lui appartenaienth. Elle avait aussi des contrats spéciaux avec deux autres stations qui mettaient à sa disposition toutes les heures réservées aux programmes religieuxi. La WBBR était bien entendu la station principale, mais la WORD à Batavia, dans l’Illinois, a aussi été très souvent mise à contribution.
LE RÉSEAU DE LA TOUR DE GARDE
THOMAS: Pourtant ce n’est pas avec la WBBR que vous avez commencé à vous servir de la radio, n’est-ce pas?
JEAN: Non, en effet. Bien que la radio en fût à ses débuts en 1924, le juge Rutherford en a fait usage pour la première fois deux ans avant la mise en fonction de la WBBR. Du Metropolitan Opera de Philadelphie, en Pennsylvanie, il a fait retransmettre le discours public du 16 avril 1922. Un compte rendu détaillé a été publié le lendemain dans le journal Record de Philadelphie. Il y était dit entre autres:
La radio annonce la venue du millénium pour la terre. Discours du juge Rutherford, retransmis en direct du Metropolitan Opera. Grâce à plusieurs kilomètres de câbles téléphoniques Bell, le message a été porté jusqu’à (...) la station radiotéléphonique WGL, de la North Broad Streetj.
Après ce modeste début, la radiodiffusion du message du Royaume a été étendue à l’Amérique du Nord et du Sud, à l’Europe, à l’Afrique et à l’Australie. Dans la décade qui suivit 1927, des centaines d’émetteurs ont été mis au service de la prédication. Nous avons déjà eu l’occasion de mentionner le réseau spécial de radiodiffusion commerciale de la NBC, qu’on avait mis à profit en 1927, lors de l’assemblée internationale de Toronto, au Canada. Le réseau Tour de Garde ou réseau “Blanc” a été mis sur pied en 1928, spécialement pour l’assemblée de Detroit, dans le Michigan; il a eu tant de succès que la Société a décidé d’établir, tant au Canada qu’aux États-Unis, un réseau de trente stations qui émettaient chaque semaine. On organisa un programme d’une heure qui fut diffusé à partir des studios Tour de Garde WBBR, établis à Staten Island, dans la ville de New York. Tous les dimanches, l’“Heure de la Tour de Garde” comportait un discours du juge Rutherford, précédé et suivi de musique jouée par l’orchestre de la Société. La première de ces émissions en direct a eu lieu le 18 novembre 1928, et il en a été ainsi jusqu’en 1930k.
Si ces programmes se révélaient être un excellent moyen pour propager le message du Royaume et permettaient aux frères des États-Unis et même du Canada d’encourager le public à prendre l’écoute de cette Heure hebdomadaire de la Tour de Garde, ils accaparaient presque tout le temps de frère Rutherford, et, de ce fait, il ne pouvait ni voyager ni organiser des assemblées en divers endroits de la terre. Finalement, en 1931, il a été décidé que la Société remplacerait ces émissions en direct par des programmes enregistrés; c’est ainsi que 250 stations ont été prévues pour la radiodiffusion des discours que frère Rutherford enregistrait d’avance. L’enregistrement de ces allocutions pouvait se faire à l’heure qui convenait le mieux à frère Rutherford, et elles étaient diffusées au moment choisi par les studios, de sorte qu’il a été possible de mettre de plus en plus de stations au service de la bonne nouvelle du Royaumel.
Ces discours, d’une durée de quinze minutes, ont connu un très grand succès. Non seulement cette disposition était pratique, mais elle était également plus économique, car la Société n’avait plus à louer les lignes téléphoniques nécessaires pour relier simultanément un grand nombre de stations. En 1932, ce service radiophonique qu’on appelait “la chaîne des disques” a été étendu à 340 stations, et en 1933 la Société en employait 408, ceci afin de faire entendre la bonne nouvelle sur les six continentsa.
En 1933, ce service a atteint son apogée; en effet, les statistiques montrent que 23 783 discours bibliques différents ont ainsi été radiodiffusés. La plupart étaient des enregistrements de quinze minutesb. Mais à ce moment-là, les difficultés ont vraiment commencé à surgir.
THOMAS: Si ces conférences ressemblaient à celles qui ont été prononcées lors des sept assemblées de 1922 à 1928, je ne suis pas surpris que vous ayez eu des difficultés.
JEAN: Oui, évidemment; les personnes bien disposées trouvaient un réconfort réel dans ces conférences. Mais en même temps, le juge Rutherford était convaincu que le moment était venu de mettre la religion apostate complètement à nu, afin de permettre à ceux qui avaient pour Dieu un amour véritable d’en sortir et de prendre position avant qu’Harmaguédon ne mette fin à ces faux systèmes.
LOÏS: Oh, je me souviens que ma mère était choquée par ces conférences, et je me rappelle que dès que mon père voulait discuter avec elle, elle s’en allait. Il réussit à acquérir une très bonne connaissance de la Bible, et pourtant il n’allait jamais à l’église; ma mère ne pouvait réfuter ses arguments et elle en concevait une certaine colère.
LA PROCLAMATION RÉGULIÈRE LE DIMANCHE SOULÈVE UNE NOUVELLE CONTROVERSE
JEAN: Il y aurait encore beaucoup à dire à propos de notre campagne radiophonique, mais arrêtons-nous d’abord sur quelques faits importants qu’il serait bien que vous connaissiez. En Amérique, la distribution de livres et de brochures en échange d’une contribution a commencé à se faire régulièrement tous les dimanches, dès le début de 1927c. Ce nouveau travail a suscité immédiatement certaines réactionsd. La lettre reproduite ci-dessous nous le confirme:
CHER FRÈRE RUTHERFORD: Le 12 juin [1927], j’ai eu le privilège de desservir les frères de Plainfield, dans le New Jersey. En lieu et place de la réunion publique, il a paru préférable de faire une heure de proclamation de porte en porte.
Immédiatement après l’allocution du matin, trente-cinq frères sont sortis dans le champ; aussi a-t-il été possible de placer 240 livres. Ce fut vraiment une heure de “rencontre publique”.
À leur retour, les frères étaient tout joyeux, car chacun avait le sentiment d’avoir eu une part dans le témoignage public, qui fut excellent. Tous t’envoient leur amour et expriment le désir de faire connaître à toute la terre que Jéhovah est Dieu. Ton frère en Christ, N. H. KNORRe.
L’auteur de cette lettre est depuis 1942 le troisième président de la Société. C’est à propos de ces sorties dans la prédication le dimanche que les ennemis de la bonne nouvelle ont commencé à susciter des difficultés.
En 1928, à South Amboy, dans le New Jersey, quelques témoins de Jéhovah ont été arrêtés parce qu’ils proclamaient la bonne nouvelle le dimanche. Ce premier tir ouvert sur les témoins de Jéhovah a marqué le début d’un combat qui a duré une dizaine d’années, et souvent ils se sont référés à cette période comme à “la bataille du New Jersey”. Mais le front de l’opposition s’est bientôt étendu à presque toutes les parties de la terre.
LOÏS: Est-ce que ce sont les groupes protestants qui vous ont fait, comme auparavant, le plus d’opposition?
JEAN: Ces mouvements nous étaient toujours hostiles, mais ceux qui nous ont fait la guerre à outrance, ce sont certaines cellules de l’“Action catholique”. La plupart de ces groupements ont été formés dans les années 20. Ils représentaient certains mouvements semi-religieux organisés dans différents pays pour répandre les idéologies sociales et politiques de l’Église catholique romaine. Plusieurs de ces groupes avaient commencé leur activité aux États-Unis en 1921. Mais avec les arrestations de 1928 et 1929, les témoins de Jéhovah prirent fermement position sur la question de l’obéissance aux gouvernements qui s’opposent aux ordres que Dieu a donnés.
THOMAS: Voilà une question que je voulais examiner avec vous. Vous nous avez seulement parlé de l’attitude positive des témoins de Jéhovah vis-à-vis des gouvernements qui font partie du monde de Satan. Comment définissiez-vous, à l’époque, votre position exacte à leur égard? J’ai parlé l’autre jour avec un homme qui critique les témoins de Jéhovah, parce que, bien que ne votant pas, ils ont recours aux tribunaux pour la défense de leurs droits. Comment expliquez-vous cela?
JEAN: Un homme ne doit pas nécessairement être inscrit comme électeur pour recourir aux tribunaux. Même un étranger peut bénéficier de ce droit. Les tribunaux sont essentiellement subventionnés par les impôts, et les témoins de Jéhovah paient les leurs. C’est pourquoi ils sont en droit de bénéficier de la protection légale garantie par le gouvernement, laquelle comprend également le secours de la police et des pompiers, institutions qui, elles aussi, sont entretenues avec l’argent des contribuables.
Les apôtres des temps anciens ont profité de toutes les garanties que l’État romain offrait en vue de la protection des droits individuels. Paul a même porté son propre cas devant la Cour suprême de justice de Rome, c’est-à-dire devant César en personne. Paul se savait avant tout citoyen des cieux, cependant il usait tout de même de ses droits de citoyen romain; et s’il a agi ainsi, ce n’était pas pour en retirer un avantage personnel, mais pour l’avancement des intérêts de l’œuvre de Dieu. C’est pourquoi les témoins de Jéhovah ont adopté à ce moment-là la même ligne de conduite. Paul a parlé de ses séjours en prison alors qu’il se trouvait à Rome, et des frères qui s’occupaient avec lui de la “défense et [de] l’établissement légal de la bonne nouvellef”.
LOÏS: Pouvez-vous nous rappeler la position doctrinale que les témoins de Jéhovah ont prise à cette époque?
JEAN: Elle était fondée sur Romains 13:1, un texte d’ailleurs souvent mal employé et mal interprété par ceux qui veulent soumettre les hommes entièrement à l’autorité des gouvernements humains, quand la volonté de ceux-ci est en contradiction avec les commandements de Dieu.
LOÏS: Je me souviens de ce passage. C’est celui qui dit qu’il faut être soumis aux autorités supérieures. Je vais vous le lire: “Que toute âme soit soumise aux autorités supérieures, car il n’y a pas d’autorité excepté par Dieu; les autorités existantes se tiennent placées dans leurs positions relatives par Dieu.”
THOMAS: Cela donne tout à fait l’impression qu’il faudrait être entièrement soumis aux gouvernements de ce monde.
LA SOUMISSION AUX AUTORITÉS SUPÉRIEURES
JEAN: Eh bien, en août et en septembre 1929, La Tour de Garde a publié un article intitulé “Les autorités supérieures”. Cet article a paru en deux partiesg. Quelques citations vont nous permettre de voir de quelle manière ce point était compris par les témoins à cette époque cruciale.
Il a été fait, sur ce treizième chapitre aux Romains 13, bien des commentaires tendant à prouver que les autorités des Gentils ou gouvernements de ce monde sont les “autorités qui existent”, et que ces gouvernements tiennent leur pouvoir de l’Éternel Dieu. Il est facile de voir que ce fut là le fondement de la doctrine du “droit divin des rois”, car l’apôtre Paul dit que toute autorité a été instituée de Dieu et que par conséquent l’enfant de Dieu doit y obéirh.
Suivent de nombreux exemples de choses autorisées légalement dans certains pays et considérées comme illégales dans d’autres. Voici la question qui se pose alors: Dieu aurait-il conféré un pouvoir ou une autorité différente à ces diverses nations? En résumant les traits particuliers de cet argument, l’article déclare:
La loi fondamentale des États-Unis déclare que chacun est libre de pratiquer la religion qui lui plaît. Contrairement à cette loi, celle de quelques États défend de prêcher l’évangile en certains endroits ou en certaines circonstances, et ceux qui y dérogent sont arrêtés et punis. En Russie, la loi interdit la prédication de l’évangile sans permis spécial du gouvernement. Dieu a cependant ordonné à ses fils, par Jésus-Christ, de prêcher l’évangile à toutes les nations comme témoignage (Matthieu 24:14). L’enfant de Dieu doit-il obéir à la loi des États-Unis, à celle de la Russie ou à celle de Dieu? Serait-il possible que Dieu ait conféré aux différentes nations le droit et l’autorité de faire des lois contraires à sa volonté ou même contraires à la logique?
Ne ressort-il pas clairement de tout cela qu’appliquer les paroles de l’apôtre aux gouvernements de ce monde était une erreur? Lorsqu’il dit: “Les autorités qui existent ont été instituées de Dieu”, s’en référait-il réellement aux nations de la terre? Ne serait-il pas plus raisonnable d’admettre qu’il ne parle ici que des autorités de l’organisation de Dieu, et non de celles de l’organisation de Satani?
D’autres versets bibliques et arguments étaient donnés ensuite pour soutenir cette conclusion.
Cette nouvelle façon de concevoir la position des chrétiens à l’égard des gouvernements de ce monde a ranimé le zèle des témoins de Jéhovah et leur a permis de résister aux attaques qui, telles des vagues, ont déferlé sur eux lors des batailles juridiquesj. Cette attitude ferme des témoins de Jéhovah, décidés à ne se soumettre totalement qu’à Jéhovah et à Jésus-Christ, n’a fait qu’endurcir leurs adversaires dans leur opposition au Roi intronisé par Jéhovah pour diriger son gouvernement.
THOMAS: À peu près tout ce que je me rappelle de l’année 1929, c’est qu’elle a vu le grand effondrement de la Bourse qui a entraîné l’une des plus graves crises mondiales.
JEAN: Oui, effectivement. Les historiens modernes rendent cette crise responsable de plus de changements sociaux qu’on ne pourrait le penser. S’il est exact que les États-Unis ont connu d’autres crises économiques, celle-ci a réellement ébranlé la sécurité nationale et a démontré que les assises sur lesquelles est construite la société de ce monde n’ont aucune stabilité. Bien des étudiants de l’histoire moderne attribuent une part du succès de l’ascension politique d’Hitler à la situation créée en Europe par suite de cette dépression financière. En 1923, la tentative qu’il fit pour s’emparer du pouvoir lors de son “putsch de la brasserie” à Munich échoua, mais, grâce aux intrigues du catholicisme qui manœuvrait par l’intermédiaire de von Papen et à la faveur de l’atmosphère d’insécurité dans laquelle se trouvait le peuple à cette époque difficile, il devint chancelier d’Allemagne le 30 janvier 1933. Au début de juillet de cette année-là, von Papen, promu au rang de vice-chancelier, négocia au nom d’Hitler un concordat avec le pape Pie XI. Le cardinal Pacelli qui, six ans plus tard, devait être couronné pape sous le nom de Pie XII, signa pour le Vaticank. En 1929, Mussolini avait établi un programme de coopération avec le Vatican, grâce au traité du Latran, qui fut signé par l’Église catholique romaine et ce nouveau gouvernement totalitairel.
Tous ces faits confirmaient la dégradation de la situation mondiale et renforcèrent les témoins de Jéhovah dans leur détermination de servir Dieu comme Chef plutôt que les hommes. Ils ont en outre donné plus de poids au message que les témoins proclamaient aux peuples désemparés de ce monde. Entre 1931 et 1932, un changement marquant a été opéré à l’occasion de deux événements très importants pour l’évolution de la société du monde nouveau: le premier d’entre eux eut lieu lors d’une nouvelle assemblée des témoins de Jéhovah tenue à Columbus, dans l’Ohio, du 24 au 30 juillet 1931. Au cours de cette assemblée, 15 000 membres actifs de la Société ont résolu de porter le nouveau nom de “Témoins de Jéhovah”.
LE NOUVEAU NOM ENTRAÎNE UNE RESPONSABILITÉ SUPPLÉMENTAIRE
LOÏS: Avant 1931 vous ne portiez donc pas ce nom de témoins de Jéhovah. Comment vous appeliez-vous auparavant?
JEAN: Dans nos propres publications nous nous sommes désignés sous les noms de “l’Église”, les “Oints du Seigneur”, les “membres du corps de Christ”, les “frères” ou tout simplement les “chrétiens”, les “fidèles disciples du Christ”, les “Étudiants de la Bible”, les “Étudiants internationaux de la Bible” et d’autres appellations de cet ordrea. Il est certain que de telles expressions sont bibliques. Mais en général les gens de l’extérieur nous appelaient “les prédicateurs de l’aurore du millénium” ou, d’une façon plus péjorative, “les russellistes”. La résolution adoptée en 1931 attirait l’attention sur la confusion créée par cet état de choses et mettait en évidence la vraie position de ces chrétiens, disant:
QUE (...) la Tour de Garde, Société de Bibles et de Tracts, l’Association internationale des Étudiants de la Bible et l’Association de la Tribune du peuple sont simplement des noms d’associations que nous soutenons et contrôlons, et dont nous nous servons, en tant que chrétiens, pour l’accomplissement de l’œuvre que nous avons entreprise par obéissance aux commandements de Dieu; que cependant aucun de ces noms ne peut s’attacher ni être justement appliqué à nous en tant que groupe de chrétiens, qui marchons sur les traces de notre Seigneur et Maître, Christ Jésus; que nous sommes des étudiants de la Bible, mais que, en tant que groupe de chrétiens constitués en association, nous ne consentons pas à être appelés du nom d’“Étudiants de la Bible”, ou de noms semblables, comme moyen d’identification de notre position devant le Seigneur; que, d’autre part, notre groupement refuse de porter le nom de quelque homme que ce soit.
QUE, ayant été rachetés par le sang précieux de Jésus-Christ, notre Seigneur et Rédempteur, et ayant été justifiés et engendrés par Jéhovah Dieu et appelés à son Royaume, nous proclamons, sans hésiter, notre fidélité et notre obéissance absolues à Jéhovah Dieu et à son Royaume; que nous sommes des serviteurs de Jéhovah Dieu, chargés d’accomplir une œuvre en son nom, et que c’est par obéissance à son commandement que nous rendons témoignage à Jésus-Christ et faisons connaître aux hommes que Jéhovah est le Dieu tout-puissant et véritable. C’est pourquoi nous adoptons et porterons dorénavant joyeusement le nom que le Seigneur Dieu nous a donné de sa propre bouche et par lequel nous désirons être connus et appelés, c’est-à-dire le nom de “témoins de Jéhovah”. — Isaïe 43:10-12; 62:2, AC; Apocalypse 12:17b.
Inutile de dire que cette résolution a été joyeusement accueillie par tous les assistants, et qu’au cours des semaines qui ont suivi, les membres du peuple de Jéhovah, rassemblés tout autour de la terre à l’occasion d’une cinquantaine de congrès, ont uni leurs voix pour adopter ce nom nouveau et remarquable.
Afin que les dirigeants de ce monde soient dûment avertis de l’appellation par laquelle le peuple de Jéhovah allait désormais s’identifier, cette résolution, ainsi que le texte du discours donné par frère Rutherford à l’assemblée, furent publiés dans la brochure Le Royaume, l’Espérance du Monde. Une autre résolution adoptée à cette assemblée y était jointe. Elle accusait une nouvelle fois la chrétienté d’apostasier et de mépriser les conseils de Jéhovah. Cette brochure proclamait: “L’espérance du monde est le Royaume de Dieu; il n’y a point d’autre espérancec.” Cette année-là, au cours du mois d’octobre, une campagne a été entreprise par les congrégations, afin que chaque chef religieux, chaque politicien, et chaque homme d’affaires important soit visité à son domicile et reçoive cette brochure. Rien qu’aux États-Unis et au Canada, 132 066 brochures ont été distribuées de cette manièred. En quelques mois, cette brochure a été répandue dans les foyers de cinq millions d’autres personnes réparties sur toute la surface de la terree.
LOÏS: Cela a sans doute été l’une de vos plus grandes campagnes auprès des dirigeants et du peuple.
JEAN: En effet, et il fallait qu’il en soit ainsi, car les témoins de Jéhovah devraient désormais être reconnus comme de véritables serviteurs de Dieu, voués à la proclamation de son nom et de son Royaume. Par là encore ils se sont séparés des gens du monde, qui ne reconnaissent pas le Roi intronisé dans les cieux et établi par la puissance de Jéhovah pour soumettre toutes les nations. De plus, dans les Écritures, le contexte où apparaît ce nom met encore l’accent sur l’issue du conflit qui oppose les véritables serviteurs de Dieu et ceux qui prétendent faussement le servir. Marie, voudrais-tu nous faire la lecture d’Isaïe 43:8-10 (AC)?
MARIE: [Elle lit]: “Fais sortir le peuple aveugle, qui a des yeux, et les sourds, qui ont des oreilles. Nations, assemblez-vous toutes, et que les peuples se réunissent! Lequel d’entre eux a annoncé ces choses? Lequel nous a fait entendre des prédictions anciennes? Qu’ils produisent leurs témoins et qu’ils justifient leurs allégations; qu’on les écoute et qu’on dise: ‘C’est vrai!’ Vous êtes mes témoins, dit Jéhovah, et mon serviteur que j’ai choisi, afin que vous reconnaissiez et que vous croyiez, et que vous compreniez que c’est moi. Avant moi aucun Dieu n’a été formé et il n’y en aura point après moi”.
LOÏS: Cela ne laisse guère subsister de doute quant à ce que Jéhovah exige de ceux qui portent son nom, ne trouvez-vous pas?
JEAN: Aucun. D’ailleurs, au cours de la période qui suivit la naissance de la société du monde nouveau et celle des sociétés ennemies qui concentraient leurs forces, un combat en vue d’exercer l’autorité allait s’engager, et les faits seraient présentés aux peuples, afin que chaque individu puisse discerner clairement laquelle de ces sociétés occupe une place dans les desseins de Jéhovah. Mais avant que ce combat ne débute pour de bon, Jéhovah a voulu réaliser au sein de son organisation un autre projet, dans le but de restaurer le sanctuaire dans la position qu’il doit occuper.
PURIFICATION DU SANCTUAIRE DE JÉHOVAH
Vous vous souvenez certainement qu’en 1926, à l’occasion de l’assemblée des témoins de Jéhovah à Londres, il avait été dit que la Société des Nations est la “bête” décrite dans Révélation 17:11, et qu’elle serait assurément détruite par la main de Jéhovahf. Cette affirmation a été signifiée à toutes les nations. Mais en ont-elles seulement tenu compte? Non, elles n’ont pas rejeté l’abomination qui cause la désolation pour se tourner vers le Royaume de Dieu comme vers la seule espérance pour ce monde. En ignorant cette proclamation que Dieu faisait par l’intermédiaire de ses serviteurs terrestres, elles ont tourné le dos aux dispositions prises par Dieu pour leur salut, et ont ainsi ouvertement péché contre lui. Daniel avait été averti par l’ange de Jéhovah que les nations agiraient de cette manièreg.
De son temps, Daniel avait prédit qu’après 2 300 jours, le sanctuaire de Dieu remporterait la victoire. Cet événement devait entraîner l’élimination du sein de l’assemblée de Dieu des “anciens électifs”, qui avaient été assignés à une fonction par voie démocratique. La Tour de Garde, dans les numéros de novembre et de décembre 1932 (éd. angl. du 15 août et du 1er septembre), contenait un article en deux parties intitulé “L’organisation de Jéhovah”. Cet article montrait clairement que le système des “anciens électifs” était une pratique impure empruntée au monde et en désaccord avec les principes du grand Théocrate, qui dirige son sanctuaire de haut en bas. En conclusion l’article présentait une résolution, accompagnée d’une recommandation, pour que toutes les congrégations l’adoptent. En voici un extrait:
Qu’il soit par conséquent déclaré ici que nommer quelqu’un par votes à une charge d’ancien dans l’assemblée de Dieu n’est pas autorisé par les Écritures, et que désormais nous ne nommerons plus personne à cette charge. Tous les oints de Dieu sont des anciens dans le sens que les Écritures attribuent à ce terme; tous sont des serviteurs du Très-Haut.
Pour que notre service se fasse avec ordre, nous voulons choisir divers membres de notre groupe que nous chargerons de certains devoirs, et parmi lesquels un directeur de service que nous proposerons au chef de l’administration, au directeur de la Société. Ce directeur de service fera partie de notre comité de service.
Cette résolution a été adoptée par les congrégations des témoins de Jéhovah du monde entier, et dans un avis paru dans La Tour de Garde (angl.) du 15 octobre 1932, exactement à la fin de la période de temps fixée dans la prophétie de Daniel, Jéhovah révélait officiellement et par l’intermédiaire de son canal visible de communication que son sanctuaire avait été purifié et rétabli à sa juste place pour ce qui était de la suppression de ce procédé démocratique de l’élection des anciensh.
THOMAS: Je comprends aisément que cette mesure allait apporter l’unité à votre organisation. Et ce fut là, il me semble, un progrès d’une grande portée.
JEAN: Évidemment, cette mesure n’a pas rétabli complètement le fonctionnement théocratique de l’organisation de Jéhovah, telle qu’elle existait du temps des apôtres. Cette restauration complète restait encore à réaliser, et elle allait marquer la mise au point finale de la société du monde nouveau en tant qu’instrument pour la réalisation du dessein de Dieu envers son peuple. Et maintenant, plus que jamais, la faveur de Jéhovah reposait visiblement sur le canal qu’il s’était choisi plusieurs dizaines d’années auparavant. Depuis que le pasteur Russell avait, en 1878, pris fermement position pour le vrai culte, et au cours de toutes les années pendant lesquelles La Tour de Garde et ses éditeurs avaient continué la guerre contre les compromis et l’apostasie, il était devenu de plus en plus évident que ce groupe de chrétiens occupait une place remarquable dans les desseins divins. Après avoir été arrachés au pouvoir de la mort, en 1919, et poussés à prendre position avec courage et hardiesse contre Satan et pour Jéhovah, le rôle qu’ils avaient été appelés à jouer leur était désormais assuré, comme le montre le fait que le Souverain suprême plaçait sur eux son propre nom. Ainsi fortifiée, cette société de chrétiens et de chrétiennes était maintenant prête à se lancer dans une campagne telle que les serviteurs de Jéhovah n’en avaient jamais connue de semblable.
[Notes]
a a Annuaire (angl.) 1929, p. 65.
b b w 1924, pp. 82, 358; w 1950, p. 268.
c c wF 1948, p. 365.
d d Ibid.
e e Le christianisme sous presse (angl.) d’Edgar J. Goodspeed (1940), pp. 75-77.
f f wF 1948, p. 378.
g g wF mai 1924, p. 90.
h h WBBR, Staten Island, New York; WORD, Batavia, Illinois (à partir de 1924); CHUC, Saskatoon, Saskatchewan, Canada (à partir de 1925); CKCY, Toronto, Ontario; CHCY, Edmonton, Alberta; CFYC, Vancouver, B.C. (ces trois dernières stations canadiennes ont été utilisées à partir de 1926). w 1925, p. 357; Annuaire (angl.) 1927, p. 41; Annuaire (angl.) 1928, pp. 32, 33. En 1928, le gouvernement du Canada refusa de renouveler l’autorisation de faire usage des quatre émetteurs que nous possédions dans ce pays. Annuaire (angl.) 1929, p. 35.
i i KFWM, Oakland, Californie (à partir de 1925); WHK, Cleveland, Ohio (à partir de 1926). w 1925, p. 357; Annuaire (angl.) 1927, p. 41.
j j w 1922, p. 180.
k k Annuaire (angl.) 1930, pp. 34-39.
l l Annuaire (angl.) 1932, pp. 47-51.
a m C’est principalement grâce à l’activité déployée par le siège de la Société, que le message a touché des hommes d’Argentine, du Canada, de Chine, de Cuba, de France, d’Afrique du Sud, d’Estonie, d’Uruguay, d’Alaska, d’Hawaii, des Philippines et des États-Unis.
b n Annuaire (angl.) 1934, pp. 60-64.
c o w 1927, pp. 63, 233.
d p Annuaire (angl.) 1929, p. 58.
e q w 1927, p. 233.
f r Philippiens 1:7.
g s wF 1929, pp. 120-125, 131-137.
h t Ibid., p. 120.
i u Ibid., pp. 120, 121.
j v Voir aussi w 1943, p. 298; wF 1946, p. 216.
k w Le Vatican dans la politique mondiale (angl., 1948, Manhattan), pp. 165-170; Encyclopédie Columbia (angl), p. 1240.
l x Encyclopédie Columbia (angl.) 1942, pp. 608, 1227; w 1941, p. 280; Encyclopédie américaine, Vol. VII, p. 464.
a y wF oct. 1922, p. 10.
b z Annuaire (angl.) 1932, pp. 22, 23.
c aa wF 1931, p. 188.
d bb Cette brochure fut remise à 88 009 prêtres, 19 103 hommes politiques, 22 869 hommes d’affaires et 2 085 chefs militaires. Bulletin (angl.) du 1er janv. 1932.
e cc Annuaire (angl.) 1932, p. 36.
f dd Voyez le chapitre 16, p. 111.
g ee Daniel 8:13, 14.
h ff “Que ta volonté soit faite sur la terre” (édition française de 1965), pp. 209-216.
[Illustration, page 121]
LA WBBR, STATEN ISLAND, NEW YORK, 1924.