Comptes rendus tirés de l’Annuaire 1955 des Témoins de Jéhovah
SUISSE
Une des choses les plus merveilleuses en ce qui concerne la société du Monde Nouveau est qu’elle ne se heurte pas aux difficultés et aux barrières qui sont le propre des organisations de ce monde. Ainsi, nos frères de Suisse parlent trois langues : allemand, français et italien, mais ils se réunissent dans une seule organisation, se réjouissent en Jéhovah et obtiennent de bons résultats grâce à leur activité. L’imprimerie de la Société à Berne (Suisse) a rapporté une bonne production pour l’année. La filiale suisse a le privilège de fournir des publications à nombre de pays voisins. Le clergé du pays a fait beaucoup de propagande dans sa tentative de communiquer au peuple une fausse impression des témoins de Jéhovah. Cependant, les proclamateurs sont à même, grâce à de patients efforts, de vaincre ces machinations. Les ecclésiastiques se chagrinent à cause de la liberté de parole dont jouissent aussi les témoins de Jéhovah et il a été nécessaire de recourir aux tribunaux pour défendre nos droits. Le serviteur de filiale nous soumet un compte rendu sur l’œuvre accomplie en Suisse.
La réaction cléricale est peut-être le meilleur baromètre en ce qui concerne l’effet de notre activité de prédication. De toute façon, au cours de l’année passée le pays a été inondé comme jamais auparavant de feuilles ecclésiastiques protestantes et catholiques, feuilles qui présentaient sous un faux jour et ridiculisaient notre message et notre œuvre. Voici un passage qui vous intéressera : “ La chose la plus scabreuse, c’est que ces “ adjonctions ” à la Bible sont utilisées pour représenter le royaume de Dieu comme un paradis terrestre dans lequel chaque citoyen du royaume pourra faire des excursions pendant le week-end dans une Rolls-Royce sur des superautoroutes terrestres-célestes... Ces enseignements erronés proviennent de ce que le centre de toute espérance est un bonheur terrestre. ”
Des attaques de ce genre n’inquiètent nullement les témoins de Jéhovah qui savent qu’on médirait des vrais chrétiens dans ces derniers jours mais qu’il y a encore beaucoup de personnes de bonne volonté qui se joindront à la société du Monde Nouveau si elles ont l’occasion d’entendre notre message. Ainsi les témoins continuent de travailler dans l’intérêt de ces personnes, manifestant à leur égard le véritable amour du prochain. En persévérant ils auront tôt ou tard la joie de constater une bonne réaction, à l’instar de la sœur-pionnier qui, ayant reçu une rebuffade à une porte, dit gentiment : “ Permettez-moi de vous dire que je ne suis pas venue chez vous dans mon intérêt mais dans le vôtre ” et voulut s’en aller. Son interlocutrice hésita, réfléchit un instant, puis dit : “ Entrez, s’il vous plaît ! ” La sœur relate encore ceci : “ En présence de son mari elle me posa beaucoup de questions bibliques intéressantes sur l’âme, l’enfer, la résurrection, etc., auxquelles avec sa propre Bible j’étais à même de répondre à son entière satisfaction ; elle était enthousiasmée par ce qu’elle entendait. Soudain elle m’interrompit : “ Mademoiselle, je regrette d’avoir voulu vous renvoyer, excusez-moi, j’avais pensé que vous veniez des témoins de Jéhovah. ” “ Oh ! répondis-je, je ne viens pas seulement des témoins de Jéhovah, mais j’en suis un ! ” Étonnée, elle dit cependant avec bienveillance : “ Jusqu’à présent je pensais que les témoins de Jéhovah ne croyaient pas à la Bible. ” Je pus laisser un livre, noter un abonnement et fixer une heure pour commencer une étude biblique à domicile. Tant la femme que son mari firent de rapides progrès dans la connaissance des vérités bibliques et bientôt ils commencèrent à prendre part au travail dans le champ avec leurs garçons âgés respectivement de 13 et de 9 ans. Ma joie était comble en voyant toute la famille se ranger parmi ceux qui allaient être baptisés à notre assemblée de district à St-Gall. ” Le travail de témoignage constructif porte beaucoup de fruit !
Les frères de Suisse ont l’habitude des combats judiciaires. Ils doivent tenir ouverte la porte pour la prédication en tant que ministres de l’évangile sans se laisser gêner par les lois qui ont été faites à l’intention des colporteurs. Au cours de l’année passée nous avons dû faire trancher trois affaires par les tribunaux et Jéhovah nous a accordé la victoire dans les trois cas.
Une quatrième affaire qui était restée en suspens pendant plus de deux ans a été tranchée au cours de cette année. Elle se rapportait aux Grisons, canton dans lequel nous avons eu des difficultés depuis plus de vingt ans. Dans sa session du 19 mars 1954 le “ Petit Conseil ” trancha cette affaire en notre faveur, renversant ainsi une jurisprudence qu’il avait suivie pendant vingt années. La décision dit entre autres : “ De l’argumentation présentée par le défendeur et son avocat et des publications des témoins de Jéhovah elles-mêmes on gagne réellement l’impression que leur activité religieuse est essentiellement un enseignement oral et que les publications en constituent un complément pour approfondir la présentation orale. Le critère de l’intention lucrative qui, dans les décisions de tous les autres cantons, est reconnu comme un élément essentiel du colportage, fait effectivement défaut. ”
D’autres affaires pendantes devant la même instance furent annulées. Nous remercions Jéhovah de nous avoir guidés. De telles victoires ne constituent pas une aide immédiate en dehors du canton respectif. Il y a vingt-deux cantons ou “ états ” dans la Confédération suisse et il semble que pour défendre nos droits nous devrons passer par tous les tribunaux de chaque canton pour obtenir gain de cause par rapport à toutes sortes d’accusations, ce qui exigera encore du temps. Cependant, avec Jéhovah de notre côté, nous pouvons maintenir la lutte aussi longtemps qu’eux.
CANADA
Au Canada l’œuvre s’est accrue d’une façon réjouissante au cours de l’année de service écoulée. Le programme d’entraînement a eu de bons effets dans ce pays. Le nombre des ministres travaillant de maison en maison s’est accru de plus de 2 000. Les sermons de 3 à 8 minutes se sont révélés être très efficaces et les proclamateurs reconnaissent mieux que jamais le besoin de régularité dans le champ de travail. La province de Québec a requis notre attention spéciale au cours de l’année à cause des difficultés qui s’y sont produites, mais la main de Jéhovah n’a pas été trop courte pour nous aider et il a répandu de riches bénédictions sur ceux qui travaillent dans ce territoire. Nous avons dessein d’envoyer encore d’autres pionniers spéciaux dans la province de Québec afin que l’œuvre de témoignage puisse être étendue, car les habitants de ce territoire ont besoin du message réconfortant que nous annonçons et il y a encore beaucoup d’autres brebis qui doivent être rassemblées. Le serviteur de la filiale nous envoie un compte rendu intéressant que nous reproduisons en partie ci-dessous.
Le 6 octobre 1953 le Tribunal suprême du Canada rendit son jugement dans l’affaire relative à l’exercice de la censure et impliquant la ville et la province de Québec. Une grande publicité fut donnée à cet arrêt par la distribution spéciale, à travers tout le pays, de milliers et de milliers d’exemplaires de Réveillez-vous ! du 22 novembre 1953. Cette décision avait pour effet de mettre un frein au zèle intempestif de M. Duplessis, premier ministre de Québec. Cependant, il soumit peu après à l’Assemblée législative de la province de Québec sa fameuse et injuste loi No 38 qui se moquait du verdict du Tribunal suprême et était dirigée directement et spécifiquement contre les témoins de Jéhovah. La loi passa rapidement les Chambres basse et haute et prit force de loi dans la province. On en éprouva probablement un sentiment de satisfaction dans le camp de nos ennemis, mais il fut de courte durée, car une action fut engagée devant les tribunaux, tendant à obtenir qu’un ordre soit adressé à Duplessis lui enjoignant d’avoir à suspendre toute procédure fondée sur cette loi. Cette affaire est pendante. L’effet désiré a été obtenu car la loi ne peut être appliquée à présent et l’œuvre de la proclamation du Royaume progresse rapidement dans toute la province.
Les missionnaires et les pionniers spéciaux continuent à travailler durement en prêchant l’évangile, surtout dans la province de Québec. À la fin de l’année de service écoulée 56 missionnaires travaillant dans 19 localités de la province nous ont envoyé leurs rapports qui nous montrent qu’un excellent service est accompli par l’établissement solide de têtes de pont théocratiques dans cette partie du champ de travail. De temps à autre il faut soudain faire face à l’action violente de la populace et à l’intervention de fonctionnaires locaux. Nos adversaires usent aussi de menaces et d’intimidation à l’égard de ceux qui osent accorder l’hospitalité aux missionnaires. Il y a cependant beaucoup de personnes au cœur sincère qui prennent fermement position pour la vérité. Nous mentionnons l’exemple d’un homme qui s’adressa à un home missionnaire pour obtenir l’aide nécessaire. Il avait vécu dans un pays d’outre-mer pendant cinq années et demie. Il doutait même de l’existence de Dieu. Rentré à la maison il constata que sa sœur étudiait la Bible à l’aide des publications de la Société. Il prit part à l’étude, assista aux réunions, réfuta les arguments d’un moine, vit comment ses enfants souffrirent à cause de la vérité dans une école catholique, tout cela dans l’espace d’un mois. Un de ses garçons, âgé de sept ans, refusant de réciter le catéchisme en classe fut amené au “ Père ” R. qui le frappa d’une courroie sur une main déjà blessée et lui dit que pour son refus il resterait à genoux pendant toute la journée. Il demeura dans cette position jusqu’à 17 heures. Quand il rentra, il était épuisé et sa petite main était très enflée. Un avertissement adressé au prêtre empêcha toute nouvelle action de ce genre. Quand le père dit au garçon : “ Tu sais, M., c’était une chose difficile à faire, mais tu l’as faite pour Jéhovah. Le sais-tu ? ” Il répondit : “ Oui, papa, je sais et cela ne me ferait rien de le faire encore un jour pour Jéhovah. ” Ainsi, on trouve encore de véritables brebis dans la province de Québec, et nous avons besoin d’autres travailleurs volontaires qui les rechercheront et en prendront soin. À un nouvel appel lancé pour obtenir des pionniers qui seraient envoyés dans la province de Québec, quelque cinquante frères et sœurs se sont annoncés jusqu’à ce jour.
Au cours de cette année plus de 400 personnes se sont faites pionniers de vacances et nous croyons que ce travail a stimulé leur appétit pour un futur travail à temps complet.
Le film “ La société du monde nouveau en action ” s’est révélé être un instrument très efficace. Il a été présenté 59 fois avec une assistance totale de 12 552 personnes. Nous avons reçu quantité de communications de proclamateurs et de personnes de bonne volonté nous exprimant leur appréciation du film. Une dame nouvellement intéressée écrit : “ Je tiens à vous dire que j’ai réellement apprécié le film. Ce qui m’a beaucoup impressionnée, c’est l’étendue de l’organisation, le fait qu’elle est universelle. Une autre chose est la paix et l’unité régnant parmi les témoins de Jéhovah. Vous me verrez dans votre Salle du Royaume. ”
La nouvelle année de service ayant commencé, les serviteurs de Jéhovah au Canada peuvent avoir la conviction que l’avenir leur réserve des joies et des bénédictions abondantes. L’accent continue à être mis sur “ la régularité dans la prédication de maison en maison, soutenue par le programme touchant les compagnons et les sermons de trois à huit minutes ”.
HAÏTI
La société du Monde Nouveau de Haïti a eu ses plus belles assemblées au cours de l’année passée. Des directeurs de la Société ont pu visiter Haïti à deux occasions et de merveilleuses conférences publiques furent organisées dans le cadre des congrès. Le film “ La Société du Monde Nouveau en action ” fut montré à une de ces assemblées à laquelle 1 263 personnes écoutèrent le discours public prononcé par frère Henschel. Puis, en août, frère Franz, vice-président de la Société, visita Haïti et parla devant 1 679 auditeurs. Les habitants de cette île sont attentifs aux paroles de vie et il appartient aux frères du pays de faire le nécessaire pour que ces gens parviennent à la maturité. Le serviteur de la filiale relate quelques expériences intéressantes.
Dans un groupe du sud trois frères se firent pionniers pour deux semaines. À cheval ils montaient par des sentiers souvent escarpés et parfois servant de lit aux torrents de la montagne, dans les localités de cette région montagneuse. Tous les pionniers de vacances inscrits jusqu’à maintenant ont atteint la quote-part ; un seul parmi eux a seulement rapporté les 75 heures exigées. Un frère s’engagea le jour de son baptême et travailla 93 heures pendant les deux semaines. À la demande du rédacteur du journal haïtien Sun, nous lui remîmes un article traitant d’un missionnaire local qui était revenu à Haïti après avoir subi une grave intervention chirurgicale ; il avait été opéré d’un cancer. Sachant que les rédacteurs n’aiment pas la prédication, la filiale entrelaça l’article d’un témoignage approprié de telle façon qu’il serait difficile de l’en “ éliminer ” sans ruiner le récit. Il fallait procéder délicatement afin que le lecteur réfractaire aux matières religieuses n’arrête pas sa lecture avant la fin de l’article. L’introduction et une photo du missionnaire parurent en première page dans la colonne “ La personnalité de la semaine ”. Quelques exemplaires de cette édition furent envoyés à des amis à l’étranger et, comme conséquence, l’article parut dans deux journaux canadiens. Une dame américaine habitant dans le nord de notre île nous dit que, bien qu’elle soit opposée à notre œuvre, elle lisait l’article. C’est ainsi qu’un témoignage publié dans un journal peut pénétrer dans beaucoup de foyers dont l’accès nous a été interdit et faire en sorte que le prochain proclamateur qui s’y présentera soit mieux reçu.
Le Sun de Haïti accepta aussi un assez long article se rapportant à frère Franz. Il occupait plus d’une page et contenait une photo du vice-président. Le rédacteur de l’article prit la liberté de l’appeler, dans le titre de l’article, “ le grand petit missionnaire ” et la légende placée sous la photo était ainsi conçue : “ M. Franz, l’orateur qui électrise les auditoires. ”
Un des départements du gouvernement surveille la presse et la propagande. Ce département autorise les stations de T.S.F. à diffuser n’importe quel article publié dans les journaux. À plusieurs reprises ces stations ont diffusé un de nos articulets publiés dans la presse. Ce fut spécialement le cas en ce qui concerne les nouvelles que nous publiions sur nos congrès. Ainsi, “ la publicité paye toujours ”.
La présentation du film “ La Société du Monde Nouveau en action ” attire des foules. Trois missionnaires se joignirent à deux pionniers spéciaux dans la ville de Gonaïves, située au nord de l’île, où nous venons de commencer le travail de témoignage, pour organiser une conférence et montrer le film. Vendredi soir ils ne montraient qu’un rouleau du film pour attirer une petite foule. Ils annoncèrent à celle-ci que le film entier serait présenté le dimanche soir. Ces quelques spectateurs devinrent des agents publicitaires. Ils parlèrent à tous leurs amis de l’événement qui se produirait sur la place publique. Du fait que nous avions demandé aux autorités la permission de montrer le film en ce lieu, un groupe de gardes spécial fut délégué pour aider à contrôler la foule. Nous avions plus de 1 200 spectateurs. Cela montre que par l’emploi du film ces quelques ouvriers purent rendre un bon témoignage.
Bien que nous ne puissions pas rapporter un grand accroissement pour Haïti en ce qui concerne l’année écoulée, nous pouvons dire que grâce aux nouvelles branches de service introduites par la Société le message a pu être communiqué à un bien plus grand nombre de personnes qu’auparavant.