Coup d’œil sur le monde
“Craquements”
Sous ce titre, Pierre Viansson-Ponté écrivait il y a quelque temps dans Le Monde : “Rappelez-vous : c’était il y a un an tout juste, au mois de juillet 1973. Un véritable ballet de chefs d’État et de gouvernement s’inscrivait sur la toile de fond de la crise monétaire. Le président Pompidou, le chancelier Brandt, le premier ministre Heath, dans un chassé-croisé de rencontres et de consultations, s’alarmaient de la faiblesse du dollar (...). Qui se souciait des rodomontades arabes, des gémissements de la vieille dame de Jérusalem, l’implacable Golda Meïr ? Le pétrole coulait à flots, c’était l’essentiel. La gauche européenne regardait avec un mélange d’anxiété et d’espoir vers le Chili, où le président Allende venait de déjouer une nouvelle tentative de coup d’État militaire (...). Les successeurs de Salazar n’avaient-ils pas leur pays bien en main ? (...) Un an, un an seulement. Georges Pompidou n’est plus. Allende a été tué. Carrero Blanco [premier ministre d’Espagne] assassiné. Peron est mort. Heath, Brandt, Golda Meïr, Agnew et Rogers ont quitté le pouvoir ou le pouvoir les a quittés. Le président Nixon semble en train de perdre la dernière manche de la partie [il devait la perdre quelques semaines plus tard]. À Santiago, un général fait régner une sanglante terreur. À Lisbonne, un autre général préside au contraire à une audacieuse libéralisation [depuis, lui aussi a dû quitter le pouvoir]. À Athènes, la junte des généraux s’est effondrée (...). Au Proche-Orient, (...) la quatrième guerre israélo-arabe a brutalement brouillé puis redistribué les cartes. La hausse des prix du pétrole a fait flamber l’inflation. (...) On ne fera pas ici le compte des bouleversements de toute espèce intervenus ou amorcés. Le décor, les acteurs, la pièce elle-même, ont davantage changé en trois mois qu’au cours des cinq, des dix, presque des quinze années précédentes. Le passé achève de mourir si l’avenir n’est pas encore né. Cette fois, c’est sûr : notre monde, celui dans lequel nous étions habitués ou résignés à vivre, est en train de se transformer de fond en comble et à toute vitesse. Partout des craquements se font entendre, déjà commencent les premières éruptions, cataclysmes pour les uns, heureuses transfigurations parfois aux yeux des autres.”
Mariages “non sacramentels” célébrés à l’église
Dans un diocèse de France, l’Église catholique a commencé à célébrer un nouveau type de mariage. Les époux se jurent fidélité et échangent les anneaux, mais ceux-ci ne sont pas bénis. Des prières sont récitées (Évangile, chants, etc.), mais la messe n’est pas célébrée et le mariage n’a pas un caractère sacramentel. L’évêque qui a autorisé la célébration de tels mariages dans les églises de son diocèse a précisé que le couple accueilli par l’Église doit remplir un certain nombre de conditions : “Être marié à la mairie, reconnaître le caractère indissoluble du mariage, accepter de continuer avec un prêtre autant que possible une réflexion qui les conduira peut-être au mariage religieux.” Mais Henri Fesquet, commentateur religieux, a écrit : “S’il arrive qu’un couple, ainsi reconnu par l’Église et qui ne décide pas ultérieurement de se marier sacramentellement, divorce, rien ne s’opposera, juridiquement parlant, à ce que les conjoints séparés puissent, s’ils le désirent, contracter un véritable mariage sacramentel avec un autre conjoint. Les conséquences de cette innovation sont donc importantes.” On constate, en effet, qu’il s’agit simplement d’un moyen pour contourner le droit canon au sujet du divorce et du remariage.
Contrebande ecclésiastique
Mgr Capucci, archevêque grec catholique de Jérusalem, qui a été arrêté et jugé par les Israéliens pour avoir introduit en Israël des armes, des explosifs et de l’argent pour le compte des feddayine, n’est pas le premier ecclésiastique à déployer de telles activités. Après avoir relaté des cas d’espionnage et de contrebande impliquant des ecclésiastiques, la revue américaine Time déclare que certains de ces hommes de religion ont agi par conviction, mais que d’autres “hélas ! l’ont fait pour amasser d’énormes sommes d’argent”. Un autre hebdomadaire américain, Newsweek, a révélé que le patriarche Maximos V Hakim, chef hiérarchique de Mgr Capucci, fut lui-même “attrapé en train d’introduire frauduleusement dans le pays des pièces d’or et des bagues”, lorsqu’il était archevêque en Israël pendant les années cinquante.
La population du monde
Au 1er janvier 1974, la terre comptait 3 milliards 900 millions d’habitants. Au cours de l’année, la population a augmenté d’environ 80 millions d’habitants. En cent ans, la population mondiale a pratiquement quadruplé. L’été dernier, lors de la Conférence mondiale de la population organisée par l’ONU à Bucarest, les pays riches et les pays pauvres ont adopté deux points de vue opposés sur ce problème. Les nations “nanties” ont préconisé une politique sévère de réduction des naissances, alors que les pays moins développés les ont accusées de “sonner la fausse alarme de l’explosion démographique”. Le délégué chinois a déclaré : “Affirmer qu’une forte croissance démographique est à l’origine de la pauvreté et de la famine est un mensonge. C’est le système des relations économiques internationales qui est en cause.” Paradoxalement, ce délégué de la Chine communiste a trouvé un appui en la personne du chef de la délégation du Vatican, Mgr Edouard Gagnon, qui a affirmé : “Les problèmes démographiques du monde sont davantage dus à l’égoïsme des riches qu’à la fécondité des pauvres.” Ce congrès mondial a fini par adopter un Plan d’action, modifié par une série d’amendements qui, selon certains observateurs, lui ont enlevé “pratiquement toute substance”. Le plan a été adopté, par tous les délégués sauf celui du Vatican. À l’issue de la conférence, l’écologiste français René Dumont a déclaré : “Il sera dit un jour que cette conférence s’est réunie à la veille de la plus grande famine dans le monde et ne l’a pas reconnue.”
Le point de vue du pauvre
Les Occidentaux semblent croire que le problème démographique pourra être résolu dès lors que les “nations pauvres” diminueront leur taux de natalité. Mais ces nations ont leur point de vue à ce sujet. Le journal britannique New Internationalist a écrit dernièrement : “La plupart des gens pauvres aiment avoir une famille nombreuse. (...) Pour eux, les enfants sont une nécessité et une protection. (...) En somme, tout le ‘problème de population’ a été faussé par l’impression subconsciente que les pauvres ont beaucoup d’enfants parce qu’ils ne savent pas faire autrement. (...) La leçon la plus importante que nous ayons apprise au cours des dix dernières années est que les pauvres ne sont pas stupides.”
“Aliments civilisés”
Les méthodes employées depuis 1870 par les minoteries enlèvent jusqu’aux neuf dixièmes du son des céréales consommées au sein des nations occidentales. D’après le Journal de l’Association des médecins américains, ce fait pourrait expliquer pourquoi les Africains vivant dans des conditions primitives ne contractent pas les maladies dites “civilisées”, à savoir : crises cardiaques, varices, calculs biliaires, tumeurs, etc. Des recherches scientifiques ont indiqué que la farine moins raffinée des tribus africaines facilite l’élimination fréquente et régulière des déchets du corps. Les savants qui écrivent dans ce journal estiment que le séjour prolongé de matières fécales peut déranger le métabolisme du corps. Ils suggèrent que les pays “civilisés” reviennent aux aliments non raffinés.
Réserves de nourriture
Paul Ehrlich, professeur de biologie, s’est rendu célèbre par ses prédictions concernant des catastrophes imminentes dans les domaines démographiques et alimentaires. Il est tellement persuadé d’avoir raison qu’il a déclaré dernièrement : “Quiconque a quelques économies serait insensé s’il ne mettait pas en réserve la plus grande quantité possible de denrées alimentaires.” Reconnaissant cependant que cela ne résoudrait pas tous les problèmes, il a ajouté : “N’imaginez pas pourtant que parce que vous avez assez de vivres pour une année, pour vous et pour votre famille, que vous êtes à l’abri de toute difficulté. (...) Lorsque la disette commencera, ne serez-vous pas moralement obligé de partager vos réserves avec vos voisins moins prévoyants que vous ? Ou bien, aurez-vous le droit de tirer sur eux lorsqu’ils viendront pour essayer de vous voler quelque chose à manger ?”
“Chrétiens marxistes”
Une rencontre d’hommes et de femmes qui se disent “chrétiens marxistes” s’est tenue récemment près de Paris. Les discussions ont tourné autour de plusieurs textes, dont un, intitulé : “Un appel aux chrétiens révolutionnaires”, déclarait : “L’Évangile a besoin d’être libéré de l’idéologie religieuse dans laquelle les Églises l’ont enfermé depuis dix-neuf siècles. Déjà nous discernons dans Jésus de Nazareth celui qui, dans la voie prophétique de l’Ancien Testament, a dénoncé toute forme d’aliénation économique, sociale, politique et surtout, religieuse.” Un autre texte avait pour but de “clarifier ce qui découle de notre double référence : à l’Évangile, comme source d’un dynamisme libérateur ; au marxisme, comme théorie de notre pratique politique”. Un document de travail, adopté pratiquement à l’unanimité par les délégués, déclare : “Nous sommes tous décidés à lutter contre l’Église.” Commentant cette réunion, Alain Woodrow a écrit dans Le Monde : “En fait, il fut très peu question de foi et de recherche théologique pendant ces journées. (...) Certains chrétiens aujourd’hui, et leur nombre augmente, n’ont aucune difficulté à se dire marxistes. Une question demeure cependant : quel christianisme et quel marxisme ?” En effet, ces “chrétiens” semblent oublier que Jésus a déclaré à Pilate : “Mon royaume ne fait pas partie de ce monde. Si mon royaume faisait partie de ce monde, mes gens auraient combattu pour que je ne sois pas livré aux Juifs. Mais voilà, mon royaume ne vient pas de là.” — Jean 18:36.