Le sens de l’humour — Un don de Dieu
De notre correspondant en Afrique du Sud
COMME d’habitude, Henri était en retard. Mais cette fois-ci, cela le tracassait vraiment, car il avait reçu de son chef un dernier avertissement; il l’imaginait déjà en train de préparer un discours de renvoi.
Et c’est bien ce qu’il avait dû faire! Lorsque Henri pénétra dans le bureau, en retard de 35 minutes, son chef s’avança vers lui d’un air menaçant.
Henri réfléchit rapidement; il fit un large sourire, tendit la main et dit: ‘Bonjour, Monsieur. Enchanté de faire votre connaissance. Je m’appelle Henri Legros. Je viens pour la place qui est libre depuis 35 minutes, je crois. Pensez-vous que j’aie une chance?’ Il y eut un éclat de rire dans tout le bureau et le patron, incapable de réprimer un sourire, retourna travailler. Ce jour-là, l’esprit d’Henri l’avait sauvé.
Il est vrai qu’un bon sens de l’humour peut décrisper une situation tendue et même aider quelqu’un à triompher de l’adversité. De plus, comme il déclenche le rire et détend, il profite à la santé. Dans son ouvrage (Le rire et la santé, angl.), le docteur James Walsh explique que lorsque quelqu’un rit, les mouvements verticaux du diaphragme font autant de bien aux organes internes que l’exercice physique. Le rire a un bon effet sur le cœur, le foie et les intestins; il favorise la digestion et l’élimination des déchets.
Qu’est-ce que l’humour?
On dit que l’humour est la faculté de voir le côté amusant de la vie; d’autres expliquent qu’il fait appel au sens du grotesque ou de l’absurde.
Il se crée une situation humoristique quand quelque chose n’est pas à sa place ou est hors de propos. Par exemple, le spectacle d’un digne homme d’affaires londonien, parapluie roulé et journal sous le bras, barbotant dans la mer, paraîtra déplacé, étrange et suscitera bien des sourires. Ou bien, un chien ou un chat qui pénètre dans une salle de classe provoquera des rires, car sa présence en un tel lieu est inhabituelle.
Une situation humoristique peut aussi naître d’un événement inattendu. Par exemple, si un homme ôte son chapeau pour saluer une femme et qu’un pigeon s’échappe de son couvre-chef, la scène ne manquera pas d’amuser les observateurs tant elle est imprévue. On raconte que les Nigérians manifestent très spontanément leur réaction devant l’inattendu. C’est généralement le cas lorsqu’un homme glisse sur une peau de banane; mais, cette première réaction passée, ils se précipitent avec compassion au secours de l’infortuné.
La plupart du temps, le comique vient des mots. Or, ce type d’humour est très riche; sa diversité procède, entre autres choses, des différences de nationalités, de coutumes sociales et de milieux. L’humour peut être intellectuel et subtil, fruste et broyant, ou bien tranchant et incisif (on dit alors de quelqu’un qu’il a de l’“esprit”).
Par ailleurs, ce qui est amusant pour un peuple peut être sans signification pour un autre. Un jour, dans un pays d’Afrique, un missionnaire blanc faisait un exposé dans lequel il ajouta ce qu’il croyait être une touche d’humour. Pas la moindre réaction. Plus tard, il parla d’un singe; son interprète ne chercha pas à traduire le mot, mais leva simplement un bras pour se gratter sous l’aisselle. Il y eut alors une explosion de rires.
D’où vient l’humour?
Dieu a-t-il le sens de l’humour?
La Bible nous apprend que le Créateur est un “Dieu heureux”, et qu’il a fait l’homme ‘à sa ressemblance’. (I Tim. 1:11; Gen. 1:26.) Par conséquent, le fait qu’on retrouve chez des hommes de toutes races la faculté d’être heureux, d’éprouver du plaisir et d’exercer le sens de l’humour, doit logiquement procéder du Créateur.
Bien des animaux aiment jouer. Qui peut s’empêcher de sourire à la vue d’un chaton poursuivant une pelote de laine, ou de rire devant les jeux des chiots, les espiègleries des singes ou les expressions comiques des perroquets? Les humains trouvent très amusants certains animaux que Jéhovah a créés; ils en tirent un bonheur et un amusement sans fin. Il est donc clair que le sens de l’humour vient de Dieu.
Bien que toute forme d’humour dépasse les frontières d’un pays, un humour particulier caractérise certains peuples. On dit que les Français pratiquent l’hyperbole, qui est une exagération intentionnelle d’une idée dans un but, pour faire de l’humour par exemple. S’il pleut à verse, ils diront qu’“il tombe des hallebardes”; d’autres expressions leur sont propres, comme “j’ai failli mourir de rire” ou encore “j’ai essayé mille fois”. Bien entendu, de telles déclarations ne sont pas à prendre à la lettre, ce qui, généralement, est bien compris par l’interlocuteur.
Les Anglais sont célèbres pour leur humour à froid; ils regarderont quelqu’un dans les yeux et feront une remarque amusante sans sourciller. Ils sont également friands de l’euphémisme par litote. À ce sujet, le livre Humour in Memoriam (angl.) de George Mikes dit: “En Angleterre, la litote n’est pas seulement une manière de plaisanterie; c’est aussi un mode de vie. Toutefois, les Anglais n’en ont pas le monopole; d’autres peuples aussi savent manier l’euphémisme. Un dessin du New Yorker représentait deux trapézistes en train d’évoluer au moment où l’un manque la main de son partenaire. Le trapéziste un peu distrait disait à celui qui allait s’écraser 30 mètres plus bas: ‘Oh! désolé!’ Sans aucun doute une litote, et une litote typiquement américaine. Dans d’autres pays, l’usage de la litote est occasionnel. En Angleterre, la litote reflète le caractère national; elle est dans l’air. Le plus souvent, ce n’est même pas une plaisanterie.”
George Mikes illustre son propos. Il raconte qu’un ferry-boat traversait la Manche quand une tempête se leva. “J’étais sur le pont avec un autre homme. Le vent cinglait des vagues énormes. Nous nous cramponnions tous les deux, sans nous parler, quand, tout à coup, un terrible coup de vent jeta mon compagnon par-dessus bord. Il disparut dans les flots, puis sa tête émergea; il me regarda calmement et observa d’un ton désinvolte: ‘Quel vent!’”
L’humour irlandais a un charme particulier, comme l’illustre Stephen Leacock dans son ouvrage Humour (angl.): “Quelqu’un donna l’ordre de ‘ne jamais attacher de dernier wagon à un train, car il est exposé à des chocs et à des oscillations désagréables’.” Ou bien: “Ne descends pas l’échelle, Pat, je l’ai enlevée.”
Le même auteur donne un exemple d’humour écossais; celui-ci a la réputation d’être parfois sinistre. “La femme d’un Écossais tomba malade et mourut, du moins apparemment. Lors de ses funérailles, les personnages qui tenaient les cordons du poêle cognèrent le cercueil contre un montant du portail du cimetière qu’ils étaient en train de franchir. Le choc ranima la femme. On la sortit du cercueil, et elle vécut encore de nombreuses années. Puis, elle tomba de nouveau malade, et cette fois mourut vraiment. Aux funérailles, comme on approchait de l’entrée du cimetière, l’infortuné mari dit à ceux qui tenaient les cordons: ‘Doucement, les gars, doucement.’”
L’humour des Espagnols illustre leur tendance à se moquer d’eux-mêmes. Un dessin de la revue El Triunfo montrait deux hommes en pleine conversation. L’un disait: “La culture est au goût du jour. Nous avons un ministre de l’Éducation... un ministre de la Culture et un conseiller culturel attaché au président.” L’autre répliqua: “J’en suis ravi! Tout ce qu’il nous faut maintenant, ce sont des écoles.” Un des principaux aspects de l’humour est de rire de ses propres faiblesses.
Comme les Allemands aiment manger, leurs plaisanteries à ce sujet vont bon train. Par exemple, dans un discours, un surveillant itinérant des Témoins de Jéhovah d’Allemagne compara l’importance de se nourrir spirituellement avec régularité au besoin d’absorber régulièrement de la nourriture matérielle. “La plupart d’entre nous, dit-il, mangent trois fois par jour. Bien sûr, il y en a qui ne mangent qu’une fois par jour — c’est-à-dire du matin au soir.” Tous les assistants s’esclaffèrent; mais quand on donna la même illustration à un autre auditoire, dans une autre langue, il n’y eut aucune réaction.
Les termes savants font la joie des Nigérians, surtout quand ils se mettent à parler le pidgin. Un orateur est sûr de gagner son auditoire s’il émaille son discours d’expressions compliquées. Chez les Yoroubas, les querelles se terminent parfois par la victoire de celui qui a su épuiser chez son adversaire sa réserve de mots savants.
L’humour et la fausse religion
L’humour est parfois une arme efficace pour dévoiler la sottise d’une religion fausse, son hypocrisie et son attitude moralisatrice. La Bible elle-même utilise ce genre d’humour. En un endroit, par exemple, le prophète Ésaïe parle d’un bûcheron qui abat un laurier et allume un feu; puis il prépare sa nourriture et se chauffe, “mais avec le restant il fait un dieu, oui, son image sculptée. Il se prosterne devant elle, et s’incline, et la prie, et dit: ‘Délivre-moi, car tu es mon Dieu.’” — És. 44:14-17; voir aussi Jérémie 10:2-5.
Au Mexique, les sujets religieux n’échappent pas au sens de l’humour aigu des Mexicains. Ils ont une histoire assez semblable à l’illustration d’Ésaïe. Une personne qui refuse de se laisser impressionner par quelqu’un dont elle connaît l’origine modeste pourrait dire: “Comment pourrais-je le vénérer comme s’il était le Christ? Quand je l’ai connu, il était goyavier.” Derrière cette remarque, il y a l’histoire d’un prêtre qui, voulant fabriquer une image du Christ, demanda du bois à un homme riche. L’homme lui fournit du bois de goyavier. Plus tard, lors d’une messe, le prêtre remarqua que cette image du Christ faisait sourire l’homme riche. La messe célébrée, il lui en fit le reproche; “ce n’est pas ainsi qu’on vénère le Christ”, lui dit-il, ce à quoi l’homme répondit: “Comment pourrais-je le vénérer comme s’il était le Christ? Quand je l’ai connu, il était goyavier.”
Veillons à ne pas mal utiliser ce don divin
Dans bien des parties du globe, il est courant d’entendre des plaisanteries sur le sexe. Mais la Bible, la Parole de Dieu, condamne les “plaisanteries obscènes”; par conséquent, ceux qui désirent suivre ses principes élevés doivent les éviter (Éph. 5:4). De telles plaisanteries constituent une forme de souillure mentale qui n’a pas sa place dans une société chrétienne.
Les plaisanteries et les histoires drôles, propres et saines, sont excellentes lorsqu’elles sont dites quand et où il le faut; elles amusent et procurent du plaisir, et il nous arrive à tous d’avoir besoin de nous détendre. Mais il y a parfois de l’exagération dans ce domaine. Certaines personnes possèdent un long répertoire d’histoires drôles et passent beaucoup de temps à les raconter. La Bible nous met en garde aussi contre cet état d’esprit. Bien que le sage roi Salomon ait bien dit, en Ecclésiaste 3:4, qu’il y a “un temps pour pleurer et un temps pour rire”, néanmoins au chapitre deux, Ec 2 verset deux, il écrivit: “J’ai dit au rire: ‘Démence!’” Que voulait-il dire? Il pouvait qualifier le rire de “démence”, car un rire irréfléchi obscurcit le jugement. Pareil état d’esprit peut amener une personne à prendre à la légère des choses très graves et, ainsi, à offenser ou à irriter son prochain. Par conséquent, le sens de l’humour est un don qui, comme tant d’autres dons merveilleux venant de Jéhovah, peut être mal utilisé.
À propos du rire stupide, Ecclésiaste 7:6 déclare: “Comme le bruit des épines sous la marmite, ainsi est le rire du stupide.” Les épines ne sont pas le meilleur des combustibles, car elles brûlent rapidement, craquettent bruyamment, et, la plupart du temps, le feu qu’elles alimentent ne cuit pas ce qui se trouve dans la marmite. Le crépitement prétentieux et bruyant des épines s’avère donc inutile. Ainsi sont les gloussements frivoles des sots. Les rires stupides et tapageurs et les traits d’humour hors de propos peuvent irriter et blesser.
Lorsque nous nous arrêtons sur toutes les formes d’humour qui existent, nous en concluons certainement que c’est là un don merveilleux de la part de notre généreux Père céleste. Toutefois, veillons à rester modéré sous ce rapport et à faire preuve d’un bon jugement. Bien utilisé, le sens de l’humour éclaire nos journées et ajoute de la saveur au quotidien.