Ce qu’il faut savoir sur les brûlures
PEUT-ÊTRE aurez-vous de la peine à le croire, mais, certaines années, près de 12 000 personnes meurent brûlées aux États-Unis et près de 100 000 ont des lésions suffisamment graves pour nécessiter une hospitalisation. Un spécialiste des brûlures a déclaré: “Même si la plupart des gens n’en sont pas conscients, ce problème a pris les proportions d’une véritable épidémie.” Dans son édition de juin 1979, le Reader’s Digest publiait cette affirmation pour le moins surprenante: “Les brûlures constituent à l’heure actuelle la principale cause de mort chez les gens âgés de moins de 40 ans et elles arrivent en troisième pour l’ensemble des tranches d’âge.”
Si vous pensez que cela ne vous arrivera jamais, détrompez-vous, car les statistiques montrent que la probabilité d’être victime d’une brûlure est très élevée. D’autre part, il s’agit d’un accident soudain, qui ne prévient pas. Que faut-il faire alors? Existe-t-il une marche à suivre qui permette de réduire, voire d’éliminer les lésions?
Eh bien, oui.
Du froid pour les brûlures
Un éditorial paru dans l’édition de juillet 1976 de la revue Burns contenait cette remarque: “Beaucoup de brûlés arrivent à l’hôpital sans avoir reçu de premiers soins ou du moins des soins appropriés. On voit s’accumuler les preuves qui attestent que le refroidissement immédiat des brûlures, à condition d’être bien fait, est la seule initiative véritablement bénéfique, aussi bien dans le cadre de l’hôpital qu’à l’extérieur.” — C’est nous qui soulignons.
Jusque dans les années 60, les manuels de premiers secours ne mentionnaient pas ce traitement simple. D’ailleurs, beaucoup de gens auraient dit alors qu’il ne fallait surtout pas mettre de froid sur une brûlure, pour ne pas propager la chaleur. Encore aujourd’hui, nombreux sont les gens qui ne saisissent pas l’intérêt de refroidir sur-le-champ une brûlure. D’une façon ou d’une autre on ne met pas l’accent sur cette technique. Donnons la parole à un brûlé: “Au service des brûlés, le personnel parlait beaucoup aux patients de la prévention des brûlures et des premiers soins, mais, que je sache, on n’a jamais dit un mot sur l’eau froide ou la glace.”
Pourtant, il est à noter que le docteur Shulman écrivait en 1960 dans le Journal de l’Association des médecins américains que l’utilisation du froid pour le traitement des brûlures était “connue des Anciens, mais aujourd’hui le médecin comme le profane semblent s’en être désintéressés. Bien que les rares allusions à ce traitement dans les publications médicales n’en disent que du bien, on n’y recourt pas souvent de nos jours. La plupart des médecins déclarent que ‘cela ne se fait plus’, sans toutefois expliquer pourquoi”.
Au moment de leur accident, beaucoup de brûlés ignoraient ce soin d’urgence. Depuis, certains se sont demandé si leurs lésions auraient eu la même gravité si l’on avait aussitôt recouru à cette méthode lorsqu’il fallait prodiguer les premiers secours. Dans une récente édition de Family Safety, on notait ce qui suit: “L’eau froide interrompt la destruction des tissus qui se poursuit d’habitude longtemps après la brûlure.”
La valeur du froid
Déjà en 1966, Réveillez-vous! avait attiré l’attention de ses lecteurs sur la valeur du traitement des brûlures par le froida. Citant les docteurs Omero Iung et Franklin Wade, l’article expliquait: “Lorsqu’on se brûle, tout le mal n’est pas fait d’un seul coup. Les processus pathologiques continuent pendant un certain temps. (...) Nous pensons que le froid peut ralentir et même arrêter ces processus.”
Le même numéro de Réveillez-vous! mentionnait la méthode de traitement des brûlures du docteur Stephen Lewis: “Quand il s’agit d’une petite brûlure à la main ou à l’une des extrémités inférieures, nous immergeons le membre dans l’eau glacée pendant quinze minutes. Généralement, ce traitement soulage la douleur. (...) Après quinze minutes, on retire le membre de l’eau, puis on continue de le remettre et de le retirer jusqu’à ce que la brûlure ne fasse plus mal lorsqu’elle est hors de l’eau. Cela demande généralement environ trois heures quand il y a de la glace dans l’eaub.”
Au cours des mois qui ont suivi la parution de cet article, les éditeurs de Réveillez-vous! ont reçu quantité de lettres de lecteurs reconnaissants qui avaient appliqué ce traitement et en avaient apprécié les avantages. C’est ainsi qu’une mère de famille nous a écrit:
“Par un beau dimanche, mon fils avait décidé de souder des pare-chocs absorbants sur sa voiture. Les cylindres hydrauliques se sont échauffés et ont explosé, si bien qu’il a eu le haut du corps couvert d’huile bouillante. J’ai aussitôt pensé à cet article. Je me rappelais que l’eau froide était ce qu’il y avait de mieux. Aussi, pendant que mon mari arrosait mon fils d’eau froide, j’ai recherché rapidement l’article pour m’assurer que c’était bien ce qu’il fallait faire. Ensuite, j’ai appelé le médecin. (...)
“Il ne me donna aucune autre suggestion de traitement. (...) Nous avons donc poursuivi l’application de serviettes trempées dans l’eau glacée, du fait que mon fils était toujours sous le choc et que la chaleur irradiait de lui au point que les serviettes étaient chaudes en une minute. Bref, le jour suivant, il avait un aspect épouvantable, avec de grosses cloques sur le visage et les bras. Mais, une semaine plus tard, il faisait peau neuve. C’était incroyable. Je sais que le traitement à l’eau froide y est pour beaucoup.”
Un autre couple nous a envoyé son témoignage. Voici ce qui s’est passé lors d’un congrès des Témoins de Jéhovah:
“Mon mari était en train de passer la dernière fournée de purée, le dimanche, lorsqu’il s’est renversé de l’eau bouillante sur la poitrine, le visage et un bras. On l’a mis torse nu, et les frères, grâce aux renseignements publiés dans ‘Réveillez-vous!’ sur les brûlures, ont posé de la glace sur les parties brûlées. Ils l’ont gardé ainsi pendant assez longtemps. Ensuite, je l’ai ramené à la maison et nous avons poursuivi le traitement à la glace et à l’eau froide jusqu’à ce que la douleur disparaisse. Le docteur n’a plus eu qu’à vérifier que tout allait bien.”
Le froid appliqué rapidement semble arrêter l’extension des brûlures et prévenir la formation de lésions en profondeur, qui sont justement les plus graves. Le docteur Shulman a d’ailleurs écrit: “Mon expérience révèle que, quels que soient les soins apportés ultérieurement, les patients qui ont reçu dès le départ un traitement à l’eau glacée vont mieux que les autres.”
Toutefois, en cas de brûlure profonde, il faut faire attention avec ce traitement. Trop de froid sur de vastes étendues du corps risque d’abaisser excessivement la température et de provoquer un choc.
La compensation des pertes liquidiennes
S’il n’est pas possible de recevoir l’aide d’un médecin dans la demi-heure qui suit l’accident, il faut faire boire au brûlé une solution de sel et de bicarbonate de soude, afin de prévenir le choc consécutif à la déshydratation. Versez une cuillerée à café de sel et une demi-cuillerée à café de bicarbonate de soude par litre d’eau. Cette solution va à peu près compenser les liquides que le corps est en train de perdre.
Dans le passé, on recommandait de procéder à des transfusions de sang pour empêcher le choc des brûlés. Mais un ouvrage médical, Current Therapy 1972, déclare: “Hormis chez les patients qui présentent d’autres lésions directement responsables d’hémorragies, le sang total n’est pas indiqué.”
Les progrès du traitement
En 1963, la revue Industrial Medicine and Surgery fit cette remarque sur les brûlures étendues: “Les progrès apparaissent principalement dans la prolongation de la survie, mais les brûlés finissent par mourir, comme il y a 50 ans, et la mortalité n’a pratiquement pas changé.”
Pendant des années, les problèmes rencontrés dans le traitement des brûlés semblaient insurmontables. Les patients mouraient, quels que soient les efforts entrepris pour les aider. Aussi, rares étaient les médecins enclins à consacrer tout le temps requis pour s’occuper de grands brûlés, et, malheureusement, les recherches restaient pratiquement au point mort. Aux États-Unis, jusqu’en 1960, le seul endroit équipé pour traiter les grands brûlés était un centre médical de l’armée à San Antonio.
Aujourd’hui, sur plus de 7 000 hôpitaux qui se trouvent aux États-Unis, près de 200 ont un service de grands brûlés. En outre, il y a 15 centres équipés spécialement pour les brûlés, où l’on a affaire à des équipes formées pour ces soins particuliers. Les brûlés peuvent être reconnaissants que leur traitement ait progressé à pas de géant et qu’il y ait aujourd’hui de bonnes chances de trouver un service bien équipé à proximité de chez soi.
Vers le milieu des années 60, il y eut une percée décisive dans la lutte contre l’infection chez les brûlés. On soigna les lésions avec une solution étendue de nitrate d’argent qui empêcha la prolifération des bactéries sans léser les tissus. Vers la même époque, on vit apparaître de nouvelles pommades à base de sulfadiazine à l’argent ou d’autres sulfamides qui s’avérèrent efficaces contre l’infection. L’édition de décembre 1978 de la revue Burns notait qu’en Chine, on avait appliqué sur des brûlures des extraits végétaux complexes qui s’étaient révélés être de remarquables bactéricides.
On a fait également de grands progrès au cours de ces dernières années dans la compensation des pertes liquidiennes et protéiniques chez les patients.
Les greffes de peau se sont elles aussi améliorées. On sait maintenant agrandir des greffes prélevées sur des régions non lésées du corps de la victime en les trouant ou en les étirant pour les appliquer ensuite sur la blessure. On se sert couramment de peau prélevée sur des porcs ou sur des cadavres pour couvrir provisoirement les régions brûlées. On emploie également du tissu amniotique comme pansement, en cas de brûlure grave, et l’on a fait des progrès vers la synthèse d’une peau artificielle à partir de tissus animaux.
Au vu de telles réalisations, même les brûlés à plus de 50 pour cent ont de bonnes chances de survie s’ils sont traités dans un service spécialisé. Le mieux reste évidemment de ne pas se brûler. Les experts disent d’ailleurs que la moitié au moins de tous les accidents par brûlure pourraient être évités. Voici donc quelques précautions à la portée de chacun.
La prévention
Tout d’abord, si vous êtes fumeur, il serait bien de cesser de fumer. L’édition de janvier 1976 de la revue Burns soulignait en effet ceci: “Les allumettes et le tabac apparaissent comme la cause d’incendie la plus courante.” Le directeur d’un service de grands brûlés, le docteur Carlos Silva, a dit que la cause de brûlure grave de loin la plus fréquente était l’habitude de fumer au lit. Voici le témoignage d’un brûlé: “Au centre de brûlés où j’étais traité, au moins les trois quarts des 18 patients s’étaient brûlés en fumant.”
Les statistiques montrent pourtant que le feu n’est pas la cause de toutes les brûlures. Il y a aussi les liquides bouillants. Et les victimes ébouillantées sont bien souvent de petits enfants. Toutefois, la plupart de ces brûlures auraient pu être évitées si l’on avait pris garde de ne pas mettre de liquide chaud à leur portée, si on ne les avait pas laissés seuls avec un bain chaud ou si l’on n’avait pas laissé dépasser sur la cuisinière le manche d’une casserole contenant du liquide chaud.
Une mesure de sécurité qui s’est avérée sage consiste à régler la température de l’eau chaude qui sort des robinets, de façon que personne ne soit ébouillanté. Le gouvernement américain a pris d’ailleurs l’an dernier des mesures qui interdisaient aux locaux commerciaux d’avoir de l’eau chaude à une température supérieure à 41 °C. En vous inspirant de cet exemple, non seulement vous réaliserez des économies d’énergie, mais vous éviterez peut-être de graves accidents.
Au départ, c’est une question de prévoyance. Quand on entre dans un bâtiment public, il faut penser à la façon d’en sortir en cas d’incendie. Presque à chaque fois, la majorité des gens essaient de sortir par où ils sont entrés, ce qui entraîne un bouchon et des pertes en vies humaines. Lors du sinistre survenu dans un théâtre de Chicago, il y a quelques années, le public n’a utilisé que trois des dix sorties disponibles. Et il y a eu 575 morts.
Et chez vous? Si un incendie se déclarait cette nuit, sauriez-vous sortir? La meilleure issue est en général une fenêtre, particulièrement quand on est réveillé la nuit. Un pompier donnait ce conseil: “Quand vous pénétrerez dans votre chambre ce soir, fermez les yeux ou mettez un bandeau, puis essayez de trouver votre chemin jusqu’à la fenêtre. Voyez ensuite si vous réussissez à l’ouvrir.” En cas d’incendie, votre vie tiendra peut-être à ce que vous aurez réussi à effectuer rapidement ce parcoursc.
Il est certain en tout cas que si chacun était plus conscient de l’importance de prévenir les brûlures, et si l’on savait mieux donner les premiers soins en cas d’accident, il y aurait moins de grands brûlés.
[Notes]
a Réveillez-vous! du 8 novembre 1966, pp. 20-24.
b Colloque sur les brûlures (angl.), composé et édité en 1965 par les docteurs Leon Goldman et Richard Gardner.
c D’autres suggestions sur la prévention des incendies ont paru dans Réveillez-vous! du 22 septembre 1979, pp. 11-15.
[Entrefilets, page 18]
L’application de froid sur une partie trop étendue du corps peut provoquer un choc.
En attendant le médecin, faites boire à la victime une solution de sel et de bicarbonate.
[Encadré/Illustrations, page 19]
PRÉVENEZ LES BRÛLURES
En ne fumant pas au lit.
En ne laissant rien dépasser du feu.
En réglant la température de l’eau.
[Illustration, page 17]
Mettez vite la brûlure dans l’eau glacée.