La Constitution des États-Unis et les Témoins de Jéhovah
Cette année, la Constitution des États-Unis a 200 ans. Ce bicentenaire faisant l’objet d’une certaine publicité, il rappelle aux Témoins de Jéhovah des États-Unis et du monde entier la lutte qu’ils ont menée dans ce pays pour défendre et affermir légalement leur droit de répandre leurs croyances religieuses.
QU’ÉVOQUE pour vous la Constitution? À titre d’exemple, supposez que dans votre ville vous vouliez diffuser dans les rues et de maison en maison des écrits que vous jugez dignes d’intérêt pour le public. Quel serait votre sentiment en apprenant que la diffusion de tels documents est une violation des lois destinées à assurer la tranquillité et l’ordre publics? ou bien si pour cela vous deviez obtenir une autorisation que l’on refuse de vous délivrer? ou encore si vous deviez payer un droit, ce qui serait une charge pour vous?
Cette situation fut celle des Témoins de Jéhovah durant les années 30 et 40 aux États-Unis. En effet, ils voulaient distribuer des imprimés qui exposaient leurs croyances, mais dans de nombreuses villes on leur a fait obstacle en se servant de règlements administratifs et d’arrêtés locaux. Ils ont donc fait appel, s’appuyant sur la Constitution de leur pays, qui garantit la liberté d’expression et de la presse. Mais afin de préserver ces droits constitutionnels, ils ont dû porter leurs cas devant les tribunaux. Voyons brièvement comment la Constitution protège les droits individuels.
La protection des droits individuels
Comme un schéma directeur, une constitution fournit les grandes lignes qui permettent d’atteindre un objectif — en l’occurrence le gouvernement d’un peuple. Selon l’explication que donne la Déclaration d’Indépendance des États-Unis, les gouvernements sont établis par les hommes pour garantir aux gouvernés certains “droits inaliénables”.
Dans le Préambule de la Constitution américaine, les constituants reprennent ce thème, affirmant qu’ils l’ont décrétée et établie pour assurer “les bienfaits de la liberté” au peuple. L’énoncé définitif de ce texte fut achevé le 17 septembre 1787 en Pennsylvanie, à l’Independence Hall de Philadelphie. Cette Constitution sort de l’ordinaire, car elle est la doyenne des constitutions écrites toujours en vigueur.
D’autres aspects font sa particularité: elle prévient tout abus de pouvoir du gouvernement et l’empêche de porter atteinte aux libertés individuelles. Au nombre de ses caractéristiques les plus connues, notons qu’elle garantit la liberté du culte, d’expression et de la presse. La Constitution telle qu’elle fut rédigée et ratifiée ne mentionnait pas ces libertés; c’est seulement en 1791 qu’elles ont été ajoutées, dans l’article I des dix premiers amendements communément appelés la Déclaration des droits.
Les libertés expressément mentionnées dans la Déclaration des droits sont l’apanage des citoyens; elles ne dépendent pas de l’autorisation d’un gouvernement, pas plus qu’elles ne sont sujettes à restriction. Dans ce cas, pourquoi des citoyens doivent-ils aller devant les tribunaux pour revendiquer leurs droits? Parce que certaines municipalités, agissant selon elles dans l’intérêt du grand nombre, ont parfois publié des arrêtés qui empiétaient sur ces droits.
Un tribunal fédéral américain a fait cette remarque: “La tyrannie que les majorités exercent sur les droits des individus ou des minorités sans défense a toujours été reconnue comme l’un des risques majeurs de la démocratie.” C’est précisément une tyrannie de ce genre que les Témoins de Jéhovah des États-Unis ont dû affronter durant les années 30 et 40.
Prédicateurs ou colporteurs?
À l’approche de la Seconde Guerre mondiale, l’évangélisation publique des Témoins de Jéhovah a fait l’objet d’une forte opposition. À tort, on a appliqué à la prédication des Témoins des arrêtés locaux qui exigeaient un permis pour les démarcheurs et les colporteurs. Comprenant que cette application de la réglementation violait leurs droits garantis par la Constitution, les Témoins ont passé outre à cette exigence en continuant d’accomplir cette œuvre sans se munir d’autorisation (Marc 13:10; Actes 4:19, 20). En conséquence, nombre d’entre eux ont été arrêtés.
Si la sentence des juridictions inférieures leur était défavorable, les Témoins préféraient aller en prison plutôt que de payer une amende. Ils n’ont cessé de faire appel des décisions rendues, auprès des juridictions les plus élevées, afin d’ériger un rempart de jugements favorables contre l’ingérence, contraire à la Constitution, dont leur activité était l’objet. Au cours des années, la Cour suprême des États-Unis a annulé à plusieurs reprises ces arrêtés pour inconstitutionnalité ou vice d’application, et les condamnations des Témoins de Jéhovah ont été cassées.
Outre les arrêtés relatifs aux autorisations, les autorités locales ont également voulu entraver la prédication des Témoins de Jéhovah par une réglementation imposant le paiement d’une taxe. Considérant cette taxe comme une restriction séculière imposée à l’ordre divin de prêcher, les Témoins de Jéhovah ont refusé de la payer. Là encore, nombre d’entre eux ont été appréhendés et de nouveau la Cour suprême a statué en faveur des libertés d’expression et du culte.
La Cour a stipulé que le droit de répandre librement des enseignements religieux au moyen d’imprimés “ne relève pas de la compétence de l’autorité gouvernementale. Il est garanti au peuple par la constitution fédérale”. En un mot, l’État ne pouvait pas enlever ce que la Constitution avait déjà préalablement accordé.
Le salut au drapeau
Les Témoins de Jéhovah ont toujours été des citoyens respectueux des lois qui ne se veulent aucunement irrévérencieux lorsqu’ils refusent de saluer le drapeau d’un pays, quel qu’il soit. Ils sont convaincus que leur obligation et leur fidélité suprêmes vont à leur Dieu et Créateur, Jéhovah (Luc 4:8). Faire allégeance à une autorité terrestre reviendrait à placer les intérêts de ce monde avant les intérêts spirituels (Actes 5:29). Bien que leur motif soit sincère, leur refus de saluer le drapeau a souvent été incompris et a servi de prétexte à la persécution.
En vue de consolider l’unité et la sécurité nationales à l’approche de la Seconde Guerre mondiale, les administrations scolaires et les législatures des États ont institué des séances obligatoires de salut au drapeau. Bien que l’opinion publique ait massivement souscrit à cette exigence, les Témoins de Jéhovah ont résolument refusé de transiger avec leurs principes fondés sur la Bible.
En réexaminant cet état de choses, la Cour suprême des États-Unis a reconnu un fait: Bien que les administrations scolaires aient incontestablement des pouvoirs importants et discrétionnaires, ces pouvoirs ne devaient néanmoins pas dépasser les limites imposées par la Constitution. Une administration scolaire n’était pas libre de priver le citoyen des droits fondamentaux qui lui sont garantis par la Constitution. La Cour suprême a donc estimé que les conceptions d’une administration scolaire sur la façon d’insuffler l’amour du drapeau et de la patrie ne supplantent pas le droit à la liberté de conscience en matière de religion, droit que la Constitution reconnaît à l’élève.
La Cour suprême n’était pas inconsciente de la gravité de sa décision prise à une époque où la nation soutenait l’effort de guerre. Toutefois, elle ne s’est pas dérobée à son devoir et a expliqué que, sous la Constitution américaine, “la liberté de penser différemment ne se limite pas à ce qui n’a guère d’importance, auquel cas ce ne serait qu’un semblant de liberté. L’essence de cette liberté se mesure au droit de penser différemment dans des domaines qui touchent les choses essentielles de l’ordre établi”.
La Cour suprême a conclu son explication sur le salut au drapeau par ces mots: “S’il est un seul astre immuable dans la constellation qu’est notre Constitution, c’est bien le principe selon lequel aucune autorité, élevée ou non, ne peut prescrire ce qui est orthodoxe en matière de politique, de nationalisme, de religion ou de toute autre question d’opinion, pas plus qu’elle ne peut forcer les citoyens à faire, en parole ou en acte, une déclaration de foi en cela.”
La contribution des Témoins
Au total, les Témoins de Jéhovah des États-Unis ont obtenu gain de cause lors de 23 procédures d’appel devant la Cour suprême. Comme l’ont remarqué de nombreux juristes, ils ont énormément fait avancer la jurisprudence relative à la Constitution des États-Unis. Or, cela n’aurait pas été le cas si les Témoins n’avaient pas été disposés à endurer les outrages, les coups et la prison pour obéir à leur Dieu.
Ainsi, l’endurance des Témoins a permis de définir plus clairement et de mieux faire respecter les droits garantis par la Constitution en matière de liberté du culte, de liberté d’expression et de liberté de la presse. Mais ce n’est en réalité qu’un résultat secondaire de l’objectif bien plus élevé que visent les Témoins de Jéhovah: servir Jéhovah en harmonie avec sa Sainte Parole.
Les Témoins de Jéhovah sont reconnaissants d’avoir l’honneur de servir le Souverain de l’univers, Jéhovah Dieu, et pour y parvenir ils ont utilisé les moyens à leur disposition, entre autres les garanties offertes par la Constitution américaine, aujourd’hui bicentenaire.
[Encadré, page 27]
La Constitution soutient de nouveau les Témoins
Le 10 juin 1987, les tribunaux ont de nouveau statué en faveur de la liberté religieuse des Témoins de Jéhovah, sur des bases constitutionnelles. Citée dans les pages du “New York Times”, la cour d’appel de la Neuvième circonscription stipulait que la liberté d’agir en harmonie avec des convictions religieuses “doit être, sous la Constitution, acceptée par la société ‘comme un prix qu’il vaut la peine de payer afin de préserver le droit à la différence religieuse, droit réservé à tous les citoyens’”. Le procès concernait le droit des Témoins d’obéir à l’ordre biblique selon lequel il ‘ne faut pas recevoir chez soi ni saluer’ ceux qui ‘ne demeurent pas dans l’enseignement de Christ’. — 2 Jean 9-11.
[Illustration, page 25]
L’Independence Hall, à Philadelphie, où fut conçue la Constitution.
[Crédit photographique]
Philadelphia Convention and Visitors Bureau
[Illustration, page 26]
La Constitution originale est conservée dans les Archives nationales.
[Crédit photographique]
Archives nationales américaines
[Crédit photographique, page 24]
Architect of the Capitol, Washington, D.C.