Le Cameroun dit “non !” à la liberté des cultes
DES femmes ont été arrêtées et battues. L’une d’elles a été si brutalisée qu’elle s’est évanouie cinq fois. Quelques-unes, qui étaient malades, ne se rétabliront peut-être pas.
Des hommes ont été frappés sans pitié jusqu’à ce qu’ils perdent connaissance. L’un d’eux reçut vingt coups, puis cent autres et fut battu une troisième fois.
Des centaines de personnes ont été arrêtées sur la base de fausses accusations. Certaines ont été gardées en cellule pendant une semaine sans la moindre commodité. Douze d’entre elles ont été enfermées dans une cellule de 2,50 m de long sur 2 m de large et 3 m de haut, qui n’était aérée que par seize petits trous. Quelques détenus sont restés plusieurs jours sans recevoir de nourriture ni les soins médicaux que nécessitaient leurs blessures.
Ces sévices et bien d’autres encore résultent de la politique officielle du gouvernement. Dans quel pays ? S’agit-il de mauvais traitements infligés dans les camps de concentration nazis ? Les victimes étaient-elles des criminels corrompus ?
Non, ce que vous venez de lire a eu lieu récemment dans un pays africain, le Cameroun. Qui sont les victimes de cette effroyable cruauté ? Ce ne sont pas des criminels ; ces gens ne sont ni des meurtriers, ni des émeutiers, ni des voleurs, ni des révolutionnaires. Bien au contraire, ce sont les citoyens les plus paisibles et les plus honnêtes du pays.
Tout cela a atteint son point culminant lorsque La Presse du Cameroun du 14 mai 1970 fit paraître en première page ce gros titre : “Par décret présidentiel signé hier l’ASSOCIATION DES ‘TÉMOINS DE JÉHOVAH’ INTERDITE AU CAMEROUN.”
Ce journal ajoutait : “Par décret du chef de l’État signé hier, est constatée la dissolution de plein droit, (...) [du] groupement dit ‘Les Témoins de Jéhovah’. L’exercice des activités de cette association est interdit dans l’ensemble de la République fédérale du Cameroun.”
Pourquoi le gouvernement du Cameroun a-t-il pris cette mesure draconienne envers une organisation religieuse dont les membres sont connus dans le monde entier pour leur conduite paisible et ordonnée ? Les témoins ont été accusés de s’opposer au gouvernement, parce qu’ils restent neutres quant aux affaires politiques et ne participent pas à celles-ci.
Les élections présidentielles
Le Président de la République fédérale du Cameroun, El Hadj Ahmadou Ahidjo, est musulman. Le 28 mars 1970, il a été élu pour la troisième fois consécutive pour une durée de cinq ans, obtenant 97,65 pour cent des suffrages populaires. Les commentaires de presse étaient unanimes pour déclarer que l’élection avait été un grand succès et que ceux qui avaient voté l’avaient fait “consciencieusement et en toute liberté”.
Mais la liberté existe-t-elle réellement au Cameroun ? Pas pour tout le monde. Certains membres du parti politique au pouvoir, l’UNC (l’Union nationale camerounaise), ont exercé une forte pression sur les témoins de Jéhovah. Des membres particulièrement fanatiques de ce parti ont éprouvé du ressentiment pour les témoins, parce qu’ils ne participent pas aux affaires politiques, et ils ont fait de ces chrétiens leur cible particulière dans leurs discours durant la campagne électorale.
Par exemple, le 20 mars dernier, André Fouda, membre important de l’assemblée législative et critique virulent des témoins de Jéhovah, attaqua publiquement ces derniers au cours d’une réunion organisée sur “la Place de l’Indépendance” à Akonolinga. Selon un témoin, qui entendit tout le discours prononcé par M. Fouda, celui-ci déclara : “S’il y a des ‘Makas’ (une tribu autrefois anthropophage) à Akonolinga, ils sont libres de manger les témoins de Jéhovah.”
Les témoins subissent des pressions
De nombreuses pressions ont été exercées sur les témoins, afin de les influencer en vue des élections. Le rapport suivant a été fait par un témoin d’Akonolinga :
“Le préfet, M. Louis Mandeng, ordonna à tous les témoins de Jéhovah de se présenter à son bureau le 28 mars, jour des élections, à sept heures du matin. Les témoins obéirent. La sirène sonna pour indiquer l’ouverture des bureaux de vote. M. Mandeng prit la tête avec sa voiture en emportant tous les papiers d’identité des témoins et ordonna à ceux-ci de le suivre jusqu’au bureau de vote situé à cent mètres de là. Quand il devint évident que le préfet voulait les forcer à voter, les témoins cessèrent de suivre sa voiture et rentrèrent chez eux.”
Le soir même et le jour suivant, plusieurs témoins ont été arrêtés. Le ministre chrétien, présidant la congrégation, écrit : “Ce soir-là, à vingt et une heures, j’ai été arrêté par le commandant de la brigade et, cette nuit-là, j’ai dormi nu sur le ciment de la chambre de sûreté.” Ce chrétien fut gardé en prison jusqu’au 22 avril.
Un autre témoin d’Akonolinga rapporte ceci : “Le 23 mars, M. Nicolas Voundi, député du Nyoung et Mfoumou, se présenta au préfet en ma présence et lui rapporta qu’il avait dit à mon patron de ne pas garder un autre témoin et moi-même comme employés dans son atelier. Le 25 mars, lorsque M. Mandeng revint de Yaoundé, il nous ordonna de venir tous deux dans son bureau chaque jour, le matin et l’après-midi.
“‘Maintenant, dit-il, c’est sérieux, et je dois avoir une réponse d’ici demain. Vas-tu voter, oui ou non ? Réponds-moi : as-tu l’intention de voter ou non ?’
“Il frappa la table de sa main droite et me demanda par quatre fois si j’allais voter. Je suis resté silencieux. Il téléphona à la gendarmerie [la police militaire] pour qu’on vienne me chercher. Du 17 au 28 mars, le préfet fit pression sur nous pour que nous votions. Une fois les élections passées, le 28 mars à 18 heures, on ne nous accusa plus de ne pas voter. Le préfet commença alors à nous accuser de prêcher contre le vote, c’est-à-dire de ‘prêcher l’abstention’. J’ai passé la nuit avec onze autres témoins dans une cellule de 2,50 m de long sur 2 m de large et 3 m de haut, aérée uniquement par seize petits trous.”
Des méthodes brutales
Un représentant itinérant des témoins de Jéhovah nous rapporte ce qui lui est arrivé : “Le 26 mars à 21 h 30, j’ai entendu des coups violents frappés à ma porte. Quand j’ai demandé qui était là, on m’a répondu : ‘C’est le commandant de brigade (M. Onguene).’ Je lui ai ouvert la porte, et il m’a demandé ‘Que faites-vous ici ? (...) Montrez-moi vos papiers.’ Tout était en ordre. ‘Où est votre carte d’électeur ?’ ‘Je n’en ai pas.’ ‘Pourquoi ?’ ‘On ne me l’a pas encore donnée.’
“Il m’a dit de le suivre jusqu’à la gendarmerie où il m’ordonna de me déshabiller à l’exception de mon caleçon. Dans la cellule où j’ai dormi, il y avait huit autres témoins de Jéhovah de la congrégation d’Akom. Le lendemain matin, j’ai été désigné avec un autre frère pour laver la voiture du commandant, tandis que les autres ont été employés à construire la barrière de son champ d’arachides.
“Le 27 mars, à 10 h 30, j’ai été réveillé par le même commandant qui m’a dit : ‘Dis-moi si tu vas voter demain, car de sévères punitions attendent tous ceux qui ne voteront pas.’ Je lui avais à peine répondu que j’étais de nouveau enfermé dans la même cellule. Mobilisant tous ses gendarmes, il a commencé à arrêter les témoins dans leur résidence ; au total, quarante-cinq témoins ont été appréhendés.
“Le 28 mars, le jour des élections, les témoins chantaient dans leur cellule. Lorsque le commandant Onguene a appris que nous chantions dans la cellule de la gendarmerie, il a amené avec lui tous les gendarmes et le soldat le plus méchant que j’aie jamais vu, surnommé ‘À tout casser’. Sur l’ordre du commandant, ce soldat a commencé à nous frapper sans pitié. Nous étions tous presque nus, n’ayant pour tout vêtement que nos caleçons. J’ai reçu sur la nuque un coup de bâton qui m’a laissé sans connaissance pendant un moment. D’autres coups m’ont ranimé, car le soldat continuait de frapper. Nos dos sont réellement marqués par les coups de bâton.
“Après nous avoir battus et blessés de cette manière, ils ne nous ont pas permis d’aller à l’hôpital. Pendant huit jours, nous n’avons même pas pu nous laver. Nous avons été privés de nourriture pendant deux jours. Ensuite, nous avons dû désherber et nettoyer la ville. Après trois semaines et demie, on nous a fait monter dans un camion pour nous emmener chez le préfet de Dja et Lobo. Durant le voyage il a plu beaucoup et il faisait froid. Une des chrétiennes qui se trouvait avec nous était enceinte de huit mois. Le dimanche 19 avril, le préfet nous a réunis dans la salle de conférences et nous a ensuite relâchés.”
Certains des plus mauvais traitements subis par les témoins de Jéhovah ont été infligés dans la ville de Sangmélima, où finalement quatre-vingt-douze témoins ont été arrêtés et emprisonnés. L’un d’eux fait le rapport suivant : “C’est précisément le 23 mars, cinq jours avant les élections présidentielles du 28, que deux témoins de la congrégation de Messock ont été emmenés à la BMM (la brigade mixte mobile, police que l’on craint le plus au Cameroun) à Sangmélima, sous l’accusation d’avoir organisé une réunion pour ‘prêcher l’abstention’. Un témoin fut relâché à cause de son âge, mais F..., un pionnier spécial, fut retenu à la BMM.
“Le lendemain de l’élection, une campagne acharnée fut organisée pour arrêter tous les témoins de Jéhovah. Chaque jour, des listes de témoins arrivaient à la BMM, et ceux-ci, hommes et femmes, venaient remplir les cinq cellules de la BMM de Sangmélima.
“À Djoum, quelques témoins ont été traînés nus sur le sol cimenté, après avoir été battus jusqu’au sang. Pendant huit jours, ils ont été obligés de faire leurs besoins dans leur cellule (il n’y avait aucune commodité), après quoi ils ont été chargés dans un camion pour être conduits à Sangmélima. Plus de quarante-cinq témoins, certains avec des enfants et d’autres très âgés et se déplaçant avec peine, ont ainsi été transférés. Ils étaient dans une situation si mauvaise que même les autorités de la préfecture en ont eu pitié et les ont relâchés le jour suivant. Ces témoins ont trouvé plus de quatre-vingts frères et sœurs chrétiens de Sangmélima, Bengbis et Zoetélé, déjà enfermés.
“Les cinq cellules de la BMM à Sangmélima étaient pleines de témoins qui ont été interrogés à tour de rôle jusqu’au 21 avril. Ce jour-là, tous ont été conduits dans la grande salle de conférences de la préfecture pour écouter un discours du préfet, M. Biscène. Il nous a ordonné de voter tous le 7 juin, sans quoi nous serions de nouveau arrêtés.”
Un ministre spécial à plein temps des témoins de Jéhovah rapporte ce qui eut lieu immédiatement après les élections à Bertoua, où plus de trente témoins ont été arrêtés ; il dit : “Durant toute la journée du 2 avril, certains ont été emmenés à tour de rôle à la gendarmerie pour y être interrogés. Notre interrogatoire par le commandant de la brigade a commencé tôt le matin. Voyant qu’il ne pouvait réussir à dicter ses idées au premier frère, il a fait appel au lieutenant, adjoint du commandant de compagnie de Bertoua. Celui-ci, agissant d’une façon plus bestiale, ordonna à un gendarme de battre cruellement les frères au cours de l’interrogatoire. Un jeune témoin de Belabo, âgé seulement de 19 ans (trop jeune pour voter), et un autre de Diang ont été particulièrement battus. Par toutes les questions qu’ils nous posaient, ils voulaient qu’on accuse la Société ou l’un de ses représentants de nous avoir dit de ne pas voter.
“Après toute cette journée de durs traitements, on nous a enfermés dans une cellule, où nous sommes restés deux jours et deux nuits sans manger ni boire, selon l’ordre du lieutenant. Durant la nuit, les deux jeunes gens dont j’ai parlé plus haut souffraient si atrocement qu’ils étaient incapables de bouger.
“Les témoins de Bertoua ont été relâchés le dimanche 5 avril. Durant les treize jours que nous avons passés à la gendarmerie, nous n’avons pas été nourris, exception faite de deux maigres plats que le capitaine nous a envoyés. Fait réjouissant, tous sont déterminés à endurer.”
Les événements qui ont abouti à l’interdiction
Après les élections et toutes les pressions cruelles exercées sur eux, les témoins ont fait de nombreux efforts pour avoir un entretien avec les représentants du gouvernement, afin de leur expliquer leur position fondée sur la Bible. Mais leur tentative fut vaine.
Devant la gravité de la situation, le 13 avril, trois membres responsables de l’association légale des témoins de Jéhovah à Douala ont écrit directement au président El Hadj Ahmadou Ahidjo, le priant respectueusement d’user de l’autorité que lui confèrent ses hautes fonctions pour arrêter la persécution des témoins de Jéhovah. Ceux-ci se proposaient d’envoyer une délégation à Yaoundé, la capitale, pour y rencontrer le président, afin d’exposer leur cas et d’expliquer leur œuvre ainsi que leur but.
Le 21 avril, la plupart des chrétiens qui avaient été arrêtés étaient relâchés à la grande joie des témoins. Cependant, quelques jours plus tard, d’autres arrestations eurent lieu, quoique moins nombreuses. Un calme inquiétant régna jusqu’au 13 mai.
Puis, tel un éclair, on entendit dans tout le pays des nouvelles annonçant l’interdiction complète des témoins de Jéhovah au Cameroun. Le jour suivant cette annonce faite à la radio, la police pénétra dans le bâtiment nouvellement construit à Douala pour abriter les bureaux de la filiale de la Société Watch Tower. Elle apposa les scellés sur les locaux qui renfermaient le matériel de bureau et les livres, ainsi que sur ceux servant de lieu de réunions aux témoins.
Le vendredi 15 mai, au petit matin, le responsable de la filiale quitta Douala pour Yaoundé, afin de présenter une lettre de réclamation au président et pour lui demander une audience. Il ignorait qu’un ordre venait justement d’être signé par le chef de la sûreté nationale, enjoignant à tous les missionnaires témoins de Jéhovah de quitter le pays avant le 20 mai. En revenant à Douala, le samedi 16 mai, le responsable de la filiale trouva le bâtiment gardé par deux policiers armés. Tous les membres du bureau furent obligés de rester dans la maison jusqu’au dimanche soir 17 mai. Personne ne fut autorisé à en sortir ou à y entrer. Cependant, les missionnaires furent en général traités avec bienveillance et respect par la police.
Toutefois, durant tout ce temps-là, les témoins n’ont jamais reçu d’accusé de réception aux lettres qu’ils avaient envoyées aux fonctionnaires du gouvernement. Ces chrétiens n’ont eu aucune notification écrite. Tout s’est passé en secret sans que les représentants de la Société aient eu la moindre possibilité de se défendre.
Le 20 mai, six missionnaires, cinq Canadiens et un Nigérian, ont été expulsés du pays. Jusque-là, plus de 335 arrestations de témoins de Jéhovah avaient été signalées au bureau de la filiale.
Les élections législatives et une cruauté plus grande
Les arrestations et les coups n’ont pas cessé avec les élections présidentielles du 28 mars. Les élections législatives du 7 juin ont été un autre prétexte pour attaquer les témoins de Jéhovah, et de nombreuses arrestations eurent lieu. Un témoin de Manjo nous rapporte ceci :
“Le samedi 6 juin, le sous-préfet, M. Moussa Mbello, commença la campagne d’arrestations. Un témoin fut arrêté le jour avant les élections. Des femmes de soixante-quinze ans furent conduites à la gendarmerie et maltraitées. Certaines d’entre elles étaient malades, et nous ne savons pas si elles se rétabliront.
“Il était étonnant de voir le sous-préfet aller de maison en maison et fouiller même les plantations des frères pour les arrêter. Cette fouille s’est poursuivie jour et nuit. Ceux qui prennent la tête dans cette attaque sont M. Moussa Mbello, le sous-préfet, et M. Pascal Wansi, le président de la sous-section de l’UNC.”
À Namba, immédiatement après les élections législatives du 7 juin, une femme, témoin de Jéhovah, a été si sévèrement battue qu’elle s’est évanouie à cinq reprises. Une autre femme a perdu connaissance trois fois. Un homme, témoin de Jéhovah, a reçu vingt coups, puis cent autres coups à l’entrée de la Salle du Royaume. Il a été battu encore une troisième fois.
Dans beaucoup d’autres villes et villages, les témoins ont été menacés, battus ou emprisonnés. Le même genre de persécution s’est reproduit à Abong Mbang, Ayos, Belabo, Diang, Bengbis, Bipindi, Dizangué, Kobdombo, Minta, Ndoum, Songmbengué, Zoetélé et dans de nombreux autres endroits du pays. Plus de quatre cents arrestations ont été rapportées dans les quelques semaines qui ont précédé et suivi ces deux élections.
Pourquoi les témoins de Jéhovah ont-ils subi ce traitement honteux ?
Pourquoi cette interdiction ?
Trois semaines après les élections législatives, le président Ahidjo inaugura la nouvelle maison du parti à Douala. Faisant allusion à l’interdiction des témoins de Jéhovah, il déclara :
“Elle se justifie par le fait que cette secte a servi de couverture à une entreprise de subversion téléguidée de l’extérieur et dont le but était, par une campagne organisée de dénégation et de dénigrement, de saper les institutions que le peuple camerounais s’est librement données, entreprise inadmissible dans un pays qui a tant souffert de subversion à l’aube de son indépendance.” — La Presse du Cameroun, 26 juin 1970.
Mais ces accusations sont-elles véridiques ? Les témoins de Jéhovah sont connus dans le monde entier pour leur neutralité absolue dans les affaires politiques. Ils passent également pour des citoyens sincères, honnêtes et respectueux des lois. Considérons, par exemple, leur activité au Cameroun.
Pendant de nombreuses années, les témoins ont porté la bonne nouvelle du Royaume céleste de Dieu aux habitants hospitaliers du Cameroun. En 1962, une association légale a été constituée et une filiale ouverte à Douala, pour veiller sur l’organisation en plein développement. Au cours des huit années suivantes, la bonne nouvelle du Royaume de Dieu a été prêchée par plus de 12 000 témoins dans presque chaque ville et chaque village du pays. Les habitants de toutes ces régions ont eu la possibilité de se rendre compte que les témoins s’occupent de la prédication de la bonne nouvelle du Royaume de Dieu, sans se mêler de politique, par conséquent qu’ils ne pratiqueront jamais la subversion.
Qui donc a pris la responsabilité de dire “non !” à la liberté des cultes au Cameroun ? Il est certain que le président de ce pays ainsi que d’autres fonctionnaires portent une grande responsabilité sous ce rapport. Mais celle-ci ne repose pas uniquement sur les hommes politiques. Que dirons-nous du clergé des religions du Cameroun ? Quelle sera votre pensée lorsque vous aurez lu des commentaires comme celui qui a été publié dans La Presse du 15 mai 1970, sous le titre “Pourquoi on les interdit” ? L’auteur de l’article fait cette remarque : “Évidemment, ce prosélytisme envahissant [des témoins de Jéhovah] ne fait pas plaisir à beaucoup de personnes, encore moins aux autres religions chrétiennes dont les ‘témoins de Jéhovah’ débauchent les paroissiens.”
Mais que dit la loi du Cameroun ?
La loi du Cameroun
La loi du Cameroun ne rend pas le vote obligatoire, bien que cela ait été exigé des témoins de Jéhovah. La loi électorale no 69 LF interdit toutefois de pousser quelqu’un à “s’abstenir de voter”. C’est pourquoi, les témoins de Jéhovah s’étant abstenus de participer aux élections, ont été souvent accusés de “prêcher l’abstention”. Mais aucun témoin n’a pourtant été formellement accusé d’un tel délit. En réalité, aucun cas n’a été jugé par les tribunaux avant ou immédiatement après les élections.
Les témoins de Jéhovah ne prêchent pas un message politique, mais la Bible, la Parole de Dieu, et cela depuis plus de vingt-cinq ans au Cameroun. Pendant les élections, les témoins n’ont pas mené de campagne de porte en porte ou ailleurs pour inviter les gens à ne pas voter. Ils n’ont participé à aucun mouvement de protestation contre un parti politique ou un candidat. Ils ne prêchent pas pour ou contre un candidat. Ils n’interviennent pas dans ces questions, que ce soit au Cameroun ou ailleurs.
Pourquoi alors les témoins de Jéhovah ne votent-ils pas ? Parce qu’ils considèrent le Royaume de Dieu et du Christ comme le seul espoir de l’humanité. De plus, parlant de ses disciples, Jésus-Christ déclara à son Père céleste qu’“ils ne font pas partie du monde, tout comme je ne fais pas partie du monde”. (Jean 17:14 ; Jacq. 4:4.) Les témoins s’efforcent sincèrement de suivre l’exemple de Jésus ainsi que son conseil de ne pas ‘faire partie du monde’. Pour eux, gagner l’approbation de Dieu et de Jésus-Christ est beaucoup plus important que toute autre chose. Cependant, bien qu’ils aient adopté ce point de vue pour eux-mêmes, les témoins croient également qu’il ne serait pas bien de leur part d’empêcher leurs semblables de voter ou de s’opposer à leurs efforts en ce sens. En réalité, les témoins de Jéhovah reconnaissent spontanément que quiconque est libre de voter s’il en a le désir.
Les témoins n’ont pas enfreint la constitution du Cameroun. Celle-ci, très bien écrite, déclare dans son premier article :
“La République fédérale du Cameroun est démocratique, laïque et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens. Elle affirme son attachement aux libertés fondamentales inscrites dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et à la Charte des Nations unies.”
Il est évident que la loi prévoit la protection de tous les citoyens du Cameroun. Elle garantit fermement la liberté des cultes et d’association. Cependant, dans la réalité, le Cameroun a dit “non !” à la liberté des cultes.
Les témoins ne mettent pas en danger les gouvernements
Aucun gouvernement ne doit craindre quoi que ce soit de la part des témoins de Jéhovah. Le fait qu’ils gardent leur neutralité dans les affaires politiques du Cameroun ne signifie pas qu’ils sont des agents de quelque autre gouvernement humain. Les témoins s’abstiennent de participer à la politique dans tous les pays du monde, que ce soit en Amérique, en Europe, en Afrique ou ailleurs. Ils ne constituent pas un mouvement de ‘subversion téléguidé de l’extérieur’.
D’autres gouvernements qui, à cause d’une mauvaise influence, avaient interdit l’œuvre des témoins de Jéhovah, l’ont reconnue par la suite et ont rétabli les témoins dans leurs statuts juridiques. Par exemple, en 1941, les témoins ont été interdits en Australie. Plus tard, l’affaire fut présentée au juge Starke de la cour suprême de ce pays. Après avoir écouté les arguments, il décida que la cour tout entière devait examiner ce cas. Ayant considéré les questions en cause, la cour suprême déclara le 14 juin 1943 que les témoins de Jéhovah n’étaient engagés dans aucune entreprise subversive et qu’ils n’étaient donc pas dangereux pour l’Étata. En levant l’interdiction frappant les témoins, la cour, par l’entremise du juge Williams, parla des “doctrines et des principes parfaitement innocents” défendus par les témoins et ajouta :
“Comme la religion des témoins de Jéhovah est chrétienne, la déclaration selon laquelle cette association est une organisation illégale a pour conséquence de rendre illégale la défense des principes et des doctrines de la religion chrétienne et de faire de chaque service religieux conduit par des gens croyant à la naissance du Christ une assemblée illégale.”
L’interdiction des témoins de Jéhovah au Cameroun a le même effet dans ce pays.
En outre, les témoins n’ont pas participé à la moindre “campagne de dénégation” contre le gouvernement, comme le prétend l’accusation portée contre eux. En réalité, leur auxiliaire biblique le plus largement diffusé, publié à ce jour en trente millions d’exemplaires et en soixante langues, enseigne précisément qu’il serait mal d’agir ainsi. Parlant des gouvernements humains, ce livre intitulé La vérité qui conduit à la vie éternelle déclare à la page 158: “Dès lors, si Dieu leur permet de gouverner, pourquoi le chrétien s’y opposerait-il ? (...) Il est bien d’accorder aux gouvernements le respect qui leur est dû.” Il ne fait donc aucun doute que cet enseignement des témoins de Jéhovah ne va pas à l’encontre des intérêts de quelque gouvernement que ce soit.
Ainsi, les faits montrent que l’interdiction des témoins au Cameroun et les raisons invoquées ne reposent sur aucun fondement valable.
Une perte pour le Cameroun
L’interdiction des témoins au Cameroun ne procurera aucun bienfait aux habitants ou aux dirigeants du pays. Bien au contraire, ils perdront beaucoup. En disant “non !” à la liberté des cultes le Cameroun nuit à sa réputation dans le monde entier.
Les chefs politiques qui agissent avec cruauté et brutalité pour forcer les chrétiens à violer leur conscience éduquée par la Bible perdent toute dignité.
Le peuple est privé d’une éducation et d’un grand réconfort spirituels, car les témoins lui apportaient ces choses tout en aidant certains Camerounais à apprendre à lire et à écrire.
L’interdiction des témoins a privé les Camerounais au cœur honnête de la possibilité d’entretenir des conversations bibliques édifiantes. J.-P. Bayemi parle de cette perte dans L’Effort camerounais du 14 juin 1970 ; il écrit :
“Reconnaissons à leur actif au moins ceci qu’ils ont réussi à un titre tout à fait particulier à ôter aux questions d’argent, de femmes, d’hommes ou de boisson le monopole que ces derniers sujets s’étaient taillé, avant l’autorisation des Témoins de Jéhovah, sur les conversations dans les cases, les quartiers et les places et transports publics. Eh oui, il fut un temps où il était extrêmement rare de surprendre des chrétiens discutant un sujet biblique.”
Rien ne peut mieux élever les mœurs d’un pays que les principes de la Bible, la Parole de Dieu. Les témoins font de grands efforts en faveur du développement moral et spirituel de tous ceux qui désirent acquérir une plus grande connaissance de la Bible. Quelle perte pour le Cameroun maintenant que ces principes moraux élevés ne peuvent plus être librement enseignés par les témoins de Jéhovah !
Vous pouvez exprimer votre pensée
Que pensez-vous de ces traitements cruels infligés à des chrétiens paisibles ? Leur œuvre de prédication est interdite. Ils n’ont même pas le droit d’entretenir des conversations bibliques en privé. Les libertés personnelles très précieuses ont été mises de côté. Les témoins de Jéhovah et d’autres personnes du monde entier, qui aiment la liberté des cultes, ne peuvent excuser cette action arbitraire en gardant le silence.
Si vous désirez ajouter votre voix aux expressions d’indignation devant l’action entreprise par le gouvernement du Cameroun à l’encontre de chrétiens aimant la paix, alors écrivez à l’ambassadeur du Cameroun dans votre pays ou le plus proche, ou encore aux hauts fonctionnaires du gouvernement camerounais dont la liste est donnée à la page suivante.
Montrez que vous désapprouvez cette action arbitraire. Expliquez que les témoins ne se mêlent nulle part de politique et que les accusations portées contre eux sont sans fondement. Faites appel au respect de la dignité de l’homme et de la liberté des cultes garantie par la constitution du Cameroun. Incitez ces fonctionnaires à considérer leur respect de la bonne réputation de leur pays et de l’Afrique. Ne devrions-nous pas aider le président et les hauts fonctionnaires du Cameroun à comprendre que lorsque des chrétiens innocents sont cruellement maltraités, le reste du monde en prend note ? Ne devraient-ils pas se rendre compte qu’ils ne sont pas devenus plus populaires, aux yeux de leur peuple et à ceux des personnes droites des autres parties du monde, en traitant de la sorte les chrétiens qui recherchent la paix ?
Puisse votre requête aider le Cameroun à dire de nouveau “oui !” à la liberté des cultes !
[Note]
a Adelaide Company of Jehovah’s Witnesses, Inc., contre The Commonwealth (1943), 67 C.L.R. 116, 124.
[Encadré, page 736]
Hauts fonctionnaires du gouvernement du Cameroun
Son Excellence
El Hadj Ahmadou Ahidjo
Président de la République fédérale du Cameroun
Palais de la Présidence
Yaoundé
République fédérale du Cameroun
L’Honorable Salomon Tandeng Muna
Vice-Président de la République fédérale du Cameroun
B.P. 964
Yaoundé
République fédérale du Cameroun
M. Énoch Kwayeb
Ministre d’État chargé de l’Administration territoriale fédérale
B.P. 993
Yaoundé
République fédérale du Cameroun
M. Félix Sabal Lecco
Ministre d’État chargé de la Justice
B.P. 1126
Yaoundé
République fédérale du Cameroun
M. Raymond Ntheppe
Ministre des Affaires étrangères
Ministère des Affaires étrangères
Yaoundé
République fédérale du Cameroun
M. Vroumsia Tchinaye
Ministre de l’Information
B.P. 1054
Yaoundé
République fédérale du Cameroun