Coup d’œil sur le monde
La crise provoque du chômage
La crise économique que traverse actuellement le monde occidental a provoqué la plus forte montée du chômage que plusieurs pays industrialisés aient connue depuis la guerre, voire depuis la grande crise des années trente.
● Les États-Unis subissent la plus grande dépression économique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Au début de 1975, six millions et demi d’Américains étaient en chômage, soit 7,1 pour cent de la population active, contre 4,9 pour cent en décembre 1973. C’est l’industrie automobile qui est la plus durement touchée. En douze mois, le nombre total des chômeurs a augmenté de plus de deux millions.
● En Europe, d’après les statistiques de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), au début de l’année il y avait environ quatre millions de sans-emploi dans les neuf pays du Marché commun, soit 4 pour cent de la population active. Le record revenait à l’Irlande, où 8,55 pour cent des salariés étaient en chômage. Au Danemark, l’augmentation du chômage de novembre 1973 à novembre 1974 a été de 450 pour cent ! Pendant la même période, la montée du nombre des sans-emploi a été de 140,9 pour cent en Allemagne fédérale, de 40,5 pour cent aux Pays-Bas, de 39,4 pour cent en France, de 31,5 pour cent en Belgique et de 26 pour cent en Grande-Bretagne.
● De tous les pays d’Europe, l’Allemagne de l’Ouest semble être celui qui a le mieux subi le choc de la crise économique. Mais elle non plus n’échappe pas à la forte montée du chômage. Lorsque, l’automne dernier, cinq des principaux instituts ouest-allemands d’analyse économique avaient annoncé qu’en février 1975 il y aurait un million de chômeurs en Allemagne, ils ont provoqué un beau scandale dans le pays. Pourtant, leurs prévisions se sont réalisées même avant l’heure, puisque déjà au mois de décembre il y avait 950 000 sans-emploi en RFA, et que le million a été atteint au début de la nouvelle année. Certes, les “travailleurs-hôtes” (travailleurs étrangers, — principalement des Turcs, des Yougoslaves, des Italiens et des Grecs) sont les premières victimes de la récession ; il n’empêche qu’ils ne représentent qu’à peine 15 pour cent du total des chômeurs, et que, par conséquent, 3,5 pour cent des Allemands salariés sont ou ont été en chômage.
● Étant donné que le chômage dans les pays industriels touche en premier lieu les travailleurs étrangers, bon nombre de ces derniers sont obligés de rentrer dans leur pays d’origine. Cela risque de provoquer ou d’aggraver le chômage dans des pays à forte émigration, comme la Turquie, l’Italie, la Yougoslavie, l’Espagne, la Grèce et le Portugal. Dernièrement M. Coelho, secrétaire d’État portugais à l’émigration, a déclaré : “Nous n’empêcherons personne de rentrer. Toutefois, nous informerons nos compatriotes de l’étranger que des difficultés les attendent au Portugal. (...) Les postes de travail et les salaires sont insuffisants. (...) L’analyse objective de la conjoncture portugaise nous mène à dire clairement qu’un retour massif immédiat des émigrés n’est pas possible.” Au sujet des Espagnols travaillant à l’étranger, Le Monde a écrit : “Quarante pour cent d’entre eux vont revenir définitivement en Espagne à la fin du mois [décembre 1974]. Leurs contrats de travail ont, en effet, été très souvent résiliés dans les pays de la Communauté européenne qui les employaient. Or le marché espagnol du travail n’est pas prêt à absorber cette masse de main-d’œuvre.”
● Les pays industrialisés occidentaux ne sont pas les seuls qui soient touchés par le chômage. Un rapport récent publié par la Fédération des syndicats indonésiens indique que sur une population active de quarante quatre millions de personnes, l’Indonésie compte actuellement quatre millions de chômeurs. Ce même rapport révèle que onze millions de salariés sont touchés par le chômage partiel, et dix-sept millions travaillent moins de trente-deux heures par semaine. Autrement dit, plus de 70 pour cent des personnes actives en Indonésie sont soit en chômage, total ou partiel, soit sous-employées. Le problème risque de s’aggraver encore, puisque la population active de l’Indonésie croît au rythme annuel de 2,5 pour cent, ce qui veut dire qu’il faudrait créer près d’un million et demi d’emplois par an. Ainsi, on constate que le chômage touche déjà de nombreux pays d’un bout à l’autre de la terre, et l’on comprend pourquoi M. Simon-Lorière, député français, a parlé dernièrement de “l’anxiété des travailleurs”.
La récolte des céréales
D’après le secrétariat du Commonwealth, la récolte mondiale de céréales en 1974 a été inférieure à celle de 1973. La production mondiale de blé (sans compter la Chine) aurait atteint 330 millions de tonnes, contre 336 millions de tonnes en 1973. La récolte a été bonne dans la Communauté économique européenne (CEE), — 42 millions de tonnes contre 40 millions. En revanche, l’Union soviétique aurait produit 8 millions de tonnes de moins qu’en 1973. Quant au maïs, la production a été largement inférieure à celle de 1973. La récolte américaine a été d’environ 126 millions de tonnes, contre 143 millions de tonnes l’année précédente. En Europe, la production est restée stationnaire, avec quelque 15 millions de tonnes. En ce qui concerne l’orge, l’avoine, le seigle et le sorgho, sauf en URSS, la production a subi une baisse importante dans le monde.
Des millions pour détruire des denrées alimentaires
Alors que des centaines de millions de gens souffrent de la famine en Asie, en Afrique et même en Amérique du Sud, en Europe on détruit des denrées alimentaires plutôt que de les vendre à bas prix. En effet, un rapport publié dernièrement a révélé que la Communauté économique européenne (CEE ou Marché commun) a dépensé quelque 225 millions de francs français en 1974 pour retirer du marché, autrement dit détruire, les fruits et légumes qui risquaient de faire baisser les cours. En France, 72 millions de francs ont été dépensés au début de 1974 pour le “retrait” de 250 000 tonnes de pommes. On sait que le même procédé est utilisé aux États-Unis. Quel monde !
La fin du romanche ?
Le romanche, dérivé du latin, est parlé dans le canton suisse des Grisons. Depuis 1938, il est la quatrième langue officielle de la Confédération helvétique. Or, d’après le journal suisse Le Jura libre, cette langue risque de disparaître. Ce journal déclare : “De 1941 à 1970, la population suisse a augmenté de 47 pour cent, la population romanche de 8,4 pour cent seulement. Elle ne représente plus que 0,8 pour cent de la population suisse. Dans les Grisons mêmes, les Romanches, qui représentaient 31 pour cent de la population en 1941, n’en constituent plus que 23,4 pour cent. Le rheto-romanche recule avec une régularité effrayante, devant une majorité de langue allemande toujours plus forte. (...) Quelles sont les raisons essentielles de cet empiètement progressif et régulier de la langue allemande sur les territoires romanches ? C’est tout d’abord et essentiellement un problème économique. Le tourisme et l’industrialisation apportent des inconvénients majeurs qui mènent inévitablement à une sorte de nivellement linguistique et culturel.” D’après ce journal, le peuple romanche est “condamné à la germanisation”.
L’Église catholique et les Juifs
Au début de l’année, le Vatican a publié un document sur les relations entre l’Église catholique et les Juifs. Ce document déclare entre autres : “Après deux millénaires, marqués trop souvent par une ignorance mutuelle et de fréquents affrontements, la déclaration conciliaire donnait l’occasion d’engager ou de poursuivre un dialogue visant à une meilleure connaissance réciproque. (...) Tout en renvoyant à ce document, rappelons simplement ici que les liens spirituels et les relations historiques rattachant l’Église au judaïsme condamnent comme opposée à l’esprit même du christianisme toute forme d’antisémitisme et de discrimination que la dignité de la personne humaine, à elle seule, suffit d’ailleurs à condamner.” Il est tout de même étonnant que l’Église catholique ait mis tant de siècles pour comprendre que “la dignité de la personne humaine”, sans parler du respect des principes du christianisme, lui interdisait de persécuter les Juifs. Du reste, ce document du Vatican a reçu un accueil très nuancé en Israël. M. David Flusser, professeur de religions comparées à l’université hébraïque, a déploré que ce document “n’ait pas été publié au douzième ou au treizième siècle”. De son côté, le Dr Rafael, ministre israélien pour les affaires religieuses, s’est félicité de la condamnation de l’antisémitisme et de la discrimination, qui, d’après lui, “est un signe de repentir pour l’attitude historique tachée de sang de l’Église à l’égard des Juifs”
Salles de conférences remplies de fumée
Traditionnellement, les décisions politiques sont prises dans des salles ‘remplies de fumée de cigare. Or, au dernier Synode de Rome, les évêques décidèrent de permettre à leurs collègues fumeurs de fumer librement pendant les séances. Scandalisé, un avocat italien écrivit au journal quotidien Il Giornale : “Nous autres avocats, nous nous abstenons de fumer dans les tribunaux. Comment les évêques peuvent-ils justifier leur décision, eu égard à leur propre santé, et, surtout, à la santé de ceux d’entre eux qui ne sont pas esclaves du tabac ? Que font-ils du principe évangélique selon lequel nous devons nous aimer les uns les autres et ne pas faire à nos semblables ce que nous ne voudrions pas qu’ils nous fassent ?”