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    Annuaire 1976 des Témoins de Jéhovah
    • L’Afrique du Sud et les territoires avoisinants (1re partie)

      Accompagnez-​nous dans un pays aux contrastes étonnants : villes trépidantes et endroits perdus dans la brousse, habitations modernes et humbles huttes africaines. Promenez-​vous parmi des gens de toutes races. Prêtez l’oreille et vous entendrez des millions d’hommes parler l’anglais et l’afrikaans (langue dérivée du hollandais). Dans ce pays de vingt-six millions d’habitants se parlent encore des langues telles que le xhosa et le zoulou.

      C’est l’Afrique du Sud. Le pays a une superficie de 1 222 432 kilomètres carrés et il est peuplé par des gens fort intéressants et souvent sympathiques. Parmi eux il y en a beaucoup qui ont faim de nourriture spirituelle et leur faim est satisfaite grâce à la vérité biblique proclamée par les témoins de Jéhovah.

      Faisons d’abord un peu d’histoire. Au dix-huitième et au dix-neuvième siècle, l’Afrique du Sud fut le théâtre de nombreux combats. Quand la “vague” de population noire venue de l’Afrique centrale gagna le sud et que la “vague” blanche partie du Cap se répandit dans le nord, les heurts furent violents et se traduisirent souvent par des conflits sanglants. La guerre la plus grande fut celle qui, de 1899 à 1902, eut lieu entre les Anglais et les Boers (fermiers hollandais) et qu’on a appelée la guerre des Boers. La conséquence fut que les quatre colonies (Natal, État libre d’Orange, Transvaal et Cap) passèrent sous la domination anglaise. En 1910, elles devinrent une seule nation. En 1961, soit un demi-siècle plus tard, le pays est devenu la République sud-africaine, grâce au vote majoritaire des Blancs. Les Noirs n’ont pas le droit de voter, sauf dans quelques-uns de leurs “pays”, vastes territoires réservés à chaque tribu africaine.

      VOYAGE RAPIDE

      Faisons un rapide voyage à travers l’Afrique du Sud. Nous partirons du Cap, à la pointe méridionale du continent. Le Cap est la capitale législative, la plus ancienne ville du pays. À plus de huit cents kilomètres au nord se dresse Bloemfontein qui passe pour être la capitale judiciaire du pays. Pretoria, encore plus au nord, est la capitale du Transvaal et en même temps la capitale administrative de la République.

      Au point de vue géographique, l’Afrique du Sud se caractérise surtout par le plateau intérieur. À partir d’une plaine côtière orientale, le pays s’élève brusquement et forme des chaînes montagneuses dont l’altitude varie entre 1 500 et 3 350 mètres. Le plateau dévale progressivement vers l’ouest. Autrefois, il était essentiellement constitué par des prairies où paissaient de grands troupeaux de zèbres, d’impalas, de springboks et d’autres bêtes gracieuses. Aujourd’hui, ces terres sont devenues des terres cultivées et la plupart des animaux sauvages peuplent les réserves, la plus célèbre étant le parc national Kruger. Mais vers le nord, dans la région de l’intérieur, le terrain est plus sec et devient le désert de Kalahari. Au nord-est s’étend le bushveld, c’est-à-dire la brousse.

      Kimberley, dans l’État libre d’Orange, est un centre mondialement connu de production minière de diamants. Dans le Transvaal s’élève Johannesburg, la plus grande ville du pays, la “reine” du “reef”, chaîne de villes minières et industrielles. Le reef a fait son apparition après qu’on eut découvert de l’or dans la région, en 1886. À plus de 480 kilomètres au sud-est de Johannesburg se trouve Durban, sur les rivages de l’océan Indien. On y rencontre de nombreuses Indiennes revêtues de saris aux couleurs vives.

      Douze millions et demi d’Africains, de neuf tribus au moins, habitent l’Afrique du Sud. Les tribus les plus nombreuses (les Xhosas et les Zoulous) comptent chacune plus de trois millions de membres. Viennent ensuite les Bassoutos, les Tswanas, les Tsongas, les Swazis, les Ndebeles, les Vendas et d’autres. Un peu plus de la moitié de la population africaine vit dans les “pays” africains, c’est-à-dire dans de vastes territoires attribués à chaque tribu africaine. En règle générale, la vie dans ces “pays” et dans les réserves est fort primitive. La plupart des habitants, en effet, vivent dans des huttes de terre. Le reste de la population africaine habite dans des agglomérations africaines, telles que Soweto avec ses maisons de briques qu’a fait bâtir la municipalité. Ces localités se trouvent à quelques kilomètres à l’extérieur des villes européennes. Selon la politique gouvernementale, chaque groupement racial doit se développer à part et indépendamment. L’Afrique du Sud a fait l’objet de vives critiques en raison de sa politique d’apartheid ou de ségrégation.

      Outre les sectes de la chrétienté, les Africains ont leurs religions à eux. Les principales confessions chrétiennes sont représentées dans leurs rangs, mais cela n’a pas empêché de nombreux prédicateurs africains de fonder leurs propres petites sectes. Rien d’étonnant donc que l’Afrique du Sud soit le pays au monde qui compte le plus grand nombre de sectes, pas moins de deux mille ! Bien que se réclamant de telle ou telle Église chrétienne, la plupart des Africains pratiquent le culte des ancêtres et craignent les morts. Et cela ne se vérifie pas seulement dans les “pays”. Bien des Africains conduisant une voiture dernier modèle immolent de temps à autre un bouc pour apaiser les esprits de leurs ancêtres.

      AU DÉBUT DU SIÈCLE

      Au début du siècle, la population de l’Afrique du Sud était moins nombreuse. Le rythme de vie était plus lent et l’existence plus simple. Le pays se remettait des suites de la guerre des Boers quand il apparut que le temps était venu d’annoncer la bonne nouvelle dans ce territoire fascinant.

      En 1902, un pasteur de l’Église réformée néerlandaise quitta les Pays-Bas pour se rendre à Klerksdorp, ville du Transvaal. Il emportait avec lui une petite boîte qui contenait des publications religieuses, y compris les Études des Écritures, un exemplaire en anglais de La Tour de Garde de Sion et la brochure L’Enfer : ce que dit l’Écriture sainte au sujet de “l’Enfer”. Frans Ebersohn et Stoffel Fourie rencontrèrent ce pasteur à Klerksdorp. Il leur permit de fouiller sa bibliothèque. Ils découvrirent ces publications, les trouvèrent intéressantes et purent les emporter. Ces deux hommes furent impressionnés à ce point par les vérités que contenaient leurs pages qu’ils décidèrent de fonder une nouvelle congrégation. Ils l’appelèrent “Volheid van Christus” (Plénitude du Christ). C’est ainsi que le message du Royaume prit pied en Afrique du Sud.

      Ces deux hommes commencèrent à tenir des réunions et à passer de maison en maison pour annoncer la bonne nouvelle. En 1903, Frans Ebersohn écrivit à Russell, premier président de la Watch Tower Bible & Tract Society, et lui demanda d’envoyer en Afrique du Sud un “pèlerin”, c’est-à-dire un représentant spécial de la Société. Frère Russell lui répondit que pour le moment c’était impossible, mais qu’il ferait le nécessaire dès que possible.

      En 1906, deux sœurs qui avaient émigré de Glasgow (Écosse) pour Durban y diffusèrent la bonne nouvelle avec enthousiasme. Bientôt d’autres personnes s’intéressèrent à la vérité dans cette ville et à la fin de l’année on dénombra en Afrique du Sud quarante abonnés à La Tour de Garde de Sion.

      En 1907, un certain “Révérend” nommé Joseph Booth entra en scène en Afrique du Sud. Né en Angleterre, il se rendit en Nouvelle-Zélande pour y faire l’élevage du mouton. Plus tard, il alla travailler en Australie. Il s’affilia aux baptistes et, par la suite, il voulut faire œuvre de missionnaire en Afrique. En 1892, il débarqua au Nyassaland (actuellement le Malawi) en tant que missionnaire indépendant. Booth voulait l’égalité pour les Africains. Son idée était “l’Afrique pour les Africains”. Il fonda diverses “Missions industrielles”.

      En 1900, Booth avait rompu avec la plupart de ses missions et s’était rendu plusieurs fois en Amérique où il se convertit à la religion des baptistes du septième jour. Il revint bientôt au Nyassaland pour y fonder une mission pour cette confession, qui observait le sabbat. Il ne tarda pas à être en désaccord avec les baptistes du septième jour. Il se joignit alors aux adventistes du septième jour et fonda pour eux une mission. Il entra aussi en conflit avec les autorités gouvernementales qui voyaient d’un très mauvais œil ses projets de changement social. En 1906, Booth commença à s’intéresser aux Églises du Christ et, bien qu’il fût repoussé par les Églises anglaises du Christ, il fut accepté dans une certaine mesure par leur filiale du Cap. Booth les aida à fonder une mission au Nyassaland. Selon une publication, L’Afrique indépendante, Booth allait d’une confession à l’autre comme un “auto-stoppeur” religieux.

      À la fin de 1906, Booth, qui se trouvait alors en Écosse, lut quelques livres de frère Russell. Il ne tarda pas à se rendre aux États-Unis où il demanda à voir Russell. L’entretien fut intéressant et décisif. Russell ignorait le passé de Booth. Il ne savait pas que son but était de rendre l’Afrique aux Africains. Il ignorait que Booth était déjà considéré comme un indésirable par les autorités et les Blancs du Nyassaland et qu’il s’était déjà servi de plusieurs organisations religieuses pour réaliser ses projets. D’autre part, Russell cherchait quelqu’un qui fût disposé à ouvrir un nouveau champ d’activité. C’est pourquoi la Société, assumant tous les frais, se servit de Booth comme de son missionnaire auprès des peuplades qu’il connaissait bien.

      Frère Russell ne se doutait guère que cela allait se traduire par une foule de difficultés et porter atteinte à la réputation de la Société. Quoi qu’il en soit, au début de 1907, Booth était revenu en Afrique et s’était mis à l’œuvre au Cap et en d’autres endroits du pays. N’étant point “persona grata” au Nyassaland, Booth s’abstint de se rendre dans ce pays pendant longtemps, tout en gardant le contact par des lettres et des messagers personnels. Son influence fut profonde.

      Dans le numéro du 1er juin 1908 de l’édition anglaise de La Tour de Garde de Sion parut une lettre de L. de Beer, adressée à frère Russell. Elle jetait quelque lumière sur ce qui se passait. En voici un extrait : “Je m’intéresse beaucoup à vos six livres et j’ai deux frères qui marquent le même intérêt. L’un d’eux est un pasteur de l’Église réformée ; ce n’est pas seulement un lecteur, mais un penseur. Il est professeur honoraire ; il réside à Pretoria, au Transvaal, et publie un journal de l’Église réformée ; il prêche sur demande. (...)

      “Il y a encore un ami de frère Booth et de moi-​même : le Révérend Orr, ministre de l’Église congrégationaliste indépendante à Wynberg (une de nos banlieues). Cet homme prêche déjà quelques-unes des nouvelles vérités contenues dans vos livres.

      “Comme vous avez dû l’apprendre, il y a eu plusieurs personnes, dont j’étais, et s’intéressant toutes au message du Millénium, qui se sont réunies à l’Église de frère Orr pour y célébrer la Pâque. Nous étions cinq Européens et vingt-neuf indigènes et le service eut lieu en trois langues. Ce fut un moment important et une nouvelle étape dans notre vie.”

      D’autres nouvelles de l’œuvre en Afrique du Sud parurent dans La Tour de Garde du 15 janvier 1909. Voici ce qu’on pouvait y lire : “Il y a trois frères noirs qui prêchent la vérité aux indigènes. L’un d’eux est allé porter le message au nord, à plus de trois mille deux cents kilomètres de son foyer. Ce frère, qui est jeune, parle plusieurs langues locales et sait bien écrire l’anglais. Son dernier rapport est fort encourageant. Les indigènes, semble-​t-​il, accueillent favorablement la Bonne nouvelle d’une grande joie, le message du Rétablissement.”

      Le jeune Africain qui s’était éloigné à plus de trois mille deux cents kilomètres de sa région natale s’appelait Elliott Kamwana. Kamwana venait de la tribu des Tongas et il avait reçu son instruction dans la Mission Livingstonia (Mission presbytérienne écossaise), à Bandawe, sur les rives occidentales du lac Nyassa. Mais il avait rencontré Booth à Blantyre (Nyassaland), en 1900, et deux années plus tard il avait été baptisé à l’une des Missions du Septième Jour que Booth avait fondées. Plus tard, il était descendu en Afrique du Sud, avait travaillé quelque temps dans les mines et avait rencontré de nouveau Booth, au Cap. Kamwana resta plusieurs mois avec Booth, qui lui donna quelques directives, puis il retourna au Nyassaland, son pays. Dans La Tour de Garde du 1er juillet 1909, Booth décrit la distribution des tracts à Johannesburg et à Pretoria, parmi les Africains, et dit ensuite :

      “Ils étaient très contents de ce qu’on leur apportait le même message que celui, ainsi qu’ils l’avaient appris, qui était annoncé dans leur pays, le Nyassaland, par frère Elliott Kamwana.

      “Quelqu’un qui n’a passé que trois mois dans ce pays raconte qu’il a vu Elliott baptiser trois cents personnes en un seul jour ; un autre raconte qu’en un certain endroit il y a sept cents adhérents. Et l’on m’apprend encore qu’il y a environ trois mille personnes en trente endroits différents qui ont accepté le Divin plan, le préférant au presbytérianisme et à l’Église anglicane. Frère Elliott lui-​même signale qu’il y a environ neuf mille personnes qui marquent quelque intérêt, mais pas toutes dans la même mesure qu’on vient de voir.”

      À la fin de ce rapport, frère Russell a inclus des nouvelles de dernière heure sur l’arrestation d’Elliott Kamwana, à l’instigation des missionnaires écossais calvinistes de Bandawe (Lac Nyassa). Frère Russell termine le rapport par ces quelques mots : “Frère Kamwana a baptisé 9 126 personnes au cours de l’année passée.”

      Aucun commentaire n’accompagnait ce chiffre fantastique. À l’époque le nombre des baptisés aux États-Unis était bien inférieur à ce chiffre. Mais comment Kamwana faisait-​il ? Quelles étaient ses méthodes ?

      ORIGINE DES “MOUVEMENTS DE LA TOUR DE GARDE”

      En fait, ni Booth ni Kamwana n’avaient réellement quitté Babylone la Grande, c’est-à-dire la fausse religion. Ils ne sont jamais devenus des Étudiants de la Bible, des témoins chrétiens de Jéhovah. Leurs relations avec la Société Tour de Garde furent sommaires et superficielles. Marjorie Holliday, dont les souvenirs concernant la vérité remontent jusqu’au début de 1900, raconte que Joseph Booth tentait souvent de saboter les réunions que les frères chrétiens tenaient dans une pièce à l’étage, à Durban. Voici ce que dit notre sœur Holliday : “Par exemple, quand nous chantions ‘Libérés de la Loi’, il se tenait dehors et chantait, lui, ‘Non libérés de la loi’.”

      Il n’est donc pas surprenant qu’Elliott Kamwana, l’élève de Booth, ait eu une notion faussée des vérités contenues dans les publications de la Société. Il est impossible de savoir aujourd’hui ce qu’il a prêché exactement à son retour au Nyassaland. Il semble qu’une des caractéristiques de sa campagne fut les baptêmes en plein air. Mais ces baptêmes n’avaient aucun lien avec le véritable baptême chrétien des serviteurs de Jéhovah. Quel que fût le contenu de sa prédication ou quelles que fussent ses méthodes, la campagne de Kamwana ne dura qu’un temps, de septembre 1908 à juin 1909, époque où le gouvernement intervint et le fit mettre en prison. Par la suite, il fut déporté dans l’archipel des Seychelles. Ce n’est qu’en 1937 qu’il put revenir au Nyassaland et devint un des leaders des faux “mouvements de la Tour de Garde”.

      Malheureusement, par suite de l’activité de Kamwana, il se développa en Afrique centrale une situation qui pendant longtemps fut cause de bien des confusions. Des mouvements se créèrent, qui se servirent dans une petite mesure des livres de Russell et mêlèrent un peu de vérité à leurs idées à eux. C’est ainsi que de nombreuses personnes furent égarées. Ces mouvements n’employèrent pas tous les noms de “La Tour de Garde” ou “Société Tour de Garde” ; en fait, le mouvement dont Kamwana devint un des leaders s’appelait “La Mission de la sentinelle”.

      Bien des années plus tard, en 1947, comme ces sectes dites de La Tour de Garde causaient encore pas mal de confusion, les frères responsables de la prédication au Nyassaland écrivirent à Kamwana. Voici sa réponse, qui porte sa signature : “La Mission de la sentinelle (Mission Mlonda) n’a pas de temps à perdre avec les bruits qui courent, car les Noirs et les Européens du Nyassaland savent que la Mission de la sentinelle est séparée et distincte de la Watch Tower Bible and Tract Society des Européens.”

      Ainsi, il est clair que Kamwana n’a jamais été un véritable serviteur de Jéhovah. Il est encore manifeste que c’est lui qui fut à l’origine de la formation des divers faux “mouvements de la Tour de Garde”. Il semble que tout a commencé par sa campagne “enflammée” de 1909. Nguluh, frère africain de Johannesburg, qui se trouvait au Nyassaland à l’époque, a comparé la campagne de Kamwana à “un feu de brousse”. En ce temps-​là, de nombreux indigènes en quête de travail et d’un meilleur salaire quittaient le Nyassaland. C’est de cette façon donc que les faux “mouvements de la Tour de Garde” se sont répandus en Rhodésie, au Congo et en Afrique du Sud.

      LA VILLE DE DURBAN ENTEND LE MESSAGE

      Revenons à la ville de Durban, en 1906. Marjorie Holliday et sa mère étaient les voisines de Madame Morton. Sœur Arnott de Glasgow (Écosse) envoyait régulièrement des tracts et des imprimés à cette dame, qui était sa sœur charnelle. Madame Morton, elle, les passait à Madame Agnès Barrett, la mère de Marjorie Holliday, et toutes deux finirent par accepter la vérité. À l’époque il y avait aussi une sœur Taylor dans la ville. Elle venait d’Écosse. Quelque temps plus tard, sœur Arnott et sa famille quittèrent Glasgow pour venir s’installer à Durban. Selon sœur Holliday, ce sont les sœurs Arnott, Taylor, Morton et Barrett qui commencèrent effectivement l’œuvre à Durban. Une de leurs méthodes de diffusion consistait à distribuer des tracts et des imprimés aux gens sur les plages.

      Quant à Marjorie Holliday, elle prit position à l’âge de dix ans en envoyant une lettre pour dire qu’elle quittait l’Église presbytérienne, rompant ainsi avec Babylone la Grande. Elle raconte encore qu’en 1910 le petit groupe de Durban s’augmenta d’un nouvel élément, frère Whiteus, Noir américain. D’après sœur Holliday, il avait beaucoup de succès à Durban. Puis elle relate un curieux incident. Frère Whiteus fut rappelé en Amérique, probablement par frère Russell. Or peu avant son départ il fut enlevé par Booth et enfermé dans une chambre ! (On ne s’explique pas les raisons de Booth.) Quoiqu’il en soit, les sœurs découvrirent son lieu de détention. Sœur Barrett réussit à le libérer, puis elle l’escorta jusqu’au quai d’embarquement.

      Quand vint l’année 1910, un peu de bonne semence avait été répandue en Afrique du Sud. La situation n’était pas bonne au Nyassaland, et Booth créait des difficultés à Durban. Il était absolument nécessaire qu’un frère mûr et sûr fût chargé de la surveillance de l’œuvre dans ce champ immense.

      POINT TOURNANT

      L’année 1910 vit s’ouvrir un nouveau chapitre de l’œuvre en Afrique du Sud. À cette époque, tout était fini entre Booth et la Société. Vers le milieu de cette année-​là, frère Russell envoya William W. Johnston, qui devait avoir une trentaine d’années. C’était un Écossais de Glasgow, sérieux, pondéré et sûr, aux antipodes de Booth. Frère Johnston avait été l’un des aînés de Glasgow pendant plusieurs années. Il avait une bonne connaissance de la Parole de Dieu et c’était un excellent orateur. C’était un des “dons en hommes” que réclamait le champ africain, fort secoué par les “hauts faits” de Booth (Éph. 4:8). Frère Johnston avait pour mission principale de se rendre au Nyassaland, pour se faire une idée de la situation et venir en aide aux frères.

      Le premier Blanc qui découvrit, en 1859, le lac Nyassa fut le célèbre explorateur et missionnaire David Livingstone. Après cela, le pays fut parcouru, en vue de sa pénétration par des Blancs, par des missionnaires de l’Église presbytérienne écossaise et de l’Église catholique. Il devint un protectorat britannique en 1891 et fit partie de l’Afrique centrale anglaise. Quand frère Johnston s’y rendit, le Nyassaland comptait environ un million d’habitants, dont très peu de Blancs.

      Frère Johnston passa environ quatre mois au Nyassaland et signala qu’il y avait près de cent églises dans autant de villages et des milliers d’indigènes soumis à la “vérité présente”. (II Pierre 1:12, Segond.) Il constata que certains avaient “une assez bonne intelligence de la vérité”. Mais il fut déçu par l’esprit qui régnait chez eux.

      “Certains d’entre eux, disait frère Johnston, semblaient croire que j’étais venu avec les poches pleines d’argent pour faire des dons aux pasteurs et aux enseignants et leur donner, à eux, des emplois rémunérateurs sous l’égide de la Société. J’ai dû les détromper. (...) J’ai le regret de dire que presque chaque fois que j’ai eu affaire à des frères, ils me demandaient une aide pécuniaire.” Johnston constata encore que l’influence de Booth “se voyait nettement dans l’œuvre au Nyassaland”. Il en était qui observaient le sabbat du septième jour. Frère Johnston déclara encore : “J’ai fait mon possible pour présenter la vérité sur cette question et j’ai réussi, par la grâce de Dieu, à en libérer au moins quelques-uns de cette servitude.”

      Frère Johnston s’efforça d’organiser un peu les choses et désigna plusieurs indigènes comme enseignants, après leur avoir bien expliqué la question du sabbat. Il constata avec joie que beaucoup étaient “remplis d’un ardent désir de mieux connaître la Parole de Dieu”. Pendant quelque temps, après son retour en Afrique du Sud, il reçut des rapports du Nyassaland, mais au bout de quelques années il n’y avait plus beaucoup de contact. Pendant quinze ans le mouvement créé par Booth et Kamwana se trouva livré à lui-​même, ou presque. Il n’est donc pas surprenant qu’une telle situation ait engendré les faux “mouvements de la Tour de Garde”.

      UNE PETITE FILIALE AVEC UN IMMENSE TERRITOIRE

      Peu après son retour à Durban, en 1910, frère Johnston se vit chargé par frère Russell d’ouvrir dans cette ville une filiale de la Société La Tour de Garde. Cette filiale à un seul membre était tout simplement une petite chambre (School Lane, Durban). Elle faisait office de bureau et, à l’occasion, de lieu de réunion. Mais le territoire qui lui avait été attribué était immense. En gros, son champ d’activité était toute l’Afrique au sud de l’équateur. En fait, certains des territoires dont la filiale eut la charge, tels que le Congo, l’Ouganda et le Kenya, s’étendaient au nord de l’équateur. Le champ comprenait encore l’île Maurice dans l’océan Indien, Madagascar au large des côtes du Mozambique, Ste-Hélène dans l’Atlantique et l’île de Sao Tomé dans le golfe de Guinée. Mais, ainsi que l’a écrit Zacharie, “qui a méprisé le jour des petites choses ?” — Zach. 4:10.

      LES EFFORTS PORTENT DU FRUIT

      Il ne faut pas mépriser le travail des cœurs humbles comme frère Whiteus. Un jour, à une porte, une dame accepta la série complète des Études des Écritures que lui offrait frère Whiteus. Elle n’a pas lu ces livres, mais sa fille, Madame Thompson, qui devait se rendre par mer à Glasgow, les prit avec elle et les lut sur le bateau. Pendant son séjour à Glasgow, quelqu’un frappa à sa porte et lui remit une feuille d’invitation à un discours que devait faire frère Russell. Madame Thompson se rendit à la salle, mais elle n’y put entrer, tant il y avait de monde. Or, à ce moment précis, les frères décidèrent d’ouvrir la fosse d’orchestre, si bien qu’elle put trouver une place. Le discours lui plut énormément. Une des sœurs qui se trouvaient là nota son adresse en Afrique du Sud et, par la suite, frère Johnston fit une visite à cette dame. Elle accepta la vérité et ne tarda pas à prendre le baptême. Elle demeura fidèle et active dans le service pendant de nombreuses années, jusqu’en 1965, année où elle mourut à l’âge de quatre-vingt-dix-huit ans. Sa fille et ses deux petites-filles devinrent, elles aussi, des témoins pleins de zèle. Ainsi, la visite faite par frère Whiteus porta beaucoup de fruits.

      Pendant ce temps, frère Johnston faisait des discours tous les dimanches soir (à la Salle maçonnique, Smith Street). Les auditeurs n’étaient pas encore très nombreux, mais parmi eux se trouvait un norvégien du nom de Myrdal. Sa femme était une adventiste du septième jour. Tous les deux discutaient nuit après nuit sur les doctrines. Monsieur Myrdal finit par l’emporter et bientôt sa femme, son fils Henri et lui-​même assistèrent régulièrement aux discours de frère Johnston. Ils commencèrent aussi à venir aux réunions du dimanche matin appelées “Études libres de la Bible”.

      D’autre part, à partir de 1911, on note un intérêt réel chez les Africains en Afrique du Sud. Jérémie Khuluse de Ndwedwe, petite agglomération indigène à cinquante kilomètres de Durban, se souvient qu’un homme appelé Johannes Tshange vint dans cette localité depuis le Cap. Tshange avait connu la vérité au Cap et il désirait la répandre dans sa ville natale de Ndwedwe. Le père de Jérémie Khuluse marqua beaucoup d’intérêt, notamment pour le nouvel enseignement concernant l’enfer. Des études bibliques commencèrent et eurent lieu tous les soirs. Beaucoup vinrent se joindre au petit groupe. Ils utilisaient les Études des Écritures et, quelques mois plus tard, comme ils prêchaient la vérité à leurs semblables, les ecclésiastiques de l’endroit s’émurent. Les membres de l’Église méthodiste wesleyenne se rassemblèrent pour parler du problème. Après maintes discussions, il fut décidé d’excommunier tous ces nouveaux intéressés à la vérité. Ce fut là probablement la première congrégation africaine de vrais adorateurs qui ait été formée en Afrique du Sud.

      Frère Johnston fut très occupé en 1911. Il fit un voyage spécial à Johannesburg dans le Transvaal et à Parys dans l’État libre d’Orange. À Johannesburg il fit beaucoup de visites, grâce à quoi on put organiser des “classes bibliques”. Un excellent discours eut lieu à la mairie de Parys. Le maire présenta l’orateur et l’adjoint au maire traduisit ses paroles en hollandais. On dénombra 250 auditeurs. Il est clair que frère Johnston participa à l’œuvre de la multiplication des classes, œuvre que le peuple de Dieu faisait dans le monde entier. Bientôt des réunions eurent lieu à Pretoria, Balfour, Port Elizabeth et Ndwedwe.

      Bien que peu nombreux, les serviteurs de Jéhovah firent beaucoup d’efforts pour répandre le message vital de la Bible. Dans un rapport sur l’œuvre en Afrique du Sud pour l’année 1912, La Tour de Garde du 1er février 1913 signale la distribution de 28 808 exemplaires d’un tract en anglais intitulé “La Tribune du Peuple”, 30 000 tracts en anglais “Journal pour Tous” et 3 000 tracts en hollandais “La Tribune du Peuple”. Dans une petit note, La Tour de Garde du 15 novembre 1913 signale la parution d’imprimés en langue zouloue. Ainsi la bonne nouvelle atteignait beaucoup de monde en ce pays.

      À l’époque, les sermons de frère Russell paraissaient régulièrement dans la presse. La Tour de Garde du 15 décembre 1913 indique que six cents journaux d’Angleterre, d’Afrique du Sud et d’Australie imprimaient hebdomadairement ses articles. Pour le monde entier, le chiffre était d’environ deux mille quotidiens. Frère Johnston avait créé une agence d’édition pour les sermons en Afrique du Sud et, à la fin de 1913, onze quotidiens du pays publiaient les sermons en quatre langues.

      1914 ARRIVE !

      Les mois se succédaient et 1914 arrivait. Dans le monde entier, les frères ont dû se demander ce que réservait cette année-​là. Les frères d’Afrique du Sud étaient très conscients de la date. Parmi eux il y avait les Myrdal de Durban. Voici ce que raconte Henri Myrdal : “Je me souviens fort bien de la date du 4 août 1914, du jour où ma mère, qui lisait le journal, nous dit à tous, la famille : ‘Ça y est ! La Guerre est venue, exactement comme le pasteur Russell l’a dit dans ses livres.’”

      En Angleterre, beaucoup suivaient avec intérêt la marche des événements et reconnurent le “signe”. Parmi ceux-là figurait Georges Phillips, qui avait seize ans à l’époque et faisait le service de colporteur à Barrow (Barrow in Furness). Georges ne se doutait guère alors du rôle important qu’il allait jouer dans le développement de l’œuvre en Afrique du Sud.

      Au Nyassaland, nombre d’Africains qui s’intéressaient sincèrement à la vérité étaient, eux aussi, conscients de la date. Les Allemands se trouvaient juste de l’autre côté de la frontière, au Tanganyika (à l’époque l’Afrique-Orientale germanique), et des troupes anglaises se préparaient pour défendre la frontière. Certains se rendaient compte que les prophéties bibliques s’accomplissaient.

      Voici ce qu’on peut lire dans l’ouvrage L’Africain indépendant (angl.), à la page 230 : “Les Africains eux-​mêmes montrèrent par leur comportement l’inquiétude que la Guerre avait provoquée chez eux. Pour beaucoup, en effet, la prophétie de La Tour de Garde, selon laquelle le monde prendrait fin en octobre 1914, paraissait être sur le point de se réaliser.” On en a confirmation dans une lettre que frère Achirwa du Nyassaland adressa à frère Russell et qui fut publiée dans La Tour de Garde du 1er septembre 1914. En voici un extrait : “Nous vivons sûrement au temps de la fin, d’après les Écritures. (...) Mais nous lisons dans la Bible que le Libérateur viendra, et que le Royaume de Dieu viendra, et que toutes les nations connaîtront la Voie de notre Dieu ; mais Il détruira les méchants.” Puis le frère parle des réunions qui, en certaines occasions spéciales, étaient fréquentées par des centaines de personnes.

      “PREMIER CONGRÈS SUD-AFRICAIN”

      C’est sous ce titre que La Tour de Garde du 15 août 1914 a publié une lettre de frère Johnston. Voici ce qu’il écrivait :

      “Le premier congrès sud-africain de l’Association internationale des Étudiants de la Bible est maintenant entré dans l’Histoire, laissant à ceux qui ont eu le privilège d’y assister un magnifique souvenir qui ne pourra que nous éperonner et nous guider jusqu’à ce que nous parvenions au plus grand de tous les congrès, par-delà du voile [dans le ciel].”

      Puis Johnston décrivit ce qui s’était passé le 10 avril à Durban. On était venu de toutes parts. Il mentionna en particulier “une sœur qui a fait près de quinze cents kilomètres”. Il fit encore cette remarque : “Nous sommes vraiment un tout ‘petit troupeau’. Notre plus grande assistance a été de trente-quatre personnes.” Frère Johnston voulait dire trente-quatre Étudiants de la Bible, car, au discours public, on dénombra cinquante personnes. Étant donné le chiffre de l’assistance, le nombre des baptisés était très élevé : il y en eut seize en tout. Le même week-end, ils observèrent également le Mémorial de la mort du Christ : trente-deux participants. Ces frères ne se doutaient guère que cinquante-sept ans plus tard (1971), il y aurait à Johannesburg une assemblée avec une assistance de près de cinquante mille personnes ! Cela rappelle cette prophétie : “Le petit deviendra un millier.” — És. 60:22.

      FAUSSES ACCUSATIONS

      Les premières semaines de 1915 furent des semaines très sombres pour le Nyassaland. Il y avait déjà eu un combat très vif à la frontière entre les Anglais et les Allemands, combat qui tourna à l’avantage des premiers. Beaucoup d’Africains furent tués ou blessés dans cette bataille, mais on n’avait pas encore vu le pire. Le 23 janvier il se produisit une grave insurrection parmi les Africains, suscitée par John Chilembwe, chef instruit d’une secte africaine. Cet homme tua quelques Européens et tenta de provoquer un soulèvement général. Mais la révolte fut promptement écrasée par des troupes africaines, des officiers européens et des volontaires.

      Par la suite, on accusa la Société d’avoir trempé dans cette révolte. L’ouvrage officiel Histoire de la Grande Guerre parle en effet de Chilembwe comme d’un “fanatique religieux (...) de la secte dite ‘Tour de Garde’”. Une enquête sérieuse a prouvé depuis lors que ceux qui, au Nyassaland, s’intéressaient à la vérité et même ceux du mouvement de Kamwana, faux ‘mouvement de la Tour de Garde’, n’ont participé d’aucune manière à l’émeute. Le livre L’Africain indépendant passe au crible les témoignages sur ce point et, à la page 324, il donne sa conclusion : “Il apparaît que Chilembwe lui-​même n’avait aucun rapport avec le mouvement américain de la Tour de Garde, et les tentatives pour relier ses visées révolutionnaires avec cette organisation aux États-Unis semblent porter à faux.” Naturellement, comme Chilembwe avait été un des convertis de Booth et que Booth avait eu jadis quelques rapports avec la Société, les ennemis de la vérité se sont empressés de se saisir de ces faits et d’accuser faussement la Société qu’ils voulaient faire passer pour un bouc émissaire. En fait, Chilembwe et ses lieutenants étaient membres des missions orthodoxes, hautement respectées. Celles-ci également firent l’objet de nombreuses critiques de la part du gouvernement.

      À la page 232, L’Africain indépendant fait une observation intéressante à propos d’une fausse accusation portée contre la Société. On prétendait, en effet, que ses publications, par leur influence, avaient incité quelques Africains à participer aux soulèvements. Voici cette remarque : “Il conviendra encore de noter que nulle part dans les volumes de Russell (c’est nous qui mettons en italiques) il n’est conseillé aux adhérents de ses doctrines d’intervenir activement afin de hâter le renversement de ces institutions, comme préparation de l’Ère millénaire ; au contraire, il leur est conseillé d’attendre patiemment l’intervention divine.”

      L’ACCROISSEMENT CONTINUE

      Quelques mois plus tard, à Durban, les frères eurent une autre excellente assemblée. Celle-ci fut de nouveau reliée à la célébration du Mémorial, et quarante-sept personnes prirent les emblèmes. Pour la classe zouloue de Ndwedwe il y en eut trente-huit de présents, et aussi quinze de Johannesburg, huit du Cap, six de Douglas et deux de Balfour.

      L’année 1914 était passée. Les événements mondiaux accomplissaient les prophéties d’une façon remarquable, mais l’œuvre n’était pas terminée et il restait encore beaucoup à faire. Voici ce que frère Johnston dit dans une lettre adressée à frère Russell : “L’année qui vient de s’écouler a été une année de continuelles épreuves pour les individus comme pour les classes [ou congrégations].” Cependant le rapport d’activité de l’Afrique du Sud indique une diffusion de 4 700 livres et de 75 131 exemplaires d’imprimés remis à titre gracieux, ainsi que 312 réunions. L’œuvre ne s’était nullement immobilisée.

      LE PHOTO-DRAME DE LA CRÉATION

      En 1916, le Photo-Drame de la Création arriva en Afrique du Sud. C’était une œuvre qui comportait des projections fixes et animées, en couleur et sonorisées. Le Photo-Drame fut interdit au Cap par les autorités pour ne pas “blesser les susceptibilités religieuses” du public.

      Cependant, montrant tout le travail qui s’était fait avec le Photo-Drame, au début de 1918 frère Johnston calcula qu’en dix-huit mois il avait parcouru plus de quinze mille kilomètres pour le projeter en diverses régions du pays. Le Photo-Drame attirait partout de très nombreux spectateurs. Interdit au Cap, il put cependant être projeté à Durban, à Johannesburg, à Pretoria et en divers autres endroits du Transvaal, de l’État libre d’Orange et du Natal. On ne peut pas dire que le Photo-Drame ait provoqué une grande moisson, mais il permit de donner un témoignage puissant et étendu.

      PREMIÈRES NOUVELLES DE RHODÉSIE ET DU TRANSVAAL

      En 1916, on entendit parler pour la première fois de l’activité en Rhodésie. Voici ce que dit Johnston dans une lettre adressée à frère Russell : “J’accuse réception de ta note concernant l’œuvre en Rhodésie, adressée à Mr Nodehouse. J’ai écrit à cet homme, lui demandant plus de précisions et j’attends sa réponse.”

      À l’époque, le témoignage en Afrique du Sud ne se limitait nullement aux grandes villes. Dans la petite ville de Koster, à l’ouest du Transvaal, habitait un homme du nom de Japie Theron, avocat compétent, qui avait fini par se rendre compte que les religions du monde étaient fausses. Un jour, il lut dans un journal un article à propos de la remarquable prophétie de 1914 qui avait été publiée par la Société des dizaines d’années avant cette date. L’homme commanda des publications et reçut la série Études des Écritures. Il ne tarda pas à discerner la vérité et ressentit un ardent désir d’aider ses semblables. Souvent il entrait en discussion avec les ecclésiastiques, les mettant au défi de prouver leurs doctrines, telles que celle de l’enfer.

      Frère Theron ne manquait pas d’initiative, loin de là. Ainsi, il donnait régulièrement le témoignage à bord d’un petit train qui traversait sa ville chaque jour. Il allait le prendre à la gare et se mettait aussitôt au travail en commençant par le wagon de tête. Il proposait des publications aux passagers tandis que le train grimpait lentement une pente abrupte. Il calculait sa progression vers le wagon de queue de telle sorte que lorsque la machine arrivait au sommet de la rampe, il avait fini son “territoire” sur roues et pouvait sauter du train ! Frère Theron finit par être très connu dans le Transvaal occidental et dans l’État libre d’Orange. Il aida de nombreuses personnes à accepter la vérité.

      Dans le Transvaal septentrional, la lumière rayonnait sur une vaste région et beaucoup de publications s’envoyaient par la poste, d’une personne à l’autre. C’est ainsi que des imprimés tombèrent entre les mains de deux jeunes gens qui fréquentaient l’école de la petite ville de Nylstroom dans le nord du Transvaal. Selon l’un des deux, Paul Smit, la publication qui lui toucha le cœur et le détermina à l’action fut la brochure L’Enfer : ce que dit l’Écriture sainte au sujet de “l’Enfer”. Voici ce qu’a déclaré frère Smit : “Vous pouvez me croire, Nylstroom fut secouée comme par un ouragan quand nous, qui n’étions que deux écoliers, fîmes savoir avec assurance que les doctrines de l’Église étaient fausses. Nous faisions cela sans crainte. À l’époque, il n’y avait que les trois Églises réformées néerlandaises et l’Église anglicane qui avaient ‘le droit de la ville’ de vaquer librement à leurs affaires. Quand ‘la lance d’incendie fut dirigée sur l’enfer’, imaginez les tourbillons de fumée qui s’élevèrent dans l’air ! Bientôt il ne fut plus question dans la ville et dans le district que de cette nouvelle religion. Naturellement, le clergé ne faillit pas à son rôle traditionnel. Il usa de calomnies et de la persécution. Pendant des mois, oui, pendant des années, ses sermons hebdomadaires visèrent cette ‘fausse religion’.”

      PROSPÉRITÉ SPIRITUELLE MALGRÉ LES DIFFICULTÉS

      En ce temps-​là, les réunions étaient présidées par les “anciens” que la congrégation élisait à main levée. On élisait aussi les diacres qui avaient pour tâche d’ouvrir les fenêtres, d’aligner les chaises, de distribuer les cantiques, etc. Ainsi fonctionnaient les congrégations en ce temps-​là.

      Le 31 octobre 1916 mourut frère Russell, premier président de la Watch Tower Society. Il était resté actif et fidèle jusqu’au bout. La nouvelle de son décès causa beaucoup de détresse et de désarroi parmi le peuple de Jéhovah. “Qu’allons-​nous faire maintenant ?” Voilà ce que se demandaient également les frères de Durban. Après un premier moment de chagrin et de douleur commença une période d’épreuves. La personnalité et l’activité de frère Russell avaient fortement marqué l’œuvre du Royaume et beaucoup étaient si attachés à sa personne qu’ils supportèrent mal les changements qui survinrent après sa mort. À Durban, frère Myrdal se souvient des discussions qui s’élevaient régulièrement aux réunions et d’un groupe qui commença à se manifester comme ennemi de la Société et fauteur de troubles. Les problèmes ne se résolurent pas sans peine. Malgré tout, l’œuvre progressait avec la manifeste bénédiction divine.

      En 1917, la filiale sud-africaine de la Société fut transférée de Durban au Cap, presque à l’ombre de la montagne de la Table. Cela devait faciliter les expéditions de publications. Au Cap, la petite maison du 123 Plein Street devait devenir la filiale pendant les six années à venir.

      En Afrique du Sud, le nombre des frères augmentait régulièrement. D’après frère Johnston, les frères blancs devaient être entre deux cents et trois cents. La plupart d’entre eux se rencontraient dans les quatre groupes ou congrégations principales, celles de Durban, de Johannesburg, de Pretoria et du Cap. Beaucoup d’autres étaient isolés. À Ndwedwe il y avait une congrégation florissante qui se composait de quatre-vingts zoulous. Il y avait encore un petit groupe de Bassoutos qui se réunissaient en un lieu appelé Bank et quelques frères xhosas qui se rassemblaient à East London.

      Dans un rapport, frère Johnston écrit ceci à propos des frères africains :

      “Bien que les frères indigènes n’aient pas de publications dans leurs langues natales, il est surprenant de constater leur intelligence de la Vérité présente. Oui, c’est bien là l’œuvre du Seigneur et c’est merveilleux à nos yeux. Ayant tous un profond respect pour la Bible, la Parole de Dieu, ils ont écouté attentivement la Vérité que leur communiquaient des enseignants indigènes qui savaient lire les livres anglais et les traduire dans leurs langues. N’ayant pour ainsi dire rien à désapprendre, ils ont accepté avec empressement le Message du Seigneur qui leur était présenté. Qu’ils aient bien compris leur consécration [offrande de soi] et qu’ils aient été sincères, c’est ce qu’attestent leurs souffrances pour motif de conscience. Presque tous nos chers frères indigènes ont été solennellement et publiquement excommuniés de Babylone. Ils ont été chassés des Réserves des Missions où ils sont nés et on les a proclamés personnes dangereuses dans leurs localités [agglomérations africaines], qui sont leur monde. Mais ils ne se sont pas laissé ébranler et ils considèrent comme une pure joie le fait d’avoir pu souffrir pour le Christ.”

      L’œuvre au Nyassaland avait déjà provoqué l’opposition du gouvernement qu’influençaient des missionnaires jaloux, car leurs écoles se vidaient et leurs églises commençaient à être désertées. “C’est pourquoi, dit frère Johnston, plusieurs frères responsables ont été déportés et sont actuellement internés dans l’île Maurice.”

      UN NOUVEAU CHAMP S’OUVRE

      Depuis le dix-septième siècle, Stellenbosch est un centre universitaire, qui forme surtout les ecclésiastiques de l’Église réformée néerlandaise. En 1917, Piet de Jager fréquentait l’université de la ville avant d’aller à la mission de l’Église réformée, au Nigeria. Il semble que l’un de ses condisciples avait déjà accepté la vérité et étudiait les publications de la Société. Cela déplaisait aux autorités ecclésiastiques qui demandèrent à Piet de Jager d’aller trouver cet étudiant et de l’inviter à l’étude biblique hebdomadaire instituée par l’Association des étudiants chrétiens. Quel fut le résultat ? Piet de Jager lui-​même accepta la vérité. Imaginez la consternation dans les cercles ecclésiastiques ! Peu après, Piet de Jager eut maintes discussions animées avec les professeurs sur l’âme, l’enfer, etc. Bientôt il quitta le séminaire.

      Par la suite, un débat public eut lieu entre frère Piet de Jager et Dwight Snyman, docteur en théologie de l’Église réformée néerlandaise. Quinze cents étudiants étaient présents. À ce sujet, frère A. Smit raconte ce qui suit : “Piet coinça le docteur en théologie sur chaque point et prouva à l’aide de la Bible que les doctrines de l’Église n’étaient pas bibliques. Un des étudiants résuma le débat en ces mots : ‘Si je ne savais que Piet de Jager a tort, je jurerais qu’il a raison parce qu’il a tout prouvé à l’aide des Écritures !’”

      Quand il fut au Cap, frère Johnston, outre ses activités à la filiale, consacrait beaucoup de temps au champ. Un jour il visita la petite ville de Franschhoek, près de Stellenbosch. C’est une des plus anciennes villes d’Afrique du Sud, qui fut fondée en 1688 par des réfugiés huguenots. Elle avait aussi une population de couleur (descendants issus du croisement des races noires et blanches). Le temps était venu pour que la semence du Royaume tombe ici sur un bon sol. Quelques années auparavant, plusieurs personnes, sous la conduite d’Adam van Diemen, instituteur métis, homme très intelligent et d’une haute moralité, avaient rompu avec l’Église réformée néerlandaise et formé leur propre groupement religieux. Ce dut être vers la fin de 1917 ou au début de 1918 que frère Johnston vint à la porte de Van Diemen et lui laissa des publications. Van Diemen ne se procura pas seulement des ouvrages pour son usage personnel, mais il prit encore toute une provision de publications pour ses amis. Parmi ceux-ci figurait un homme du nom de Daniels. Et c’est ainsi qu’un exemplaire du Divin Plan tomba entre les mains de G. Daniels, son fils de dix-sept ans. Pour le jeune Daniels, ce fut là le début d’une vie passée dans le service de Jéhovah. Van Diemen, lui aussi, accepta la vérité et se dépensa beaucoup pour répandre la vérité. Il visita d’autres lieux, tels que Wellington, Paarl, Bellville, Parow, Elsie’s River, Wynberg et Retreat, non loin du Cap. Son activité zélée l’amena à quitter ses fonctions d’enseignant et à entreprendre le service à plein temps. Le message du Royaume avait pris un bon départ dans ce champ-​là.

      En 1918, Johnston, le serviteur de filiale, se vit confier une autre tâche. La Société, constatant que le champ d’Australie et de Nouvelle-Zélande nécessitait la présence d’un frère spirituellement fort, décida de l’y envoyer. Le nouveau serviteur de filiale, son successeur, fut Henri Ancketill, qui avait reçu la vérité à Pietermaritzburg. C’était un ancien membre de l’assemblée législative du Natal. D’origine irlandaise, c’était un homme de petite taille, aux cheveux blancs et le menton orné d’une barbe. Il était retraité et assez âgé. En raison de son âge, la charge lui sembla un peu lourde, mais il s’acquitta néanmoins de ses fonctions avec efficacité et fidélité pendant les six années à venir.

      LA FOI EN DES TEMPS DIFFICILES

      Le nouveau surveillant de filiale, Henri Ancketill, entra en fonctions en des temps difficiles. Les administrateurs de la Société étaient emprisonnés en Amérique, l’œuvre du témoignage s’était fort ralentie et les infidèles commencèrent à se manifester. Cela était très visible à Durban. Les discussions et les difficultés qui avaient surgi peu après la mort de Russell prenaient de plus en plus d’ampleur et finirent par atteindre leur point culminant sous l’action d’un certain Jackson, qui avait une très haute opinion de lui-​même et de ses capacités. Lui et deux autres, Pitt et Stubbs, étaient manifestement les meneurs de l’opposition.

      Une scission survint en 1919, et un très grand nombre (c’était en fait la majorité) de ceux qui assistaient aux réunions devinrent hostiles et résolurent de s’assembler à part. Ils se donnèrent le nom d’“Étudiants associés de la Bible” et fondèrent leur propre organisation. Il ne resta que douze personnes, dont la plupart étaient des sœurs. Henri Myrdal se trouva dans une situation très difficile. En effet, son père avait rallié l’opposition, tandis que sa mère était restée fidèle à la Société. Cela lui donna à réfléchir. Il pria Dieu et, avec sagesse, conclut que la Société devait être l’instrument béni du Seigneur. Il prit donc le même parti que sa mère.

      De plus en plus de gens parlant l’afrikaans venaient à la connaissance de la vérité. Willem Fourie en est un exemple. C’était un neveu de Stoffel Fourie, qui était entré pour la première fois en contact avec la vérité à Klerksdorp, en même temps que Frans Ebersohn. Son père s’était procuré, en fait, un exemplaire du Divin Plan des Âges en néerlandais, aux environs de 1906, et s’était rendu compte alors que les religions du monde étaient fausses. Willem Fourie apprit que Japie Theron, l’avocat de Koster, avait eu un débat avec le clergé et lui avait porté un défi : il lui donnerait 1 000 livres (2 800 dollars) si le clergé lui prouvait avec la Bible que l’âme était immortelle. À l’époque Fourie était encore membre de l’Église réformée néerlandaise et, comme les chefs de cette religion recherchaient des fonds pour bâtir une nouvelle église, ceux-ci demandèrent à un predikant (“prédicateur”) de bien vouloir relever le défi. L’ecclésiastique refusa, au grand chagrin de Fourie, qui quitta par la suite l’Église. Aux environs de 1919, il reçut les publications de la Tour de Garde, les étudia attentivement et constata que c’était la vérité. Il ne tarda pas à prendre part au service du champ.

      Rappelez-​vous ces deux écoliers de Nylstroom qui causèrent grande sensation en racontant à tout le monde que les doctrines sur l’enfer étaient fausses. Tous les deux, Paul Smit et son ami, furent mis en quarantaine. Quelque temps plus tard, le compagnon de Paul se vit offrir un emploi par le conseil de l’enseignement et fut l’objet de pressions très vives pour qu’il renonce à sa religion. Il succomba. Paul versa bien des larmes, mais il priait sans cesse Jéhovah. Par la faveur imméritée de Dieu, il est resté fidèle. Il persévéra, donnant des témoignages occasionnels et prêtant des publications. Si grand était son isolement qu’il ne se rendait même pas compte qu’il y avait une organisation. Il devait s’appuyer entièrement sur Jéhovah. Un peu plus tard, il reçut la visite de frère Piet de Jager et d’autres colporteurs. Quel bien ont dû faire ces visites personnelles en ce temps-​là !

      Bien que très nouveau et encore jeune, Paul Smit commença à recevoir les bénédictions de Jéhovah sous la forme de “lettres de recommandation”. (II Cor. 3:1-3.) Sa première “lettre” fut le fils d’un fermier du voisinage qui accepta la vérité. En 1922, Paul commença une étude avec la famille Vorster, employant le livre La Harpe de Dieu qui venait de paraître. C’était une famille de sept personnes, qui habitait à plus de six kilomètres des Smit. Paul faisait le trajet à pied toutes les semaines, prenant à travers champs. Par la suite, les parents et un des fils devinrent des témoins. Quand arriva 1924, Paul avait réussi à fonder un groupe de treize personnes à Nylstroom. Ce fut la première classe ou groupe dans le Transvaal septentrional.

      Mais que se passait-​il en Afrique centrale, au Nyassaland ? M. Nguluh se trouvait au Nyassaland en ce temps-​là. C’était un prédicateur de l’Église presbytérienne. Mais il raconte qu’après la Première Guerre mondiale des personnes du Nyassaland diffusaient la vérité et que c’est vers cette époque, en 1920, qu’il reçut le livre Des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais. Cet ouvrage, dit-​il, “heurta ma compréhension de la Bible en tant que prédicateur”.

      Un autre homme qui connut la vérité au Nyassaland fut un jeune Africain appelé Junior Phiri. Son baptême, cependant, dut avoir lieu en cachette. Il était difficile, en effet, d’exercer certaines activités religieuses en raison des craintes que suscitaient les sectes non orthodoxes, surtout après la révolte de John Chilembwe en 1915. Après son baptême, un des frères donna une poignée de main à frère Phiri et l’avertit que désormais il se trouvait en danger, mais qu’il devait marcher fidèlement au nom de Jésus.

      Frère Phiri rencontra une forte opposition chez les pasteurs baptistes de l’endroit, qui incitèrent le chef à l’arrêter et à l’emmener devant le juge. Celui-ci l’accusa d’appartenir à la secte interdite de John Chilembwe. Le magistrat voulut savoir pourquoi il avait quitté son ancienne religion baptiste. Le frère lui expliqua qu’il n’acceptait plus la doctrine relative aux morts, puis il demanda au juge quelle était son opinion sur ce point. Celui-ci lui répondit : “Ma foi, les morts sont dans la tombe.” Le frère acquiesça et cita Jean 3:13, texte que le juge chercha dans sa propre Bible. Cela fit une bonne impression. Frère Phiri déclara au magistrat qu’il n’était pas membre de la secte de John Chilembwe, mais de la religion appelée “Association internationale des Étudiants de la Bible”. Il fut libéré, à la grande déception des pasteurs baptistes.

      Maintenant transportons-​nous à environ 3 200 kilomètres du Nyassaland, dans la province du Cap, en Afrique du Sud, et voyons ce qu’il advient du groupe de couleur de Franschhoek. En ce temps-​là, l’Église réformée néerlandaise prenait conscience de l’existence de ce groupe nouveau et vigoureux et elle commença à passer à l’action. Un camarade d’école du jeune frère Daniels, nommé Van Niekerk, Étudiant de la Bible qui promettait, devint un excellent instituteur. Il se vit offrir un bon emploi, à condition de rejoindre, lui et sa famille, les rangs de l’Église réformée néerlandaise. Ils cédèrent et retournèrent dans “la captivité spirituelle”. Plus tard, quand Van Niekerk eut quitté cette région, on fit la même offre à Daniels, qui refusa. À partir de ce moment, les persécutions commencèrent et devinrent si cruelles que cette famille dut partir. Les ennemis ne les laissaient pas tranquilles. Une nuit, ils vinrent à la maison et déclarèrent à la famille de Daniels que si tous ne rentraient pas dans les rangs, on recourrait à la sorcellerie pour supprimer la famille tout entière. Pour réponse, Daniels cita un cantique basé sur le Psaume 23, montrant par là qu’il comptait sur la protection de Jéhovah.

      Après cela, la haine et l’opposition s’intensifièrent, de sorte qu’il devint dangereux pour les frères de sortir seuls la nuit. On leur donnait toutes sortes de noms. On les appelait “Russellistes”, “faux prophètes”, “Les sans-âmes de Van Diemen”, etc. Mais les frères restèrent fermes. Ils éprouvaient en leur personne l’accomplissement de ce que Jésus avait dit au sujet de ses vrais disciples, savoir : “Vous serez les objets de la haine de tous à cause de mon nom.” — Luc 21:17.

      LA FILIALE CHANGE D’ADRESSE

      Vers ce temps-​là (1923), la filiale s’installa au 6 Lelie Street, dans une pièce très vaste, au rez-de-chaussée. La congrégation occupait 95% de l’espace disponible pour ses réunions et, au fond du local, frère Ancketill utilisait un petit réduit, qui lui tenait lieu de bureau. L’année suivante, en 1924, la congrégation quitta les lieux. La pièce fut alors divisée en plusieurs autres. Sur le devant il y avait le bureau et à l’arrière l’expédition, l’imprimerie et le stock. On fit des étagères et également tout le nécessaire pour l’installation de la presse quand elle arriverait.

      CE QUI SE PASSAIT À JOHANNESBURG

      Voyons maintenant ce qui se passait à Johannesburg, où frère Johnston avait formé, des années auparavant, la première classe. Sœur Iris Tutty, qui était de cette ville, avait environ cinq ans quand elle commença à distribuer des tracts en les glissant sous les portes. Elle se revoit encore debout contre le bureau de sa mère, la regardant écrire des cartes et des lettres adressées à divers frères, quand survenaient une naissance, un décès, etc. La mère de sœur Tutty se chargeait de cette correspondance parce qu’elle était secrétaire de la “Ligue de Philadelphie”, instituée par frère Russell et dont le but était de garder le contact avec les frères et sœurs, dans leurs joies comme dans leurs peines, grâce au lien fraternel de l’amour.

      Sur le plan social, il y avait très peu de contact entre les Blancs et les Noirs, bien qu’en ce temps-​là les lois sur une stricte ségrégation (apartheid) n’existaient pas encore. Mais cela n’empêchait pas de donner le témoignage. C’est ainsi que la mère de sœur Tutty fit connaître, en 1921, la vérité à un Africain, Enoch Mwale. L’année suivante, celui-ci commença à prendre part au service du champ. Il étudia pendant un temps avec les frères européens. Par la suite, quand arriva le livre La Harpe de Dieu, les frères africains formèrent leur groupe à eux.

      LA CAMPAGNE DES “MILLIONS D’HOMMES”

      En 1921, la Société commença une grande campagne de réunions publiques, qui dura des années. Le célèbre discours “Des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais”, prononcé pour la première fois par Rutherford en février 1918, fut utilisé sur une grande échelle en Afrique du Sud. Frère Ancketill, surveillant de filiale, assisté de frère Piet de Jager, alors dans le service à plein temps, et de Parry Williams, frère de langue anglaise, visitèrent toutes les grandes villes d’Afrique du Sud et firent le discours en anglais et en afrikaans. Les résultats furent excellents. Au premier discours, qui fut prononcé au Cap, à l’Opéra, on dénombra deux mille auditeurs. On laissa quantité de publications et il y eut beaucoup d’intérêt. Ces discours se firent en néerlandais et en anglais, et on plaça des livres “Des millions...” en anglais, en néerlandais et en afrikaans. Au cours de la grande tournée de 1921, ces frères visitèrent Bulawayo et Salisbury, en Rhodésie du Sud (actuellement la Rhodésie).

      Le discours fut prononcé devant toutes sortes d’auditoires, petits et grands. Voici ce qu’écrit frère Parry Williams : “Nous avons fait des centaines de kilomètres pour parler, dans des villes, devant des assistances de quatre-vingts personnes environ pour la conférence en anglais, et à peu près le même chiffre pour le discours en hollandais.” Les frères Piet de Jager et William Dawson, qui, selon les affiches, étaient respectivement l’orateur et le colporteur, firent soixante-dix discours au cours de l’année, selon un rapport daté du 31 août 1923, soit en moyenne près de six discours par mois. Outre le célèbre discours “Des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais”, on développa encore d’autres sujets frappants, comme “Bientôt la résurrection”, “Le monde nouveau a commencé” et “Toutes les nations sont en marche vers Harmaguédon”. Avec les adresses remises après chaque discours, ils firent 2 483 visites et placèrent des milliers de publications.

      Les Églises de la chrétienté commencèrent à sentir la chaleur du message. Voici ce qu’il est dit dans le rapport annuel de 1923 : “Dans une certaine ville une église apostolique a dû fermer ses portes en raison de l’effet de notre message et cela réjouit le cœur de tous ceux qui prennent part à l’œuvre. Un rédacteur du ‘Kerkbode’, journal paroissial de l’Église réformée néerlandaise, a rendu l’autre jour hommage à l’Association internationale des Étudiants de la Bible en disant que, bien que n’acceptant pas nos doctrines, ils recommandaient aux membres de l’Église réformée néerlandaise le zèle des Étudiants de la Bible.”

      L’ACTIVITÉ DE COLPORTEUR

      L’activité de pionnier ou de colporteur, comme on disait à l’époque, commençait, elle aussi, à prendre forme. En 1923, il y avait six personnes dans le service à plein temps. Ce sont ces serviteurs-​là qui accomplissaient la plus grande partie de l’œuvre dans le pays, car les autres frères et les intéressés faisaient surtout du témoignage occasionnel. Un de ces serviteurs à plein temps était frère Edwin Scott, qui fut chargé de distribuer des exemplaires imprimés de la résolution qui avait été adoptée à l’assemblée internationale de Cedar Point, en septembre 1922. Trente-cinq millions d’exemplaires de ce tract furent répandus dans la chrétienté. Ce frère fidèle portait sur son dos un grand sac bourré de tracts en anglais et en néerlandais. Il avait à la main un bâton pour se défendre contre les chiens méchants ! Il visita soixante-quatre villes des quatre provinces sud-africaines et distribua cinquante mille tracts en six mois. En outre, ce tract fut envoyé par la poste aux ecclésiastiques de toutes les confessions d’Afrique du Sud et de Rhodésie. “Proclamez, proclamez, proclamez le roi et son royaume”, tel fut le cri de guerre lancé par Rutherford à l’occasion de cette célèbre assemblée de 1922. La poignée de frères sud-africains étaient bien résolus à faire cette proclamation.

      Au début de 1923, deux jeunes sœurs, qui avaient été pendant un temps membres de l’ecclésia [congrégation] de Johannesburg, entreprirent le service à plein temps. C’étaient Lenie Theron (sœur charnelle de frère Theron, l’avocat de Koster) et Elisabeth Adshade. Elles quittèrent leurs fonctions d’institutrices et s’engagèrent dans les rangs des colporteurs. Au cours d’une tournée dans le Natal septentrional et dans le Transvaal, ces deux sœurs placèrent 3 188 livres, soit chacune environ 500 livres par mois ! Voici ce qu’écrit une de ces sœurs dans une lettre citée dans La Tour de Garde du 1er janvier 1924 :

      “J’ai l’impression que je file sans arrêt à toute vitesse, à bord de toutes sortes de trains (...). Souvent je suis arrivée très tard la nuit, dans une gare isolée, par suite d’un retard du train. Mais, fidèle à sa promesse, le Seigneur ne nous abandonne pas. Chaque fois il a incité quelqu’un à m’aider. Cela affermit notre foi et augmente notre amour, quand nous voyons toute la sollicitude divine.

      “Un jour, après avoir lu un bel article sur l’importance du service, mon excitation a été si grande que je n’ai pu dormir. J’ai fini par me lever. J’ai regardé la carte et j’ai constaté que nous oubliions Barberton et plusieurs autres agglomérations se trouvant sur une ligne d’intérêt local, qui s’écartait de notre itinéraire. Il ne fallait pas laisser ces localités. J’en parlai à ma compagne. Notre décision fut vite prise : elle devait se rendre là-bas tandis que moi j’irais à sa rencontre tout en prêchant. La première agglomération que je visitais ensuite était une toute petite localité. Je ne fis que dix-huit visites, mais je plaçai quarante-neuf volumes [Études des Écritures], seize ‘Des millions...’ et treize ‘Harpe’. J’avais très peu dormi la veille, trois heures seulement. Car j’avais parlé jusqu’à 23 h 30 à quelqu’un qui marquait beaucoup d’intérêt, puis j’ai fait mes valises jusqu’à deux heures du matin, et j’ai pris le train à 5 h 30. J’aimerais vous dire tout ce qui m’arrive et comment le Seigneur nous guide, mais je n’ai pas le temps.” N’est-​ce pas là un exemple admirable pour notre temps ?

      IMPORTANTS CHANGEMENTS AU CAP

      L’œuvre progressait sur un vaste territoire, et de bien des manières. Mais frère Ancketill, au Cap, avançait en âge et trouvait la charge bien lourde. Le président de la Société, frère Rutherford, décida donc d’envoyer un nouveau serviteur de filiale. Frère Ancketill avait fait du bon travail et avait bien défendu l’œuvre pendant une période difficile. Or voici que de nouvelles menaces pesaient sur les territoires d’Afrique du Sud. Ce fut le successeur de frère Ancketill qui dut affronter cette situation.

      En 1924, d’importants changements eurent lieu au Cap. La Société avait envoyé une presse, avec tout le nécessaire d’imprimerie. De plus, de nouveaux frères arrivèrent d’Angleterre. L’un d’eux était Thomas Walder, qui avait été pendant quelque temps l’adjoint du surveillant de la filiale anglaise. C’était un jeune homme d’une trentaine d’années, qui devait prendre la place de frère Ancketill comme surveillant de filiale d’Afrique du Sud. Son compagnon, Georges Phillips, qui était plus jeune que lui de quelques années, était un Écossais de Glasgow.

      En mai 1924, quand frère Rutherford vint à Glasgow pour une assemblée, Georges Phillips présidait la session du dimanche matin. Alors qu’ils étaient assis l’un à côté de l’autre, attendant de pouvoir monter sur l’estrade, frère Rutherford dit à Georges : “Tu m’as entendu dire hier soir que j’envoyais frère Walder en Afrique du Sud. Te plairait-​il de l’accompagner ?” La réponse fut : “Me voici, envoie-​moi.” Georges disposa de quinze jours pour faire ses bagages et prendre congé de sa famille et des frères de Glasgow. Frère Rutherford lui avait encore dit : “Ce sera peut-être pour un an ou pour plus longtemps, mais rappelle-​toi qu’il n’y a pas de congé en temps de guerre. Tu prendras un billet d’aller.”

      Quand ces deux frères arrivèrent en Afrique du Sud, il n’y avait que six personnes dans le service à plein temps et une quarantaine d’autres faisaient un peu de prédication. Quant au territoire, il était immensément vaste. Il comprenait l’Afrique du Sud, le Basutoland, le Bechuanaland, le Swaziland, le Sud-Ouest africain, la Rhodésie du Nord et du Sud, le Nyassaland, le Mozambique, le Tanganyika, le Kenya, l’Ouganda, l’Angola et diverses îles des océans Indien et Atlantique : Ste-Hélène, Madagascar et l’île Maurice.

      Bientôt une presse à platine, alimentée à la main, arriva de Brooklyn. Sous la direction d’un frère du Cap, qui était imprimeur, frère Walder et frère Phillips montrèrent qu’il est possible de ramener cinq ans d’apprentissage à cinq mois. Ils apprirent ce que cela voulait dire pour un imprimeur de bien ouvrir l’œil. Bientôt des milliers de tracts et d’autres imprimés sortirent de la petite presse. En outre, des publications se traduisaient en afrikaans et dans les différentes langues africaines. Un frère de l’État libre d’Orange, un fermier nommé Izak Botha, apprenant qu’on traduisait La Harpe de Dieu en afrikaans, fit aussitôt un don de 500 livres (1 400 dollars) pour contribuer aux frais d’impression.

      DES DIFFICULTÉS SURGISSENT

      Un des tout premiers soins de frère Walder, le nouveau surveillant de filiale, fut de porter son attention sur les deux Rhodésies (Rhodésie du Nord et Rhodésie du Sud), et également sur le Nyassaland. Les publications de la Société avaient déjà pénétré dans ces territoires, bien que la situation dans cette partie de l’Afrique fût incertaine.

      Il est difficile aujourd’hui de se faire une idée précise de ce qui se passait dans les deux Rhodésies au début des années vingt. Quoiqu’il en soit, le clergé de la chrétienté commençait à s’émouvoir. Un journal (The Rhodesia Herald) du 6 juin 1924 fit paraître un long rapport sur une conférence qui avait réuni les missionnaires et pendant laquelle il fut question du “mouvement de la Tour de Garde” et de la Watch Tower Bible and Tract Society. À l’exemple d’Élymas le sorcier, qui n’hésita pas ‘à gauchir les voies de Jéhovah’ afin de mettre obstacle à l’œuvre chrétienne de l’apôtre Paul, le clergé porta de fausses accusations contre les témoins chrétiens de Jéhovah (Actes 13:6-12). Un ecclésiastique nommé Greenfield accusa la Société de propager un “bolchevisme ecclésiastique”. Il déclara que cette propagande venait de Russie et se demanda si l’on pouvait la tolérer en Afrique. Il proposa donc la résolution suivante : “Que, dans l’opinion de cette conférence des missionnaires de Rhodésie, les doctrines de la Watch Tower Bible and Tract Society sont propres à ébranler la vraie religion de l’Église et la loi de l’État, et sa propagande parmi les indigènes du pays est donc particulièrement dangereuse ; par conséquent, il est demandé au gouvernement de surveiller et de réglementer ses activités.”

      D’autres prirent la parole pour appuyer la résolution. L’administrateur du Wankie Colliery (Rhodésie du Sud), Mr Thomson, raconta que des groupes de vingt ou trente personnes se faisaient baptiser. Toute tentative pour contrôler le mouvement, déclara-​t-​on encore, n’avait d’autre effet que de multiplier les convertis, qu’on estimait être au nombre de quinze cents. Selon Greenfield, leur propagande promettait le renversement de la puissance de l’homme blanc. À quelques exceptions près, la conférence adopta la résolution.

      En ce temps-​là, les missionnaires et les ecclésiastiques évoquaient volontiers le spectre du communisme. Cependant, abstraction faite des références à la Russie et au bolchevisme, on ignore si ces quinze cents adhérents qui se réclamaient de la Watch Tower Bible and Tract Society étaient nos frères ou des membres de l’un des faux “mouvements de la Tour de Garde”. Le rapport, cependant, montre que le nom de “Tour de Garde” était bien connu dans les deux Rhodésies, en 1924, et qu’il était nécessaire de faire la lumière sur ce point.

      C’est pourquoi, à la fin de 1924, frère Walder se rendit dans les deux Rhodésies. Son but était de rencontrer les autorités pour apprendre tout ce qui se passait au nom de la “Tour de Garde”. Les renseignements qu’il recueillit auprès d’elles lui firent comprendre qu’il n’y avait pas de temps à perdre, qu’il fallait séparer sans retard ceux qui s’intéressaient sincèrement à notre œuvre d’avec ceux qui appartenaient aux mouvements indigènes. L’année suivante, en 1925, un frère européen, Willial Dawson, fut envoyé d’Afrique du Sud. Il visita tous les centres qui affirmaient avoir des relations avec la Société en Rhodésie du Sud et en Rhodésie du Nord.

      Selon le rapport de ce frère, parmi ces gens, la plupart ne comprenaient pas réellement la vérité, telle que l’exposaient les publications de la Société. D’un autre côté, certains marquaient un intérêt véritable et avaient besoin d’aide et de direction. Frère Walder, au Cap, désavoua promptement les mouvements indigènes qui se servaient sans en avoir le droit du nom de Tour de Garde et en informa les autorités. Il envoya des lettres aux autorités de la Rhodésie du Sud et de la Rhodésie du Nord, dans lesquelles il expliquait nettement que la Société déclinait toute responsabilité en ce qui concernait les faux mouvements que certains éléments tentaient de rattacher à elle.

      À l’époque où frère Dawson visitait les deux Rhodésies, un homme appelé Mwana Lesa répandait la terreur parmi les Africains. Mwana Lesa (qui signifie “Fils de Dieu”) était un Africain du Nyassaland. Son vrai nom était Tom Nyirenda et il était entré en Rhodésie du Nord par le Congo. Selon les rapports, il était membre d’un des mouvements indigènes de la Tour de Garde et se faisait passer pour un prophète. D’après un article qui parut dans le Sunday Times du 1er juillet 1934 et qui était de la main de Scott Lindberg, cet homme s’était procuré un exemplaire du Livre des martyrs (angl.). Dans cet ouvrage il apprit qu’autrefois les hommes blancs attachaient les sorcières sur une sellette à plongeon et les noyaient. Cela semble l’avoir beaucoup impressionné. Allant de village en village, il prêcha aux indigènes que “l’Afrique appartenait aux Africains et qu’il fallait en expulser l’homme blanc”.

      Nyirenda s’associa ensuite avec Chiwila, un chef de Lala (la partie sud-est de l’actuel Copper Belt [zone du cuivre]). Tous les deux complotèrent. Nyirenda devait supprimer les ennemis de Chiwila en les accusant de sorcellerie et en les noyant par immersion baptismale. Celui-ci remporterait alors la victoire aux élections et accéderait à la royauté. Voici ce qu’écrivit Lindberg : “On révéla alors à Tom les noms de tous les ennemis de Chiwila. Il convoqua tous les chefs et leur dit qu’il avait été envoyé par Dieu pour purifier la tribu de la sorcellerie et que chaque homme, chaque femme et chaque enfant devaient être baptisés dans la rivière.

      “Les indigènes, superstitieux, furent invités à se rendre en un endroit où une rivière rapide se frayait un chemin à travers un ravin sinueux parmi les collines, et là, revêtu d’une tunique blanche, Tom se tenait debout sur un bloc de pierre au milieu de la rivière.

      “Il déclara aux gens que Dieu l’avait envoyé pour séparer les brebis d’avec les chèvres. Il baptisa alors chaque personne par immersion dans la rivière, avec l’aide des partisans de Chiwila, qui maintinrent leurs ennemis sous l’eau, la tête en amont, jusqu’à ce qu’ils fussent morts noyés.

      “Les gens chantaient des cantiques, tandis qu’ils se tenaient là à regarder chaque victime sans vie, et pendant toute la nuit la forêt retentit des exhortations frénétiques de Mwana Lesa.

      “Après avoir noyé vingt-deux indigènes cette nuit-​là, Tom passa la frontière et s’installa au Katanga, province du Congo belge, donc hors d’atteinte des autorités de Rhodésie.”

      LA LUMIÈRE EST FAITE

      Au Congo, Tom Nyirenda commit d’autres atrocités avant d’être arrêté par la police de la Rhodésie du Nord. Jugé et condamné, il fut pendu sur la place de la prison de Broken Hill, devant les chefs indigènes. Ces actes odieux furent reliés au nom “La Tour de Garde”. Mais Mwana Lesa n’eut absolument aucun rapport avec la Watch Tower Bible and Tract Society, ou les Étudiants de la Bible ; c’était là le nom qu’on donnait aux témoins de Jéhovah de l’époque. Au contraire, Mr Lindberg écrit que Tom Nyirenda “avait été admis au sein de l’Église catholique et avait reçu l’absolution pendant sa détention”, avant son exécution. Malgré cela, les ennemis du Royaume de Dieu, le clergé des confessions chrétiennes, s’évertuèrent à noircir la véritable Watch Tower Bible and Tract Society, l’accusant d’être responsable de tous ces événements. Ces hommes voulaient tourner les autorités et le public contre nous, afin d’empêcher les témoins de prendre pied dans le pays. On se rend donc mieux compte du gigantesque obstacle qu’il fallait vaincre pour établir l’œuvre du Royaume en Rhodésie du Nord.

      Au Nyassaland aussi il fallut faire la lumière sur notre position. Quant aux intéressés, ils avaient grand besoin d’aide. Dans La Tour de Garde du 15 décembre 1923 parut le rapport suivant du représentant de la Société : “Je viens de recevoir la visite du commandant (...), commissaire en chef de la police. C’est un excellent homme, un Gamaliel moderne. Il a fait une enquête sur notre œuvre au Nyassaland. Il est écœuré devant les mensonges odieux que le clergé débite sur notre compte. Il m’a dit qu’il s’était déguisé et avait assisté à nos réunions parmi les indigènes. Il connaît personnellement tous les chefs. Il raconte que la vérité se répand comme un feu de brousse parmi les indigènes.”

      Quoi qu’il en soit, il était bon que la Société envoyât John Hudson et sa femme au Nyassaland en 1925, pour se livrer à une enquête et remettre les choses en ordre. Sa visite fut très utile. John Hudson raconte que pendant son séjour de quinze mois au Nyassaland il fit de nombreuses tournées dans le pays et prononça beaucoup de discours. Il constata que la plupart des frères avaient très peu de connaissance de la vérité. Dans ses allocutions le frère s’efforçait de bien faire sentir à ses auditeurs l’importance de garder le contact avec la Société et d’accepter sa direction.

      D’après frère Junior Phiri, frère Hudson engagea encore les maris à s’asseoir, aux réunions, à côté de leurs femmes. Dans les tribus d’Afrique, un mari ne prend pas son repas en compagnie de sa femme et, quand la famille va à l’église, les hommes s’assoient d’un côté et les femmes de l’autre. Frère Hudson a donc donné de bons conseils sur ce point.

      Mais, selon frère Nguluh, certains groupes se dirent ceci : “Nous n’allons pas nous laisser enseigner par les hommes du Cap, mais nous ferons ce qui semblera droit à nos yeux.” Ainsi donc, la visite de frère Hudson a dû provoquer une séparation entre ceux qui étaient disposés à accepter la direction de la Société et ceux qui refusaient. Ce qui fut malheureux, c’est que ceux qui refusaient la direction de la Société voulaient encore se servir du nom “La Tour de Garde”, et l’un des principaux chefs semblait être Willie Kavala. Ce qui caractérisait ce mouvement, c’est qu’il ne croyait pas à la résurrection. Selon frère Nguluh, ces faux frères refusaient de payer les impôts et se proclamaient les chefs du Royaume de Dieu !

      Après que frère Hudson eut fait un rapport sur sa visite, la Watch Tower Society du Cap envoya une lettre aux autorités du Nyassaland. En voici un extrait :

      “Au nom de la Société précitée, j’ai l’honneur de vous informer que nos représentants au Nyassaland ont été rappelés (...). Si nous avons envoyé Mr et Mme Hudson au Nyassaland, c’est en raison des activités de certaines Églises indigènes qui prennent le nom de ‘La Tour de Garde’. Il nous est impossible d’approuver ce mouvement. Il dénature totalement les doctrines de la Société et, dans l’ensemble, ses membres ne manifestent aucune inclination à se soumettre à notre direction. Nous nous en séparons donc entièrement.”

      À partir de ce moment-​là, ceux qui s’intéressaient sincèrement à la vérité ont dû livrer leur propre combat, sans l’aide d’un représentant de la Société au Nyassaland ! Pendant ce temps, comment la vérité progressait-​elle en Afrique du Sud où les frères jouissaient de la direction de l’organisation ?

      LES AFRICAINS D’AFRIQUE DU SUD SONT AIDÉS

      À Johannesburg, d’autres Africains venaient à la connaissance de la vérité, et la bonne nouvelle se répandait chez ceux qui habitaient dans les établissements et les compounds miniers (hôtels pour Africains). L’un de ces Africains était Yotham Mulenga. Il se souvient qu’un frère blanc, ayant le Photo-Drame de la Création, vint au compound où il habitait. La projection fit grand effet sur frère Mulenga, qui acheta le premier volume des Études des Écritures et commença bientôt à assister aux réunions à Johannesburg, où il fit la connaissance d’autres frères africains.

      Parmi les frères européens de l’endroit, certains aidaient les Africains en ce temps-​là. L’un de ces Européens fut frère V. Futcher, alors sous-gérant du compound. Il aida beaucoup d’Africains à accepter la vérité. Parmi ceux-ci se trouvait Albin Mhelembe du sud du Mozambique. Il connut la vérité en 1925 grâce à la prédication de frère Futcher. Avant la fin de 1925, Mhelembe retourna à Lourenço Marques, capitale du Mozambique, puis il se rendit à Vila Luiza, sa ville natale. Là il commença à prêcher la vérité aux membres de l’Église missionnaire suisse, à Marracuene. Mhelembe avait beaucoup de succès, et la vérité ne tarda pas à prendre solidement pied au Mozambique. Une quarantaine de personnes fréquentaient les réunions, certaines d’entre elles faisant une trentaine de kilomètres pour s’y rendre. Oui, l’œuvre du Royaume commençait à prendre racine dans un autre champ encore.

      NULLEMENT ÉBRANLÉS PAR LA PERSÉCUTION

      En Afrique du Sud, les principaux représentants de Babylone la Grande sont les chefs de l’Église réformée néerlandaise. À maintes reprises, ils ont cruellement persécuté ceux qui prenaient position pour la vérité, les harcelant de ville en ville, tout comme les Juifs du premier siècle harcelaient les apôtres Paul et Barnabas (Actes 14:2, 5-7, 19). On en a un exemple dans ce qui s’est passé dans l’État libre d’Orange. Vers le milieu des années vingt, un avocat fort connu et sa femme assistèrent à une conférence que frère de Jager fit dans la ville de Boshof. Parmi l’assistance figuraient de nombreux notables, dont certains accompagnèrent ensuite l’orateur dans un salon de thé pour lui poser des questions sur la Bible. L’avocat, Mr Théo Denyssen, et sa femme furent très impressionnés. Ils achetèrent des publications et, par la suite, ils acquirent la conviction que c’était bien là la vérité. Ils ne tardèrent pas à donner le témoignage à leurs amis et aux gens de leur parenté. Cela eut pour effet de provoquer le courroux du ministre de l’Église réformée néerlandaise. Peu après, frère Denyssen et sa femme quittèrent l’Église ; et, à la fin de 1925, trois personnes de leur parenté et onze de leurs amis avaient quitté, eux aussi, cette Église ; leurs lettres furent lues du haut de la chaire.

      Frère Denyssen était fort connu dans cette région de l’État libre d’Orange. Aussi sa prise de position pour la vérité causa-​t-​elle une énorme sensation et fut un grand témoignage. En 1927, un petit groupe de personnes et lui-​même prirent part à une activité d’expédition postale : ils envoyèrent par la poste et dans presque toute la province dix mille brochures et imprimés, y compris la résolution “Un témoignage aux dirigeants du monde”. En 1927, tous ceux de la congrégation de Boshof assistèrent à l’assemblée nationale à Johannesburg et treize d’entre eux, y compris frère et sœur Denyssen, prirent le baptême. Dans la même année, pour marcher du même pas que les frères du monde entier, qui venaient de commencer l’activité de maison en maison le dimanche matin, ce petit groupe commença, lui aussi, à entreprendre cette forme de service. Les ministres de la fausse religion s’émurent et firent toute une série de sermons contre le “Russellisme”. Plus tard, un débat public eut lieu entre deux frères et trois pasteurs. Un sergent de police se trouvait dans l’assistance. Il discerna la vérité, prit position et demeura fidèle jusqu’à sa mort.

      Rendu furieux par le succès des témoins, le pasteur de Boshof demanda aux diacres et aux anciens de rendre visite à tous les membres de l’Église pour leur dire de ne plus confier aucune affaire à frère Denyssen, qui était avocat. À la fin de 1927, la famille Denyssen dut partir. Elle alla s’installer à Wellington, non loin du Cap. Mais le pasteur de la localité commença une campagne de persécution et fit tant et si bien que les Denyssen durent aller habiter au Cap.

      Mais que se passait-​il dans les territoires du nord, où la situation parmi les Africains était cause de graves préoccupations ? En 1926, Georges Phillips, membre du bureau du Cap, fut envoyé avec Henri Myrdal en Rhodésie du Sud, pour y faire une tournée. À la frontière il leur fut dit qu’ils ne pourraient entrer dans le pays qu’à la condition de ne pas travailler parmi les Africains. Il semble que les autorités aient accepté la résolution de la conférence des missionnaires, celle qui a été mentionnée plus haut.

      La méthode employée par frère Phillips et frère Myrdal consistait à se rendre dans une ville ou un bourg, où ils louaient une salle. Puis ils imprimaient des feuilles d’invitation avec un tampon de caoutchouc et allaient ensuite inviter les gens. Après le discours, ils prenaient les noms et adresses de ceux qui marquaient de l’intérêt. Ils allaient ensuite revoir ces personnes, en leur proposant la série Études des Écritures et La Harpe de Dieu. C’est à bicyclette qu’ils faisaient toutes ces visites, mais ils allaient de ville en ville en train. Chaque fois qu’ils arrivaient à une nouvelle ville, un “comité d’accueil” de la police les attendait. Le Service d’enquête criminelle surveillait de près ces deux Européens de la Watch Tower Bible and Tract Society. C’est ainsi qu’ils visitèrent Bulawayo, Que Que, Gatooma, Gwelo, Salisbury et Umtali. À Umtali Mr et Mme Gunn acceptèrent la vérité. Les deux frères visitèrent encore Wankie, centre de production charbonnière. Ils en profitèrent pour aller voir les chutes Victoria, un des plus beaux spectacles du monde. On leur fit également visiter une mine. Mais ils observèrent les ordres de la police et s’abstinrent de prendre contact avec les Africains de “La Tour de Garde” qui travaillaient dans cette mine. Après une visite de plusieurs mois, pendant laquelle ils placèrent 4 200 publications et suscitèrent de l’intérêt en plusieurs endroits, ils rentrèrent en Afrique du Sud à temps pour assister à l’assemblée annuelle du Cap, à la fin de décembre 1926.

      UN NOUVEAU CHANGEMENT AU CAP

      Au Cap, à la petite filiale, les choses n’allaient pas trop bien. Frère Walder, surveillant de filiale, avait été auparavant membre de la filiale anglaise et il avait l’habitude de s’occuper d’un champ relativement grand, le champ britannique, et de tenir de grandes réunions à l’ancien “Tabernacle” de Londres. Quand il arriva au Cap, tout lui avait semblé différent et très petit. Pendant le peu de temps qu’il fut surveillant de filiale en Afrique du Sud, il y eut quelques progrès, mais, à ses yeux, ils avaient été bien lents et insignifiants. Cela fut pour lui une épreuve. Il quitta le pays à la fin de 1927, après un séjour de trois ans et demi.

      Frère Rutherford désigna aussitôt son adjoint Georges Phillips pour lui succéder à la filiale. Frère Phillips était bien préparé pour ses nouvelles responsabilités. En 1927, il se trouvait déjà depuis treize ans dans le service à plein temps. C’était un homme expérimenté dans le champ et dans le bureau. Il aimait l’organisation de Jéhovah et était loyal envers la Société. C’était un esprit clair et un combattant. Ces qualités lui furent très utiles dans les temps difficiles qui approchaient.

      L’œuvre en Afrique du Sud commença bientôt à s’accélérer. Frère Phillips avait entrepris le service à plein temps très jeune et pendant toute sa vie il encouragea les autres à goûter aux joies de servir Jéhovah en tant que pionniers. Il n’est donc pas surprenant que les rangs des colporteurs aient bientôt commencé à grossir.

      Quand on lit le récit de leur travail, de leur persévérance face à l’opposition et de leurs efforts infatigables pour pénétrer dans de nouveaux territoires, on se souvient immanquablement de l’activité des apôtres de Jésus Christ, celle dont parle le livre des Actes.

      VIOLENCES

      Dans les rangs des serviteurs à plein temps se trouvaient Piet de Jager et Henri Myrdal, qui faisaient maintenant équipe et parcouraient le pays en prononçant des discours et en allant voir ceux qui marquaient de l’intérêt. Si en de nombreux endroits le clergé suscitait de l’opposition et tonnait du haut de la chaire et dans la presse, les actes de violence, cependant, étaient rares. Mais le jour où de Jager et Myrdal arrivèrent à une petite ville appelée Dewetsdorp, dans l’État libre d’Orange, l’opposition se transforma en violence. Comme d’habitude, les deux frères avaient loué une salle. Ils préparèrent les feuilles d’invitation avec leur petit tampon de caoutchouc, puis ils annoncèrent le discours. Ils avaient loué le théâtre de la ville, mais le matin du jour du discours, le propriétaire les informa qu’il leur refusait la salle. Le ministre de l’Église réformée néerlandaise l’avait averti que s’il permettait que ce discours ait lieu ses ouailles boycotteraient le théâtre.

      Que faire ? Les deux frères allèrent trouver les autorités municipales qui leur accordèrent l’autorisation de faire un discours sur la place du marché. Ils préparèrent aussitôt de nouvelles feuilles d’invitation et les distribuèrent le plus vite possible. Le discours eut lieu ce soir-​là. Il y avait soixante-quinze personnes dans l’assistance.

      Le discours venait à peine de commencer quand la foule s’avança vers l’orateur et se mit à le conspuer. Les cris augmentèrent. Soudain frère Myrdal, debout près de l’orateur, reçut un grand coup sur la tête, qui lui fit presque perdre conscience. Heureusement un policier en civil se trouvait là et fut témoin de la scène. Derrière la foule s’agitait le pasteur de l’Église réformée néerlandaise, qui excitait ses ouailles et provoqua, de propos délibéré, cet acte de violence. Certains furent arrêtés. Ils durent comparaître le lendemain devant le tribunal et reçurent une amende. Nullement ébranlés, les deux frères continuèrent leur tournée de conférences.

      En 1928, la puissante résolution “Déclaration contre Satan et pour Jéhovah” avait été adoptée dans l’enthousiasme à l’assemblée de Detroit (États-Unis). Ce message était la conclusion d’une série de sept messages annuels. À l’occasion de la même assemblée de Detroit, l’émouvant discours “Un chef pour l’humanité”, prononcé par Rutherford, fut retransmis par un réseau qui mettait à contribution 107 stations de radio. Au Cap, quelques-uns se souviennent encore d’avoir écouté ce discours sur ondes courtes. Outre cette retransmission d’Amérique, des dispositions furent prises en vue de faire des discours sur les ondes, grâce à la Compagnie de radiodiffusion africaine, la seule compagnie de radiodiffusion sud-africaine. On reçut l’autorisation de diffuser sept discours en 1928, à partir des trois studios situés au Cap, à Johannesburg et à Durban. Ainsi la bonne nouvelle atteignit des lieux très éloignés et beaucoup entendirent le message du Royaume pour la première fois.

      Vers la fin de 1920, une campagne d’expédition postale fut entreprise par les frères. Son but était de toucher les gens qu’on ne pouvait atteindre par le porte à porte. L’un des frères du Cap, Frank Smith, assuma tous les frais que représenta l’envoi de 50 000 brochures aux fermiers, aux gardes forestiers, bref à tous ceux qui vivaient dans des endroits difficilement accessibles. Ce sont les membres de l’ecclésia du Cap qui se chargèrent de la mise sous enveloppe et des adresses. Le résultat ne se fit pas attendre. On reçut de nombreuses commandes de publications et des lettres d’encouragement qui montraient toute la consolation et la joie que la bonne nouvelle apportait aux personnes isolées. Les ecclésiastiques réagirent comme d’habitude, par des calomnies dans la presse.

      LE SUD-OUEST AFRICAIN ENTEND LA BONNE NOUVELLE

      C’est grâce à ces envois postaux que le message du Royaume pénétra dans le Sud-Ouest africain, c’est-à-dire dans la partie la plus vaste de ses 723 588 km2 de désert ou de terrain semi-désertique. Le long du littoral occidental et sur 150 kilomètres environ s’étend le grand désert de Namib. La population, clairsemée, qui compte 610 000 individus, dont 60 000 Blancs, se compose de Sud-Africains, d’Allemands et d’Anglais pour ce qui est des Européens et, pour ce qui est des Africains, de Hereros, d’Ovambos, de Namas ou Hottentots, de Damaras et de Boschimans. N’oublions pas non plus un groupement qui s’appelle fièrement “Basters” (littéralement : “Hybrides”), car ces métis sont issus du croisement des premiers colons blancs avec les Hottentots.

      En 1928, ce pays était vierge en ce qui concernait l’œuvre du Royaume. Mais en cette année-​là, lorsque commença la campagne d’expédition postale, on réussit à se procurer un répertoire des adresses de ce pays. On envoya alors une brochure (The People’s Friend) à toutes les adresses qui paraissaient dans le répertoire. Une des graines du Royaume tomba sur un bon sol, d’une manière inhabituelle.

      Un homme nommé Bernhard Baade qui, à cette époque, travaillait dans une mine, recevait ses œufs d’un fermier des environs. Un jour, les œufs arrivèrent enveloppés dans les premières pages de la brochure mentionnée plus haut. Il commença à lire et bientôt son intérêt fut éveillé. Mais, pour pouvoir poursuivre sa lecture, il dut attendre d’autres arrivages d’œufs enveloppés dans les pages suivantes de la brochure. L’homme commanda des publications et il ne tarda pas à prendre position pour la vérité.

      L’année suivante, en 1929, sœur Lenie Theron fut envoyée d’Afrique du Sud à Windhoek, dans le Sud-Ouest africain. De là elle alla visiter les principales localités du pays, parcourant près de 8 000 kilomètres. Beaucoup de gens avaient reçu la brochure envoyée l’année précédente et marquèrent leur gratitude. La sœur répandit une énorme quantité de publications. En quatre mois, elle plaça 6 388 livres et brochures en anglais, en afrikaans et en allemand.

      Pendant que sœur Theron se dépensait dans le Sud-Ouest africain, sa compagne, Elisabeth Adshade, fut envoyée en Rhodésie du Sud. Elle rencontra pas mal d’opposition de la part de la police et des magistrats, mais elle persévéra avec courage et visita toutes les agglomérations européennes du pays.

      En 1929, le message du Royaume atteignit une vaste étendue de l’immense champ sous la surveillance de la filiale d’Afrique du Sud. À ce propos, voici ce que dit l’Annuaire de 1930 : “Des demandes de publications nous sont parvenues par la poste depuis le Kenya, en Afrique-Orientale britannique ; le Tanganyika et le Nyassaland, en Afrique-Centrale britannique ; et le Congo belge.”

      LES PROBLÈMES N’EMPÊCHENT PAS LES PROGRÈS

      Frère Paul Smit, notre ancien écolier de Nylstroom, se trouvait à Pretoria à la fin des années vingt. Il raconte que le groupe de Pretoria traversait une crise et voici ce qu’il relate entre autres : “Il n’y avait pas de progrès dans le groupe et, quand se fit l’organisation pour le service, le groupe fut ébranlé et deux membres quittèrent ses rangs. En ce temps-​là, l’un des anciens (frère Mœller) était en train d’écrire un livre, bien que la Société lui eût dit qu’elle n’y tenait pas. Je lui demandai de renoncer à son entreprise, mais il refusa. Un dimanche matin, après la parution de son ouvrage, il en apporta plusieurs exemplaires à la salle et nous pria de l’aider à le propager. J’ai été scandalisé et je lui ai dit carrément que je m’opposerai à quiconque s’opposerait à la Société.” Cela vexa les anciens qui quittèrent nos rangs, eux et leurs disciples. Il ne resta qu’une sœur âgée et infirme, ainsi que frère et sœur Smit.

      Peu après, frère et sœur Steynberg vinrent s’établir dans la région de Pretoria. Cela fut un grand encouragement pour le tout petit groupe de Pretoria et cela fit également beaucoup de bien aux Steynberg. Le groupe de Pretoria venait de traverser une pénible période de purification mais, à partir de ce moment, les progrès furent sensibles et constants.

      Après le groupe européen de Pretoria, voyons maintenant ce qui se passait chez les Africains de l’endroit. Frère Hamilton Kaphwitt, de Bulawayo, vint s’installer à Pretoria en 1927. Comme il n’y avait pas à l’époque de réunions africaines dans cette ville, il allait assister aux réunions africaines de Johannesburg. Puis, en 1931, un frère nommé Mulauzi arriva du Nyassaland et se joignit à frère Kaphwitt. Tous les deux commencèrent à étudier La Harpe de Dieu ensemble. Pendant longtemps les réunions pour les frères africains se tinrent, à Pretoria, au domicile de Hamilton Kaphwitt. Encore de nos jours, nombre de congrégations africaines dans les “localités” à proximité des villes européennes se tiennent dans des demeures privées. Jusqu’à présent le gouvernement et les autorités municipales ont fait obstacle à la construction de Salles du Royaume pour Africains.

      En janvier 1930, frère Phillips se maria et sa femme fit partie du personnel du bureau. En 1930, d’autres éléments vinrent se joindre à eux. Ce furent Llewelyn Phillips et Georges Spence. Llewelyn Phillips venait du pays de Galles ; il n’était pas parent avec Georges Phillips. Il avait une bonne expérience dans le service de pionnier et avait servi pendant plusieurs années au Béthel de Londres.

      C’est également au début des années trente que la filiale du Cap commença à produire des brochures dans les langues du pays (en xhosa, zoulou et sesotho). La Harpe de Dieu parut en xhosa et la brochure Le Royaume, l’Espérance du Monde fut publiée en zoulou.

      EN AFRIQUE ORIENTALE

      En 1931, un autre champ commença à s’ouvrir, celui de l’Afrique-Orientale britannique. Il était formé par des territoires qui sont devenus aujourd’hui trois pays distincts : le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie (qui, elle, se compose du Tanganyika et de Zanzibar). Au début des années trente, tous se trouvaient sous la juridiction britannique. Avec la montée des nationalismes africains, ces États obtinrent l’un après l’autre leur indépendance. En 1962, le Tanganyika devint la république indépendante de Tanzanie au sein du Commonwealth britannique. L’Ouganda devint indépendant la même année et le Kenya en 1963. La population se compose d’une multitude de nationalités et de tribus et on y parle une foule de langues. Heureusement que le souahéli est la langue qui permet de se faire comprendre dans toute l’Afrique orientale.

      Sur le plan religieux, l’expression “Afrique noire” est tout à fait appropriée. En effet, la plupart des indigènes sont membres de religions païennes. Les missions de la chrétienté, tant catholiques que protestantes, sont actives depuis bien des années, mais, comme dans les autres régions d’Afrique, elles n’ont pas produit des chrétiens qui ‘adorent avec l’esprit et la vérité’. (Jean 4:24.) Mais à quelle époque les premiers rayons de vraie lumière commencèrent-​ils à éclairer cette région noire au sens spirituel ?

      Vers cette époque-​là, au Cap, un nouveau frère nommé Gray Smith participait au service de colporteur auxiliaire. Son frère aîné, Frank, connut, le premier, la vérité, mais en 1928 Gray se mit, lui aussi, à étudier sérieusement. Il fut baptisé en 1929 et presque aussitôt il entreprit le service de colporteur auxiliaire. Plus tard, il se joignit à Frank pour un voyage fort intéressant en Afrique orientale.

      En 1931, tous les deux furent envoyés au Kenya pour voir s’il était possible de propager la bonne nouvelle en Afrique orientale. Le Kenya était alors un protectorat britannique, avec une population de 4 000 000 d’individus, dont 25 000 Européens. Les deux frères prirent une automobile qu’ils convertirent en caravane, puis ils s’embarquèrent à bord du “Saxon Castle”, qui se rendait à Mombasa, port du Kenya. De là ils firent à bord de leur caravane les 650 kilomètres qui les séparaient de Nairobi, la capitale, où ils avaient envoyé quarante cartons de livres. En raison du mauvais état des routes, il leur fallut huit jours pour faire le trajet. Ils parcoururent Nairobi et placèrent tous les livres en un mois. Beaucoup d’Indiens originaires de Goa prirent des livres, mais la plupart de ces publications furent rassemblées par les prêtres catholiques, qui les brûlèrent.

      Pendant le voyage du retour, les deux frères contractèrent la malaria. À l’époque, c’était une maladie fort grave. Ils s’embarquèrent à bord d’un navire qui venait de Dar-es-Salaam, mais ils devinrent si malades qu’il fallut les débarquer à Durban et les conduire à l’hôpital. Frank Smith ne reprit plus conscience. Il mourut. Quant à Gray Smith, il réussit à s’en tirer à grand-peine et dut rester quatre mois à l’hôpital. Cependant, vers la fin de 1931, il fut de retour au Cap.

      Vers ce temps-​là, en Angleterre, un jeune homme nommé Robert Nisbet venait de renoncer à un bon emploi dans un laboratoire pharmaceutique londonien et s’apprêtait à entreprendre le service de pionnier. Frère Rutherford, qui se trouvait alors à Londres, l’envoya chercher et lui dit : “Nous cherchons quelqu’un qui soit disposé à aller au Cap. Veux-​tu y aller ?” Robert répondit par l’affirmative.

      En arrivant au Cap, on montra à frère Nisbet tout un arrivage de publications qui devaient être envoyées par bateau en Afrique orientale. Il y avait deux cents cartons ! Frère Nisbet avait entendu parler du voyage des frères Smith et savait ce qui était arrivé à Frank. Malgré cela, il accepta avec empressement d’aller en Afrique orientale. David Norman l’accompagna. Ils devaient visiter les territoires du Kenya, de l’Ouganda, du Tanganyika et de Zanzibar. Quel champ immense !

      Pour se protéger contre la malaria, ils dormaient sous des moustiquaires et prenaient des doses massives de quinine, qu’on pouvait se procurer à tous les bureaux de poste. Ils portaient aussi le casque colonial. C’est le 31 août 1931 qu’ils commencèrent à Dar-es-Salaam, capitale du Tanganyika, leur campagne de témoignage. Ce ne fut pas toujours facile, comme le montre ce commentaire de frère Nisbet : “La réverbération du soleil sur les rues blanches, la chaleur d’étuve et la nécessité où nous étions de porter de lourdes charges de publications, voilà quelques-unes des difficultés qu’il a fallu affronter. Mais nous étions jeunes et nous y prenions plaisir.”

      En moins de quinze jours, ces deux pionniers énergiques avaient placé près d’un millier de livres et de brochures de toutes les couleurs. Cela provoqua la colère du clergé et bientôt une note parut sur le tableau d’affichage de l’église catholique, note qui attirait l’attention des paroissiens sur la loi canonique no 1399 qui interdit aux catholiques de garder chez eux des publications de cette nature. La plupart de ces imprimés furent répandus parmi les Indiens. N’ayant pas de publications en souahéli et aussi en raison de l’analphabétisme des Africains parlant cette langue, les frères ne purent travailler parmi ces derniers.

      De Dar-es-Salaam, ils se rendirent à Zanzibar, île située à une trentaine de kilomètres de la côte et qui fut autrefois un centre de traite d’esclaves. La ville de Zanzibar, avec son enchevêtrement de rues étroites, où un étranger se perdait facilement, baignait dans le parfum du giroflier ; Zanzibar, en effet, approvisionne le monde entier en clous de girofle. Sa population compte 250 000 individus, dont 300 Européens qui formaient alors la société dirigeante. La plupart des habitants ne parlaient que le souahéli, et il y avait 45 000 Indiens et Arabes. De nombreux livres furent répandus parmi les Indiens et quelques-uns chez les Arabes, mais là aussi, puisque la plupart des gens ne parlaient que le souahéli, la majorité ne fut pas touchée par le message.

      Après un séjour de dix jours à Zanzibar, ils s’embarquèrent pour Mombasa. Leur destination était les hautes terres du Kenya où il y a abondance de légumes et de fruits frais et où règne un climat tempéré. Ils voyagèrent en chemin de fer et visitèrent les localités le long de la voie ferrée, jusqu’au lac Victoria. Ils traversèrent cette mer intérieure (400 km de long et 140 km de large) et arrivèrent à Kampala, capitale de l’Ouganda. Ils y répandirent une grande quantité de livres et recueillirent des abonnements à L’Âge d’Or. À quatre-vingts kilomètres de là, dans la jungle, quelqu’un vit son ami lire avec enthousiasme le livre Gouvernement. Il vint à Kampala pour aller trouver les jeunes gens qui diffusaient ces publications. Il prit un exemplaire de tous les livres et s’abonna à L’Âge d’Or.

      Avant d’entreprendre en voiture le voyage du retour, ils visitèrent encore une ville située à une quarantaine de kilomètres à l’intérieur du pays. Ils étaient réjouis de savoir qu’ils avaient pu porter, les premiers, le message du Royaume si loin à l’intérieur de l’Afrique. Ils revinrent de cette ville par un autre chemin et eurent la joie de pouvoir visiter les chutes Ripon, la source du Nil. Alors qu’ils faisaient route vers Mombasa, ils firent encore quelques agglomérations le long de la voie ferrée. À Mombasa, ils prêchèrent dans une chaleur accablante. Après avoir répandu beaucoup de publications et fait deux discours dans cette ville, ils s’embarquèrent à bord du “Llandovery Castle” et firent route vers le Cap, un voyage de près de 5 000 kilomètres.

      Au cours de ces deux premiers voyages en Afrique-Orientale britannique, les prédicateurs ont répandu près de 7 000 livres et brochures et ont recueilli de nombreux abonnements à L’Âge d’Or. Certaines des graines sont tombées sur une bonne terre. C’est ainsi que la Société, au Cap, a reçu une lettre de quelqu’un qui lui demandait de lui envoyer tous les livres et toutes les brochures de Rutherford. C’était le directeur d’une mine d’or dans le boundou (région isolée) du Tanganyika. Ainsi, grâce aux efforts de pionniers zélés et courageux, le message pénétrait en Afrique-Orientale britannique et l’œuvre du Royaume progressait.

      Oui, en 1931, un champ immense avait été entamé par la poignée de fidèles serviteurs d’Afrique du Sud. Cette année-​là, 68 280 livres furent répandus dans le champ sud-africain et huit assemblées de service eurent lieu pour affermir la foi des frères. Combien étaient-​ils pour accomplir cette œuvre dans un champ aussi vaste ? Une centaine de proclamateurs pour toute l’Afrique du Sud !

      EN AVANT, TÉMOINS DE JÉHOVAH !

      Ce qui marqua le couronnement de l’année 1931, ce fut la nouvelle qu’au congrès de Columbus (États-Unis) les participants avaient adopté le nom de “témoins de Jéhovah”. Cela réjouit le cœur des serviteurs de Jéhovah dans le monde entier, y compris la petite poignée de chrétiens énergiques d’Afrique du Sud. Nombre de frères furent saisis d’appréhension à l’idée de se servir du glorieux nom de Dieu, mais cela les aida à mieux apprécier leur privilège de proclamer le nom de Jéhovah dans toute l’Afrique du Sud. L’œuvre du Royaume en Afrique du Sud était arrivée à un nouveau tournant.

      Au début des années trente, stimulés par le nom biblique de “témoins de Jéhovah”, les frères d’Afrique du Sud allèrent de l’avant avec grand zèle et beaucoup de détermination. Ils recevaient de plus en plus d’armes et d’instruments spirituels, et, en 1932, l’un des instruments les plus puissants fut sans nul doute la brochure spéciale Le Royaume, l’Espérance du Monde. Dans tous les pays, les témoins de Jéhovah diffusaient cette brochure et participaient à la campagne consistant à rendre visite à tous les ecclésiastiques, à tous les hommes politiques et à tous les hommes d’affaires du territoire. Nombre d’entre eux n’avaient jamais été contactés. Maintenant, ils se voyaient offrir leur chance.

      Naturellement, il n’est pas toujours facile d’aborder des personnages de haut rang et des membres du parlement. C’est pourquoi les frères profitèrent du fait que plusieurs fois l’an les membres du parlement se rendaient en chemin de fer du Cap, capitale législative, à Pretoria, capitale administrative. Au moment voulu, quand tous ces messieurs attendaient à la gare, les frères arrivèrent et leur offrirent la brochure spéciale. Comme ces hommes avaient plus de 1 500 kilomètres à faire, ils avaient là une bonne occasion de lire la brochure et de réfléchir à son contenu.

      Un autre instrument qui commença à être utilisé en 1933 fut les discours enregistrés de frère Rutherford. La Compagnie de radiodiffusion africaine donna son accord pour que ces puissants messages passent sur les ondes chaque mois, depuis les trois stations principales du Cap, de Johannesburg et de Durban. C’est ainsi que le message atteignit beaucoup de foyers — et sans nul doute beaucoup de cœurs — en Afrique du Sud, en Rhodésie du Sud et même en Rhodésie du Nord, à plus de 3 000 kilomètres dans le continent africain. Après avoir écouté ces discours, beaucoup de gens acceptèrent plus volontiers les publications. Au bout d’une année se forma un comité consultatif pour les émissions religieuses. Il se composait d’ecclésiastiques des religions orthodoxes et il réussit à mettre un terme à ces émissions.

      Mais il était impossible d’arrêter le zèle des proclamateurs de ce temps-​là. Dans les petites villes, où l’église réformée néerlandaise était le principal édifice du culte à des kilomètres à la ronde, les fermiers se rassemblaient sur la place de l’église les dimanches où se célébrait la Communion (nagmaal en afrikaans, ce qui signifie “repas du soir”). Ils y campaient sous la tente et auprès de leurs chariots attelés de bœufs. Souvent les frères circulaient parmi eux et entamaient des discussions. Les frères parlant afrikaans aimaient tout particulièrement ces débats spirituels et, plus tard, ils en faisaient état dans les réunions de témoignage.

      Alors qu’il venait de commencer ses activités de pionnier dans le Transvaal septentrional, Fred Ludick contracta la malaria. Quelques Africains vinrent à son secours. Ils lui firent boire quelque chose extrait d’un fruit sauvage et cela le guérit. Quand, par la suite, son compagnon, Sidney McLuckie, fut atteint, lui, de la fièvre typhoïde, les choses ne s’arrangèrent pas. Voici ce que raconte Fred : “Cet homme de 80 kilos n’en pesa plus qu’une quarantaine au bout de quelques semaines, puis il mourut. Nous l’avons enterré au pied des montagnes de Cala dans le Transkei (Province du Cap).” Ainsi un autre fidèle serviteur de Jéhovah avait donné sa vie dans l’œuvre du Royaume.

      Pendant un temps, frère Ludick servit dans le Bushveld du Transvaal septentrional. Il travailla dans ce territoire avec un petit groupe qui comptait dans ses rangs frère Muller et sa famille. Au début des années trente, frère Muller accomplit un travail énorme dans tout le Transvaal du nord et jusque dans le Cap septentrional. Il en aida beaucoup à parvenir à la connaissance de la vérité.

      Bien entendu, il y avait aussi des difficultés. Par exemple, un jour Fred Ludick se rendit à un poste missionnaire catholique. Il y rencontra un prêtre auquel il se mit à expliquer le but de sa visite. Il nota que le visage de l’ecclésiastique devenait de plus en plus pourpre. Soudain celui-ci se précipita dans le bâtiment et revint armé d’un fusil qu’il pointa sur frère Ludick. Fred garda son sang-froid, pivota sur ses talons et revint à sa voiture. Un frisson lui descendit alors le long du dos.

      À cette époque, frère Ludick avait renoncé à la bicyclette, lui préférant une Fiat modèle 1928, dont les roues avaient des rayons en bois. Frère Muller et lui parcoururent à bord de ce véhicule une vaste région du Bushveld. Ils durent souvent dormir à la belle étoile, et il leur arrivait de percevoir dans leur sommeil le rugissement des lions. Mais après une dure journée passée dans le service, où ils avaient été cahotés sur les routes et avaient dû réparer crevaison sur crevaison, ils dormaient comme des souches, sans se soucier outre mesure des lions. Ils avaient aussi des ennuis avec les freins de la voiture. Un jour, alors qu’ils passaient par un endroit particulièrement dangereux (Soutpans Berg Pass), ils durent attacher une corde aux rayons des roues avant et tirer dessus de toutes leurs forces, et cela chaque fois que la voiture devait dévaler une pente raide ! Après un voyage pareil, les deux prédicateurs étaient tout heureux de revenir à la ferme des Muller, où les attendaient sœur Muller et ses enfants. Ceux-ci recevaient une excellente éducation au foyer et, plus tard, certains d’entre eux entreprirent le service à plein temps. Deux d’entre eux servent toujours à la filiale d’Afrique du Sud. L’un d’eux, Frans Muller, est l’actuel surveillant de filiale.

      STE-HÉLÈNE REÇOIT LE TÉMOIGNAGE

      Pendant que toute cette activité avait lieu au Transvaal, des pionniers s’apprêtaient à faire le voyage de Ste-Hélène, une toute petite île de l’océan Atlantique, à environ 2 000 kilomètres de la côte occidentale de l’Afrique. C’est une île de 122 km2 et qui compte 5 000 habitants, dont la plupart sont des gens de couleur très pauvres. C’est là que fut exilé Napoléon, de 1815 à 1821.

      Gray Smith, qui s’était remis de sa grave maladie après le voyage en Afrique orientale, était disposé à faire de nouveaux efforts et faisait ses préparatifs pour se rendre à Ste-Hélène. Son compagnon fut Hal Ancketill, fils de l’ancien surveillant de filiale Henri Ancketill. Tous deux se munirent d’une ample provision de publications et, quand ils furent arrivés sur les lieux, ils firent l’île à fond. Ils placèrent 1 100 publications.

      C’est ainsi que, grâce à cette visite, Thomas Scipio accepta la vérité et se mit à annoncer le Royaume. Quand il quitta la police, Scipio, qui avait alors soixante ans, devint pionnier et assura sa subsistance en cultivant des légumes. Son fils, Georges Scipio, devait devenir le premier surveillant de la congrégation qui fut formée par la suite dans l’île.

      Frère Thomas Scipio comprit dès le début qu’il devait annoncer la bonne nouvelle du Royaume. Courageusement, il donna le témoignage aux gens de sa parenté et aux autres insulaires. Un an plus tard, il y en eut d’autres qui se joignirent à lui dans l’œuvre du témoignage et, dès qu’il fut question d’utiliser le phonographe et les discours enregistrés, il se procura l’appareil et les disques. Pendant des années, ce moyen se révéla très efficace pour donner le témoignage à ceux qui voulaient bien écouter.

      En 1935, un petit groupe de six proclamateurs fut formé à Jamestown, l’unique ville de l’île. Les activités de cette poignée de proclamateurs fidèles ne furent pas sans porter des fruits. Ils se multiplièrent. Un des nouveaux frères, qui était propriétaire d’un café, se procura un phonographe et il saisissait toutes les occasions pour faire entendre les disques à ses clients. En 1939, il y avait deux groupes, l’un à Jamestown et l’autre à quelques kilomètres de là, à Longwood, où fut détenu Napoléon.

      DE NOUVEAU DANS LE SUD-OUEST AFRICAIN

      Après cette visite réussie à Ste-Hélène, frère Smith décida de se rendre dans le Sud-Ouest africain en 1935. Il emmenait avec lui sa femme et ses enfants. Ils avaient une fourgonnette équipée d’un phonographe dernier modèle.

      Ils connurent de nombreuses joies de service. En cinq mois, ils répandirent 13 000 livres et brochures et recueillirent 70 abonnements à L’Âge d’Or. Les ecclésiastiques, pasteurs luthériens, prêtres catholiques et pasteurs de l’Église réformée néerlandaise, furent fort mécontents. En un certain endroit, le pasteur de l’Église réformée néerlandaise accusa frère Smith de vendre des livres sans autorisation. Le juge devant lequel il dut comparaître se contenta de rire et prit lui-​même des publications.

      De nouveau quelques graines de vérité tombèrent sur de la bonne terre. Un homme du sud, Abraham de Klerk, qui s’était procuré quelques publications, fut convaincu que c’était là la vérité. Il resta attaché à sa nouvelle foi et enseigna sa famille aussi bien qu’il put. Jéhovah bénit ses efforts, car sa femme et plusieurs de ses enfants acceptèrent la vérité. “Oom” (oncle) Abraham, un des premiers témoins du Sud-Ouest africain, servit fidèlement Jéhovah jusqu’au jour de sa mort survenue vers la fin des années soixante.

      LE SWAZILAND PENDANT LES ANNÉES TRENTE

      Passons maintenant dans la partie orientale de l’Afrique du Sud et visitons un autre pays, le Swaziland. Il est entouré sur ses trois côtés par le Transvaal et, à l’est, il a une frontière commune avec le Mozambique. Sa superficie est d’environ 17 350 km2. Sa population compte 420 000 individus, dont quelques milliers seulement sont Européens.

      Des pionniers sont allés au Swaziland au début des années trente et un grand témoignage fut donné dans le pays. Ils ne se bornèrent pas à prêcher aux Européens habitant les villes, ils rendirent encore visite au chef suprême du peuple swazi, le roi Sobhuza II. Cet homme se montra très aimable à l’égard des témoins et les accueillit solennellement dans son kraal. Il convoqua sa garde du corps, qui se composait d’une centaine de guerriers, pour que tous puissent entendre une sélection musicale et écouter un discours enregistré de Rutherford, président de la Watch Tower Bible and Tract Society. Frère Ludick, qui était présent, raconte que le souverain était entouré de ses cinquante épouses !

      Robert et Georges Nisbet eurent, eux aussi, l’occasion de donner le témoignage au roi. Après avoir écouté plusieurs enregistrements de frère Rutherford, le roi fut si content qu’il voulut acheter l’appareil, les disques et le haut-parleur. Cela mit les pionniers dans l’embarras. Ils réussirent finalement à satisfaire le roi en lui laissant une grande provision de publications.

      L’ÎLE MAURICE ET MADAGASCAR

      En 1933, la filiale d’Afrique du Sud décida d’envoyer deux pionniers expérimentés dans l’île Maurice et à Madagascar. Il fut demandé à Robert Nisbet et à Bert McLuckie de visiter ces deux îles. Ils se rendirent d’abord dans l’île Maurice.

      Avant de quitter Durban pour se rendre dans l’île Maurice, ils étudièrent pendant quelque temps le français, qu’ils croyaient être la langue principale. Quand ils arrivèrent sur les lieux, ce fut pour constater que les insulaires parlaient le créole, une sorte de dialecte ou patois français. Les pionniers n’arrivaient donc pas à se faire comprendre. Les choses étaient encore plus difficiles pour frère Nisbet, à cause de son fort accent écossais. Il lui arriva même de s’entendre dire à une porte : “S’il vous plaît, parlez-​moi en anglais, car je ne comprends pas votre langue !”

      L’île était sous influence catholique. Aussi nos deux frères rencontrèrent-​ils bientôt des difficultés. Des plaintes, inspirées par les prêtres, parvinrent à la police, qui télégraphia en Afrique du Sud pour s’assurer de l’identité des frères. La police reconnut aux frères le droit de prêcher, mais elle les avertit qu’ils ne pouvaient tenir des réunions sans permission et que, dans leur cas, cette autorisation ne leur était pas accordée. D’autre part, le journal local, La vie catholique, mit ses lecteurs en garde contre ces deux “faux prophètes”. Cela eut un effet sur le nombre de publications placées, mais cela ne diminua en rien la joie et la détermination de nos frères en quête de “brebis”.

      À l’époque, le cardinal catholique Hinsley, de Grande-Bretagne, rendait visite à l’île. Il devait officier à des cérémonies d’installation : un prêtre devait être fait évêque de l’île. On voyait partout des prêtres et des dignitaires de l’Église, qui étaient venus assister aux cérémonies. Cela donna aux pionniers une excellente occasion d’offrir la brochure Le Royaume, l’Espérance du Monde. C’est Robert Nisbet qui tendit la brochure au cardinal Hinsley en personne. Il l’accepta sans mot dire. Bert McLuckie en offrit une au nouvel évêque, qui la prit, la déchira en morceaux et la jeta dans la corbeille à papiers.

      En ce temps-​là, dans l’île Maurice, le tarif des transports était très bas, probablement le plus bas du monde. Par exemple, on pouvait faire le tour de l’île en train, puis de nouveau en autobus et en train, le tout pour une demi-couronne (0,35 dollar). C’est ainsi que les pionniers purent visiter tous les recoins de l’île. Outre les publications en français, ils placèrent des brochures en chinois et dans diverses langues indiennes, telles que le tamil, l’ourdou et l’hindi. Il arriva que l’éditeur d’un journal indien fut si intéressé par un long article de L’Âge d’Or, qui démasquait l’hypocrisie de l’Église catholique, qu’il décida de le faire paraître en plusieurs parties dans son quotidien. Mais avant qu’il pût publier la conclusion, la police était intervenue. Elle l’avertit de bien réfléchir aux conséquences. L’homme arrêta la publication de l’article. Malgré toute cette opposition de la part des prêtres, les pionniers achevèrent leur travail.

      Leur séjour dans l’île Maurice fut un grand témoignage. Ils laissèrent derrière eux un petit groupe qui fit du témoignage occasionnel. Comme frère Nisbet et frère McLuckie ont dû être heureux de voir le fruit de leur travail ! Mais qu’arriva-​t-​il quand ils visitèrent Madagascar ?

      Cette île immense située au large du littoral sud-est de l’Afrique a environ 1 600 kilomètres de long. La côte orientale est balayée par les moussons et connaît un climat très pluvieux. Mais les autres parties de l’île ont un climat plus sec. On rencontre donc dans l’île toutes sortes de végétations : plantes du désert et plantes tropicales.

      Madagascar compte une population d’environ six millions d’individus d’origines diverses. Il semble que les Arabes et les Hindous y installèrent des comptoirs dès les temps anciens. Depuis, Portugais, Français et Anglais tentèrent tous de coloniser l’île. Finalement, ce sont les Français qui en prirent possession. Depuis lors, la culture et la langue françaises ont eu une forte influence sur les habitants de l’île. Cela veut dire que dans les années trente, quand les témoins de Jéhovah vinrent pour la première fois dans l’île, c’est la religion catholique qui était la religion dominante.

      Robert Nisbet et Bert McLuckie arrivèrent à Madagascar en 1933. Usant de prudence, ils commencèrent leur travail à Tamatave, le port principal, où ils avaient débarqué. Ils firent rapidement le territoire, répandant beaucoup de publications. Puis ils se rendirent à Tananarive, la capitale, située à l’intérieur de l’île.

      Quand ils furent arrivés à Tananarive, ils tombèrent un jour sur un marchand grec qui possédait des publications de la Société, traduites dans sa langue. Ce sont des gens de sa parenté, qui habitaient Brooklyn, qui les lui avaient envoyées. Cela encouragea les frères. Quelle joie encore quand ils entendirent cet homme hospitalier offrir de les loger gratuitement dans une pièce au-dessus de son magasin !

      Frère Nisbet et frère McLuckie ne réussirent pas à fonder un groupe lors de leur séjour. Il faut dire que la langue fut une véritable barrière, car très peu de gens comprenaient l’anglais. Ils restèrent néanmoins à Tananarive jusqu’à épuisement de leur stock de publications, puis ils retournèrent en Afrique du Sud. C’est ainsi que de nombreuses graines de vérité furent semées dans l’île.

      PREMIERS EFFORTS AU MOZAMBIQUE

      Le Mozambique était un autre champ immense, pratiquement vierge. Ce pays, presque entièrement plat, a une superficie de 776 970 km2. C’était une possession portugaise dont la population compte aujourd’hui 6 650 000 individus, dont très peu de Blancs. La capitale s’appelle Lourenço Marques, port important situé près de la frontière de l’Afrique du Sud, à l’extrême sud. L’autre port important est Beira, à quelques centaines de kilomètres au nord.

      L’Église catholique régente ce pays depuis des siècles, bien que la liberté religieuse soit censée y régner et qu’il y ait quelques petites sectes protestantes dans les villes. Dans les fermes on avait recours au travail forcé, en payant très mal la main d’œuvre. D’autre part, les peines infligées aux Africains étaient très sévères. Par contre, dans ce pays il n’y a pas de discrimination raciale officielle. On n’y voit donc pas de pancartes avec ces mots “Réservé aux Européens”, ni de ségrégation dans les transports, les banques et les magasins. Mais il y a une distinction entre les Africains, entre les Africains “non civilisés” et les Africains “civilisés” appelés assimilados. Tout Africain peut passer de la condition de “non civilisé” à celle de “civilisé”, grâce à un processus juridique. Il doit subir certains examens et devient alors un homme “blanc”. Ce n’est plus un “Noir”, quelle que soit la couleur de sa peau. L’Africain qui désire accéder à cette nouvelle condition doit déposer sa demande au tribunal local. Il doit prouver qu’il sait lire et écrire le portugais, qu’il appartient à la religion chrétienne (catholique), qu’il subvient sans peine à ses besoins et qu’il est disposé à vivre à l’européenne. Ce qui importe surtout, c’est qu’il soit à même d’adopter le mode de vie des Blancs. Il a alors droit au passeport. Ses enfants reçoivent un enseignement gratuit et lui a le droit de voter. Mais il doit faire son service militaire et payer un impôt sur le revenu assez élevé. Il n’y a que très peu d’Africains qui sont capables de changer de condition.

      En 1925, les graines du Royaume étaient tombées sur un bon sol parmi les Africains de cette partie de la terre, et pendant plusieurs années elles ont grandi sans obstacle. Mais à la fin des années trente, les autorités procédèrent à un contrôle, pour savoir quels étaient ceux qui s’étaient abonnés à La Tour de Garde. Il y eut pas mal d’arrestations. Ceux qui furent jetés en prison dans le sud du Mozambique y rencontrèrent des détenus qui étaient du Nyassaland. Tous ensemble, ils formaient un groupe assez nombreux. Ce n’est qu’après deux ou trois ans qu’ils furent finalement jugés. Certains furent condamnés à la déportation pour douze ans à la colonie pénitentiaire de Sao Tomé, tandis que les autres furent envoyés pour dix ans dans les camps de travail au nord du Mozambique. La sentence disait qu’il ne fallait pas qu’ils soient ensemble en un même lieu, car alors toute la région serait ‘empoisonnée par leur enseignement, qui est très puissant’.

      Dans le groupe des condamnés se trouvait un frère appelé Mahlanguana. Il se souvient que l’un des lieux où il travailla dans le nord était une grande plantation de cocotiers, près du petit port d’Antonio Enes. Un jour, le chef de la police vint faire une inspection et le surprit en train de préparer un sermon biblique. Il signala le fait au directeur de la colonie pénitentiaire, qui répondit qu’il n’y avait là rien de dangereux. Le chef de la police, cependant, fit fouetter le frère et l’envoya en prison pour quatre mois. Des années plus tard, après avoir purgé sa peine, frère Mahlanguana est revenu à Vila Luiza. La prédication du Royaume y avait cessé. Mais, dès son retour, l’intérêt se ranima, l’œuvre reprit un nouveau départ.

      C’est ainsi que l’œuvre se revivifia dans le champ africain au sud du Mozambique. Mais qu’en fut-​il des Européens ?

      C’est en 1929 que le premier Européen arriva à Lourenço Marques et se mit à donner le témoignage aux Blancs, aux Portugais. C’était Henri Myrdal, qui avait cessé le service de pionnier pour se marier avec Edith Thompson. Tous les deux ont dû mener le combat tout seuls, et, quelquefois, non sans difficulté. Mais en 1933 Piet de Jager qui, entre-temps, avait épousé Lenie Theron, sœur très zélée dans les rangs des colporteurs, fut envoyé par la Société dans le champ européen du Mozambique. Frère et sœur de Jager firent tout le territoire européen et répandirent une grande quantité de publications en anglais et en portugais.

      Deux autres pionniers allèrent à Lourenço Marques en 1935, mais ils n’y restèrent que fort peu de temps, et pour cause. C’étaient Fred Ludick et David Norman. Ils allèrent loger chez les Myrdal. Voici leur histoire : “Le cinquième jour de notre activité, alors que, comme deux touristes bien élevés, nous prenions le thé sur la place publique, David me dit : ‘Fred, ne regarde pas de ce côté, mais à gauche. Il y a là-bas deux messieurs qui nous observent depuis près d’une demi-heure.’ (...) Quand nous sommes rentrés chez nous ce jour-​là, sœur Myrdal nous a dit : ‘La police secrète est venue vous chercher plusieurs fois.’ Elle n’avait pas encore fini de parler que la voiture cellulaire tourna l’angle de la rue, faisant marcher sa sirène. On nous embarqua aussitôt dans la Marie noire (la voiture cellulaire qui servait à transporter les criminels).”

      Les deux frères comparurent devant un haut fonctionnaire, Senhor Teixeira. David Norman n’eut pas peur de lui dire que c’était l’évêque qui se tenait derrière tout cela. Il le blessa au vif, car l’homme se leva d’un bond et hurla : “Si vous étiez mes concitoyens, je vous ferais déporter tout de suite à l’île de Madère, mais comme vous êtes des citoyens sud-africains, je vais vous faire expulser sur-le-champ.” Ce jour même, les frères furent emmenés de Lourenço Marques et dirigés vers la frontière de l’Afrique du Sud. Dans la voiture qui les emportait, ils se virent entourés de policiers armés jusqu’aux dents. Arrivés à la frontière, les frères, qui possédaient encore quelques publications, donnèrent le témoignage aux policiers, leur laissèrent des imprimés et, avant de les quitter, leur serrèrent la main à tous.

      L’évêque du Mozambique passa encore à l’action en 1937. Frère Myrdal fut alors convoqué par le chef de la police, qui lui dit que l’évêque s’était plaint auprès de lui. Le prélat affirmait que les publications de la Société diffusées dans le pays étaient susceptibles de provoquer un soulèvement armé, une véritable révolution. Frère Myrdal voulut lui donner des explications, mais le policier refusa de l’écouter et l’avertit que s’il continuait à répandre des imprimés il serait aussitôt expulsé.

      Mais frère Myrdal ne se laissa pas intimider. Il demanda à être reçu par le gouverneur général. Il voulait faire appel de la décision de la police. Le gouverneur, qui était un homme aimable, mit l’affaire entre les mains de son adjoint, Senhor Mano. Il se trouva que Mano était une personne raisonnable, catholique de nom, mais en désaccord avec nombre de doctrines de l’Église. Il lut attentivement les publications de la Société et en conclut que l’accusation selon laquelle ces imprimés étaient susceptibles de provoquer une révolution était absolument sans fondement. Il déclara qu’aucune mesure ne serait prise. L’évêque ne réussit donc pas à se débarrasser des témoins de Jéhovah.

      Pendant tout ce temps, les employeurs de frère Myrdal se demandaient s’il allait être expulsé. Ils n’avaient pas l’air content ; c’est pourquoi frère Myrdal leur envoya sa démission. Au lieu de l’accepter, ils décidèrent de le faire muter à leur succursale de Johannesburg, mais plus tard, en 1939.

      En 1938, on tenta de nouveau d’envoyer des pionniers européens à Lourenço Marques. David Norman revint, cette fois avec un nouveau compagnon, frère Frank Taylor, qui venait d’Angleterre. Mais ils étaient à peine arrivés que la police entra en action. On leur laissa le choix : ou bien ils cesseraient leur prédication, ou bien ils seraient expulsés. La filiale du Cap leur demanda de revenir en Afrique du Sud, mais de laisser tout un stock de publications chez les Myrdal.

      Entre-temps, le gouverneur général, personnage sympathique et aimé du peuple, fut rétrogradé par les autorités et muté dans la petite colonie portugaise de Goa, aux Indes. Un fonctionnaire catholique, un homme violent, lui succéda.

      Sachant que le séjour des Myrdal au Mozambique allait se terminer, la Société leur demanda d’envoyer des publications à tous les fonctionnaires gouvernementaux du pays. Les Myrdal mirent des centaines de publications en portugais sous enveloppe et, la veille de leur départ, les postèrent dans diverses boîtes aux lettres.

      S’il n’a pas été possible d’éveiller dans le champ européen un intérêt véritable, par contre, dans le champ africain, l’œuvre continuait à progresser. En 1940, les proclamateurs africains du Mozambique étaient au nombre de trente-huit. Ils se réunissaient dans quatre centres.

      L’ŒUVRE S’ORGANISE AU NYASSALAND

      Après la visite de frère Hudson au Nyassaland, en 1925, les quelques personnes qui continuèrent à rechercher la direction de la Société restèrent en contact avec la filiale du Cap. Puis, en 1933 se manifesta un petit noyau d’intéressés qui avaient besoin d’aide. On demanda aux autorités la permission de faire venir un représentant européen au Nyassaland. La demande fut agréée par le gouverneur. En mai 1934, donc, un dépôt fut ouvert dans le pays, à Zomba, sous la direction de la filiale sud-africaine. Autant qu’en put juger la filiale, il y avait environ une centaine d’intéressés au Nyassaland. Bert McLuckie fut envoyé d’Afrique du Sud pour organiser l’œuvre au Nyassaland.

      Frère McLuckie se rendit chez Richard Kalinde. Il demeura chez lui pendant environ un mois. Ce frère africain devait lui devenir très proche pendant son séjour au Nyassaland. Bert McLuckie venait tout juste de se mettre à l’œuvre quand il fut terrassé par un accès de malaria qui le cloua sur un lit d’hôpital pendant quinze jours. Une fois remis, il loua deux pièces qui devaient faire office de dépôt de la Société. En attendant, une pièce lui servit de bureau et l’autre de chambre à coucher.

      Son travail consistait essentiellement à résoudre la situation confuse créée par les faux “mouvements de la Tour de Garde”. Ce fut moins difficile qu’il le craignait. D’abord, le chef de la police reconnut volontiers que ces faux mouvements africains n’avaient rien à faire avec la Watch Tower Bible and Tract Society. D’autre part, frère McLuckie avait reçu de la filiale du Cap des consignes précises sur la manière de régler la situation. Il visita donc un groupe après l’autre, dans tout le Nyassaland. Dans chaque groupe, il faisait un discours, interprété par frère Kalinde. Puis il lisait la résolution publiée dans la brochure Le Royaume, l’Espérance du Monde, résolution qui avait trait au nom biblique de témoins de Jéhovah. Il demandait ensuite à tous ceux qui étaient pour la résolution de lever la main. La plupart levaient la main, mais ce qui se passa par la suite devait montrer que beaucoup n’étaient pas sincères.

      Frère McLuckie fit d’autres visites aux congrégations, de temps à autre. Il en aida beaucoup à mettre fin au soutien qu’ils apportaient aux faux “mouvements de la Tour de Garde” et à leurs chefs. Pendant qu’il accomplissait toute cette œuvre, bien des aventures lui arrivèrent, car nombre de congrégations se trouvaient en pleine brousse. Il arrivait aux frères de l’endroit de faire des routes sur des kilomètres dans la brousse, pour que sa voiture pût passer et parvenir jusqu’aux lieux de réunion. Il y avait un groupe isolé qu’on ne pouvait atteindre qu’en pirogue, par une rivière infestée de crocodiles. C’était donc un voyage fort dangereux. Frère McLuckie s’asseyait sur un siège au milieu de la pirogue, veillant à ne pas la faire chavirer, tandis que les pagayeurs africains se relayaient. Le frère fut très reconnaissant pour tous les services que lui rendirent ces frères et heureux de voir combien ils appréciaient les choses spirituelles.

      Frère McLuckie déploya aussi son activité parmi les Européens du Nyassaland, et, un jour, il visita une localité appelée Karonga. Pour y parvenir, il dut emprunter la route qui dévale la montagne Livingstonia et qui fait des lacets si dangereux qu’il dut la descendre très lentement et faire appel à toute son expérience de conducteur. Arrivé sur les lieux, il rencontra deux commerçants grecs, qui prirent des publications dans leur langue. Plus tard, l’un d’eux prit le baptême.

      En novembre 1934, deux pionniers d’Afrique du Sud traversèrent l’Afrique-Orientale portugaise et entrèrent au Nyassaland. Il leur fut possible de donner le témoignage aux petites colonies européennes de Zomba, Blantyre, Limbe, etc. Ils répandirent sept cents livres et brochures. Ce fut, semble-​t-​il, la première fois qu’on faisait du porte-​à-​porte chez les Européens de ces endroits.

      C’est ainsi que, finalement, une solide organisation théocratique fut fondée au Nyassaland. On recueillait aussi les rapports d’activité et, pour 1934, les proclamateurs furent en moyenne au nombre de vingt-huit. Peu après, frère McLuckie fut rappelé à la filiale du Cap. Son frère, Bill McLuckie, se chargea du dépôt du Nyassaland, le 17 mars 1935. Il servit fidèlement dans ce pays pendant bien des années.

      Au fur et à mesure que s’établissait l’organisation théocratique parmi les intéressés du Nyassaland, le nombre des proclamateurs qui remettaient un rapport augmentait rapidement. En 1935, les 28 proclamateurs de 1934 étaient devenus 340 ! Pendant ce temps, l’opposition se faisait plus vive. Certains missionnaires de la chrétienté poussaient les autorités à prendre des mesures. Ils firent tant et si bien qu’en novembre 1934 une de nos brochures et L’Âge d’Or furent interdits. Mais cela n’arrêta pas l’accroissement, et, en 1937, on compta 48 congrégations, avec un chiffre de pointe de 1 319 proclamateurs.

      Peu après, quelques discours furent enregistrés en cinyanja, à la plus grande joie des frères africains. Nombre de congrégations se cotisèrent pour acheter des phonographes. Certains frères allaient pêcher ensemble sur le lac Nyassa, puis vendaient le poisson au marché. Ils mettaient ensuite l’argent dans leur “caisse pour le phonographe”. Dans le nord, les frères achetaient parfois un grand arbre qu’ils abattaient et acheminaient vers le village par la rivière. Puis ils se mettaient à le creuser et en faisaient une pirogue. Ils vendaient le bateau et, avec l’argent de la vente, ils se procuraient un phonographe. Cela représentait des mois de labeur pour les proclamateurs, mais cela leur permettait d’acheter un phonographe et d’augmenter l’efficacité de leur prédication. Cette année-​là parut le livre Richesses, ouvrage qui apporta aux congrégations une nourriture spirituelle substantielle. Et le serviteur du dépôt put signaler dans son rapport que jamais encore il n’avait régné une telle unité parmi les frères.

      NOUVEAUX EFFORTS EN AFRIQUE-ORIENTALE BRITANNIQUE

      Comme nous l’avons vu plus haut, en 1931 l’Afrique-Orientale britannique reçut la visite des frères Gray et Frank Smith et, par la suite, celle de Robert Nisbet et de David Norman. Ils répandirent quantité de publications durant leur séjour et donnèrent un bon témoignage. Mais voici qu’était venu le temps d’une nouvelle visite.

      La troisième campagne en Afrique orientale commença en 1935, quand arrivèrent quatre pionniers d’Afrique du Sud : Gray Smith et sa femme et les deux frères Nisbet : Robert et Georges. Cette fois, ils étaient bien équipés. Ils disposaient de deux grandes voitures de livraison, qui avaient été aménagées (lits, cuisine, réserves d’eau et d’essence, moustiquaires). Grâce à ces véhicules, ils purent atteindre des endroits qui n’avaient jamais reçu le témoignage, malgré l’état des routes que recouvrait parfois une végétation haute de trois mètres. Ils dormaient souvent en pleine brousse et entendaient battre le cœur de l’Afrique avec tous ses animaux sauvages : lions qui peuplaient la nuit de leurs rugissements, zèbres qui paissaient paisiblement, girafes au long cou, masses imposantes des éléphants et des rhinocéros.

      Quand ils furent arrivés au Tanganyka, ils se séparèrent. Frère Smith et sa femme restèrent au Tanganyka pendant quelque temps, tandis que les frères Nisbet se rendirent à Nairobi, où les Smith devaient les rejoindre par la suite. Pendant leur séjour au Tanganyka, les Smith furent arrêtés et reçurent l’ordre de retourner en Afrique du Sud. Mais frère Smith décida d’aller à Nairobi, car il possédait un passeport sud-africain avec la mention “sujet britannique de naissance”. En arrivant à Nairobi (Kenya), sa femme et lui allèrent aussitôt trouver la police qui leur permit de rester après versement d’une caution de 100 livres (280 dollars), somme qui leur fut rendue le jour de leur départ.

      Ils se rendirent ensuite dans l’Ouganda. En arrivant à Kampala, ils constatèrent que la police les surveillait constamment. Néanmoins, ils réussirent à répandre pas mal de publications avant de devoir partir, frappés par un arrêt d’expulsion pris à leur encontre par le gouverneur. Ils revinrent donc à Nairobi, où ils se joignirent de nouveau aux frères Nisbet.

      Là aussi les autorités ne leur furent pas favorables. Ils purent toutefois donner un excellent témoignage. De nombreuses publications furent répandues : 3 000 livres et 7 000 brochures ; beaucoup s’abonnèrent à L’Âge d’Or. On éleva une vigoureuse protestation contre les arrêts d’expulsion, mais les autorités ne donnèrent aucune explication satisfaisante.

      Durant cette campagne, Robert Nisbet contracta la fièvre typhoïde et il resta à l’hôpital de Nairobi, tandis que les autres entamaient le chemin du retour. Frère Smith et Georges Nisbet voulurent se rendre à Zanzibar, mais les autorités refusèrent. Ils rentrèrent donc en Afrique du Sud. Robert Nisbet guérit, et, plus tard, en 1955, il devint le premier surveillant de filiale de l’île Maurice. Son frère Georges, après une période d’activité missionnaire dans l’île Maurice, fut renvoyé en Afrique du Sud et, en 1958, devint membre de la filiale sud-africaine.

      Ces pionniers qui ouvrirent la voie en “Afrique noire” étaient, à coup sûr, animés d’une grande foi, d’une foi qui leur permit d’affronter toutes les difficultés et tous les dangers. Sur ces six pionniers, quatre firent de longs séjours à l’hôpital, terrassés par les fièvres (malaria, typhoïde, hématurie). Grâce à leurs efforts, des quantités énormes de publications furent répandues, ce qui posa le fondement de l’œuvre d’édification spirituelle que devaient entreprendre dans les années cinquante les missionnaires sortis de Galaad.

      DE NOUVEAUX PROGRÈS EN RHODÉSIE DU SUD

      La dernière visite en Rhodésie du Sud (actuellement la Rhodésie) datait de 1929. C’était une sœur qui se trouvait dans les rangs des pionniers qui s’y était alors rendue toute seule. C’était sœur Adshade, qui rencontra beaucoup de difficultés auprès des autorités. Puis, en mai 1932, ce sont des pionniers d’Afrique du Sud qui se rendirent dans ce territoire. Ils étaient quatre, dans deux voitures : Frère et sœur Piet de Jager, ainsi que Robert Nisbet et Ronald Snashall. Ils se présentèrent à la frontière un samedi après-midi, alors que les fonctionnaires faisaient une partie de tennis. Les frères leur déclarèrent qu’ils représentaient l’Association internationale des Étudiants de la Bible. Les fonctionnaires, qui semblaient pressés de reprendre la partie, ne posèrent pas d’autres questions. Mais bientôt le pot aux roses fut découvert. Après quelques jours d’activité à Bulawayo, les pionniers furent convoqués à la CID (Service des enquêtes criminelles) et aussi au poste de police ; ils durent rédiger de longues déclarations.

      Quelques jours après, sur l’ordre du gouverneur, on demanda aux frères de quitter le pays dans les quarante-huit heures. Il ne leur fut pas permis de faire appel. Ils consultèrent un homme qui leur était favorablement disposé et, sur son conseil, ils insistèrent pour faire appel et refusèrent de partir tant qu’un jugement ne serait pas rendu. Ils présentèrent leur appel au chef de la CID, qui devait le transmettre au gouverneur. Le lendemain, la presse anglaise et la presse sud-africaine firent paraître des articles sur l’incident. Le Cape Times du 30 mai 1932 écrivit ceci : “BULAWAYO, samedi. Quatre visiteurs européens de l’Union, qui sont arrivés voici trois semaines dans l’intention de faire œuvre de missionnaire, ont reçu l’ordre de quitter la colonie lundi prochain, les autorités les considérant comme des ‘habitants ou visiteurs indésirables’.

      “Les autorités désapprouveraient les doctrines que les missionnaires ont l’intention de propager.”

      Pendant ce temps, les frères avaient contacté la filiale londonienne et, de là, la Société envoya un télégramme au haut-commissaire de la Rhodésie du Sud. À la suite de quoi, les autorités changèrent d’avis et il fut permis aux frères de rester pendant six mois, à condition de ne pas déployer leur activité parmi les Africains. C’était la troisième fois qu’un excellent témoignage était donné à la population européenne de la Rhodésie du Sud. Il ne semble pas qu’à l’époque leur œuvre ait éveillé un intérêt particulier, mais ils purent donner le témoignage aux portes et remettre à presque tous les chefs du pays un exemplaire du livre Justification et la brochure Le Royaume, l’Espérance du Monde.

      Pendant leur séjour, frère de Jager alla voir dans sa ferme le premier ministre de la Rhodésie, Mr Moffat. Apparemment l’entretien fut cordial. Aussi frère de Jager écrivit-​il aux autorités, leur demandant la permission de faire venir des représentants européens pour que l’œuvre de la Société Watch Tower parmi les Africains fût bien dirigée. C’était en octobre 1932 qu’il rédigea les lettres. La filiale du Cap, elle, avait déjà envoyé, le 14 septembre 1932, une lettre dans ce sens au secrétaire colonial du gouvernement de la Rhodésie du Sud. Cependant les efforts conjugués de la filiale sud-africaine et de frère de Jager n’aboutirent pas. Les autorités rhodésiennes, influencées par le clergé, avaient, semble-​t-​il, fermé la porte sur les témoins de Jéhovah de Rhodésie.

      La filiale du Cap ne resta pas sans réagir. Elle écrivit une longue lettre au secrétaire colonial de la Rhodésie, en octobre 1932, une lettre rédigée en termes fort nets. La réponse ne se fit pas attendre. La voici : “Le gouvernement ne peut revoir sa décision, qui vous a été communiquée, selon laquelle certains représentants de votre Société ont été déclarés interdits de séjour dans cette colonie.” On écrivit encore une lettre un an plus tard, en novembre 1933, mais adressée cette fois au ministère des Affaires intérieures de Rhodésie. La réponse fut la même.

      La filiale du Cap ne se tint pas pour battue. Chaque année, et cela pendant plusieurs années, elle écrivit une longue lettre aux autorités de Salisbury, leur demandant l’autorisation d’envoyer des représentants spéciaux pour organiser et diriger l’œuvre du Royaume. Régulièrement le gouvernement refusait. Le fait qu’en 1934 les chefs du Nyassaland autorisèrent l’ouverture d’un dépôt et permirent à un frère d’organiser l’œuvre dans ce pays, ainsi que le fait que la même chose a pu se faire en Rhodésie du Nord, en 1936, ces deux faits étaient autant d’arguments pour la filiale du Cap. En 1938, on fit deux demandes et, en réponse à la seconde, une lettre datée du 16 novembre 1938 et en provenance du secrétaire des Affaires indigènes, disait ceci : “Je suis autorisé à vous dire que le gouvernement n’est pas prêt à reconnaître la Société tant que nous n’aurons pas pu observer plus longtemps les effets de la reconnaissance légale en Rhodésie du Nord et au Nyassaland. D’autre part, il est peu probable que le gouvernement reconnaisse la Société tant que ses écrits ne répondront pas mieux aux besoins des indigènes de la colonie.”

      Mais les efforts pour faire progresser l’œuvre du Royaume en Rhodésie du Sud revêtirent d’autres formes qu’un échange régulier de lettres entre la filiale du Cap et le gouvernement de la Rhodésie du Sud. Le 25 octobre 1935, le journal officiel de la Rhodésie du Sud (Southern Rhodesia Government Gazette) publia le texte de deux projets de loi destinés à réglementer l’œuvre de prédication. L’un des deux projets (“Native Preachers Act, 1936”) avait pour but la réglementation des mouvements religieux parmi les indigènes, grâce à des certificats qui seraient délivrés aux prédicateurs et aux enseignants indigènes. Après bien des débats, ce projet de loi fut repoussé. L’autre projet de loi (“Sedition Act, 1936”) visait à la suppression des déclarations des journaux, des livres, des images et des disques jugés séditieux. Les débats que provoqua ce projet ne laissèrent subsister aucun doute : on cherchait à atteindre l’œuvre de la Société. Ce projet de loi était manifestement une arme nouvelle dirigée contre le témoignage du Royaume. Le président Rutherford lui-​même écrivit une lettre au premier ministre de la Rhodésie du Sud et à tous les membres de l’assemblée législative. La filiale du Cap reproduisit cette lettre à 25 000 exemplaires, qui furent envoyés à tous les Européens dont le nom paraissait dans le répertoire d’adresses de la Rhodésie du Sud.

      Malgré tous ces efforts, le projet de loi fut adopté et, peu après, quatorze publications de la Société furent rangées parmi les écrits séditieux (sept livres et sept brochures). Voulant créer un cas dont la solution ferait jurisprudence, la Société envoya aussitôt par la poste des exemplaires des ouvrages interdits à un frère africain nommé Kabungo, qui visitait à l’époque les congrégations de la Rhodésie du Sud. Ils furent saisis par la douane à Bulawayo. La Société répliqua en demandant mainlevée de la saisie. L’affaire vint devant la Haute Cour de la Rhodésie du Sud, en mai 1937. L’avocat de la Société, Mr Beadle (il devint plus tard juge en Rhodésie), avait étudié attentivement nos publications. Dans une discussion avec frère Phillips, le surveillant de la filiale sud-africaine, discussion qui eut lieu pendant les deux jours qui précédèrent le procès, cet homme montra qu’il connaissait bien le contenu de nos ouvrages. Quand commencèrent les débats, on parla pendant plusieurs jours de ces livres. Frère Phillips, qui était venu du Cap, était assis à côté de l’avocat et l’aidait à trouver les passages bibliques et à bien expliquer les extraits des quatorze publications mises en cause. Après les débats, le président du tribunal, J. Hudson, déclara qu’il lirait les livres avant de rendre son verdict. Il rendit sentence le 23 septembre 1937. Le juge pesa le pour et le contre des arguments de la défense, puis il résuma son opinion en ces termes : “Ce qui caractérise ces publications, c’est qu’elles ont toutes été écrites de bonne foi, avec l’intention d’attirer l’attention sur les tares fondamentales des gouvernements terrestres, dans leur organisation comme dans leur administration. (...) Mon opinion, donc, est qu’aucune de ces publications n’est séditieuse.”

      Ce fut là une importante victoire de la Société. Mais le gouvernement répliqua en faisant appel. L’affaire vint donc devant un tribunal d’appel (Division d’appel de la Cour suprême de l’Union sud-africaine) le 15 mars 1938. Le 22 mars 1938, le juge N. J. de Wet rendit son jugement. C’était une confirmation du jugement du tribunal de la Rhodésie du Sud. L’affaire fit grand bruit dans la presse de Rhodésie et d’Afrique du Sud. Le Chronicle de Bulawayo publia tous les attendus du jugement. Un grand témoignage fut donné et la Société obtint mainlevée de la saisie sur les publications.

      L’œuvre parmi les frères fit de bons progrès. En 1938, les proclamateurs étaient au nombre de 321 et disposaient de 20 phonographes. On comptait 34 groupes ou congrégations.

      Au début de 1938, la Société demanda de nouveau l’autorisation d’envoyer deux représentants qui déploieraient leur activité dans le champ européen. L’autorisation lui fut accordée, “à condition que chacun, avant son arrivée ou à son arrivée, s’engage par écrit à ne pas diffuser de publications, à ne pas tenir de réunions publiques et à ne faire aucune propagande parmi la population indigène de la Rhodésie du Sud”. Ainsi, bien que la fortune de la bataille eût tourné en faveur de la Société, les hostilités n’étaient pas terminées.

      Les deux pionniers qui furent envoyés par la Société en 1938 furent Robert Nisbet et Jim Kennedy, un Sud-Africain qui n’avait pas encore une longue expérience du service de pionnier. À la frontière, on les questionna et, finalement, on leur accorda un permis de séjour de six mois. Ils prêchèrent parmi les Européens. Dans une région de mines d’or, ils placèrent 200 livres en un seul jour. Partout, les gens semblaient avoir entendu parler d’eux et attendaient leur visite. Les fermiers, en général, étaient aimables et hospitaliers, mais quelques-uns, en entendant le nom de “Tour de Garde”, voyaient rouge.

      À Bulawayo, nos pionniers rencontrèrent frère McGregor, qui avait été dans la vérité en Écosse, mais qui s’était refroidi. Ils lui prodiguèrent des encouragements et, après quelque temps, il reprit l’activité. Les pionniers trouvèrent encore la famille Gunn, qui, douze ans auparavant, avait été contactée par Georges Phillips et Henri Myrdal. Eux aussi étaient inactifs, mais les deux pionniers les aidèrent à reprendre vie sur le plan spirituel. C’est ainsi qu’en 1938 ils furent à même d’organiser un groupe à Bulawayo. Ce fut le premier groupe d’étude européen, qui comptait dix-sept intéressés. Par la suite, frère McGregor fit fonction de représentant de la Société en Rhodésie et se rendit très utile, recueillant les rapports et veillant aux intérêts du Royaume dans ce pays.

      DIFFICULTÉS EN RHODÉSIE DU NORD

      Les témoins étaient en train de gagner la bataille en Rhodésie du Sud. Mais que se passait-​il dans le pays voisin, la Rhodésie du Nord (Zambie), où, en 1925, Mwana Lesa avait causé tant de difficultés ?

      Les années qui suivirent l’épisode de Mwana Lesa furent des années difficiles. Les groupes se trouvaient dans la plupart des grands centres le long de la voie ferrée, qui avait été posée depuis Livingstone, à la frontière méridionale, jusque dans la zone des mines de cuivre et à la frontière du Congo. Ces groupes s’étaient formés autour de personnes qui correspondaient avec le siège de Brooklyn ou avec la filiale du Cap. Il s’agissait surtout de commandes de publications ou de dons. Celui qui faisait la correspondance devenait le chef du groupe et était reconnu pour tel par les autres.

      Étant constamment en butte aux tracasseries des autorités et se trouvant privées de toute direction de l’organisation, les personnes se réunissaient par petits groupes dans les maisons. Cependant des chrétiens sincères et dévoués étudiaient attentivement la Parole de Dieu avec les pauvres moyens dont ils disposaient.

      Thomson Kangalē était un jeune homme sincère. En 1931, Thomson, qui avait alors une vingtaine d’années, se trouva sans travail après la fermeture de la mine Bwana Mkumwa, par suite de la grande crise économique mondiale. Il réussit à se faire embaucher à la mine Nkana, à Kitwe. On lui demanda un jour de s’occuper des deux équipes de football de la mine. Il partageait sa chambre avec un tout jeune homme, le gardien de but. Un dimanche, ce jeune homme assista par hasard à une réunion des témoins de Jéhovah. Quand il en revint, il avait en main un volume format de poche des Études des Écritures. À voir l’application que mettait son compagnon à comprendre le livre, Thomson fut intrigué. Il décida de se rendre à une de ces réunions pour voir ce qui s’y passait. Il assista à une réunion où il fut beaucoup question du livre La Harpe de Dieu. Thomson se procura un exemplaire. Il raconte que, revenu chez lui, il dévora le contenu de l’ouvrage et que bientôt il “renonça à tout sentiment personnel pour faire l’œuvre de Dieu”. Il prit le baptême dans la même année. Frère Thomson Kangalē entreprit le service de pionnier le 13 octobre 1937. Il fut serviteur des frères et serviteur de district (surveillant de circonscription et surveillant de district). Il annonça aussi la bonne nouvelle au Tanganyika et dans l’Ouganda, où il fut envoyé par la filiale de la Rhodésie du Nord.

      Cependant, quand on se reporte aux quelques années qui ont précédé l’époque où frère Kangalē a connu la vérité, on constate que l’œuvre a rencontré une forte opposition en Rhodésie du Nord. Tous les efforts qu’a faits la Société de 1927 à 1934 pour envoyer des représentants européens qui auraient pu diriger en permanence l’œuvre en Rhodésie du Nord, tous ces efforts échouèrent. Les deux dernières demandes envoyées durant cette période furent celle du 12 octobre 1932 et celle du 20 septembre 1934 (on accusa réception de cette dernière, mais sans lui donner une suite favorable). Les événements qui suivirent révélèrent qu’un projet était mis sur pied en vue de la suppression de l’œuvre.

      À l’époque, quelques-uns des écrits de la Société, tels que La Harpe de Dieu et plusieurs brochures, avaient été traduits et publiés en cinyanja. Dans leurs études, les intéressés se servaient du manuel La Harpe de Dieu. Un rapport incomplet de l’Annuaire de 1935 indique que la poignée de proclamateurs des deux Rhodésies avaient répandu 11 759 publications en 1934. Leur activité souleva la colère des ecclésiastiques et des éléments politiques. Ceux-ci accusèrent les représentants de la Société d’être responsables des croyances et de la conduite des mouvements indigènes et se mirent à ‘façonner le méfait’ en recourant à la loi. — Ps. 94:20, Osty, MN.

      ‘ON DONNE FORME AU TOURMENT PAR DÉCRET’

      On donna forme à ce méfait par un amendement apporté au code pénal de la Rhodésie du Nord, amendement proposé le 3 mai 1935 au conseil législatif par le procureur général Fitzgerald, un catholique bon teint. Cette loi fut appelée par la suite l’Ordonnance 10 de 1935. Elle visait manifestement les publications de la Société. Voici ce que déclara Fitzgerald : “[Cette loi] rend illicites la vente et la diffusion des journaux séditieux ; elle donne à certains fonctionnaires le droit d’ouvrir les paquets postaux, pour s’assurer qu’ils ne contiennent pas d’imprimés séditieux ; et, finalement, ce qui est essentiel, elle confère au gouverneur le droit d’interdire par décret l’importation dans le territoire de tout journal, livre ou document jugé séditieux.” Fitzgerald reconnut avoir agi sur certains conseils, sans nul doute sur ceux de la conférence des missionnaires qui s’était tenue aux Chutes Victoria. Certains membres du Conseil, qui défendaient la liberté, s’opposèrent à ce projet de loi. Il fut néanmoins adopté et cette loi fut un bon instrument entre les mains des ennemis. Quand, en 1935, des émeutes éclatèrent dans le Cooper Belt (zone des mines de cuivre), ce fut pour eux l’occasion rêvée pour s’en prendre aux témoins de Jéhovah.

      Dès les premiers troubles, il apparut clairement que les ennemis des témoins de Jéhovah étaient résolus à faire d’eux des boucs émissaires. À l’époque des émeutes, il n’y avait que 350 témoins de Jéhovah dans les deux Rhodésies. Ce fut pour tenter d’harmoniser l’œuvre de la Rhodésie du Nord avec celle des autres pays que fut tenue à Lusaka, par les témoins africains, du 10 au 12 mai, une assemblée non officielle. La CID (Service des enquêtes criminelles), qui crut sans doute que l’assemblée de Lusaka avait quelque rapport avec les troubles qui se produisirent à la fin mai dans le Copper Belt, fit des perquisitions chez les témoins de Jéhovah de la Rhodésie du Nord et de la Rhodésie du Sud. À Luanshya, six témoins de Jéhovah furent arrêtés le 5 juin et maintenus en prison pendant trois jours, après quoi on les relâcha, sans rien retenir contre eux. À Ndola, un infirmier de l’hôpital du gouvernement perdit sa place parce que c’était un témoin de Jéhovah. Dans tout le pays, on agit de même à l’égard des témoins, à l’instigation des fonctionnaires du gouvernement. Dans une lettre datée du 1er juillet 1935 et adressée au principal responsable du gouvernement de la Rhodésie du Nord, le surveillant de la filiale du Cap prit la défense des témoins de Jéhovah et demandait de mettre un terme aux persécutions.

      Les témoignages recueillis par la Commission d’enquête créée à la suite des émeutes, et qui parurent en deux volumes, révèlent que pas un seul témoin de Jéhovah n’avait pris part au soulèvement. Au contraire, Mr J. L. Keith, commissaire du district de Ndola, a déclaré ceci : “Les témoins de Jéhovah et la Tour de Garde en tant qu’organisation n’ont pas pris part à la grève.”

      Les dépositions qui ont été recueillies prouvent que ce sont les Awembas, en majorité catholiques et fort hostiles aux témoins de Jéhovah, qui furent à l’origine des troubles. Ce qui provoqua les émeutes, ce fut l’augmentation de l’impôt de capitation. Voici ce qu’a déclaré le directeur d’une mine de cuivre (Roan Antelope Copper Mine — Luanshya) : “Chaque fois que nous demandions ce qui avait provoqué les troubles, la réponse était toujours la même : l’augmentation de l’impôt.”

      Juste avant l’audition de la Commission, audition qui commença le 8 juillet 1935, la filiale du Cap, qui persistait à demander au gouvernement rhodésien la permission d’envoyer un représentant européen en Rhodésie du Nord, reçut enfin une réponse. Une lettre en provenance du gouvernement et portant la date du 24 juin 1935 disait ceci : “Le gouvernement (...) ne voit plus d’objection à toute mesure que vous pourrez prendre pour assurer une meilleure surveillance de vos adeptes.” Il fut décidé d’envoyer Piet de Jager, mais le gouvernement de la Rhodésie du Nord objecta, disant qu’il voulait “quelque membre plus ancien du personnel de direction de la Société”. Quand il reçut l’assurance que Piet de Jager n’était envoyé que pour se livrer à une enquête et faire un rapport et que, par la suite, ce serait quelqu’un d’origine anglaise qui prendrait la direction, alors le gouvernement fut d’accord. La Société et les témoins de Jéhovah avaient été accusés devant la Commission d’enquête, et le gouvernement lui avait soumis toute une série d’“extraits” de nos publications, pour qu’elle pût en déterminer la nature subversive. C’est pourquoi il fut décidé d’envoyer Piet de Jager à temps pour qu’il pût déposer en faveur de la Société. Il donna un excellent témoignage et expliqua tous les “extraits” jugés “subversifs”. Même J. L. Keith, un fonctionnaire du gouvernement, reconnut qu’ils n’étaient pas plus subversifs que des extraits de la Bible.

      Les conclusions de la Commission furent publiées le 2 octobre 1935. Voici ce qu’elle disait : “La Commission est arrivée à la conclusion que ce qui a provoqué les troubles de Mufulira, ce fut lorsque la police de la mine annonça soudain dans la soirée que l’impôt serait uniformément augmenté de 15 shillings. Elle est encore arrivée à la conclusion que ce qui a provoqué les troubles de Nkana et de Luanshya, ce fut lorsqu’on annonça mensongèrement que la grève avait réussi, sans oublier le fait qu’on mit les indigènes au défi de montrer qu’ils n’étaient pas des vieilles femmes.” Mais les ennemis de Jéhovah exultèrent quand ils entendirent ceci à propos de la Société : “La Commission est arrivée à la conclusion que les doctrines et les publications de la Société Watch Tower font tomber dans le mépris tant l’autorité civile que l’autorité spirituelle, et plus particulièrement l’autorité indigène ; que c’est là un mouvement dangereusement subversif ; et que cela a pu provoquer les troubles de ces derniers temps.”

      C’est précisément ce que voulaient nos ennemis. Rien d’étonnant donc que le 4 octobre 1935, le gouverneur, Hubert Young, usa des pouvoirs que lui conférait l’Ordonnance 10 de 1935 pour interdire toute une série de nos livres, y compris La Harpe de Dieu, le seul ouvrage en cinyanja largement utilisé par les indigènes, et un autre ouvrage qui n’était plus imprimé depuis dix ans ! Finalement, tout fut interdit, à l’exception de deux brochures de Rutherford.

      Le rapport de la Commission et l’interdiction de nos livres, tout cela fit grand bruit dans la presse. La plupart des articles nous étaient hostiles, mais la filiale du Cap prit chaque fois la défense de la vérité. Dans une édition spéciale, un journal de Ndola (Northern Rhodesia Advertiser du 16 octobre 1935) donna un excellent témoignage. En effet, le journal publiait la déposition de la Société devant la Commission, ainsi que toute la correspondance. Dans ce numéro, l’éditeur invitait tout le monde à venir voir dans son bureau les ouvrages interdits. “Nous les avons tous dans notre bureau. Quiconque souhaite les consulter est prié de venir. (...) N’ayez pas peur. Venez voir de quoi il s’agit et faites-​vous une opinion par vous-​mêmes.” Dès que le rapport de la Commission fut publié, il arriva que des exemplaires des brochures Gouvernement et Intolérance, accompagnés d’une lettre explicative, finirent par se trouver entre les mains de tous les Européens de la Rhodésie du Nord.

      ON OBTIENT UN CERTAIN SUCCÈS

      Voici ce qu’écrivit encore le journal cité ci-dessus (Northern Rhodesia Advertiser), qui attirait l’attention sur l’illogisme de l’administration de la Rhodésie du Nord : “Que l’on soit pour ou contre les témoins de Jéhovah, il est clair que quelque chose ne tourne pas rond dans l’administration quand on sait qu’en 1933 le gouverneur du Nyassaland leur a permis d’entrer au pays, alors que, devenu gouverneur de la Rhodésie du Nord, il (le même homme) ne leur accorde le droit de séjour qu’après bien des hésitations. Puis, après deux mois, il leur demande de plier bagage sans raison valable. Et n’oublions pas que tout ce qu’on reproche aux membres de ‘La Tour de Garde indigène’ ne se serait pas produit si l’on avait laissé les témoins entrer au pays auparavant.”

      L’éditeur du journal faisait allusion au fait que le gouvernement avait demandé à la Société de rappeler frère de Jager après deux mois de séjour, “car les habitants européens ont officiellement protesté contre sa présence dans cette ville, et ses activités paraissent créer des perturbations”. Dans sa réponse, la filiale du Cap fit remarquer que le gouvernement de la Rhodésie du Nord lui avait accordé l’autorisation d’envoyer un représentant européen “après avoir mûrement réfléchi à la situation”, et que la mission de frère Jager en Rhodésie du Nord n’était qu’une étape préliminaire en vue de doter l’œuvre du pays d’une direction permanente. Le gouvernement demanda alors que la Société envoyât un autre représentant européen. On proposa Llewelyn Phillips, qui se chargerait de l’œuvre en ce territoire et ouvrirait sans retard un dépôt à Lusaka, à l’époque la nouvelle capitale de la Rhodésie du Nord. On reçut une lettre disant “que l’affaire était prise en considération et que la décision vous sera notifiée en temps voulu”. Le sujet fut de nouveau abordé par le surveillant de filiale dans une lettre datée du 25 novembre 1935 et adressée au secrétaire d’État de la Rhodésie du Nord “pour savoir si je puis envoyer maintenant Mr L. V. Phillips pour qu’il soit notre représentant dans ce pays”. Voici la réponse : “Il est peu probable que vous receviez une réponse précise avant quelque temps.”

      Pendant ce temps, frère de Jager, qui combattait courageusement pour la vérité, resta à Ndola. Voulant mettre en question la validité de la loi frappant nos publications, il offrit le 21 octobre 1935 deux des ouvrages interdits à l’éditeur d’un journal local. Tombant sous le coup de la loi, il fut condamné à une amende de deux livres par le juge de Ndola. Il fit appel devant la Haute Cour de la Rhodésie du Nord.

      C’est alors, pendant que l’affaire était en instance, que la question des témoins de Jéhovah et de la Tour de Garde fut évoquée à la Chambre des Communes. Cela eut lieu lorsque Mr Thurtle voulut obtenir “l’assurance que les témoins de Jéhovah et les adhérents du mouvement de la Tour de Garde seraient traités équitablement en Rhodésie du Nord”. Mr J. H. Thomas, ministre des Colonies, “déclara qu’il était en consultation avec le gouverneur de la Rhodésie du Nord à propos de la conduite à tenir”.

      La filiale du Cap passa aussitôt à l’action en envoyant le télégramme suivant au ministre des Colonies : “Vous demandons respectueusement de nous donner la possibilité de nous expliquer sur notre œuvre en Rhodésie du Nord avant que vous décidiez de la conduite à tenir. Vous envoyons lettre par avion.” Ce même jour une longue lettre lui fut adressée, qui contenait une explication circonstanciée du complot visant à supprimer notre œuvre en Rhodésie du Nord. Il y était question des conférences des missionnaires, de l’épisode Mwana Lesa, des troubles du Copper Belt et des difficultés à obtenir l’autorisation d’envoyer un représentant européen pour prendre en main la direction de l’œuvre et aider les Africains sincères. Puis venait l’appel suivant : “Nous vous prions de faire en sorte qu’il soit mis un terme à la discrimination injuste qui frappe les témoins de Jéhovah en Rhodésie du Nord ; de faire lever l’interdiction qui frappe nos publications, et de veiller à ce qu’il soit permis à nos vrais adhérents d’exercer leur droit naturel d’adorer Jéhovah Dieu selon leur conscience, sans obstacle.”

      Cela eut des résultats. En mars 1936, le surveillant de la filiale du Cap reçut une lettre du Secrétariat de la Rhodésie du Nord. Voici ce qu’écrivait le secrétaire en chef : “J’ai reçu l’ordre de (...) vous inviter à envoyer M. L. V. Phillips comme votre représentant à la place de M. P. J. de Jager, afin d’établir un dépôt à Lusaka. (...) Et aussi de me référer à votre lettre datée du 11 décembre et adressée au ministre des Colonies et de dire que le ministre en a examiné attentivement le contenu. Son Excellence le Gouverneur a déjà recommandé qu’un représentant européen soit admis en Rhodésie du Nord et le ministre vient d’approuver cette proposition.” Quelle victoire après une si longue bataille !

      UNE AUTRE BATAILLE CONTINUE

      Mais la lutte pour la liberté du culte n’était pas encore terminée, car nos publications se trouvaient toujours sous le coup de l’interdiction et, d’autre part, la Haute Cour n’avait pas encore statué sur le procès en appel. L’affaire vint devant la Haute Cour le 20 mai 1936 et le jugement fut rendu le 18 juin. L’appel avait été rejeté. Frère de Jager demanda aussitôt la permission de faire appel devant le Conseil privé. Le 15 septembre 1936, la Haute Cour de Rhodésie lui opposa un refus. Cependant la Société ne se tint pas pour battue dans cette lutte pour la liberté du culte. Elle s’assura des services d’un avocat de Londres, qui devait collaborer avec notre avocat en Rhodésie du Nord, pour que notre affaire parvienne devant le Conseil privé. Quel fut le résultat final ? Le comité judiciaire du Conseil privé de Londres refusa d’entendre l’affaire.

      En janvier 1936, une lettre spéciale de Rutherford, président de la Société, et qui était adressée aux membres de l’Assemblée législative de la Rhodésie du Sud, fut également envoyée aux membres du Conseil législatif de la Rhodésie du Nord, ainsi qu’au gouverneur et à la presse.

      En 1936, les témoins de Jéhovah de l’Union sud-africaine furent également très occupés à distribuer 50 000 exemplaires de L’Âge d’Or, No 425 ; et il y eut 20 000 exemplaires d’une publication spéciale, avec les mêmes données, qui furent répandus dans les deux Rhodésies. Nous y exposions les faits qui établissaient l’innocence des témoins de Jéhovah, y compris une lettre très ferme que Rutherford avait adressée à Alison Russell, président de la Commission d’enquête, après que celle-ci eut publié son rapport. Ainsi le public fut pleinement renseigné sur les visées des ennemis de la vérité.

      UNE AUTRE TÂCHE EST ENTREPRISE

      Tous les efforts de la Société pour obtenir la permission d’établir un dépôt en Rhodésie du Nord furent enfin couronnés de succès. Le dépôt fut ouvert le 16 juillet 1936, à Lusaka, juste en face du poste de police. Frère Llewelyn Phillips fut nommé serviteur du dépôt. Mais il restait encore une immense tâche à accomplir. Il s’agissait d’épurer l’organisation de tous les éléments indésirables, de la purifier de l’influence des “mouvements de la Tour de Garde” et de tout ce qu’avait produit l’absence de direction, et aussi d’enseigner aux cœurs sincères la saine doctrine de la Bible et d’organiser l’œuvre sur une base solide.

      La première chose que fit frère Llewelyn Phillips, ce fut de visiter de nombreux centres principaux. Là, avec l’accord des fonctionnaires du gouvernement, il rencontra beaucoup de personnes qui se réclamaient de la Société Watch Tower. Mais que constata-​t-​il ? Voici un extrait de son rapport : “Il devint clair que l’immense majorité de ces gens était comme les habitants de Ninive au temps de Jonas, ‘qui ne savaient pas la différence entre leur droite et leur gauche’. Beaucoup étaient sincères, d’autres, qui étaient fiers, estimaient que la Société offrait une mesure d’autonomie plus grande qu’aucune autre organisation religieuse. D’autres encore, comme le dit Jude, étaient des impies ‘qui changeaient la faveur imméritée de notre Dieu en prétexte d’inconduite’. (Ainsi, ils se partageaient les épouses et appelaient cela ‘le baptême de feu’).”

      Outre la confusion créée par les divers “mouvements de la Tour de Garde”, il y avait aussi le problème que posait le manque de publications par suite de l’interdiction, sans oublier l’analphabétisme. La plupart des frères étaient en effet analphabètes. Il y avait de nombreuses coutumes tribales qui étaient en conflit avec les Écritures. Les femmes, par exemple, ne s’asseyaient jamais à côté des hommes aux réunions. En outre, un Africain voit en sa femme la mère de ses enfants, la cuisinière, la jardinière, celle qui porte les fardeaux, etc. Il la considère rarement, sinon jamais, comme une compagne véritable, comme “son complément”. — Gen. 2:18.

      De plus, la plupart des frères avaient des difficultés à établir un lien entre la vie quotidienne et les vérités qu’ils apprenaient. Les frères avaient lu nos publications et savaient que le Royaume avait été établi dans les cieux en 1914, mais si on leur demandait combien d’années s’étaient écoulées depuis lors, ils n’en avaient pas la moindre idée. Beaucoup savaient que les gouvernements de ce monde étaient sous l’influence de Satan, mais ils ne comprenaient pas quels étaient leurs rapports véritables avec ces gouvernements. Comme ils vivaient isolés dans de petits villages en pleine brousse et n’avaient guère de relations avec le monde extérieur, ils n’arrivaient pas à saisir toutes les explications contenues dans les publications de la Société. Par exemple, le seul contact que beaucoup de villageois avaient avec le gouvernement était celui qu’ils avaient avec le commissaire local de district et leur tribunal indigène. Les seuls rapports que l’Africain avait avec la religion étaient parfois ceux qu’il avait avec l’école fondée par une mission. Et le seul commerce qu’il connaissait, outre le troc, était celui qui se faisait au magasin local. Aussi, quand il était question dans nos publications de la religion, de la politique et du commerce comme faisant partie de ce monde, ces frères pensaient qu’il s’agissait de l’école de la mission, du commissaire de district et du magasin local.

      Il fallut également réévaluer le nombre des véritables proclamateurs du Royaume, car il y en avait beaucoup qui ne remplissaient pas les conditions requises. C’était à cause de leur manque de connaissance et aussi à cause de leur mode de vie. Le premier rapport complet pour une année de service, rapport établi sous la direction du dépôt, indique qu’il y avait eu en 1937 une moyenne mensuelle de 756 proclamateurs, avec un maximum de 1 081. Ces frères reçurent la visite de pionniers qui faisaient fonction de serviteurs régionaux. Ces pionniers avaient reçu une formation au dépôt, avec des instructions détaillées sur des questions doctrinales et morales, et aussi en ce qui concerne l’organisation.

      Ces frères durent faire appel à tout leur amour pour Jéhovah pour bien s’acquitter de cette tâche. Ils rencontrèrent en effet des difficultés sans nombre. Certains villages se trouvaient à plus de 1 600 kilomètres de la voie ferrée principale, car il n’y avait qu’une seule voie qui traversait le pays. Il n’y avait pas de voies ferrées secondaires, sauf celles qui menaient au Copper Belt. Pour visiter les groupes d’intéressés, ces frères durent voyager la plupart du temps à bicyclette ou faire des centaines de kilomètres à pied à travers un pays sec, brûlant et dangereux. De plus, il leur fallut une énorme somme de patience et d’amour pour mettre sur pied de nouvelles congrégations. Parfois il leur fallait rester au moins deux mois avec une nouvelle congrégation, pour lui donner un semblant d’organisation. Il leur fallut encore combattre la tendance qu’avaient certains à être “chefs” dans l’organisation du Seigneur. Mais leur labeur fut béni, car en 1939 il y eut chaque mois une moyenne de 1 191 proclamateurs, avec sept pionniers, et un nouveau maximum de 2 378 proclamateurs en 1940. Il y avait 88 congrégations.

      UNE ORGANISATION PLUS SOLIDE EN AFRIQUE DU SUD

      Alors que la bataille se poursuivait dans les territoires du nord, les frères africains de Johannesburg étaient en train d’y remporter, sur une bien plus petite échelle, la bataille contre les mauvais éléments du “mouvement de la Tour de Garde”.

      D’autre part, des changements avaient lieu à la filiale du Cap. En mars 1933, la Société décida que la filiale du Cap irait s’installer dans des locaux plus vastes. Il s’agissait de deux pièces au cinquième étage d’un grand immeuble commercial (623, Boston House), et d’un entrepôt (Progress Chambers, Progress Lane) qui devait abriter la petite presse, le service d’expédition et le stock. Ce sont frère Phillips et un frère du Cap qui s’occupaient du petit travail d’impression. Les nouveaux locaux étaient situés plus au centre de la ville et étaient plus commodes. Ils constituèrent le centre de l’organisation théocratique pendant près de douze ans.

      Deux années plus tard, en 1935, un frère qui avait de l’expérience dans l’imprimerie fut envoyé par frère Rutherford au Cap. C’était André Jack qui n’était pas seulement un imprimeur qualifié, mais aussi un pionnier qui avait été dans le service à plein temps en Lituanie, en Lettonie et en Estonie. Quand l’œuvre fut interdite dans ces pays, il fut expulsé et dut rentrer en Écosse. Quand il fut arrivé en Afrique du Sud, il décida d’augmenter le matériel d’imprimerie. Bientôt leur petite imprimerie à une seule machine fonctionnait à plein rendement. En 1937 fut installée la première presse automatique. Elle a produit des millions de feuilles d’invitation et de formules au cours de ces trente-trois dernières années. Elle fonctionne toujours en Afrique du Sud, à la filiale d’Elandsfontein.

      PHONOGRAPHES ET VOITURES À HAUT-PARLEUR

      Dans le champ, on faisait un travail énorme avec le phonographe et les voitures à haut-parleur. Par exemple, à Pretoria, la congrégation avait obtenu la permission de diffuser des discours tous les dimanches soir, sur la place de l’église, au centre même de la ville. Au bout de quelque temps, on porta plainte et les frères durent quitter les lieux. Mais ce problème fut bientôt résolu. Frère Smit avait un ami. Celui-ci habitait un appartement qui surplombait la place. On put donc continuer à diffuser, par la fenêtre ouverte, le programme du dimanche soir, sans incident.

      Au milieu des années trente, frère Robert Nisbet conduisait une des voitures à haut-parleur de la Société. Il s’en servit beaucoup parmi les Africains du Zoulouland, qui est un grand territoire du Natal septentrional, territoire qui pendant des années fut le pays des Zoulous. C’est devant les moulins à sucre et les mines de charbon du Natal septentrional que se rassemblaient de grandes foules d’Africains pour écouter la musique et les discours diffusés par la voiture à haut-parleur. On plaça ainsi de très grandes quantités de publications. Plus tard, quand parut le livre Richesses, la voiture de frère Nisbet fut appelée “Imoto Yobucebi” (“La voiture Richesses”).

      En 1935, les frères de tous les pays se réjouirent en apprenant ce qu’il fallait entendre par la “grande foule” dont il est question en Révélation chapitre 7. Ceux qui ne faisaient pas partie des oints furent transportés de joie à la perspective de vivre éternellement sur la terre. On porta dès lors plus d’attention à la classe des “autres brebis”, à la “grande foule”, dont les rangs ne tardèrent pas à grossir. — Jean 10:16 ; Rév. 7:9.

      Alors qu’elle faisait la région minière connue sous le nom de Reef, Iris Tutty, une sœur qui servait dans les rangs des pionniers, eut le privilège de travailler à bord de l’une de ses voitures. Voici ce qu’elle raconte : “C’était une belle voiture, d’un noir luisant, dont le toit était surmonté d’un haut-parleur. Sur chacun de ses côtés, des panneaux portaient ces mots : ‘Message du Royaume : servez Dieu et Christ le Roi’, et sur la porte arrière un calicot annonçait le dernier discours de Rutherford. Cette voiture fut bientôt très connue dans Johannesburg et dans le Reef. On l’appelait la ‘Voiture de la Bible’.” Plusieurs congrégations du Reef avaient élaboré un programme d’utilisation de cette voiture. Les week-ends, la voiture était pleinement en service, car elle devait parcourir une vaste région et faire entendre des discours enregistrés en de nombreux endroits, y compris les foyers de l’enfance, les hôpitaux, les places de marché, sans oublier les marches de l’Hôtel de ville de Johannesburg.

      Un jour, à Johannesburg, juste avant le début de la Seconde Guerre mondiale, alors que la tension politique montait, on passa le disque “Fascisme ou liberté”. Ce soir-​là, l’assistance était particulièrement nombreuse. Le discours était commencé depuis quelque temps quand éclatèrent des cris et des vociférations. Une pluie de tomates et de bouteilles s’abattit sur les proclamateurs. La foule allait attaquer lorsque arriva la police. Les agents chargèrent et dispersèrent l’attroupement, puis ils formèrent un cordon autour des frères et les aidèrent à plier bagage et à sortir de la zone dangereuse. Les frères furent reconnaissants à Jéhovah pour cette protection.

      Les voitures à haut-parleur ont accompli un travail prodigieux en ces jours-​là. Elles parcoururent toutes les parties du pays et leur voix puissante atteignit de très nombreuses personnes. En 1937, il y avait cinq voitures à haut-parleur en service, avec deux pionniers à bord de chaque voiture. Il y avait aussi douze grands phonographes en action dans diverses régions du pays. C’est dans la même année que commença pour de bon l’activité avec le phonographe portatif, après un appel de frère Rutherford. La filiale du Cap faisait des enregistrements en afrikaans, en cinyanja, en sesotho, en xhosa et en zoulou.

      En 1938, la Société disposait de publications en trente langues et avait des congrégations établies dans quatre-vingts centres. Les principales publications de l’époque, telles que le livre Richesses et la brochure Dévoilées, visaient directement la hiérarchie catholique, qui ne restait pas insensible. Dans la presse, les ecclésiastiques mirent le peuple en garde contre les écrits de Rutherford, qui inondaient le pays. La presse catholique aurait voulu qu’on interdît les salles aux témoins de Jéhovah pour les empêcher de tenir des réunions publiques.

      LES PIONNIERS PERSÉVÈRENT

      En 1938, les pionniers d’Afrique du Sud étaient au nombre de trente. Dans leurs rangs figurait Iris Tutty de Johannesburg, une sœur dont nous avons déjà parlé. Un jour, sœur Tutty dut gravir un perron très élevé pour arriver à la porte d’une maison. Quand elle se trouva sur le perron, une femme ouvrit brusquement la porte. Le visage empourpré de colère, elle lui cria des insultes, fit tomber la sœur sur les marches et claqua la porte. Après s’être relevée et avoir ramassé ses affaires, la sœur eut envie de pleurer, mais elle pensa qu’il valait mieux prier. Il se trouva qu’à la porte suivante elle fut accueillie par un couple qui lui témoigna beaucoup de bonté. L’homme et la femme lui offrirent une tasse de thé et lui dirent que la conduite de leur voisine les avait profondément choqués, d’autant plus que c’était la femme du pasteur. L’entretien se transforma en visite productive et, par la suite, ces deux personnes devaient devenir des témoins baptisés de Jéhovah.

      Tout comme les autres proclamateurs, les pionniers constatèrent que les mines du Reef étaient un champ très productif. On y répandait beaucoup de livres. Les pionniers allaient se placer à l’entrée de la mine et proposaient les publications aux mineurs, blancs et noirs, qui remontaient du fond. Beaucoup portaient encore le casque et leurs vêtements étaient imprégnés de l’humidité des galeries. Les mineurs africains voulaient à tout prix se procurer des livres dans leurs propres langues, et parfois les pionniers voyaient se former une file d’attente, chacun attendant son tour. Les mineurs prenaient encore des publications pour les envoyer à leurs familles. Plus tard, sœur Tutty eut le plaisir de rencontrer quelques Africains qui la reconnurent. L’un d’eux lui dit : “Vous vous rappelez de moi ? Je vous ai acheté une Bible et maintenant je vais aux réunions.”

      FACE AU CLERGÉ

      Vers la fin des années trente, le message du Royaume pénétra dans une région très conservatrice, à l’est de la province du Cap, plus exactement dans les environs de King William’s Town, à une soixantaine de kilomètres au nord de East London. Parmi les fermiers et les habitants de l’endroit, beaucoup descendaient des Allemands qui s’étaient installés là au milieu du dix-neuvième siècle. La religion dominante était donc le culte luthérien. Un jour qu’il travaillait à la réfection de la maison d’un pasteur luthérien, un certain M. Kieck se procura des publications auprès d’un proclamateur du Royaume. L’homme prit grand plaisir à lire ces écrits et il en commanda d’autres. Il ne tarda pas à répandre le message parmi ses amis et les gens de sa parenté, dont la plupart pensaient qu’il avait perdu la raison. Finalement, cependant, dans sa famille, certains commencèrent à marquer de l’intérêt. En 1938 eut lieu un débat public entre trois pasteurs luthériens et M. Kieck. Il y avait une centaine de personnes dans l’assistance. Au cours du débat, M. Kieck sortit une Bible en allemand en usage sous le régime hitlérien. Il y manquait des Psaumes et quelques versets. Cela déconcerta quelque peu les pasteurs, mais ce n’était rien en comparaison de la défaite qu’ils essuyèrent sous les coups des puissants passages bibliques qui furent ensuite cités. À un certain moment, l’un des pasteurs jeta sur la table les publications de la Société et s’écria : “Allez au diable avec vos livres !” À cette vue, six luthériens de l’assistance, qui avaient déjà manifesté de l’intérêt, furent convaincus que c’était bien là la vérité. Ils prirent position pour Jéhovah.

      Cela ne fut pas sans suites. En 1938, le ministre de l’Intérieur de l’Afrique du Sud interdit l’importation du livre Richesses et de plusieurs brochures, sous le prétexte qu’ils étaient “néfastes”. Cette mesure fut prise malgré le fait qu’en mars 1938 la Haute Cour d’Afrique du Sud, à Bloemfontein, avait déclaré que les publications de la Société n’étaient pas des écrits séditieux. Rappelons que le livre Richesses et d’autres publications montraient clairement la collusion qui existait entre le fascisme, le nazisme et l’Église catholique. On apprit par la suite que certains pasteurs luthériens étaient à l’origine de la mesure gouvernementale qui frappait d’interdiction certains de nos écrits. Un peu plus tard, ces mêmes pasteurs furent internés quand on s’aperçut qu’ils faisaient de la propagande pour le nazisme pendant la Seconde Guerre mondiale.

      La Société fit appel au ministre de l’Intérieur, protestant contre la décision qui frappait d’interdiction les publications. Il ne changea pas d’avis, ne fournit aucune explication et ne permit pas qu’on fît appel en justice. La filiale du Cap publia alors un tract de quatre pages, sous le titre “Protestation”. On y lisait, en gros caractères, les mots suivants : “Intolérance religieuse en Afrique du Sud. Interdiction du livre ‘Richesses’, manuel d’étude biblique.” Ce tract prouvait que les pasteurs luthériens allemands de la province orientale du Cap étaient à l’origine de l’interdiction et que le livre Richesses avait été mis en juin 1938 sur la liste des ouvrages interdits (écrits pornographiques, etc.). Le tract parut en afrikaans et en anglais et fut répandu dans tout le pays. Beaucoup commandèrent le livre Richesses.

      DÉBUT DE L’ACTIVITÉ DE ZONE

      Dans la même année, en 1938, fut organisée l’activité de zone. Des représentants itinérants de la Société devaient visiter les congrégations et les proclamateurs isolés pour les instruire et leur prodiguer des encouragements.

      L’un des tout premiers serviteurs de zone d’Afrique du Sud fut Frank Taylor, dont la femme, Christine, venait d’arriver d’Angleterre. Pour Christine, l’activité parmi les Africains était chose nouvelle. Son mari raconte qu’il n’oubliera jamais l’expression de son visage quand elle remit sa première brochure à une femme zouloue qui avait pour tout vêtement des colliers de perles et un pagne. La femme plongea alors sa main dans l’épaisseur de ses cheveux crépus et en tira une pièce de monnaie appelée “tickey” : sa contribution pour la publication.

      Peu après avoir commencé l’activité de zone, Frank et Christine se rendirent à East London, où ils eurent la joie de rassembler les familles qui s’intéressaient à la vérité : les Kiecks, les Horrmanns et les Schanknechts. Toutes ces personnes avaient rompu avec l’église luthérienne allemande de King William’s Town. Plus tard, on forma la congrégation de East London avec tous ces nouveaux, dont la plupart sont encore vivants.

      L’ŒUVRE DU ROYAUME S’ACCÉLÈRE

      En janvier 1939, la filiale du Cap fit un autre pas en publiant pour la première fois en afrikaans le périodique Consolation. Piet de Jager qui, jusqu’à présent, traduisait les livres en afrikaans tout en faisant le service de pionnier, fut prié de venir au Béthel pour y travailler comme traducteur à plein temps.

      Cela représentait plus de travail pour Andrew Jack, dans la petite imprimerie de la filiale, car le texte devait être composé à la main. C’est le premier périodique de la Société qui fut imprimé en Afrique du Sud. On ne publiait encore aucun périodique dans les langues africaines.

      Oui, l’œuvre du Royaume en Afrique du Sud faisait des progrès rapides. En 1939, il y eut en Afrique du Sud un nouveau maximum de 555 proclamateurs. Il est intéressant de noter que sur ce nombre il n’y en avait que 180 qui étaient des Africains et des gens de couleur. En Afrique du Sud, la moyenne mensuelle fut de 439 proclamateurs ; en Rhodésie du Sud, de 473 ; en Rhodésie du Nord, de 1 198 ; au Nyassaland, de 1 041 ; en Afrique-Orientale portugaise, de 17, et à Ste-Hélène, de 11. Cela donne un total de 3 179 proclamateurs pour tous les territoires sous la direction de la filiale du Cap. Cette année-​là ils avaient consacré 1 042 078 heures à la prédication. Cela montre clairement que, depuis l’identification de la “grande foule” en 1935, l’accroissement était bien plus rapide et que beaucoup de nouveaux prenaient position.

      LA GUERRE STIMULE LES PROCLAMATEURS

      Lorsqu’en septembre 1939 Hitler déclencha sa guerre-éclair en Pologne, le monde était entré dans une période de violence et de souffrances sans précédent. Quand la machine de guerre se mit à dévorer un pays après l’autre, l’œuvre du Royaume en Europe en fut gravement affectée. L’Afrique du Sud, sous la direction de son nouveau premier ministre Jan Smuts, entra en guerre avec l’Allemagne et beaucoup de Sud-Africains combattirent en Afrique du Nord et en Italie.

      Étant très éloignée du théâtre des opérations, l’Afrique du Sud n’a pas beaucoup souffert de la guerre, moins que de nombreux autres pays. Avec le temps, il y eut quelques pénuries de denrées alimentaires et d’autres restrictions. Mais, en 1940, l’œuvre du Royaume en Afrique du Sud entra dans une période d’accroissement et d’expansion comme on n’en avait jamais connu auparavant. Les événements stupéfiants de la guerre secouèrent l’apathie de beaucoup de gens et les firent penser à l’accomplissement des prophéties bibliques.

      À l’époque, le périodique Consolation en afrikaans avait un grand succès. La filiale du Cap décida donc que le moment était venu de faire paraître aussi en afrikaans le périodique La Tour de Garde. En janvier 1940, l’Informateur (qui fut appelé par la suite Notre ministère du Royaume) parla de nouveaux modes de diffusion des périodiques : diffusion dans la rue, diffusion de porte en porte et routes de périodiques. Il était clair que de plus grandes quantités de périodiques seraient nécessaires. On installa donc une linotype, ainsi qu’une plieuse. En outre, un frère de Durban, qui avait de l’expérience en ce domaine, fut prié de venir aider frère Jack dans la petite imprimerie. C’est ainsi que le 1er juin 1940 parut pour la première fois, imprimé à la filiale du Cap, Die Wagtoring (La Tour de Garde en afrikaans).

      On peut dire que ce premier numéro était sorti au bon moment, et cela s’est fait sans doute sous la direction de Jéhovah. Les premiers mois de l’année 1940 furent relativement calmes en Europe. Mais soudain les divisions blindées de Hitler se lancèrent à la conquête de l’Europe occidentale. Jusqu’à cette date les frères qui parlaient afrikaans comptaient sur La Tour de Garde en néerlandais, qui leur venait de Hollande. Mais en mai 1940 la filiale de Hollande dut subitement fermer ses portes. Les frères du Cap ignoraient évidemment que cela allait se produire. Mais c’est au moment précis où La Tour de Garde en néerlandais cessa de leur parvenir que commença à paraître La Tour de Garde en afrikaans.

      Les frères se mirent à diffuser le périodique avec enthousiasme, si bien que le tirage mensuel monta jusqu’à 17 000 exemplaires. Dans les pays où l’œuvre n’était pas interdite on commença à voir dans les rues des proclamateurs avec leur sac à périodiques.

      À la fin de l’année de service 1940, frère Phillips put annoncer à frère Rutherford que le nombre des proclamateurs s’était accru de façon remarquable. En Afrique du Sud, on avait atteint un nouveau maximum de 881 proclamateurs, avec une moyenne de 656, moyenne qui représentait une augmentation de 50% sur celle de l’année précédente. Oui, la guerre stimulait vraiment les proclamateurs d’Afrique du Sud.

      L’ÉGLISE CATHOLIQUE PROVOQUE UNE INTERDICTION

      Le principal organe de presse de l’Église catholique d’Afrique du Sud (Southern Cross) fit paraître, dans son numéro du 2 octobre 1940, un long article qui signalait à ses lecteurs ce qui s’était passé au Canada (où en juillet 1940 on avait totalement interdit l’œuvre du Royaume). On y lisait encore ceci : “Les activités de ces gens [les témoins de Jéhovah] qui condamnent la fidélité à l’autorité de l’État et à celle de l’Église sont même plus dangereuses dans un pays comme l’Afrique du Sud, qui a une énorme population indigène. Le gouvernement devrait mettre un frein à la diffusion de leur propagande en ce pays.” Peu après la parution de cet article, on commença à saisir, à des fins de censure, des exemplaires de La Tour de Garde et de Consolation. La filiale demanda des explications, mais les autorités restèrent muettes.

      Comme personne n’ignorait que l’Église catholique était à l’origine de tout cela, on composa un numéro spécial des Nouvelles du Royaume, qui était la réponse à l’attaque du journal catholique (Southern Cross). On en distribua rapidement 200 000 exemplaires dans toutes les parties de l’Afrique du Sud. Puis fut rédigé un texte dans lequel étaient énumérés tous les faits concernant les témoins de Jéhovah et leur œuvre. Des exemplaires en furent envoyés aux membres du Parlement, aux magistrats et à la presse. On joignit à ce texte, pour les membres du Parlement et pour les juges, des exemplaires d’un article qui traitait de la neutralité chrétienne et qui avait paru dans La Tour de Garde du 1er novembre 1939. Quelque temps après, la police reçut l’ordre de confisquer tous les exemplaires de cet article de La Tour de Garde. On fit appel au premier ministre et, dans la réponse, qui émanait d’un haut fonctionnaire de l’Union sud-africaine, il était dit ceci, entre autres : “Si vos intentions ont été et sont toujours excellentes, vous ne pouvez tout de même pas vous attendre à ce qu’on vous permette de faire avorter les mesures que prend le gouvernement pour la poursuite de la guerre jusqu’à la victoire. Si la Société réussissait à amener tous les habitants de ce pays à son point de vue, l’ennemi ne rencontrerait plus aucune résistance. Aussi comprenons-​nous mal que vous puissiez croire que le gouvernement va rester les bras croisés, sans prendre aucune mesure à votre endroit.”

      La filiale rédigea alors une pétition à l’adresse du gouvernement. Elle protestait contre la confiscation des publications de la Société et priait respectueusement le gouvernement de restituer les écrits saisis et de rétablir la liberté du culte dans le pays. En l’espace de dix jours, on recueillit 50 000 signatures d’Européens de toutes les parties de l’Union sud-africaine. C’est vers cette époque qu’il fut annoncé officiellement que La Tour de Garde et Consolation avaient été interdits par le gouvernement.

      Une autre mesure du gouvernement consista à confisquer des chargements complets de périodiques, dès leur arrivée. Il devenait clair qu’une interdiction totale frappait l’importation des publications de la Société. Le premier imprimé confisqué fut la brochure Théocratie. Les six ou sept cargaisons suivantes eurent le même sort. C’était, disait-​on, des écrits “néfastes”.

      Tout cela était imputable à l’influence de l’Église catholique et aussi à la situation particulière créée par la guerre, car auparavant les publications interdites pénétraient dans le pays sans obstacle. La filiale réclama la restitution des publications et cela l’amena à intenter une action en justice. L’affaire vint devant la Cour suprême du Cap. Tout semblait jouer contre la Société. Or les frères furent agréablement surpris de voir les juges adopter une attitude impartiale et ordonner que le ministre responsable du décret d’interdiction explique son geste et accorde une audience pour que les explications nécessaires puissent lui être fournies.

      La bataille juridique continua pendant quelque temps, et ce ne fut pas avant 1942, après une lutte qui dura une année entière, que fut fournie la liste des raisons qui faisaient que nos écrits étaient rangés dans la catégorie des publications “néfastes”. Il fut donné quinze jours à la filiale pour répondre à tous ces points, ce qui fut fait ; en même temps frère Phillips manifesta le désir de donner des explications personnelles conformément au jugement du tribunal. Or le tribunal n’avait pas fixé de date limite pour la présentation de ces explications. Les mois passèrent. Il fallut attendre deux ans avant le règlement de l’affaire.

      En août 1941, tout le courrier envoyé par la filiale du Cap était confisqué par la censure. La filiale ne s’en aperçut que quelques semaines plus tard, ses soupçons ayant été éveillés par des lettres envoyées par des frères. On éleva une protestation, mais en vain. Les autorités croyaient que dans la correspondance de la Société il était question de l’effort de guerre. Elles devaient constater que leurs soupçons n’étaient nullement fondés.

      En septembre 1941, le ministre de l’Intérieur, invoquant les décrets en vigueur en raison de la situation, donna l’ordre de confisquer toutes les publications de la Société en Afrique du Sud. Voici ce qui se passa alors à la filiale. À dix heures du matin, les agents de la CID (Service des enquêtes criminelles) se présentèrent pour exécuter l’ordre. Ils vinrent avec des camions pour enlever tout le stock de publications. Mais le surveillant de filiale avait l’esprit vif. Il regarda l’ordre et constata qu’il n’était pas conforme aux décrets spéciaux. Pendant qu’il faisait attendre les agents dans le bureau de la filiale, il demanda de toute urgence à la Cour suprême un arrêt qui empêcherait le ministre de l’Intérieur de saisir les publications. Sa demande fut agréée. À midi, il obtint l’arrêt et la police dut remonter dans les camions vides et s’en aller. Cinq jours plus tard, le ministre de l’Intérieur retira l’ordre. On imagine sans peine la joie de la famille du Béthel après cette importante victoire !

      LA BATAILLE CONTINUE

      Notre combat se poursuivit. L’édition en afrikaans de Consolation fut interdite en vertu d’un arrêté des douanes, qui réglementait l’importation. Comme ce périodique était imprimé en Afrique du Sud, il s’agissait de toute évidence d’une erreur. On n’en condamna pas moins un pionnier à Kroonstad, pour avoir diffusé le périodique. On fit appel et l’affaire vint devant la Cour suprême, qui cassa le jugement. Plus tard, le 12 septembre 1941, le journal officiel annonçait que l’interdiction était levée. Une autre victoire pour la Théocratie !

      Toute cette bataille faisait grand bruit dans la presse. Ce fut une énorme publicité pour le message du Royaume et l’œuvre des témoins de Jéhovah. La filiale du Cap, qui se rendait compte que le public avait besoin d’être éclairé là-dessus, publia deux brochures spéciales, qui parurent sous les titres suivants : Pourquoi supprimer le message du Royaume ? et Les témoins de Jéhovah : qui sont-​ils et quelle est leur œuvre ? Ces brochures furent abondamment diffusées en anglais et en afrikaans, au cours du mois d’octobre 1941.

      Il était absolument nécessaire de bien expliquer la nature de l’œuvre effectuée par les témoins de Jéhovah, car beaucoup d’articles de presse donnaient une image déformée de leur activité. On faisait courir toutes sortes de bruits sur leur compte, les accusant de faire partie de la “cinquième colonne” et d’être des “nazis”. Un des principaux quotidiens (Daily Dispatch de East London) publia un article diffamatoire sur Rutherford, président de la Société. Comme l’éditeur refusait de publier une lettre rectificative, une action en diffamation fut intentée contre lui et il se vit poursuivi en dommages et intérêts (5 000 livres). Voyant que les frères étaient bien résolus, il fit volte-face, publia des excuses et paya tous les frais de justice.

      MESURES PRISES APRÈS L’INTERDICTION

      Après l’interdiction de quelques-unes de nos publications, les frères s’empressèrent de cacher les ouvrages visés. Ils se montraient “prudents comme des serpents”. (Mat. 10:16.) À Johannesburg, la police fit plusieurs perquisitions chez les frères, mais le plus souvent ceux-ci étaient avertis à l’avance par un agent de la sûreté qui s’intéressait à la vérité. À Pretoria, Frans Muller, qui allait encore à l’école à cette époque et habitait donc avec ses parents, poussa, l’un après l’autre, des cartons de livres dans des passages très étroits situés sous le plancher en bois de leur demeure. La cachette était pratiquement introuvable. Tout cela faisait que les proclamateurs n’avaient pas beaucoup de livres pour leur activité, mais on employait les écrits imprimés sur place, comme le livre Enfants. Voici ce que raconte un frère de couleur du Cap : “On n’avait pas beaucoup de publications, mais cela ne ralentit en rien notre œuvre. On nous conseilla de prêter des livres aux gens et de commencer ainsi des études. C’est ce que nous avons fait et il était surprenant de voir comme les études bibliques se multipliaient. Beaucoup commencèrent à venir à la vérité durant cette période.”

      On eut un maximum de 1 253 proclamateurs. Tous travaillaient dur. À l’assemblée de Johannesburg qui eut lieu cette année-​là, on compta 800 personnes dans l’assistance. Il y eut 186 baptêmes. Beaucoup de nouvelles congrégations furent organisées. De 127 en 1940, les congrégations étaient passées à 172 en 1941.

      Bien que La Tour de Garde venant des États-Unis figurât sur la liste des ouvrages interdits, Jéhovah pourvut à la nourriture spirituelle. Les frères du Cap n’ont jamais manqué de matière à imprimer. Les textes paraissaient sous le titre “Nourriture en temps convenable”. Il y a un abonné qui, pendant toute la guerre, a reçu régulièrement La Tour de Garde américaine et qui, après l’avoir lue, l’envoyait à la filiale du Cap. C’était frère J. J. van Zyl. Les numéros qu’il recevait portaient l’adresse suivante : “Sergent J. J. van Zyl, Police sud-africaine, Kranskop, Natal.”

      ENFIN LA VICTOIRE !

      La lutte contre Dieu et contre son œuvre ne tourna pas à l’avantage des adversaires. À partir de 1941, on se battit sans relâche pour obtenir la levée de l’interdiction et la restitution de nos publications. À la fin de 1943, les stocks de publications de la filiale étaient au plus bas et les frères priaient pour que les publications saisies leur fussent rendues. Des choses commencèrent alors à se produire. Un nouveau ministre de l’Intérieur fut désigné. Le surveillant de la filiale envoya une nouvelle lettre au chef de la censure, lui demandant la levée de l’interdiction. Une copie de cette lettre fut envoyée au nouveau ministre. Le surveillant de la filiale lui demandait également une audience, l’audience que l’ancien ministre avait promise, mais n’avait jamais accordée.

      En janvier 1944, l’audience eut lieu. Le ministre promit de faire restituer les chargements confisqués, de faire lever l’interdiction qui frappait les périodiques et de faire rendre les autres publications qui avaient été saisies. Il promit aussi d’annuler l’ordre émis en vertu des décrets spéciaux. Une semaine plus tard, la filiale recevait confirmation écrite de ces promesses, et, quelques jours après, un énorme stock de publications (1 800 cartons) fut restitué à la filiale. Tout était en parfait état, après trois ans. On imagine l’allégresse des frères de la filiale et du champ. Quelle merveilleuse victoire !

      LES LIVRES SONT INTERDITS EN D’AUTRES PAYS

      Dans les premières années de la Seconde Guerre mondiale, on se mit à interdire les livres dans de nombreuses parties de l’Empire britannique et dans d’autres pays. C’est ce que Jéhovah avait fait prophétiser au prophète Daniel : la ‘petite corne’ (dont le Commonwealth britannique faisait partie) ‘prenait de grands airs’, ‘jetant la vérité par terre’ et commettant une “transgression” contre les choses sacrées de Dieu (Dan. 8:9-12). Cela s’appliquait aussi aux trois protectorats britanniques en Afrique du Sud : le Basutoland, le Bechuanaland et le Swaziland. Les publications de la Société y furent officiellement interdites en février 1941. L’interdiction resta en vigueur jusqu’en 1960, malgré tous les efforts faits pour en obtenir la levée. On interdit même la Bible du roi Jacques, celle qui était sortie des presses de la Société. Cela eut lieu à une époque (1941) où dans ces trois pays il n’y avait pas un seul témoin de Jéhovah.

      ANNÉES FÉCONDES DANS LE SUD-OUEST AFRICAIN

      En 1939, un autre chapitre de l’histoire de l’œuvre dans le Sud-Ouest africain a commencé de s’écrire. Aucun groupe n’avait encore été formé dans ce champ immense. Barry Prinsloo et sa femme Jeanne décidèrent alors d’aller donner le témoignage dans ce territoire.

      Barry fit l’acquisition d’un camion qu’il transforma en camping-car. Il y monta un gazogène, s’attendant, avec raison d’ailleurs, à une pénurie d’essence à cause de la guerre. Pour se rendre de Johannesburg dans le Sud-Ouest africain, nos deux pionniers durent traverser le désert de Kalahari. Les routes y étaient pratiquement inexistantes. Ils durent donc suivre les traces laissées par les véhicules précédents, traces qui par moments étaient complètement effacées.

      Ils atteignirent finalement Windhoek et, de là, ils continuèrent à se diriger vers le nord, tout en prêchant et en répandant des publications. Pendant quelque temps, ils furent filés par la police. Ils finirent par être arrêtés sous l’accusation de vente sans permis. Sur les conseils de la Société, ils firent ajourner leur procès, en attendant le jugement d’affaires de même nature en Afrique du Sud. Quelques semaines plus tard, frère Prinsloo comparut devant le tribunal, dont la sentence lui fut favorable.

      Ils apprirent qu’une assemblée allait se tenir à Johannesburg et, bien que cela représentât un trajet fort difficile de 1 600 kilomètres, ils résolurent d’y assister. Mais il se produisit un drame. La plupart des rivières du Sud-Ouest africain ne sont rien d’autre que des ravins desséchés, sablonneux, qui se transforment en torrents après une pluie exceptionnellement abondante. Alors qu’ils tentaient de traverser l’une de ces rivières, leur véhicule s’enlisa. Cette nuit-​là, la rivière charria un flot énorme, qui emporta leur voiture à des centaines de mètres en aval. C’est là qu’ils la retrouvèrent le lendemain, complètement brisée et le châssis enfoncé dans le sable. Ils récupérèrent une partie de leurs biens et informèrent la Société de ce qui leur était arrivé, lui disant combien ils regrettaient de ne pas pouvoir assister à l’assemblée. Mais bientôt le surveillant de filiale leur fit parvenir un don, suivi d’un télégramme.

      Après l’assemblée, ils revinrent et campèrent près de leur véhicule, tâchant de le réparer. Dans le même temps, ils donnèrent le témoignage aux ouvriers agricoles ovambos, leur interprète étant Johannès. Johannès était un Boschiman dont ils avaient loué les services. Il devait les accompagner dans leurs voyages à travers le territoire. Ce doit être le premier Boschiman qui ait accepté la vérité. La tribu des Boschimans est une tribu de nomades qui habitent sous la tente et qui tirent leur subsistance de la chasse à l’arc. Ce sont de loin les plus petits Africains de l’Afrique australe. Ils ressemblent par la taille aux pygmées de l’Afrique centrale. Ce sont des chasseurs aux mœurs fort primitives. Il est très difficile de communiquer avec eux, non seulement parce qu’ils habitent des endroits inaccessibles, mais aussi parce qu’ils disposent d’un vocabulaire très réduit et parlent avec de constants clappements de la langue. Certains d’entre eux, cependant, deviennent ouvriers agricoles. En raison des interdictions qui frappaient les publications et de la situation générale, la Société finit par demander aux Prinsloo de revenir en Union sud-africaine.

      Ainsi, bien que des pionniers soient allés en 1929, en 1935 et en 1942 dans le Sud-Ouest africain et qu’ils aient répandu beaucoup de publications, le champ ne fut pas réellement cultivé ; il ne porta donc pas beaucoup de fruits. L’année 1950, cependant, marqua un tournant dans l’histoire de l’œuvre dans le Sud-Ouest africain. En effet, la Société envoya dans ce pays quatre missionnaires de Galaad, savoir : Georges Koett, Fred Hayhurst, Gus Eriksson et Roy Stephens. Au début de 1950, un home de missionnaires fut établi à Windhoek.

      Ces frères devaient s’efforcer, non pas simplement de répandre des publications, mais surtout de trouver les “autres brebis” du Seigneur. Cependant ils placèrent beaucoup d’écrits (Jean 10:16). À l’époque, ils réussirent à contacter cinq frères africains, venus de l’Union sud-africaine et qui s’étaient installés dans les environs. Ils formèrent alors une petite congrégation avec eux. L’un des missionnaires commença pas moins de vingt-cinq études. Selon toute apparence, l’œuvre dans ce territoire, notamment parmi les Africains, avait pris un très bon départ.

      [Carte, page 80]

      (Voir la publication)

      AFRIQUE AUSTRALE

      ZAÏRE (Congo belge)

      OUGANDA

      KENYA

      TANZANIE (Tanganyika)

      ANGOLA

      ZAMBIE (Rhodésie du Nord)

      MALAWI (Nyassaland)

      RHODÉSIE (Rhodésie du Sud)

      MOZAMBIQUE

      SUD-OUEST AFRICAIN

      BOTSWANA (Bechuanaland)

      SWAZILAND

      AFRIQUE DU SUD

      Johannesburg

      Durban

      Le Cap

      LESOTHO (Basutoland)

      [Illustration, page 97]

      Georges Phillips composant à la main, à la filiale du Cap.

      [Illustration, page 102]

      Habitation zouloue

  • Afrique du Sud et territoires avoisinants (2e partie)
    Annuaire 1976 des Témoins de Jéhovah
    • L’Afrique du Sud et les territoires avoisinants (2e partie)

      TRANSITION SANS HEURTS

      À la fin de 1941, frère Rutherford, qui pendant vingt-cinq ans avait rempli fidèlement ses fonctions de président de la Société, était déjà très malade. Il avait soixante-douze ans et pendant des années il s’était dépensé dans le service de Jéhovah. Le 8 janvier 1942, il mourut, achevant son service terrestre. En l’espace de quelques jours, le conseil d’administration de la Société s’était réuni au Béthel de Brooklyn et avait élu un nouveau président : N. H. Knorr. Après le décès de Rutherford, l’attitude des proclamateurs fut très différente de celle qu’eurent les frères après la mort de Russell. En 1942, personne ne s’écria : “Qu’allons-​nous faire maintenant ?” Bien entendu, quand les ennemis de la vérité apprirent la mort de Rutherford, ils exultèrent et se dirent : “Maintenant que leur chef et porte-parole est mort, leur œuvre ne va pas tarder à se désagréger.” En quoi ils se trompaient lourdement.

      En août 1941, peu avant sa mort, frère Rutherford se trouvait à l’assemblée de St Louis, aux États-Unis. L’un des points saillants de ce rassemblement fut le “Jour des enfants”, celui où parut le livre Enfants. Les principaux points de cette remarquable assemblée furent repris au congrès de Johannesburg, en avril 1942. On dénombra 1 700 personnes dans l’assistance, y compris 340 enfants, qui accueillirent avec joie le nouveau livre. À l’occasion de cette assemblée, 400 personnes symbolisèrent leur offrande à Dieu, soit plus de deux fois le maximum précédent. On installa pour la première fois une cafétéria, qui servit 6 000 repas, ce qui était remarquable à l’époque. Tous les frères se sentirent encouragés et revivifiés et rentrèrent dans leurs foyers le cœur plein d’allégresse.

      Les jeunes pionniers, qui venaient d’entreprendre le service à plein temps, furent, eux aussi, très encouragés lors de cette assemblée. En 1942, les rangs des pionniers grossirent. Ils étaient maintenant au nombre de soixante-cinq. L’un d’eux était Piet Wentzel, qui avait pris position pour la vérité dans la petite ville de Bonnievale (Province du Cap). En décembre 1941, il commença son service à Kimberley. En 1945, il fut rejoint par Frans Muller qui, ayant seize ans, avait quitté l’école. Ce frère avait reçu une bonne formation dans la congrégation de Pretoria. On demanda aux deux jeunes frères de faire la ville de Vereeniging, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Johannesburg. Ils travaillèrent dur, l’un d’eux faisant en moyenne 210 heures par mois durant cette année-​là.

      Malgré les prédictions des ennemis, l’œuvre du Royaume ne se ralentit pas en 1942, après le décès de frère Rutherford. Tout au contraire, elle s’accéléra, si bien qu’à la fin de l’année de service, Georges Phillips put annoncer un nouveau maximum de 1 582 proclamateurs, soit un accroissement de 26% par rapport au maximum de l’année précédente. Quel merveilleux accroissement quand on songe à la centaine de proclamateurs de 1931 !

      LES SERVITEURS DES FRÈRES

      Sous la direction de frère Knorr, le nouveau président de la Société, l’œuvre progressait. C’est alors que fut instituée l’activité des serviteurs des frères. En Afrique du Sud, cette œuvre commença en février 1943. (L’activité de zone avait pris fin en 1942.) Les serviteurs des frères devaient être célibataires. Ce devaient aussi être des hommes robustes et pleins d’énergie pour faire tout ce qu’on attendait d’eux. Au début, ils ne restaient qu’un jour dans les tout petits groupes et deux ou trois jours dans les grandes congrégations. Il leur fallait donc voyager beaucoup, dans des conditions difficiles. Ils devaient non seulement vérifier les écritures de la congrégation, mais consacrer beaucoup de temps à la prédication, avec les frères, qu’ils devaient former.

      Gert Nel fut l’un des nouveaux serviteurs des frères nommés en 1943. Il avait connu la vérité en 1934, alors qu’il était instituteur au Transvaal. Il avait été un proclamateur très zélé et très actif. Comme serviteur de zone et serviteur des frères, frère Nel eut le privilège d’aider de nombreux frères, africains et européens. Beaucoup d’entre eux d’ailleurs se souviennent de son zèle. Il fut appelé au Béthel en 1946 comme traducteur.

      Thomas M’kele devint, lui aussi, serviteur des frères. C’était un frère africain. C’est frère Mulenga, un des premiers pionniers africains en Afrique du Sud, qui lui fit connaître la vérité. Un dimanche matin, alors que frère Mulenga annonçait la bonne nouvelle, il rencontra un groupe d’hommes qui dormaient à même le sol. S’étant adressé à eux, il apprit qu’ils avaient passé toute la nuit à prier à l’église. À ce moment-​là, leur pasteur, le “révérend” Thomas M’kele, demanda à frère Mulenga ce qu’il avait dans sa serviette. M’kele accepta la brochure Où sont les morts ? La semaine suivante, il prit plusieurs livres et la semaine d’après il assista à une assemblée. Il ne tarda pas à quitter son Église, puis il prit le baptême et en moins d’un an il faisait le service de pionnier avec frère Mulenga. Plus tard, ainsi qu’on l’a dit plus haut, il est devenu un serviteur des frères. Il est mort fidèle en 1945.

      UNE NOUVELLE ÉCOLE

      Une des choses nouvelles qui furent instituées par le président de la Société, N. H. Knorr, et qui eut beaucoup d’effet dans le champ, ce fut l’École hebdomadaire du ministère théocratique. Cette école aida beaucoup de frères, qui croyaient ne jamais pouvoir prendre la parole en public, à devenir en peu de temps de bons orateurs et des proclamateurs qualifiés. Dans toutes les parties de l’Afrique du Sud, les frères apprécièrent ce nouveau don de Jéhovah et l’accueillirent dans l’enthousiasme. Cette école ne se tenait pas seulement pour les Européens, mais encore pour les frères africains, malgré les barrières linguistiques et le manque d’instruction.

      En 1943, frère Samuel Mase devint surveillant à l’école. En 1938, il avait été membre du parti communiste. Un jour, il acheta le livre Richesses, dans l’espoir d’y trouver une recette pour réussir en affaires ! Samuel était aussi tourmenté par des esprits méchants. Il connaissait des nuits fort agitées. Il consulta des sorciers, mais sans résultats. Mais du jour où il commença à assister à l’étude de La Tour de Garde, sa vie fut entièrement transformée. Ce qui le frappa surtout, ce fut l’amour des frères qui appartenaient à des tribus différentes. Il constata que chez eux régnait une unité qui n’existait pas dans le monde politique. Il devint surveillant à l’école dans une congrégation africaine du Reef. Par la suite, il entreprit le service de pionnier, puis il fut surveillant de circonscription.

      L’École du ministère théocratique fut à l’origine de bien des progrès. À Pretoria, le petit groupe formé par Hamilton Kaphwitt était devenu en 1945 une grande congrégation de 181 membres C’est à cette époque que le gouvernement commença à installer les Africains dans les localités indigènes, loin de la ville de Pretoria. Déjà la congrégation africaine était deux fois plus nombreuse que la congrégation européenne. Cela montre tout l’accroissement qui s’était produit dans le champ africain pendant la Seconde Guerre mondiale. Au début des hostilités, les proclamateurs européens étaient deux fois plus nombreux que les proclamateurs africains. Mais à la fin de la guerre, la situation avait changé : en de nombreux endroits, les frères africains étaient plus nombreux que les frères européens.

      En 1945, Johannesburg comptait une seule congrégation européenne de 113 membres et quatre congrégations africaines avec un total de 500 membres.

      Il y avait aussi de l’accroissement au Cap. Dans cette ville, les frères européens étaient au nombre de 135, tandis que la congrégation de Salt River comptait 138 membres de couleur. Bientôt cette dernière congrégation fut divisée et donna naissance à quatre nouvelles congrégations.

      C’est vers cette époque que Nicholson Makhetha, un nègre blanc ou albinos, connut la vérité. Il prit le baptême à l’assemblée de 1944. Frère Makhetha devint pionnier en 1946, et, par la suite, il fut surveillant de circonscription pendant plusieurs années. Comme il maîtrisait bien la langue anglaise, il faisait fonction d’interprète (anglais-​sesotho) lors des grandes assemblées. Il eut aussi le privilège de traduire en sesotho les publications de la Société, dans son pays natal, le Lesotho.

      PROGRÈS AU NYASSALAND

      En 1940, les congrégations chrétiennes au Nyassaland étaient au nombre de soixante. La prédication se heurtait à l’opposition croissante de la religion. Les prêtres catholiques racontaient aux gens que si le pays s’était trouvé sous domination catholique, il y aurait belle lurette que notre œuvre serait interdite. Le pape, affirmaient-​ils, allait bientôt détruire notre œuvre et “jeter Rutherford et tous les témoins de Jéhovah au beau milieu de la mer”.

      L’incident suivant montre que pour les ecclésiastiques tous les moyens étaient bons : Cinq enseignants africains et catholiques s’émurent à la vue d’une personne qui faisait entendre un disque en cinyanja. Ces hommes envoyèrent alors une lettre au commissaire de district pour l’informer que quelqu’un, muni d’un phonographe, allait par les villages, racontant à tout le monde qu’Harmaguédon était arrivé et que tous les Européens allaient être détruits. On voulait, par ce mensonge, indisposer les fonctionnaires blancs. Mais l’enquête révéla qu’il s’agissait d’une pure calomnie et l’affaire s’arrêta là.

      La superstition joue souvent un très grand rôle dans la vie des Africains. Mais la vérité les libère de ce joug. Quant aux esclaves de la superstition, ils n’hésitent pas à user de leurs armes spéciales contre les serviteurs de Jéhovah. Par exemple, un jour qu’une congrégation de témoins de Jéhovah prêchait de village en village, un lion survint après leur passage et fit des victimes. Les esprits superstitieux accusèrent alors les témoins d’avoir attiré sur eux l’attention du lion ! Bien entendu, les enseignants catholiques savent exploiter les superstitions.

      Quand éclata la Seconde Guerre mondiale, on voulut faire interdire l’œuvre du Royaume au Nyassaland, mais le gouvernement ne se laissa pas influencer. On trouve un reflet de son attitude dans la déclaration du gouverneur Mackenzie-Kennedy, qui a dit : “Je connais les gens de la Tour de Garde depuis vingt-cinq ans. Je sais que dans certains pays ils sont persécutés et non reconnus. Pour ma part, je n’ai nulle intention d’entraver leur liberté de mouvement dans ce pays, tant qu’ils respecteront la loi.” Il y eut aussi des autorités africaines qui, par leur comportement, laissèrent la voie ouverte au message du Royaume.

      En 1943, l’œuvre avait fait de tels progrès que la moyenne mensuelle des proclamateurs était de 2 464, avec 144 congrégations. Mais cette année-​là, un nouveau gouverneur fut nommé, et aussi un nouveau commissaire de police. Un grand envoi de livres Richesses en cinyanja fut saisi par le gouvernement. En juin 1943, la note gouvernementale no 77 annonça l’interdiction d’importer les publications de la Société. Mais cela n’eut pas un très grand effet sur l’œuvre, car il y avait des stocks considérables au Nyassaland.

      Ce qui, par contre, eut de l’effet, ce fut l’activité des “mouvements de la Tour de Garde”, activité qui portait atteinte à la réputation de la Société. En 1937, Elliott Kamwana fut libéré aux îles Seychelles, où il avait été déporté, et revint comme chef d’un de ces faux mouvements. Willie Kavala jouait, lui aussi, sa petite comédie. Il affirmait qu’il travaillait sous la direction du juge Rutherford. Devant cette situation, la Société délivra des cartes d’identité spéciales à tous ceux qu’elle reconnaissait comme proclamateurs et elle communiqua leurs noms au gouvernement. De cette façon, une nette distinction fut établie entre les témoins de Jéhovah, sous la direction de la Watch Tower Bible and Tract Society, et les mouvements païens qui portaient un nom semblable.

      En 1944, l’expression “le monde nouveau de Jéhovah” frappa les esprits au Nyassaland. Pendant un discours sur le monde nouveau, un frère offrit cette explication : “Après qu’Adam eut péché, aucun enfant ne lui est né dans le jardin ; ils sont tous nés dans la ‘brousse’, et, chers amis, nous sommes encore dans la ‘brousse’. Nous ne sommes pas encore retournés au jardin. Mais proche est le temps où nous quitterons ce monde de ‘matekenya’ (espèce de puce) pour entrer dans le monde nouveau de Jéhovah.” Dans une certaine région du pays, les intéressés suivaient les témoins de Jéhovah de village en village, s’abreuvant des promesses de la Parole de Dieu.

      L’année suivante, les vérités de la Bible produisirent aussi des remous parmi les représentants de la fausse religion. Un certain nombre d’ecclésiastiques africains, après avoir entendu un discours sur le monde nouveau, allèrent trouver tous ensemble un missionnaire européen et lui dirent : “Pourquoi nous avez-​vous caché ces choses ? Aujourd’hui nous voyons des garçons et des filles aller trouver les gens et leur annoncer les choses les plus merveilleuses qu’ils aient jamais entendues ! Et voici que vous nous avez demandé de prêcher des doctrines qui sont fausses ! Et quand nous nous présentons devant le peuple pour prêcher, nous avons l’air ridicule.”

      LES DIFFICULTÉS SONT VAINCUES EN RHODÉSIE DU SUD

      En 1939, les proclamateurs européens de la Rhodésie du Sud étaient au nombre de 15, tandis que les proclamateurs africains, eux, étaient au nombre de 460. Les frères africains venaient de recevoir leur première brochure en chischona, la principale langue africaine du pays. Cela les aida beaucoup.

      Pendant ce temps, à la mine d’or dont il était propriétaire, Jack McLuckie, proclamateur isolé, élevait sa famille dans la vérité. Sa maison était des plus simples. Les murs étaient en clayonnage revêtu de terre séchée ; quant au plancher, il était en senga (bouse de vache qu’on délaye d’abord dans de l’eau, puis qu’on laisse sécher. Quand elle est sèche, elle devient si dure qu’on peut la balayer quotidiennement). Jack élevait donc fidèlement ses enfants dans la vérité. Une de ses méthodes consistait à lire quelques versets dans la Bible, puis à s’assurer que tout le monde avait bien compris. Ian, le benjamin, était très jeune à l’époque, mais il se souvient fort bien des leçons paternelles. L’instruction qu’il reçut lui fut très utile par la suite, quand il devint pionnier, puis missionnaire de Galaad.

      C’est en 1939 qu’une autre famille McLuckie fit son apparition en Rhodésie du Sud. C’était Bert McLuckie, sa femme Carmen et leur petit garçon Pierre, sans oublier deux enfants d’un précédent mariage. Bert McLuckie connut la vérité en 1927 et aida beaucoup de personnes de sa parenté à accepter la vérité. D’ailleurs, le “clan” McLuckie est bien connu en Afrique centrale et en Afrique australe.

      En 1939, peu après le début de la Seconde Guerre mondiale, les deux familles McLuckie, ainsi que les autres proclamateurs de la Rhodésie du Sud, se trouvèrent aux prises avec les difficultés. Le 15 novembre 1940, le gouvernement interdit l’importation et la diffusion des publications de la Société. On interdit même l’“Emphatic Diaglott”, version anglaise des Écritures grecques chrétiennes. Tous ces ouvrages, disait-​on, étaient susceptibles de nuire à l’effort de guerre. La filiale du Cap envoya aussitôt un appel au roi d’Angleterre, au premier ministre britannique, au ministre des Colonies, au gouverneur de la Rhodésie du Sud et à tous les membres du Parlement. Personne n’accusa réception de sa lettre. Quelques jours plus tard, un membre de la CID vint trouver Georges Phillips, au nom du gouvernement. On voulait connaître les antécédents de l’auteur de la lettre !

      Bert McLuckie raconte que quelques frères se découragèrent par crainte à l’époque où furent interdites les publications, mais la plupart demeurèrent fermes, bien résolus à tester la légalité de l’arrêt d’interdiction. Ils continuèrent donc à diffuser les publications, quoi qu’il leur advînt. Il y eut des arrestations, des poursuites et des inculpations. On confisqua des livres, des Bibles et des disques qui, par la suite, furent brûlés sur ordre du tribunal. Quelques affaires vinrent devant la Haute Cour de la Rhodésie du Sud, mais en raison des pressions et de la situation créée par la guerre, le jugement ne fut pas favorable à la Société.

      Selon Jack McLuckie, à l’époque les frères européens étaient au nombre de 16, dont la plupart faisaient de temps à autre de la prison pour avoir répandu des écrits interdits. Il en est qui allèrent en prison deux ou trois fois. À la même époque, beaucoup de frères furent incarcérés en raison de leur neutralité. Pendant leur détention, ils donnaient le témoignage et il y eut des gardiens qui assistèrent aux études bibliques quand ces frères eurent été relâchés.

      Un jour, Carmen, la femme de Bert McLuckie, fut arrêtée, elle aussi. Elle se vit condamnée à 25 livres d’amende ou trois mois de prison. Or, elle était enceinte. On fit appel, mais sans résultat. Pendant ce temps, Carmen avait mis au monde une petite fille. Après le rejet de l’appel, on vint arrêter Carmen et frère McLuckie vit sa femme et son enfant partir pour la prison de Gwelo. On aurait pu garder l’enfant à la maison, mais il fut décidé qu’il valait mieux que la mère et l’enfant fussent ensemble. Pendant la détention, la petite fille eut pour bonne d’enfants une meurtrière qui pleura abondamment quand, après trois mois, la mère et l’enfant quittèrent la prison.

      Frère McLuckie lui-​même alla plusieurs fois en prison. Il dut subir la compagnie de toutes sortes de malfaiteurs. Jamais il n’avait entendu langage aussi grossier. Cependant il y eut deux détenus qui acceptèrent la vérité. Un jour, alors que tous les autres étaient dans la cour, à l’exercice, frère McLuckie baptisa les deux détenus, dans la prison même.

      En 1942, les frères européens de la Rhodésie du Sud publièrent la brochure Les témoins de Jéhovah : qui sont-​ils et quelle est leur œuvre ? Ils en envoyèrent un exemplaire au gouverneur et à tous les autres fonctionnaires. Puis ils se mirent à répandre cette brochure. Frère McLuckie se souvient fort bien de tout cela. D’ailleurs sa femme fut de nouveau arrêtée, alors qu’elle participait à cette œuvre. Mais cette fois, elle ne fut pas inculpée.

      En 1943, les proclamateurs de la Rhodésie du Sud étaient en moyenne au nombre de 1 090, mais leurs rangs grossissaient rapidement. L’année suivante, il y eut des assemblées pour les frères africains. On dénombra 1 028 assistants à l’assemblée africaine de Bulawayo, et, à Mrewa, 347 personnes assistèrent au discours public. Il y eut 50 baptêmes à ces deux assemblées. Une assemblée européenne se tint aussi à Bulawayo. L’assistance maximum fut de 73 personnes. Les frères furent encouragés à persévérer dans leur œuvre, en attendant le jour où la Société pourrait ouvrir un dépôt et envoyer dans le pays un représentant officiel.

      PLEINS DE ZÈLE FACE À LA PERSÉCUTION

      En 1940, une nouvelle émeute éclata dans le Copper Belt de la Rhodésie du Nord et, dans l’un des centres, il y eut plusieurs tués parmi les Africains. Cette fois les ennemis ne purent pas faire de nos frères des “boucs émissaires”. Les meneurs étaient tous catholiques, mais le gouvernement s’abstint de mentionner ce fait. Les témoins de Jéhovah du Copper Belt étaient à l’époque bien plus forts et bien plus zélés que jamais.

      En décembre 1940, un arrêt gouvernemental interdit l’importation et la diffusion de toutes les publications de la Société. On fit des perquisitions chez les frères et nombre d’entre eux furent jetés en prison parce qu’ils possédaient des écrits. Un jour, deux frères, Gibson Chembe et Lamond Kandama, furent roués de coups à plusieurs reprises, sur leur refus de brûler leurs livres devant tout le monde, chefs inclus. Le chef de la police et le juge étaient parfaitement au courant de ces brutalités. Le rapport envoyé au Cap fut saisi par la censure et le chef de la sécurité envoya chercher Llewelyn Phillips. Celui-ci lui fit connaître les faits et le chef promit qu’une enquête serait ouverte. Une protestation fut envoyée au siège du gouvernement à Lusaka, et au ministère des Colonies à Londres. Le gouvernement désigna une commission d’enquête. Le juge et le chef de la police reçurent un blâme et on n’essaya plus d’obliger les frères à faire un autodafé de leurs livres.

      Ensuite parut une note gouvernementale, en mars 1941, prescrivant à tous les Européens et à tous les Africains de remettre les publications de la Société au boma (tribunal) le plus proche, dans un délai de deux mois, sous peine de poursuites. Inutile de dire que tous les vrais témoins de Jéhovah refusèrent, ce qui provoqua d’autres arrestations. On perquisitionna le dépôt de la Société. Le serviteur du dépôt, Llewelyn Phillips, refusa fermement de remettre les publications en sa possession. Il fut condamné à six mois de prison. Il avait déjà fait cette année-​là un mois de prison pour avoir refusé de faire le service militaire.

      Les choses ne s’apaisèrent pas l’année suivante. Llewelyn Phillips fut de nouveau arrêté à cause du service militaire, mais il fit appel. Il passa trois mois en prison avant que son affaire fût jugée en appel. Voici ce qu’il raconte : “Le procès en appel, qui fut jugé trois mois plus tard, se déroula dans une grande solennité. Il y avait au banc des magistrats le président du Tribunal du Banc du Roi, et, pour l’accusation, le conseiller juridique de la Couronne. Le juge prit une Bible d’où sortaient plusieurs bouts de papier, destinés à lui servir de repères. Il commença par demander de quel droit les témoins de Jéhovah refusaient de faire la guerre, alors que Moïse était un homme de guerre. On lui fit observer qu’il n’était pas possible que Moïse fût un chrétien puisqu’il avait vécu quinze cents ans avant Christ. Le juge ne posa plus d’autres questions bibliques ; d’ailleurs il ne tarda pas à ranger la Bible. On lui fit encore remarquer que si les apôtres étaient vivants, ils se trouveraient, eux aussi, au banc des accusés. Cela toucha le juge.” Le temps de détention infligé à Llewelyn Phillips fut ramené au temps qu’il avait déjà passé en prison, si bien que le frère put quitter le tribunal en homme libre. Sur les douze mois de l’année de service 1942, il en avait passé huit en prison.

      Malgré les difficultés dues à la persécution, aux pénuries alimentaires et au manque de publications, l’œuvre progressait. Pour compenser la pénurie de livres et de brochures, on composa des textes comportant des questions et des réponses (avec passages bibliques appropriés). Les frères s’en servaient dans les études bibliques. À cause de la guerre, il y avait aussi pénurie de pneus et de pièces de rechange pour bicyclettes. Cela voulait dire que la plupart des Africains étaient privés de leur principal moyen de transport. Malgré cela, l’œuvre en Rhodésie du Nord faisait de très grands progrès. En 1944, les proclamateurs étaient en moyenne au nombre de 3 062, soit un accroissement de 116% par rapport à 1941 ! Et en dépit de tous les obstacles, ils consacraient en moyenne trente heures par mois au service du champ. À cette époque, la bonne nouvelle avait également pénétré au Congo.

      Jusqu’alors aucun Européen de la Rhodésie du Nord ne s’était joint ouvertement aux témoins de Jéhovah. Pourquoi ? L’Annuaire de 1943 indiqua quelle pouvait en être la raison : “Parmi les Européens qui sont sensibles à notre message beaucoup ressentent tout au fond d’eux-​mêmes de la crainte ; ils ont, en effet, le sentiment que s’ils faisaient connaître leurs convictions ouvertement et activement, ils compromettraient leur situation.” Plusieurs Européens, y compris des fonctionnaires du gouvernement, témoignèrent cependant beaucoup d’égards aux témoins de Jéhovah. On a même vu un commissaire de district indemniser deux témoins de Jéhovah, en leur donnant 5 shillings chacun, parce que les deux frères avaient été maintenus injustement en prison par son prédécesseur. Le boy d’un autre fonctionnaire avait été emprisonné parce qu’il possédait nos publications. Quand le jeune homme eut purgé sa peine, ce fonctionnaire alla au-devant de lui avec sa voiture et le reprit à son service. Ce changement d’attitude chez beaucoup d’Européens était dû, assurément, au beau témoignage que constituait la conduite des frères. À ce sujet l’Annuaire de 1944 disait ceci : “Parmi tous ceux qui font partie de ce Corps [de travailleurs], ce sont les adhérents de la Société qui jouissent de la meilleure réputation ; d’ailleurs tout le monde sait que les fermiers et tous les autres employeurs n’oublient jamais de préciser que ce sont eux qu’ils veulent en tout premier lieu.”

      En 1945, frère et sœur Bridger, à qui Japie Theron avait fait connaître la vérité aux environs de 1916 dans l’État libre d’Orange, quittèrent Johannesburg pour aller s’installer à Luanshya, où frère Bridger commença son service de pionnier parmi les Européens. Le frère raconte qu’il fit toute la ville et plaça mille brochures. Il y rencontra une certaine Madame Scheepers et sa fille, Madame Joubert, avec qui il avait déjà étudié la Bible à Johannesburg. Toute cette famille — jusqu’aux petits-enfants à l’heure actuelle — a accepté la vérité. Frère Bridger entendit aussi parler de gens qui “ne croyaient pas à la fête de Noël”. Il réussit à les trouver. C’étaient quatre personnes qui avaient connu notre œuvre en Afrique du Sud. Il commença à étudier avec elles. C’est ainsi que se forma le noyau de la première congrégation européenne de la Rhodésie du Nord. Frère et sœur Bridger déployèrent aussi leur activité parmi les Africains dans les compounds.

      DANS LE BAROTSELAND

      En 1945, l’Union sud-africaine envoya encore de l’aide sous la forme de frère C. Holliday (mari de sœur M. Holliday, dont il a été fait mention précédemment). Il avait été invité par Georges Phillips à servir en qualité de “serviteur itinérant et à assister frère Llewelyn Phillips”. Alors qu’il se trouvait en Rhodésie du Nord, il visita la Barotseland, territoire de 735 531 km2, situé dans la partie supérieure du grand fleuve Zambèze, à l’ouest des chutes Victoria. Il était accompagné d’un Européen qui s’intéressait à la vérité et d’un “serviteur africain des frères”, qui faisait fonction de guide et d’interprète.

      Ce fut un voyage assez pénible. La première partie du trajet se fit à bord d’un train privé (c’était un convoi de bois). Arrivés à Massesse, nos voyageurs descendirent et se réunirent avec quelques témoins. Il fut décidé que ceux-ci formeraient le noyau d’une congrégation. L’étape suivante se fit à bord d’un lorry qu’ils avaient emprunté et que deux Africains poussèrent le long des rails jusqu’à l’endroit où s’arrêtait un camion du gouvernement. Ce camion les transporta jusqu’à Katima Molilo et de là un autre véhicule les emmena jusqu’à Ngwesi. Là les frères vinrent à leur rencontre. Ils étaient venus de Senanga pour les attendre et leur servir de porteurs. Pour se rendre à Senanga, ils durent voyager à bord de trois pirogues. À un moment donné un drame faillit se produire. Un hippopotame souleva l’une des pirogues en l’air, sous les yeux horrifiés de frère Holliday. Mais le pagayeur réussit, avec habileté, à garder son équilibre, tout en frappant l’animal avec son aviron. Finalement l’énorme bête s’enfonça dans les flots, au grand soulagement de tous.

      À Senanga beaucoup de monde les attendait, toute une foule. Certains avaient marché huit ou neuf jours pour être présents. Tous voulaient savoir ce qui allait se passer. C’était la première fois qu’un Européen venait leur rendre visite et, parmi eux, certains n’avaient encore jamais vu un Blanc. L’assemblée non officielle qui eut alors lieu fut une source de grand encouragement.

      Alors qu’il visitait la congrégation de Mufulira, frère Holliday rencontra Monsieur Ford, le directeur du compound. Celui-ci était très impressionné par la bonne conduite des “gens de la Tour de Garde” et par la belle œuvre qu’ils accomplissaient. Il figurait parmi les fonctionnaires dont parlait l’Annuaire de 1946 : “Jusqu’à présent les autorités ne sont pas disposées à nous reconnaître, mais, parmi les fonctionnaires pris individuellement, il y a des exemples qui montrent que certains respectent le zèle, la conduite et la pureté des témoins de Jéhovah. Les gens qui se joignent à nous dans les centres miniers sont très nombreux (il n’est pas rare de dénombrer 800 personnes dans l’auditoire), et cela fait une très grande impression sur ceux qui sont chargés de diriger les Africains. Ainsi, après un échange de lettres qui dura quatre mois, le comité de direction de Mufulira a cédé, à titre gracieux, un terrain pour la construction d’une Salle du Royaume. La raison en est que quelques fonctionnaires ont parlé courageusement en notre faveur.” Ce fut la première Salle du Royaume en Rhodésie du Nord.

      Ainsi, malgré les persécutions, l’œuvre allait de l’avant en Rhodésie du Nord, dans la première partie des années quarante. Cela se vérifiait aussi dans les autres pays sous la direction de l’Afrique du Sud.

      LA PRÉDICATION AU BASUTOLAND, MALGRÉ L’INTERDICTION

      Au début des années quarante, frère et sœur Frank Taylor allèrent au Basutoland (actuellement le Lesotho). Ils constatèrent qu’en nombre de localités l’intérêt était si grand que les Africains couraient après eux pour leur demander des publications. Mais les autorités veillaient. Elles les menacèrent de confisquer leurs écrits et les obligèrent à s’en aller.

      En février 1941, les autorités interdirent l’importation au Basutoland des publications de la Société, sans exception. Chose étrange, l’interdiction fut décrétée avant même qu’il y eût un témoin de Jéhovah dans le pays. C’est à l’époque de l’interdiction que l’œuvre du Royaume prit un bon départ et fit de bons progrès. Des frères avaient déjà parcouru le pays, à bord des voitures à haut-parleur de la Société, faisant entendre les disques et répandant des publications, mais ce n’est pas avant 1942 que la filiale reçut un rapport de deux proclamateurs du Basutoland. L’un d’eux était frère L. Ramosena, qui connut la vérité alors qu’il travaillait à Vereeniging, dans le Transvaal. Frère Ramosena fut si enthousiasmé par le message et ressentit un tel désir de le répandre dans son propre pays qu’il s’y rendit et commença à donner le témoignage avec zèle, en commençant à Teyateyaneng.

      Bientôt frère Ramosena fut rejoint par un autre frère, qui avait connu la vérité à Johannesburg, et tous deux allèrent à bicyclette dans les villages des environs, annonçant la bonne nouvelle. Ils organisèrent de petites réunions ; il y eut de l’accroissement. Une année plus tard, en 1943, ils étaient quatre proclamateurs.

      La prédication au Lesotho ne ressemble pas tout à fait à ce qui se passe dans la plupart des autres pays. Que le maître de la maison soit dehors ou à l’intérieur, le proclamateur l’abordera en lui disant à haute voix et sur un ton aimable : “Khotso !” (“Paix !”). L’homme lui répondra : “Khotso !”, puis il l’invitera à entrer et à s’asseoir. Tous deux s’enquerront alors de leur santé. Quand toute cette salutation traditionnelle aura pris fin, le proclamateur pourra alors expliquer le but de sa visite.

      L’Église catholique et la Mission française sont bien implantées dans ce pays et beaucoup de gens appartiennent à l’une ou à l’autre de ces religions. Cela n’empêche pas de nombreux Bassoutos de rester attachés à leurs traditions païennes, telles que le culte des morts. Ces derniers temps encore, on a signalé des meurtres rituels : on tue des humains pour prélever sur leurs corps certains organes destinés à servir à des fins médicinales. Mais, en dépit de ces obstacles, le petit groupe des proclamateurs s’est accru et en 1948 il y avait neuf proclamateurs de la bonne nouvelle.

      Comme de nombreux chefs sont catholiques, ils s’opposent souvent à l’œuvre du Royaume, mais, parmi eux, il y a quelques cœurs sincères. En 1951, un pionnier se rendit dans le kraal d’un chef, à Leribe. Il fut invité à un repas, auquel assistaient deux ecclésiastiques. Le frère donna le témoignage au chef, prouvant tous ses dires à l’aide de la Bible. Les deux prêtres, déconcertés, s’empressèrent de disparaître, mais le chef, lui, fut réjoui et le pionnier commença une étude avec lui. Par la suite, le chef invita les gens de son territoire à étudier, eux aussi. Bientôt les demandes d’étude furent si nombreuses que le pionnier n’y put suffire. L’œuvre faisait de bons progrès et, en 1951, il y avait cinq petites congrégations au Basutoland. L’année suivante il y eut en moyenne 53 proclamateurs, ainsi que 10 pionniers.

      LA LUMIÈRE BRILLE AU TANGANYIKA

      Plus au nord, au Tanganyika, l’œuvre parmi les frères africains faisait également de bons progrès. À partir de 1936 et au cours des années suivantes, des lettres adressées à la filiale du Cap montraient que des rayons de vérité atteignaient cette partie de l’Afrique. En 1942, 158 frères avaient participé d’une façon ou d’une autre à l’œuvre. Selon l’Annuaire de 1945, les rapports en provenance du Tanganyika signalaient une opposition accrue et des confiscations de publications, mais il y eut une moyenne mensuelle de 75 proclamateurs, qui passaient un peu plus de 8 heures dans le champ. Le seul moyen d’encourager les frères consistait à leur envoyer des lettres. C’est ce que fit la Société. En 1945, il n’y avait que trois congrégations, composées de 144 proclamateurs, qui donnaient le témoignage aux six millions d’habitants du pays. Il s’agissait surtout de témoignage oral, de nouvelles visites et d’études. De temps à autre, des imprimés parvenaient aux frères. Ils faisaient bon usage de ces écrits, pour le bien de tous. Ces frères ont rencontré beaucoup d’opposition de la part de la fausse religion. Ils avaient besoin d’une direction et aussi de publications en souahéli.

      En janvier 1948, un serviteur des frères, qui parlait le cibemba, fut envoyé de la Rhodésie du Nord au Tanganyika. Il travailla avec les huit congrégations du district de Mbeya, encourageant et édifiant les frères. La seule autre congrégation, qui se trouvait, elle, à la frontière de la Rhodésie du Nord, fut desservie par un autre serviteur des frères. D’autre part, le Tanganyika fut placé sous la direction de la filiale de la Rhodésie du Nord, filiale qui venait d’être créée. Aujourd’hui le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie se trouvent sous la direction de la filiale du Kenya. L’œuvre du Royaume fait de rapides progrès dans cette région, pour la plus grande gloire du nom de Jéhovah.

      UNE NOUVELLE CAMPAGNE COMMENCE

      C’est en juin 1945 que commença en Afrique du Sud la campagne des réunions publiques. Les frères l’appuyèrent avec enthousiasme. Grâce à l’École du ministère théocratique, on disposait de nombreux orateurs. Les plans des discours furent traduits dans les principales langues africaines et les frères de ce champ-​là commencèrent à organiser cette nouvelle campagne.

      Bien entendu, de nombreux frères se sentirent intimidés à l’idée de devoir parler en public. Parmi ceux-ci figuraient Piet Wentzel et son compagnon, Frans Muller, tous deux pionniers à Vereeniging. Quand l’Informateur (qui, par la suite, fut appelé Notre ministère du Royaume) commença à parler de la campagne, ils se dirent tous deux que cela n’était pas pour eux. Cependant les articles suivants de l’Informateur les encouragèrent. Ils choisirent donc des sujets de discours et se mirent au travail. Pour s’exercer, ils choisirent un coin tranquille au bord d’une rivière. S’étant placés suffisamment loin l’un de l’autre, ils se mirent à parler à leur “auditoire”, les flots paisibles de la rivière. Pendant un mois, ils descendirent chaque jour à la rivière, jusqu’à ce qu’ils eussent acquis suffisamment d’assurance pour parler à un auditoire réel. On commanda des feuilles d’invitation, qui furent distribuées, et, le jour du discours, il y eut 37 personnes dans l’assistance. Ils furent très réjouis de cet excellent résultat.

      L’ORGANISATION SE CONSOLIDE

      Par rapport aux années précédentes, 1945 fut une année relativement calme sur le plan de l’opposition. Il y eut, cependant, quelques petits incidents, dont l’un survint à Kimberley. Cette ville est un important centre de production de diamants, et cela depuis 1870, quand on a commencé à extraire le diamant dans cette région. Sans raison apparente, le conseil municipal de Kimberley adopta une résolution qui visait à interdire aux témoins de Jéhovah l’accès des réserves municipales (réserves indigènes). Le directeur de ces réserves indigènes reçut l’ordre de mettre un terme aux activités des témoins de Jéhovah dans les réserves et de fermer leurs salles de réunion. Un journal local publia un article sous le titre suivant : “Les Russellistes chassés des réserves.”

      Le directeur des réserves, un certain O’Brien, passa aussitôt à l’action. En l’absence des frères, il pénétra par effraction dans la Salle du Royaume, s’empara des publications et du phonographe et fracassa le petit chariot qui servait de support à l’appareil. Puis, avec un air de triomphe, il en distribua les morceaux aux spectateurs, pour qu’ils en fassent du feu. La filiale, elle aussi, passa aussitôt à l’action. Elle donna quarante-huit heures au conseil municipal pour faire rendre les biens saisis et payer les dommages, sinon elle intenterait une action en justice. Le conseil municipal dut payer 10 livres d’indemnisation et O’Brien dut remettre à la Salle du Royaume tout ce qu’il avait pris. D’autre part, la presse locale publia un article qui montrait que les témoins de Jéhovah venaient de remporter une victoire de plus et qu’ils déploieraient leurs activités dans les réserves indigènes comme auparavant.

      Finalement, en mai 1945 prit fin en Europe la guerre qui avait duré presque six longues années. Les hostilités se poursuivirent encore quelque temps en Extrême-Orient, jusqu’au jour où les bombes atomiques brisèrent la résistance du Japon. Les Sud-Africains, en général, poussèrent un soupir de soulagement. Mais bien que les témoins eussent gagné la “bataille de l’interdiction”, leur longue lutte avec la “postérité” du Serpent n’était pas encore terminée.

      Cependant, en dix-neuf endroits le peuple de Dieu tint l’Assemblée des proclamateurs unis durant la guerre mondiale. Pour la première fois dans l’histoire de l’œuvre du Royaume en Afrique du Sud, les frères purent goûter aux mêmes bonnes choses, et cela en même temps que les frères d’Amérique et d’ailleurs. Le programme et les nouvelles publications, tout fut prêt à temps.

      À Durban, il y avait une centaine de proclamateurs. Cette petite poignée de chrétiens se mit à l’œuvre pour annoncer le discours public. Ce fut une campagne puissante : 50 000 feuilles d’invitation furent distribuées et 2 000 lettres d’invitation furent envoyées, sans oublier les 1 000 affiches et les calicots. La ville était stupéfaite. On n’avait jamais rien vu de pareil. Il y eut 900 personnes au discours public, dont 750 n’étaient pas des frères. Dans tout le pays, 5 001 personnes avaient assisté à cette série d’assemblées.

      À la filiale du Cap, la famille comptait quatorze membres, qui habitaient tous à l’extérieur et prenaient leurs repas au restaurant. La petite imprimerie travaillait toujours à plein rendement et, en 1945, elle produisit 2 562 817 imprimés. Le nouveau livre “La vérité vous affranchira”, qui parut en 1943, avait été traduit en afrikaans, en zoulou et en sesotho.

      Ainsi, l’Organisation en Afrique du Sud émergea de la Seconde Guerre mondiale plus solide et plus grande qu’au début. L’œuvre avait progressé en dépit des efforts de nos adversaires, en dépit des interdictions, en dépit des calomnies des ecclésiastiques et de la presse, en dépit des procès, des perquisitions et des arrestations. Le nombre des congrégations en Afrique du Sud avait doublé, passant de 115 à 244. Dans toute l’Afrique australe, le nombre moyen des proclamateurs était passé de 3 179 (en 1939) à 12 289 (en 1945), soit un accroissement de 286%. Chose plus remarquable encore, ce fut l’accroissement du nombre des proclamateurs en Union sud-africaine. Alors qu’ils étaient 439 en 1939, les proclamateurs étaient devenus 2 991 en 1945, soit une augmentation de 580% !

      ON BÂTIT POUR LES ANNÉES À VENIR

      Étant donné les grands accroissements obtenus pendant les années de la guerre, il fallait, pour que la productivité se maintienne, bien organiser l’œuvre en Afrique du Sud, en Afrique centrale et en Afrique orientale. De 3 179 en 1939, les témoins étaient passés au nombre de 14 089 en 1946. Il y avait vingt-cinq millions d’habitants dans tous les territoires sous la direction de la filiale du Cap. Quatre-vingt-dix pour cent de ces gens étaient membres des différentes tribus africaines de la partie australe du continent. La plupart des Européens (Blancs), cependant, habitaient en Union sud-africaine.

      Les quelques années qui suivirent devaient voir un nouvel accroissement, tout aussi prodigieux. De nouvelles filiales furent créées en ces territoires, ce qui permit de mieux prendre soin des brebis.

      Dans beaucoup de régions il régnait encore des malentendus concernant notre œuvre. Quand des frères africains de la Rhodésie du Nord voulurent venir à Johannesburg pour assister au congrès d’octobre 1946, les agents du service de l’immigration leur interdirent l’accès du pays. L’un de ces fonctionnaires posa la question suivante : “La ‘Tour de Garde’ ne s’est-​elle pas rendue coupable de menées subversives ?” On eut beau donner aux fonctionnaires toutes les explications voulues, ils persistèrent dans leur refus. Ils finirent par déclarer qu’il n’y avait pas assez de place à Johannesburg, où des milliers d’Africains habitaient déjà dans des abris de fortune. Ils refusèrent de croire que les témoins de Jéhovah se chargeraient eux-​mêmes de l’hébergement de leurs frères visiteurs.

      C’est à l’occasion de l’assemblée de Cleveland (États-Unis) que furent présentés les livres “Que Dieu soit reconnu pour vrai !” et “Équipé pour toute bonne œuvre”. Deux ou trois mois plus tard, ces mêmes ouvrages furent présentés aux frères sud-africains lors de leur assemblée à Johannesburg. Ces publications aidèrent les serviteurs de Jéhovah à devenir de vrais enseignants de la Parole. On continuait encore à prêcher avec le phonographe et les disques, mais il était temps maintenant que les proclamateurs apprennent à prêcher et à enseigner davantage avec leurs lèvres.

      Selon un surveillant de circonscription de l’époque, M. Nguluh, il y eut pas mal d’ecclésiastiques africains de diverses confessions qui acceptèrent la vérité durant cette période. L’un de ces pasteurs, Bethuel Rikhotso, fut contacté en 1946 par frère Nguluh qui, faisant sa tournée de surveillant de circonscription, se trouvait alors à Graskop dans le nord-est du Transvaal. L’homme accepta la vérité d’emblée. Quand le surveillant de circonscription revint dans la région, il avait fait le nécessaire pour que le frère pût faire un discours spécial au “kraal” (groupe de huttes) du chef suprême de la tribu des Schangaans. Un puissant témoignage fut donné à cette occasion, et, des années plus tard, une grande congrégation se forma dans cette région. Rikhotso lui-​même devint pionnier en janvier 1947.

      CIRCONSCRIPTIONS ET ASSEMBLÉES

      La vie d’un surveillant de circonscription africain n’était pas toujours facile en ce temps-​là. Frère Nguluh nous dit qu’à deux reprises il a failli se noyer en voulant traverser des rivières en crue. Encore de nos jours, pour se rendre d’une congrégation à l’autre, les surveillants de circonscription africains doivent faire des kilomètres à travers la brousse, avec leurs valises. Ils sont souvent accompagnés de leur femme et d’un enfant.

      En février 1947, il y eut une réorganisation en Afrique du Sud ; le pays fut divisé en quatorze circonscriptions.

      Dans certaines régions, les Africains manifestèrent un très grand intérêt. Un surveillant de circonscription africain raconte qu’il a dû faire le même discours public trois fois le même jour. Il avait été envoyé dans une certaine région pour organiser une nouvelle congrégation et il devait faire une conférence publique un certain dimanche d’août 1947. Il y avait 173 personnes dans l’assistance, presque tous de nouveaux intéressés. Voici ce qu’il écrit : “Après la conférence, les assistants se levèrent pour aller en inviter d’autres à venir écouter la vérité. À 15 heures donc, j’ai dû refaire la conférence. À 17 heures la salle se remplit de nouveau et on me pria instamment de répéter le discours, car ceux qui étaient venus à 15 heures avaient dit qu’on annonçait la vérité dans cette salle. De 18 heures à 19 heures, j’ai prononcé mon discours pour la troisième fois cet après-midi-​là.” Cet intérêt remarquable laissait augurer de grands accroissements.

      En avril 1947 se tint à Durban la première assemblée de circonscription d’Afrique du Sud. Milton Bartlett, de la cinquième classe de l’École de Galaad et le premier missionnaire galaadite à venir en Afrique du Sud, était le surveillant de district lors de cette assemblée. Les frères africains disposaient d’une salle badigeonnée à la chaux dans un compound municipal près du centre de la ville. Ce fut une assemblée joyeuse. Les frères avaient parcouru de très grandes distances, car toute la province du Natal formait une seule circonscription à l’époque.

      Voici en quels termes frère Bartlett décrit cette assemblée africaine : “Il fallait voir le comportement des témoins africains. Ils étaient propres, calmes, bien mis. C’étaient des gens sincères, avides de progresser dans la connaissance de la vérité et très zélés pour le service du champ. Ils se trouvaient à l’intérieur du compound (terrains d’hôtels indigènes), mais cela ne les empêcha pas d’installer leurs marmites à triple pied. Ils avaient tué une bête et préparaient le repas. Chaque témoin avait emporté dans ses bagages une assiette, une timbale et une cuillère. Quand ce fut l’heure de manger leur épaisse bouillie de maïs, ils se mirent à en détacher des morceaux qu’ils roulaient dans leurs mains, trempaient dans la sauce qui tapissait le fond de leurs assiettes et enfournaient dans leur bouche.”

      Les frères aimaient beaucoup les assemblées de circonscription. D’après le rapport de cette année-​là, des frères du Zoulouland firent cent vingt-cinq kilomètres pour se rendre à une assemblée de circonscription. Le voyage aller et retour leur demanda cinq jours. Voici ce que déclara le surveillant de filiale : “Le zèle de beaucoup de ces amis est remarquable et cela vous fait chaud au cœur de voir leur empressement à s’instruire dans la vérité et à mettre en pratique les directives reçues.”

      Les problèmes d’hébergement ne préoccupent guère ces frères. Ils arrivent avec un paquet qui contient une couverture et des affaires personnelles. Il y a des femmes qui portent un bébé sur le dos et tiennent à la main une boîte en bois qui renferme leurs livres et la Bible. Cette boîte fait souvent office de siège lors des assemblées. S’il leur faut trouver un abri pour la nuit pendant qu’ils font route vers l’assemblée, ils ne sont pas en peine. Des Africains hospitaliers mettent souvent à leur disposition un petit coin de leur demeure. S’il leur faut coucher à la belle étoile, leur couverture les protégera de la fraîcheur nocturne.

      Il arrive de temps à autre qu’il n’y ait pas de salle disponible. L’assemblée se tiendra alors en plein air. Parfois on construit des abris provisoires. Les repas servis sont des bouillies de maïs et de la viande. Si les frères ont apporté leur assiette, tant mieux. Sinon, ils puiseront à la même marmite. Si quelqu’un a oublié sa cuillère, il se servira de ses doigts. N’oublions pas que les doigts ont été faits avant les couteaux et les cuillères.

      SPIRITUELLEMENT AFFERMIS PAR UNE VISITE

      Ce qui devait marquer en 1948 l’œuvre en Afrique du Sud, en Afrique centrale et en Afrique orientale, ce fut la visite tant attendue de N. H. Knorr, président de la Société. Quelle joie pour tous les frères de l’Afrique australe ! À cette occasion on fit l’acquisition, près de Johannesburg, d’un terrain pour y construire une nouvelle filiale et une nouvelle imprimerie.

      C’est du 3 au 5 janvier 1948 que devait se tenir l’assemblée nationale en Afrique du Sud. Elle eut lieu à Johannesburg. À cause des lois en vigueur, les Européens durent se réunir en un endroit et les frères de couleur dans un autre. Bien que les frères aient été pris de court, il y en eut 3 600 qui assistèrent aux sessions d’ouverture et 9 246 qui vinrent aux deux discours publics. Il y eut au total 416 baptisés, dont 378 étaient des frères africains. Après l’assemblée, frère Knorr et son secrétaire, Milton Henschel, passèrent trois jours à la filiale du Cap, prodiguant conseils et encouragements à la famille du Béthel.

      Dans les pays et territoires sous la direction de la filiale du Cap, on enregistra en 1948 un maximum de 27 000 proclamateurs. À la suite de la visite de frère Knorr cette année-​là, on organisa dans les régions centrales de l’Afrique de nouvelles filiales qui devaient avoir leur vie propre, au lieu d’être de simples dépôts envoyant leurs rapports à la filiale du Cap. Voyons à présent quels furent les progrès dans ces pays sous la direction de la filiale du Cap.

      LA PRÉDICATION DU ROYAUME PROGRESSE EN TOUTE LIBERTÉ

      En Rhodésie du Sud (qui est aujourd’hui tout simplement la Rhodésie) se poursuivait la bataille pour la suppression des entraves à l’activité du Royaume. La filiale du Cap envoyait régulièrement des lettres aux autorités, leur demandant de lever les interdictions. En 1945, la filiale reçut l’assurance que la demande serait prise en considération à un prochain conseil des ministres. L’année suivante, les interdictions furent finalement levées et les publications de la Société purent de nouveau circuler librement en Rhodésie.

      En 1947, Bert McLuckie et les siens se trouvaient dans une situation qui permit à Bert d’entreprendre de nouveau le service de pionnier. À sa grande surprise, on lui demanda d’ouvrir pour le 1er juillet 1947 un dépôt pour la Société, à Bulawayo, qui se trouvait alors en Rhodésie du Sud. Grâce à Jéhovah, elle était gagnée, la longue et dure bataille qui avait été livrée pour que l’œuvre du Royaume fût pleinement établie et représentée dans ce pays ! Cette année-​là il y eut un maximum de plus de 3 000 proclamateurs, avec 82 congrégations.

      Le premier dépôt ressemblait un peu à une entreprise familiale, avec Bert McLuckie, travaillant dans la maison de son frère charnel, Jack McLuckie. Au début, Bert faisait tout le travail lui-​même. Puis il fit venir deux frères africains pour traduire La Tour de Garde en chischona et en cinyanja. Pendant quelque temps, on polycopia ces traductions. Il fallait assembler les feuillets, les plier et les agrafer à la main. De l’aveu même de frère McLuckie, le résultat final laissait beaucoup à désirer. Actuellement, en 1975, ces périodiques sortent d’une rotative moderne de la filiale d’Elandsfontein. La traduction en cinyanja est tirée à 25 000 exemplaires et la version en chischona à 13 900 exemplaires par numéro.

      Tous ces progrès furent une source de joie et d’encouragement pour les proclamateurs de la Rhodésie du Sud. Mais imaginez leur joie quand ils apprirent, en octobre 1947, que frère Knorr et frère Henschel allaient venir les voir en janvier 1948. On imprima des milliers de feuilles d’invitation, des centaines d’affiches, et on fabriqua quantité de calicots en vue d’annoncer les discours que frère Knorr devait faire aux Africains et aux Européens de Bulawayo et de Salisbury. C’est vers cette époque qu’Eric Cooke, premier missionnaire galaadite de la Rhodésie du Sud, fit son apparition.

      Des difficultés surgirent à Salisbury. En effet, l’administration locale annula les accords passés en vue de l’utilisation de la salle de Harari pendant la période du 16 au 18 janvier 1948, c’est-à-dire pendant la période du congrès. Elle annula aussi tout ce qui avait été convenu pour l’hébergement des frères africains. C’est pourquoi le 13 janvier frère Cooke alla voir le directeur de l’administration pour découvrir la nature de ses objections. Eh bien, cet homme se faisait une fausse idée de la Société. Il croyait qu’elle était “contre le gouvernement”. Frère Cooke le rassura en lui lisant un extrait de l’Annuaire. Cela fit une telle impression sur le fonctionnaire qu’il permit l’utilisation de la salle de Harari et fit le nécessaire pour qu’il fût possible d’héberger les milliers de visiteurs attendus. Ainsi l’assemblée put se tenir en toute liberté. L’assistance maximum fut de 6 000 personnes.

      Pendant sa courte visite, frère Knorr prit le temps d’aller voir les fonctionnaires du gouvernement pour parler avec eux des entraves à l’importation des publications de la Société, en raison de la pénurie de dollars dans les pays de la zone sterling. Frère Knorr régla le problème en disant que toutes les publications seraient envoyées à titre gracieux, ce qui ne poserait donc pas de problèmes de devises.

      C’est durant cette visite que frère Knorr décida que le dépôt deviendrait une filiale à dater du 1er septembre 1948, avec Eric Cooke comme serviteur de filiale. C’était le début d’un nouveau chapitre de l’œuvre du Royaume en Rhodésie du Sud. À l’époque, le maximum de proclamateurs était de 4 232.

      LE NYASSALAND S’ÉVEILLE

      Au Nyassaland (actuellement le Malawi), l’histoire de l’œuvre est à peu près semblable. En 1946, les témoins de Jéhovah commencèrent à faire sentir leur présence dans le pays. Pour la première fois, les proclamateurs furent plus de trois mille, et les frères étaient vraiment en train de réveiller le Nyassaland.

      La campagne des discours publics battait son plein. Elle contribua beaucoup à réveiller les gens. Naturellement, les ecclésiastiques firent tous leurs efforts pour empêcher les témoins de Jéhovah de faire des discours dans leurs villages. Il fallait d’abord demander l’autorisation au chef du village. Si celui-ci se trouvait sous l’influence des chefs religieux de l’endroit, il n’était pas possible de tenir une réunion publique. Dans la région de Zomba, les diacres et les anciens d’une certaine Église menacèrent un certain chef de le dépouiller de son autorité, mais celui-ci ne se laissa pas intimider. Par contre, le chef d’un village voisin roua de coups deux témoins de Jéhovah qui étaient venus lui demander l’autorisation de faire un discours public. L’homme dut comparaître devant le tribunal africain local, mais comme c’était un personnage influent et un membre de l’Église, le juge avoua son impuissance à rendre la justice. Il se trouva que le commissaire de district entendit parler de l’affaire. Il infligea un blâme sévère au tribunal et au chef.

      De nombreux chefs se mirent alors à inviter les témoins de Jéhovah à venir faire des discours dans leurs villages. Un de ces chefs avait assisté à un discours public à Lizulu et il avait appris à cette occasion où étaient réellement les morts. Peu après, il assista à un office funèbre dirigé par plusieurs chefs religieux. L’un d’eux raconta à l’auditoire que l’enfant décédé “est maintenant un ange au ciel”. À ces paroles, le vieux chef poussa un grognement, se leva lentement, se tourna vers son voisin, qui était l’induna (chef subalterne), et lui demanda une prise de tabac. Puis, reniflant vigoureusement la prise, il quitta les lieux en grommelant : “À Lizulu on nous a dit où sont réellement les morts. Tout ça n’est qu’un tas de mensonges !”

      Si puissant était le message des témoins de Jéhovah que les ecclésiastiques essayèrent d’adopter nos expressions et nos méthodes. On les entendait dire : “Nous aussi, nous annonçons le monde nouveau.” Certains voulurent même faire de nouvelles visites à leurs membres. Au bout de quelques semaines, ils renonçaient.

      Un jour, 300 personnes assistaient à une réunion publique en plein air, qui avait été annoncée oralement et par des affiches attachées aux arbres. Or, un ecclésiastique vint à passer juste au moment où l’orateur citait Michée 3:11 : ‘Les prêtres enseignent contre paiement.’ (Osty). L’homme fut vexé et alla porter plainte auprès du chef de l’endroit. Celui-ci interdit aux témoins de Jéhovah de tenir des réunions publiques. Bien entendu, les frères ne pouvaient accepter cet arrêt et firent appel au tribunal. Le juge annula l’arrêt du chef et déclara que quiconque tourmenterait les témoins de Jéhovah serait puni d’une amende de cinq livres. Avant que les remous causés par cette affaire se fussent apaisés, une cinquantaine de personnes avaient pris position et proclamaient le Royaume.

      Beaucoup de chefs de villages, qui avaient été nos adversaires, changèrent d’attitude et reconnurent volontiers avoir subi l’influence des chefs religieux. Un jour qu’un surveillant de circonscription était venu trouver un chef de village, qui était catholique, pour lui demander l’autorisation de tenir une réunion publique, l’homme s’écria : “Quoi ! vous voulez tenir une réunion publique ici ? Eh bien, à... vous avez tenu une réunion, et maintenant l’église est tombée en ruine. Vous avez été accueilli à... et à..., et la même chose s’est produite dans les deux cas. Et maintenant vous voulez entrer dans mon village et abattre l’église que nous y avons construite ? Jamais de la vie !” Mais le lendemain matin deux cents frères traversèrent le village en chantant. Les catholiques essayèrent bien d’intervenir en poussant des clameurs et en battant du tam-tam, ils ne purent empêcher une grande foule de se joindre aux frères et de les accompagner jusqu’à un endroit à la périphérie du village. La réunion publique eut lieu ; ce fut un succès.

      LUTTE POUR LA LEVÉE DE L’INTERDICTION

      En 1946, on fit circuler une pétition au Nyassaland pour que le gouvernement restitue les publications qui avaient été saisies. Cela aussi contribua à réveiller le Nyassaland. Cette colonie britannique, quelque peu isolée, fut impressionnée par cette action énergique de la part des frères. La pétition recueillit 47 000 signatures, ce qui ne manqua pas d’inquiéter les autorités.

      La filiale du Cap envoya une longue lettre, datée du 5 septembre 1946, au ministre des Colonies à Londres. Dans cette lettre, il était dit que la conduite des témoins de Jéhovah du Nyassaland avait été irréprochable, que ceux qui avaient pris l’initiative d’interdire nos publications avaient été influencés par les jésuites opérant dans le pays, et que les interdictions qui frappaient les publications de la Société étaient déjà levées dans les autres parties du Commonwealth britannique. La réponse fut encourageante en ce sens que les gouverneurs des quatre territoires britanniques composant le bloc est-africain (la Rhodésie du Nord, le Nyassaland, le Kenya et le Tanganyika) se virent priés par le ministère de faire une recommandation commune concernant la Société Watch Tower et les témoins de Jéhovah. Il était demandé aux gouverneurs de ne pas oublier les deux points suivants : 1°) le principe de la liberté du culte pour tous, et 2°) que des interdictions semblables à celles qui existaient alors en ces pays avaient été levées dans toutes les autres parties de l’Empire. Mais l’affaire fut classée par les autorités, qui déclarèrent qu’elles allaient examiner attentivement les publications de la Société.

      UNE VISITE STIMULANTE

      Un événement très spécial s’est produit le 13 janvier 1948 au Nyassaland. Venant de Salisbury, en Rhodésie du Sud, quatre frères du bureau central nous ont visités. Il s’agissait des frères Knorr, Henschel, Phillips, surveillant de la filiale du Cap, et de frère I. Fergusson, nouveau diplômé de l’École de Galaad affecté au Nyassaland. Une réunion avait été prévue pour la circonstance à l’hôtel de ville de Blantyre ; elle devait réunir Européens et Indiens. Si l’on tient compte du fait qu’il n’y avait à l’époque que 250 Européens à Blantyre, les 40 personnes venues écouter le discours public représentaient une bonne assistance. Le lendemain, les quatre frères ont assisté à l’assemblée africaine qui se tenait non loin de Limbe. Bill McLuckie interprétait les discours en cinyanja. Le discours public de l’après-midi a réuni 6 000 personnes. Comme il n’y avait pas de système de sonorisation, les orateurs devaient élever très fort la voix pour se faire entendre de tous. Le discours de frère Knorr a été interrompu par une très grosse averse ; le public s’est aussitôt dispersé pour chercher abri sous les arbres et dans les maisons voisines, mais les frères sont restés à leur place et frère Knorr a terminé son discours, un parapluie à la main. Le fait même que le président de la Société, un Européen, ait terminé son discours sous une pluie battante, montrait aux Africains que les témoins de Jéhovah s’intéressent vraiment à eux ; les Européens locaux n’auraient pas agi de la sorte.

      Au cours de sa visite, frère Knorr a pu s’entretenir avec un fonctionnaire du gouvernement et le préfet de police et ainsi ôter les doutes qui subsistaient à propos des écrits de la Société. Les représentants du gouvernement ont promis d’examiner sérieusement la question, afin de voir si l’interdiction qui frappait nos publications pouvait être levée. La visite de frère Knorr a donné un nouvel essor à l’œuvre dans le pays. L’année 1948 a certainement compté dans l’histoire des témoins de Jéhovah du Nyassaland. Le maximum de proclamateurs étaient maintenant supérieur à 5 000 et les nouveaux affluaient sans cesse. L’accroissement était si rapide en certains endroits qu’on manquait de territoire pour la prédication.

      Le 1er septembre 1948 une filiale a été ouverte au Nyassaland, et Bill McLuckie en a reçu la charge. C’était une nouvelle étape dans l’histoire de l’œuvre de notre pays, et les frères en ont été affermis. En 1949, deux missionnaires anglais, Peter Bridle et Fred Smedley, sont arrivés.

      LE VRAI CULTE PROGRESSE EN RHODÉSIE DU NORD

      Durant toute cette période, l’œuvre en Rhodésie du Nord (aujourd’hui la Zambie) progressait à pas de géant, l’accroissement se faisant en général dans la région des mines de cuivre. En vue d’aider ces nombreux nouveaux, on a organisé au dépôt un cours de dix jours à l’intention des pionniers et de tous ceux qui désiraient entrer dans leurs rangs. Ils pourraient ainsi servir plus efficacement leurs frères.

      Cette progression du vrai culte a vraiment inquiété les faux bergers de la chrétienté. Pour lutter contre cette marée, un pasteur a demandé aux membres de sa congrégation de visiter les gens chez eux, à l’exemple des témoins de Jéhovah, pour les inviter à venir à “l’église”. Certains d’entre eux rencontrèrent des personnes qui, après avoir écouté avec étonnement leur discours hésitant, leur ont fait savoir que leur message était loin de valoir celui des “gens de la Tour de Garde”. Après cet effort infructueux, les paroissiens sont rentrés chez eux, découragés. Leur congrégation ne connaîtrait pas l’accroissement.

      En Rhodésie du Nord, des villages entiers ont accepté la vérité. Certains missionnaires de la chrétienté se sont montrés humbles, tel ce missionnaire européen de Mumba qui, impressionné par le zèle des témoins de Jéhovah, a commencé à lire les livres de la Société et a ensuite rendu visite au surveillant-président de la congrégation locale.

      Pendant des années, un fonctionnaire du gouvernement a harcelé les témoins ; des proclamateurs ont été emprisonnés, les locaux qu’ils utilisaient pour leurs études bibliques ont été détruits et leurs réunions violemment interrompues. Finalement, ce fonctionnaire a été condamné à une amende pour procédés contraires à la légalité, et il a été remplacé par un homme honnête et juste. Le serviteur du dépôt visitait justement ce district ; il a eu un entretien avec tous les chefs et les conseillers à l’occasion de leur réunion trimestrielle. Quel en a été le résultat ? Les témoins ont eu l’autorisation de créer des centres d’étude dans toute la région. En un temps record, des locaux modestes et d’autres, plus imposants, ont poussé comme des champignons, et même des chefs se sont mis à fréquenter régulièrement les réunions. Quatorze d’entre eux ont fait savoir à leurs supérieurs qu’ils avaient accepté la vérité. Leur nombre n’a d’ailleurs pas cessé de croître.

      Dans le Barotseland, les chefs et la famille royale ont également reçu un excellent témoignage. En effet, un représentant européen de la Société venu à l’occasion d’une assemblée de circonscription a pu s’adresser au Conseil suprême barotsé. Cette assemblée avait réuni 2 800 proclamateurs. Placé aux côtés du souverain et en présence des chefs, des serviteurs et des membres de la famille royale, le frère a pu expliquer le but de notre œuvre et la teneur de notre message. Après cela, on a battu le tam-tam avec vigueur, comme à l’accoutumée.

      L’un des membres de la famille royale a accepté la vérité. Trop âgé pour marcher, il montait un âne et se rendait chaque jour en un certain endroit d’où il interpellait les passants pour leur donner le témoignage. Un ennemi a transpercé son âne d’un coup d’épée, ce qui a rendu ce frère très triste ; mais un proclamateur lui en a donné un autre, afin qu’il puisse poursuivre son activité.

      À cette époque, l’analphabétisme constituait une barrière. Un grand nombre de proclamateurs apprenaient par cœur des versets bibliques et des sermons. Depuis, ils ont heureusement appris à lire et à écrire grâce aux cours organisés par la Société.

      Au début de 1947, une requête a été déposée au ministère britannique des Colonies à Londres par le surveillant de la filiale d’Afrique du Sud, qui rentrait au Cap après avoir suivi les cours de l’École de Galaad. Une pétition a ensuite été soumise à l’attention du gouvernement ; 40 909 personnes déploraient l’interdiction frappant la distribution de nos écrits bibliques qui, selon elles, constituaient une œuvre d’enseignement chrétienne très utile. En réponse à cette pétition, le gouvernement de la Rhodésie du Nord a promis d’examiner de nouveau l’affaire, et le 19 juin l’interdiction a été levée pour certains écrits, notamment pour la brochure “Le Royaume de Dieu est proche”. Mais le périodique La Tour de Garde était toujours interdit. Nous ne pouvions donc pas nous relâcher dans nos efforts pour procurer cette nourriture spirituelle indispensable aux frères. En fait, le besoin était plus grand que jamais, car, à la fin de l’année 1947, il y avait 6 114 proclamateurs de la bonne nouvelle et 252 congrégations.

      La région des mines de cuivre, où s’étendait autrefois la forêt vierge et où sévissait la malaria, était en 1948 occupée par 25 000 Européens, venus principalement renforcer la communauté minière. Leur niveau de vie était élevé comparativement à celui de leurs pays d’origine. Jusque-​là, il n’avait pratiquement pas été possible de prêcher parmi cette population de langue anglaise.

      L’ORGANISATION REÇOIT DE L’AIDE

      Par bonheur, l’organisation en Rhodésie du Nord a reçu de l’aide grâce à deux missionnaires récemment sortis de Galaad, Harry Arnott et Ian Fergusson. Frère Arnott est arrivé juste avant la visite de frère Knorr et de frère Henschel, venus pour la première fois dans notre pays en janvier 1948.

      Pendant leur séjour, frère Knorr et frère Henschel, accompagnés par Georges Phillips, ont passé quelques heures à l’assemblée de Lusaka, qui a duré trois jours. Cette assemblée s’est tenue sur un terrain appartenant à une Européenne qui avait tenu sa promesse de nous l’offrir malgré l’opposition de nos adversaires ; cette femme a d’ailleurs assisté aux sessions. Le cadre ne manquait pas de pittoresque. Les frères avaient construit une estrade en terre et planté des poteaux de chaque côté de celle-ci pour supporter un toit de verdure. Cette fois-​là, les assistants étaient encore divisés, les sœurs à gauche de l’orateur et les frères à sa droite. Le chant des cantiques a beaucoup impressionné frère Knorr qui en a demandé un enregistrement. La brochure “Le Royaume de Dieu est proche” en silozi a été remise aux 3 103 personnes présentes ce jour-​là.

      Le 16 janvier 1948, frère Knorr s’est entretenu avec le fonctionnaire chargé des affaires indigènes et le procureur général au sujet d’une interdiction frappant certains écrits que la Société comptait expédier en Rhodésie du Nord. Ces fonctionnaires lui ont donné l’assurance que dans un délai de trente à soixante jours l’interdiction serait levée et que plus rien ne viendrait entraver notre œuvre. La visite du président de la Société et de son secrétaire avait été fructueuse.

      Grâce à l’aide de missionnaires formés à l’École de Galaad, il a été possible d’accorder plus d’attention au territoire européen. Vers le milieu de 1948, Harry Arnott a été envoyé comme missionnaire dans la ville de Luanshya, et Ian Fergusson, qui était resté pendant quelque temps au Nyassaland, a été nommé à Chingola. La prédication de maison en maison a aussitôt commencé de façon intensive et les résultats ne se sont pas fait attendre. Beaucoup de Bibles et de manuels bibliques ont été placés dans ce territoire vierge, ce qui a rapidement produit des études bibliques. En l’espace d’un an, deux petites congrégations européennes ont été formées dans ces villes, et l’activité de prédication s’est étendue aux villes de Mufulira et de Kitwe.

      La venue des diplômés de Galaad a fourni une excellente occasion de donner une formation théocratique aux congrégations de ce territoire d’Afrique centrale. Tous les représentants itinérants et les pionniers susceptibles de se qualifier pour cette activité ont été invités au bureau de Lusaka, où une “mini” École de Galaad allait fonctionner. Le programme suivi par ces surveillants de circonscription comprenait un cours sur l’organisation proprement dite et un autre sur les enseignements bibliques, tels qu’ils étaient donnés à l’époque à Galaad. Parmi les sujets examinés il y avait les thèmes bibliques, la comptabilité et autres écritures, et le ministère théocratique. Des révisions écrites et des devoirs à faire le soir étaient prévus. On a même organisé des “remises de diplômes” couleur locale.

      À la suite de la première visite du président de la Société dans cette partie de l’Afrique, les frères ont été encouragés à apprendre sérieusement à lire et à écrire leur propre langue, afin d’être mieux équipés pour étudier la Parole de Dieu et prêcher la bonne nouvelle. Le bureau de la filiale a immédiatement pris des dispositions pour que soient donnés des cours dans chaque congrégation. Au début, nous avons reçu des manuels de la part des services de l’Éducation nationale, manuels qui nous ont servi de base d’enseignement. Les cours avaient souvent lieu après une réunion de la congrégation, et la plupart des élèves étaient des sœurs. Le slogan “Que chacun en enseigne un autre” était devenu familier. Les maris étaient invités à se réserver du temps pour instruire leur femme, et ceux qui savaient déjà lire et écrire se voyaient encouragés à aider quelqu’un d’autre dans la congrégation.

      CRÉATION D’UNE NOUVELLE FILIALE

      Le 1er septembre 1948, une filiale a été ouverte et Llewelyn Phillips a été nommé surveillant de cette filiale. À cette époque, il y avait plus de 11 600 proclamateurs et 232 congrégations en Rhodésie du Nord. L’interdiction frappant La Tour de Garde avait été levée, mais certains livres étaient encore interdits.

      Cette nouvelle filiale de Rhodésie du Nord reçut la charge de plusieurs territoires au nord et à l’est, y compris le territoire appelé alors Congo belge, qui, jusqu’au 31 août, avait été supervisé par la filiale d’Afrique du Sud. Comment l’œuvre avait-​elle progressé au Congo belge ?

      LA CONFUSION N’ENTRAVE PAS LA PROGRESSION

      Le Congo belge (République du Congo Kinshasa, aujourd’hui le Zaïre) est un vaste pays d’une superficie de 2 345 400 km2 (près de cinq fois celle de la France). Sa population est évaluée à plus de 23 millions d’habitants. Il se situe au nord de la Zambie et de l’Angola, et se caractérise par la grande dépression où convergent les affluents du Congo. Au sud-est, à la frontière de la Zambie, se trouvent des mines de cuivre très riches qui jouent un rôle prépondérant dans l’économie du pays. Le climat est généralement chaud et humide et une grande partie du territoire est couverte par la jungle. En 1885, la Belgique a pris le Congo sous sa tutelle ; le français est devenu la langue officielle, et la religion catholique le culte dominant.

      Il a fallu attendre les années 1940 pour que l’œuvre de prédication soit organisée au Congo. Par contre, le faux “mouvement de la Tour de Garde” (Watchtower) ou Kitawala connaissait l’accroissement. Le livre Kitawala (en allemand) de Greschat, dit ce qui suit à la page 71 : “Des villages entiers se font appeler Tour de Garde, ce qui signifie que tous les habitants ont été baptisés par immersion, qu’ils ont vaguement accepté certaines notions relatives à la fin du monde et pensent que Dieu les récompensera sur la terre à condition qu’ils aient un mode de vie approprié.”

      Au Congo comme ailleurs, le terme “Kitawala” servait souvent à désigner les indigènes appartenant au “mouvement de la Tour de Garde”. Le mot Kitawala est, semble-​t-​il, une forme corrompue du terme “tower” (tour) précédé du préfixe “ki”. Certains utilisaient l’expression “Waticitawala”, une forme corrompue de “Watchtower”. Inutile de dire que les gens mal informés associaient les deux noms “Watch Tower Society” et “Watchtower” (le mouvement) ou Kitawala. Avec quelle joie les ennemis de la vérité se sont servis de cette similitude entre les deux noms pour nous desservir auprès des autorités et créer des ennuis aux véritables serviteurs de Jéhovah !

      Les soulèvements, les rébellions, les luttes entre tribus, bref tous les incidents de ce genre entre indigènes étaient adroitement imputés au mouvement de la “Tour de Garde”. Les autorités gouvernementales en étaient venues à exécrer ce nom. On imagine sans mal l’opprobre qui a ainsi rejailli sur le nom de Jéhovah et sur sa véritable organisation dans ce pays.

      Comme nous l’avons déjà dit, cette confusion a pour origine l’activité déployée au Nyassaland au début du vingtième siècle par Joseph Booth et par ses disciples. M. Booth et ses disciples, dont Elliott Kamwana, ont fait un mauvais usage des premiers écrits de la Watch Tower Bible and Tract Society, d’où la formation en Afrique centrale du faux “mouvement de la Tour de Garde”. Du Nyassaland, cette doctrine s’est vraisemblablement propagée au sud et à l’est, en Rhodésie et au Congo.

      Durant les années qui ont suivi, la Société a écrit plusieurs fois aux autorités du Congo pour exposer les faits, mais pour une raison ou pour une autre, elles ont préféré continuer à assimiler ce mouvement religieux indigène, qui se faisait appeler à tort la “Tour de Garde”, à la Watch Tower Bible and Tract Society et à l’œuvre des témoins de Jéhovah. Les pressions exercées par l’Église catholique n’étaient pas étrangères à cette attitude.

      À maintes reprises la Société a tenté, mais en vain, d’obtenir que certains de ses représentants expérimentés aient la permission d’entrer dans le pays. L’organisation de Jéhovah avait besoin d’être dirigée et aidée, mais pendant des années les autorités ont fait la sourde oreille, ne voulant pas faire la différence entre les véritables serviteurs de Jéhovah et les mouvements indigènes de la “Tour de Garde”.

      Au début de 1948, Llewelyn Phillips, le serviteur du dépôt en Rhodésie du Nord, a été envoyé au Congo belge pour plaider la cause des témoins persécutés et demander que soit levée l’interdiction qui frappait l’œuvre. Il a eu des entretiens en privé avec le gouverneur général et d’autres membres du gouvernement, et a pu expliquer notre œuvre et montrer à quel point nos croyances et nos enseignements diffèrent de ceux du faux “mouvement de la Tour de Garde” ou Kitawala. Des documents officiels ont été déposés en haut lieu les 15 mars et 7 avril 1948, afin que l’affaire figure dans les archives. Au cours de l’entretien avec le gouverneur, celui-ci demanda d’un air embarrassé : “Si je vous aide, que m’arrivera-​t-​il ?” Excellente question, en vérité, car le Congo était presque entièrement sous la coupe de l’Église catholique romaine !

      Quelle joie lorsque l’œuvre des témoins de Jéhovah a finalement été reconnue ! Le bureau de la filiale a commencé à fonctionner sous le nom officiel de “Témoins de Jéhovah” au lieu de “Watch Tower Society”, de manière à éviter toute confusion. Désormais, la différence entre les vrais témoins et ceux qui fréquentaient les faux “mouvements de la Tour de Garde” serait vite établie. À partir de ce moment-​là, le nombre de ceux qui ont embrassé le culte pur de Jéhovah Dieu s’est accru considérablement.

      NETTE PROGRESSION À L’ÎLE MAURICE

      En 1933, des pionniers sont restés quelque temps à l’île Maurice où ils ont accompli un bon travail. Malheureusement, après leur départ il a fallu attendre dix-huit ans pour que des représentants spéciaux de la Société puissent de nouveau visiter l’île. L’Annuaire de 1952 rapporte que deux Mauriciens sont venus à la connaissance de la vérité en Égypte, alors qu’ils servaient dans l’armée pendant la Seconde Guerre mondiale. La prédication zélée de ces proclamateurs égyptiens avait donc porté du fruit. Quoique militaires, ces deux hommes s’intéressèrent vivement à la Bible et ont écrit au bureau de la filiale du Cap pour obtenir des publications. Ils ne tardèrent pas à susciter l’intérêt d’autres soldats pour les Écritures. Lorsqu’ils rentrèrent à l’île Maurice, ils étaient décidés à ‘faire briller leur lumière’, et ils ont d’ailleurs envoyé des rapports au bureau du Cap durant l’année 1951.

      Toujours en 1951, deux diplômés de l’École de Galaad, Robert et Georges Nisbet, sont arrivés à l’île Maurice pour organiser l’œuvre. Depuis la dernière visite de Robert Nisbet dix-huit ans auparavant, de grands changements étaient intervenus. Les réunions n’étaient plus interdites et le système d’éducation s’était beaucoup amélioré. Les risques de malaria avaient pratiquement disparu et les conditions de vie étaient meilleures. L’Église ne tenait plus les rênes de la politique, bien qu’elle semblât encore jouir d’une puissante influence.

      Ces diplômés de Galaad ont rencontré un certain nombre de personnes qui se souvenaient encore de la visite des frères en 1933, et qui étaient très heureuses de prendre contact avec l’organisation de Jéhovah. Un homme demanda à un missionnaire : “Comment va le juge Rutherford ?” Cela illustre bien à quel point les habitants de l’île avaient perdu de vue l’organisation, car frère Rutherford était mort depuis neuf ans déjà. Cet homme montra un exemplaire de L’Âge d’Or du 4 juillet 1934 et le livre La Harpe de Dieu qui, bien usagé, avait de toute évidence été lu et relu au cours des dix-huit années écoulées. Il s’abonna de nouveau au périodique et accepta une étude biblique.

      Selon frère Robert Nisbet, sœur Sooben et sœur Vacher ainsi que leur famille sont à l’origine de la première congrégation. Ainsi, le rapport mondial de 1951 cite l’île Maurice sous la rubrique Afrique du Sud et indique deux pionniers et un maximum de huit proclamateurs. L’année suivante, ce maximum est passé à treize. Quant aux prêtres, ils étaient très occupés à ramasser les publications laissées dans les foyers, menaçant les habitants d’excommunication.

      UN COUP D’ŒIL SUR LE MOZAMBIQUE

      Faisons, si vous le voulez bien, une halte au Mozambique, connu sous le nom d’Afrique-Orientale portugaise. Il semble que les Européens aient très peu été visités, mais l’œuvre progressait bien parmi le peuple africain. L’accroissement se faisait régulièrement, en particulier dans le nord, si bien qu’en 1948 le nombre des proclamateurs était passé à 398, et il y avait quatre prédicateurs à plein temps. Entre-temps, la persécution s’était intensifiée et certains frères avaient été emprisonnés et déportés dans des camps de travail. Les publications expédiées à partir du bureau d’Afrique du Sud avaient été saisies à leur arrivée au Mozambique.

      LES DISCIPLES EMBRASSENT “LA VOIE” AU SWAZILAND

      Le Swaziland est un petit État enclavé entre le Mozambique et le Transvaal. La partie occidentale comprend des hauts plateaux et des montagnes, tandis que les régions orientales sont très peu élevées, couvertes d’arbrisseaux épineux et souffrent de la sécheresse.

      Pendant des dizaines d’années, des pionniers qui visitaient le Swaziland avaient reçu un bon accueil de la part du roi Sobhuza II, mais ils n’avaient pu organiser l’œuvre dans le pays. Avec le temps, un disciple du nom de Josué P. Mhlongo a embrassé “La Voie”. (Actes 9:2.) Son désir de connaître les témoins de Jéhovah avait été suscité par l’un de ses instituteurs qui disait sans cesse devant la classe que Rutherford enseigne aux gens à ne plus croire à l’enfer de feu et à ne pas adorer leurs ancêtres. Cela a incité Josué à en apprendre davantage sur l’organisation de Jéhovah. Quelle ne fut pas sa déception lorsqu’il apprit que le gouvernement avait interdit l’œuvre des témoins ainsi que leurs publications ! Il réussit néanmoins à se procurer quelques livres auprès d’une tante, témoin de Jéhovah à Johannesburg. Sa mère et lui ne tardèrent pas à communiquer à leurs semblables la bonne nouvelle du Royaume de Dieu. En 1943, bien qu’il fût encore un écolier, il symbolisa l’offrande de sa personne à Dieu par le baptême. Frère McCoffie Nguluh se souvient très bien de la visite que lui ont faite ces deux proclamateurs isolés. Josué Mhlongo exprima le désir de devenir pionnier une fois ses études terminées et frère Nguluh l’encouragea dans cette voie. Il entreprit effectivement le service et fut même le premier surveillant de la circonscription swazie nouvellement formée.

      De 1947 à 1950, l’accroissement fut phénoménal. Le nombre des proclamateurs dans le pays est passé de cinq à soixante.

      Mais à cette époque-​là, la situation était plutôt étrange au Swaziland. Plus que jamais, l’interdiction qui frappait les écrits de la Watch Tower Society étaient appliquée. Selon le décret publié, la diffusion de l’un quelconque de ces écrits constituait un délit. Or, le roi Sobhuza lui-​même était fier de posséder un éventail presque complet des publications de la Société. Inutile de dire que cette interdiction gênait la propagation de la bonne nouvelle dans les régions isolées. Quand des frères ou des personnes bien disposées étaient trouvés en possession de telles publications, les agents de police les battaient sauvagement. Lors de son deuxième passage au Swaziland, en juillet 1951, frère Bartlett, qui était à l’époque le seul et unique surveillant de district pour l’Afrique du Sud et les protectorats, a rencontré ses premières difficultés dues au décret d’interdiction. Il était chargé d’importer des écrits interdits. Heureusement, il a eu affaire à un commissaire et magistrat de district très aimable, qui n’approuvait pas l’interdit jeté sur les écrits de la Société. Il demanda simplement à frère Bartlett de lui remettre les périodiques les plus “sujets aux critiques”. Mais lorsque l’affaire a été examinée en septembre par un autre magistrat qui ne nous aimait pas, frère Bartlett a été déclaré coupable et condamné à une amende d’une livre.

      C’est également pendant cette visite du surveillant de district qu’il a été clairement expliqué aux frères et aux personnes bien disposées que la monogamie est une exigence biblique. La plupart d’entre eux ont été heureux de se conformer à la volonté de Dieu, mais un surveillant-président a refusé de se soumettre aux justes exigences divines et a entraîné quelques proclamateurs à sa suite, leur faisant ainsi quitter le chemin de la vie éternelle. Par contre, ceux qui aimaient Dieu et recherchaient son approbation sont restés fermement attachés aux principes justes.

      L’INTERDICTION N’ENTRAVE PAS LA PROGRESSION DE L’ŒUVRE AU BECHUANALAND

      À l’ouest se situe le Bechuanaland (aujourd’hui le Botswana), limité par le Sud-Ouest africain, la République sud-africaine et la Rhodésie. L’État couvre une superficie de 569 581 km2. Les indigènes sont pour la plupart très pauvres. L’élevage constitue leur activité essentielle. L’agriculture produit surtout du sorgho, du millet et du maïs. Les indigènes chassent pour améliorer leur ordinaire. En 1970, la population était évaluée à 630 000 habitants.

      Le Bechuanaland a été un protectorat britannique de 1884 à 1967, date à laquelle il a acquis son indépendance et a pris le nom de Botswana. L’État est en grande partie constitué de réserves où les chefs des différentes tribus imposent leurs lois tribales et exercent un grand pouvoir sur leurs sujets. En général, ces chefs s’opposaient à l’œuvre des témoins de Jéhovah.

      Il semble que les graines de vérité aient été semées pour la première fois dans ce pays poussiéreux et chaud en 1929. Cette année-​là, un proclamateur y déploya une activité de prédication pendant deux mois. Puis, vers la fin de 1932, deux pionniers venus d’Afrique du Sud ont visité le pays et reçu l’autorisation de parler de religion aux habitants, à l’exception des Africains. Malgré cette restriction, ils ont laissé 1 676 écrits bibliques parmi la population européenne.

      En 1941, alors que sévissait la guerre, il a été interdit d’importer les publications de la Société au Bechuanaland, et pourtant aucun témoin de Jéhovah ne résidait dans le pays à cette époque-​là. Selon une loi décrétée par le vieux chef Khama, seuls les membres de la Société missionnaire de Londres, les adventistes du septième jour et les catholiques avaient le droit de pratiquer leur culte dans le pays.

      Il y avait un continuel mouvement de population en quête de travail en Afrique du Sud. Ceux qui travaillaient dans les grandes villes entendaient parler de la vérité ; de retour au Bechuanaland ils communiquaient aux autres les bonnes choses apprises. De plus, des frères de Rhodésie et du Nyassaland se faisaient de temps à autre employer dans certaines villes comme Francistown, où ils répandaient des graines de vérité. En 1946, il y avait en moyenne seize proclamateurs du Royaume au Bechuanaland.

      Au début des années 1950, la Société a envoyé certains de ces représentants au Bechuanaland pour soumettre notre cas aux autorités ; mais cette démarche n’a eu aucun résultat positif.

      En 1952, on comptait 114 proclamateurs dans tout le pays. L’accroissement s’est fait régulièrement pendant les quelques années qui ont suivi, mais les problèmes se sont également accrus. Certains frères et sœurs n’avaient pas fait enregistrer leur mariage auprès des autorités, et la moralité s’était relâchée parmi les nouveaux. Mais grâce aux conseils donnés par le bureau de la filiale et avec l’aide des surveillants itinérants, ces questions ont finalement été réglées. Aujourd’hui, l’organisation est spirituellement et moralement pure.

      ACCROISSEMENT REMARQUABLE À SAINTE-HÉLÈNE

      La petite île de Sainte-Hélène se situe dans l’Océan Atlantique à plus de mille kilomètres de la côte sud-ouest de l’Afrique. De temps à autre, nous recevions un rapport des quelques proclamateurs de l’île, qui nous ont même adressé une commande de publications. Mais ces témoins avaient grandement besoin d’être aidés et formés. Aussi, en mai 1951, le bureau de la filiale d’Afrique du Sud a envoyé un pionnier, frère J. F. van Staden, qui a passé quelque temps dans l’île.

      Les services postaux de Sainte-Hélène laissant à désirer, il n’y avait personne pour accueillir frère van Staden à son arrivée. Mais il a quand même pu rencontrer Georges Scipio, le fils de Thomas Scipio, agent de police en retraite. Voici comment frère van Staden raconte cette rencontre : “Quel soulagement ce fut pour moi ! Il m’a immédiatement conduit chez son père, que je cherchais justement. Il était touchant de voir la joie exprimée par ces frères qui avaient attendu de l’aide pendant si longtemps.” Sans perdre de temps, frère van Staden a organisé une réunion pour le petit groupe de dix à douze personnes. Au début, il avait beaucoup de mal à s’exprimer en anglais, mais au bout de quelques semaines il parlait avec plus de facilité. Jusque-​là les frères avaient pour toute réunion des “services en plein air”, qu’ils organisaient en différents endroits de la ville. Ils avaient monté un petit orchestre composé de deux violons et d’un piano-accordéon. Ils commençaient leurs “services” en jouant des cantiques du Royaume ; quand ils avaient réuni assez de monde, plusieurs frères présentaient des allocutions à l’impromptu (en général des témoignages personnels).

      Vous reconnaîtrez que ces frères avaient bien besoin qu’on les aide à s’organiser. Frère van Staden a donc commencé par conduire toutes les réunions. Les frères locaux en ont été très reconnaissants et ont apporté tout leur appui à cette disposition. Une dame âgée de Jamestown a offert une grande pièce dans sa maison pour servir de Salle du Royaume, et une autre famille de Levelwood a proposé son foyer comme second lieu de réunion. Le programme des réunions a fait une excellente impression sur tous les assistants ; certains de ceux qui sont venus pour la première fois à une réunion n’en ont plus manqué par la suite. Ils ont ainsi appris à connaître la vérité et se sont ensuite fait baptiser, sans même avoir eu d’étude biblique à domicile.

      Pourtant, il n’était pas facile de se rendre aux réunions. Comme il avait une petite voiture, Georges Scipio emmenait d’abord trois personnes jusqu’à un certain endroit, d’où elles continuaient le chemin à pied. Pendant ce temps, Georges revenait en prendre trois autres qu’il laissait plus loin, et ainsi de suite. Il lui fallait une bonne partie de la matinée pour amener tous les frères à la réunion. Une fois celle-ci terminée, il les reconduisait chez eux en procédant de la même manière. Parfois les proclamateurs devaient marcher sous une pluie battante. Ils rentraient alors chez eux tout trempés et à une heure tardive. Mais ils se sentaient profondément heureux.

      Frère van Staden n’a pas tardé à emmener les frères dans le service de maison en maison. Il leur a donné une bonne formation et il a été surpris de voir avec quelle rapidité ils se sont mis à présenter les sermons, prêchant efficacement la bonne nouvelle.

      Trois mois après son arrivée, soit en août 1951, frère van Staden a organisé un service de baptêmes. Il a fallu creuser et cimenter un bassin. Mais les frères n’ont pas eu à le remplir d’eau, car la veille du jour prévu pour la cérémonie des baptêmes il a plu à torrents. Frère van Staden a prononcé le discours du baptême. Quand il a demandé aux candidats de se mettre debout, il a eu la surprise de voir vingt-six personnes se lever pour répondre aux questions habituelles. Il dit : “Ma coupe de joie débordait et j’étais sincèrement reconnaissant envers Jéhovah de m’avoir accordé le privilège inestimable de venir ici. Après le discours, j’ai baptisé les vingt-six candidats dans l’eau froide.” Peu de temps après, une petite congrégation a été formée à Jamestown. Quelques mois plus tard, une autre voyait le jour à Levelwood.

      Inutile de dire que cette activité fructueuse a suscité une réaction chez nos adversaires. Nous avons dû faire front à une violente opposition de la part de l’évêque anglican, qui a réussi à détourner de la vérité quelques personnes bien disposées. Le pasteur adventiste local a défié frère van Staden dans un débat, ce qu’il a certainement dû regretter, étant donné que même des nouveaux proclamateurs ont pu réfuter sans peine la plupart de ses arguments. Mais nos plus gros ennuis nous sont venus du préfet de police, qui ne cessait de menacer frère van Staden en lui disant qu’il lui ferait quitter l’île. Frère van Staden dit : “Chaque mois il me convoquait régulièrement pour me questionner et me donner l’ordre de renoncer à mon activité.”

      Mais cette opposition n’a en aucune façon découragé frère van Staden et les proclamateurs locaux. Les joies du service compensaient largement l’adversité et les difficultés dues au mauvais temps et au terrain accidenté. En voici un exemple. Un matin, tandis que frère van Staden et frère Georges Scipio s’approchaient d’une porte, ils ont entendu un homme âgé lire la Bible à haute voix. Ils ont nettement reconnu le passage d’Ésaïe chapitre 2. L’homme en était au verset 4 quand ils ont frappé à la porte. Il les a aimablement invités à entrer ; alors, prenant pour base Ésaïe 2:4, les deux frères lui ont fait connaître la bonne nouvelle du Royaume. Sans perdre de temps, ils ont commencé une étude biblique avec cet homme qui n’a cessé de progresser et s’est finalement voué à Jéhovah.

      Durant les treize mois qu’il a passés dans l’île, frère van Staden a été très occupé. Il a conduit jusqu’à dix-huit études bibliques par semaine. En juin 1952, il a quitté Sainte-Hélène pour retourner en Afrique du Sud où il a été nommé surveillant de circonscription dans la province orientale du Cap. Il avait accompli un bon travail dans l’île de Sainte-Hélène ; après treize mois d’activité deux petites congrégations avaient été formées et le nombre des proclamateurs atteignait un maximum de quarante et un.

      ACCROISSEMENT EN AFRIQUE DU SUD

      Mais revenons maintenant en Afrique du Sud. Voici un aperçu des conditions locales et des difficultés que les frères ont eues à surmonter, il y a de cela un quart de siècle. Sous la rubrique Union Sud-africaine, une encyclopédie (Funk & Wagnalls Standard Reference Encyclopedia, Volume 24) dit que selon un certain décret (Group Areas Act) de juin 1950, “les quatre principaux groupements raciaux : Européens (Blancs), Africains (Nègres), Mulâtres (gens de couleur) et Asiatiques (y compris les Indiens) doivent être répartis dans des régions bien délimitées à l’intérieur desquelles ils doivent rester”. Certains pensaient que cela compliquerait la tâche des frères pour ce qui est de la prédication. Mais il n’en fut rien ; au contraire, il leur a ainsi été plus facile de visiter ceux qui parlent leur propre langue. La loi n’a pas pour but d’empêcher une personne appartenant à un groupe racial de parler de religion à quelqu’un appartenant à un autre groupe racial ; par contre, pour ce qui est des fréquentations chrétiennes encouragées par la Bible, les frères s’en tiennent à leur propre groupe racial, et en agissant ainsi, ils obéissent aux principes renfermés dans Romains chapitre 13. La bonne nouvelle est prêchée, et des personnes de toute race apprennent la vérité et sont heureuses de fréquenter d’autres chrétiens.

      Depuis quelques années, les témoins de Jéhovah louaient des locaux qu’ils appelaient “Salles du Royaume”. Mais en 1948, un pionnier a été nommé à Strand, près du Cap, et s’est vu confier le privilège de mener à bien la construction de la première Salle du Royaume d’Afrique du Sud. Le travail s’est échelonné sur les années 1949 et 1950. Un proclamateur local, sœur van der Bijl, de Gordon’s Bay, a financé en grande partie la réalisation de ce projet. Les frères du Béthel du Cap ont participé au programme d’inauguration. Le surveillant de filiale, frère Phillips, dit qu’il ‘aurait aimé monter ce bâtiment sur des roues et lui faire faire le tour du pays, non pas pour l’exhiber, mais pour inciter les frères à construire davantage de Salles du Royaume’. Depuis lors, un grand nombre de salles ont été construites dans le pays, tant par les congrégations européennes que par les frères de couleur.

      Durant toutes ces années, les frères et sœurs africains ont reçu une plus grande aide. Le 1er janvier 1949 fut un grand jour pour les frères zoulous. En effet ce jour-​là a paru pour la première fois l’édition de La Tour de Garde en zoulou. À cette époque-​là, les périodiques étaient imprimés au bureau de la filiale du Cap sur la petite machine à polycopier qu’on actionnait à la main. L’exemplaire polycopié n’avait rien de comparable avec le périodique INqabayokulinda (La Tour de Garde en zoulou) que nous produisons aujourd’hui, mais il pourvoyait en temps voulu à la nourriture spirituelle pour les frères parlant cette langue.

      C’est aussi à ce moment-​là que nous avons loué le premier train spécial pour emmener les frères aux assemblées. En 1949, par exemple, le “JW Spécial”, qui contenait 750 places assises, a conduit 1 000 témoins à l’assemblée de Pretoria, depuis Johannesburg. Il s’agissait d’Africains appartenant à une douzaine de tribus différentes, mais aucun incident ne s’est produit. Ce voyage a rendu un excellent témoignage aux employés du chemin de fer. Songez un peu ! Des Africains venant de tribus différentes s’entendaient à merveille. Sans le pouvoir exercé par la vérité, pouvoir qui a renouvelé l’esprit de ces gens, ils se seraient certainement battus entre eux comme cela se fait habituellement. Comme chaque tribu se croit supérieure aux autres, les troubles suscités par les factions sont donc fréquents.

      La brochure Conseils aux Témoins de Jéhovah sur l’organisation théocratique, qui a paru en 1949, a beaucoup contribué à l’affermissement de l’organisation. Pour faire progresser l’œuvre, nous avions aussi onze missionnaires diplômés de Galaad et le nombre des prédicateurs à plein temps correspondait au dixième de celui des proclamateurs.

      Toujours en 1949, 6 766 personnes ont assisté au Mémorial, et 265 ont participé aux emblèmes. Nous n’allions pas en rester là ! La même année, la petite imprimerie du Cap a produit 6 400 000 écrits bibliques, y compris 135 000 périodiques et 625 000 brochures en huit langues ; cela représentait un nouveau maximum !

      Au cours des années 1949 et 1950, des classes pour apprendre à lire et à écrire ont été ouvertes. Des cours y étaient donnés trois ou quatre jours par semaine. On y apprenait les langues suivantes : zoulou, sesotho, xhosa, tswana, sepedi et anglais. Au bout de trente leçons environ, un élève savait lire.

      La polygamie, très fréquente chez les indigènes, a été un grand problème pour beaucoup de frères africains. Quand frère Knorr nous a visités en 1948, il en a été beaucoup question. Au début, les nouveaux avaient tendance à garder la femme qu’ils préféraient, généralement la plus jeune, mais, par la suite, la Société a insisté sur le fait que, selon les Écritures, c’est la première femme qu’il faut garder, et renvoyer les autres.

      Quarante et un Africains du Sud ont pu assister à l’assemblée internationale de New York en 1950, et neuf d’entre eux ont été invités à rester aux États-Unis pour suivre les cours de la seizième classe de Galaad, l’École biblique de la Watchtower. Quant à ceux qui n’ont pu se rendre à ce congrès international, ils ont néanmoins reçu la même nourriture spirituelle lors de l’assemblée nationale qui s’est tenue dans le Reef au mois d’octobre de la même année, assemblée qui avait pour thème “L’accroissement de la théocratie”. Plus de 6 000 proclamateurs étaient présents ; ils venaient de tous les pays de l’Union, des protectorats et du Sud-Ouest africain. Une preuve tangible de l’accroissement théocratique a été fournie par les 855 candidats au baptême. Le discours public a réuni 10 185 personnes. La parution en anglais des Écritures grecques chrétiennes — Traduction du monde nouveau a mis les frères au comble de la joie.

      Mais nous n’allions pas nous arrêter en si bon chemin ! Durant l’année de service 1951, 2 000 personnes ont symbolisé l’offrande de leur personne par le baptême. De nouvelles congrégations ont été formées et un second district a été créé afin que soient desservies les 43 circonscriptions existantes. Cette année-​là, nous avons atteint un maximum de 9 586 proclamateurs.

      LE BUREAU DE LA FILIALE EST TRANSFÉRÉ

      Le transfert du bureau de la filiale en 1952 a également marqué un tournant dans l’histoire des témoins de Jéhovah d’Afrique du Sud. Au début de l’année, le bureau qui se trouvait au Cap a été transféré à Elandsfontein, dans le Transvaal. Depuis 1917, l’œuvre avait été dirigée du Cap, la ville la plus méridionale du pays. Maintenant il devenait nécessaire, et cela pour plusieurs raisons, de transférer le bureau de la filiale dans le Reef. C’est là en effet que résidait la plus grande partie des habitants d’Afrique du Sud et que se trouvait, par conséquent, la majorité des frères, c’est-à-dire dans un rayon de 160 kilomètres autour de Johannesburg. En outre, comme la filiale imprimait des écrits pour d’autres pays sud-africains, le Reef, situé plus au centre, convenait mieux pour l’expédition de ces publications. La Société réaliserait ainsi de grandes économies.

      Quand frère Knorr et frère Henschel étaient venus en 1948, il avait été décidé d’acheter deux terrains dans la nouvelle zone industrielle Activia Park, située à la périphérie de Germiston, non loin de la gare et du bureau de poste d’Elandsfontein. Bien qu’à cette époque-​là la région ne fût pas développée, la décision d’acheter ce terrain s’est avérée très sage par la suite. Cet emplacement était seulement à huit kilomètres du centre de Germiston, le plus grand centre ferroviaire du pays, à seize kilomètres de Johannesburg, la plus grande ville de l’Union Sud-africaine, et à huit kilomètres de l’aéroport international de Jan Smuts. Malheureusement, la société qui nous avait vendu les terrains a rencontré des difficultés techniques, ce qui a retardé la construction du Béthel et ne nous a permis d’y emménager qu’à la fin mars 1952.

      Quel changement c’était pour les membres de la famille du Béthel ! Auparavant, ceux qui travaillaient au bureau et à l’imprimerie du Cap ne vivaient pas ensemble. On ne peut d’ailleurs pas dire qu’ils formaient une “famille”, et l’expression Béthel était rarement utilisée pour désigner la filiale du Cap ; on l’appelait plutôt “le bureau”. Frère et sœur Phillips habitaient un petit appartement tandis que les autres membres du bureau étaient logés chez des proclamateurs, disséminés dans la péninsule du Cap. Chaque jour certains frères devaient parcourir en train trente-deux kilomètres (aller-retour) pour venir travailler au bureau, d’autres faisaient le trajet en autobus ou à pied. Tous prenaient le petit déjeuner à leur logement. Ceux qui habitaient à proximité rentraient chez eux pour le repas de midi ; les autres recevaient tous les jours un shilling et six pence pour acheter quelque chose dans un café. Tous prenaient leur repas du soir à leur logement. Ils n’avaient pas l’étude de La Tour de Garde en famille.

      Tous les matins, à 7 h 5, la famille se réunissait dans le vestiaire de l’imprimerie pour la discussion du texte du jour et la prière. Le travail commençait à 8 heures. Pour arriver à l’heure, certains frères devaient partir de chez eux vers 6 heures du matin.

      Le Béthel d’Elandsfontein a été la première construction de la zone Activia Park. Le bâtiment comprenait un rez-de-chaussée et un étage, et il couvrait une superficie de 1 954 m2. Le bureau, l’imprimerie, le service de l’expédition, la buanderie et la salle réservée à la chaudière occupaient le rez-de-chaussée. À l’étage, 22 chambres confortables étaient réservées à la famille. Il y avait aussi une cuisine, une salle à manger et une bibliothèque.

      La nouvelle imprimerie s’est enrichie de matériel supplémentaire. Une grande presse horizontale G. M. A. est arrivée de Suède ; elle imprimait une feuille de papier quatre fois plus grande que la presse dont nous nous servions au Cap. Nous avons également reçu une linotype, un grand massicot et une piqueuse. Maintenant, nous étions équipés pour imprimer La Tour de Garde dans les langues africaines. Vous vous souvenez certainement que La Tour de Garde en zoulou avait été jusque-​là polycopiée. Quand la nouvelle presse et les autres machines se sont mises à fonctionner, La Tour de Garde a été imprimée en huit langues et Réveillez-vous ! en trois langues ; nous imprimions aussi douze éditions de Notre ministère du Royaume en huit langues.

      ACTIVITÉ DANS LES TERRITOIRES ISOLÉS

      En 1952, nous avons particulièrement cherché à consolider l’organisation et à affermir les frères. Le bureau de la filiale a également mis l’accent sur l’activité dans les territoires isolés. Les frères et sœurs ont consacré des milliers d’heures à visiter environ 400 villages et bourgs qui n’avaient encore jamais reçu le témoignage. Quel a été le résultat de cette activité ? Plus de 10 000 personnes bien disposées ont remis leur adresse qui a été signalée au bureau de la filiale, et chacune d’elles a reçu de la part de la Société une lettre spéciale et quelques exemplaires de nos périodiques.

      Une congrégation comprenant une vingtaine de frères africains avait été chargée de visiter un territoire non attribué. Quand les frères sont arrivés sur place, ils ont eu du mal à trouver un logement. Un cultivateur refusait de les loger sans l’autorisation de la police. Le commissariat était loin et il se faisait tard. Les employés de ce cultivateur ont alors emmené ces témoins chez le pasteur de la Première Église du Christ, qui habitait un peu plus loin. Celui-ci refusa d’aider les proclamateurs, se montrant d’ailleurs très désagréable. L’une de ses ouailles condamna cette attitude et conduisit les frères dans une maison inhabitée toute proche. Ils étaient à peine installés que les agents de police sont arrivés. Le policier européen se montra très compréhensif, et il encouragea même les frères lorsque ceux-ci lui eurent montré la carte reproduisant le territoire qui leur avait été assigné. En réalité, les agents avaient été appelés par le pasteur. Quelle ne fut pas la surprise des témoins lorsque le lendemain matin ils constatèrent que le pasteur avait complètement changé d’attitude ! Il les a priés d’excuser sa conduite de la veille et leur a offert de tenir leur réunion publique dans l’église. Il a même invité son “troupeau” à venir à cette réunion qui, de ce fait, a réuni 80 personnes (60 d’entre elles n’étaient pas des témoins). Toutes sont restées pour l’étude de La Tour de Garde qui a suivi. Et parmi ceux qui se sont procuré des publications ce jour-​là, il y avait le pasteur. À chacune des deux visites effectuées ultérieurement par les témoins, le pasteur a offert son église pour la réunion publique, et il a assisté tant au discours qu’à l’étude de La Tour de Garde. Cette activité a été productive, puisque le nombre des proclamateurs actifs dans ce territoire est passé de un à sept.

      UNE VISITE UTILE

      Pour la première fois dans l’histoire de l’œuvre en Afrique du Sud, le nombre des proclamateurs a passé le cap des 10 000 en 1952. Cette année, riche en événements, a été couronnée par la visite des frères Knorr et Henschel, en novembre. Frère Knorr a été très heureux de visiter le bel immeuble d’un étage qui abritait les bureaux de la filiale. Quelle différence avec le petit local du Cap, où il était impossible de loger les frères ! Il a également apprécié la réunion qu’il a tenue avec tous les membres de la famille.

      Quelques jours plus tard, frère Knorr, accompagné de frère Phillips, s’est rendu à Durban, ville moderne située en bordure de l’océan Indien. Les règlements locaux sur la ségrégation l’ont obligé à prononcer son discours en trois endroits différents. Une quinzaine de frères indiens assistaient à la réunion des frères de couleur ; frère Knorr a été heureux de parler à quelques-uns d’entre eux après son discours. La population indienne est très importante à Durban, et le message du Royaume commençait tout juste à les atteindre.

      La réunion africaine s’est tenue à Lamontville, dans la périphérie sud de Durban. Le chant des frères zoulous a profondément impressionné frère Knorr. Cette réunion avait lieu le dimanche après-midi et, dans la soirée, une autre réunion était prévue dans la salle du centre de la ville pour les frères européens, qui se sont rassemblés à 435.

      De retour à Johannesburg, frère Knorr a sollicité une audience du Haut Commissaire britannique du Basutoland, du Bechuanaland et du Swaziland, pour demander que soit levée l’interdiction qui frappait depuis 1941 l’importation des écrits de la Société dans ces trois protectorats. Étant donné qu’à l’époque de la visite du président Knorr plus de 400 témoins étaient actifs dans ces territoires, la Société avait à maintes reprises demandé que soit levée cette interdiction. Frère Knorr a pu avoir un entretien avec le secrétaire en chef du commissaire ; il a répondu à toutes ses questions et exposé clairement l’excellent programme d’enseignement suivi par les témoins de Jéhovah. Malheureusement, l’interdiction dura encore quelques années après cela.

      C’est à ce moment-​là que frère Henschel est arrivé. Une réunion édifiante a été organisée à l’hôtel de ville de Germiston par la congrégation européenne locale. De nombreux frères du Reef sont venus, si bien que l’assistance s’est élevée à 725 personnes.

      Le 8 décembre, frère Knorr et frère Phillips ont pris l’avion pour Windhoek, la capitale du Sud-Ouest africain. Les trois missionnaires de la ville ont été heureux de les voir et de tenir pour la circonstance leur première assemblée dans ce pays. Il y a eu une dizaine de personnes à chaque session, et un maximum de 25 assistants à la réunion publique.

      De retour à la filiale d’Elandsfontein, frère Knorr et frère Henschel ont porté leur attention sur l’organisation de l’œuvre et sur d’autres questions importantes. Les décisions du président de la Société ont eu une incidence sur l’activité durant les années qui ont suivi. Il s’est également entretenu avec les serviteurs itinérants et leur a donné des conseils et des encouragements.

      Profitant de la visite de frère Knorr et de frère Henschel, nous avions organisé une assemblée à Johannesburg, du 11 au 14 décembre. Nous avions finalement eu l’autorisation de réunir trois groupes ethniques dans le même stade, en leur attribuant trois sections séparées. Il a fallu faire de nombreuses démarches pour que tous les frères d’Afrique du Sud et des protectorats puissent assister à ce congrès, entre autres choses obtenir des autorisations pour les jeunes de moins de seize ans. Le discours de bienvenue a dû être présenté en trois langues : anglais, afrikaans et zoulou. Les frères européens ont suivi avec joie ce discours en zoulou, qui est une langue pittoresque, et à la fin ils ont applaudi avec autant de chaleur que les frères zoulous eux-​mêmes.

      Frère Knorr a particulièrement encouragé les frères africains à apprendre à lire et à écrire, afin d’acquérir une meilleure connaissance de la vérité et d’être des prédicateurs plus efficaces. Soit dit en passant, il a beaucoup plu pendant ces quatre jours d’assemblée. À un certain moment, la pluie est tombée avec une telle force qu’il a fallu évacuer l’estrade. L’assemblée a néanmoins été très réussie, et 339 personnes de toutes races ont pris le baptême. Le samedi soir les assistants étaient au nombre de 5 441, et au discours public ils étaient 7 267. Tous les frères d’Afrique du Sud sont rentrés chez eux heureux, et ils étaient reconnaissants pour les bons conseils reçus et déterminés à aller de l’avant dans l’œuvre du Royaume.

      À la fin de 1952, il y avait en moyenne 50 087 proclamateurs dans tous les pays placés sous la responsabilité du bureau d’Afrique du Sud. Quel remarquable accroissement en vingt et un ans ! Songez qu’en 1931 il n’y avait qu’un petit groupe de 100 proclamateurs !

      ASSEMBLÉES DE LA SOCIÉTÉ DU MONDE NOUVEAU

      Après l’Assemblée de la société du monde nouveau tenue au Yankee Stadium en 1953, neuf congrès ont été organisés en Afrique du Sud (une assemblée nationale européenne et huit assemblées de district pour les frères africains et de couleur). Tous les sujets, y compris les discours clés présentés à New York, figuraient au programme des assemblées d’Afrique du Sud. Pour la première fois, les témoins ont porté des insignes annonçant l’assemblée ; depuis lors ils le font à chaque assemblée nationale et de district. Ces insignes facilitent les contacts entre témoins et créent une ambiance chaleureuse. Les neuf assemblées ont réuni au total 11 000 personnes au discours public intitulé “Après Harmaguédon, Dieu établira un monde nouveau”, et il y a eu 634 baptêmes.

      UN NOUVEAU FILM RÉVÉLATEUR

      Quand la Société a sorti le film “La Société du Monde Nouveau en action”, en 1955, les frères ont commencé à se rendre compte de la somme de travail que nécessite la production des publications. Le film emmenait le spectateur visiter le Béthel de Brooklyn, l’imprimerie et l’École de Galaad. Il a profondément impressionné les témoins, les aidant à mieux apprécier l’organisation. Ils ont également réalisé que les membres du Béthel d’Elandsfontein travaillent dur, eux aussi, pour produire des publications en différentes langues. Notons d’ailleurs qu’en août 1955 a paru pour la première fois le périodique La Tour de Garde en xhosa.

      Le film a également aidé beaucoup de personnes à se libérer des préjugés qu’elles avaient au sujet des témoins de Jéhovah. Les surveillants de district européens ont très facilement reçu la permission de projeter le film dans des régions dont l’accès leur avait été jusque-​là refusé. Ils emportaient avec eux une génératrice, qui leur permettait de passer le film dans les nombreuses localités isolées dépourvues d’électricité. Pour bon nombre d’Africains, c’était la première fois qu’ils assistaient à une projection cinématographique, aussi écarquillaient-​ils les yeux d’étonnement. Par exemple, un jeune garçon africain a tellement été impressionné par le passage d’un train que le lendemain il a demandé au cultivateur qui le logeait à quelle heure le train devait repasser.

      Deux cents frères de couleur s’étaient rassemblés à l’occasion d’une petite assemblée de circonscription. La soirée était chaude et le film devait être projeté dans une grande cour non clôturée située derrière la salle. Comme il faisait encore jour, les frères se sont mis à chanter des cantiques du Royaume. Attirés par ces beaux chants, des gens des alentours sont venus et, en peu de temps, 650 personnes étaient réunies dans la cour. Toutes ont beaucoup apprécié le film.

      UN REPRÉSENTANT DE BROOKLYN REVIENT EN AFRIQUE

      En octobre 1955, Milton G. Henschel est revenu en Afrique du Sud. Il a pourtant failli ne pas être présent à notre assemblée, car le ministère de l’Intérieur avait annulé son visa. Juste la veille du jour prévu pour son arrivée, les autorités lui ont donné un nouveau visa, mais en lui interdisant de prononcer des discours publics. Plusieurs frères du Béthel ont immédiatement été chargés de préparer des allocutions en vue de remplacer frère Henschel en cas de besoin. Dès son arrivée, celui-ci a eu un entretien avec le ministre de l’Intérieur qui lui a donné “le feu vert”, et tout s’est déroulé comme prévu à l’origine. Cette décision a grandement réjoui les congressistes et soulagé les frères du Béthel qui s’étaient préparés à la hâte à remplacer le représentant de la Société.

      Comme en 1952, les trois groupements raciaux ont eu la joie de se réunir dans le stade Wembley, en se tenant toutefois séparés les uns des autres. Les frères étaient heureux d’entendre le discours clé prononcé par frère Henschel, dans lequel il les assurait que leur Roi, Jésus Christ, les conduirait en procession triomphale et qu’ils seraient un parfum de bonne odeur pour Jéhovah mais une puanteur pour leurs ennemis. Au total, 10 754 personnes ont assisté au discours public intitulé “Conquête prochaine du monde par le Royaume de Dieu” ; il y a eu 407 baptêmes. Les nouvelles publications lancées le dimanche ont mis les frères au comble de la joie. Elles venaient tout juste d’arriver à Johannesburg la veille au soir.

      LES ASSEMBLÉES DE LA VOLONTÉ DIVINE

      En 1958, tous les témoins africains avaient les regards tournés vers l’Assemblée internationale de la volonté divine qui devait avoir lieu à New York du 27 juillet au 3 août. Quelle joie ce fut pour les 123 frères et sœurs d’Afrique du Sud de s’envoler pour New York via Londres !

      Treize assemblées de “La volonté divine” devaient ensuite se tenir en Afrique du Sud, assemblées à l’occasion desquelles seraient lancées de nouvelles publications pour le service du champ. Citons entre autres le livre Du paradis perdu au paradis reconquis. Ce manuel a beaucoup aidé les frères à enseigner les vérités bibliques à leurs enfants.

      En octobre 1958, les frères d’Afrique du Sud ont appris que leurs compagnons de service du Malawi avaient été victimes d’un terrible incendie qui avait complètement détruit les locaux construits par les témoins eux-​mêmes pour loger les congressistes. Ces derniers étaient sinistrés. En quelques jours, les frères d’Afrique du Sud ont généreusement rassemblé et envoyé à leurs compagnons du Malawi environ une tonne et demie de vêtements.

      UNE AUTRE VISITE IMPORTANTE

      En 1959, frère Knorr a de nouveau visité l’Afrique du Sud. Nous avions pris des dispositions pour qu’ait lieu une assemblée nationale qui réunirait toutes les races, comme les assemblées de 1952 et de 1955. Les autorités nous ayant refusé l’autorisation nécessaire, nous avons dû organiser deux assemblées en des endroits différents de Johannesburg. Des trains spéciaux ont amené 1 600 frères du Natal et du Zoulouland. De tous les territoires de l’Union et des pays voisins, les frères affluaient vers Johannesburg. La publicité faite avant l’assemblée a suscité un vif intérêt de la part du public, si bien que des centaines de personnes sont venues écouter entre autres choses le discours qui avait pour thème “Une terre édénique grâce au Royaume de Dieu”. La session européenne a réuni une assistance de 4 541 personnes au stade Wembley, tandis que 12 648 Africains s’assemblaient dans la salle communale d’Orlando et dans les grandes tentes montées tout autour. Il y a eu en tout 546 baptêmes.

      Quand le Béthel avait été transféré du Cap à Elandsfontein en 1952, il y avait en moyenne 8 580 proclamateurs en Afrique du Sud ; en 1959, leur nombre était passé à 14 451. Le Béthel était devenu trop petit. Avant l’arrivée de frère Knorr, des plans prévoyant l’agrandissement des locaux de la filiale avaient été établis et soumis à l’attention du président à Brooklyn, qui les avait approuvés. Les travaux de construction ont commencé pendant le séjour de frère Knorr en Afrique. Le nouveau bâtiment était plus grand que l’ancien. Il comprenait vingt-deux chambres supplémentaires et une Salle du Royaume pour la famille du Béthel. La partie réservée à l’imprimerie comportait un atelier de réparations, un emplacement réservé aux nouvelles machines et un grand entrepôt. Tout cela était vraiment nécessaire, comme en témoignent les chiffres de production. L’année qui a suivi l’installation de l’imprimerie à Elandsfontein, 740 000 brochures et périodiques étaient sortis des presses. Mais en 1959, pour ce qui est uniquement des périodiques, l’imprimerie en produisait presque deux millions.

      Parlons maintenant de la progression de l’œuvre dans les autres pays placés sous la responsabilité du bureau d’Afrique du Sud, et tout particulièrement des trois protectorats britanniques : le Basutoland, le Swaziland et le Bechuanaland.

      DES OBSTACLES À SURMONTER AU BASUTOLAND

      En général, le culte des ancêtres et la sorcellerie sont, pour les Africains, de sérieux obstacles à surmonter pour accepter la vérité. Bien que de nombreux Bassoutos se disent chrétiens, le clergé se joint à eux pour offrir des sacrifices destinés à apaiser “l’esprit” des chefs décédés et de leurs ancêtres. Tant les ecclésiastiques que les laïcs ont recours aux services des sorciers “médecins”.

      En 1953, Josué Thongoana, ancien directeur de l’école de missionnaires de l’Église réformée néerlandaise, a été envoyé au Basutoland (aujourd’hui le Lesotho) comme surveillant de circonscription. À cette époque-​là, le Basutoland était connu pour ses meurtres rituels accomplis sous le couvert de la sorcellerie, les étrangers servant généralement de cible aux meurtriers. Frère Thongoana et sa femme se sont entièrement confiés en Jéhovah qui les a vraiment protégés. D’ailleurs, les frères se montraient très bons et hospitaliers à leur égard.

      Dans les monts Maluti, frère Thongoana se rendait à cheval d’un groupe isolé à un autre. Pour aller de Mokhotlong à Bobete il fallait une journée. Les frères qui l’accompagnaient étaient de bons cavaliers, aussi ne souffraient-​ils pas du voyage, mais il n’en était pas de même de frère Thongoana ; tout son corps lui faisait mal, il ne pouvait ni s’asseoir ni se coucher. Au retour, ils ont dû traverser le fleuve Orange qui était en crue. Les compagnons de frère Thongoana l’avaient mis en garde : si le courant était trop fort, le cheval chercherait à se débarrasser de son cavalier afin de pouvoir nager. Frère Thongoana était terrifié. À mesure qu’il faisait avancer sa monture dans l’eau, son appréhension croissait ; mais heureusement, tous les chevaux ont traversé le fleuve sans se cabrer.

      Les chutes de neige sont fréquentes dans les monts Maluti ; elles sont suivies de vents violents. Un matin, au réveil, les frères ont découvert un paysage d’hiver ; toute la région était recouverte d’un manteau blanc. C’était une expérience nouvelle pour eux ; leurs pieds s’enfonçaient dans la neige en marchant. Ils étaient transis de froid, il fallait absolument allumer un feu, mais il n’y avait ni bois ni charbon. Alors que la situation leur semblait désespérée, une personne bien disposée leur a donné suffisamment de bouse séchée pour allumer un feu.

      Durant les années 1950, le Basutoland a continué de progresser régulièrement. En 1953, il y avait en moyenne 67 proclamateurs et, en 1959, leur nombre était passé à 111, ce qui représentait un accroissement de 81%.

      L’INTERDICTION EST LEVÉE AU SWAZILAND

      Au Swaziland, la situation était pratiquement la même qu’au Basutoland : dans l’ensemble, les chefs étaient bien disposés à l’égard des témoins. Certes, les frères poursuivaient leur œuvre dans la clandestinité, mais l’attitude conciliante des principaux chefs leur permettait de diffuser les publications, en prenant des précautions, bien entendu. Les proclamateurs inscrivaient leur nom sur les livres laissés aux personnes intéressées par le message, montrant ainsi qu’il s’agissait simplement d’un prêt et non d’une vente.

      En 1958, Dennis McDonald, surveillant de district, a rendu visite à la seule et unique sœur de Goedgegun (aujourd’hui Nhlangano). C’était la toute première fois qu’un représentant de la Société passait la voir. Elle avait loué la salle d’audience du tribunal local pour la réunion publique. Frère McDonald éprouvait quelque appréhension à donner un discours dans une salle de tribunal d’un pays où les écrits de la Société étaient frappés d’interdiction.

      Le mari de la sœur, membre du gouvernement local, lui assura qu’il aurait “un bon auditoire”. Le dimanche après-midi, “un bon auditoire” était effectivement présent ; il y avait deux ministres de l’Église réformée néerlandaise, un ministre de l’Église anglicane, le magistrat de la localité, un agent de police, le directeur de la CID et quelques personnes bien disposées. Frère McDonald comprit que ces hommes étaient venus dans un dessein bien précis. Le discours montrait l’échec du communisme et, en contraste, l’espérance du Royaume de Dieu. Il a entièrement été enregistré et envoyé à Mbabane, la capitale, pour être analysé. Quelque temps plus tard, l’interdiction qui pesait sur les publications de la Société a été levée ; il semble que ce discours ait influencé certaines décisions.

      La projection du film “La Société du Monde Nouveau en action” a également renversé certains préjugés. Le responsable d’un grand quartier européen a demandé à voir le film avant de donner son accord pour la projection en public. Sept personnes étaient présentes à la projection privée. Le film a fait une excellente impression sur le responsable, qui a dit : “Ce sujet est très intéressant. Votre organisation est vraiment importante et bien organisée.” Il était heureux d’apprendre que les témoins de Jéhovah défendent le culte pur et ne se mêlent pas aux affaires politiques. Il a remercié le surveillant de district pour la projection privée et a ajouté : “Vous pouvez passer ce film dans notre salle et je dirai aux agents de police de vous aider.” Ce soir-​là, l’assistance s’est élevée à 902 personnes.

      Des années 1953 à 1959, le nombre des proclamateurs de la bonne nouvelle n’a cessé de croître au Swaziland ; il est passé de 126 à 289, soit 129% d’accroissement.

      LA PERSÉVÉRANCE EST RÉCOMPENSÉE AU BECHUANALAND

      En 1956, Josué Thongoana a été nommé surveillant de circonscription au Bechuanaland. Certains frères locaux avaient déjà été battus par les chefs à cause de leur œuvre de prédication. Ils accusaient les frères d’introduire dans le pays une nouvelle religion, alors que le chef Khama avait déjà apporté la doctrine enseignée par la Société missionnaire de Londres. Un pionnier a été flagellé à deux reprises et on lui a confisqué son troupeau, tout cela en raison de ses activités de prédication. Mais quand le chef local a vu qu’il restait fermement attaché à sa foi, il lui a fait rendre ses bêtes.

      Deux semaines après son arrivée au Bechuanaland, frère Thongoana a été arrêté avec deux autres frères. Au kgotla (tribunal) on les accusait de répandre une nouvelle religion. On leur refusait le droit de se défendre en exigeant qu’ils plaident coupables. Après que le chef et son kgotla eurent porté de nombreuses accusations contre eux, frère Thongoana a été prié de quitter dès le lendemain le Bechuanaland, et les frères locaux ont été condamnés à deux mois de prison. Frère Thongoana a effectivement quitté la région, mais non le pays, à l’intérieur duquel il a pénétré plus avant. Quelque temps plus tard, il a appris avec joie que le chef avait changé d’avis et sursis à l’exécution de son jugement.

      Lorsqu’il est revenu, frère Thongoana a de nouveau été arrêté. Son jugement allait susciter l’intérêt général. Le ministre local de la Société missionnaire de Londres était présent et le chef lui a demandé d’ouvrir la séance par une prière. Frère Thongoana a de nouveau été accusé de propager une nouvelle religion. Le tribunal lui ayant permis de se défendre, il a cité de nombreux passages des Écritures pour expliquer la raison de sa prédication et la teneur de son message. Quant au ministre de la Société missionnaire de Londres, il n’avait même pas apporté la Bible. Certains conseillers ont persuadé le chef de prononcer l’acquittement ; c’était une victoire théocratique !

      Avant que l’interdiction frappant les écrits de la Société ne soit levée en 1959, beaucoup de frères ont été arrêtés ; mais ils sont restés fermement attachés à la vérité. De 100 en 1953, le nombre des proclamateurs est passé à 166 en 1959. Quel bel accroissement !

      LES FRÈRES DE L’ÎLE SAINTE-HÉLÈNE SONT SPIRITUELLEMENT BÉNIS

      Après le départ de frère van Staden, seuls le courrier et les écrits de la Société reliaient les témoins de Sainte-Hélène à l’organisation visible de Jéhovah. Vous imaginez leur joie quand le surveillant de circonscription et sa femme sont venus passer tout un mois avec eux en 1955. Ils ont consacré douze jours à chacune des deux congrégations de l’île, et le mois d’activité s’est achevé avec une assemblée de circonscription. On a compté 105 personnes à la réunion publique et trois baptêmes.

      Les bénédictions spirituelles n’ont cessé d’être répandues sur les proclamateurs de Sainte-Hélène. En 1956, le film “La Société du Monde Nouveau en action” a été projeté huit fois devant une assistance totale de 1 000 personnes. Ce film a donné à ces frères isolés une meilleure connaissance de l’organisation mondiale des témoins de Jéhovah. L’un d’eux a déclaré : “Je confesse sans honte que ce film m’a ému aux larmes, et je n’étais pas le seul. C’est remarquable de voir comment les frères travaillent ensemble dans l’amour ; si seulement nous pouvions faire de même !”

      En 1958 le film “Le bonheur de la société du Monde Nouveau” a été projeté huit fois devant une assistance totale de 1 095 personnes. Toutes ont été frappées de voir les foules se rassembler dans toutes les parties du monde.

      Depuis que les graines du Royaume avaient été semées à Sainte-Hélène en 1933, aucun proclamateur n’avait encore eu la joie d’assister à une grande assemblée. Pour la première fois en 1958, deux proclamateurs allaient se rendre à l’Assemblée internationale de la volonté divine à New York. Toutefois, en raison des communications difficiles, ils ont dû partir en mai et ne sont revenus qu’en novembre. Mais la joie d’être à l’assemblée de New York valait bien la peine qu’ils s’étaient donnée. En rentrant, ils ont communiqué à leurs frères toutes les bonnes choses qu’ils avaient apprises.

      PROGRÈS À L’ÎLE MAURICE

      En 1953, la congrégation de Vacoas faisait de bons progrès et une nouvelle congrégation était sur le point d’être établie à Port Louis. Se conformant aux lois, les missionnaires avaient fait savoir au commissaire de police qu’ils allaient tenir des réunions ; celui-ci n’y voyait aucun inconvénient aussi longtemps que ces réunions ne susciteraient pas d’opposition religieuse susceptible de troubler la paix. Toutefois, les autorités ne voulant pas prendre de risques, quatre agents de la Sûreté ont été désignés pour assister à la première réunion. Il y avait aussi dans l’assistance un agent de la Sûreté en retraite et plusieurs membres de la famille d’un autre agent de la Sûreté. Cela ressemblait fort à une réunion d’agents de police ! Tous ont constaté avec satisfaction que les témoins de Jéhovah sont des gens paisibles qui respectent la loi.

      De bons progrès ont encore été enregistrés en 1955, où le nombre des proclamateurs a atteint un maximum de 30. Cette année-​là, frère Milton Henschel est venu dans l’île Maurice et une filiale de la Société a été créée ; ce bureau était chargé des intérêts du Royaume dans les trois îles situées au sud de l’océan Indien, à savoir Madagascar, la Réunion et l’île Maurice.

      DES EFFORTS FRUCTUEUX À MADAGASCAR

      Après la visite en 1933 de deux pionniers, Robert Nisbet et Bert McLuckie, venus d’Afrique du Sud, le champ de Madagascar semble être resté inculte pendant vingt-deux ans. En 1955, Milton Henschel et Robert Nisbet ont visité l’île pour y organiser le travail sous la direction de la filiale de la Société à l’île Maurice. Bientôt, deux pionniers de France débarquaient dans l’île. Ils ont travaillé dur et ont obtenu de bons résultats, conduisant de nombreuses études bibliques. Avant peu, des proclamateurs locaux répandaient la bonne nouvelle du Royaume. En 1958 a été publiée la première brochure en langue malgache. L’année suivante, le bureau de la filiale de France a été chargé de la direction de l’œuvre à Madagascar.

      DÉBUTS DE L’ŒUVRE EN ANGOLA

      C’est en 1938 qu’ont été semées les premières graines de vérité en Angola. Ce territoire couvre une superficie de 1 248 700 km2 et se situe sur la côte occidentale de l’Afrique ; il est limité au sud par le Sud-Ouest africain, au nord par la République du Congo et à l’est par la Zambie.

      En 1938, deux pionniers venus du Cap ont visité la population blanche de l’Angola. En trois mois, ils ont placé 8 158 Bibles, livres et brochures, suscitant un certain intérêt pour la vérité. Mais la Seconde Guerre mondiale ayant éclaté l’année suivante, il a été difficile de garder le contact avec les personnes bien disposées.

      En 1950, soit douze années plus tard, un pionnier africain du Mozambique a été déporté dans la petite île portugaise de Sao Tomé, située dans le golfe de Guinée, sans même avoir fait l’objet d’un jugement préalable. Précisons en passant que cette île était comprise dans le territoire de l’Angola. Après six mois de déportation, ce frère avait formé treize proclamateurs du Royaume qu’il aidait à répandre le message dans l’île.

      Deux ans plus tard, ce petit groupe de Sao Tomé se composait de 21 proclamateurs. Sao Tomé et Principe, l’île voisine, couvrent ensemble une superficie de 975 km2 et comptent 64 000 habitants. Il s’agit en fait de colonies pénitentiaires pour les Africains portugais qui travaillent comme des esclaves dans les plantations de caoutchouc, de bananes et de café. Aussi les frères devaient-​ils poursuivre leur activité dans des conditions difficiles, sans que personne ne puisse les visiter pour les encourager. Jusque-​là, il n’y avait toujours pas de proclamateurs en Angola.

      Pourtant, en 1954, le bureau de l’Afrique du Sud a reçu des lettres d’un petit groupe d’Africains de Baía dos Tigres, un camp pénitentiaire rattaché à un port de pêche situé à l’extrémité méridionale de l’Angola. João Mancoca, l’auteur de ces lettres, disait dans l’une d’elles : “Le groupe des témoins de Jéhovah d’Angola s’élève à 1 000 personnes. Leur conducteur se nomme Simão Gonçalves Toco.” Mais un fait très intéressant se rattache à ce nom.

      En 1943, ce Simão Gonçalves Toco était chef des chœurs de la mission baptiste de Léopoldville, au Congo belge (aujourd’hui le Zaïre). C’était un chef très capable et le nombre de ses chanteurs s’élevait à plusieurs centaines. Un jour, on lui remit deux brochures éditées par la Société Watch Tower, et il les lut avec intérêt. Toco écrivit ensuite au siège central de Brooklyn pour obtenir d’autres écrits. Petit à petit, il se mit à inclure certains enseignements du Royaume dans ses cantiques ou ses hymnes (il était compositeur) et en parla avec ses plus proches collaborateurs. Mais des disciples de Simon Kimbangu, qui pratiquaient le spiritisme, se sont infiltrés dans le groupe de Toco. En 1949, Toco et ses amis se sont mis à prêcher dans Léopoldville. Mais bientôt, ils étaient arrêtés et emprisonnés. Une fois incarcéré, Toco a cessé d’utiliser les publications de la Société, délaissant même la Bible, et comme ses compagnons et lui se reposaient principalement sur les messages des médiums, le spiritisme de Kimbangu a fini par éclipser la vérité. La plupart d’entre eux étaient originaires de l’Angola. Aussi, après avoir passé quelques mois en prison au Congo, ceux qui refusaient de renoncer à suivre Toco ont été renvoyés à Luanda, en Angola. Ils étaient environ un millier.

      Au nombre des déportés en Angola figurait João Mancoca, un Africain intelligent, dont l’esprit était tourné vers les choses spirituelles. Lors de son jugement, il avait été accusé d’appartenir au “mouvement de la Tour de Garde” rattaché au kimbanguisme, secte africaine interdite. Le juge était prêt à le relâcher à condition qu’il renonçât à sa foi. Tout en rejetant certaines interprétations de Toco, particulièrement sa pratique du spiritisme, João Mancoca comprenait que celui-ci lui avait enseigné certaines vérités qu’il perdrait s’il abandonnait la foi ainsi acquise. Il préféra donc l’emprisonnement au rejet du peu de vérité qu’il détenait. Les autorités portugaises étaient dans le doute quant à l’origine exacte de ce groupement et ne savaient que faire de ses adeptes. Elles les soupçonnaient d’être des éléments subversifs, et pourtant ils paraissaient sincères et inoffensifs. Finalement, on décida de les disperser un peu partout en Angola. Toco et bon nombre de ses adeptes ont été envoyés au nord, dans une plantation de café. Quant à Mancoca et un autre groupe, ils sont restés à Luanda.

      Là, Mancoca s’est donné beaucoup de mal pour persuader ses compagnons de se servir de la Bible et de renoncer au spiritisme. Avec Sala Ramos Filemon et Carlos Agostinho Cadi, Mancoca s’est efforcé de faire prévaloir la Bible. Par une heureuse coïncidence, le fils d’un Africain a reçu comme manuels de classe nos livres “Le Royaume s’est approché” et “La vérité vous affranchira” en langue française. Son père étant d’avis que ces ouvrages ne convenaient pas à l’usage pour lesquels on les destinait, il les remit à Mancoca. Vous imaginez sa joie et celle de ses compagnons, car tous appréciaient vraiment la vérité. Par la suite, Toco a été envoyé dans le sud ; mais en chemin, il s’est arrêté quelque temps à Luanda. Il était devenu un spirite confirmé et interdisait à ses adeptes d’employer la Bible. De toute évidence, ses disciples “kimbangu” avaient exercé sur lui une puissante influence, le détournant complètement de la Parole de Dieu. Mancoca et ses compagnons étaient atterrés, et, pendant trois mois, ils n’ont cessé de prier pour que Jéhovah les aide à entrer en relations avec la Société Watch Tower.

      Certains disciples de Toco n’aimaient pas les vérités enseignées par Mancoca ; aussi le dénoncèrent-​ils, lui et ses compagnons, auprès des autorités portugaises, les accusant mensongèrement d’être les auteurs de l’une des fausses doctrines enseignées par Toco. Mancoca et ses amis furent donc enfermés dans une cellule toute noire pendant vingt et un jours. L’un des gardiens a pu leur faire parvenir une machine à écrire et quelques bougies. Alors, grâce à cet éclairage de fortune, ils ont fait clandestinement des copies des brochures de la Société qu’ils avaient sous forme manuscrite. Une fois sortis du cachot, ils ont été déportés au camp pénitentiaire de Baía dos Tigres et condamnés, sur de fausses accusations, à quatre ans puis à six ans de bagne.

      À Baía dos Tigres, Mancoca et ses amis ont rencontré quelques tocoïstes, qu’ils ont encouragés, mais sans succès, à étudier la Bible. Ils se sont donc tenus à l’écart de ce groupe. C’est alors que Mancoca a décidé de traduire en kikongo, leur langue natale, certains chapitres du livre “La vérité vous affranchira” (qu’il avait en français). Dans le même temps, un tocoïste avait écrit au bureau de la filiale de Salisbury qui lui avait répondu en espagnol ; comme il ne pouvait pas lire cette langue, il a montré la lettre à Mancoca, qui a ainsi obtenu l’adresse de la Société. Avec ses compagnons, il a adressé une lettre en français au bureau de Rhodésie, et celui-ci l’a transmise au bureau d’Afrique du Sud. Ainsi, pendant trois mois, Mancoca et ses amis ont pu correspondre avec la filiale et recevoir des publications.

      Quand cette étrange histoire a été connue des frères de Brooklyn, ils ont aussitôt demandé au missionnaire John R. Cooke, qui avait passé plusieurs années au Portugal et parlait couramment le portugais, de se rendre en Angola. Frère Cooke y est arrivé le 21 janvier 1955. Il a d’abord eu un entretien avec un avocat de Luanda, qui lui a conseillé d’agir avec beaucoup de prudence, car les partisans de Toco étaient identifiés aux “Mau-Mau” (terroristes) et soupçonnés d’être soutenus par les communistes.

      Tandis qu’il marchait dans les rues du Luanda et de Benguela, frère Cooke éprouvait un sentiment étrange lorsqu’il rencontrait les disciples de Toco, reconnaissables à l’étoile qu’ils portaient comme insigne. Il se demandait si ces hommes étaient des témoins de Jéhovah en puissance ou des communistes déguisés. À Lobito et à Benguela, il a eu des entretiens privés avec certains d’entre eux, mais sans grand résultat ; tout ce qu’il a appris, c’est qu’ils avaient la Bible, connaissaient le nom de Jéhovah et se réunissaient souvent. Ils étaient nombreux à Luanda. Frère Cooke leur parla et eut des discussions avec leur comité. Mais ces hommes étaient avant tout des disciples de Toco et la Société Watch Tower ne les intéressait en aucune façon. Il y eut pourtant une exception en la personne d’un jeune homme nommé Antonio Bizi, qui apprécia beaucoup les visites de frère Cooke et encouragea plusieurs de ses amis à s’abonner aux périodiques de la Société.

      Frère Cooke fit donc part de ses premières impressions aux frères du bureau d’Elandsfontein, en Afrique du Sud, qui lui conseillèrent d’entrer en relations avec Mancoca et ses amis à Baía dos Tigres. Seulement voilà, Baía dos Tigres est un petit port de pêche situé sur une côte sablonneuse désertique, à l’extrémité méridionale de l’Angola ; de plus, c’est une colonie pénitentiaire ; ses contacts avec le monde extérieur sont donc très rares. John Cooke se souvient d’avoir retourné le problème dans tous les sens pendant des jours. Puis il se confia à Jéhovah dans la prière. Il écrivit ensuite une lettre au gouverneur général à Luanda, lui exposant sa mission et sollicitant une entrevue. Au bout de trois semaines interminables, il fut convoqué par Senhor Santana Godinho, l’adjoint en chef du gouverneur. Au cours de cet entretien, frère Cooke fut assailli de questions sur l’œuvre et les croyances des témoins de Jéhovah. Finalement, Senhor Santana Godinho autorisa frère Cooke à se rendre à Baía dos Tigres. Il le surprit même par cette remarque : “En fait, nous allons vous remettre gracieusement un billet d’avion aller et retour.” C’était un voyage de 1 900 kilomètres !

      Quelques jours plus tard, un petit avion à six places survolait sous un soleil de plomb le camp de Baía dos Tigres, et atterrissait sur la piste bétonnée. John Cooke et les quelques autres passagers sautèrent à terre. John Cooke rencontra encore quelques difficultés, mais finalement il put se réunir pour la première fois avec Mancoca et ses amis. C’était un grand jour pour Mancoca qui, depuis des années, priait pour entrer en relations avec la Société qui lui avait appris la vérité ! Il se mit sur son trente et un et lut un long discours de bienvenue au représentant de la Société. Quelle joie c’était pour frère Cooke de trouver des “brebis” impatientes de connaître les enseignements du Royaume ! Tous les soirs il se réunissait avec ces Africains humbles et sincères pour leur parler de la Parole de Dieu et de l’œuvre du Royaume. Un jour, ils lui montrèrent un gros livre d’exercices. Il était constitué des brochures Le Royaume, l’Espérance du Monde et Les derniers jours, traduites en kikongo, leur langue maternelle. Ce manuel, qui leur servait principalement de base pour l’étude, avait été écrit entièrement à la main, des années auparavant. Frère Cooke constata avec surprise qu’ils possédaient déjà une bonne compréhension de la vérité grâce aux publications qu’ils avaient reçues d’Elandsfontein.

      John Cooke logeait dans la maison du phare, avec le gardien. Celui-ci manifesta de l’intérêt pour la vérité ; il s’abonna à nos deux périodiques et commanda une Bible. Un jour il dit à frère Cooke : “Senhor Cooke, vous consacrez tout votre temps aux Africains. Pourquoi n’organiseriez-​vous pas une réunion pour nous, les Blancs ?” C’est ce qui fut fait, et, le dimanche, 80 personnes (70 Noirs et 10 Blancs) étaient réunis dans l’une des conserveries de poisson. Ce fut la première réunion publique en Angola. Le lendemain, frère Cooke reprit l’avion (il n’y avait qu’un vol par semaine), rassuré quant à la spiritualité du petit groupe de Mancoca. Celui-ci avait d’ailleurs rédigé une lettre pour Toco et ses adeptes, dans laquelle il leur expliquait les activités de John Cooke et les encourageait à l’accepter en qualité de représentant de la Société. Frère Cooke espérait ainsi obtenir une meilleure audience de la part des différents groupes.

      Frère Mancoca nous parle en ces termes de la visite de frère Cooke : “Je n’avais plus aucun doute. J’étais persuadé que cette organisation avait le soutien de Jéhovah. À mon avis, aucune autre Église n’aurait fait cela : envoyer à ses frais un missionnaire dans un pays lointain pour qu’il rende visite à un illustre inconnu qui a écrit au bureau de la filiale.”

      Entre-temps, les membres du comité de Toco à Luanda avaient reçu la missive de Mancoca, qui ne les avait pas du tout impressionnés. “Qui est-​il pour nous dire ce que nous avons à faire ? disaient-​ils. Si Toco nous avait envoyé une telle lettre, la chose aurait été différente, mais Mancoca !” Frère Cooke décida donc de visiter Toco.

      Un rapport fut envoyé au Senhor Santana Godinho ; il contenait un bref compte rendu sur la visite de John Cooke à Baía dos Tigres et son opinion sur ceux qu’il avait rencontrés là-bas. Santana Godinho ne tarda pas à convoquer frère Cooke. Il le félicita pour son rapport et lui dit que les autorités ne doutaient pas du caractère séditieux de la secte de Toco ; par contre, lui et quelques autres fonctionnaires n’en étaient pas convaincus. Ils seraient donc heureux que quelqu’un aille se rendre compte sur place. Il fit alors cette autre proposition surprenante : “Qui voulez-​vous encore visiter, Senhor Cooke ? Dites-​nous où vous souhaitez vous rendre et nous vous fournirons gratuitement un billet d’avion aller et retour.” John demanda à voir Toco, qui se trouvait dans la brousse, près de Sá de Badeira, une ville placée sous la coupe des médiums. Sa requête fut acceptée.

      Peu de temps après, frère Cooke avait deux longs entretiens avec Toco, en présence d’un fonctionnaire du gouvernement. Toco était un homme grand, assez jeune et intelligent. Il était heureux de rencontrer un représentant de la Société Watch Tower. Frère Cooke et lui discutèrent de questions bibliques et de la formation du groupe. Toco écrivit aussi une lettre à ses disciples en Angola, leur disant que M. Cooke représentait la Société Watch Tower qui lui avait envoyé des publications. Durant son séjour, frère Cooke était l’hôte du gouverneur. Après avoir fait quelques excursions intéressantes, il rentra à Luanda, avec l’espoir que ce groupe de 1 000 personnes se montrerait plus réceptif à la vérité.

      À Luanda, les membres du comité de Toco ne voulaient rien entendre ; ils tenaient les rênes et ils étaient bien décidés à les garder. C’était tout au moins l’attitude de David Dongala, le chef local ; en réalité, de nombreux autres hommes manifestaient de l’intérêt. Mais le séjour de frère Cooke à Luanda n’a pas été du temps perdu. Il a pu donner le témoignage à beaucoup de personnes, obtenant jusqu’à vingt-deux abonnements en un seul jour. Il a même pu commencer des études bibliques avec une ou deux familles blanches et des membres du groupe de Toco.

      Après un vol sans incident jusqu’à Cela, une nouvelle colonie agricole, la situation avait dramatiquement changé. Santana Godinho avait perdu son poste au gouvernement. Il avait vraiment aidé frère Cooke dans sa tâche difficile, et il était très favorablement disposé à notre égard. Désormais, il n’y aurait plus de billet d’avion gratuit et frère Cooke se vit refuser la prolongation du visa de cinq mois qui lui avait été accordé. Il quitta l’Angola en juin 1955, reconnaissant envers Jéhovah qui l’avait soutenu et lui avait donné le privilège d’établir des contacts importants et de répandre de nombreuses graines de vérité dans un territoire “vierge”.

      L’œuvre du Royaume avait commencé, et grâce à la faveur imméritée de Jéhovah et à la fidélité des nouveaux frères, les graines semées produiraient du fruit.

      LES FRÈRES SE MONTRENT COURAGEUX

      En juin 1956, Mancoca et sept autres frères de Baía dos Tigres ont pris une initiative courageuse. Ils ont adressé une lettre au gouverneur du district de Moçâmedes, où se situe Baía dos Tigres. Cette lettre disait entre autres ceci : “Avec le plus grand respect, nous sollicitons de votre Excellence le privilège d’être reconnus membres de la Société des Témoins de Jéhovah.” Les frères ont demandé une plus grande liberté de culte, mais tout ce qu’ils ont obtenu, c’est une plus grande opposition. Malgré cela, il y a eu dix baptêmes en 1956.

      Entre-temps, dans l’île de Sao Tome, plusieurs frères étaient arrivés au terme de leur peine de sept ans de détention. Parmi ceux qui ont été libérés et envoyés au Mozambique, il y avait l’ancien surveillant-président.

      LA LUMIÈRE NE FAIBLIT PAS

      La lumière de la vérité brillait en Angola et ce ne sont pas les difficultés qui l’affaibliraient. Qui plus est, le champ européen allait bénéficier de cette lumière.

      Le 26 octobre 1956, Mervyn Passlow et sa femme Aurore ont débarqué à Luanda pour poursuivre la tâche commencée par John Cooke. Celui-ci avait envoyé aux Passlow les noms des abonnés et des personnes bien disposées de Luanda. L’ennui, c’est que tous les abonnements étaient déposés dans des boîtes postales, aucun courrier n’étant distribué à domicile. Par conséquent, les Passlow n’ont pu entrer immédiatement en relations avec ces personnes. Mais un jour, ils ont reçu une lettre de frère Britten, le surveillant de la filiale de Lisbonne, qui les informait qu’une femme très intéressée par la vérité rentrait à Luanda. Elle s’appelait Berta Teixeira. À peine était-​elle arrivée que les Passlow lui rendaient visite. Jugez de sa surprise. Sans perdre de temps, une étude biblique a été commencée avec cette personne et les membres de sa famille. Grâce à l’un de ses parents qui travaillait au bureau de poste, elle a pu fournir aux Passlow l’adresse des abonnés. Bon nombre d’entre eux sont devenus des étudiants de la Bible très zélés. En l’espace de quelques semaines, ils communiquaient déjà leur espérance à leurs voisins et amis. Tous les soirs et les après-midi, les Passlow visitaient ces gens ; en six mois, plus de cinquante personnes étudiaient la Bible.

      Peu de temps après leur arrivée, les Passlow ont reçu des lettres de frères africains et de personnes bien disposées disséminés un peu partout en Angola. Bien qu’il fût toujours détenu à Baía dos Tigres, frère Mancoca écrivit des lettres d’encouragement aux Passlow. Les frères africains locaux qui avaient besoin d’être aidés spirituellement leur rendaient visite. Étant étranger, frère Passlow se montrait prudent en ne fréquentant pas leurs réunions. En revanche, les frères africains recevaient de l’aide de la part d’Antonio Bizi qui était très actif du temps de frère Cooke ; il les visitait régulièrement pour étudier la Bible avec eux et leur donner une formation dans le ministère. Les Africains recevaient également beaucoup de publications qu’ils faisaient pénétrer dans les régions plus isolées.

      Quelques mois après leur arrivée, les Passlow ont commencé à tenir régulièrement l’étude de La Tour de Garde dans leur chambre. À la fin du premier mois, celle-ci était devenue trop petite. Alors, sœur Teixeira, qui dirigeait une école de langues, offrit l’une de ses classes comme lieu de réunions. Celles-ci ne commençaient pas avant 21 heures, heure à laquelle prenaient fin les cours de langues. Nos réunions attiraient ainsi beaucoup moins l’attention.

      Des lettres affluaient de toutes les parties de l’Angola. Elles émanaient d’Africains qui se disaient tous frères. Mais à cette époque-​là, la guerre faisait rage et il était impossible d’entrer en contact avec toutes ces personnes.

      Quelque temps plus tard, une étude biblique a été commencée avec Senhor Vieira Gonçalves et sa femme. Cet homme avait passé six années dans un séminaire, mais la conduite des jeunes séminaristes l’avait à ce point choqué qu’il avait renoncé à la prêtrise. Ses progrès dans l’étude de la Bible furent rapides et il ne tarda pas à fréquenter les réunions et à parler de la vérité à ses amis. Au bout de deux mois, il conduisait déjà une étude avec une autre famille.

      Frère Passlow était à Luanda depuis huit mois lorsqu’il décida d’organiser des baptêmes, plusieurs personnes ayant manifesté leur intention de se vouer à Jéhovah. Quelle joie ce fut pour lui d’apprendre qu’un frère du Portugal, Henrique Vieira, en route pour l’Afrique du Sud, devait s’arrêter à Luanda précisément le jour prévu pour la cérémonie des baptêmes ! Frère Vieira a donc prononcé un discours puis il a procédé au baptême des candidats dans la baie de Luanda. Il a également réjoui les frères en leur rapportant des faits de prédication.

      Peu de temps après, frère Passlow s’est vu refuser la prolongation de son visa. Il a immédiatement demandé à frère Gonçalves de s’occuper des intérêts spirituels du petit groupe de Luanda. Quoique tout nouveau dans la vérité, celui-ci a pris la relève, et pendant neuf ans il s’est fidèlement acquitté de sa tâche, jusqu’au jour où il a été arrêté, emprisonné et finalement renvoyé au Portugal.

      Frère Passlow avait fait ce qu’il fallait au bon moment. En effet, quelques jours plus tard, une voiture de la Sûreté s’arrêtait près des Passlow, qui se rendaient à leurs occupations habituelles. Six agents de police ont bondi hors du véhicule et se sont emparés d’eux, comme s’il s’était agi de criminels de la pire espèce. Les policiers les ont conduits jusqu’à leur logement, où ils ont entrepris une fouille minutieuse et confisqué un grand nombre de leurs affaires, y compris les ustensiles de cuisine d’Aurore, sous prétexte qu’ils renfermaient certainement des messages codés. Comme les agents emportaient leur stock de Bibles, frère Passlow leur dit : “J’espère que vous les lirez !” Et l’agent de répondre : “Est-​ce qu’ils parlent de football ?” Sur quoi tous s’esclaffèrent. Les agents savaient pertinemment bien qu’ils n’étaient que des pions sur l’échiquier de l’évêque de Luanda. Les Passlow ont appris plus tard qu’une personne bien disposée avait parlé à l’évêque des bonnes choses qu’elle apprenait en compagnie des témoins.

      Une démarche faite auprès du consul britannique, un catholique fervent, n’a donné aucun résultat. Le commissaire de police a ensuite convoqué les Passlow à son bureau. Ils devaient quitter le pays dans la même semaine. Les remarques du commissaire indiquaient nettement qu’il associait les Passlow au célèbre “mouvement de la Tour de Garde” d’Afrique centrale. C’était peine perdue que de raisonner avec cet homme.

      Le 27 juin 1957, les Passlow ont embarqué pour l’Afrique du Sud. En raison de l’attitude de la police, ils avaient demandé aux frères, surtout aux Africains, de ne pas venir les saluer. Mais les liens d’amour étaient trop puissants. Agents ou pas agents, les frères, y compris de nombreux Africains, étaient là pour leur dire “Adeu” (“Au revoir”) ! Juste avant qu’ils ne montent sur la passerelle, un frère africain revenu depuis peu de Baía dos Tigres s’est approché de frère Passlow et lui a glissé une enveloppe dans la main avant de disparaître dans la foule. L’enveloppe contenait un don en argent accompagné de ce message : “Pour acheter du pain.” Tandis que le bateau s’éloignait lentement, les Passlow ressentaient une gratitude infinie envers Jéhovah Dieu qui leur avait donné la joie indescriptible d’aider leurs semblables à le connaître.

      Par la suite, les Passlow ont appris que le lendemain de leur départ la radio avait annoncé qu’une grande menace venait d’être écartée du pays en la personne d’un couple, qui avait cherché à implanter le communisme et le mouvement “Mau-Mau”, “mais grâce à Dieu, ce danger est maintenant conjuré !” Des mois plus tard, quand les actes de terrorisme ont vraiment plongé le pays dans le sang, la presse a prétendu à tort que les missionnaires de la Watchtower avaient incité les Africains au terrorisme. On a même publié des photos montrant de prétendus missionnaires en train de remettre des dollars à des Africains pour les monter contre les autorités de race blanche.

      Il est vrai que les missionnaires de la chrétienté et les chefs religieux ont encouragé les actes de terrorisme en Angola, mais les témoins de Jéhovah ont toujours observé une stricte neutralité. Grâce à la faveur imméritée de Jéhovah, des missionnaires de la Watchtower avaient pu entrer dans le pays et, en dépit des problèmes et de l’opposition, ils avaient établi une petite organisation composée de 54 frères, déterminés à demeurer fermes et à faire briller la lumière de la vérité en Angola.

      Après le départ de frère Passlow et de sa femme, les frères ont fidèlement poursuivi leurs activités dans le calme. Il leur manquait un frère mûr pour les instruire, mais ils organisaient néanmoins les réunions et prêchaient au mieux de leurs possibilités, compte tenu des difficultés.

      Dans le courant de l’année 1958, Harry Arnott, surveillant de zone, fit un bref séjour en Angola ; cela fut une source d’encouragement pour les frères africains et européens. En 1959, il est revenu à Luanda, toujours en qualité de surveillant de zone. À peine avait-​il mis pied à terre pour saluer un petit groupe de frères, que des agents de police surgirent et les arrêtèrent tous. On sépara frère Arnott des autres afin de l’interroger, et sa serviette fut minutieusement fouillée. Pendant ce temps, il priait Jéhovah pour que la liste des abonnés à La Tour de Garde de Luanda ne tombe pas entre les mains de la police. Ce précieux document était dans son portefeuille avec son billet d’avion. Le chef d’Interpol vérifia son billet, mais il ne vit pas la liste en question. Après avoir bombardé frère Arnott de questions, il lui dit : “Retenez bien ceci, M. Arnott : en Angola, vous êtes brûlé, brûlé, brûlé, et la Watchtower est finie, finie, finie !”

      On le conduisit ensuite dans une pièce où les autres frères étaient réunis ; frère Mancoca était du nombre. L’inspecteur de l’Interpol se tourna vers lui et, cherchant à l’impressionner, il lui dit : “Savez-​vous ce qu’on va faire de vous ?” Regardant son persécuteur droit dans les yeux, frère Mancoca lui répondit : “J’ai déjà supporté beaucoup ; aussi, la seule chose que vous puissiez encore me faire, c’est de me tuer ; mais je ne renoncerai pas à ma foi.” Puis il se tourna vers frère Arnott et lui adressa un sourire encourageant. Frère Arnott rapporte : “Oubliant qu’il était lui-​même en mauvaise posture, il ne pensait qu’à me rassurer au cas où cette situation m’aurait ébranlé. Comme il était édifiant de voir ce frère africain demeurer ferme et courageux après avoir passé des années en prison !”

      Frère Arnott fut reconduit à l’aéroport et dut quitter immédiatement le pays. Entre-temps, la police avait découvert que la congrégation se réunissait chez sœur Teixeira. Les agents se rendirent donc sur-le-champ à son école pour y perquisitionner. Ils sont allés partout, ouvrant toutes les portes, sauf celle du rez-de-chaussée derrière laquelle se tenaient une cinquantaine de frères et de personnes bien disposées qui attendaient patiemment le discours de frère Arnott.

      Cette fois-​là aucun des témoins venus accueillir frère Arnott, y compris frère Mancoca, n’a été poursuivi en justice. Certes, frère Mancoca a été interrogé pendant sept heures et l’inspecteur a fait rédiger un mandat d’arrêt contre lui, mandat qu’il a finalement déchiré en disant : “Partez, Mancoca ; mais faites bien attention à vous. Demain vous m’apporterez toutes les publications de la Watch Tower qui sont en votre possession. (...) Abandonnez la Watch Tower et occupez-​vous de vous-​même et de vos enfants.”

      À la suite de cet incident, il a fallu changer le lieu des réunions ; mais la petite congrégation et les frères africains ont commencé à s’organiser eux-​mêmes. Malheureusement ils étaient encore peu nombreux. En 1960, le maximum des proclamateurs n’était que de 17. C’est d’ailleurs cette année-​là que l’Angola a été placé sous la responsabilité de la filiale du Portugal, à Lisbonne.

      En 1961, des actes de terrorisme ont éclaté en Angola et une vague de persécutions intenses a déferlé sur les témoins. Les neuf années qui ont suivi, frère Mancoca les a passées dans différents camps de travail et maisons de détention. Il a enduré toutes sortes de tribulations, mais il a toujours affronté la persécution avec calme, détermination et une entière confiance en Jéhovah. Partout il a donné le témoignage, aidant de nombreux Africains à connaître la vérité.

      En 1971, un grand nombre de frères ont de nouveau été arrêtés et jetés en prison à Luanda ; notre dévoué frère Mancoca était une fois de plus parmi eux. Mais les efforts de nos ennemis sont dérisoires comparés aux desseins immuables et à la puissance illimitée de Jéhovah. Rien, non, rien ne peut arrêter la prédication de la bonne nouvelle du Royaume sur la terre habitée tout entière, y compris l’Angola.

      PRÊT POUR L’EXPANSION

      Au début de 1960, le Béthel d’Elandsfontein était prêt en vue de l’expansion. Jéhovah avait prévu les besoins qu’entraînerait l’accroissement qui se produirait dans les dix années à venir, et il allait les satisfaire. L’imprimerie disposait maintenant de cinq linotypes au lieu de trois, et, en 1961, on en a installé une sixième. Une presse plate Heidelberg et une presse rotative Timson sont venues s’ajouter à la presse horizontale G.M.A. que nous possédions déjà.

      En 1960, l’imprimerie d’Elandsfontein a commencé à imprimer en couleur et deux fois par mois un certain nombre de périodiques en langues indigènes (avant cela ils paraissaient une fois par mois seulement et en noir et blanc). Le périodique La Tour de Garde en tswana a également commencé à paraître une fois par mois. En mai 1965, les presses ont imprimé une édition spéciale en cibemba pour le Congo (Kinshasa). Le titre complet de l’édition normale en cibemba est Ulupungu lwa kwa Kalinda. Toutefois, à cause des préjugés des Congolais contre le nom Tour de Garde, cette édition portait simplement le titre Kalinda (qui signifie “guettant” ou “guetter”). En 1966, La Tour de Garde en sepedi est sortie pour la première fois des presses. Ainsi, en 1970, l’imprimerie produisait 24 numéros de La Tour de Garde et de Réveillez-vous ! en 10 langues, et 15 éditions de Notre ministère du Royaume. Ajoutons à cela les brochures en langues indigènes et une “montagne” de formules, de programmes, de tracts, etc.

      En 1960 a été levée l’interdiction qui frappait les écrits de la Société dans les trois protectorats, à savoir le Basutoland, le Bechuanaland et le Swaziland. La nourriture spirituelle a donc pu y être envoyée librement. Mais quelle était l’activité des frères dans ces pays ?

      BÉNÉDICTIONS ET DIFFICULTÉS AU BASUTOLAND

      Les frères du Basutoland (aujourd’hui le Lesotho) appréciaient beaucoup le périodique bi-mensuel Molula-Qhooa (La Tour de Garde en lesotho). Cela se voyait dans le nombre des assistants à l’étude de ce périodique. En 1960, 135 proclamateurs et 15 pionniers veillaient sur les intérêts spirituels des 634 000 habitants du pays ; ils allaient courageusement de l’avant en dépit de nombreuses difficultés.

      Mais un vent de nationalisme s’était mis à souffler sur ce petit protectorat britannique, suscitant une soif d’indépendance que le pays a d’ailleurs assouvie en obtenant son autonomie politique complète en 1960. Les services administratifs ont alors été “africanisés”, les Africains prenant la place des Européens. Beaucoup pensaient que “l’autonomie” et “l’indépendance” étaient des mots magiques qui allaient ouvrir la voie à la liberté et à la prospérité. Mais les témoins de Jéhovah continuaient de présenter le Royaume de Dieu comme la seule espérance pour l’humanité.

      La plupart des Basoutos habitent des villages dispersés (appelés “kraals”) dans les montagnes ; certains sont si haut perchés qu’on ne les atteint qu’à pied ou à dos de poney. Le surveillant de circonscription mettait parfois cinq ou six jours pour gagner des noyaux d’isolés.

      Les pionniers ont accompli un travail de prédication remarquable dans les endroits reculés du Basutoland, tel ce couple de pionniers spéciaux envoyés près de Mokhotlong, dans le massif de Drakensberg, à plus de 3 000 mètres d’altitude. Le mari, Philémon Mafereka, devait gravir plusieurs montagnes simplement pour conduire une étude biblique. Il se mettait en route à 4 heures du matin ; tout en marchant d’un bon pas, il n’arrivait à destination qu’à 8 h 30. Il rentrait généralement chez lui le soir même, et le lendemain il partait dans une autre direction. Les efforts de ce couple ont été abondamment bénis ; en deux ans, dix proclamateurs du Royaume se sont joints à eux pour les aider dans leur tâche.

      Au Basutoland, les proclamateurs doivent parfois marcher pendant deux ou trois heures pour se rendre dans leur territoire ; une fois arrivés, ils passent jusqu’à six heures d’affilée dans le service du champ. Il ne serait en effet pas raisonnable de rentrer chez soi au milieu de la journée uniquement pour prendre un repas ; ces frères ne regagnent donc leur domicile qu’en début de soirée pour faire un peu de cuisine et se restaurer. Comme les villages sont très éloignés les uns des autres, il arrive qu’un proclamateur ne visite que six familles en six heures de service, mais ces personnes isolées ont elles aussi besoin de connaître la Parole de Dieu.

      Les frères de ces régions reconnaissent l’importance des assemblées ; ils font de très gros efforts pour y assister, aussi sont-​ils des exemples pour nous. Pour se rassembler avec le peuple de Jéhovah, un pionnier spécial a marché pendant quatre jours, escaladant des montagnes et traversant des rivières à la nage. Une sœur a voyagé seule à cheval pendant trois jours et pendant un jour en autocar. Une autre sœur, enceinte de six mois, a parcouru quarante kilomètres à pied sur des chemins de montagne et dans la neige pour se rendre à une assemblée de circonscription. Un frère récemment voué a même fait plus de 130 kilomètres à travers la montagne en compagnie du pionnier spécial qui l’avait enseigné, pour assister à une assemblée et prendre le baptême.

      Des nouveaux ont dû régulariser leur situation conjugale afin de pouvoir participer à l’œuvre de prédication et de se qualifier pour le baptême. En une certaine occasion, un surveillant de district européen a emmené en voiture sur des routes de montagne un homme et sa “femme”, qui avaient déjà trois enfants, chez le commissaire du district le plus proche, afin de faire enregistrer leur mariage. Ils ont ainsi pu prendre le baptême la semaine suivante à l’assemblée de circonscription.

      LES FRÈRES MAINTIENNENT LEUR NEUTRALITÉ CHRÉTIENNE

      En 1966, le Basutoland est devenu un État indépendant connu sous le nom de Lesotho. À cette époque-​là, il y avait 266 proclamateurs du Royaume qui, en raison de leur neutralité absolue, s’étaient attiré le respect de la plupart des membres du gouvernement. Pourtant, lors d’une assemblée de district tenue à Maseru, la capitale, un officier de police, accompagné de nombreux agents (trois voitures pleines), a fait irruption dans la salle, ordonnant que la réunion soit interrompue. C’est seulement le lendemain matin que les frères responsables ont pu voir le chef de la police. Comme il connaissait bien les témoins, il a refusé d’accepter la fausse accusation portée contre l’un des orateurs, qui aurait dit de détruire le gouvernement du Lesotho. L’officier qui avait interrompu la réunion a ensuite reçu l’ordre de poster des agents autour de la salle pour protéger les témoins. Comme vous vous en doutez, ils n’ont rien eu à faire et les témoins en ont profité pour leur donner un témoignage complet.

      La stricte neutralité chrétienne des frères du Lesotho s’est avérée une protection pour eux pendant la période de crise gouvernementale et de troubles graves. À un certain moment, tous ceux qui ne soutenaient pas le gouvernement de Headman Jonathan furent purement et simplement éliminés. La nuit, les huttes des membres de l’opposition étaient cernées et incendiées, des familles entières ont ainsi péri dans les flammes. Aucun témoin de Jéhovah n’a été traité de la sorte.

      Mais la position neutre des vrais chrétiens leur a quand même valu des tribulations. En 1970, le Lesotho a connu la disette en raison des années de sécheresse. Quand la pluie s’est de nouveau mise à tomber en abondance, il a été décidé que seuls les partisans du gouvernement recevraient des graines de maïs. Comme ils étaient neutres, les témoins n’ont rien reçu. Ayant appris la nouvelle, les frères de la République sud-africaine ont organisé une collecte pour aider leurs compagnons du Lesotho. Cela a été annoncé lors d’une réunion préliminaire aux assemblées nationales de Johannesburg, et il a été suggéré que toutes les contributions qui seraient relevées dans les boîtes aux assemblées (une somme totale de 1 714 rands, monnaie de la République sud-africaine) soient versées au fonds de secours pour les frères du Lesotho. Les témoins se sont montrés si généreux que le bureau de la filiale a dû envoyer aux congrégations une circulaire qui disait : “C’est assez.” En l’espace d’une semaine, un frère européen de l’État libre d’Orange a pu se procurer la quantité de graines de maïs nécessaire et l’apporter à nos compagnons du Lesotho. Tous ceux qui étaient dans le besoin ont également reçu de l’argent pour acheter des vivres en attendant qu’ils puissent se suffire à eux-​mêmes. Tous ces dons ont mieux que jamais fait comprendre aux témoins du Lesotho à quel point leurs frères européens et africains du sud s’intéressent à eux, et cela a renforcé les liens qui les unissaient.

      Une sœur qui a reçu de l’aide a dit plus tard : “Nous n’avions absolument plus rien dans la maison, pas même dix cents (50 centimes) pour acheter un peu de maïs. C’est alors que nous avons reçu de l’argent de la part de nos frères blancs d’Afrique du Sud. Je ne pouvais prononcer une parole tant j’étais émue. Je ne faisais que pleurer. Les autres témoins et moi-​même avons ainsi pu parer au plus pressé, et grâce à l’aide de Jéhovah nous pouvons assister à cette assemblée où nous est servi un festin spirituel.”

      DES JALONS IMPORTANTS SONT POSÉS

      Tandis que l’organisation de Jéhovah pourvoyait aux besoins matériels des frères du Lesotho, Jéhovah préparait un excellent repas spirituel pour les hommes affamés de vérité. Nous voulons parler du livre La vérité qui conduit à la vie éternelle en sesotho, qui est paru vers le milieu de l’année 1970. Grâce à ce précieux manuel et au programme d’étude en six mois, l’accroissement se ferait sans aucun doute. Un jalon venait d’être posé en rapport avec l’activité chrétienne.

      En 1972, un autre jalon a été planté, à savoir la construction de la première Salle du Royaume au Lesotho. Une telle salle était devenue indispensable à Maseru, la capitale, car l’assistance à l’étude de La Tour de Garde s’élevait en moyenne à 170 personnes et souvent à plus de 200. Pour la construction de la Salle du Royaume, nous avons été autorisés à extraire des pierres des montagnes avoisinantes ; des frères spécialisés ont ensuite taillé ces pierres qui ont servi à monter les murs.

      Tout le monde a participé à la construction. Les sœurs préparaient non seulement les repas, mais elles transportaient aussi l’eau. En costume traditionnel, elles portaient sur la tête des jarres sur une distance de plus de 3 kilomètres. Les enfants faisaient rouler les tonneaux remplis d’eau jusqu’au chantier, et certains frères âgés ont parfois parcouru une trentaine de kilomètres à pied afin de participer au travail de construction. Pour damer la terre avant de couler la dalle en béton, les sœurs dansaient en chantant des cantiques du Royaume. Aujourd’hui, les frères sont heureux de se réunir dans une salle qui peut contenir environ 250 places assises. C’est une construction solide qui n’a coûté que 4 000 francs français !

      Comme dans les autres pays africains en voie de développement, le nationalisme est parfois une cause d’ennuis pour les écoliers et les frères en général. Récemment par exemple, des actes de violence ont éclaté juste au moment où se terminait notre assemblée de district. Un nouveau frère, qui avait appartenu au parti politique responsable des soulèvements, a eu la surprise d’être accueilli devant chez lui par des soldats et par le juge de la localité, qui lui demanda de justifier son emploi du temps. Il expliqua au juge qu’il avait assisté à l’assemblée tenue par les témoins de Jéhovah. Mais cette réponse ne le satisfaisait pas ; il exigeait une preuve. Le frère a alors présenté le programme de l’assemblée. Après l’avoir lu entièrement, le juge a déclaré le frère innocent et l’a encouragé à poursuivre son activité de prédication. Les villageois n’en revenaient pas ; ils disaient : “Le Dieu que tu pries est le Dieu vivant !” Ce frère était bien content d’avoir assisté à l’assemblée.

      Le dernier maximum atteint dans le nombre des proclamateurs au Lesotho est de 688 ; l’œuvre continue de progresser sous la bénédiction de Jéhovah. La proportion étant de un proclamateur pour 1 477 habitants, il est évident qu’un grand travail reste à faire. Nous prions Jéhovah de hâter les choses à sa manière et en son temps.

      L’INTERDICTION EST LEVÉE AU BECHUANALAND

      Au Bechuanaland, la nouvelle selon laquelle l’interdiction frappant notre œuvre avait été levée en 1960 a mis du temps à se répandre dans toutes les parties de ce vaste pays. Certains chefs ont continué de créer des difficultés aux frères. L’un des surveillants de district européens d’Afrique du Sud, Dennis McDonald, a eu une entrevue avec le frère du grand chef Seretsi Khama, afin d’expliquer le but de notre œuvre. À la fin de cet entretien, l’homme a remis à frère McDonald quatre copies d’une lettre précisant que notre œuvre ne doit pas être entravée. Ces documents écrits ont beaucoup contribué au changement d’attitude des chefs et facilité la tâche des frères.

      Au début des années 1960, la majorité des congrégations et des noyaux d’isolés se trouvaient le long de la ligne de chemin de fer. À l’exception de Shakawe et de Maun, situées au nord-ouest, très peu de villes de l’intérieur avaient été visitées. Un pionnier spécial, frère B. Mchiswe, déploya son activité à Maun. Il resta fidèlement attaché à son territoire bien que pendant une année il n’eût rien d’autre à manger que de la bouillie d’avoine sans sucre ni miel. Ce frère fit un bon usage de La Tour de Garde en tswana et ouvrit une route de diffusion. Un prédicateur de la Mission de Londres, qui appréciait nos périodiques, fit cette exhortation en chaire : “Si l’homme de la Tour de Garde vous présente ce périodique (il le montrait), prenez-​le et lisez-​le !” À la suite de cela, certaines personnes sont allées chez le pionnier pour se procurer La Tour de Garde et le frère a commencé d’étudier avec elles.

      Dans le noyau d’isolés de Shakawe, au nord-ouest de Maun et dans le désert de Kalahari, aucune personne bien disposée n’avait pris le baptême faute de pouvoir assister à une assemblée ; de plus, la reine de la localité et les femmes, chefs de tribus, interdisaient au surveillant de circonscription de visiter les membres du groupe. Tous se sont donc cotisés pour que l’un d’eux assiste à l’assemblée de Mahalapye, à plus de 110 kilomètres de Shakawe, où il a été baptisé.

      LE SERVICE DE LA CIRCONSCRIPTION

      Avez-​vous une idée de ce que représente pour un surveillant de circonscription la visite des noyaux d’isolés ? Cela signifie parcourir d’une seule traite, dans la chaleur du jour et le froid de la nuit, des distances d’au moins 950 kilomètres, et cela à l’arrière d’un camion à quatre roues motrices capable de se frayer un chemin dans le sable. Adam Mahlangu, qui fut surveillant de circonscription dans cette région en 1964, a parfois dû passer dix jours dans un mois à l’arrière d’un tel véhicule, pour visiter des frères isolés.

      Le mode de vie est dur et primitif dans ces régions ; frère Mahlangu en parle en ces termes : “Quand je prononce un discours à Shakawe, on me prend généralement pour une sorte de chef parce que je porte des vêtements.” Les gens sont pratiquement nus. Frère Mahlangu avait beaucoup de mal à organiser convenablement une réunion publique ; rassembler un auditoire pour le discours et le faire tenir tranquille n’était pas une mince affaire ! Les assistants n’étaient pas habitués à s’asseoir pour écouter un orateur. Aussi profitaient-​ils d’être rassemblés pour discuter avec leurs voisins de certains points soulevés dans le discours. Grâce aux visites du surveillant de circonscription, deux personnes bien disposées ont pris le baptême et au total six participent au service.

      Au cours des années 1965-​1966, il y a eu une grande sécheresse dans le pays. L’eau était si rare qu’il fut impossible de faire les baptêmes lors d’une assemblée. En une autre occasion, les frères de Francistown ont dû surmonter le même problème. Selon ce que rapporte Piet Wentzel, surveillant de district à l’époque, le premier point d’eau étant à sec, il a emmené en voiture les deux candidats au baptême à 30 kilomètres de là, mais la rivière s’était également asséchée. Quelque huit kilomètres plus loin, ils ont trouvé un amas d’eau boueuse dans lequel les troupeaux pataugeaient ; mais cela n’a pas découragé les deux jeunes hommes. Il y avait de l’eau, ils pouvaient donc être baptisés et symboliser ainsi leur désir de faire la volonté de Jéhovah.

      L’ŒUVRE DE TÉMOIGNAGE PROGRESSE AU BOTSWANA

      Après avoir acquis son indépendance, le Bechuanaland a pris le nom de Botswana. Ce changement sur le plan politique n’a pas eu beaucoup d’incidence sur les conditions de vie de la population ; en revanche, il a eu un effet sur l’œuvre de prédication. Le nouveau gouvernement s’est montré très strict à l’égard des Africains qui n’étaient pas citoyens du Botswana, et un certain nombre de pionniers d’Afrique du Sud ont été expulsés.

      Comment se fait la prédication au Botswana ? Tout d’abord, la coutume veut que le visiteur et son hôte s’adressent quelques paroles de politesse et s’enquièrent de leur santé. On apporte ensuite des bancs et les membres de la famille ainsi que les amis en visite sont invités à prendre place et à suivre la discussion ; l’auditoire s’élève parfois à une vingtaine de personnes. Dans la plupart des foyers il y a un exemplaire de la Bible ; les habitants acceptent volontiers de s’en servir au cours de l’entretien.

      Au Botswana, les parents d’un garçon ont coutume de donner une somme de 4 livres, une couverture et un vêtement pour la fille qu’ils demandent en mariage pour leur fils. Cet accord est conclu lorsque la future épouse est âgée de dix ans, et elle n’est pas consultée. À partir de ce moment-​là et jusqu’au mariage, les parents du garçon prennent à leur charge l’entretien de la fille. Ainsi, à l’âge de quinze ans, une jeune fille est venue à la connaissance de la vérité. Elle a aussitôt dit à ses parents qu’elle ne souhaitait pas former un attelage mal assorti avec un incroyant. Ses parents tentèrent de la forcer à accepter cette union en raison de l’argent déjà versé par les futurs beaux-parents. Après une discussion sur la base des Écritures, elle a finalement réussi à les convaincre que ce mariage était incompatible avec sa foi. Les parents lui ont alors permis de choisir sa voie.

      Comme il est difficile de trouver un local qui convienne pour une assemblée et que les frères doivent consacrer beaucoup de temps à la construction de bâtiments temporaires, la Société les a encouragés à bâtir leur propre Salle du Royaume à Mahalapye. C’est ce qu’ils ont fait. Les frères ont fabriqué et cuit eux-​mêmes les briques nécessaires à la construction ; celle-ci a duré quelques années, mais en 1967 la Salle du Royaume a été utilisée pour une assemblée.

      Vous êtes-​vous jamais demandé si des Boschimans du Botswana ou l’un quelconque des chasseurs à l’arc dont le langage à clappements commence seulement à être représenté par des signes écrits appartiendraient un jour à la société du monde nouveau ? Eh bien, la vérité a touché un indigène alors qu’il vivait en concubinage avec une femme de cette race. Tous deux ont accepté l’étude de la Bible, et ils n’ont pas tardé à comprendre qu’ils devaient se marier légalement. Cet homme allait-​il épouser une femme d’entre les Boschimans ? Certainement, et sa femme et lui se sont fait baptiser à l’occasion d’une assemblée de circonscription. En une année, ils ont appris à lire, à écrire et à donner convenablement le témoignage aux habitants de leur localité, faisant de certains d’entre eux des disciples.

      En 1972, des frères européens expérimentés, venant d’Afrique du Sud, se sont installés au Botswana avec leur famille, afin d’aider les témoins locaux. Bien sûr, ils ont dû faire des sacrifices et certains ont même renoncé au service de pionnier pour entreprendre un travail qui leur permettrait de résider dans le pays. Mais avec quelques frères venus de Grande-Bretagne, ils ont beaucoup contribué à l’édification des témoins du Botswana. Quelques-uns se sont même déplacés dans les régions les plus reculées du pays. Les frères apprécient énormément leur aide et l’œuvre va de l’avant.

      L’ASSOCIATION EST DISSOUTE, PUIS RÉTABLIE

      Soudain, une nouvelle a éclaté comme une bombe. Le 20 juillet 1973 notre organisation a été déclarée illégale, le gouvernement ayant refusé d’enregistrer notre association en vertu d’une loi récente. L’appartenance à une organisation “illégale” entraînait automatiquement une peine pouvant aller jusqu’à sept années de réclusion.

      Mais les frères étaient déterminés à poursuivre leur activité en dépit des circonstances difficiles. Quand les membres du bureau de la filiale avaient pressenti cette interdiction, ils s’étaient réunis avec les différents responsables de l’œuvre en vue de leur donner des conseils et des encouragements. Juste avant que l’interdiction n’entre en vigueur, deux assemblées de circonscription avaient eu lieu grâce à la faveur imméritée de Jéhovah, si bien que les frères avaient reçu les directives et les encouragements nécessaires pour faire face à cette éventualité.

      Une fois l’interdiction prononcée, les frères ont immédiatement fait appel, sur la base de la constitution établie au Botswana. Quelle ne fut pas leur joie lorsque le 20 février 1974 le gouvernement est revenu sur sa décision et a enregistré légalement notre association ! Ainsi, les frères ont retrouvé non seulement les privilèges dont ils jouissaient avant l’interdiction, mais encore ils se voyaient accorder les droits conférés aux organisations reconnues, y compris le droit de faire venir de l’étranger des prédicateurs à plein temps.

      En mars 1975, le Botswana a enregistré un nouveau maximum de 284 proclamateurs, ce qui représentait une proportion de un proclamateur pour 2 220 habitants. Certes, un grand travail reste à faire, mais par la faveur imméritée de Jéhovah nous sommes convaincus qu’il se fera.

      L’ACTIVITÉ CHRÉTIENNE PROGRESSE AU SWAZILAND

      En 1960, l’œuvre du Royaume prospérait au Swaziland où il y avait 380 proclamateurs. Déjà, la proportion proclamateurs-​habitants était la plus élevée de tous les pays placés sous la direction du bureau d’Elandsfontein. L’interdiction frappant les publications de la Société avait été levée, et les frères étaient prêts à aider les personnes bien disposées qui ne manqueraient pas de se manifester.

      Jusqu’aux années 1960, peu d’Européens étaient venus à la vérité. À cette époque-​là quelques proclamateurs européens s’étaient installés à Bremersdorp (aujourd’hui Manzini). Ian Cameron, un Écossais, était de ceux-là ; il avait servi au Béthel d’Elandsfontein jusqu’à son mariage avec une sœur sud-africaine. Comme on lui avait octroyé un permis de séjour permanent dans l’Union Sud-africaine, il avait décidé de s’installer au Swaziland afin d’y répandre le message du Royaume parmi la population européenne. Le petit groupe de proclamateurs de Manzini résolut donc de couvrir tout le territoire du Swaziland, soit 17 350 km2. Cela les obligeait souvent à parcourir plus de 160 kilomètres pour faire une nouvelle visite ou une étude biblique.

      Le message fut accueilli favorablement. La Société nomma donc deux pionniers spéciaux au Swaziland, Vic Dunkin et sa femme, Aileen. Les pistes caillouteuses, les sentiers boueux, la forêt d’Usuthu, les routes sinueuses menant à Goedgegun et les chemins escarpés conduisant à Havelock, eurent raison de leur voiture. Mais frère et sœur Dunkin persévérèrent et ne tardèrent pas à récolter le fruit de leur travail. Une congrégation d’expression anglaise a été formée. La plupart de ses membres ont connu la vérité ou tout au moins fait l’offrande de leur personne à Jéhovah au Swaziland. Quoique d’expression anglaise, la congrégation est en réalité cosmopolite et ses proclamateurs viennent de toutes les parties de l’Empire britannique.

      Les rues de Mbabane se caractérisent par un grouillement cosmopolite ; les Swazis en costume traditionnel côtoient des hippies et des membres de l’APC (American Peace Corps) à l’accoutrement plutôt bizarre. Dans un magasin, par exemple, il n’est pas rare de voir un commerçant portugais servir un Africain vêtu avec élégance. Lorsque les proclamateurs du Royaume vont de maison en maison, ils se munissent donc de publications en de nombreuses langues.

      Un jour, un surveillant de circonscription et sa femme ont visité une cité habitée par des employés de chemin de fer portugais. Le frère et sa femme ne parlaient pas leur langue, mais dès la première maison ils se sont néanmoins efforcés de communiquer le message du Royaume aux occupants, en leur offrant des périodiques en langue portugaise. À la seconde maison, une jeune fille a servi d’interprète, expliquant à sa mère la raison de la présence des visiteurs. Après avoir écouté attentivement, la mère a accepté un livre. Au moment où le surveillant et sa femme allaient prendre congé, la jeune fille leur dit : “Je vais vous accompagner ; je vous servirai d’interprète.” Elle a donc traduit le message pour les habitants des cinq maisons suivantes. À la fin de chaque présentation elle se tournait vers les proclamateurs et disait : “Ils veulent un livre.” Grâce à l’aide de cette jeune fille, le couple a laissé six livres dans la cité.

      LA QUESTION DE LA NEUTRALITÉ EST SOULEVÉE

      Le Swaziland se laissa également emporter par la vague de décolonisation qui déferlait sur le monde. Devenus plus nationalistes, les habitants travaillaient en vue d’acquérir leur indépendance. Vint le moment de voter. Dans l’un des bureaux de vote, le chef déclara : “Il y a parmi nous des Schadrachs, des Méschachs et des Abednégos, qui refusent de voter. S’ils maintiennent leur refus, qu’ils se présentent un à un !” Les proclamateurs isolés de la localité ont pris courageusement position pour Jéhovah, ce qui a incité les personnes bien disposées à faire de même. Toutefois, comme le vote n’est pas obligatoire, aucune mesure n’a pu être prise contre ces chrétiens neutres.

      Juste avant les cérémonies de l’indépendance en septembre 1967, le peuple de Jéhovah a fait une démonstration de l’unité qui règne entre les différents groupes ethniques. La congrégation européenne du Swaziland, qui est d’expression anglaise, fait partie de la circonscription est du Transvaal. Il a donc été décidé que tous les frères de la circonscription, Blancs et Noirs, participeraient à l’assemblée du Swaziland. La salle était trop petite, mais cela a donné aux frères l’occasion de se témoigner l’amour chrétien. À un certain moment, les Européens étaient beaucoup plus nombreux dans la salle que les Africains. On les a donc priés de faire de la place aux frères africains. Quel a été le résultat ? Le surveillant de circonscription africain a ensuite déploré que les frères européens se tenaient dehors. La conférence publique en anglais et en zoulou avait réuni un auditoire de 652 personnes.

      Une fois le pays devenu indépendant, de nombreux témoins de Jéhovah ont dû démontrer leur neutralité. Ce fut par exemple le cas d’un pionnier qui avait été prié par l’un des chefs de district d’assister à une réunion politique. N’y étant pas allé, le chef l’a convoqué pour lui demander de justifier son absence. Le frère lui a donc expliqué sa position chrétienne de neutralité. Le chef l’a alors menacé d’expulsion, puis il a soumis son cas au roi Sobhuza II, à qui il devait rendre visite. Le roi lui donna l’ordre de ne pas inquiéter les témoins, car ils n’appartiennent à aucun parti politique ; ils sont neutres et vivent en paix.

      L’esprit nationaliste a ressuscité de nombreuses coutumes tribales, comme la loi umcwasho selon laquelle les filles devaient porter l’umcwasho pendant une période de deux ans, qui a pris fin en août 1971. L’umcwasho est une sorte de collier qui revêt une signification symbolique. Le collier d’une jeune fille fiancée était rouge et noir, tandis que celui des autres était bleu et jaune. Pendant cette période, toutes les jeunes filles, à l’exception de celles qui étaient déjà fiancées, devaient s’abstenir de rapports sexuels. Quant à celles qui succombaient dans les bras de leur fiancé, elles devaient payer au chef local une amende de 1 rand. Cette loi avait pour but d’honorer la princesse Sidanda. C’était une forme de culte de la créature et une incitation à la fornication contre paiement ; les jeunes filles témoins de Jéhovah refusèrent donc de porter l’umcwasho. Ce n’était en fait qu’une loi tribale qui ne pouvait être imposée en invoquant la loi du pays ; néanmoins, certaines de nos jeunes sœurs ont eu de grandes difficultés parce qu’elles avaient décidé de rester fidèles à la Parole de Dieu. Par exemple, une jeune sœur dont les parents n’étaient pas dans la vérité a fait dix jours de prison pour n’avoir pas porté l’umcwasho. Mais finalement la directrice de son école a obtenu sa libération.

      Les enfants des témoins de Jéhovah ont reçu une bonne éducation de la part de leurs parents, qui les ont aidés à comprendre l’importance du culte pur et immaculé du point de vue de Jéhovah (Jacq. 1:27). Beaucoup de jeunes ont participé aux hymnes et aux prières jusqu’au jour où ils ont compris que ces choses faisaient partie du faux culte. À ce moment-​là, un nombre sans cesse croissant d’entre eux s’est abstenu de prendre part aux activités religieuses. Certains ont alors subi des sévices corporels et beaucoup ont été expulsés des écoles. La plupart des frères se sont donc mis à enseigner eux-​mêmes leurs enfants et quelques-uns les ont envoyés dans d’autres écoles.

      DES BÉNÉDICTIONS AU SEIN DES DIFFICULTÉS

      Le livre Vérité en zoulou a vraiment été une bénédiction pour les frères du Swaziland. Beaucoup disent qu’il les a aidés à mieux comprendre la vérité. Il ne fait aucun doute que ce manuel aide les gens sincères à connaître la vérité de la Bible et le chemin qui conduit à la vie éternelle.

      En 1972, les frères ont tenu leur dernière assemblée de district. Cette année-​là, la constitution a été abolie et une autorisation de la police est devenue nécessaire pour tenir de grands rassemblements. Jusqu’à présent, les autorités ont toujours opposé un refus catégorique aux frères, bien que depuis octobre 1974 les témoins de Jéhovah soient reconnus officiellement au Swaziland comme une organisation religieuse. Le problème se pose également pour les assemblées de circonscription. Les frères sont donc obligés de diviser les circonscriptions et d’organiser de petites assemblées dans les salles de réunion utilisées par les congrégations.

      L’activité avec les dépliants a suscité l’enthousiasme des proclamateurs, dont le nombre a atteint un nouveau maximum de 750 en février 1974, lors de la distribution du premier dépliant. Nos frères et sœurs sont très zélés ; la moyenne d’heures par proclamateur a été de 14 durant l’année de service 1974. En fait, on a donné le témoignage à fond pratiquement partout au Swaziland.

      Comme dans d’autres pays, la proclamation du Royaume a irrité le clergé de la chrétienté au point qu’il s’est efforcé de faire interdire notre œuvre. Le 2 avril 1975 des membres du clergé ont porté des accusations contre les témoins de Jéhovah devant le roi Sobhuza II, affirmant qu’ils ne pleurent pas leurs morts et se montrent irrespectueux à leur égard. Le jour où cette accusation a été portée, quelques frères seulement étaient présents ; aussi le roi a-​t-​il ordonné une autre réunion pour le 3 mai 1975, afin que cette affaire soit examinée en présence d’un plus grand nombre de personnes. La réunion a effectivement eu lieu à Lozitha, en plein air. Le roi s’était fait représenter par le ministre de l’Agriculture, qui a tenu le rôle de président. Quiconque désirait avoir la parole devait lever la main ; si le président le désignait, il montait sur l’estrade pour parler au micro.

      Au début, un frère a essayé de présenter la vérité sur les sentiments éprouvés par les témoins à la mort de l’un des leurs, mais il a sans cesse été interrompu. Néanmoins, au cours de la journée, quelques frères ont pu s’adresser à l’auditoire. Les témoins, hommes et femmes, étaient de loin plus nombreux que les autres assistants. Ils ont été faussement accusés de frapper leurs morts et de jeter leurs cercueils dans la tombe en disant qu’ils ont été vaincus par le Diable. Il n’était pas facile d’obtenir le droit de réfuter de telles accusations, car le président se montrait partial dans le choix des participants. Cette réunion a commencé à 10 heures du matin et s’est achevée à 18 heures. Nos adversaires ont fini par se rendre compte qu’ils ne pourraient pas faire condamner les témoins sur la base de telles accusations ; ils ont donc soulevé d’autres questions, telles que le refus de saluer le drapeau, de chanter l’hymne national et d’accomplir le service militaire. Toutefois, comme le soleil était près de disparaître sous l’horizon, le président a déclaré que ces questions feraient l’objet d’une autre réunion.

      Certains membres du Parlement et du clergé sont déterminés à entraver l’œuvre des témoins de Jéhovah au Swaziland, mais les frères s’en remettent à Jéhovah qui veillera à ce que sa volonté soit accomplie.

      AMÉLIORATIONS DANS LE DOMAINE DE L’ORGANISATION EN AFRIQUE DU SUD

      C’est au cours du second semestre de 1961 que l’École du ministère du Royaume a commencé de fonctionner pour les surveillants de congrégation. Les quatre instructeurs ont voyagé de ville en ville, donnant les cours dans les Salles du Royaume. Ces déplacements ont été rendus nécessaires non seulement à cause des grandes distances à parcourir, mais aussi en raison des règlements gouvernementaux qui interdisent aux Africains d’une région de se rendre dans une autre région. Tous les frères qui ont suivi ces cours ont exprimé leur reconnaissance pour cette disposition pleine d’amour prise par Jéhovah au moyen de son organisation.

      En mai 1961, l’Union Sud-africaine est devenue une république. Plus que jamais l’esprit nationaliste s’est fait sentir. Au début, les pratiquants du culte pur n’en ont pas subi les effets, mais, par la suite, ceux qui avaient voué un attachement exclusif au Royaume de Jéhovah ont sévèrement été éprouvés.

      À l’occasion de l’Assemblée nationale des adorateurs unis (octobre/novembre 1961) qui a réuni les trois groupes raciaux, les témoins de Jéhovah ont montré leur unité d’esprit et leur neutralité chrétienne. L’assemblée européenne commençait le jour des élections générales. Pour la circonstance, un tract sur l’assemblée, intitulé Quel gouvernement apportera l’unité ?, avait été imprimé au Béthel d’Elandsfontein et distribué à des dizaines de milliers d’exemplaires. Quel en a été le résultat ? Une assistance record au discours public ! Les trois assemblées ont réuni 22 551 personnes. Quel contraste entre les témoins des trois groupes raciaux rassemblés dans l’union et la paix, et les membres des différents partis politiques qui manifestaient bruyamment au dehors !

      Par la suite, des améliorations ont été apportées dans l’organisation du travail au Béthel d’Elandsfontein. Par exemple, on a fait appel à des frères africains pour qu’ils servent en qualité de traducteurs et de sténographes. Les sténographes africains traduisaient les lettres en zoulou, en xhosa et en sesotho, tout en les tapant à la machine. Les frères des congrégations recevaient ainsi des conseils précis pour résoudre leurs problèmes. D’autres frères africains ont ensuite été appelés au Béthel pour traduire des publications dans les différents dialectes du pays. Désormais, les rôles étaient inversés. Des sœurs européennes faisaient le ménage et des frères européens travaillaient à la buanderie et à d’autres tâches de ce genre (en Afrique du Sud ces travaux sont généralement réservés aux indigènes), tandis que les frères africains étaient assis derrière un bureau.

      ACTIVITÉ DES MISSIONNAIRES DANS LE SUD-OUEST AFRICAIN

      Mais pendant ce temps, que se passait-​il dans le Sud-Ouest africain ? En 1950, trois missionnaires sont arrivés dans le pays. Ils ont commencé à déployer leur activité à Windhoek, puis ils ont répandu le message dans d’autres régions. En 1951, deux d’entre eux sont allés dans le nord, où ils ont eu la joie de trouver deux “brebis perdues” à Tsumeb, dans la zone des mines de cuivre. Ces deux “brebis”, qui avaient autrefois eu des contacts avec l’organisation de Jéhovah, n’ont pas tardé à participer activement à la prédication. À Grootfontein, soixante-cinq kilomètres plus au sud, les missionnaires ont rencontré frère et sœur Bogusch, qui avaient connu la vérité en Allemagne. Ils ont repris contact avec l’organisation et sont redevenus actifs dans le service du champ. À Otjiwarongo, deux autres proclamateurs ont été trouvés ; ils venaient de l’Union Sud-africaine. Un père et son fils, abonnés depuis des années à La Tour de Garde, ont également renoué avec l’organisation grâce aux missionnaires. Ils n’ont pas tardé à progresser au point de se faire baptiser.

      Quelle joie ce fut pour les missionnaires lorsqu’à la fin de 1952 le nombre des proclamateurs s’élevait à 29 ! Certes, beaucoup ont déménagé, mais ces deux années de prédication ont porté du fruit, comme l’un des missionnaires le dit en ces termes : “Les graines de vérité ont été semées ici en grande quantité. Quand nous nous rendons en République [sud-africaine] à l’occasion d’assemblées nationales, nous rencontrons des témoins qui ont commencé à étudier à Windhoek.”

      En 1953, les trois missionnaires actifs dans le Sud-Ouest africain ont eu la joie d’en accueillir cinq autres. Ceux-ci se sont installés à Windhoek, donnant aux trois anciens la possibilité d’aller dans le nord et dans le sud. En quelques semaines, les nouveaux missionnaires conduisaient déjà chacun entre huit et dix études, et depuis lors, l’œuvre n’a cessé de progresser.

      Mais le problème suivant demeure : Comment communiquer efficacement la bonne nouvelle à la population africaine ? Georges Koett, l’un des premiers missionnaires, avait obtenu des résultats positifs dans la Réserve africaine, située dans la périphérie de Windhoek. Toutefois, cédant aux pressions exercées par le clergé, les autorités avaient fini par lui en interdire l’accès. Les démarches accomplies pour que des frères pionniers d’Afrique du Sud soient admis dans la Réserve n’ont pas abouti. En 1959, le surveillant de district a demandé à l’administrateur des affaires indigènes l’autorisation de visiter la Réserve africaine, mais celui-ci lui a opposé un refus catégorique. C’est alors que dans la même semaine l’administrateur est parti en vacances ; le surveillant en a donc profité pour renouveler sa requête auprès du secrétaire municipal, qui y a répondu favorablement. Le film “Le bonheur de la société du Monde Nouveau” a été projeté dans la Réserve africaine et a réuni une assistance de 216 personnes.

      Depuis 1953, Dick Waldron avait à maintes reprises essayé d’obtenir l’autorisation de pénétrer dans la Réserve africaine, mais en vain. Et voilà qu’un beau jour, Dick et Coralie, sa femme, ont appris qu’ils allaient avoir un enfant. Allaient-​ils quitter leur territoire ? Non, ils décidèrent de rester à Windhoek. Plus tard, ils reçurent des nouvelles alarmantes au sujet de la mère de Coralie, qui était en Australie. Ils résolurent donc de quitter le Sud-Ouest africain et de rentrer en Australie. La semaine même de leur départ, on leur a accordé l’autorisation de déployer leur activité parmi les Africains et les gens de couleur. Que faire ? Rendre le permis qu’ils attendaient depuis sept ans ? Frère Waldron annula son billet, et sa femme et sa fille rentrèrent seules en Australie, où elles restèrent quatre mois ; puis elles regagnèrent l’Afrique. Entre-temps, Dick Waldron s’était dépensé sans compter pour répandre le message parmi les Africains et les gens de couleur, obtenant des résultats encourageants. Lors de la première assemblée de circonscription, 100 personnes étaient présentes au discours public.

      LA POPULATION AFRICAINE REÇOIT LE MESSAGE

      Pour toucher tous les Africains, il était essentiel d’avoir des publications traduites et imprimées dans leurs langues. Jusqu’alors, il n’y avait aucun témoin qualifié pour assumer cette tâche. Les premiers missionnaires avaient demandé à des traducteurs qui n’étaient pas témoins de Jéhovah de traduire des brochures en nama, en kwanyama et en herero. Ces écrits n’avaient eu aucun succès, la traduction étant pauvre et inexacte. Les frères allaient encore une fois avoir recours aux traducteurs du dehors, mais ils comptaient bien les surveiller de près.

      Selon Dick Waldron, la traduction fidèle a demandé beaucoup d’efforts : “Nous avons eu recours à des instituteurs qui étudiaient la Bible et connaissaient quelque peu la vérité. Je travaillais avec eux, m’assurant qu’ils comprenaient bien le texte et rendaient exactement chaque phrase. Le vocabulaire de la langue nama est limité. En voici un exemple ; je voulais que le traducteur rende fidèlement cette phrase : ‘Au commencement Adam était parfait.’ Le traducteur se gratta la tête, disant : ‘Le mot “parfait” n’existe pas dans la langue nama.’ Puis : ‘J’ai trouvé ; au commencement Adam était comme une pêche mûre.’” Nous sommes néanmoins venus à bout des problèmes et le tract La vie dans le nouvel ordre créé par Dieu a finalement été traduit en herero, en nama, en ndonga et en kwanyama.

      En 1956, frère Erwin Schneid, sa femme Gertrude et leur fille Karin quittaient l’Allemagne pour s’installer à Swakopmund, une ville du littoral. Ce déménagement inquiétait leurs parents et eux-​mêmes se demandaient ce qu’allait être leur vie en Afrique. Quel genre de personnes allaient-​ils rencontrer ? Quelle langue étrange leur faudrait-​il apprendre ? Au-devant de quels dangers allaient-​ils dans ce “sombre” continent ? Ils débarquèrent à Walvis Bay où ils rencontrèrent des Blancs parlant l’allemand. En fait, la ville de Swakopmund où ils devaient s’installer ressemblait fort à une petite ville allemande pour ce qui est du style des habitations, de la mode vestimentaire et de la langue dominante. Par la suite, d’autres membres de leur famille les ont rejoints, et tous ont aidé des personnes bien disposées à accepter la vérité, si bien qu’une congrégation a pu être établie.

      Les frères de couleur de la province du Cap sont ensuite venus s’installer dans le Sud-Ouest africain, afin de travailler dans l’industrie du poisson. Ils ont beaucoup contribué à répandre la bonne nouvelle parmi les Africains, particulièrement à Walvis Bay. Bon nombre de ces Africains viennent travailler sous contrat pendant un an ou deux, puis il rentrent chez eux. Avant de partir, ils se procurent des publications de la Société qu’ils emportent chez eux ; la plupart habitent l’Ovamboland, dans le nord. Philémon Kalongela, un Ovambo, a accepté la vérité à Walvis Bay, puis il est rentré en Ovamboland pour y prêcher. Il y a servi pendant quelque temps comme pionnier spécial.

      LE PREMIER TÉMOIN HOTTENTOT

      Ella Crighton fut la première femme de couleur du Sud-Ouest africain à accepter la vérité. Comme elle parlait couramment la langue nama (hottentot), elle a donc aidé les premiers Hottentots à venir à la vérité.

      Peu de gens peuvent se vanter d’avoir eu une vie aussi mouvementée que celle qu’a connue notre cher vieux frère hottentot “oupa” (grand-père) Jod. Tout jeune, il a été capturé par les Allemands au cours des guerres hottentotes ; il a donc passé la plus grande partie de sa vie à Windhoek. Signalons en passant que ces conflits ont pris fin en 1890. Quoique peu instruit, “oupa” sait non seulement lire, écrire et parler nama, sa langue natale, mais aussi l’allemand et l’afrikaans. Quand Ella Crighton a commencé à étudier la Bible avec lui, “oupa” Jod avait largement dépassé les 70 ans. C’était une colonne et un soutien au sein de son Église ; lorsqu’il se retira de Babylone la Grande, il se produisit une certaine agitation parmi les fidèles. Des ministres venus de différentes régions se réunirent chez lui pour tenter de le convaincre de revenir à son ancienne religion, mais il demeura ferme. Aidé par Ella Crighton, il repoussa toutes leurs propositions. Des membres de sa famille ont pleuré, supplié, mais en vain ; “oupa” Jod avait trouvé la vérité.

      RÉCENTS DÉVELOPPEMENTS

      Jéhovah hâte les choses dans ce pays pittoresque par la variété des races et des groupements nationaux qui le composent. À la fin de 1973, Dieu a veillé à ce que le message atteigne les Basters dans la région de Rehoboth. Jusque-​là, aucun témoin de Jéhovah n’avait eu la permission de pénétrer dans cette région afin d’y prêcher le message du Royaume. Dans le nord, où il y a une “réserve” qui compte environ un demi-million d’Africains, l’œuvre commence à s’implanter. Quatre groupes de proclamateurs sont maintenant actifs dans l’Ovamboland, et un pionnier spécial, qui habite de l’autre côté de la frontière, les visite régulièrement en qualité de surveillant de circonscription temporaire. Tout en saisissant chaque occasion de communiquer la bonne nouvelle aux habitants de cette “réserve”, les témoins de Jéhovah souhaitent sincèrement que la possibilité leur soit donnée d’envoyer des prédicateurs à plein temps dans cette vaste région.

      L’œuvre a remarquablement progressé depuis 1944, où seulement une voix faisait entendre le message de la vérité dans le Sud-Ouest africain. En mars 1975, il y avait 322 proclamateurs du Royaume. Si la volonté de Jéhovah est que la porte donnant accès à l’activité soit grande ouverte dans les territoires du nord, nous pouvons nous attendre à une grande moisson dans ce champ.

      LES FIDÈLES REÇOIVENT DES PRIVILÈGES

      En Afrique du Sud comme ailleurs, il y a des proclamateurs âgés, tels “oupa” Jod, qui donnent un excellent exemple. Certains sont même pionniers. Ils ont reçu de nombreux privilèges de service. Annie Moseleba, une sœur africaine âgée et fidèle, était, au moment de sa mort survenue en 1966, la doyenne des pionniers spéciaux. Elle est décédée à l’âge de 91 ans, après avoir passé dix-huit années dans le service à plein temps. En raison de son grand âge, les gens de sa localité la respectaient et elle réussissait là où d’autres proclamateurs avaient échoué. Au cours de sa carrière de pionnier, elle a aidé un grand nombre de personnes à venir à la vérité. Rien qu’en une année, elle a amené huit personnes à prendre fermement position pour Jéhovah et conduit treize études bibliques à domicile.

      Frère Georges Phillips est un autre exemple pour les frères d’Afrique du Sud. À partir de 1927, il a servi en qualité de surveillant de filiale et les frères ont appris à l’aimer et à le respecter pour son attachement à Jéhovah et son bon exemple. Il a vraiment combattu pour la vérité et s’est toujours montré fidèle dans l’œuvre de Jéhovah. Il a dirigé l’œuvre à ses débuts et, durant les années critiques de 1940, il a vu croître l’organisation en Afrique du Sud, où le nombre des proclamateurs est passé d’une poignée à 20 000 en 1966. Bien qu’il dût quitter le Béthel à la fin de juillet 1966, le cœur de frère Phillips est resté attaché au service à plein temps ; d’ailleurs, quelque temps plus tard, il servait de nouveau comme pionnier dans le Strand, près du Cap.

      Un frère très capable était prêt à assumer la charge de surveillant de filiale laissée vacante par frère Phillips, à savoir Harry Arnott, ancien surveillant de la filiale de Zambie. L’année précédente, sa femme et lui avaient été expulsés de Zambie. Les frères d’Afrique du Sud le connaissaient bien, car il les avait visités pendant des années en qualité de surveillant de zone. Frère Arnott avait toute la confiance des frères, et, pendant deux années, il a assumé sa tâche dans la filiale ; la naissance d’un enfant l’a ensuite obligé à renoncer à ce privilège de service.

      Depuis juin 1968, frère Frans Muller sert en qualité de surveillant de filiale. En 1960 il était devenu l’adjoint du surveillant de filiale et s’occupait en même temps des affaires des congrégations. Avant d’être appelé avec sa femme au Béthel en 1959, frère Muller avait visité tout le pays en tant que surveillant de circonscription et de district.

      Ces changements successifs de surveillant de filiale n’ont absolument pas affecté l’œuvre. Tout a continué comme par le passé. Cela a tout simplement prouvé aux frères que l’œuvre divine ne repose pas sur un individu et que Jéhovah peut utiliser quiconque désire se laisser employer par lui.

      LE LIVRE “VÉRITÉ” AIDE LES “BREBIS”

      À l’occasion des assemblées de district de 1968, le livre La vérité qui conduit à la vie éternelle a été publié et le programme d’étude de ce manuel en six mois a été inauguré.

      Le placement des publications a alors monté en flèche en République sud-africaine. Le nombre des nouvelles visites et des études bibliques a également augmenté. Quand le livre Vérité a été disponible, le service de l’expédition de la filiale a battu tous les records d’envoi. Durant les années 1960-​1967, 90 000 livres en moyenne avaient été expédiés chaque année. Mais en 1968, ce chiffre est passé à 125 000. En 1969 le livre Vérité est paru en afrikaans, et, à la fin de la même année, il sortait des presses en zoulou, en xhosa et en sepedi. Au cours de l’année de service 1970, 447 000 livres ont été expédiés !

      Le livre Vérité étant désormais disponible dans de nombreuses langues indigènes, les frères ont fait un effort spécial pour toucher le plus grand nombre possible de fermiers disséminés dans tout le pays. La plupart des fermes sont à des kilomètres les unes des autres, et on ne peut les atteindre qu’en voiture. Le bureau de la filiale a établi des territoires sur lesquels figurent ces fermes, et les congrégations ont été invitées à se faire attribuer l’un de ces territoires. Les frères ont répondu à l’appel, certaines congrégations se sont déplacées à près de 300 kilomètres. Les frères ont ainsi parcouru des milliers de kilomètres pour faire connaître la bonne nouvelle du Royaume à ces cultivateurs. Un groupe de proclamateurs a couvert 520 kilomètres carrés en voiture pour visiter 100 fermes dans lesquelles ils ont laissé 90 livres Vérité. Les frères ont ainsi pu aider de nombreuses personnes assoiffées de vérité, soit par correspondance, soit en les visitant assez régulièrement.

      LE CHAMP PORTUGAIS EN AFRIQUE DU SUD

      Dans le rapport sur l’Angola, nous avons dit que Henrique Vieira s’était arrêté à Luanda avant de se rendre en Afrique du Sud. Il s’est installé à Johannesburg, où il a servi dans l’une des congrégations de la ville. Frère Vieira n’était pas le seul immigrant d’origine portugaise. La prospérité de l’Afrique du Sud et les offres d’emplois avaient attiré des milliers de Portugais, de Grecs et d’autres Européens. On estime à 80 000 personnes la population portugaise dans le Reef.

      En 1965, frère Vieira et sa femme ont commencé à trouver des personnes bien disposées parmi les immigrants portugais. Très peu connaissaient l’anglais, aussi était-​il nécessaire que des témoins d’expression portugaise viennent leur faire connaître le message du Royaume dans leur propre langue. En janvier 1966, un noyau de onze proclamateurs portugais était constitué à Johannesburg. La tâche des proclamateurs se trouvait compliquée du fait que les Portugais n’habitent pas le même quartier ; ainsi, dans une matinée de service, il leur arrive souvent de ne rencontrer qu’une ou deux familles à qui ils donnent le témoignage. Parfois même, ils n’en rencontrent pas une seule. Malgré cela, le petit groupe a connu un accroissement rapide, car à la fin de 1967 une congrégation a été formée ; elle comptait 50 proclamateurs.

      Mais la moisson s’est poursuivie dans le champ portugais, non seulement à Johannesburg, mais dans d’autres villes d’Afrique du Sud, où il y a aussi des immigrants portugais. Avant peu, il y a eu des groupes de frères portugais à Durban, à Port Elizabeth, au Cap et à Bloemfontein.

      De temps à autre, ces frères vont rendre visite à leurs parents et amis qui habitent dans les villes et villages catholiques du Portugal, leur intention étant de leur faire connaître la vérité. Une agréable surprise les attend parfois. Ce fut le cas pour un frère et sa femme qui étaient revenus dans leur pays pour les vacances. Ils se demandaient comment entamer la conversation sur la Parole de Dieu. À leur grande joie, un de leurs parents s’est mis à leur donner le témoignage. Vous imaginez sans peine l’allégresse qui a marqué cette réunion de famille.

      LE CHAMP GREC EN AFRIQUE DU SUD

      Au début de 1969, une petite congrégation grecque a été formée à Johannesburg, dans le but de veiller aux intérêts spirituels des quelques 30 000 ressortissants grecs habitant le Reef. À cette époque, il n’y avait que vingt-quatre proclamateurs actifs. Seize mois plus tard, leur nombre s’élevait à soixante-deux, y compris cinq pionniers ordinaires et trois ou quatre pionniers temporaires chaque mois. La moisson avait donc commencé dans ce champ.

      La population grecque est disséminée dans le Witwatersrand, qui s’étend sur une centaine de kilomètres. Au moyen de l’annuaire du téléphone et avec l’aide des congrégations d’expressions anglaise et afrikaans, la congrégation grecque s’est constituée un répertoire d’adresses des ressortissants grecs qui lui sert de “territoire”. Peu de temps après l’établissement de la congrégation grecque à Johannesburg, des petits groupes se sont formés çà et là et même jusqu’à Durban. Ces gens qui ont subi le joug pesant de l’Église orthodoxe grecque reconnaissent rapidement le son de la vérité et ne tardent pas à prendre une décision. Ils se mettent à assister aux réunions et à donner le témoignage à leurs parents et amis pratiquement dès qu’ils commencent à étudier la Bible.

      ASSEMBLÉES DE CARACTÈRE INTERNATIONAL

      Avec l’arrivée de tous ces étrangers, les assemblées sud-africaines prenaient un caractère international. Aux assemblées de district et aux assemblées nationales, il y avait des emplacements spéciaux pour ces frères, qui pouvaient suivre un programme dans leur propre langue.

      Les assemblées internationales “Paix sur la terre”, qui se tinrent en 1969, surpassèrent tout ce qui s’était inscrit jusqu’alors dans l’histoire théocratique en Afrique du Sud. Il y eut d’abord l’attente. Puis vint le jour où plus de 500 frères d’Afrique du Sud assistèrent à l’assemblée de Londres. D’autres se rendirent à des assemblées qui se déroulaient en d’autres endroits de l’Europe, y compris l’assemblée gigantesque de Nuremberg.

      Pour certains, c’était là leur première assemblée internationale. Mais pour la plupart des délégués, c’est l’assemblée “Paix sur la terre” de Londres qui fit sur eux la plus forte impression. Parmi ceux-ci figuraient les premiers frères africains d’ici qui eussent jamais assisté à une assemblée internationale. Dix d’entre eux étaient des ouvriers à plein temps qui avaient été envoyés par la Société, leurs frais de voyage étant couverts grâce à une caisse prévue à cet effet. Inutile de vous dépeindre leur allégresse. Pour beaucoup, c’était la première fois qu’ils voyaient un avion de près, sans parler du voyage par les airs. Mais ce n’est pas cela qui les impressionna le plus. Bien entendu, la nourriture spirituelle dispensée à l’occasion de l’assemblée fut substantielle et utile. Mais ces frères africains furent profondément émus par l’amour et l’hospitalité que leur témoignèrent leurs frères blancs à bord de l’avion. Ils furent encore frappés par le fait qu’ils pouvaient séjourner dans les foyers des frères blancs d’Angleterre, ce qui ne leur est pas possible en Afrique du Sud à cause de la loi. Quand on lui demanda ce qui l’avait le plus impressionné, en dehors du programme de l’assemblée, Nicolson Makhetha de Lesotho déclara : “C’est d’être avec les frères européens, dans leurs foyers, et de voir comment ils mettent en pratique dans leur vie de famille les conseils que leur donne l’organisation.”

      Cela montra aux frères africains que les témoins de Jéhovah sont les mêmes dans le monde entier. Quand ils furent de retour, ils eurent bien des choses à raconter. Comme ils étaient reconnaissants pour toute la générosité que leur avaient témoignée leurs compagnons chrétiens !

      Les délégués des assemblées internationales “Paix sur la terre” y prirent tant de plaisir qu’ils étaient impatients d’entendre de nouveau le même programme à l’occasion des assemblées nationales “Paix sur la terre” qui devaient avoir lieu en Afrique du Sud, du 31 décembre 1969 au 4 janvier 1970. Quelles immenses assistances ! Au total, pour les trois discours publics, on dénombra 45 821 auditeurs. Il y eut 1 294 baptisés.

      D’EXCELLENTS PROGRÈS À STE-HÉLÈNE

      À l’assemblée internationale de Londres, en juillet 1969, certains frères sud-africains rencontrèrent Georges Scipio et sa fille, tous deux de Ste-Hélène. Frère Scipio leur raconta que donner le témoignage aux mêmes gens, année après année dans une île aussi minuscule que Ste-Hélène, est une épreuve pour la foi. Cependant, de merveilleux progrès ont été réalisés au cours des années.

      On a tellement prêché dans ce territoire et l’on a tellement répandu de publications qu’il n’est pas rare, quand on prie une personne d’aller chercher sa Bible, de la voir revenir avec la Traduction du monde nouveau (angl.). Quand on a reçu le livre Vérité, il y a eu, en 1969, une moyenne de 1,2 étude biblique par proclamateur. On a aidé beaucoup de personnes, qui connaissaient la vérité depuis quelque temps, à prendre position. Ce livre aida aussi ceux qui étaient devenus inactifs.

      Au fur et à mesure que grossissent leurs rangs, les proclamateurs annoncent la bonne nouvelle d’une voix de plus en plus puissante. En 1975, il y a eu un maximum de 102 proclamateurs, ce qui fait que chacun d’eux dispose d’un territoire comprenant en moyenne 46 personnes. Et pourtant, on rencontre encore de l’intérêt.

      L’ÎLE DE L’ASCENSION ENTEND LA BONNE NOUVELLE

      C’est en 1965 qu’est parvenu le premier rapport de cette île située à 1 330 kilomètres au nord-ouest de Ste-Hélène. C’était le rapport de sœur B. Taylor, dont le mari travaillait pour une certaine compagnie qui l’avait envoyé dans cette île. À l’époque, la population de cette île de 88 km2 comptait environ 300 individus. La sœur était la seule proclamatrice de l’endroit. Mais elle annonça courageusement la bonne nouvelle, faisant en moyenne chaque mois 23 heures et conduisant trois études bibliques.

      En 1968, la population de l’île comptait 2 000 personnes. Cette année-​là sœur Taylor se rendit en Angleterre. Aussi Georges Scipio vint de Ste-Hélène à l’île de l’Ascension pour s’occuper des intéressés. Voici ce qu’il dit : “Les gens de cette île sont comme des brebis sans berger.” Voyant qu’il y avait tant d’intérêt, frère Scipio décida de s’installer avec toute sa famille à l’île de l’Ascension. Cela aida beaucoup l’œuvre.

      Citons le cas de l’homme chez qui il fallait faire l’étude à 10 heures du soir, parce que certaines semaines, il travaillait jusqu’à 21 heures. Comme il faisait très chaud, l’étude avait lieu dans la véranda, en plein air, sous les yeux des voisins. Cela suscita des moqueries. Mais l’homme faisait des progrès et se rendait compte qu’il apprenait la vérité. Il déclara : “Maintenant je comprends pourquoi pas plus de gens ne deviennent témoins de Jéhovah. C’est parce qu’ils ont peur du qu’en-dira-t-on.” Sa famille et lui-​même commencèrent à venir aux réunions. Après avoir entendu, à l’étude de livre du mardi, combien le temps pressait et combien l’œuvre à accomplir était grande, l’homme se mit à donner, le lendemain, le témoignage à tous ses collègues de travail et il eut la joie de trouver quelqu’un qui lui demanda une Bible et un livre pour que, lui aussi, pût étudier.

      Frère Scipio et les siens durent rentrer à Ste-Hélène après un séjour de neuf mois. Cependant ils restèrent en relations épistolaires avec plusieurs personnes qui étudiaient la Bible. L’un de ces intéressés était un jeune ouvrier qui était venu un jour à la maison du pionnier, pendant la pause du matin. Avant de reprendre son travail, il aurait aimé boire un verre d’eau. On lui donna à boire. Le lendemain, il revint encore réclamer un verre d’eau, puis il demanda précipitamment à la femme du frère si elle n’avait pas de Bibles à vendre. Elle lui remit une Bible et l’invita à l’étude de livre. Il se procura un livre et assista à l’étude. Le pionnier avait un fils de treize ans. C’est lui qui commença l’étude avec ce jeune homme, qui fit de bons progrès.

      Après le départ de frère Scipio, ce jeune homme prit nettement position pour la vérité. Quand son employeur lui demandait d’aller peindre des bâtiments militaires et des églises, il refusait. Son chef d’équipe non plus ne réussit pas à lui faire changer d’avis.

      Depuis trois ans nous ne recevons plus de rapports de l’île de l’Ascension. La seule proclamatrice de l’île se rendait régulièrement en Angleterre, et les rapports étaient quelque peu irréguliers. Bien que nous ne sachions pas ce qui lui est arrivé, Jéhovah sait, lui, quelles sont les brebis de cette île qui doivent être introduites “dans l’enclos”. — Michée 2:12.

      LA LOI DIVINE ET LA QUESTION DU SANG

      De temps à autre, la question du sang occupe le devant de la scène en Afrique du Sud. En voici un exemple : Une sœur africaine, enceinte de six mois, commença soudain à avoir des hémorragies. À l’hôpital les médecins prescrivirent une transfusion sanguine. Frère et sœur Marsh tentèrent d’expliquer leur position selon les Écritures, mais les médecins et les infirmières se moquèrent d’eux. On auscultait la sœur toutes les demi-heures. Plus tard, une des infirmières lui dit qu’elle n’entendait plus les battements de cœur du fœtus. À son avis, l’enfant était mort. Le médecin était disposé à extraire le fœtus “mort”, mais à la condition de pouvoir faire une transfusion sanguine. Or, la sœur, elle, sentait les mouvements du fœtus. Mais pour le médecin et les infirmières, l’enfant était mort.

      Frère et sœur Marsh quittèrent cet hôpital et se rendirent dans un autre établissement. En cours de route, le frère encouragea sa femme à demeurer fidèle, quoi qu’il advînt. En arrivant à l’autre hôpital, ils expliquèrent leur position en ce qui concerne le sang. L’infirmière de garde leur fit donc signer une déclaration. Une auscultation révéla que l’enfant était encore vivant. On prescrivit un traitement et bientôt notre sœur commença à aller mieux, mais elle devait se rendre tous les quinze jours à l’hôpital pour un examen médical complet. Le médecin ne vit pas d’objection à pratiquer une césarienne sans transfusion sanguine. Quand vint son heure, la sœur se rendit à l’hôpital. Or, pendant que le chirurgien et les infirmières se préparaient, elle donna naissance à des jumeaux. Combien frère et sœur Marsh sont heureux d’être restés fidèles à la loi de Jéhovah !

      LE CHAMP INDIEN SE RÉVÈLE PRODUCTIF

      En Afrique du Sud vit une nombreuse population indienne. Ces dernières années, beaucoup de ces gens sont venus à la vérité. Il existe actuellement un certain nombre de congrégations indiennes au Transvaal et au Natal. Autrefois, certaines de ces personnes étaient des adeptes de l’hindouisme, d’autres étaient musulmanes, d’autres encore étaient des chrétiennes de nom. Maintenant ces gens se joignent aux autres serviteurs de Dieu en Afrique du Sud pour adorer Jéhovah avec l’esprit et avec la vérité. — Jean 4:23.

      ON S’AGRANDIT UNE FOIS DE PLUS

      Depuis des années, les frères d’Afrique du Sud et des territoires avoisinants attendaient une nouvelle visite de frère Knorr, président de la Société Watch Tower. Son dernier séjour en Afrique du Sud remontait à 1959, année où il avait été décidé d’agrandir la filiale. Il était de nouveau temps d’agrandir le Béthel dont les 68 membres occupaient, en 1970, toute la place disponible. En juin 1970, quand Notre ministère du Royaume annonça que les assemblées de district avaient été annulées et qu’on allait tenir une assemblée nationale, tout le monde s’attendait à la venue d’un visiteur de Brooklyn. Mais ce n’est pas avant novembre que Notre ministère du Royaume annonça : “Frère Knorr arrive !” Rien n’aurait pu empêcher les frères de venir aux assemblées “Les hommes de bonne volonté”, qui devaient se tenir du 7 au 10 janvier 1971.

      Comme on le sait, en Afrique du Sud règne la ségrégation raciale et les différents groupements ethniques vivent à part. Il a donc fallu organiser trois assemblées. Les Européens se réunirent au Milner Park Show Grounds, les gens de couleur, eux, se rassemblèrent à l’Union Stadium, et les frères africains se retrouvèrent au Mofolo Park, dans l’immense complexe de Soweto où habitent des centaines de milliers d’Africains.

      Le Mofolo Park est un parc bordé d’arbres, sans rien de plus. Il a donc fallu que les frères africains, aidés de leurs frères européens, s’attellent à un travail gigantesque : construire des sièges pour 30 000 personnes et installer les différents services. Ils installèrent même des toilettes avec des chasses d’eau. Les autorités municipales, après visite des lieux, s’écrièrent : “Nous sommes stupéfaits ! Vous avez bâti deux villes !” Ils faisaient allusion à la partie du parc qui était réservée aux Zoulous et à celle qui était destinée aux Sesothos.

      À l’occasion de ces assemblées, on tenta quelque chose de nouveau et qui eut un grand succès. Pour la première fois, on vit sur scène des acteurs qui mimaient l’action d’un drame, tandis que, dans différentes parties du stade, le dialogue s’entendait en deux langues. Cela représentait des heures et des heures de préparation. Mais les drames firent une grande impression sur les frères, qui en tirèrent les leçons.

      Quant à frère Knorr, il se rendait en toute hâte d’une assemblée à l’autre, afin d’être à l’heure. Son discours improvisé “Voici le chemin” fut particulièrement apprécié, et pendant longtemps encore les frères parlèrent des merveilleux conseils qui leur avaient été donnés. Le discours public fut le point culminant de l’assemblée. À l’assemblée des gens de couleur, on dénombra 2 770 personnes ; il y en eut 12 252 qui vinrent à l’assemblée européenne et 33 757 à l’assemblée africaine ; soit un total de 48 779 personnes. C’était là une énorme assistance quand on considère qu’il n’y avait à l’époque que 22 000 témoins en Afrique du Sud.

      Dans ses remarques finales, frère Knorr révéla à l’assistance qu’on allait agrandir, à Elandsfontein, l’imprimerie, les bureaux et le Béthel. Il expliqua également aux frères comment ils pourraient apporter leur concours.

      La famille du Béthel se réjouissait beaucoup de ce que frère Knorr fût venu lui rendre visite. Le président remarqua que la famille se composait surtout de jeunes gens dont presque tous avaient été élevés par des parents qui s’étaient voués à Dieu. Tous étaient heureux d’être au Béthel.

      Parmi la famille du Béthel d’Elandsfontein figurent aussi quelques anciens. Il y a, par exemple, Andrew Jack, qui a 80 ans et qui fait encore sa journée de travail. Gert Nel, notre ancien “serviteur des frères”, traduit toujours La Tour de Garde en afrikaans, malgré ses 71 ans. La famille d’Elandsfontein est heureuse ; tous collaborent et habitent ensemble dans une étroite union. Cette famille compte encore en son sein quatorze frères et sœurs africains. Tous ses membres vivent en bonne intelligence, bien que d’extractions différentes. L’anglais est la langue officielle, mais le Béthel sert des gens de différentes langues : zoulou, sesotho, xhosa, tswana, sepedi, allemand, grec, afrikaans et portugais. Tous les membres du Béthel sont heureux de servir leurs frères non seulement en Afrique du Sud, mais aussi au Congo (Kinshasa, actuellement appelé le Zaïre), au Mozambique, en Rhodésie et en Zambie.

      Quand frère Knorr déclara aux frères qu’on allait agrandir les bâtiments d’Elandsfontein et qu’ils pouvaient apporter leur concours, sa proposition reçut un accueil enthousiaste. Les contributions commencèrent à affluer à la filiale. Les offres de prêts furent si nombreuses qu’il fallut en refuser. Mais à l’époque il y avait une pénurie de ciment et l’on se demandait s’il serait possible de se procurer les quantités voulues. C’est alors qu’un frère indien téléphona à la filiale pour l’informer qu’il tenait à sa disposition 500 sacs de ciment (de 50 kg chacun). Il en faisait don. D’autres offrirent de faire les transports avec leurs camions. Un frère transporta toutes les briques, qui se trouvaient à 65 kilomètres du chantier. Une sœur pionnier africaine demanda à une entreprise de livrer sur ce chantier 15 m3 de sable, qu’elle paya de sa poche. Ainsi, les frères offrirent de bon cœur leurs choses matérielles, en vue de l’expansion de l’œuvre du Royaume. — Prov. 3:9, 10.

      Des maçons, des charpentiers, des électriciens et d’autres ouvriers s’arrangèrent pour être disponibles pendant toute la période des travaux. D’autres vinrent pour plusieurs mois. Des centaines de frères des congrégations voisines vinrent donner un coup de main le week-end. Les concours furent extrêmement nombreux. Quand les travaux touchèrent à leur fin et qu’il fallut procéder au nettoyage, on dénombra jusqu’à deux cents volontaires. Les frères aimaient travailler ensemble, dans l’union et la paix.

      Très peu de travaux ont dû être confiés à des entreprises de l’extérieur, car les frères étaient pratiquement à la hauteur de toutes les tâches. L’architecte, l’ingénieur, les électriciens, les plombiers, les charpentiers, etc., étaient tous des frères heureux de prendre part à la construction. Ce fut aussi une occasion pour ces frères de différentes races de collaborer dans le service du Royaume. À cause des lois sur la ségrégation, ils se réunissent généralement à part, chacun dans son milieu et selon sa langue, mais à l’occasion de ces travaux les frères africains, les frères de couleur, les frères indiens et les frères blancs travaillèrent ensemble dans une étroite union, ce qui ne se voit pas dans ce monde.

      Voici un exemple de la générosité des frères. Cela s’est passé le jour où l’on a coulé la dalle de béton du rez-de-chaussée. Beaucoup de frères étaient là, prêts à donner un coup de main. Il y en avait tant, d’ailleurs, qu’il fallut atteler un certain nombre d’entre eux à d’autres tâches. Le travail commença à 6 heures du matin, alors qu’il faisait encore noir. À 4 h 30 de l’après-midi on avait coulé 184 m3 de béton et la dalle était terminée. On imagine la joie des frères. Il régnait parmi tous ces travailleurs un tel esprit que beaucoup voulurent encore faire des dons en espèces. À la fin de la journée, on constata, après avoir tout calculé, que la dalle revenait à 3 300 rands. Quand on totalisa les contributions pécuniaires de tous nos travailleurs, on découvrit que la somme recueillie dépassait le prix de revient de la dalle.

      De tous côtés affluaient les dons. Voici la lettre qu’écrivirent deux jeunes sœurs de Ste-Hélène : “Chers frères : Veuillez accepter ce don pour les travaux de construction. Sandra et moi avons fait un sac avec du fil de nylon et nous l’avons vendu 1 livre. J’ai neuf ans et Sandra en a six. Recevez l’expression de notre amour chrétien.”

      Les travaux de construction commencèrent le 6 mai 1971, après que les plans eurent été agréés. En octobre, le surveillant de filiale demanda aux frères de faire leur possible pour terminer le travail pour la fin de décembre. “Pourquoi tant de hâte ?”, se demandaient certains frères. Mais ils continuèrent à travailler dur et à la fin de décembre tout était presque terminé. Il restait encore les peintures à faire et d’autres travaux de ce genre. Le dimanche 30 janvier 1972, tout était vraiment terminé et parmi les plus anciens membres de la famille beaucoup s’étaient installés dans les dix-sept nouvelles chambres de la nouvelle aile du Béthel. L’imprimerie s’était agrandie de 836 m2.

      Le lundi matin 31 janvier 1972, le surveillant de filiale annonça que dans quelques heures frère Knorr, président de la Société, et frère Larson, surveillant de l’imprimerie de Brooklyn, allaient arriver à l’aéroport Jan Smuts. Quelle surprise ! Frère Knorr et frère Larson se réjouirent à la vue de toute la construction. Il y eut 577 frères et sœurs qui assistèrent à l’inauguration, le mercredi soir 2 février.

      Tout cela a pu se faire parce que le peuple de Jéhovah s’est offert volontairement (Ps. 110:3). Grâce au concours des frères, les travaux sont revenus à un prix deux fois moins élevé que s’ils avaient été effectués par des entreprises du monde.

      LA QUESTION DE LA NEUTRALITÉ SE POSE DE NOUVEAU

      En 1972, la question de la neutralité se posa de nouveau en Afrique du Sud. Jusque-​là les témoins de Jéhovah avaient été exemptés du service militaire. Mais en raison des remous politiques qui agitaient l’Afrique, le service militaire devint obligatoire pour tous les jeunes Blancs. Comme nos jeunes frères refusaient de l’accomplir, ils se voyaient condamnés à quatre-vingt-dix jours de détention à la caserne. Ils étaient en sous-vêtements, n’ayant pas voulu revêtir l’uniforme. Avant l’expiration des quatre-vingt-dix jours, on leur demandait de nouveau de prendre l’uniforme ; en cas de refus, c’était une nouvelle condamnation à quatre-vingt-dix jours. Il semblait que ces frères allaient rester en prison indéfiniment.

      Avec le temps, cette question commença à faire de plus en plus de bruit et beaucoup de gens prenaient la défense des témoins de Jéhovah, même au Parlement. Finalement la loi fut changée. Maintenant tout frère qui refuse le service militaire se voit condamné à un an de détention à la caserne, après quoi il est exempté du service à l’armée. Auparavant, les chrétiens qui gardaient leur neutralité étaient enfermés seuls dans leurs cellules ; maintenant on leur demande de faire du jardinage ou d’effectuer des travaux non militaires sur les terrains de rugby et d’autres terrains de jeux.

      DES SECOURS POUR LES FRÈRES DANS LE BESOIN

      Le 13 octobre 1972, la presse sud-africaine annonça que les témoins de Jéhovah étaient persécutés au Malawi et qu’ils fuyaient en Zambie. La filiale sud-africaine entra en relations avec la filiale de Zambie pour lui demander comment les frères d’Afrique du Sud pouvaient venir en aide aux persécutés.

      Après enquête, la filiale de Zambie envoya le télégramme suivant : “Les réfugiés du Malawi ont un besoin urgent d’abris imperméables. Voyez si vous pouvez trouver des tentes, des bâches, des couvertures, etc. Téléphonez-​nous les démarches à faire pour la licence d’importation. Il y a environ 7 000 réfugiés.” Le 18 octobre, on lança un appel à toutes les congrégations d’Afrique du Sud. La réponse ne se fit pas attendre. De toutes les parties du pays, on envoya des vêtements et des dons en espèces à la filiale d’Elandsfontein.

      On acheta un millier d’anciennes bâches militaires, dont beaucoup avaient des petits trous qu’il fallait réparer. Les 21 et 22 octobre (un week-end) se déroula une scène inoubliable. On vit arriver au Béthel des voitures, des camionnettes et des camions chargés de vêtements, qui furent triés et répartis en vêtements d’hommes, en vêtements de femmes et en vêtements d’enfants. On ne garda que les habits en bon état. Dehors il y avait environ 150 frères et sœurs qui réparaient les bâches. Une dizaine de machines à coudre fonctionnaient sans arrêt. Il y eut tant de volontaires qu’il fallut en renvoyer un certain nombre. Tout le monde voulait faire quelque chose pour les frères au camp de Sinda Misale, en Zambie.

      Le dimanche matin arrivèrent deux énormes camions. Le lundi matin 23 octobre les deux véhicules partirent pour le camp de Sinda Misale, ayant à leur bord 948 bâches, 157 cartons de vêtements et 1 111 couvertures, sans oublier les cordes, les marteaux, les scies, les pelles, etc., soit 34 tonnes de marchandises. Les témoins d’Afrique du Sud, qui priaient pour leurs frères en détresse, furent extrêmement heureux d’avoir pu également leur venir en aide matériellement.

      À la fin de la semaine, les deux camions étaient en Zambie. L’un d’eux fut déchargé à Lusaka et s’en retourna en Afrique du Sud. L’autre ainsi que cinq autres camions moins gros, appartenant à des frères de Zambie et chargés de vivres et de divers dons, firent route vers le camp. Il fallut faire trois voyages pour transporter au camp tout ce que les frères avaient donné.

      Quand les camions arrivèrent au camp, la nouvelle se répandit parmi les frères du Malawi que les témoins d’Afrique du Sud et de Zambie leur avaient envoyé des bâches, des couvertures et des vivres. Beaucoup pleurèrent d’émotion. Ici aussi se vérifièrent ces paroles de Jésus en Jean 13:35: “À ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour entre vous.”

      Bientôt les frères furent renvoyés au Malawi. Ils se trouvèrent de nouveau en butte aux persécutions et durent s’enfuir au Mozambique. On essaya d’envoyer vers ces témoins parqués dans des camps au Mozambique des camions chargés de vêtements et de vivres, mais on ne laissa pas passer les véhicules. Les frères d’Afrique du Sud se mirent alors à leur envoyer par la poste des colis de 10 kg (l’affranchissement d’un colis coûtait 4,44 rands). Environ seize tonnes de vêtements furent ainsi expédiées. On leur envoya aussi des dons en espèces pour que les frères dans ces camps de réfugiés puissent s’acheter des vivres. Outre les dons individuels, on dépensa environ 100 000 rands (142 000 dollars) pour venir en aide à nos frères en détresse. Les frères d’Afrique du Sud sont heureux d’avoir ainsi pu venir au secours de leurs compagnons réfugiés au Mozambique, et ils continuent à se préoccuper de leur sort.

      JOYEUX RASSEMBLEMENT INTERNATIONAL

      Pour les témoins de Jéhovah d’Afrique du Sud, l’année 1973 fut celle des assemblées internationales. D’abord, il y eut environ un millier de frères et sœurs qui allèrent assister aux assemblées internationales d’Europe, d’Angleterre et des États-Unis. Leur enthousiasme fut communicatif et c’est avec impatience que les frères sud-africains attendaient leur propre assemblée internationale qui devait se tenir à Johannesburg. Pour la première fois, l’Afrique du Sud était sur la liste des pays à assemblées internationales. On s’attendait à recevoir la visite de nombreux frères d’Europe et d’autres parties du monde.

      Les frères voulaient tenir trois assemblées différentes, une pour les frères blancs, une pour les frères de couleur et les frères indiens, et une pour les frères africains. Ils pensaient réunir ces trois assemblées le dimanche après-midi, pour une seule session, car ils savaient qu’on ne leur accorderait pas la permission d’avoir une seule assemblée, fusionnée, pour toute la période. Mais il y eut des difficultés.

      Les autorités ne voulurent pas qu’il y eût une assemblée africaine à Johannesburg. On décida donc de tenir des assemblées africaines dans cinq agglomérations différentes. Cela se révéla être une bénédiction pour le peuple de Jéhovah. En effet, beaucoup de frères africains qui n’avaient pas les moyens de se rendre à Johannesburg pouvaient par contre se rendre à l’assemblée la plus proche.

      Mais il y eut encore d’autres difficultés. En raison de la question du service militaire, le ministère de l’Intérieur n’était pas favorable aux témoins de Jéhovah. C’est pourquoi beaucoup de frères de l’étranger se virent refuser le visa d’entrée. Ils avaient déclaré qu’ils venaient assister à l’assemblée des témoins de Jéhovah. Parmi ces frères figuraient le surveillant de filiale américain, Milton Henschel, et Grant Suiter, secrétaire-trésorier de la Société. Ce fut une grosse déception pour les frères sud-africains.

      Les assemblées furent néanmoins une victoire divine. De nombreux frères d’Europe vinrent en touristes et furent heureux de se trouver dans la compagnie des frères sud-africains. L’assemblée africaine pour la région de Johannesburg se tint à Benoni, ville située à une trentaine de kilomètres à l’est de Johannesburg. Le dimanche 6 janvier 1974 le programme commença à neuf heures et se termina à midi. Toutes les dispositions avaient été prises, et, entre midi et trois heures les frères des deux assemblées de Johannesburg et de celle de Benoni se rendirent au Rand Stadium de Johannesburg pour les sessions fusionnées finales. Tout se passa sans encombre. Tous quittèrent les trois emplacements des assemblées pour se diriger vers un même lieu, le Rand Stadium. Les congressistes arrivaient au Rand Stadium en voiture, en autocar et en train. C’était un flot continuel. Finalement le Rand Stadium fut comble. On dénombra une assistance totale de 33 408 personnes. Beaucoup étaient debout.

      Ce fut vraiment un beau spectacle pour les témoins de Jéhovah. Ils voyaient les frères africains, les frères de couleur et les frères blancs tous unis dans le culte de Jéhovah. Il n’y avait pas de ségrégation. Ceux qui savaient l’anglais pouvaient aller s’asseoir où bon leur semblait et les frères en profitèrent pour aller se mettre à côté des frères d’autres races. Ceux qui parlaient le zoulou pouvaient se rendre dans la partie du stade réservée aux Zoulous ; ceux qui parlaient le sesotho pouvaient aller dans la partie réservée aux Sesothos. Il y avait aussi des parties du stade qui étaient pour les Afrikaans et les Portugais. C’était vraiment un “mélange de gens” et tout le monde était très content. D’ailleurs, on eut de la peine à empêcher les assistants d’applaudir trop souvent. Jamais les frères n’avaient été si heureux. Pour beaucoup, ce fut un après-midi “inoubliable”.

      Comment tout cela fut-​il possible ? Sous la direction divine et sans même s’en rendre compte, les frères avaient loué l’unique stade de Johannesburg où il soit possible de tenir des assemblées internationales et interraciales ! Il ne fut pas nécessaire de demander une autorisation pour cette seule session. L’assistance totale au discours public de toutes les assemblées “La victoire divine” fut de 56 286 personnes. Il y eut 1 867 baptêmes.

      CAMPAGNE SANS PRÉCÉDENT DANS LES TERRITOIRES ISOLÉS

      L’année 1974 se révéla être la meilleure année de prédication qu’on eût connue jusqu’alors. Les témoins tentèrent de contacter tous les gens qui habitaient sur les vastes fermes d’Afrique du Sud et aussi ceux des “pays” africains. En certains endroits le témoignage n’avait jamais été donné. C’est pourquoi, pendant la campagne en territoires isolés, on fit un effort spécial pour toucher toutes ces personnes. Les congrégations urbaines acceptèrent de se rendre dans des territoires situés à des centaines de kilomètres des villes. On acheta des cartes spéciales qui indiquaient toutes les fermes européennes, ainsi que tous les villages africains se trouvant sur ces fermes. Quand les Africains ne comprenaient pas la langue des Blancs, les proclamateurs européens se servaient d’un magnétophone pour leur faire entendre des sermons enregistrés dans les langues indigènes. Il y eut une telle demande de publications que presque tous les frères se trouvèrent à court de livres. Les congrégations africaines faisaient les “pays” dont l’accès était interdit aux Européens. Au cours de cette campagne de trois mois, on répandit 140 000 livres, 92 000 brochures et des centaines de milliers de périodiques. Des groupes de pionniers spéciaux parcoururent plus de 13 000 kilomètres durant cette campagne, afin d’atteindre toutes les fermes des territoires qui leur avaient été attribués.

      À la fin de l’année de service 1974, on eut la joie d’annoncer un nouveau maximum de 4 055 baptisés et un accroissement de 14% de la moyenne des proclamateurs (chiffre de pointe : 28 397). La diffusion des Nouvelles du Royaume donna encore plus d’élan à l’œuvre.

      MANIFESTATIONS DE LA BÉNÉDICTION DIVINE

      L’œuvre de prédication continue de progresser. Au début de juin 1975, on comptait déjà 2 462 baptisés. On projeta une autre campagne en territoires isolés, encore plus grande que celle de 1974, afin de contacter tous les habitants du territoire sous la direction de la filiale.

      Entre-temps, la production des périodiques a augmenté dans de telles proportions que l’imprimerie, les bureaux et le Béthel d’Elandsfontein sont devenus trop petits. Lorsque le présent rapport a été rédigé, on était en train de faire de nouveaux plans d’agrandissement. Selon ces projets, le réfectoire, la cuisine et la buanderie vont doubler de superficie et l’imprimerie, elle, va s’augmenter de 1 860 m2. On va encore construire des bureaux qui occuperont 370 m2 et faire une nouvelle Salle du Royaume.

      Les frères se réjouissent de toutes ces manifestations de la bénédiction divine. Mais ils savent qu’ils doivent s’attendre à de l’opposition. Pour le moment, ils sont occupés par une affaire qui est venue devant la Cour suprême de Johannesburg. Il s’agit de défendre le droit des jeunes frères africains d’aller en classe sans avoir à chanter des cantiques ou à prendre part aux prières des faux systèmes religieux. De nombreux enfants de témoins européens se font expulser, eux aussi, de l’école, mais pour une raison différente. C’est parce qu’ils refusent de participer à des marches de caractère militaire, de saluer le drapeau et de chanter l’hymne national. Nous ignorons comment vont tourner les choses, mais tous les frères sont résolus à continuer de prêcher la bonne nouvelle du Royaume et s’en remettent entièrement à Jéhovah.

      Quand les frères se souviennent du minuscule bureau de frère Johnston qui, en 1910, faisait office de filiale et qu’ils font des comparaisons avec le Béthel actuel, sans oublier les nouvelles filiales en Rhodésie, en Zambie, au Zaïre, au Kenya, en République malgache et dans l’île Maurice, tous mesurent le chemin qui a été parcouru. Quand ils pensent à la petite presse que Brooklyn envoya en 1924 et qui fut installée par frère Phillips, puis qu’ils contemplent l’imprimerie actuelle pleine de machines et produisant d’énormes quantités de périodiques et d’autres imprimés, tous sont frappés par l’extension prise par l’œuvre. Quand ils se rappellent la petite famille du Béthel qui, en 1951, se composait de 21 membres et qu’ils considèrent l’actuelle famille de 110 frères et sœurs, tous sont impressionnés par l’accroissement. Et quand ils songent qu’en 1931, dans tous les territoires sous la direction de la filiale, on comptait tout juste une centaine de proclamateurs et qu’à l’heure actuelle, dans les mêmes territoires, on dénombre 140 000 prédicateurs, combien ils sont reconnaissants envers Dieu ! À notre époque, ses actes sont aussi prodigieux que par le passé. Aussi s’écrient-​ils avec le psalmiste : “Cela s’est fait de par Jéhovah lui-​même ; c’est chose prodigieuse à nos yeux.” — Ps. 118:23.

      [Illustration, page 189]

      Béthel d’Elandsfontein, en 1952.

      [Illustration, pages 240, 241]

      Bureau et imprimerie de la Société Watchtower à Elandsfontein.

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