Les terribles incendies en Californie
LES maisons flambaient comme des torches. Les flammes sautaient d’un bâtiment à l’autre. Les habitants se sauvaient à toute vitesse, le feu à leurs trousses. Cette catastrophe se produisit non loin de Los Angeles, l’une des plus grandes villes du monde.
Un été extrêmement sec et des vents soufflant jusqu’à 120 kilomètres à l’heure, contribuaient à transformer le plus petit feu en incendie violent. La fumée s’élevait à une hauteur de trois mille mètres. À 240 kilomètres environ vers le sud, d’autres nuages de fumée menaçants planaient sur le comté de San Diego. La plupart des habitants du sud de la Californie pouvaient voir les flammes d’un de ces incendies.
En moins d’une semaine, ceux-ci ont ravagé quelque 1 700 kilomètres carrés de la Californie méridionale, l’équivalent d’une bande de terrain de 16 kilomètres de large et de 110 kilomètres de long. Ils ont détruit plus de 400 foyers et fait dix morts.
Un violent incendie éclata vers 10 h 30 le vendredi 26 septembre dans les collines situées à l’ouest de la vallée de San Fernando où habite environ la moitié de la population du grand Los Angeles. En moins de cinq minutes, le feu se propagea sur plus de 20 hectares, et en moins d’une heure 100 hectares brûlaient. Les flammes franchissaient les montagnes par le Malibu Cañon, quartier cossu. Elles s’élevaient en spirales dansantes jusqu’à une hauteur de 18 mètres et avançaient impitoyablement vers la mer à des vitesses de l’ordre de 120 kilomètres à l’heure. Visibles à une distance de 60 kilomètres, elles dévoraient des demeures somptueuses. Des étincelles et des tisons ardents, emportés par le vent, propageaient le feu. Des bardeaux enflammés, arrachés aux toits des maisons qui brûlaient, furent projetés sur d’autres maisons des centaines de mètres plus loin.
Dans sa course impitoyable vers le Pacifique, le feu bondissait à travers l’autoroute menant à la côte, détruisant des groupes de maisons le long de la plage. À un moment donné, 20 demeures luxueuses du quartier de Malibu flambaient simultanément.
Vue des airs, la plaine côtière ressemblait à une région dévastée par la guerre. La chaleur était si intense que les vitres et même le métal fondaient.
Une habitante du quartier de Malibu était persuadée que sa maison ne serait pas atteinte. “Tout à coup, raconta-t-elle par la suite, les nuages devinrent noirs comme du charbon avec des reflets rouges.” Le feu traversa la chaîne de collines à près d’un kilomètre de là, puis “en l’espace de quelques secondes il était tout autour de nous. Le vent grondait comme une locomotive en franchissant le cañon. Nous nous sommes sauvés sans même prendre mon sac, pendant que le feu avançait de chaque côté de la route”.
Rien dans la maison n’était récupérable. Seuls deux petits canards survécurent au sinistre. On les trouva, immobiles mais indemnes, sur l’étang rempli de débris calcinés. La dame déclara : “Ils étaient le seul spectacle réjouissant dans ce sombre tableau.”
D’autres incendies
Ce ne fut pas le seul incendie toutefois. Près de Newhall, à une trentaine de kilomètres de la côte, des vents violents abattirent des lignes à haute tension qui allumèrent un deuxième incendie désastreux. Un troisième éclata à environ 15 kilomètres vers l’ouest, près de Thousand Oaks. Le samedi, à midi, les trois incendies s’étaient rejoints pour former un brasier de 55 kilomètres de long en forme de croissant, autour de l’extrémité occidentale de la vallée de San Fernando. Le périmètre de cet énorme incendie s’étendait sur 230 kilomètres.
“Les incendies de forêt ne sont pas rares dans cette vallée, déclara Forrest Tanner. Il est donc courant d’y voir de la fumée. Nous avons commencé à nous alarmer quand nous avons appris que des maisons brûlaient à Chatsworth et qu’il était impossible de maîtriser le feu.” Effectivement, à Chatsworth, 35 maisons (valant près de 400 000 francs français chacune) furent détruites.
L’occupant de l’une des premières maisons de Chatsworth à prendre feu, déclara : “Je ne pensais pas qu’il y avait lieu de s’affoler. Je ne songeais même pas à arroser le toit, d’ailleurs il n’y avait pas d’eau disponible.” Montrant du doigt une petite colline derrière la maison, il dit : “Je me trouvais au sommet de cette colline moins de cinq minutes avant le début de l’incendie, et je n’ai rien vu. Comme il y avait beaucoup de fumée, je pensais qu’il serait néanmoins prudent de partir, mais je n’ai pas vu de feu.”
Cependant, en moins de cinq minutes le vent entraîna les flammes à une vitesse vertigineuse à travers l’herbe qui tapissait la colline, et la maison de cet homme brûla de fond en comble. Le feu se propageait d’une maison à l’autre. Les toits s’écroulaient d’abord, puis le reste se consumait en quinze à vingt minutes. Quatorze maisons neuves du côté sud d’une rue brûlèrent. Une quinzième, au milieu de la rangée, est restée intacte.
Les habitants d’autres régions du monde s’étonneront sans doute que les maisons ici ne soient pas faites de pierres ou de briques et de tuiles, mais en Californie le bois est le matériau de construction courant.
L’incendie de San Diego
À environ 240 kilomètres au sud-est du brasier de Los Angeles, les mêmes vents propageaient un autre incendie terrifiant. Il prit naissance le samedi dans les hauteurs de la forêt nationale Cleveland. Un des poteaux des lignes à haute tension, renversé par le vent, avait embrasé les broussailles sèches. Attisé par des rafales soufflant à 120 kilomètres à l’heure, le feu montait et descendait les flancs des montagnes en rugissant. Il s’engouffrait dans les cañons et déferlait dans les vallées boisées jusqu’aux quartiers résidentiels.
De quarante mille à soixante mille personnes, estimait-on, évacuèrent leur foyer. “On aurait dit une ville fantôme”, déclara Leon Crooks de Pine Valley, localité verdoyante située à 80 kilomètres à l’est de San Diego. “Les forces de l’ordre sont restées pour patrouiller dans les rues, ajouta-t-il, afin de prévenir le pillage.”
Une trombe de feu dévora une maison puis se divisa en deux parties dont une traversa le petit bois à côté de la demeure de Crooks. Le tourbillon de flammes longea sa clôture jusqu’à une distance de 60 centimètres de sa maison, où il s’arrêta sans même en roussir la peinture. Suivant les caprices du vent, plusieurs arbres avaient un côté brûlé tandis que l’autre côté était resté vert.
Clarence Engebretson, de la petite localité d’Alpine, située à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de San Diego, dut évacuer sa maison à deux reprises. La première fois, le feu passa à environ 400 mètres de chez lui. Parlant de la seconde évacuation, sa femme déclara : “Le vent était si fort qu’il fallait se raidir pour marcher. Le feu avançait à une vitesse incroyable ; il ressemblait à la flamme qui parcourt une mèche. Nous avons entassé les enfants et les animaux à toute vitesse dans la voiture, puis nous nous sommes sauvés.” Lors de leur retour, ces personnes s’attendaient à trouver leur maison entièrement brûlée, mais le vent avait entraîné le feu à travers un terrain voisin, et leur foyer avait échappé au sinistre.
Albert Davis de La Cresta, localité qui se trouve à 11 kilomètres à l’ouest d’Alpine, raconta qu’il s’était éveillé vers 5 heures le dimanche matin. “Nous pouvions voir le feu là-bas, près d’Alpine, dit-il, en montrant du doigt l’autre côté de la vallée, et tout autour de nous à perte de vue.” Harbison Cañon, situé entre La Cresta et Alpine, subit des ravages d’une grande envergure. “En évacuant notre maison le dimanche, déclara Mme Davis, nous avons vu le feu, entraîné par le vent, surgir par-dessus la crête. Des matières enflammées tombèrent dans le cañon.” Au cours du dimanche après-midi, environ 80 maisons furent détruites ou endommagées dans cette localité.
Ensuite, le vent chassa le feu vers les hauteurs et jusqu’à La Cresta, localité formée d’habitations d’une valeur de 165 000 à 220 000 francs français. “À cet endroit précis, il y avait plusieurs maisons”, déclara Davis. Des pans de cheminées sont restés debout. Dans un jardin on pouvait encore voir le châssis métallique d’une balançoire. Un journaliste compta 40 habitations de La Cresta plus ou moins endommagées.
L’incendie frappa au petit bonheur tant les demeures des riches que celles des pauvres. À côté de maisons complètement brûlées, on en voyait d’autres qui n’avaient pas été touchées par le feu.
“Personne ne prend un incendie au sérieux jusqu’au moment où il y a le feu chez lui”, déclara Joseph Taschetti, de la ville d’El Cajon, à une trentaine de kilomètres de San Diego. Il s’était rendu chez un ami, dont la maison était menacée, pour l’aider. “Le feu avançait par bonds, raconta-t-il. Après un bond d’une trentaine de mètres, il rampait un peu puis bondissait de nouveau. Les voitures explosaient et les maisons se consumaient.” Bruce Jenson déclara : “Il aurait été impossible de distancer le feu si l’on s’était trouvé sur son chemin. Pour y échapper, il fallait être, comme nous, dans une clairière.”
Quand, finalement, vers 18 heures le mercredi, on réussit à circonscrire cet incendie, il avait dévoré quelque 75 000 hectares de forêt et détruit au moins 250 habitations.
Comment de tels incendies prennent-ils naissance ?
Comment des incendies aussi terribles se déclarent-ils et pourquoi ne parvient-on pas à les maîtriser ?
La Californie méridionale est une région très sèche. L’herbe, les buissons et les petits arbres retiennent l’eau pendant l’hiver, mais au cours des longs mois d’été ils brunissent. Il suffit alors d’une étincelle pour enflammer cette végétation sèche et résineuse. Le danger est si grand que des écriteaux le long des routes interdisent de fumer dans cette région.
Un autre facteur qui favorise les incendies est le vent. Il arrive que des vents chauds et secs venant d’une région de haute pression au-dessus des déserts, soufflent dans les cañons vers une région de basse pression au-dessus du Pacifique. Appelés localement les vents Santa Ana, ils augmentent considérablement les risques d’incendie. Le désastre de l’automne dernier eut pour cause les vents Santa Ana les plus violents des dernières années, et qui ne contenaient pour ainsi dire aucune humidité. Ils eurent vite fait de transformer les étincelles en fournaises.
Les “tempêtes de feu”
Dans de telles conditions, de terrifiantes “tempêtes de feu” prennent naissance. Les pompiers parlent de températures de l’ordre de 975 degrés ! L’air chaud monte si vite que l’air froid arrive de toutes les directions. Des flammes tourbillonnantes s’élèvent jusqu’à une hauteur de 20 à 30 mètres et envoient des étincelles jusqu’à 1 500 mètres d’altitude.
Dans les régions inaccessibles, les incendies font rage sans qu’on puisse les maîtriser, puis envahissent les régions habitées. Et pourtant, les gens continuent de vivre dans ces zones dangereuses. Évidemment, sur les hauteurs l’air est plus sain, on y découvre un beau panorama et, les maisons étant moins serrées que dans les grandes agglomérations, il y règne encore l’ambiance du “Vieil Ouest”.
Lorsque les incendies violents s’étendent, le matériel est souvent insuffisant pour protéger toutes les maisons. Les pompiers essaient de circonscrire le feu sur les flancs, afin de sauver un maximum de biens.
Des milliers d’hommes ont donc combattu les incendies pendant de longues journées. Des propriétaires ont sauvé leur maison à l’aide de tuyaux d’arrosage, de seaux et de pelles. On inondait les jardins et on laissait les arroseurs automatiques en marche sur les toits. Les gens se servaient de tapis mouillés pour éteindre les flammèches qui s’approchaient trop près de leur habitation. Ils luttaient contre des vents assez forts pour secouer une voiture ou renverser un homme. Quand ils perdaient la partie, leur maison se consumait dans une colonne de flammes d’une dizaine de mètres de hauteur.
On se servait d’avions pour arroser le sol d’eau et de produits chimiques. Des bombardiers B-17, vieux de 25 ans, survolaient les crêtes à une hauteur de 30 mètres seulement, en larguant leur charge d’eau. Un avion spécial que l’on avait fait venir du Canada, survolait le Pacifique à basse altitude en aspirant de l’eau au moyen de tuyaux. Il la répandait ensuite sur le feu à raison de 5 760 litres toutes les six minutes.
Les pompiers creusaient des tranchées pare-feu à l’aide de bulldozers, puis allumaient de petits feux pour brûler les broussailles qui auraient servi à alimenter l’incendie. Leur premier but consistait à “circonscrire” le feu, c’est-à-dire à l’enfermer dans des limites, plutôt que d’essayer de l’éteindre.
Quand enfin les vents tombèrent, les pompiers épuisés réussirent à circonscrire puis à éteindre tous les incendies. Un nouveau problème se posa toutefois. En effet, une fois dénudée, cette vaste région, ligne de partage des eaux, risquait de devenir le théâtre d’inondations de boue et d’eau. On craignait que les pluies d’hiver ne fassent autant de ravages que les incendies.
L’entraide
Les pompiers luttèrent vaillamment. Les organismes publics furent inondés d’offres d’aide ; il y avait plus de volontaires qu’il n’en fallait. L’aide offerte si généreusement défrayait les conversations. On racontait, par exemple, qu’un homme dont la maison venait de brûler grimpa aussitôt sur le toit d’une habitation voisine pour essayer de la sauver.
Les surveillants de nombreuses congrégations de témoins de Jéhovah cherchaient un asile pour tous les membres de celles-ci (environ 85 pour cent des membres de la congrégation de Pine Valley ont dû évacuer leur foyer). D’autres congrégations recueillaient les sinistrés et leur offraient de l’aide matérielle. Les surveillants constataient souvent que les serviteurs aux études bibliques de quartier avaient déjà fait le nécessaire pour évacuer leurs frères chrétiens et qu’ils étaient occupés à arroser les maisons.
Lloyd Harding, surveillant de l’une des congrégations de Saugus, déclara : “L’une des choses qui nous a frappés le plus, c’est que partout où nous sommes allés nos frères chrétiens nous avaient précédés, afin de dispenser de l’aide à titre personnel.” Une quarantaine de membres de sa congrégation étaient descendus de la mesa, menacée par le feu, et s’étaient réfugiés dans la maison d’un autre témoin de Jéhovah.
Glen Chart, ayant été absent, ignorait que sa maison était en danger. En rentrant, il constata que la colline derrière sa propriété brûlait et il en conclut que sa demeure avait été détruite. Au lieu de ruines calcinées, il trouva une vingtaine de personnes qui s’affairaient autour de la maison. “Il y avait tant de voitures, dit-il par la suite, que nous avons dû laisser la nôtre dans l’allée d’un voisin.” On avait déjà enlevé tous les objets de valeur de chez lui et évacué ses bêtes. Ses frères chrétiens étaient en train d’arroser d’eau la maison et le jardin. “Toutes les précautions avaient déjà été prises”, déclara Chart.
La maison de Jeanne Fuchs, à Malibu, brûla de fond en comble. “Tout le monde a été très gentil, dit-elle. Les gens se sont beaucoup dérangés pour nous aider, — des gens de toutes sortes.”
Un homme demanda : “Pourquoi les hommes ne peuvent-ils pas être aussi serviables quand il n’y a pas de catastrophe ?”
Un témoin de Jéhovah déclara plus tard : “Dieu dota l’homme de compassion. Il n’est pas le produit égoïste d’une froide évolution. Il n’est pas non plus un animal obéissant à la loi de ‘la survivance des mieux adaptés’. Au contraire, il a été créé par Dieu à son image. C’est pourquoi il manifeste encore, dans une certaine mesure, les qualités divines que sont la sagesse, la justice, l’amour et la puissance.” En effet, quoi que les hommes aient fait pour étouffer ces qualités, quoi que la société moderne, fondée sur la concurrence et le matérialisme, ait fait pour les supprimer, on ne peut nier qu’elles subsistent toujours.
Les athées, les irréligieux et les gens de toutes les religions continuent de les manifester quand le besoin s’en fait sentir.
Les témoins de Jéhovah sont heureux de savoir que bientôt cette compassion dont l’homme a été doté par Dieu, sera manifestée par tous les humains lorsque le Créateur remplacera le présent système de choses égoïste par son nouvel ordre fondé sur la justice.