Une éclipse totale de Soleil
De notre correspondant au Mexique
LE SAMEDI matin 7 mars était beau et ensoleillé au Mexique. La journée commença comme n’importe quel autre jour à cette époque de l’année. Et pourtant, il y avait dans l’air quelque chose qui indiquait qu’elle serait différente des autres. La circulation dans les villes était moins intense que d’habitude. De nombreuses personnes, surtout les écoliers et les enseignants, avaient congé. Il régnait une tranquillité inhabituelle.
À mesure que la matinée s’écoulait, le calme disparaissait et une tension nerveuse, engendrée par l’attente d’un événement insolite, commençait à se manifester. Les gens sortaient leurs appareils photographiques, se munissaient de lunettes de soleil, de filtres et de verres spéciaux, de masques à souder, de morceaux de vieille pellicule, de visières de fortune faites de carton, bref de tout ce qui leur permettrait de suivre sans danger le phénomène extraordinaire qui allait se produire. En effet, ils voulaient fixer le Soleil sans s’abîmer les yeux, car on avait mis en garde le public, par l’intermédiaire des divers moyens d’information, contre une observation directe de l’astre du jour.
Dépêchons-nous donc de grimper au sommet du pic du Metate. Il est déjà dix heures. Les quelques minutes qui restent avant l’événement tant attendu passent lentement pour les uns, mais trop vite pour les autres. La tension nerveuse, l’impatience, la curiosité et l’émotion étreignent la foule. Enfin, le moment tant attendu arrive.
Le grandiose spectacle cosmique commence avec une ponctualité parfaite. Le ciel, qui était d’un bleu d’azur il y a quelques instants, devient gris. Le paysage verdoyant revêt une teinte orange bizarre qui vire au violet. La température baisse. Même les bêtes se rendent compte qu’un phénomène étrange est en train de se produire et elles s’agitent. Les chiens aboient et hurlent, les vaches beuglent, les oiseaux se blottissent dans leur nid, les poules rassemblent leurs poussins et les coqs chantent.
Il y a quelques instants encore, le Soleil était un disque parfait, mais à présent une petite tache apparaît sur son bord oriental : la Lune a commencé à passer devant lui. Elle avance lentement. On dirait que quelqu’un a mordu dans le bord du Soleil. À mesure que la Lune progresse dans sa course, la tache noire s’agrandit. La luminosité diminue de plus en plus.
Le Soleil est déjà caché à moitié. La Lune poursuit inexorablement sa marche jusqu’à ce qu’il ne reste plus du Soleil qu’une bande de lumière brillante. Celle-ci continue de diminuer. On se croirait à la fin de l’après-midi, car les ombres s’allongent. Des coups de vent agitent les arbres qui, dans l’obscurité, ressemblent à des silhouettes. Le malaise des animaux augmente. Le Soleil disparaît rapidement. Seule une très mince bande en est encore visible. Le point culminant de ce spectacle passionnant approche !
Voici enfin l’apogée impressionnant ! La Lune cache entièrement le Soleil : l’éclipse est totale. Nous avons vu le Soleil se coucher et la nuit tomber en plein midi. Il fait beaucoup plus frais. D’épaisses ténèbres recouvrent le paysage qui n’est éclairé que par un mince cercle de lumière autour de la Lune : la couronne solaire.
Tout à coup, tout semble se paralyser. On n’entend que les brèves exclamations d’étonnement des spectateurs animés de sentiments divers. Ils sont pareils à des statues dans un paysage irréel, fantasmagorique. Les étoiles sont visibles. De gigantesques flammes jaillissent du Soleil dont le disque est complètement occulté à présent. Le lointain toutefois est brillamment éclairé. On dirait un lever de Soleil, mais avec cette différence qu’il a lieu tout autour de nous, dans toutes les directions.
Mais le spectacle n’est pas terminé ! Voici qu’apparaît une ravissante couronne de points brillants semblables à des diamants. Ce phénomène, connu sous le nom de “grains de Baily”, est créé par les rayons solaires brillant entre les aspérités de la surface lunaire. À présent, un vif éclat se manifeste sur le côté occidental du disque solaire. Il ressemble aux feux d’une pierre précieuse montée sur une bague. C’est le début de la réapparition du Soleil.
À mesure que l’astre du jour ressort de l’ombre lunaire, il darde de nouveau ses chauds rayons sur la terre. La brève nuit est terminée. La température remonte et tout commence à revivre. Le phénomène auquel nous avons assisté est prodigieux, d’une beauté et d’une ampleur qui défient toute description.
Pourquoi cet événement a-t-il soulevé tant d’intérêt ?
L’éclipse totale que nous avons vue a duré environ trois minutes et demie. Et pourtant, annoncée longtemps à l’avance, elle a été attendue avec impatience par de nombreuses personnes. Cela n’est pas étonnant, car la dernière éclipse totale de Soleil visible au Mexique eut lieu le 10 septembre 1923. On comprend donc pourquoi personne ne voulait manquer ce spectacle.
D’après les calculs des hommes de science — astronomes professionnels et amateurs, astrophysiciens et spécialistes dans de nombreux domaines connexes — le lieu idéal pour observer l’éclipse au Mexique est le pic du Metate, près de la petite ville de Miahuatlán, dans l’État d’Oaxaca.
En effet, ce pic est situé à une altitude de quelque 1 585 mètres et l’air y est relativement exempt de nuages, de poussière, de vapeur, de courants thermiques, etc. Des mois avant l’éclipse, des groupes de savants de plusieurs pays commencèrent leurs travaux aux divers lieux d’observation.
Ils voulaient étudier entre autres, pendant l’éclipse, la déflexion de la lumière des étoiles, les modifications des champs magnétiques et des communications radiophoniques, les effets du phénomène sur les rayons cosmiques et l’action des rayons ultraviolets. Ils désiraient observer également divers phénomènes météorologiques et les perturbations marines. Ils espéraient en outre pouvoir mettre à l’épreuve certains aspects de la théorie d’Einstein sur la relativité et photographier la couronne et les protubérances solaires. Les savants mexicains voulaient surtout étudier l’ionosphère, la propagation des ondes radio et l’électricité statique.
La réaction du public
Il est intéressant d’examiner les réactions, devant cette éclipse, de personnes de régions différentes et de niveaux d’instruction divers. De grands progrès dans le domaine de l’éducation ont été réalisés grâce à la campagne permanente visant à affranchir les hommes de l’ignorance et de la superstition. Et pourtant, il est encore des gens qui croient que ces phénomènes naturels présagent une calamité ou qu’ils exercent sur l’humanité un effet nuisible. Il existe encore des villes où l’on sonne les cloches pendant une éclipse, où les gens font le signe de la croix et s’agenouillent pour demander la miséricorde du ciel. Devant l’église, les vieilles femmes récitent des prières à l’aide d’un chapelet. Les femmes enceintes suspendent à leur cou des ciseaux et d’autres amulettes, espérant ainsi empêcher leur enfant de naître difforme.
Certains peuples attribuent l’éclipse à un combat entre le Soleil et la Lune. C’est pourquoi les gens battent des tambours et font du tapage avec des boîtes en métal, des poêles et d’autres ustensiles, afin d’aider le Soleil à remporter la victoire. D’autres, craintifs devant l’inconnu et le mystérieux, restent immobiles.
Les astrologues profitent de l’occasion pour exploiter les crédules. Ils entourent le phénomène de mysticisme afin de duper les ignorants. Les magiciens, les enchanteurs et autres personnages de même acabit se font fort d’annoncer, d’après la position des étoiles, les événements proches que l’éclipse est censée présager. Par les horoscopes et d’autres prédictions astrologiques, ils abusent des superstitieux. À Miahuatlán, pendant l’éclipse, on a même vu des hippies en train de célébrer des rites et des cérémonies en l’honneur du Soleil.
Qu’est-ce qu’une éclipse ?
Une éclipse est l’obscurcissement temporaire d’un astre par l’interposition d’un autre corps céleste entre cet astre et la source de lumière. Elle peut être totale ou partielle. Elle est totale quand la partie centrale du disque solaire est recouverte, laissant visible un anneau lumineux. Une éclipse de Soleil se produit quand la Lune s’interpose entre l’astre du jour et la Terre, projetant derrière elle un cône d’ombre. L’éclipse annulaire a lieu quand la Lune se trouve à sa distance maximale de la terre et que le cône d’ombre lunaire n’atteint pas notre planète. Il n’existe pas d’éclipses annulaires de la Lune, car la zone d’ombre créée par la Terre est toujours assez grande pour occulter complètement la Lune quand les conditions nécessaires d’alignement se réalisent.
Les éclipses sont des phénomènes naturels qui se produisent avec régularité et précision. Elles ne constituent nullement un mauvais augure et n’annoncent pas une calamité. Elles témoignent au contraire des lois immuables qui régissent l’univers et de l’infinie sagesse divine qui créa les corps célestes et qui préside à leurs mouvements. Ces phénomènes grandioses soulignent notre petitesse à côté du vaste univers qui nous entoure. Le journal mexicain El Universal déclara : “On peut affirmer que toutes les facultés inventives et créatrices de l’homme ne suffiraient pas pour produire un spectacle approchant même de loin celui que nous venons de voir aujourd’hui.”
En vérité, les éclipses sont des merveilles de la création de Jéhovah, un témoignage de plus nous assurant que l’univers fonctionne conformément aux lois parfaites qu’il a établies.