Beautés du monde sous-marin
De notre correspondant aux îles Sous-le-Vent
DES plongeurs munis d’un scaphandre autonome ou tout simplement de palmes et d’un masque, explorent aujourd’hui les merveilles de l’univers sous-marin. Les passionnés de l’exploration sous-marine n’envient pas ceux qui effectuent des vols lunaires ou accomplissent d’autres exploits dans l’espace. Ils sont heureux de partir à la découverte des profondeurs sous-marines, ces régions peu connues de notre planète. La vie et l’activité des habitants des mers ont leur attrait particulier. Le monde du silence offre un contraste agréable avec l’animation et le bruit de la vie sur la terre ferme.
L’exploration sous-marine a une grande utilité. Elle ne comporte pas nécessairement la chasse et le massacre gratuit des habitants des mers. Les océanographes, qui connaissent les possibilités de l’“aquiculture”, proposent celle-ci comme une solution partielle du problème de la pénurie des vivres. Les botanistes et les biologistes portent un vif intérêt à la flore et à la faune marines. D’autres encore sont attirés par la beauté des formes et des couleurs féeriques de l’univers sous-marin.
Les mers tropicales conviennent particulièrement bien à l’exploration sous-marine, car la température qui y règne permet un séjour prolongé sous l’eau. Les eaux limpides qui baignent les îles et les récifs coralliens constituent un lieu idéal pour ce genre d’exploration.
Le récif de corail
Si ces mers attirent tant d’explorateurs, c’est parce que le corail se plaît dans les eaux suffisamment agitées pour assurer un renouvellement constant non seulement de l’eau, mais aussi du plancton. De plus, c’est autour des récifs que l’on trouve la plus grande variété de faune marine. Les petits poissons recherchent la protection du récif avec ses innombrables grottes et crevasses, tandis que les plus grands rôdent sans cesse dans les alentours dans l’espoir de surprendre quelque petit poisson téméraire qui s’est aventuré trop loin de son abri.
Le récif corallien a souvent l’aspect d’un rocher perforé de nombreux trous, mais la formation du corail ne ressemble en rien à celle des roches. Le corail est le résultat du génie architectural de nombreuses générations de minuscules animaux marins apparentés à la méduse et à l’actinie ou anémone de mer. Ces animaux, appelés polypes, sont gélatineux, flexibles et de forme cylindrique. Ils se fixent par l’une de leurs extrémités au récif corallien formé par les demeures des générations précédentes. L’autre extrémité, la bouche du polype, s’ouvre la nuit. Elle est entourée d’une frange de petits tentacules qui s’étendent et s’agitent pour saisir le plancton montant à la surface de l’eau. Chaque polype construit autour de lui un abri protecteur formé de carbonate de calcium sécrété par son épiderme. Pendant la journée, les polypes se retirent dans leurs abris.
D’innombrables petits architectes travaillant côte à côte, année après année, siècle après siècle, ont donc élevé progressivement le récif vers la lumière et lui ont donné son aspect actuel. Des plantes marines y ont pris racine. Avec les éponges, elles ont contribué dans une certaine mesure à cimenter les divers éléments de l’ouvrage. Le récif de corail qui a ainsi pris forme est souvent appelé “l’immeuble sous-marin à appartements multiples”.
En général, les récifs s’élèvent dans les eaux côtières peu profondes où la chaleur et la lumière du soleil pénètrent facilement. L’une des raisons en est que le corps des polypes renferme des algues microscopiques qui jouent un rôle vital dans les fonctions digestives du petit coralliaire. Or, comme la plupart des plantes, ces algues dépendent de la photosynthèse. C’est pourquoi, sans la lumière solaire, elles meurent et le polype également.
Aussi solide et aussi durable que soit le récif, il subit parfois l’action de puissantes forces de désintégration. Les violents orages notamment détachent des morceaux de corail pesant plusieurs tonnes et les déposent, comme s’il s’agissait d’allumettes, sur le sommet du récif.
Les variétés de corail
Certains coraux ne sont pas soudés au récif proprement dit, quoique leur présence augmente sa masse. Le corail en forme de bois de cerf ressemble aux branches d’un arbre énorme. Ces ramifications peuvent atteindre de quatre à six mètres et avoir un diamètre de soixante centimètres à leur base. Le corail en forme de gros galets est souvent marqué de sillons qui ressemblent aux circonvolutions du cerveau. Il se forme généralement dans les trous d’eau près du récif.
Les plongeurs redoutent le corail urticant, car il provoque des lésions douloureuses. Une autre sorte encore ressemble par sa forme à une laitue. Les coraux mous comprennent le corail étoile de teinte vive et d’autres qui ne sont qu’une masse flasque ayant de longs rameaux spongieux. D’autres encore ressemblent à d’énormes assiettes d’environ deux mètres de diamètre. Les polypes sont disposés en cercles concentriques.
Les seigneurs du récif
Bien que les coralliaires soient des architectes et des constructeurs émérites, il faut admettre qu’en réalité les seigneurs du récif sont les poissons. C’est là qu’ils se nourrissent, prennent leurs ébats et se soustraient aux grands pilleurs des mers. La population du récif offre une grande variété de formes, de grandeurs, de couleurs et de dessins curieux. Dans ce paysage sous-marin multicolore, les poissons rouges, verts, bleus et de toutes les nuances intermédiaires, font penser à des oiseaux et à des papillons tropicaux aux teintes vives allant et venant dans un jardin de fleurs. Ils évoluent avec aisance parmi les coraux déchiquetés où la vigilance et une grande mobilité sont indispensables pour effectuer les rapides démarrages et les brusques arrêts que nécessite ce milieu. C’est pourquoi la plus grande partie de cette faune colorée est de dimensions modestes.
Près du récif, sur le fond de sable, le petit opisthognathe à tête jaune se creuse avec ses mâchoires un abri de quelques centimètres de profondeur. Devant le danger il s’y réfugie en y entrant à reculons. De tels abris sont généralement garnis à l’intérieur de petits galets choisis avec soin. Des bancs de poissons-anges et de balistes marqués de jolies rayures, passent silencieusement. À la surface du récif les perroquets de mer bleus brisent des morceaux de corail avec leurs dents en forme de bec osseux, afin de se délecter des polypes succulents qui se trouvent à l’intérieur.
Profondément enfouies dans les coins et recoins du récif ou blotties parmi les tas de pierres de lest d’anciennes épaves, voici la murène tachetée, qui mesure un mètre, et sa parente la murène verte, deux fois plus longue. Ces poissons puissants, les plus redoutables habitants de ces parages, sont capables de trancher d’un coup de leurs dents acérées les doigts ou les orteils d’un homme. Au-delà du récif, dans les eaux plus profondes, les prédateurs plus grands, toujours aux aguets, attendent l’arrivée d’une proie. Ce sont le requin-marteau et d’autres requins, ainsi que le barracuda, variété de sphyrène qui mesure deux mètres.
Le barracuda, conçu pour la chasse (car il est rapide et frappe avec force) est exigeant en matière de nourriture. Les quelques rares attaques livrées par ce poisson contre l’homme représentent, pense-t-on, des erreurs de sa part. En général, il tue parce qu’il a faim et uniquement les proies qu’il va manger. Il ne se livre pas au carnage gratuit et cruel.
Tandis que les grands poissons au-delà du récif posent quelques problèmes à l’homme, il existe d’autres dangers plus immédiats contre lesquels il doit se défendre. L’un d’eux est l’oursin, petit animal fouisseur hérissé de piquants. Ceux-ci pénètrent et se cassent dans la chair du plongeur qui le frôle. Ils sont très difficiles à enlever et risquent de provoquer une infection.
La méduse urticante constitue un autre danger. Comme pour désarmer le nageur, elle revêt de belles teintes : bleu foncé, brun et jaune, mais elle est capable de provoquer une douleur cuisante. L’une des méduses les plus dangereuses est la physalie. Celle-ci flotte sur la mer en laissant traîner sous l’eau de longs filaments venimeux. Le venin de la physalie peut même être mortel.
Les petits coralliaires ont eux-mêmes un ennemi redoutable : l’astérie de mer, qui recherche et dévore ces polypes. Dans le Pacifique, les astéries connaissent, semble-t-il, une telle explosion démographique qu’elles ont complètement dépeuplé de nombreux récifs, les transformant ainsi en cimetières recouverts d’algues, en “immeubles à appartements multiples” vides et sans vie.
Le monde sous-marin, tout comme celui de la terre ferme, est extrêmement varié ; il a ses attraits et ses dangers. Le plongeur qui réfléchit à toutes les merveilles du monde du silence ne peut s’empêcher de ressentir une crainte respectueuse devant la création de Celui qui ordonna au commencement : “Que les eaux produisent en abondance des animaux vivants.” — Gen. 1:20.