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  • Birmanie (Myanmar)
  • Annuaire 2013 des Témoins de Jéhovah
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  • Débuts de l’œuvre
  • « Rachel, j’ai trouvé la vérité ! »
  • Des pionniers intrépides
  • Une assemblée historique
  • Les premières disciples kayins
  • Difficultés durant la Seconde Guerre mondiale
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  • On raisonne avec « toutes sortes d’hommes »
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  • La force de l’exemple
  • Les bienfaits d’une meilleure traduction
  • Le cyclone Nargis
  • Un évènement inoubliable
  • « Blancs pour la moisson »
Annuaire 2013 des Témoins de Jéhovah
yb13 p. 78-173

Birmanie (Myanmar)

BLOTTIE entre deux géants, l’Inde et la Chine, la Birmaniea est un pays de contrastes fascinants. Sa plus grande ville, Rangoun (ou Yangon), mêle immeubles, magasins populeux et circulation intense. Mais au-delà s’étend un territoire rural où les buffles d’eau labourent le sol, où l’étranger suscite l’émerveillement et où le temps se mesure au rythme des saisons.

La Birmanie d’aujourd’hui a gardé un air d’antan. Sur les routes truffées de nids-de-poule, des bus bringuebalants doublent des chars à bœufs acheminant des produits au marché et des chevriers menant leurs bêtes aux champs. Les hommes portent toujours le traditionnel longyi, une sorte de jupe portefeuille, et les femmes se fardent au thanaka, une pâte faite avec l’écorce de certains arbres. Les Birmans sont très religieux. Ainsi, les bouddhistes révèrent les moines plus que les célébrités et appliquent chaque jour sur des statues de Bouddha des feuilles d’or en guise d’offrande.

Le peuple birman est doux, courtois et curieux. Il se compose de huit ethnies principales et d’au moins 127 minoritaires, possédant chacune sa langue, son costume, sa cuisine et sa culture. Une forte proportion se concentre dans la plaine centrale arrosée par l’Irrawaddy (Ayeyarwady), puissant fleuve de 2 170 kilomètres serpentant depuis les glaces de l’Himalaya jusqu’aux eaux tièdes de la mer des Andaman. Le reste, soit quelques millions d’habitants, vit dans le vaste delta côtier et dans l’arc formé par les montagnes limitrophes du Bangladesh, de l’Inde, de la Chine, du Laos et de la Thaïlande.

[Carte, page 81]

Depuis un siècle, les Témoins de Jéhovah de Birmanie se sont bâti une réputation de foi inébranlable et d’endurance. Ils sont restés neutres au milieu des violences et des bouleversements politiques (Jean 17:14). Malgré les privations, l’opposition religieuse et le peu de contacts avec leur famille chrétienne internationale, ils ne se sont pas lassés de prêcher la bonne nouvelle du Royaume de Dieu. Les pages qui suivent retracent leur histoire touchante.

Depuis un siècle, nos frères de Birmanie se sont bâti une réputation de foi inébranlable et d’endurance.

Débuts de l’œuvre

En la décisive année 1914, un vapeur venu d’Inde accoste dans la moiteur suffocante du port de Rangoun. En débarquent deux Anglais, Hendry Carmichael et son compagnon de service. Ils ont la difficile mission de démarrer la prédication en Birmanie. Leur territoire ? Tout le pays.

« Mais bien sûr ! si tu veux aussi entrer dans le monde nouveau par procuration. »

[Graphique, page 84]

Commençant à Rangoun, Hendry et son compagnon ont vite rencontré deux Anglo-Indiensb qui se sont vivement intéressés au message du Royaume. Ces deux hommes, Bertram Marcellinec et Vernon French, ont aussitôt coupé les ponts avec la chrétienté et se sont mis à prêcher à leurs amis. Peu après, une vingtaine de personnes se réunissaient régulièrement chez Bertram pour étudier la Bible à l’aide de La Tour de Garde.

Des proclamateurs à Rangoun, 1932.

En 1928, un autre pionnier anglais venu d’Inde, George Wright, a sillonné la Birmanie pendant cinq mois et y a diffusé de nombreux ouvrages bibliques. Ces graines de vérité comptaient sûrement la brochure Des millions de personnes actuellement vivantes ne mourront jamais ! (1920), le premier de nos écrits traduits en birman.

En 1930, les pionniers Claude Goodman et Ronald (Ron) Tippin sont arrivés à Rangoun, où ils ont trouvé un petit groupe de frères qui tenaient assidûment des réunions, mais n’effectuaient aucune prédication organisée. Témoignage de Claude Goodman : « Nous les avons encouragés à venir prêcher tous les dimanches. L’un d’eux nous a demandé s’il pouvait prêcher par procuration en nous aidant financièrement, nous pionniers. Ron lui a dit : “Mais bien sûr ! si tu veux aussi entrer dans le monde nouveau par procuration.” » Cette réponse directe était exactement ce que le groupe avait besoin d’entendre. Bientôt, Claude et Ronald avaient une foule de compagnons de prédication !

« Rachel, j’ai trouvé la vérité ! »

La même année, Ron et Claude ont rencontré Sydney Coote, chef de gare à Rangoun, qui a accepté la fameuse « collection arc-en-ciel », un jeu de dix livres de couleurs vives. Après en avoir feuilleté un, Sydney lance à sa femme : « Rachel, j’ai trouvé la vérité ! » Il ne faudra pas longtemps pour que toute la famille Coote serve Jéhovah.

Sydney était un étudiant minutieux des Écritures. « Mon père s’était constitué son propre index biblique, relate sa fille, Norma Barber, aujourd’hui Béthélite en Angleterre après une longue carrière missionnaire. Quand il trouvait un verset étayant un point de doctrine, il l’inscrivait sous la rubrique appropriée. Il avait intitulé son cahier Où est-​ce ? »

Sydney Coote (au milieu) était un étudiant minutieux des Écritures ; Rachel et lui ont largement fait connaître le message biblique.

Sydney ne voulait pas seulement étudier la Bible, il voulait la faire connaître. Il a donc écrit à la filiale indienne pour savoir s’il y avait des Témoins en Birmanie. En retour, il a reçu une grosse caisse de publications et une liste de noms. « Papa a envoyé à chaque personne de la liste une invitation à passer une journée avec nous, poursuit Norma. Cinq ou six frères sont venus et nous ont appris à prêcher informellement. Sans perdre de temps, mes parents ont proposé des publications à leurs amis et à leurs voisins. Ils en ont également envoyé, avec une lettre, à chaque membre de notre famille. »

Dès qu’elle a reçu de son frère une lettre et la brochure Le Royaume, l’Espérance du Monde, Daisy D’Souza, qui vivait à Mandalay, lui a réclamé d’autres publications et une bible. Évocation de sa fille, Phyllis Tsatos : « Ma mère se plongeait dans ces livres avec exaltation jusqu’au petit matin. Un jour, elle nous a réunis, les six enfants, pour nous faire cette annonce fracassante : “Je quitte l’Église catholique : j’ai trouvé la vérité !” » Par la suite, son mari et ses enfants l’ont imitée. À présent, quatre générations de la famille D’Souza servent Jéhovah fidèlement.

Des pionniers intrépides

Au début des années 1930, des pionniers zélés propageaient la bonne nouvelle le long de la ligne ferroviaire nord reliant Rangoun à Myitkyina, près de la frontière chinoise. Ils prêchaient aussi à Sittwe (Akyab) et à Moulmein (Mawlamyine), villes côtières au nord-ouest et à l’est de Rangoun. De petites congrégations ont vu le jour à Moulmein et à Mandalay.

En 1938, la supervision de l’œuvre en Birmanie étant passée de la filiale indienne à la filiale australienne, des pionniers ont commencé à arriver d’Australie et de Nouvelle-Zélande : Fred Paton, Hector Oates, Frank Dewar, Mick Engel, et Stuart Keltie. Ces vaillants prédicateurs étaient des pionniers au plein sens du terme.

Frank Dewar.

Souvenir de Fred Paton : « Durant mes quatre années birmanes, j’ai parcouru presque tout le pays. J’ai eu le paludisme, la typhoïde, la dysenterie et d’autres ennuis de santé. Souvent, après une longue journée de prédication, je n’avais nulle part où dormir. Mais Jéhovah a toujours pris soin de moi et m’a fait avancer par la puissance de son esprit. » Autre souvenir, de Franck Dewar, hardi Néo-Zélandais : « J’ai croisé des bandits, des insurgés et des fonctionnaires grandiloquents. Mais j’ai constaté qu’en étant poli, doux, humble et raisonnable, en général je venais à bout des plus grands obstacles. Les gens ont vite compris que les Témoins de Jéhovah étaient inoffensifs. »

En effet, les pionniers traitaient les Birmans avec respect et amour, à la différence des expatriés, globalement méprisants envers eux. Leur amabilité plaisait à ce peuple humble, qui préférait la douceur et la délicatesse à la rudesse et à la confrontation. En paroles et en actes, ils démontraient que les Témoins de Jéhovah étaient de vrais chrétiens (Jean 13:35).

Une assemblée historique

Quelques mois après l’arrivée des pionniers, la filiale d’Australie a organisé une assemblée à Rangoun. Le lieu retenu était l’hôtel de ville, bâtiment somptueux aux escaliers de marbre et aux imposantes portes de bronze. Les assistants venaient de Thaïlande, de Malaisie, de Singapour, et aussi d’Australie — le serviteur de filiale de ce pays, Alex MacGillivray, ayant emmené avec lui des frères de Sydney.

Dans un contexte de guerre imminente, le discours public intitulé « La guerre universelle est proche », largement annoncé, a attiré des foules. Fred Paton : « Je n’ai jamais vu une salle se remplir aussi vite. Quand j’ai ouvert les portes, une marée humaine s’est engouffrée dans les escaliers, puis dans l’auditorium. En moins de dix minutes, plus de 1 000 personnes se sont entassées dans la salle de 850 places. » Frank Dewar : « Nous avons dû fermer les portes d’entrée et laisser 1 000 autres personnes dehors. Il y a quand même eu de jeunes futés qui se sont glissés à l’intérieur par des petites portes latérales. »

Les frères ont été impressionnés tant par l’intérêt manifesté que par la diversité de l’assistance, qui comptait de nombreuses ethnies. Jusque-​là, très peu d’autochtones avaient été intéressés par la vérité. En effet, les Birmans étaient en majorité des bouddhistes fervents, et ceux de confession chrétienne — principalement des Kayins (ou Karens), des Kachins et des Chins — vivaient dans des régions isolées et peu prêchées. Le champ indigène semblait mûr pour la moisson. La « grande foule » internationale prédite dans la Bible allait bientôt comprendre les nombreuses ethnies birmanes (Rév. 7:9).

Les premières disciples kayins

Les premières disciples kayins : Chu May « Daisy » (à gauche) et Hnin May « Lily » (à droite).

En 1940, la pionnière Ruby Goff prêche Insein, bourg de la banlieue de Rangoun. Un jour, ayant eu peu de succès, elle fait cette prière : « Jéhovah, s’il te plaît, aide-​moi à trouver juste une “brebis” avant de rentrer. » Dès la porte suivante, une baptiste kayin, Hmwe Kyaing, l’écoute volontiers. Elle accepte d’étudier la Bible, ainsi que ses filles, Chu May (Daisy) et Hnin May (Lily). Toutes les trois progresseront bien, mais Hmwe Kyaing décédera peu après. Lily, la fille cadette, sera la première Kayin baptisée Témoin de Jéhovah ; Daisy la suivra plus tard.

Lily et Daisy ont été des pionnières zélées, qui ont laissé un héritage durable. Aujourd’hui, une foule de leurs descendants et de leurs étudiants servent Jéhovah en Birmanie et à l’étranger.

Difficultés durant la Seconde Guerre mondiale

En 1939, la Seconde Guerre mondiale éclate en Europe. Le monde entier en ressent l’onde de choc. Profitant de l’hystérie guerrière montante, le clergé birman accroît la pression sur le gouvernement colonial pour qu’il interdise nos publications. Mick Engel, le responsable du dépôt de Rangoun, sollicite alors un haut fonctionnaire américain et obtient une lettre d’autorisation pour faire transporter deux tonnes de publications par la Route birmane vers la Chine sur des camions de l’armée.

Fred Paton et Hector Oates apportent les publications jusqu’à Lashio, tête de ligne près de la frontière chinoise. En entendant leur demande, le fonctionnaire chargé du convoi pour la Chine manque de s’étrangler de colère. « Quoi ? hurle-​t-​il. Vous croyez que je vais faire de la place dans mes camions pour vos tracts minables alors que je n’en ai absolument pas pour des fournitures médicales et militaires urgentes qui moisissent ici dehors ? » Fred marque une pause, sort de sa serviette la lettre d’autorisation et informe le fonctionnaire que ce serait très grave de contrevenir à un ordre officiel de Rangoun. Ni une ni deux, l’homme met à la disposition des frères un petit camion avec chauffeur et vivres. C’est ainsi que nos pionniers atteindront Chongqing, 2 500 kilomètres plus loin dans le centre sud de la Chine, où ils diffuseront les précieux écrits et prêcheront même au président du gouvernement nationaliste chinois, Tchang Kaï-chek en personne.

À l’arrivée de la police, les publications avaient disparu.

Finalement, en mai 1941, le gouvernement colonial indien câble aux autorités de Rangoun l’ordre de saisir nos publications. Deux frères employés au télégraphe, voyant passer le message, préviennent aussitôt Mick Engel. Mick appelle Lily et Daisy, puis fonce au dépôt, où ils rassemblent les 40 cartons restants pour les mettre en lieu sûr dans des maisons autour de Rangoun. À l’arrivée de la police, les publications ont disparu.

Le 11 décembre 1941, quatre jours après Pearl Harbor, les bombes japonaises se sont mises à pleuvoir aussi sur la Birmanie. Ce week-end-​là, quelques Témoins se sont réunis dans un petit appartement au-dessus de la gare centrale de Rangoun. C’est là qu’après un exposé biblique plein de dignité, Lily a été baptisée solennellement dans une baignoire.

Trois mois plus tard, l’armée japonaise entrait dans Rangoun désertée. Plus de 100 000 habitants avaient fui vers l’Inde. Des milliers sont morts en chemin, de faim, d’épuisement, de maladie. Sydney Coote, parti avec sa famille, a succombé à un paludisme cérébral près de la frontière indienne. Un autre frère est tombé sous les balles japonaises, et un troisième a perdu femme et enfants dans le bombardement de sa maison.

Seule une poignée de Témoins sont restés en Birmanie. Lily et Daisy ont déménagé à Maymyo (Pyin Oo Lwin), paisible bourg à flanc de colline près de Mandalay, où elles ont semé des graines de vérité qui ont fructifié par la suite. Cyril Gay s’est installé à Tharrawaddy (Thayarwaddy), à 100 kilomètres au nord de Rangoun, où il a vécu tranquille jusqu’à la fin de la guerre.

La joie des retrouvailles

Après la guerre, la plupart des frères et sœurs qui s’étaient réfugiés en Inde sont rentrés. En avril 1946, la congrégation de Rangoun comptait huit proclamateurs actifs. À la fin de l’année, elle s’était étoffée jusqu’à en compter 24 ; aussi les frères ont-​ils décidé de tenir une assemblée de deux jours.

Elle aurait pour cadre une école d’Insein. Impressions de Théo Syriopoulos, qui avait connu la vérité à Rangoun en 1932 : « J’ai appris en rentrant d’Inde que je devais donner le discours public d’une heure. Or, je n’avais à mon actif que deux exposés de cinq minutes prononcés lors de réunions en Inde. Mais l’assemblée a été une réussite. Il y a eu plus de 100 assistants. »

Quelques semaines après, un sympathisant kayin, chef de village, a offert à la congrégation un lopin de terre à Ahlone, faubourg en bord de fleuve près du centre de Rangoun. Sur ce terrain, les frères ont construit une Salle du Royaume de 100 places en bambou. C’était l’euphorie dans la congrégation. La guerre n’avait pas entamé la foi des Témoins ; ils avaient hâte de redémarrer la prédication.

Les premiers Guiléadites

En haut : Les premiers Guiléadites Hubert Smedstad, Robert Kirk, Norman Barber et Robert Richards. En bas : (derrière) Nancy D’Souza, Milton Henschel, Nathan Knorr, Robert Kirk, Terence D’Souza, (devant) Russell Mobley, Penelope Jarvis-Vagg, Phyllis Tsatos, Daisy D’Souza, Basil Tsatos.

Début 1947, des frères tout émus se tiennent sur le quai de Rangoun ; ils sont venus accueillir Robert Kirk, le premier missionnaire à entrer en Birmanie. Trois autres Guiléadites le suivront de près — Norman Barber, Robert Richards et Hubert Smedstad —, ainsi que Frank Dewar, qui, lui, a été pionnier en Inde pendant la guerre.

Les missionnaires trouvent une ville ravagée. Quantité de bâtiments ne sont plus que des carcasses calcinées. Des milliers de gens habitent de frêles huttes de bambou le long des routes. On cuisine, on fait la lessive, on vit dans la rue. Mais les frères étaient là pour enseigner la vérité biblique ; alors ils se sont adaptés et se sont activés dans la prédication.

Le 1er septembre 1947, la Société Watch Tower a ouvert une filiale dans le pays. Le surveillant en était Robert Kirk, et le lieu la maison de missionnaires située rue de la pagode du Signal, non loin du centre-ville. Peu après, la congrégation de Rangoun a quitté la salle en bambou d’Ahlone pour un appartement de la rue Bogalay Zay. Ce n’était qu’à quelques minutes à pied du Secrétariat, édifice majestueux abritant le gouvernement colonial britannique... gouvernement dont les jours étaient comptés.

La guerre civile

Le 4 janvier 1948, les Britanniques ont cédé le pouvoir au nouveau gouvernement birman. Après 60 ans de domination coloniale, la Birmanie devenait indépendante. Mais elle basculait aussi dans la guerre civile.

[Graphique, page 100]

Des ethnies se sont affrontées pour fonder des États indépendants, tandis que des milices et des bandes criminelles se sont disputé des zones stratégiques. Début 1949, les rebelles contrôlaient presque tout le pays. La guerre était aux portes de Rangoun.

Pendant le flux et le reflux des combats, les frères prêchaient avec prudence. La filiale a quitté la rue de la pagode du Signal pour un grand appartement sur la 39e rue, un secteur tranquille abritant plusieurs ambassades, à trois minutes à pied de la poste centrale.

Peu à peu, l’armée birmane a affirmé son autorité en chassant les rebelles dans les montagnes. Vers 1955, le gouvernement avait reconquis la plus grande partie du pays. Mais la guerre civile n’était pas terminée : elle a persisté sous une forme ou une autre jusqu’à nos jours.

Prédication et enseignement en birman

Jusqu’en 1955, les frères birmans prêchaient presque uniquement en anglais, langue que connaissaient les citadins instruits. Mais des millions de gens ne parlaient que birman, kayin, kachin, chin ou d’autres dialectes encore. Comment leur faire connaître la bonne nouvelle ?

En 1934, Sydney Coote avait fait traduire par un instituteur kayin plusieurs brochures en birman et en kayin. Plus tard, d’autres proclamateurs avaient traduit le livre Que Dieu soit reconnu pour vrai ! et quelques brochures en birman. En 1950, sur la demande de Robert Kirk, Ba Oo avait entrepris de traduire à la main des articles d’étude de La Tour de Garde en birman. On faisait composer et imprimer ces articles par des imprimeurs professionnels de Rangoun, puis on les distribuait à ceux qui assistaient aux réunions. Par la suite, la filiale a acheté une machine à écrire birmane pour accélérer le processus de traduction.

Ba Oo (à gauche) a traduit des articles de La Tour de Garde en birman.

Ces traducteurs de la première heure étaient bien courageux. « Je travaillais le jour pour nourrir ma famille, et le soir je traduisais jusque tard dans la nuit à la lueur d’une ampoule électrique, relate Naygar Po Han, qui a pris le relais quand Ba Oo a dû arrêter. Comme je n’avais qu’une connaissance limitée de l’anglais, mes traductions devaient être très approximatives. Mais nous avions tellement besoin de nos périodiques pour toucher un maximum de personnes ! » Quand Robert Kirk lui a demandé de traduire La Tour de Garde en birman, Doris Ba Aye (aujourd’hui Doris Raj) a été si bouleversée qu’elle a fondu en larmes : « Je n’avais qu’une instruction de base et aucune expérience de la traduction. Mais frère Kirk m’a encouragée à essayer. J’ai donc prié Jéhovah et je m’y suis mise. » Cinquante ans plus tard, Doris est toujours traductrice au Béthel de Rangoun. Naygar Po Han, aujourd’hui 93 ans, est aussi Béthélite et plus désireux que jamais de servir l’œuvre du Royaume.

La première parution de La Tour de Garde en birman a été annoncée par Nathan Knorr en 1956.

De passage en Birmanie en 1956, Nathan Knorr, du siège mondial, a annoncé la parution de La Tour de Garde en birman. Il a aussi exhorté les missionnaires à se mettre au birman pour pouvoir prêcher plus efficacement. Stimulés, ceux-ci ont redoublé d’efforts dans l’apprentissage de la langue. L’année suivante, Frederick Franz, également du siège mondial, est venu à l’assemblée de cinq jours qui se tenait au Railway Institute Hall de Rangoun. Dans le discours thème, il a recommandé aux frères d’étendre encore plus la prédication en envoyant des pionniers dans des villes et bourgs de province. La première région à recevoir des pionniers a été Mandalay, l’ex-capitale et la deuxième ville du pays.

Moisson à Mandalay

Début 1957, six nouveaux pionniers spéciaux rejoignent à Mandalay le missionnaire Robert Richards, marié depuis peu à Baby, une Kayin. Ils trouvent le territoire difficile : c’est que Mandalay, bastion du bouddhisme, abrite près de la moitié des moines bouddhistes du pays ! Mais ils discernent que, comme jadis à Corinthe, Jéhovah a « beaucoup de gens dans cette ville » (Actes 18:10).

Parmi ces « gens », il y avait Robin Zauja, un étudiant kachin de 21 ans : « Un matin, tôt, Robert et Baby Richards se présentent chez moi en disant qu’ils sont Témoins de Jéhovah. Ils m’expliquent qu’ils annoncent la bonne nouvelle de maison en maison, pour obéir au commandement de Jésus (Mat. 10:11-13). Ils m’exposent leur message, puis me donnent leur adresse ainsi que des périodiques et des livres. Le soir même, je prends un des livres et je passe la nuit à le lire, jusqu’au lever du jour. Dès le lendemain, je vais chez Robert. Je le bombarde de questions durant plusieurs heures. À toutes, il a répondu avec la Bible. » Robin Zauja a été le premier Kachin à accepter la vérité. Par la suite, pionnier spécial pendant des années dans le nord du pays, il a enseigné la vérité à près d’une centaine de personnes. Aujourd’hui, deux de ses enfants sont Béthélites à Rangoun.

Mentionnons aussi Pramila Galliara, qui avait 17 ans quand elle a découvert la vérité à Rangoun : « Mon père, adepte du jaïnisme, s’est fortement opposé à ma nouvelle croyance. Deux fois il a brûlé ma bible et mes publications bibliques, et plusieurs fois il m’a battue en public. Il m’a enfermée chez nous pour m’empêcher d’aller aux réunions. Il m’a même menacée de mettre le feu à la maison de frère Richards ! Mais en voyant qu’il ne pourrait pas briser ma foi, il a petit à petit cessé de lutter contre moi. » Pramila a abandonné ses études universitaires pour devenir pionnière. Elle a épousé par la suite Dunstan O’Neill, un surveillant de circonscription. Elle a amené 45 personnes à la vérité.

Pendant que l’œuvre progressait à Mandalay, la filiale a envoyé des missionnaires et des pionniers dans d’autres villes provinciales : Bassein (Pathein), Kalemyo, Bhamo, Myitkyina, Moulmein et Mergui (Myeik). Jéhovah a visiblement béni l’œuvre, car dans chacune de ces villes se sont formées de solides congrégations.

Expulsion des missionnaires

Tandis que la prédication prenait son essor, les tensions politico-ethniques s’exacerbaient, poussant lentement le pays vers le point de rupture. En mars 1962, l’armée s’est emparée du gouvernement. Indiens et Anglo-Indiens ont été expulsés par centaines de milliers en Inde et au Pakistan oriental (aujourd’hui le Bangladesh). Aux étrangers de passage, on ne donnait des visas que de 24 heures. La Birmanie fermait ses portes au monde.

Les frères observaient ces évènements d’un œil de plus en plus inquiet. La junte militaire garantissait la liberté de culte, mais seulement si les religions restaient en dehors de la politique. Égaux à eux-​mêmes, les missionnaires de la chrétienté ont persisté à s’immiscer dans ce genre d’affaires. En mai 1966, le gouvernement en a eu assez : il a ordonné à tous les missionnaires étrangers de quitter le pays ! Les missionnaires Témoins, pourtant scrupuleusement apolitiques, ont dû partir eux aussi.

Quoique choqués, les frères locaux ont gardé courage. Ils savaient que Jéhovah était avec eux (Deut. 31:6). Malgré tout, certains se demandaient comment l’œuvre allait pouvoir continuer.

On a vite vu la main de Jéhovah agir. La surveillance de la filiale a été confiée à Maurice Raj, ex-surveillant de circonscription qui avait reçu une formation au Béthel. Indien de souche, Maurice n’avait pas été expulsé avec ses compatriotes. « Quelques années plus tôt, j’avais voulu me faire naturaliser Birman, explique-​t-​il. Mais je n’avais pas les 450 kyatsd qu’il fallait pour payer mon certificat de citoyenneté, alors j’avais remis ça à plus tard. Puis, un jour, je passe devant le bureau de la société qui m’a employé des années auparavant, quand mon ancien patron me voit et me lance : “Hé ! Raj ! venez prendre votre argent. Quand vous êtes parti, vous avez oublié de récupérer votre retraite.” Il y en avait pour 450 kyats !

« En quittant son bureau, j’ai pensé à tout ce que je pourrais faire avec 450 kyats. Mais puisque c’était exactement la somme qu’il me fallait pour mon certificat de citoyenneté, je me suis dit que Jéhovah voulait que je l’emploie à cette fin. Cette décision s’est avérée très utile. Alors que les autres Indiens avaient été expulsés, moi, citoyen birman, je pouvais rester dans le pays, voyager librement, importer des publications et effectuer d’autres tâches essentielles à la prédication en Birmanie. »

Avec Dunstan O’Neill, Maurice Raj a fait le tour du pays pour encourager chaque congrégation et chaque groupe isolé : « Nous disions aux frères : “Ne vous inquiétez pas. Jéhovah est avec nous. Si nous lui sommes fidèles, il nous aidera.” Et il nous a aidés ! D’autres pionniers spéciaux ont été envoyés, et la prédication s’est accrue encore plus rapidement. »

Quarante-six ans après, Maurice, membre du Comité de la filiale, voyage toujours en Birmanie pour fortifier les congrégations. Comme pour Caleb autrefois en Israël, l’âge n’a pas entamé son zèle pour Dieu (Jos. 14:11).

La prédication gagne l’État chin

[Carte, page 111]

L’État chin, région montagneuse frontalière du Bangladesh et de l’Inde, a été l’un des premiers territoires à recevoir des pionniers spéciaux. On y trouve de nombreux « chrétiens », fruit de l’activité de missionnaires baptistes sous la colonisation britannique. C’est pourquoi beaucoup de Chins respectent vivement la Bible et ceux qui l’enseignent.

Fin 1966, Lal Chhana, ancien soldat devenu pionnier spécial, est arrivé à Falam, alors la plus grande ville de l’État chin. Il a été rejoint par Dunstan et Pramila O’Neill ainsi que par Than Tum, autre ancien soldat baptisé depuis peu. Ces ardents prédicateurs ont trouvé plusieurs familles réceptives. Une congrégation, petite mais dynamique, a bientôt été fondée.

L’année suivante, Than Tum a déménagé à Haka, au sud de Falam, où il est devenu pionnier et a formé un petit groupe. Il a prêché dans tout l’État chin, où il a participé à la formation de congrégations à Vanhna, à Surkhua, à Gangaw et ailleurs. Quarante-cinq ans plus tard, il est toujours pionnier spécial, à présent dans son village d’origine, Vanhna.

Après le départ de Than Tum pour Haka, c’est Donald Dewar, un pionnier spécial de 20 ans, qui l’a remplacé. Comme ses parents, Frank et Lily (anciennement Lily May), avaient été expulsés, son frère Samuel (18 ans) est venu habiter avec lui. « Nous vivions dans une bicoque en tôle où on étouffait l’été et où on gelait l’hiver, se souvient Donald. Mais le plus dur, c’était la solitude. Je prêchais régulièrement seul et je savais à peine parler le dialecte, le chin haka. Aux réunions, il n’y avait que Samuel et moi, plus un ou deux autres proclamateurs. Je déprimais de plus en plus, et j’ai même envisagé de quitter mon affectation.

« C’est alors que j’ai lu dans l’Annuairee un rapport poignant sur nos frères du Malawi, fidèles malgré des persécutions atroces. Je me suis demandé : “Si tu ne surmontes pas la solitude, comment voudrais-​tu endurer la persécution ?” J’ai épanché toutes mes inquiétudes devant Jéhovah, et ça m’a soulagé. J’ai aussi puisé de la force dans la lecture et la méditation de la Bible et d’articles de La Tour de Garde. Puis j’ai eu la visite-surprise de Maurice Raj et Dunstan O’Neill : j’avais l’impression de voir deux anges ! Lentement mais sûrement, j’ai retrouvé ma joie. »

Devenu surveillant itinérant, Donald s’est servi de son vécu pour encourager d’autres Témoins isolés. Par ailleurs, son activité à Haka a été fructueuse : il s’y trouve maintenant une congrégation florissante et on y tient périodiquement des assemblées. Deux des proclamateurs qui assistaient aux réunions à Haka, Johnson Lal Vung et Daniel Sang Kha, ont répandu la bonne nouvelle avec zèle dans l’État chin en tant que pionniers.

« Comment on marche en montagne »

L’État chin est haut perché — entre 900 et 1 800 mètres, quelques sommets atteignant 3 000 mètres. Beaucoup de pentes sont couvertes de forêt dense mêlant le gigantisme des tecks, la majesté des conifères, la rutilance des rhododendrons et l’élégance des orchidées. Le relief, sauvage, superbe, ne se conquiert pas facilement. Les villages sont reliés par des pistes, à peine praticables par temps humide, souvent coupées par des éboulements. Bien des hameaux ne sont accessibles qu’à pied. Mais ces obstacles n’arrêtent pas les serviteurs de Jéhovah, déterminés qu’ils sont à porter la bonne nouvelle au plus de monde possible.

Aye Aye Thit a été dans le service itinérant avec son mari dans cette région : « Moi qui ai grandi dans le plat delta de l’Irrawaddy, ces montagnes splendides m’ont époustouflée. J’ai entamé ma première ascension allègrement, mais arrivée au sommet je me suis effondrée, à bout de souffle. Quelques raidillons plus loin, j’ai cru mourir d’épuisement. Finalement, j’ai appris comment on marche en montagne : en prenant son temps et en économisant son énergie. J’ai vite été capable d’avaler 30 kilomètres par jour, six jours d’affilée ou plus. »

Les frères et sœurs de Matupi faisaient 250 kilomètres à pied pour assister aux assemblées à Haka.

Au cours des années, dans ce territoire, les frères ont employé divers moyens de transport : la mule, le cheval, le vélo et, plus récemment, la moto, le pickup et le quatre-quatre. Mais, surtout, ils marchaient. Ainsi, pour atteindre les villages entourant Matupi, les pionniers spéciaux Kyaw Win et David Zama crapahutaient sur d’innombrables kilomètres. Pour assister aux assemblées à Haka, les frères et sœurs de Matupi faisaient plus de 250 kilomètres à pied en six à huit jours, et pareil pour le retour. En chemin, ils chantaient des cantiques dont l’écho cascadait entre les versants magnifiques.

Sur ces trajets éreintants, on ne rencontrait pas que les rigueurs du climat : il y avait aussi des nuées de moustiques et toutes sortes d’horribles bestioles, surtout à la saison des pluies. « Un jour, en forêt, raconte Myint Lwin, surveillant de circonscription, j’ai vu des sangsues s’accrocher à mes chevilles. Je les ai arrachées ; aussitôt deux autres ont grimpé. J’ai bondi sur un tronc mort, mais des bataillons de sangsues l’ont pris d’assaut. Terrifié, j’ai pris mes jambes à mon cou. Quand j’ai enfin atteint la route, j’étais couvert de sangsues ! »

Dans l’État chin, le surveillant de district Gumja Naw et sa femme Nan Lu allaient à pied d’une congrégation à l’autre.

Les sangsues n’étaient pas la seule réjouissance du voyageur dans l’État chin. La Birmanie a aussi ses léopards, ses ours, ses sangliers, ses tigres et, paraît-​il, un plus grand choix de serpents venimeux qu’aucun autre pays au monde. Quand ils bivouaquaient sur leur chemin entre les congrégations, le surveillant de district Gumja Naw et sa femme Nan Lu s’entouraient d’un cercle de feux pour éloigner les bêtes sauvages !

Ces évangélisateurs infatigables ont laissé un héritage durable. « Ils servaient Jéhovah de toute leur force, commente Maurice Raj. Même après avoir quitté la région, ils étaient prêts à y retourner. Leur zèle a vraiment glorifié Jéhovah ! » Aujourd’hui, malgré sa faible densité de population, l’État chin compte sept congrégations et plusieurs groupes isolés.

« Pas de “brebis” à Myitkyina »

En 1966, plusieurs pionniers spéciaux envoyés dans l’État kachin, près de la Chine, sont arrivés à Myitkyina, coquette petite ville lovée dans un large coude de l’Irrawaddy. Six ans avant eux, Robert et Baby Richards y avaient prêché brièvement. Ils avaient affirmé : « Il n’y a pas de “brebis” à Myitkyina. » Mais les pionniers y ont trouvé des gens affamés de vérité.

Ainsi, Mya Maung, un baptiste de 19 ans, priait Dieu de l’aider à comprendre la Bible. « Quand un pionnier est venu sur mon lieu de travail me proposer une étude de la Bible, j’étais fou de joie. C’était la réponse à mes prières ! Avec mon jeune frère, San Aye, on étudiait deux fois par semaine, et nous avons vite progressé spirituellement.

« Nous avions l’aide d’un excellent enseignant, Wilson Thein. Au lieu de juste nous dire ce qu’il fallait faire, il nous montrait ! Grâce à des entraînements et à des démonstrations, nous avons appris à nous servir de la Bible efficacement, à prêcher hardiment, à affronter l’opposition, à préparer et à prononcer des exposés. Wilson nous écoutait répéter chaque exposé, puis faisait des suggestions. Sa formation bienveillante nous a poussés à viser des objectifs spirituels.

« Aujourd’hui, les villes-gares de Namti, Hopin, Mohnyin, et Katha ont toutes des congrégations prospères. »

« En 1968, San Aye et moi avons entrepris le service à plein temps, portant à huit le nombre des pionniers de Myitkyina. Nos premiers étudiants ont été notre mère et sept de nos frères et sœurs, qui se sont tous fait baptiser. Nous prêchions les villes et villages bordant la ligne ferroviaire Myitkyina-Mandalay, lors de voyages de un à trois jours. Les graines que nous avons semées ont fini par fructifier. Aujourd’hui, les villes-gares de Namti, Hopin, Mohnyin et Katha ont toutes des congrégations prospères. »

Dans le quartier d’affaires de Myitkyina, San Aye a rencontré Phum Ram, un employé de l’administration. Ce baptiste kachin a accepté la vérité avec plaisir. Puis il a déménagé pour la petite ville de Putao, au pied de l’Himalaya. Il a parlé de Jéhovah à ses nombreux proches, dont 25 se sont mis à fréquenter les réunions. Depuis qu’il est pionnier, il a enseigné la vérité à beaucoup d’entre eux, dont sa femme et ses sept enfants. Phum Ram est aujourd’hui ancien et pionnier à Myitkyina.

Wagons en rade

Des Témoins au départ du convoi Rangoun-Myitkyina affrété pour l’assemblée de 1969.

La vérité progressait à un tel rythme dans l’État kachin que la filiale a décidé de tenir l’assemblée internationale de 1969, « Paix sur la terre », à Myitkyina plutôt qu’à Rangoun, le lieu habituel. Pour assurer le transport des assistants depuis Rangoun, soit plus de 1 000 kilomètres, les frères ont demandé aux Chemins de fer birmans l’autorisation d’affréter six wagons. La demande était plus qu’insolite : l’État kachin étant un point névralgique de l’insurrection, on en surveillait étroitement toute entrée ou sortie. Mais, étonnamment, la direction a accepté volontiers.

Groupe d’anciens à l’assemblée internationale « Paix sur la terre » tenue en 1969 à Myitkyina. (Dernier rang) Francis Vaidopau, Maurice Raj, Tin Pei Than, Mya Maung ; (rang du milieu) Dunstan O’Neill, Charlie Aung Thein, Aung Tin Shwe, Wilson Thein, San Aye ; (premier rang) Maung Khar, Donald Dewar, David Abraham, Robin Zauja.

Le jour prévu pour l’arrivée du convoi, Maurice Raj est venu à la gare de Myitkyina avec quelques autres pour y accueillir les frères et sœurs : « Alors que nous attendions, le chef de gare est accouru : un télégramme venait de le prévenir que la direction avait fait décrocher les six wagons de Témoins, qui restaient donc en rade entre Mandalay et Myitkyina. Apparemment, dans une pente, la locomotive n’avait pas pu tracter les wagons supplémentaires.

« Qu’allions-​nous faire ? Notre premier mouvement a été de reporter l’assemblée. Mais ça signifiait redemander des autorisations, ce qui prendrait des semaines ! Nous adressions une prière fervente à Jéhovah, quand le train est entré en gare. Éberlués, nous avons vu... six wagons aux fenêtres desquels nos frères et sœurs souriants nous faisaient de grands signes ! L’un d’eux nous a donné le fin mot de l’histoire : “Ils ont bien décroché six wagons, mais pas les nôtres !” »

« Ils ont bien décroché six wagons, mais pas les nôtres ! »

L’assemblée de Myitkyina a été un franc succès. Ce fut l’occasion d’annoncer trois nouvelles publications en birman et cinq en anglais. Avec l’expulsion des missionnaires trois ans auparavant, la nourriture spirituelle entrant en Birmanie s’était en quelque sorte réduite à un filet d’eau. Voilà qu’elle se muait en déluge !

Évangélisation des Nagas

Quatre mois après l’assemblée, la filiale recevait une lettre émanant d’un employé des postes de Khamti. Cette ville fluviale du nord-ouest, au pied du massif montagneux qui longe la frontière indienne, se situe dans une région peuplée par les Nagas — mélange de tribus autrefois redoutables chasseuses de têtes. L’employé des postes, Ba Yee, ex-adventiste du septième jour, demandait une aide spirituelle. Aussitôt la filiale lui a envoyé deux pionniers spéciaux, Aung Naing et Win Pe.

« Sur le tarmac de Khamti, nous avons avalé notre salive à la vue de farouches guerriers nagas vêtus de simples pagnes. Ba Yee s’est alors précipité à notre rencontre et nous a vite présentés à quelques personnes intéressées par la vérité. Cinq ont accepté l’étude de la Bible.

Biak Mawia (à l’extrême droite du rang arrière) et la congrégation de Khamti, à l’époque où l’œuvre démarrait dans la région naga.

« Malheureusement, la police nous a pris pour des pasteurs baptistes ayant des liens avec les insurgés. Nous avons eu beau répéter que nous étions neutres, on nous a ordonné de quitter le secteur moins d’un mois après notre arrivée. »

Trois ans plus tard, après le remplacement des fonctionnaires, Biak Mawia, un pionnier de 18 ans, a repris l’activité là où les pionniers précédents l’avaient laissée. Puis d’autres sont venus l’épauler, notamment Ba Yee, qui a démissionné de la poste. Ces pionniers n’ont pas tardé à fonder une congrégation à Khamti et des groupes dans les villages voisins. « Les frères et sœurs nagas étaient illettrés, raconte Biak Mawia. Mais ils aimaient la Parole de Dieu ; c’étaient des prédicateurs zélés qui se servaient intelligemment des images de nos publications. Ils retenaient de nombreux versets et apprenaient les cantiques par cœur. »

Aujourd’hui, on tient régulièrement des assemblées à Khamti, où l’on vient d’aussi loin que Homalin, à 15 heures de bateau par le fleuve.

Opposition dans le « Triangle d’or »

Entre-temps, de l’autre côté du pays, l’œuvre gagnait aussi les montagnes frontalières de la Chine, du Laos et de la Thaïlande. Ce territoire est le cœur du Triangle d’or, belle région vallonnée et fertile gâchée par la production d’opium, les insurrections et d’autres activités illégales. Dans ce secteur instable, les pionniers étaient prudents et discrets (Mat. 10:16). Mais, immanquablement, il y avait un groupe qui s’opposait à leur prédication : le clergé de la chrétienté !

Dès leur arrivée à Lashio, grouillante ville de l’État shan, Robin Zauja et David Abraham ont été dénoncés comme insurgés par le clergé. Récit de Robin : « On nous a arrêtés et embarqués pour la prison, où nous avons présenté nos documents ministériels aux policiers. Peu après, un commandant militaire est entré. “Bonjour monsieur Zauja, a-​t-​il lancé. Je vois que les Témoins de Jéhovah sont à Lashio !” C’était un ancien camarade de classe ! Il nous a fait libérer sur-le-champ. »

Les deux pionniers se sont mis au travail. Ils ont bientôt fondé une congrégation de bonne taille, puis ont bâti une Salle du Royaume. Deux ans plus tard, ils ont été convoqués devant une assemblée de 70 militaires, chefs tribaux et ecclésiastiques. Robin : « Les prêtres nous ont vertement accusés de forcer les gens à abandonner leurs traditions religieuses. Quand le président de la séance a exigé notre réponse, j’ai demandé à me défendre avec la Bible, ce qu’il a accepté. Après une courte prière intérieure, j’ai expliqué ce que la Bible dit sur les traditions religieuses erronées, sur le service militaire et sur les cérémonies nationalistes. À la fin, le président s’est levé et a déclaré que la loi birmane laissait la liberté de culte à toutes les religions. On nous a relâchés et autorisés à continuer notre prédication. Quelle déconvenue pour les prêtres ! »

À Mongpaw, près de la frontière chinoise, des émeutiers baptistes ont mis le feu à une Salle du Royaume. Voyant que leur forfait ne décourageait pas les Témoins, ils ont brûlé la maison d’un pionnier spécial et ont terrorisé les frères et sœurs chez eux. Les Témoins ont fait appel au chef local, qui a soutenu les baptistes. Finalement, le gouvernement est intervenu. Il a donné aux frères la permission de construire une autre Salle du Royaume... non pas à la sortie du bourg sur l’emplacement précédent, mais en plein centre !

Plus au sud, à Leiktho, village de montagne perdu dans l’État kayin au bord du Triangle d’or, Gregory Sarilo s’est heurté à une opposition virulente de la part des catholiques : « Le curé a ordonné à ses paroissiens de détruire mon potager. Puis ils m’ont offert de la nourriture, mais un ami m’a prévenu qu’elle était empoisonnée. Une fois, les sbires du curé m’ont demandé quel chemin je prendrais le lendemain. Ce jour-​là, j’ai pris une autre route, ce qui m’a évité de me faire tuer dans leur embuscade. J’ai porté plainte, et la police a ordonné au prêtre et à ses acolytes de me laisser tranquille. Jéhovah m’a protégé de ceux qui “pourchass[ai]ent mon âme” » (Ps. 35:4).

Strictement neutres

L’intégrité des Témoins de Birmanie a été éprouvée d’une autre façon encore, et pas des moindres. Les guerres ethniques et les conflits politiques ont souvent mis à l’épreuve leur neutralité (Jean 18:36).

Dans le sud, Thanbyuzayat est le terminus ouest du terrible « chemin de fer de la mort », une ligne ferroviaire Birmanie-Thaïlande datant de la Seconde Guerre mondiale. C’est là qu’un pionnier spécial, Hla Aung, s’est retrouvé entre les feux des séparatistes et de l’armée gouvernementale : « La nuit, les soldats envahissaient les villages, rassemblaient les hommes et, sous la menace des armes, les emmenaient pour les utiliser comme porteurs. Beaucoup de ces hommes ne sont jamais revenus. Un soir, je discutais chez moi avec Donald Dewar, quand des soldats ont fait irruption dans le village. Ma femme a vite crié au danger ; nous avons eu le temps de fuir dans la forêt. Après cette alerte, j’ai aménagé chez nous une cachette où je pourrais m’abriter rapidement s’ils recommençaient. »

À peine installé à Tavoy (Dawei), au sud de Thanbyuzayat, le pionnier spécial Rajan Pandit a commencé des études dans un village voisin, bastion des insurgés : « J’en revenais quand j’ai été arrêté et battu par des soldats m’accusant d’être de mèche avec les insurgés. Je leur ai dit que j’étais Témoin de Jéhovah. Alors ils ont voulu savoir comment j’étais arrivé à Tavoy. Je leur ai montré mon billet d’avion, que j’avais gardé en souvenir. Il prouvait que j’avais pris l’avion, moyen de transport jamais utilisé par les insurgés. Ça m’a évité de nouveaux coups, et finalement les soldats m’ont relâché. Mais ils ont quand même interrogé un homme qui étudiait avec moi, et celui-ci a confirmé que nous ne faisions qu’étudier la Bible. Sur ce, ils m’ont laissé tranquille. Certains sont même devenus des adresses de ma tournée de périodiques ! »

Parfois les fonctionnaires municipaux essayaient de forcer les frères à voter ou à participer aux cérémonies nationalistes. Ce fut le cas lors des élections à Zalun, ville fluviale à 130 kilomètres au nord de Rangoun. Mais les frères ont tenu bon, en citant la Bible à l’appui (Jean 6:15). Les fonctionnaires en ont appelé à l’administration régionale. Mais celle-ci savait bien que les Témoins étaient apolitiques. Elle les a volontiers exemptés de vote.

À Khampat, près de la frontière indienne, 23 enfants Témoins ont refusé de s’incliner devant le drapeau national. La directrice les a expulsés de l’école. Elle a aussi fait comparaître deux Témoins, des anciens, devant un important groupe de fonctionnaires, dont le magistrat de la ville et le chef militaire. Récit d’un des anciens, Paul Khai Khan Thang : « En nous entendant expliquer les raisons bibliques de notre position, certains fonctionnaires étaient visiblement hostiles. Puis nous leur avons montré une copie du décret gouvernemental disant que les Témoins de Jéhovah avaient le droit de “rester respectueusement debout en silence durant les cérémonies du drapeau”. Ils étaient sidérés. Quand ils ont repris leurs esprits, le chef militaire a ordonné que la directrice réintègre les élèves expulsés. La directrice a aussi distribué des copies du décret à tous les services de l’école. »

Aujourd’hui, on sait très bien en haut lieu que les Témoins de Jéhovah sont apolitiques. En respectant fermement les valeurs bibliques, ils ont donné un beau témoignage, comme Jésus Christ l’avait prédit (Luc 21:13).

Des militaires deviennent Témoins

Depuis la tourmente des dernières décennies, bon nombre de Birmans sont militaires ou insurgés. Comme l’officier romain Corneille au Ier siècle, certains sont « fervent[s] » et « craign[ent] Dieu » (Actes 10:2). Lorsqu’ils découvrent la vérité, ils font de gros efforts pour conformer leur vie aux principes justes de Jéhovah.

Libérés des chaînes de la haine, les deux hommes étaient désormais unis par des liens d’amour, grâce au pouvoir libérateur de la Parole de Dieu.

Ainsi, Hlawn Mang, officier subalterne dans la marine, a entendu parler de la vérité quand il stationnait à Moulmein : « J’ai voulu prêcher tout de suite. Mais, alors que j’étais sur le point de quitter l’armée, j’ai appris qu’on pensait m’offrir une promotion et une formation militaire dans une école d’un riche pays occidental ! Toutefois, j’étais décidé à me dépenser pour Dieu. À la surprise de mes supérieurs, j’ai donné ma démission, et j’ai commencé à servir Jéhovah. Trente ans plus tard, je suis toujours convaincu d’avoir fait le bon choix. Qu’est-​ce qui peut se comparer au privilège de servir le vrai Dieu ? »

Aik Lin (à gauche) et Sa Than Htun Aung (à droite) avaient combattu en ennemis dans plusieurs batailles terribles.

La Bang Gam était en convalescence dans un hôpital militaire, quand Robin Zauja lui a montré le livre Du paradis perdu au paradis reconquisf. Subjugué, il a demandé s’il pouvait le garder. Mais Robin n’avait que celui-là ; il le lui a donc prêté seulement pour un soir. Le lendemain, en revoyant Robin, La Bang Gam s’est exclamé : « Voilà votre livre. Maintenant j’ai le mien ! » Il avait passé la nuit à recopier sur plusieurs cahiers ses 250 pages ! Peu après, La Bang Gam quittait l’armée. Il s’est servi de son livre Paradis pour enseigner la vérité à quantité d’autres personnes.

Dans l’État shan, un capitaine de l’armée birmane, Sa Than Htun Aung, et un commandant de l’Armée unie de l’État wa, Aik Lin, avaient combattu en ennemis dans plusieurs batailles terribles au cœur de la jungle. Après le cessez-le-feu finalement négocié, tous deux ont élu domicile dans les montagnes de l’État shan. Plus tard, chacun de son côté, ils ont connu la vérité, ont quitté l’armée et se sont fait baptiser. Quand ces deux frères se sont rencontrés lors d’une assemblée de circonscription, ils sont tombés dans les bras l’un de l’autre ! Libérés des chaînes de la haine, ils étaient désormais unis par des liens d’amour, grâce au pouvoir libérateur de la Parole de Dieu (Jean 8:32 ; 13:35).

On raisonne avec « toutes sortes d’hommes »

Entre 1965 et 1976, le nombre de proclamateurs en Birmanie a été multiplié par trois. La majorité de ceux qui accueillaient bien la prédication des Témoins venaient de la chrétienté. Mais les frères savaient que Dieu « veut que toutes sortes d’hommes soient sauvés et parviennent à une connaissance exacte de la vérité » (1 Tim. 2:4). En conséquence, dès les années suivantes, ils ont intensifié leurs efforts pour prêcher les adeptes des nombreuses autres religions du pays, dont les bouddhistes, les hindouistes et les animistes.

Image de la vie courante : des moines bouddhistes en robe traditionnelle.

Cela posait pas mal de difficultés. Les bouddhistes ne croient pas en un Dieu ou Créateur personnel, les hindouistes adorent des millions de dieux et les animistes birmans révèrent des esprits puissants, les nats. Superstition, divination et spiritisme sont une constante de leurs religions. Même si ces croyants tiennent la Bible pour un livre sacré, en général ils ignorent tout ou presque de ses personnages, de son histoire, de sa culture et de sa doctrine.

Les frères savaient cependant que les vérités puissantes de la Bible peuvent toucher n’importe quel cœur (Héb. 4:12). Ils devaient simplement compter sur l’esprit de Dieu et exercer l’« art d’enseigner », c’est-à-dire user d’une argumentation logique allant droit au cœur et poussant à changer (2 Tim. 4:2).

Voici comment Rosaline, pionnière spéciale de longue date, s’y prend avec les bouddhistes : « Quand on enseigne aux bouddhistes qu’il y a un Créateur, souvent ils demandent : “Mais qui a créé le Créateur ?” Étant donné qu’ils considèrent les bêtes comme des réincarnations d’humains, je raisonne avec eux en prenant pour exemple les animaux familiers :

« “Un animal sait-​il que son propriétaire existe ?

— Oui, me répond le bouddhiste.

— Mais sait-​il ce que son maître fait dans la vie, s’il est marié ou autre chose ?

— Non.

— De même, puisque nous, humains, sommes différents de Dieu, qui est Esprit, sommes-​nous censés comprendre tout sur son existence ou son origine ?

— Non.” »

« L’amour que les frères m’ont manifesté m’a fait l’effet d’un “sirop de mélasse”. »

Un tel raisonnement convainc beaucoup de bouddhistes sincères d’examiner d’autres preuves de l’existence de Dieu. Un raisonnement logique touche puissamment si on y ajoute un amour chrétien authentique. Ohn Thwin, ex-bouddhiste, confirme : « En comparant ma croyance au nirvana avec la promesse biblique d’un paradis terrestre, j’ai trouvé le paradis plus attirant. Mais comme je pensais que tous les chemins menaient à la vérité, je ne voyais pas la nécessité d’appliquer ce que j’apprenais. Puis j’ai assisté aux réunions des Témoins. L’amour que les frères m’ont manifesté m’a fait l’effet d’un “sirop de mélasse” [expression birmane évoquant un moment d’une grande douceur]. Cet amour m’a poussé à appliquer ce que je savais être la vérité. »

Des Témoins birmans, 1987.

Bien sûr, il faut du tact et de la patience pour aider les gens à rectifier leurs idées religieuses. Kumar Chakarabani avait dix ans quand son père, hindouiste rigoureux, a accepté que Jimmy Xavier, un Béthélite, lui apprenne à lire : « Papa lui a bien dit de ne m’apprendre que la lecture, pas la religion. Jimmy lui a répondu que le Recueil d’histoires bibliques était un excellent outil pour enseigner la lecture aux enfants. Après ma leçon, il prenait le temps de discuter avec mon père en s’intéressant sincèrement à lui. Quand mon père s’est mis à l’interroger sur des sujets religieux, il lui a dit avec tact : “La Bible contient les réponses. Trouvons-​les ensemble.” Non seulement mon père, mais 63 autres membres de notre famille ont accepté la vérité. »

Des assemblées pendant les insurrections

Dans les années 1980, la scène politique birmane est devenue de plus en plus instable. Finalement, en 1988, des dizaines de milliers de Birmans sont descendus dans les rues pour protester contre le gouvernement. Mais la manifestation a été vite matée, et la loi martiale décrétée dans presque tout le pays.

« Le couvre-feu a été imposé et les rassemblements de plus de cinq personnes interdits, raconte Kyaw Win, Béthélite. Nous étions perplexes : fallait-​il annuler nos prochaines assemblées de district ? Confiants en Jéhovah, nous avons quand même demandé au commandant de la division de Rangoun la permission de tenir une assemblée de 1 000 personnes. Deux jours plus tard, nous avions notre autorisation ! Grâce à ce document, nous avons convaincu d’autres autorités d’accepter des assemblées dans leurs régions aussi. Avec l’aide de Jéhovah, la série d’assemblées tout entière a été une réussite totale ! »

« N’abandonnant pas notre assemblée »

Après l’insurrection de 1988, l’économie du pays a périclité. Pourtant, les frères et sœurs ont gardé foi en Dieu en continuant de donner la priorité aux intérêts du Royaume (Mat. 6:33).

Cin Khan Dal vivait avec sa famille dans un village isolé de la région de Sagaing. « Nous voulions assister à l’assemblée de district à Tahan, relate-​t-​il. C’était à deux jours de bateau et de camion. Nous n’avions personne pour surveiller nos poules en notre absence. Mais nous avons fait confiance à Jéhovah et sommes allés à l’assemblée. Au retour, nous avons compté nos poules : il en manquait 19, une perte énorme. Malgré cela, un an plus tard, elles s’étaient tant multipliées que nous en avions plus de 60 ! Et aucune n’est morte cette année-​là, alors que pas mal de villageois ont perdu les leurs de maladie. »

Aung Tin Nyunt et Nyein Mya sont restés spirituellement concentrés eux aussi. Ces parents de neuf enfants vivaient à Kyonsha, petit village à 65 kilomètres au nord-ouest de Rangoun. Aung Tin Nyunt témoigne : « Nous mangions la plupart du temps du gruau de riz et des légumes. Nous n’avions pas d’argent et rien à vendre. Mais nous n’étions pas déprimés. Je disais à ma famille : “Jésus n’avait pas où poser la tête. Donc même si je dois vivre sous un arbre ou mourir de faim, je continuerai d’adorer Dieu avec foi.”

« Jéhovah est mon aide ; je n’aurai pas peur. Que peut me faire l’homme ? » (Héb. 13:6).

« Un jour, nous n’avions plus rien à manger. Ma femme et mes enfants me regardaient avec des visages anxieux. “Ne vous inquiétez pas, leur ai-​je dit. Dieu nous aidera.” Après avoir passé la matinée en prédication, j’ai emmené mes fils à la pêche. Mais nous avons pris juste assez de poisson pour un repas. Laissant nos nasses dans l’eau, près d’une touffe de nénuphars, j’ai dit aux garçons : “On reviendra plus tard, après la réunion.” L’après-midi, il y a eu beaucoup de vent. Quand nous sommes revenus, les nénuphars grouillaient de poissons venus s’en abriter. Nous avons plongé nos nasses et remonté une énorme prise. La vente nous a permis d’acheter à manger pour une semaine entière. »

Maintes et maintes fois, les chrétiens birmans ont vu Jéhovah tenir cette magnifique promesse : « Je ne te quitterai en aucune façon ni ne t’abandonnerai en aucune façon. » Ils disent donc spontanément : « Jéhovah est mon aide ; je n’aurai pas peur. Que peut me faire l’homme ? » (Héb. 13:5, 6).

Des progrès dans l’édition

[Graphique, page 146]

Depuis 1956, la population du pays est régulièrement approvisionnée en nourriture spirituelle grâce à l’édition birmane de La Tour de Garde. Malgré les luttes ethniques, la guerre civile et la crise économique, pas un numéro n’a manqué. Comment ce périodique est-​il produit ?

Longtemps, la filiale a envoyé à la censure officielle plusieurs copies dactylographiées du périodique traduit. Après approbation du texte, elle demandait l’autorisation d’acheter du papier d’impression. Une fois le papier acheté, un frère l’apportait avec le texte chez un imprimeur, qui composait à la main chaque page, lettre par lettre, en caractères birmans. Ensuite, le frère vérifiait l’exactitude du texte et l’imprimeur tirait le périodique sur une vieille presse. Plusieurs exemplaires étaient transmis à la censure, qui délivrait un certificat numéroté approuvant la publication. Évidemment, cette procédure laborieuse prenait des semaines ; de plus, le papier et l’encre étaient de piètre qualité.

En 1989, la filiale a reçu un nouveau système d’édition qui a révolutionné l’impression. Conçu et mis au point au siège mondial, le MEPS (système électronique de photocomposition multilingue) alliait ordinateurs, logiciels et photocomposeuses pour produire des textes imprimables en 186 languesg, dont le birman !

« Les Témoins de Jéhovah ont manifestement été les premiers en Birmanie à composer et à publier des écrits grâce à l’informatique, raconte Mya Maung, ex-Béthélite. Le MEPS, qui employait d’élégants caractères birmans dessinés par notre filiale, a influencé l’industrie locale de l’impression. Les gens n’en revenaient pas de la beauté des caractères ! » Le MEPS permettait aussi l’impression offset, nette amélioration par rapport à la typographie. Et il assurait une grande qualité d’image, ce qui rendait La Tour de Garde plus attrayante.

En 1991, l’État a approuvé la publication de Réveillez-vous !, pour le bonheur des frères... et du public ! Un haut fonctionnaire du ministère de l’Information s’est fait l’écho de nombreux lecteurs en disant : « Réveillez-vous ! se distingue des autres revues religieuses. Il traite une foule de sujets intéressants et se lit facilement. J’aime beaucoup. »

Ces 20 dernières années, le tirage des périodiques a été multiplié par neuf !

Ces 20 dernières années, le tirage mensuel des périodiques a été multiplié par neuf ! Il est passé de 15 000 à plus de 141 000. La Tour de Garde et Réveillez-vous ! font maintenant partie du paysage à Rangoun et sont appréciés dans tout le pays.

Le Béthel devient trop petit

Après les évènements de 1988, les autorités militaires ont invité les organisations sociales et religieuses du pays à se faire enregistrer. Naturellement, la filiale l’a fait sans tarder. Deux ans après, le 5 janvier 1990, l’État a enregistré l’« Association Les Témoins de Jéhovah (Watch Tower) ».

Le Béthel avait atteint sa capacité maximum. Une sœur faisait le repassage par terre.

Entre-temps, le Béthel avait quitté la 39e rue pour une maison à étage située sur un terrain de 2 000 mètres carrés, rue Inya, dans une banlieue aisée au nord de la ville. Mais les nouveaux locaux avaient atteint leur capacité maximum. Viv Mouritz, qui était alors en visite comme surveillant de zone, se souvient : « Les 25 Béthélites travaillaient dans des conditions difficiles. Il n’y avait pas de fourneau : une sœur préparait les repas sur une plaque électrique. Pas non plus de machine à laver : une sœur lavait le linge dans un creux du sol en béton. Les frères voulaient acheter une cuisinière et un lave-linge, mais c’était impossible d’en importer. »

De toute évidence, il fallait un Béthel plus grand. Le Collège central a donc approuvé une proposition de démolir la maison existante et d’ériger à la place un immeuble à trois étages abritant logements et bureaux. Toutefois, ce projet se heurtait à des obstacles majeurs. Premièrement, il devait recevoir l’autorisation du gouvernement à six échelons différents. Deuxièmement, les entreprises de bâtiment ne possédaient pas le savoir-faire nécessaire pour construire des charpentes métalliques. Troisièmement, les Témoins volontaires de l’étranger ne pouvaient entrer dans le pays. Enfin, les matériaux ne pouvaient s’obtenir sur place, ni être importés. Inutile de dire que le projet semblait en péril. Oui, mais les frères faisaient confiance à Jéhovah. Si Jéhovah le voulait, le nouveau Béthel serait construit ! (Ps. 127:1).

« Non par la puissance, mais par mon esprit »

Kyaw Win, du service juridique du Béthel, raconte : « Notre demande de permis a franchi l’un après l’autre cinq des six niveaux du gouvernement, dont le ministère des Affaires religieuses. Puis elle a été rejetée par le Comité de développement de la ville de Rangoun, qui objectait qu’un immeuble de trois étages serait trop haut. Une deuxième demande a essuyé un nouveau refus. Le Comité de la filiale m’a encouragé à persévérer. J’ai prié Jéhovah intensément et présenté une troisième demande. Elle a été acceptée !

« Nous avons ensuite sollicité le ministère de l’Immigration. On nous a dit que les étrangers ne pouvaient entrer dans le pays qu’avec des visas touristiques de sept jours. Mais lorsque nous avons expliqué que nos volontaires étrangers qualifiés formeraient des Birmans à des techniques de construction avancées, ils leur ont accordé des visas de six mois !

« Nous nous sommes alors rendus au ministère du Commerce, pour apprendre que toutes les importations avaient été bloquées. Mais quand nous avons exposé la nature de notre projet, on nous a autorisés à importer pour plus de un million de dollars de matériaux de construction. Et les taxes d’importation ? Le ministère des Finances nous en a exonérés ! Dans ces circonstances et bien d’autres, nous avons vérifié cette déclaration : “‘Ni par des forces militaires ni par la puissance, mais par mon esprit’, a dit Jéhovah des armées” » (Zek. 4:6).

Les frères birmans et étrangers ont collaboré étroitement.

En 1997, les volontaires sont arrivés sur le chantier. La plupart des matériaux ont été offerts par des frères d’Australie ; d’autres provenaient de Malaisie, de Singapour et de Thaïlande. Bruce Pickering, qui a participé à la supervision du projet, relate : « Plusieurs frères d’Australie ont préfabriqué toute la charpente métallique, puis ont fait le voyage pour l’assembler, pièce par pièce. Étonnamment, on n’a pas eu un seul trou en trop ! » D’autres volontaires sont venus d’Allemagne, des États-Unis, des Fidji, de Grande-Bretagne, de Grèce et de Nouvelle-Zélande.

Pour la première fois en 30 ans, les Témoins birmans ont pu côtoyer des Témoins étrangers. « Nous étions fous de joie, se souvient Donald Dewar ; on croyait rêver. La spiritualité, l’amour et le dévouement des visiteurs nous ont énormément encouragés. » Un frère ajoute : « Nous avons aussi acquis des qualifications précieuses. Des proclamateurs qui ne s’étaient jamais servis que de bougies ont appris à installer des éclairages électriques. D’autres qui ne connaissaient que les éventails ont appris à installer la climatisation. Nous avons même appris à utiliser des outils électriques ! »

Le Béthel de Birmanie.

Les volontaires étrangers, eux, ont été très émus par la foi et l’amour de leurs compagnons birmans. « Ils étaient pauvres, mais ils avaient un grand cœur, dit Bruce Pickering. Beaucoup de familles nous ont invités à manger ; elles ont partagé une nourriture qui aurait pu leur faire plusieurs repas. Leur exemple nous a rappelé ce qui compte vraiment dans la vie : la famille, la foi, nos frères et sœurs et la bénédiction de Dieu. »

Le 22 janvier 2000, le nouveau Béthel a été inauguré lors d’un rassemblement spécial au Théâtre national. Les Témoins birmans ont eu la joie d’entendre John Barr, membre du Collège central, prononcer le discours d’inauguration.

Construction de Salles du Royaume

Le nouveau Béthel étant presque achevé, les frères se sont attaqués à une autre urgence : le besoin de Salles du Royaume. En 1999, Nobuhiko et Aya Koyama sont arrivés du Japon. Nobuhiko a aidé à former un bureau des Salles du Royaume : « Nous avons inspecté les lieux de réunion dans tout le pays, voyageant en car, en avion, à moto, à vélo, en bateau et à pied. Souvent, il nous a fallu des laissez-passer pour accéder à des régions fermées aux étrangers. Lorsque nous avons déterminé où il y avait besoin de salles, le Collège central a eu la bonté de nous allouer des fonds grâce au programme pour les pays aux ressources limitées.

« Nous avons constitué une équipe de volontaires, qui est descendue à Shwepyitha, en banlieue de Rangoun, pour y construire la première salle. Sur le chantier, locaux et étrangers collaboraient, à la grande surprise de la police, qui a interrompu les travaux plusieurs fois pour vérifier auprès de la hiérarchie si un tel mélange était permis. D’autres observateurs félicitaient les frères. “J’ai vu un étranger nettoyer les toilettes ! s’est exclamé un homme. Je n’avais jamais vu ça. Vous êtes vraiment différents !”

Une nouvelle Salle du Royaume, accessible par bateau.

« Pendant ce temps, une autre équipe a démarré un chantier à Tachilek, à la frontière thaïlandaise. Chaque jour, de nombreux Témoins thaïlandais venaient travailler aux côtés de leurs frères birmans. Les deux groupes ont collaboré dans l’unité, bien que parlant des langues différentes. Quel contraste avec les factions voisines qui, à peu près au moment où la construction s’achevait, sont entrées en lutte ! Les bombes et les balles ont plu autour de la salle, mais ne l’ont pas touchée. Quand les combats se sont calmés, 72 personnes se sont réunies pour dédier le bâtiment à Jéhovah, le Dieu de paix. »

Depuis 1999, les équipes de construction ont bâti près de 70 Salles du Royaume.

Depuis 1999, les équipes de construction ont bâti près de 70 Salles du Royaume. Quels ont été les sentiments des frères et sœurs birmans ? Une sœur reconnaissante s’est exclamée à travers des larmes de joie : « Jamais je n’avais imaginé qu’on aurait une aussi belle salle ! Maintenant je vais m’efforcer encore plus d’inviter des gens aux réunions. Merci à Jéhovah et à son organisation pour la bonté qu’ils nous ont manifestée ! »

De nouveau des missionnaires

Dans les années 1990, après des décennies d’isolement, la Birmanie s’est peu à peu ouverte sur le monde. Aussitôt, la filiale a demandé au gouvernement d’autoriser de nouveau l’entrée de missionnaires. En janvier 2003, soit 37 ans après les expulsions, sont arrivés les Guiléadites japonais Hiroshi et Junko Aoki.

Hiroshi et Junko Aoki, les premiers missionnaires en Birmanie 37 ans après les expulsions.

« Les étrangers étant rares dans le pays, il nous fallait être discrets pour que les autorités ne se méprennent pas sur la nature de notre prédication, se rappelle Hiroshi. Nous avons donc commencé par accompagner les proclamateurs birmans dans leurs visites et leurs études. Nous nous sommes vite aperçus que les Birmans aimaient les sujets spirituels. Durant notre première matinée de service, nous avons démarré cinq études bibliques ! »

« Nous avons souvent ressenti la direction de Jéhovah, ajoute Junko. Une fois, alors que nous revenions d’une étude près de Mandalay, un pneu de notre moto a crevé. Nous avons poussé la moto jusqu’à une usine où nous avons demandé de l’aide. L’agent de sécurité a laissé entrer Hiroshi et la moto, mais j’ai dû attendre dans la guérite.

« “Qu’est-​ce que vous faites ici ? m’a demandé l’agent, curieux.

— Nous rendons visite à des amis, ai-​je répondu.

— Pour quoi faire ? a-​t-​il insisté. Une réunion religieuse ?”

« Ignorant ses mobiles, j’ai fait la sourde oreille.

« “Dites-​le franchement ! De quelle organisation êtes-​vous ?”

« J’ai sorti une Tour de Garde de mon sac et la lui ai montrée.

« “Je le savais !” a-​t-​il jubilé. Se tournant vers ses collègues, il a crié : “Regardez ! Un ange a crevé un pneu pour nous envoyer des Témoins de Jéhovah !”

« L’homme a tiré de son sac une bible et un de nos tracts. Il avait étudié avec les Témoins dans une autre région mais avait perdu le contact avec eux quand il était parti à Mandalay. Nous avons commencé une étude avec lui sur-le-champ. Plus tard, certains de ses collègues ont étudié eux aussi. »

En 2005, quatre autres missionnaires sont arrivés, cette fois diplômés de l’École de formation ministérielle (aujourd’hui appelée École biblique pour frères célibataires) aux Philippines. L’un d’eux, Nelson Junio, a eu comme bien des missionnaires le mal du pays. « Souvent, avant de m’endormir, je pleurais et je priais. Puis un gentil frère m’a montré Hébreux 11:15, 16, qui dit qu’Abraham et Sara n’ont pas constamment repensé à leur maison d’Our, mais qu’ils sont allés de l’avant en accord avec le dessein de Dieu. Après avoir lu ce passage, je n’ai plus pleuré. Je me suis mis à considérer mon affectation comme mon chez-moi. »

La force de l’exemple

Au Ier siècle, l’apôtre Paul a conseillé à Timothée : « Les choses que tu as entendues de moi [...] confie-​les à des hommes fidèles qui, à leur tour, seront qualifiés pour enseigner les autres » (2 Tim. 2:2). Prenant ce principe à cœur, les missionnaires se sont efforcés d’aider les congrégations à mieux suivre les procédures théocratiques employées mondialement par le peuple de Jéhovah.

Par exemple, ils s’étaient rendu compte que les proclamateurs avaient tendance à enseigner les gens en leur faisant répéter les réponses directement à partir du livre, méthode employée dans les écoles birmanes. « Nous les avons patiemment encouragés à poser des questions d’opinion pour savoir ce que pensait et ressentait l’étudiant, explique Joemar Ubiña. Ils ont rapidement appliqué la suggestion et sont devenus des enseignants plus efficaces. »

Les missionnaires avaient aussi remarqué que quantité de congrégations ne comptaient qu’un ancien ou qu’un assistant ministériel. Certains de ces frères, bien que fidèles et motivés, avaient tendance à être très autoritaires avec la congrégation. Bien sûr, la même tendance humaine avait dû exister au Ier siècle, lorsque l’apôtre Pierre avait exhorté les anciens ainsi : « Faites paître le troupeau de Dieu qui vous est confié, non [...] en personnes qui commandent en maîtres ceux qui sont l’héritage de Dieu, mais en devenant des exemples pour le troupeau » (1 Pierre 5:2, 3). Quelle aide apporter ? « Nous nous sommes attachés à montrer l’exemple en étant particulièrement gentils, doux et abordables », dit Benjamin Reyes. Ces bons exemples ont déteint peu à peu. De nombreux anciens ont changé d’attitude et ont montré davantage de compassion envers le « troupeau ».

Les bienfaits d’une meilleure traduction

Les Témoins de Birmanie se sont longtemps servis d’une bible du XIXe siècle traduite par des missionnaires de la chrétienté avec l’aide de moines bouddhistes. Truffée de termes palis désuets, cette version est très difficile à comprendre. Aussi la parution en 2008 des Écritures grecques chrétiennes. Traduction du monde nouveau en birman a-​t-​elle provoqué une explosion de joie. « L’auditoire a longuement applaudi, certains ont même pleuré en recevant leur propre exemplaire, se souvient Maurice Raj. La nouvelle traduction est claire, simple et fidèle. Même les bouddhistes la trouvent facile à comprendre ! » Peu après cette parution, le nombre d’études a augmenté de plus de 40 %.

Doris Raj il y a 50 ans. Elle est toujours traductrice au Béthel de Rangoun.

Comme pour bien d’autres langues, il existe un birman formel, qui a ses racines dans le pali et le sanskrit, et un birman usuel, celui de tous les jours. Les deux sortes se parlent et s’écrivent. La plupart de nos publications employaient le birman formel, que de plus en plus de gens avaient du mal à comprendre. Conscients de cela, les frères de la filiale ont récemment entrepris de traduire dans le birman de tous les jours, accessible à la majorité.

Les traducteurs de la filiale de Birmanie.

L’effet des nouvelles publications a été immédiat. Le surveillant du service de la traduction, Than Htwe Oo, explique : « Les gens nous disaient : “Vos écrits sont d’un très bon niveau, mais je ne les comprends pas.” Maintenant, leurs visages s’illuminent et ils se mettent à lire sans attendre. Beaucoup s’exclament : “Ces publications sont si faciles à comprendre !” » Même la participation aux réunions s’est améliorée, puisque les assistants saisissent mieux ce qu’ils lisent.

À l’heure actuelle, le service de la traduction compte 26 membres à plein temps traduisant en trois langues : le birman, le chin haka et le kayin sgaw. Des publications ont aussi été traduites en 11 autres langues locales.

Le cyclone Nargis

Le 2 mai 2008, le cyclone Nargis s’abat sur la Birmanie. Ses vents allant jusqu’à 240 kilomètres-heure provoquent des ravages depuis le delta de l’Irrawaddy jusqu’à la frontière thaïlandaise. Il touche plus de deux millions de personnes et fait 140 000 morts et disparus.

Des milliers de Témoins de Jéhovah sont frappés par le cyclone, mais fait incroyable, tous en sortent indemnes. Beaucoup survivent en se réfugiant dans leurs nouvelles Salles du Royaume. Dans celle de Bothingone, village côtier du delta de l’Irrawaddy, le niveau de l’eau atteignant quasiment le plafond, 20 Témoins et 80 autres habitants devront rester perchés neuf heures dans la charpente du toit, jusqu’à ce que l’eau redescende.

May Sin Oo devant sa maison en reconstruction.

Une équipe de secours aux côtés de frère et sœur Htun Khin devant leur maison rebâtie après le passage de Nargis.

La filiale a rapidement envoyé une équipe de secours dans la région la plus sinistrée, à l’embouchure du delta. Celle-ci a traversé des zones dévastées jonchées de cadavres, puis est arrivée à Bothingone — la première équipe de secours sur les lieux. Après avoir distribué des vivres, de l’eau et des médicaments aux frères et sœurs, elle les a encouragés par des discours bibliques et leur a remis des bibles et des publications, car toutes leurs affaires avaient été emportées par le cyclone.

Pour coordonner cette vaste opération, la filiale a constitué des comités de secours à Rangoun et à Bassein. Sous leur direction, des centaines de bénévoles ont distribué de l’eau, du riz et d’autres denrées de base, et des équipes de construction mobiles ont réparé ou reconstruit des maisons de Témoins.

Un bénévole, Tobias Lund, raconte : « Avec ma femme, Sofia, nous avons trouvé May Sin Oo, 16 ans, seule proclamatrice de sa famille, en train de faire sécher sa bible au soleil parmi les décombres de sa maison. En nous voyant, elle nous a souri, mais une larme coulait sur sa joue. Sans attendre, l’une de nos équipes mobiles est arrivée avec casques, outils électriques et matériaux pour reconstruire une maison à sa famille. Les voisins étaient ébahis ! Des gens sont restés plusieurs jours à regarder le chantier, devenu la grande attraction du coin. Les badauds disaient : “Nous n’avons jamais rien vu de pareil ! Quel amour et quelle unité dans votre organisation ! Nous aussi, nous aimerions devenir Témoins de Jéhovah.” Aujourd’hui, les parents et les frères et sœurs de May Sin Oo assistent aux réunions, et toute la famille fait de beaux progrès spirituels. »

Les opérations de secours ont duré plusieurs mois. Les frères ont distribué des tonnes de denrées et de fournitures et ont réparé ou reconstruit 160 maisons et 8 Salles du Royaume. Le cyclone Nargis a semé le malheur, mais ses vents ont mis à nu quelque chose de précieux : l’amour qui lie les serviteurs de Jéhovah et glorifie le nom divin.

Un évènement inoubliable

Début 2007, la filiale de Birmanie a reçu une lettre exaltante. Jon Sharp, arrivé au Béthel un an plus tôt avec sa femme, Janet, explique : « Le Collège central nous demandait d’organiser une assemblée internationale à Rangoun en 2009. Elle accueillerait des centaines de délégués étrangers venant de dix pays, une première dans l’histoire de notre filiale !

« Une foule de questions se bousculaient dans nos têtes : “Quel bâtiment pourrait contenir ce grand rassemblement ? Les proclamateurs des régions éloignées pourraient-​ils y assister ? Où logeraient-​ils ? Comment viendraient-​ils ? Auraient-​ils les moyens de nourrir leurs familles ? Et les autorités birmanes : permettraient-​elles un tel rassemblement ?” Les obstacles semblaient infinis. Mais nous nous sommes rappelé ces paroles de Jésus : “Les choses qui sont impossibles aux hommes sont possibles à Dieu” (Luc 18:27). Aussi, confiants en lui, nous avons entamé les préparatifs.

« Nous avons vite trouvé un lieu adapté : le stade national couvert, bâtiment climatisé de 11 000 places proche du centre-ville. Nous avons aussitôt soumis aux pouvoirs publics une demande d’utilisation. Des mois plus tard et à quelques semaines de l’assemblée, nous étions toujours sans réponse. Puis la terrible nouvelle est tombée : la direction du stade avait programmé un tournoi de boxe aux mêmes dates ! N’ayant pas le temps de chercher un autre lieu, nous avons patiemment négocié avec l’organisateur et avec des dizaines d’officiels. Finalement, l’organisateur a admis qu’il pouvait repousser le tournoi, mais seulement si les 16 boxeurs professionnels engagés modifiaient leurs contrats. Quand ceux-ci ont su que les Témoins de Jéhovah voulaient le stade pour une assemblée spéciale, ils ont tous accepté de changer leurs dates. »

Le Comité de la filiale, de gauche à droite : Kyaw Win, Hla Aung, Jon Sharp, Donald Dewar et Maurice Raj.

« Cependant, poursuit Kyaw Win, autre membre du Comité de la filiale, il nous manquait encore l’autorisation officielle d’utiliser le stade et notre demande avait déjà été rejetée quatre fois ! Après avoir prié Jéhovah, nous avons rencontré le général en charge de tous les stades de Birmanie. Il ne restait que deux semaines avant l’assemblée, et c’était la première fois que nous accédions à un tel niveau de la hiérarchie. Pour notre plus grande joie, il a accepté notre demande ! »

Ignorant l’intrigue qui se jouait, des milliers de Témoins de toute la Birmanie et de l’étranger s’étaient mis en chemin pour Rangoun en avion, en train, en bateau, en car... ou à pied. De nombreuses familles avaient mis de l’argent de côté pendant des mois. Pour cela, beaucoup avaient cultivé leur jardin, d’autres élevé des porcs, d’autres encore confectionné des vêtements ou même cherché de l’or dans les rivières. Plus d’un n’avait encore jamais vu de grande ville ni d’étranger.

Plus de 1 300 frères et sœurs du nord ont convergé vers Mandalay pour y prendre un train spécialement affrété à destination de Rangoun. Quelques-uns venant des monts Naga ont fait six jours de route, portant à dos d’homme deux proclamateurs dont les fauteuils roulants de fortune s’étaient disloqués au début du voyage. Par centaines, les Témoins ont campé sur le quai ; ils parlaient, riaient et chantaient des cantiques. « C’était l’euphorie, commente Pum Cin Khai, qui a participé à l’organisation des transports. Nous leur avons distribué de la nourriture, de l’eau et des nattes de couchage. Quand le train est enfin arrivé, les anciens ont conduit chaque groupe vers son wagon. Puis un haut-parleur a retenti : “Train des Témoins de Jéhovah, attention au départ !” J’ai jeté un dernier coup d’œil sur le quai pour être sûr qu’on n’oubliait personne, et j’ai sauté à bord ! »

Pendant ce temps, à Rangoun, 700 délégués étrangers s’installaient dans leurs hôtels. Mais où seraient hébergés les plus de 3 000 frères et sœurs birmans ? « Jéhovah a ouvert le cœur des Témoins de Rangoun pour qu’ils prennent soin de leurs compagnons, fait observer Myint Lwin, du service logement. Des familles ont accueilli jusqu’à 15 invités. Elles ont payé pour les faire enregistrer auprès des autorités. Elles leur ont aussi offert le petit-déjeuner et le transport pendant l’assemblée. Des dizaines d’assistants ont logé dans des Salles du Royaume, des centaines dans une grande usine. Malgré cet effort collectif, 500 autres n’avaient pas encore où dormir. Nous avons soumis notre problème à la direction du stade, qui a permis que des assistants dorment sur place, ce qui ne s’était jamais fait ! »

« Jéhovah a ouvert le cœur des Témoins de Rangoun pour qu’ils prennent soin de leurs compagnons. »

L’assemblée internationale de 2009, « Veillez ! », a fortifié la foi des frères et sœurs et a donné un formidable témoignage à Rangoun.

Le stade étant en piteux état, plus de 350 volontaires ont travaillé pendant dix jours à le préparer. « Nous avons réparé le réseau de plomberie, d’électricité et la climatisation, puis repeint et nettoyé tout le bâtiment, se souvient Htay Win, surveillant de l’assemblée. Ce travail colossal a donné un bon témoignage. L’officier responsable des lieux s’est exclamé : “Merci ! Merci ! Je prie Dieu pour que vous utilisiez mon stade chaque année.” »

Plus de 5 000 personnes ont assisté à cette assemblée, du 3 au 6 décembre 2009. Le dernier jour, un grand nombre portaient leur costume traditionnel, créant une éblouissante mosaïque de couleurs. « Tout le monde s’étreignait et pleurait, même avant le début du programme ! » se rappelle une sœur. Après la prière finale prononcée par Gerrit Lösch, membre du Collège central, l’assistance a applaudi et fait signe de la main pendant plusieurs minutes. Une sœur de 86 ans a bien résumé les sentiments de beaucoup : « J’avais l’impression d’être dans le monde nouveau ! »

De nombreux fonctionnaires n’ont pas caché leur admiration. « Ce rassemblement est exceptionnel, a dit l’un d’eux. Personne ne jure, ne fume ni ne mâche de bétel. Des ethnies différentes sont unies. Je n’ai jamais vu un groupe pareil ! » Maurice Raj rapporte : « Même le commandant en chef de Rangoun nous a fait savoir que ses collègues et lui n’avaient jamais vu un évènement aussi impressionnant. »

Beaucoup d’assistants ont dit avoir connu des moments extraordinaires. « Avant l’assemblée, témoigne un frère birman, nous avions seulement entendu parler de notre fraternité internationale. Mais là, nous l’avons vécue ! Nous n’oublierons jamais l’amour de nos frères. »

« Avant l’assemblée, nous avions seulement entendu parler de notre fraternité internationale. Mais là, nous l’avons vécue ! »

« Blancs pour la moisson »

Il y a environ 2 000 ans, Jésus a dit à ses disciples : « Levez les yeux et regardez les champs : ils sont blancs pour la moisson » (Jean 4:35). Cela se vérifie aujourd’hui en Birmanie. Le pays compte 3 790 proclamateurs, soit 1 pour 15 931 habitants : c’est un immense champ à moissonner ! Et avec 8 005 assistants au Mémorial 2012, le potentiel d’accroissement est considérable !

Pour preuve, prenons l’Arakan (Rakhine), État côtier frontalier du Bangladesh, comptant quatre millions d’habitants et aucun Témoin de Jéhovah. « Chaque mois, nous recevons de cette région de nombreuses demandes de publications et d’aide spirituelle, rapporte Maurice Raj. Et puis, de plus en plus de bouddhistes, notamment des jeunes, s’intéressent à la vérité. C’est pourquoi nous continuons de prier le Maître d’envoyer plus d’ouvriers dans la moisson » (Mat. 9:37, 38).

« Nous continuons de prier le Maître d’envoyer plus d’ouvriers dans la moisson. »

Il y a presque un siècle, deux pionniers intrépides apportaient la bonne nouvelle dans un pays majoritairement bouddhiste. Depuis, des milliers de Birmans d’origines ethniques diverses ont pris parti pour la vérité. Malgré les conflits violents, les insurrections, la pauvreté généralisée, la persécution religieuse, l’isolement politique et les catastrophes naturelles, les Témoins de Birmanie sont restés indéfectiblement attachés à Jéhovah Dieu et à son Fils, Jésus Christ. Ils restent déterminés à prêcher la bonne nouvelle du Royaume ; ils veulent « endurer pleinement et être patients avec joie » (Col. 1:11).

a La Birmanie doit son nom à son ethnie majoritaire, les Bamars (Birmans). En 1989, elle a été renommée Union du Myanmar, pour refléter sa diversité ethnique. Mais l’appellation officielle en France reste Birmanie.

b Les Anglo-Indiens sont des métis d’ascendances indienne et britannique. Sous la domination britannique, des milliers d’Anglo-Indiens ont émigré en Birmanie, alors englobée dans l’« Empire des Indes ».

c Bertram Marcelline a été le premier baptisé Témoin de Jéhovah en Birmanie. Il y est mort à la fin des années 1960, fidèle jusqu’au bout.

d L’équivalent, à l’époque, de 75 €, une somme rondelette.

e Voir l’Annuaire 1966 des Témoins de Jéhovah en anglais, page 192.

f Publié par les Témoins de Jéhovah. Épuisé.

g Aujourd’hui, le MEPS est adapté à plus de 600 langues.

Données générales

Géographie

Pics neigeux, jungles vaporeuses, fleuves puissants, immenses plaines et vastes deltas : la Birmanie offre des panoramas étonnamment variés. Plus étendue que la France, elle est le deuxième plus grand pays d’Asie du Sud-Est.

Population

On recense 60 millions de Birmans, représentant au moins 135 ethnies. Les deux tiers sont de l’ethnie bamar, ou birmane proprement dite. Environ 90 % sont d’obédience bouddhiste theravada. Beaucoup de Kayins (ou Karens), de Chins et de Kachins sont de confession chrétienne.

Langue

Le birman est la langue officielle parlée dans tout le pays, mais la plupart des ethnies ont leurs propres langues.

Sources de revenus

Agriculture, exploitation forestière et pêche sont les piliers de l’économie. La principale culture est le riz. Le pays est riche en ressources naturelles : teck, caoutchouc, jade, rubis, pétrole et gaz naturel.

Alimentation

Des amis partagent un repas birman typique.

Le riz est au cœur de presque tout repas, souvent accompagné de ngapi, âcre pâte de crevettes ou de poissons fermentés. Les salades légèrement relevées et les currys doux sont populaires. Le menu peut inclure de petites portions de poisson, de poulet ou de crevettes. Thé noir et thé vert sont les boissons classiques.

Climat

Le climat est régi par les moussons. Il y a trois saisons : sèche, chaude, humide. Toutefois, les températures peuvent être basses dans le nord montagneux.

Il n’y allait pas par quatre chemins

SYDNEY COOTE

NAISSANCE 1896

BAPTÊME 1939

EN BREF L’un des premiers Birmans à avoir accepté la vérité. Récit de sa nièce, Phyllis Tsatos (ex-D’Souza).

◆ C’EST mon oncle qui nous a fait connaître la vérité.

« Tu crois vraiment que Dieu permet que des gens brûlent éternellement en enfer ? m’a-​t-​il demandé un jour.

— Oui, c’est ce qu’enseigne l’Église catholique, ai-​je répondu.

— Qu’est-​ce que tu ferais si ton chien te mordait ? a-​t-​il poursuivi en désignant l’animal couché à nos pieds.

— Je lui donnerais une tape pour lui apprendre que c’est mal.

— Qu’est-​ce que tu dirais de le pendre par la queue et de lui enfoncer un tisonnier brûlant dans la chair ?

— Tonton ! Ce serait cruel ! ai-​je hurlé, horrifiée.

— Cruel ? a-​t-​il rétorqué. Pourtant, l’Église dit que Dieu tourmente les pécheurs éternellement dans le feu de l’enfer ! »

Son raisonnement brusque mais sensé m’a poussée à revoir mes croyances. En peu de temps, huit membres de ma famille sont devenus Témoins.

Culture et coutumes

Noms

La plupart des Birmans n’ont pas de patronyme, ou nom de famille. Les noms se composent en général de plusieurs mots d’une syllabe évoquant des qualités, des objets ou des origines ethniques. Par exemple, Cho Sandar Myint signifie « Douce lune dans les hauteurs », Htet Aung Htun « Éclat de la victoire sagace », et Naw Say Wah Phaw « Fleur d’argent féminine ».

Salutations

Les salutations sont aussi diverses que savoureuses. Des amis qui ne se sont pas vus depuis longtemps s’exclameront gaiement : « Alors tu n’es pas encore mort ? » À l’heure du repas, on se salue en demandant : « Avez-​vous déjà mangé ? » Et on ne dit pas : « Au revoir », mais simplement : « Bon, je m’en vais. » La réponse typique est : « Bien ! » ou « Allez doucement ! »

Savoir-vivre

La douceur et la délicatesse sont des valeurs importantes. On respecte les aînés ; on s’adresse à eux avec des termes honorifiques comme « oncle », « tante » ou « maître ». Le Birman a coutume de se toucher de la main gauche l’avant-bras droit en signe de respect quand il tend un objet à quelqu’un ou lui serre la main. Les témoignages d’affection entre hommes et femmes, mariés ou célibataires, sont rares en public ; par contre, on voit souvent des personnes du même sexe se tenir par la main.

Costume

Homme et femme portent le longyi, jupe tubulaire allant de la taille aux chevilles. L’homme le fixe par un nœud sur le devant, la femme par un repli à la taille. Le tissu n’est pas le même pour l’homme et la femme, et varie selon l’ethnie.

Toilette

Une mère pommade le visage de sa fille avec du thanaka.

En guise de produit de soin et de beauté, femmes et enfants s’enduisent de thanaka, une pâte odorante faite en broyant de l’écorce d’arbres à thanaka. Cette crème est rafraîchissante et protège du soleil.

« Jéhovah m’a donné un esprit nouveau »

WILSON THEIN

NAISSANCE 1924

BAPTÊME 1955

EN BREF Ancien voleur qui a fait un gros travail sur lui-​même pour améliorer sa personnalité. Pionnier spécial depuis 54 ans.

◆ DANS ma jeunesse, j’ai appris la boxe, la lutte et le judo. Ça m’a forgé une personnalité coléreuse et violente. À 19 ans, j’étais membre d’une bande de voleurs armés. J’ai fini par me faire arrêter. En huit ans de prison, j’ai réfléchi à ma vie de mauvais garçon et j’ai beaucoup prié. Au fond de moi, je voulais mieux connaître Dieu.

Une fois libéré, je me suis installé à Rangoun, où j’ai fréquenté les réunions des Témoins de Jéhovah. Finalement, grâce à l’aide patiente de plusieurs frères bienveillants, je suis parvenu au baptême.

Mais je devais toujours lutter pour manifester la personnalité chrétienne (Éph. 4:24). J’avais tendance à critiquer les autres et à m’irriter contre eux. Je voulais m’améliorer, mais j’avais du mal à maîtriser mes émotions. Je me trouvais tellement nul que parfois j’allais au bord du fleuve pleurer pendant des heures.

Je me trouvais tellement nul que parfois j’allais au bord du fleuve pleurer pendant des heures.

En 1957, j’ai été nommé pionnier spécial. Envoyé à Mandalay, j’ai collaboré avec un missionnaire, Robert Richards. Il a été comme un père pour moi. Il m’a appris à me concentrer sur les qualités des autres et à me rappeler humblement mes propres défauts (Gal. 5:22, 23). Chaque fois que quelque chose m’énervait, je suppliais Jéhovah de me donner « un esprit nouveau, ferme », gouverné par la paix (Ps. 51:10). Jéhovah m’a exaucé, et avec le temps je me suis amélioré.

Par la suite, j’ai aidé un baptiste de 80 ans à étudier la Bible. Furieux, ses coreligionnaires m’ont accusé de leur « voler » des « brebis ». L’un d’eux a tendu un couteau vers mon visage en grimaçant : « C’est un péché de tuer quelqu’un ? » J’ai senti une rage folle monter en moi. Aussitôt j’ai prié Jéhovah intérieurement, puis j’ai dit d’une voix neutre : « Vous avez donné vous-​même la réponse. » L’homme a hésité, puis a tourné les talons. J’ai remercié Jéhovah de m’avoir aidé à garder mon calme. Le monsieur âgé s’est fait baptiser peu après, et il est resté fidèle jusqu’à sa mort.

Au fil des ans, j’ai eu 17 affectations et j’ai aidé 64 personnes à découvrir la vérité. J’ai les larmes aux yeux quand je songe combien Jéhovah a été bon pour moi. Il a aidé le jeune homme malheureux, coléreux et violent que j’étais à cultiver un esprit nouveau et paisible.

Jéhovah a ouvert la voie

MAURICE RAJ

NAISSANCE 1933

BAPTÊME 1949

EN BREF Serviteur à plein temps en Birmanie depuis plus de 50 ans, dont une bonne partie en tant que surveillant de la filiale. Il est toujours membre du Comité de la filialeh.

◆ EN 1988, la révolte grondait à Rangoun ; le peuple est descendu dans la rue pour exiger des réformes politiques. Dans ce contexte de tensions extrêmes, l’armée a fait un coup d’État et a imposé la loi martiale. Des milliers de manifestants ont été tués.

Le même mois, nous devions envoyer notre rapport de filiale annuel au siège mondial de New York, mais tous les moyens de communication usuels étaient rompus. Comment faire sortir ce rapport du pays ? J’ai appris que l’ambassade américaine s’apprêtait à expédier son courrier diplomatique par hélicoptère. Il y avait peut-être une chance pour notre rapport ! J’ai revêtu mon plus beau costume-cravate et j’ai pris le chemin de l’ambassade.

En roulant dans les rues détrempées, j’ai trouvé la ville étrangement calme. Brusquement, je suis tombé sur une énorme barricade en bois : j’ai dû garer la voiture et continuer à pied.

En approchant de l’ambassade, j’ai aperçu des centaines de gens vociférant qu’on les laisse entrer et des marines renfrognés bloquant le passage. J’ai marqué une pause pour prier silencieusement. Me voyant bien habillé, un étudiant a crié : « Cet homme est un fonctionnaire de l’ambassade ! » Sur ce, je me suis frayé un chemin à travers la foule. Le colosse qui gardait le portail m’a toisé d’un œil méfiant.

« Qui êtes-​vous ? a-​t-​il aboyé, et que voulez-​vous ?

— Je veux voir l’ambassadeur. J’ai un message important à envoyer en Amérique. »

Le marine m’a dévisagé longuement. Soudain, il a ouvert, m’a tiré à l’intérieur, puis a vite refermé le portail en refoulant la masse humaine.

« Suivez-​moi », a-​t-​il grogné.

À la porte de l’ambassade, il m’a confié à un fonctionnaire à l’air las, qui m’a demandé ce que je voulais.

« Je viens du bureau birman de la Société Watch Tower. J’ai un rapport important qui doit parvenir à notre siège de New York ce mois-​ci. Pourriez-​vous s’il vous plaît l’expédier avec votre courrier diplomatique ? » Lui tendant ma précieuse enveloppe, j’ai ajouté : « Je suis vraiment désolé, je n’ai pas de timbre. »

Tendant au fonctionnaire ma précieuse enveloppe, j’ai dit : « Je suis vraiment désolé, je n’ai pas de timbre. »

Un peu déconcerté, le fonctionnaire m’a posé quelques questions. Puis il m’a garanti qu’il ferait passer mon rapport. Plus tard, j’ai eu confirmation que le siège mondial l’avait reçu à temps.

h La biographie de frère Raj est parue dans La Tour de Garde du 1er décembre 2010.

Un juge sincère accepte la vérité

MANG CUNG

NAISSANCE 1934

BAPTÊME 1981

EN BREF Éminent directeur d’école et juge devenu pionnier.

◆ UN JOUR, un pionnier m’a proposé une Tour de Garde. « Je n’ai pas le temps de lire, ai-​je rétorqué. Je suis trop occupé. » Mais, étant un gros fumeur, j’ai songé que les pages de cette revue pourraient me servir pour me rouler des cigares. Je l’ai donc acceptée.

En arrachant une page, je me suis dit que ce serait du gaspillage de ne pas la lire d’abord. C’est ainsi que j’ai découvert La Tour de Garde et que j’y ai pris goût. Ma lecture m’a poussé à cesser de fumer et à conformer ma vie aux autres bons principes de Dieu. Je suis vite arrivé au baptême.

À mon retour au village après mon baptême, le pasteur et les anciens m’ont offert de l’argent pour que je revienne à ma religion d’avant, ce que j’ai refusé. Alors ils ont fait courir le bruit que les Témoins m’avaient payé pour que j’accepte leur baptême. Leur calomnie ne m’a pas ébranlé. J’étais fier de connaître et de servir le vrai Dieu.

« Jéhovah a béni mon endurance »

AH SHE

NAISSANCE 1952

BAPTÊME 1998

EN BREF Ancien prédicateur catholique laïque.

◆ PENDANT des années, j’ai été prédicateur catholique laïque au cœur du Triangle d’or. Quand j’ai rencontré les Témoins de Jéhovah et que j’ai vu leur habileté dans le maniement de la Bible, j’ai accepté d’étudier avec eux.

À un moment donné, je prêchais à l’église le dimanche matin, et j’allais à la Salle du Royaume le dimanche après-midi. Mes sermons n’ont pas tardé à s’enrichir d’explications bibliques exactes, ce qui a contrarié certains paroissiens, sans parler du prêtre ! Quand j’ai démissionné, les paroissiens m’ont intenté un procès pour me faire expulser du village. Le magistrat leur a dit que j’avais la liberté de culte. Mais Cherry, ma femme, ne décolérait pas. « Va-​t’en ! Va-​t’en d’ici avec ton sac et ta bible ! » m’a-​t-​elle crié. Je n’ai jamais riposté, et j’ai continué de m’occuper d’elle et des enfants. À ma grande joie, Jéhovah a béni mon endurance. Aujourd’hui, ma femme et mes enfants sont eux aussi d’heureux serviteurs de Jéhovah.

« Ma méfiance s’est envolée »

GREGORY SARILO

NAISSANCE 1950

BAPTÊME 1985

EN BREF Autrefois fervent catholique qui pensait que les Témoins de Jéhovah étaient des faux prophètes.

◆ J’AI longtemps été un fervent catholique très impliqué dans la vie religieuse du village. Parallèlement, je voyais des chefs spirituels excuser l’immoralité, offrir des sacrifices animistes et pratiquer le spiritisme. Dégoûté par leur hypocrisie, j’ai rendu mes charges ecclésiastiques, sans renier mes croyances.

En 1981, j’ai rencontré des Témoins de Jéhovah. Impressionné par leur connaissance de la Bible, j’ai accepté d’étudier, mais je me méfiais beaucoup de leurs enseignements, que je mettais constamment en doute. Ils me répondaient calmement avec la Bible.

J’ai assisté à une assemblée de district pour voir si les Témoins enseignaient tous la même chose. Lors d’une pause, j’ai laissé par mégarde sous mon siège mon sac contenant ma carte d’identité, de l’argent et d’autres objets de valeur. Quand je m’en suis rendu compte, j’étais sûr de ne pas le retrouver. Mais les frères m’ont dit : « Ne vous inquiétez pas. Votre sac n’aura pas bougé. » J’ai couru à ma place : mon sac était là ! Dès cet instant, ma méfiance envers les Témoins s’est envolée.

« J’ai trouvé une “extraordinaire richesse” »

SA THAN HTUN AUNG

NAISSANCE 1954

BAPTÊME 1993

EN BREF Autrefois moine bouddhiste, puis soldat. Après avoir accepté la vérité, il a été pionnier pendant des années.

◆ JE VIENS d’une famille bouddhiste. J’ai été moine quelque temps. Je ne croyais pas en un Dieu ou Créateur personnel. Un ami « chrétien » m’a invité à un office, où j’ai entendu que les humains ont un Père au ciel. Je mourais d’envie de connaître ce Père et de nouer des liens avec lui.

À la fin de ma période monacale, je suis entré dans l’armée. Quand j’étais de garde, je tenais un journal. Je commençais chaque nouvelle page par « Père, Dieu au ciel ». Plus tard, j’ai voulu quitter l’armée pour devenir pasteur, mais ma démission n’a pas été acceptée. Plus tard encore, j’ai été promu capitaine, grade qui me donnait de l’importance, de l’influence et des avantages financiers. Mais au fond de moi, j’étais spirituellement affamé.

En 1982, j’ai épousé Htu Aung. Sa sœur aînée, Témoin de Jéhovah, nous a donné Du paradis perdu au paradis reconquis. Ce livre disait que Dieu s’appelle Jéhovah, mais ça ne m’a pas convaincu. J’ai dit à ma femme : « Si tu peux me montrer le nom “Jéhovah” dans la Bible birmane, je deviens Témoin de Jéhovah ! » Elle l’a cherché, en vain. Par contre, son amie Témoin, Mary, n’a eu aucune difficulté : en un tournemain, elle m’a mis sous les yeux le nom Jéhovah ! En définitive, j’ai commencé à fréquenter les réunions des Témoins avec ma femme et mes enfants, et j’ai accepté d’étudier la Bible.

Plus ma connaissance augmentait, plus je désirais servir Dieu. En 1991, j’ai redemandé à quitter l’armée, cette fois pour devenir Témoin. Au bout de deux ans, j’ai été rendu à la vie civile. Dans l’année, Htu Aung et moi étions baptisés.

Pour subvenir à nos besoins, je suis devenu vendeur de nourriture au marché. Parents et amis me trouvaient fou de renoncer à une carrière militaire prometteuse pour un travail médiocre. Mais je songeais qu’afin de servir Dieu Moïse avait quitté la cour de Pharaon pour devenir berger (Ex. 3:1 ; Héb. 11:24-27). Par la suite, j’ai atteint un objectif cher à mon cœur : le service de pionnier permanent.

Certains de mes amis militaires sont devenus des gradés importants et très riches. Moi, j’ai trouvé une « extraordinaire richesse », les bienfaits qu’apportent la connaissance et le service de mon Père céleste (Éph. 2:7). Aujourd’hui, plusieurs de mes neveux et nièces sont serviteurs à plein temps, et mon fils aîné est Béthélite en Birmanie.

« La bonté a vaincu ma résistance »

ZAW BAWM

NAISSANCE 1954

BAPTÊME 1998

EN BREF Ancien dealer et ennemi de la vérité. La bonté chrétienne a touché son cœur.

◆ QUAND ma femme, Lu Mai, s’est mise à étudier avec les Témoins, je me suis violemment opposé. J’ai jeté ses publications bibliques dans les toilettes et j’ai chassé les Témoins de chez nous.

Aujourd’hui, je suis fidèle à mon « serment » : je sers Jéhovah au maximum de mes possibilités.

Plus tard, je suis devenu dealer, ce qui m’a conduit en prison. Après ma première nuit en détention, Lu Mai m’a envoyé une bible accompagnée d’une lettre encourageante remplie de citations bibliques. D’autres lettres tout aussi constructives ont suivi. J’ai bientôt compris que si j’avais écouté les conseils de la Bible, je n’aurais pas fini en prison.

En captivité, j’ai aussi reçu deux visiteurs inattendus. Ces hommes, Témoins de Jéhovah, m’ont expliqué que ma femme leur avait demandé de venir m’encourager. Ils avaient fait deux jours de route pour me voir. Ça m’a bouleversé. Personne de ma parenté ne m’avait rendu visite, mais eux, à qui je m’étais méchamment opposé, l’avaient fait.

Peu après, j’ai été hospitalisé pour une typhoïde. Je ne pouvais pas payer le traitement. C’est alors que j’ai encore eu une visite inattendue : un autre Témoin envoyé par ma femme. Compatissant, il a payé pour moi. Honteux et confus, je me suis juré de devenir Témoin de Jéhovah. Cinq ans plus tard, à ma libération, j’ai tenu ma promesse.

« Je grimperai comme le cerf »

LIAN SANG

NAISSANCE 1950

BAPTÊME 1991

EN BREF Ancien soldat, amputé des deux jambes après une bataille. Aujourd’hui assistant ministériel.

◆ JE SUIS né et j’ai grandi à Matupi, hameau perdu dans les hauteurs de l’État chin. Notre famille vouait un culte aux nats, des esprits puissants censés habiter certaines forêts et montagnes de la région. Quand l’un de nous tombait malade, nous placions de la nourriture sur l’autel familial et implorions un nat d’agréer l’offrande. Nous pensions qu’il guérirait la maladie.

À 21 ans, je suis entré dans l’armée. Au fil des ans, j’ai participé à 20 batailles. En 1977, des insurgés communistes ont attaqué notre camp, près de Muse, dans l’État shan. Le combat a fait rage pendant 20 jours. Finalement, nous avons lancé une contre-attaque massive. J’ai sauté sur une mine. Quand j’ai regardé mes jambes, je n’ai vu que des os à nu. Mes jambes me brûlaient, j’avais terriblement soif, mais je n’avais pas peur. J’ai été transporté à l’hôpital, où on m’a amputé. Quatre mois plus tard, je quittais l’hôpital avec le statut de civil.

Dans le Paradis, je grimperai comme le cerf, mais aussi je courrai et sauterai de joie !

Sein Aye (ma femme) et moi avons aménagé à Sagaing, près de Mandalay. Pour vivre, je suis devenu tisseur de chaises en bambou. C’est là qu’un pasteur baptiste m’a dit que la perte de mes jambes était la volonté de Dieu. Plus tard, nous avons rencontré une pionnière nommée Rebecca, qui nous a expliqué que dans le Paradis terrestre à venir, je retrouverais mes jambes. Nous nous sommes empressés d’étudier la Bible avec elle, et pas avec le pasteur !

Trente ans plus tard, Sein Aye et moi, ainsi que nos sept enfants, vivons non loin de Maymyo, jolie ville haut perchée à 65 kilomètres de Mandalay. Je suis assistant ministériel dans la congrégation de Maymyo. Tous nos enfants sont baptisés, trois étant pionniers permanents. Nous les avons élevés de notre mieux dans la vérité. Quel bonheur qu’ils aient été réceptifs à notre instruction spirituelle !

Je prêche régulièrement mon village en fauteuil roulant ; pour les réunions, ma famille m’emmène à moto. Je peux aussi « marcher » en me servant de deux cales en bois comme supports.

Mon verset préféré, c’est Isaïe 35:6 : « À cette époque le boiteux grimpera comme le cerf. » Comme j’ai hâte de retrouver mes jambes ! Alors, je grimperai comme le cerf, mais aussi je courrai et sauterai de joie !

Des surveillants itinérants tout-terrain

[Carte]

Les surveillants itinérants sillonnent inlassablement la chatoyante Birmanie pour fortifier leurs compagnons. Comment s’y prennent-​ils ? Suivons un couple, Myint Lwin et Lal Lun Mawmi, dans sa circonscription des monts Naga, au fin fond du pays : « Nous quittons Kalemyo dans la matinée à l’arrière d’une camionnette pleine à craquer, les jambes coincées entre les caisses de marchandises et les légumes. D’autres passagers voyagent accrochés au hayon ou assis sur le toit. On cahote au gré des trous de la route. La poussière tourbillonne tout autour de nous. Nous portons des masques pour ne pas suffoquer.

« Au bout de deux heures, nous entrons à Kalewa, ville fluviale où nous allons prendre le bateau. En l’attendant, nous prêchons aux boutiquiers et aux passagers. Peu connaissent les Témoins. Puis le bateau arrive, des passagers débarquent, d’autres se ruent vers les sièges libres. Près de 100 personnes s’entassent dans l’embarcation. C’est beaucoup trop ; on pourrait facilement chavirer. Au cas où, pour que nos sacs de voyage flottent, nous fourrons dedans des bouteilles plastique.

« Cinq heures plus tard, nous débarquons à Mawlaik, où nous passons la nuit dans un petit gîte. Dès 5 heures le lendemain matin, nous repartons. C’est la saison sèche ; le fleuve est si bas que notre bateau s’enlise quatre fois. Les hommes, moi y compris, doivent descendre et pousser. Nous atteignons Homalin quatorze heures plus tard, exténués, mais les frères et sœurs sont là pour nous accueillir. Leurs sourires nous redonnent des ailes. Ce soir, nous serons en leur chaleureuse compagnie. Demain, nous les quitterons pour Khamti, quinze heures plus loin.

« Re-réveil aux aurores, re-bateau. On n’est pas aussi tassés que la veille, et le décor a changé. À contre-courant, bercés par le rythme poussif du moteur, nous croisons des centaines de villageois qui creusent dans la rivière pour trouver de l’or. Quand nous arrivons enfin à Khamti, moulus et courbaturés, personne ne nous attend. Notre lettre annonçant notre passage a dû se perdre. Nous prenons donc un taxi-moto jusqu’au logement attenant à la Salle du Royaume. Là, nous nous écroulons dans le lit.

« Le lendemain matin, nous accueillons les 25 proclamateurs locaux, venus à la Salle du Royaume pour le rendez-vous de prédication. La plupart sont de l’ethnie naga, qui peuple les montagnes indo-birmanes. Nous partons tous pour le territoire, une ville enserrée par un bras de rivière entre des sommets imposants. Arrivés devant une maison de bambou, mon compagnon de prédication et moi appelons à voix haute. Un Naga sort et nous invite à entrer. Très attentifs à notre message, sa femme et lui acceptent volontiers des publications. Quantité de Nagas sont des “chrétiens” qui s’intéressent vivement à la bonne nouvelle. Plus tard l’après-midi, nous assistons à la première des réunions de la semaine.

« Leurs sourires nous redonnent des ailes. »

« Une semaine après, nous traversons le fleuve et gagnons Sinthe, bourgade comptant 12 proclamateurs. Nous visitons aussi, à pied, trois groupes isolés, le plus éloigné se trouvant à 11 kilomètres. Nous prêchons avec eux et je prononce un discours. Les frères ici sont très pauvres ; plus d’un ont le paludisme ou la tuberculose. Ils subissent aussi une dure opposition religieuse. Malgré tout, ce sont des prédicateurs zélés. Quelle joie, le dimanche, de compter 76 assistants au discours public, dont beaucoup ont marché des heures pour être là !

« Bien trop vite, l’heure des adieux arrive. Quel crève-cœur de quitter ces chers frères et sœurs qui ont prouvé maintes fois leur amour de Jéhovah ! Dans le bateau qui nous ramène vers le sud, nous méditons sur leur foi magnifique. Quoique pauvres, ils sont spirituellement riches ! Il nous tarde de les revisiter. »

« Je veux prêcher au monde entier ! »

SAGAR RAI

NAISSANCE 1928

BAPTÊME 1968

EN BREF Soldat décoré qui, après avoir accepté la vérité, n’a cessé de prêcher malgré l’opposition virulente de son entourage.

◆ NÉ DANS l’État shan, région montagneuse du nord-est, je suis d’une famille de Gurkhas népalais. Hindouistes, nous pratiquions aussi l’animisme traditionnel. Suivant une tradition gurkha très ancrée, je suis devenu soldat, comme mon père et mes quatre frères aînés. J’ai servi 20 ans dans l’armée birmane et participé à d’innombrables combats. Chose étonnante, je n’ai jamais été grièvement blessé.

En découvrant La Tour de Garde, j’ai appris que selon la Bible il n’y a qu’un seul vrai Dieu, Jéhovah. Ça m’a intrigué, moi qui croyais en des millions de dieux ! J’ai cherché le nom « Jéhovah » dans plusieurs dictionnaires : népalais, hindi, birman, anglais... Tous ont confirmé que Jéhovah est le Dieu de la Bible.

Par la suite, ma femme et moi avons emménagé à Bassein, où le missionnaire Frank Dewar m’a proposé d’étudier la Bible. J’ai accepté, et Jyoti aussi. Nous avons tous deux acquis la certitude que Jéhovah est le seul vrai Dieu. Décidant de n’adorer que lui, nous avons jeté nos idoles dans le fleuve Bassein pour que personne ne puisse les récupérer (Deut. 7:25 ; Rév. 4:11).

Sur ce, j’ai quitté l’armée. Avec Jyoti et nos enfants, je suis retourné vivre dans ma région natale. Le groupe local de Témoins nous a appris à prêcher. Puis nous avons rassemblé quelques matériaux de la forêt avec lesquels nous avons bâti une petite Salle du Royaume en face de chez nous. Cela nous a attiré les foudres d’un comité de la communauté gurkha : « Qui vous a permis de bâtir une “église” chrétienne en territoire hindouiste ? Vous ne devez pas prêcher à des gens qui ont déjà une religion. »

Les autorités, à qui le comité gurkha s’était plaint, m’ont demandé : « M. Rai, est-​ce vrai que vous prêchez dans votre territoire et que vous persuadez les gens de devenir chrétiens ?

— Je suis Témoin de Jéhovah, ai-​je répondu. Je veux prêcher non seulement dans ce territoire, mais au monde entier ! Après, si les gens veulent changer de religion ou non, ça les regarde. » Heureusement, les autorités nous ont laissés continuer de prêcher.

En 40 ans, Jyoti et moi avons enseigné la vérité à plus de 100 personnes.

En 40 ans, Jyoti et moi avons enseigné la vérité à plus de 100 personnes. Beaucoup sont pionniers spéciaux, surveillants itinérants, Béthélites. Nous sommes heureux que la plupart de nos enfants et petits-enfants servent fidèlement Jéhovah.

« Je ne trouve pas le Royaume de Jéhovah »

SOE LWIN

NAISSANCE 1960

BAPTÊME 2000

EN BREF Ancien bouddhiste. Une Tour de Garde parlant du « Royaume de Jéhovah » lui a donné envie d’aller le visiter.

◆ EN ALLANT au travail à Tachilek (près de la frontière thaïlandaise), j’ai ramassé des Tour de Garde jetées au bord de la route. Elles parlaient d’une vie merveilleuse sous le Royaume de Jéhovah. Bouddhiste, n’ayant jamais entendu parler de Jéhovah, j’ai pensé que ce « Royaume de Jéhovah » était un pays d’Afrique. Je l’ai cherché dans un atlas, sans succès. J’ai demandé autour de moi, mais personne n’a pu m’aider.

Puis j’ai appris qu’un jeune homme sur mon lieu de travail étudiait avec les Témoins. « Sais-​tu où je peux trouver le Royaume de Jéhovah ? » lui ai-​je demandé. Ça m’a stupéfait et enthousiasmé de découvrir qu’il s’agit d’un gouvernement céleste, qui instaurera le Paradis sur terre. Je me suis coupé les cheveux, j’ai cessé de mâcher du bétel et de me droguer, et j’ai abandonné mes traditions bouddhistes. Aujourd’hui, je suis encore plus impatient de vivre sous le Royaume de Jéhovah (Mat. 25:34).

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