Quelles sont les racines du mal ?
JOUISSEZ-VOUS d’une bonne santé mentale ? Alors vous avez des raisons d’être reconnaissant. Néanmoins, il serait utile que vous connaissiez certains des principaux facteurs qui pourraient vous faire perdre ce trésor. Il ne suffit pas de savoir qu’une tragédie soudaine, une grave maladie ou la perte d’un emploi peuvent déclencher des troubles mentaux. En réalité ces circonstances ne rompront votre équilibre que si diverses conditions fondamentales sont d’abord présentes.
On pourrait classer les racines du mal en trois catégories : 1) le milieu, qui inclut notamment les relations avec autrui et les conditions économiques ; 2) les facteurs biologiques, comme l’hérédité et le métabolisme ; et 3) les défauts de la personnalité.
Le milieu
On peut dire que le milieu joue un rôle primordial dans les affections mentales à cause des pressions de la vie moderne. Ce fait est si généralement admis que Langner et Michael ont écrit un important ouvrage sur ce sujet, Le stress et la santé mentale (angl.). De même, le Dr Karl Evang, un Norvégien, a dit : “Un grand nombre de gens sont capables de résister à certaines des maladies physiques les plus redoutées, mais presque tout le monde semble prédisposé aux troubles mentaux si les tensions et les pressions sont assez fortes et le climat social suffisamment défavorable.”
L’auteur de l’ouvrage La schizophrénie — la vôtre et la mienne (angl.) reconnaît également que le milieu est un facteur déterminant. Sous l’en-tête “Que peut faire un schizophrène pour échapper au stress ?”, il répond ainsi : “S’en aller dans une île déserte ou vivre en ermite !” Mais il ajoute : “Ces évasions (...) deviennent difficiles à réaliser.”
Il est de fait que vivre loin des pressions de la civilisation moderne favorise la santé mentale. Un exemple typique est celui des hommes qui vivent isolés à la station météorologique du mont Washington où, dit-on, le temps est le plus mauvais du monde. L’un d’eux explique pourquoi ils préfèrent vivre là : “Il n’y a aucune pression, pas de circulation, pas de patron qui nous épie. Nous avons tous abandonné des emplois mieux rétribués pour ce travail-ci. Les gens pensent que nous sommes fous, mais c’est une erreur (...). Nous sommes en paix avec le monde.”
L’hostilité, les foyers brisés, la pauvreté et la discrimination raciale sont d’autres causes fondamentales de troubles mentaux dus au “milieu”. On peut inclure également l’ambition égoïste et l’avidité des parents qui risque de faire du tort aux jeunes.
Avec le vieillissement le “milieu” peut changer et devenir un facteur de maladie mentale. Le Dr Evang décrit en ces termes ses caractéristiques néfastes : “Le manque d’activité utile, le sentiment d’être oublié, l’isolement du reste de la société dans des hospices de vieillards, la diminution soudaine des revenus.” D’après un psychiatre américain renommé, la “débilité sénile” serait due plutôt à ces conditions qu’à une véritable détérioration de l’organisme.
Un facteur biologique — l’hérédité
Bien que beaucoup de personnes vivent dans des conditions défavorables, un nombre relativement restreint sont atteintes de troubles mentaux. Pourquoi ?
Vraisemblablement à cause de l’hérédité. Certains sont prédisposés aux affections mentales ; ils naissent mal équipés pour affronter les tensions. On peut les comparer à des gens qui naissent pauvres, alors que d’autres naissent riches. Les premiers risquent beaucoup plus que les seconds de s’endetter ou de devoir recourir à l’aide sociale. De même, certains naissent affectivement “pauvres” et risquent davantage de “s’endetter” psychologiquement et de souffrir d’une forme quelconque de maladie mentale.
C’est l’opinion du Dr David Rosenthal. Il dit en effet : “Dans la majeure partie des cas, il faut la présence d’un facteur héréditaire pour que la schizophrénie se développe. Cependant, même celui qui est prédisposé a des chances d’échapper à la maladie s’il n’est pas soumis à de graves pressions extérieures.”
Des recherches ont montré que plus étroite est la parenté avec un schizophrène, plus le risque est grand de contracter la maladie. Si un des parents en est affligé, il y a une chance sur six qu’un des enfants le sera également. Si les deux parents le sont, il y a quatre chances sur six.
Une expérience faite par un groupe de psychiatres a démontré que la schizophrénie avait bien une origine physique. On injecta du sang de schizophrène à deux volontaires normaux. Peu après l’un d’eux tomba dans un état de stupeur et eut des hallucinations. Le second devint paranoïaque ; il soupçonnait tout le monde de parler de lui. Après environ deux heures, tous deux redevinrent normaux.
Les chercheurs sont arrivés à des conclusions semblables en ce qui concerne la cause de la dépression. “Il existe des preuves croissantes que diverses formes de dépression sont héréditaires et (...) qu’une personne a 10 fois plus de chances de faire un épisode précoce de dépression si un de ses proches souffre de ce mal.” Certains psychiatres estiment qu’il s’agit de troubles biochimiques à la hauteur de la cellule cérébrale.
Un autre facteur biologique — le métabolisme
Aujourd’hui on s’intéresse de plus en plus au rôle que joue une alimentation défectueuse dans les troubles mentaux, car elle peut modifier le métabolisme. L’année dernière, le Dr Greden se livra à des recherches psychiatriques au Centre médical de l’armée Walter Reed, à Washington. Il est arrivé à la conclusion que de fortes doses de caféine dans le café, le thé, les comprimés contre les maux de tête et les boissons au cola, peuvent causer certains troubles mentaux. Dans un discours à la réunion annuelle de l’Association américaine de psychiatrie, il dit :
“Pour nombre de gens, supprimer un médicament, la caféine, leur ferait plus de bien que d’en prendre un autre.” Il décrivit divers cas de caféine et déclara ensuite que l’agitation, l’irritabilité, l’insomnie, les maux de tête, les hallucinations, les contractions musculaires, les vomissements et la diarrhée peuvent être causés par la caféine. Il fit cependant remarquer que certains peuvent boire sans dommage 15 tasses de café ou plus par jour, alors que d’autres n’en supportent pas même deux.
Les découvertes du psychiatre britannique Richard Mackarness ont la même importance. À son avis, dans de nombreux cas de maladie mentale, le principe de la médecine psychosomatique est inversé, car ce n’est pas l’esprit qui rend le corps malade, mais le contraire. Il s’agit d’une question d’allergie. Il parle de patients qui pendant des années n’ont fait qu’entrer et sortir des hôpitaux et des établissements psychiatriques, et qui ont été guéris après avoir éliminé de leur régime certains aliments auxquels ils étaient allergiques. Ces aliments varient selon les individus.
Des défauts de la personnalité
Les défauts de la personnalité sont un autre facteur à considérer. Ici, les parents sont généralement coupables d’avoir manqué d’amour et de fermeté.
Dans son livre Santé mentale/maladie mentale (angl.), L. Martin souligne le rôle des parents. Il dit que souvent les parents accordent peu d’attention aux penchants qui se développent chez l’enfant, jusqu’au jour où celui-ci s’attire des ennuis avec la police. Les parents contribuent aussi au problème quand ils attachent plus d’importance aux apparences extérieures qu’aux valeurs fondamentales, et quand ils montrent le mauvais exemple.
Le Dr Robbins, psychiatre à l’hôpital Hillside, à New York, est du même avis. Selon lui, une bonne éducation est vitale pour la santé mentale des enfants ; elle peut leur éviter des problèmes d’ordre psychiatrique. Il dit : “Les jeunes patients envoyés à l’hôpital Hillside se sentent facilement frustrés et veulent obtenir satisfaction immédiatement. Ils entrent à l’hôpital en exigeant qu’on résolve leurs difficultés, au lieu de chercher eux-mêmes à changer.” Ces remarques se rapportent manifestement à des enfants très gâtés.
Il en est de même pour les adultes ; si certaines contraintes semblent leur être nuisibles, c’est peut-être à cause de défauts de la personnalité. Les dépressions mentales sont plus fréquentes dans nos sociétés modernes où le travail lui-même n’est plus considéré comme une chose de valeur qui apporte de la satisfaction. Ce n’est pas que les conditions de travail soient forcément plus pénibles aujourd’hui, mais les travailleurs sont de plus en plus exigeants. Ils veulent non seulement que leur travail leur procure de quoi vivre à eux et à leur famille, mais aussi qu’il satisfasse leur amour-propre.
Puisque les troubles mentaux sont aussi complexes, vous comprendrez aisément pourquoi il y a tant de divergences d’opinions quant à la meilleure manière de les traiter. Quelles méthodes emploie-t-on et quel succès obtient-on ?
[Illustration, page 9]
TROUBLES MENTAUX
MILIEU
HÉRÉDITÉ
MÉTABOLISME
DÉFAUTS DE LA PERSONNALITÉ