Jeunes, vous repliez-vous sur vous-mêmes?
Où préférez-vous être: avec les autres ou bien tout seul?
Le morceau commence par un solo de guitare déchaîné. Le sol me transmet le martèlement puissant des basses. Le chanteur dit qu’il veut vivre libre, sans contrainte. Je comprends ses sentiments parce que ce sont aussi les miens. J’adore écouter mes disques. C’est comme si nous nous comprenions, les musiciens et moi.
C’est pas comme papa et maman: ils savent pas ce que je pense. À l’école, c’est pareil: on n’entend que les professeurs. Ils ne nous écoutent jamais. Ils seraient bien surpris s’ils savaient réellement ce que je pense.
Et tous les jours c’est pareil. Je reviens de l’école.
“Bonjour, mon chéri!”
“Salut, maman!”
“Qu’est-ce que t’as appris aujourd’hui?”
“Rien.”
Voilà! C’est classé. Maintenant, je grimpe quatre à quatre jusqu’à ma chambre et à ma chère musique. Je ferme la porte. Me voici dans mon univers, où je passe presque tout mon temps à écouter mes disques en communion de pensée avec les chanteurs et les musiciens. Parfois, on aurait envie de changer le monde; d’autres fois, tout semble tellement désespéré qu’on a le moral à zéro.
Nous regardons le monde tel qu’il est en réalité, mais lui ne nous regarde pas comme nous sommes vraiment. On nous appelle les gosses, mais, en dedans, nous sentons que nous sommes plus vieux que notre âge. L’injustice, la liberté, l’amour, les pressions, l’action commune pour l’environnement, voilà ce qui nous intéresse. Mais les adultes ne nous prennent pas au sérieux, si bien que nous discutons à notre façon dans notre monde à nous.
Vous qui êtes jeune, vous reconnaissez-vous dans ce qui précède? Vos émotions et vos sentiments bouillonnent-ils en vous? Êtes-vous découragé de voir que les adultes ne s’intéressent guère à vos véritables sentiments? Comment réagissez-vous devant cette frustration? Peut-être êtes-vous troublé, au point de fuir le monde adulte et de vous isoler pendant des heures à écouter de la musique ou en compagnie d’un ami intime. Pourquoi à votre avis tant d’adultes et de jeunes trouvent-ils si difficile de discuter de ce qu’ils ont sur le cœur?
La croissance n’est pas seulement physique
Vous êtes en plein changement. Vous n’êtes plus un enfant, et votre corps prend peu à peu l’aspect qu’il aura lorsque vous serez adulte. Peut-être même avez-vous l’impression de grandir de plusieurs centimètres d’un seul coup. Votre système pileux se développe avec la rapidité de la mauvaise herbe, de même que vos organes génitaux. Votre corps change du tout au tout.
À l’occasion de cette poussée de croissance, peut-être l’un de vos parents ou quelque autre adulte qui vous est proche a-t-il abordé avec vous cet aspect de la vie. Il vaut mieux savoir de quoi il retourne, comprendre que tout ce qui se déroule est parfaitement normal, et que vous n’êtes pas le seul à qui cela arrive.
Pour spectaculaires que soient ces changements, il en est d’autres, peut-être encore plus importants, qui surviennent dans votre personnalité. C’est en effet aussi durant cette période qu’elle se développe. Cette forme de croissance est tout aussi réelle que l’autre, et bien souvent aussi rapide, sauf qu’elle se déroule au-dedans de vous, invisible pour votre entourage.
Si l’on note que vous avez grandi, que l’on en parle facilement, c’est en réalité ce qui se déroule en vous qui va vous changer le plus. Pour que l’on vous comprenne bien durant votre adolescence, il faudra passer du temps à discuter avec vous, et vous-même devrez vous montrer ouvert. Bien souvent, les gens n’accordent pas toute l’attention qu’ils devraient à l’éclosion de la personnalité du jeune.
L’éveil de la sensibilité
Durant cette période de la vie, un torrent de sentiments neufs jaillit du cœur de l’adolescent, sentiments sur lesquels il s’arrêtait rarement quand il était enfant, qu’il s’agisse du sens et de la valeur de la vie, des perspectives d’avenir, de l’intérêt pour le sexe opposé, d’un sens aigu de la droiture et de la justice ou d’une profonde compassion pour tous les mal lotis du monde. Reconnaissez-vous là vos propres centres d’intérêt?
Vous êtes-vous déjà rendu compte que toutes ces préoccupations surgissent exactement de la même manière chez la plupart des adolescents? C’est pourtant bien connu. Il s’agit là de sentiments qui vous sont très personnels, mais bien d’autres jeunes de votre âge les ressentent exactement comme vous. Cet éveil émotionnel est aussi universel que les changements physiques qui accompagnent la puberté. Y aviez-vous déjà pensé? Ou bien aviez-vous cru que ces sentiments neufs vous étaient propres?
Voyons si vous nous suivez dans le raisonnement que voici:
La première fois qu’un jeune homme se rase, ce n’est pas rien. Pour lui, c’est vraisemblablement un tournant, si bien qu’il va être tout à ce qu’il fait, pris par son premier rasage. Mais, sous prétexte que cet événement compte tant pour lui, devrait-il penser que jamais personne n’a ressenti ni ne ressentira ce qu’il éprouve intérieurement? Pourtant, tous les hommes qui se rasent ont bien dû commencer un jour, n’est-ce pas? Le temps viendra d’ailleurs aussi où vos petits frères connaîtront les émotions du premier rasage. Si l’expérience est à coup sûr spéciale pour chaque individu, elle n’a rien de neuf ou de particulier pour la gent masculine. Êtes-vous capable de transposer cet exemple à la manière dont un jeune doit considérer lucidement son développement psychologique?
En y réfléchissant à deux fois, ne vous paraît-il pas logique que tous les hommes traversent à peu près les mêmes phases, à mesure qu’ils passent de l’enfance à l’âge de raison? Pour personnels et intimes que soient les sentiments qui animent un adolescent, ils n’ont rien d’exceptionnel et se retrouvent chez tous les humains à cette période de la vie.
Est-ce le développement psychologique qui fait l’adulte?
En somme, vos centres d’intérêt rejoignent très rapidement ceux des adultes. Faut-il en déduire que vous avez acquis la pleine maturité? Certes, les adultes feraient bien d’estimer à sa juste valeur votre développement, mais faut-il qu’ils voient à présent en vous quelqu’un de tout à fait adulte et qui leur est égal sous tous les rapports?
À vrai dire, l’expérience que vous avez de la vie est plutôt réduite. Tout en commençant à éprouver des sentiments adultes, vous ne parvenez pas toujours à penser en adulte. Vous n’avez pas encore vécu assez longtemps pour avoir une connaissance approfondie de la vie, de ses tenants et de ses aboutissants.
Il n’en sera pas toujours ainsi. En effet, ce chapitre de votre vie ne représente que quelques pages. Vous allez acquérir de l’expérience et, partant, de la sagesse, au point de rattraper, voire de dépasser ce premier bouillonnement affectif de votre personnalité, un peu comme la tortue a fini par battre le lièvre. Mais, en attendant, vous ferez bien de reconnaître la puissance de cet éveil des sentiments en vous.
Les problèmes de communication
Bientôt, le jeune se laisse de plus en plus guider par ses sentiments. Ses réactions ont tendance à être plus senties que réfléchies. Le jeune aime le changement. Comme il ignore tous les facteurs complexes qui interviennent dans la vie, il adopte facilement des vues simplistes. Non pas que ce trait caractérise tous les jeunes, mais il en va généralement ainsi. Les jeunes ne montrent guère de patience quand les choses ne vont pas assez vite à leur gré ou que l’on est vieux jeu, et ils sont facilement exaspérés.
Cette façon de voir peut les amener à manquer de respect à l’égard de leurs parents, de leurs professeurs et des adultes en général. Ils se retirent alors du monde réel pour vivre dans un univers qui leur plaît mieux: celui de la rêverie. Si vous êtes adolescent, voyez-vous en quoi cela vous est préjudiciable? Quel avantage y a-t-il, au moment où vous pouvez commencer à connaître la vie, à vous couper de ceux qui ont acquis la sagesse et sont à même de vous aider?
Qui plus est, vos parents sont non seulement à même de vous aider, mais ils en ont le désir. L’affection qu’ils vous portent n’a jamais changé. Ce ne sont pas eux qui changent, mais vous. Ils ne souhaitent nullement se couper de vous. Est-ce vous qui avez choisi de vous isoler ou bien vos parents qui vous ont condamné à écouter des disques dans la réclusion de votre chambre?
Comblez le fossé
En y regardant de plus près, vous vous rendez peut-être compte qu’un petit fossé s’est creusé entre vos parents et vous. Non pas que vous-même ou ces derniers l’aient voulu, mais le résultat est là. Comment combler ce fossé? Au fond, cela ne doit pas être bien difficile. Ce n’est tout de même pas comme si vous faisiez des offres de paix à un ennemi.
Commencez par discuter avec l’un de vos parents, mettons votre père. Parlez-lui de ce que vous faites à l’école. Demandez-lui son avis sur tel ou tel sujet et dites-lui ce que vous en pensez. Ou encore: intéressez-vous à ce qui compte pour lui. Participez à une activité commune. Demandez-lui de vous aider à finir une tâche ou bien offrez-vous de l’aider dans ce qu’il fait. Présentez à vos parents les questions que vous vous posez sur la vie.
Il est certain que vous ne serez pas toujours d’accord avec les décisions de vos parents, mais gardez présent à l’esprit que durant cette phase de votre vie, vous êtes plus riche de sentiments que d’expérience. Vos parents sont passés par là aussi, mais, entre-temps, ils ont parcouru un chemin par lequel vous n’êtes jamais passé. Il est à souhaiter qu’ils vous aideront à croître en sagesse et en jugement, pour que vous acquériez du bon sens. Vous rappelez-vous ce proverbe: “Celui qui marche avec les sages deviendra sage.” Efforcez-vous de marcher en étroite union avec vos parents, et vous verrez que cela vous aidera à ne pas vous laisser déborder par vos impulsions ou vos crises affectives. — Prov. 13:20.
En notre époque critique, les parents ne montrent pas toujours l’intérêt qu’ils devraient à leurs enfants. Sans doute n’est-ce pas le cas des vôtres et se font-ils un plaisir de vous avoir auprès d’eux. En effet, votre ardeur et votre vitalité sont peut-être ce qui donne un sens à leur vie. Il n’y a rien de mal à ce que vous vouliez écouter la musique qui vous plaît, mais ne vous laissez pas entraîner au point de vous couper de la compagnie agréable de vos parents.
Les sociétés de production et de diffusion savent pertinemment combien les jeunes sont sensibles. Elles connaissent les chansons à lancer pour vous plaire, mais ont aussi pour objectif de récupérer votre argent. Ne vous laissez pas manipuler si grossièrement et restez vous-même. Sachez fixer tout seul les limites et ne vous isolez pas. “Celui qui s’isole, dit la Bible, cherchera son désir égoïste: il se déchaînera contre toute sagesse pratique.” — Prov. 18:1.
Si vous avez pris le pli de vous couper de vos parents, pourquoi ne pas essayer d’établir avec eux des relations sur une base nouvelle? Essayez donc! Vous verrez bien si la vie vous plaît mieux ainsi. La prochaine fois que vous éprouverez la tentation de vous réfugier dans votre chambre, vos disques, résistez-lui et joignez-vous plutôt à une activité en groupe. Vous avez un rôle à jouer. Les efforts que vous allez fournir en vaudront-ils la peine pour vous? Ou encore pour vos parents? Eh bien, sans doute pour tout le monde. Il est en effet plus que probable que si vous avez pris l’habitude de couper le contact, vos proches se feront un plaisir de le rétablir.