Volcanisme : êtes-vous en danger ?
L’ÉRUPTION volcanique, avec ses jaillissements de cendres chaudes et ses flots de lave incandescente, est l’une des débauches d’énergie les plus spectaculaires de la nature. Peut-être n’avez-vous jamais été personnellement témoin d’un tel événement, mais il vous est probablement arrivé de vous baigner dans une source d’eau chaude ou de vous régaler de produits cultivés dans le sol fertile que constituent les cendres volcaniques. Certains foyers bénéficient même de l’énergie géothermique.
Cependant, ces dernières années, les volcans ont semé la mort et la destruction. Depuis l’explosion cataclysmique du Saint Helens (sud-ouest de l’État de Washington [États-Unis]) le 18 mai 1980, les éruptions volcaniques mortelles sont particulièrement nombreuses dans plusieurs régions du monde. En 15 ans, les volcans ont fait plus de morts qu’ils n’en avaient fait en 70 ans, et les dégâts se chiffrent par milliards de francs. En outre, les nuages de cendres volcaniques, qui font perdre de leur puissance aux avions et les obligent à atterrir en catastrophe, ont failli plusieurs fois causer des tragédies.
Les éruptions et les coulées de boue du Pinatubo et du Nevado del Ruiz ont été des plus dévastatrices : le premier a détruit des dizaines de milliers de maisons aux Philippines, le second a tué plus de 22 000 personnes en Colombie. D’autres catastrophes sont susceptibles de se produire. “ En l’an 2000 ”, estiment Robert Tilling et Peter Lipman, spécialistes de l’U.S. Geological Survey, “ au moins 500 millions de personnes devraient être concernées par le risque volcanique ”.
Dès lors, peut-être jugerez-vous sage de vous poser ces questions : “ Est-ce que je vis près d’un volcan actif ou susceptible de se réveiller ? Quelles sont les éruptions les plus dangereuses, et peuvent-elles générer des menaces plus redoutables encore ? Si je vis dans une région à risque, que puis-je faire pour me protéger ? ”
Volcans en activité : répartition géographique
Peut-être seriez-vous surpris si vous appreniez que vous vivez près d’un volcan endormi, et qu’en cas de réveil vous seriez immanquablement touché. Depuis quelques dizaines d’années, les volcanologues savent identifier les volcans actifs ou endormis ; mieux, ils comprennent pourquoi les volcans sont situés ici plutôt que là.
Reportez-vous à la carte de la page 17. Y sont indiqués quelques-uns des plus de 500 volcans actifs recensés dans le monde. Vivez-vous près de l’un d’eux ? Geysers, fumerolles et sources d’eau chaude trahissent la présence d’un volcan endormi ; or un volcan endormi peut se réveiller. Plus de la moitié des volcans actifs sont groupés autour du Pacifique, formant la “ Ceinture de feu ”. Certains sont situés sur les continents, comme dans les Cascades (Amérique du Nord) ou dans les Andes (Amérique du Sud). D’autres forment des chapelets d’îles, tels les Aléoutiennes, le Japon, les Philippines et le sud de l’Indonésie. Les volcans sont également nombreux en Méditerranée et dans la zone méditerranéenne.
Les scientifiques ont découvert que ces volcans sont situés en bordure d’immenses plaques d’écorce terrestre instables, et plus particulièrement là où une plaque océanique plonge sous une plaque continentale. Ce dernier phénomène est appelé subduction. La chaleur générée par la subduction produit du magma (roche en fusion), qui monte à la surface. De plus, les mouvements soudains entre les plaques provoquent de violents séismes dans beaucoup des régions où se produisent des éruptions volcaniques.
Les volcans peuvent aussi se former là où les plaques océaniques s’éloignent l’une de l’autre. Nombre de ces éruptions ont lieu sur le plancher océanique et ne sont pas visibles. En revanche, les Islandais vivent sur la dorsale de Reykjanes, segment de la dorsale médio-atlantique, zone où les plaques Amérique du Nord et Amérique du Sud s’éloignent des plaques Europe et Afrique. Dans quelques autres cas, à Hawaii et sur le continent africain, des “ points chauds ” situés sous les plaques ont fait naître d’immenses volcans.
Les dangers
Un volcan est plus ou moins dangereux selon son activité récente, la force de ses éruptions et les risques connexes. Interviennent d’un autre côté la densité de la population d’alentour et son degré de préparation. Parlons tout d’abord des dangers proprement dits.
En général, les éruptions explosives, dangereuses, sont le fait d’un magma riche en silice. Ce magma visqueux peut former un bouchon qui sautera quand les gaz se seront suffisamment comprimés. En se solidifiant, il donne une roche légèrement colorée. Ce type de magma est fréquent en bordure de plaque. Des explosions peuvent aussi survenir quand le magma, en montant, rencontre de l’eau et la vaporise violemment. Les cendres chaudes produites par les éruptions explosives peuvent être mortelles. En 1902, trois volcans des Antilles et d’Amérique centrale ont ainsi tué plus de 36 000 personnes en six mois.
Par contre, les points chauds en domaine océanique, les volcans des zones de divergence de plaques et beaucoup d’autres vomissent principalement du basalte, substance noire pauvre en silice, mais riche en fer et en magnésium. Le magma basaltique, fluide, provoque généralement des éruptions peu ou pas explosives. Les coulées de lave sont le plus souvent lentes, autorisant une protection relativement facile. Mais ces éruptions peuvent durer. (À Hawaii, le Kilauea est en éruption constante depuis janvier 1983.) Bien qu’elles causent de nombreux dégâts, elles tuent ou blessent rarement.
Certaines éruptions déposent d’immenses quantités de cendres peu consolidées sur le flanc du volcan. Il y a alors risque de glissements de terrain ou, quand les cendres se mélangent à un grand volume de neige, de glace ou d’eau, risque de lourdes coulées capables d’atteindre rapidement les vallées. Ces coulées de boue (les lahars, du mot indonésien pour lave) peuvent s’étendre sur de nombreux kilomètres, parfois longtemps après la fin des éruptions.
Les raz-de-marée, catastrophes aussi dévastatrices que rares, sont des vagues géantes nées d’une éruption océanique ou d’un glissement de terrain sous-marin le long du flanc d’un volcan ventru. Ces vagues peuvent avancer à plusieurs centaines de kilomètres à l’heure. Bien qu’elles soient très petites en haute mer (les eaux sont profondes) et qu’elles ne représentent alors aucun danger pour les bateaux, elles grandissent rapidement près des côtes, pour dominer les maisons et de nombreux bâtiments. En 1883, quand explosa le Krakatoa, les raz-de-marée qui s’abattirent sur les côtes de Java et de Sumatra firent 36 000 morts.
Parmi les autres manifestations volcaniques capables de tuer ou de nuire à l’activité humaine figurent les pluies de cendres et de débris, les ondes de choc atmosphériques résultant des explosions, les émanations toxiques, les pluies acides et les séismes. Eu égard aux dizaines de volcans très menaçants recensés dans le monde entier et à la multitude des dangers liés au volcanisme, l’évaluation des risques volcaniques est assurément une tâche complexe.
Peut-on se protéger ?
Du fait de l’expansion démographique, de plus en plus de personnes vivent dans des zones menacées. Pour cette raison, et parce que l’activité sismique s’est récemment renforcée dans le monde entier, les volcanologues intensifient leurs efforts pour réduire les risques. Les prévisions, parfois justes, sauvent des vies. Mais sur quoi reposent-elles ?
Une éruption est généralement précédée de frissonnements du volcan ou de sa “ plomberie ”, frissonnements qui signalent une montée du magma. Au fur et à mesure que le magma s’accumule dans la partie supérieure du volcan, la pression augmente. Des gaz sont libérés, et la température et l’acidité des eaux souterraines sont susceptibles d’augmenter. En outre, une forte éruption est parfois précédée de plusieurs éruptions mineures. Toutes ces activités peuvent être surveillées.
Bien avant une éruption, les géologues peuvent évaluer les risques en examinant la roche. Souvent, les colères d’un volcan et leurs retombées suivent toujours le même schéma ; ou ses éruptions imitent celles de volcans étudiés. Sur la base de ces données, on a dressé pour de nombreux volcans une carte des zones les plus menacées.
Pour protéger les populations, il faut donc qu’il y ait évaluation des dangers et surveillance des volcans par les spécialistes, mais aussi avertissement précoce par les autorités locales. Si la prévision des séismes reste très aléatoire, beaucoup de volcans actifs peuvent être surveillés avec une précision suffisante pour permettre l’évacuation des populations menacées. L’évacuation est cruciale, car les édifices humains n’offrent généralement guère de protection, sinon aucune, contre la rage et la chaleur des explosions volcaniques et des coulées de lave, ni contre la force destructrice des glissements de terrain, des coulées de boue et des raz-de-marée.
Bien que des efforts louables soient accomplis pour la sécurité des populations, l’homme demeure incapable de prévoir avec une exactitude absolue les éruptions et les catastrophes connexes ; d’où l’impossibilité de garantir une sécurité totale. Certains volcanologues n’ont-ils pas péri lors d’éruptions inattendues ? Toutefois, si vous habitez dans une zone à risque, écoutez tout avertissement lancé par les autorités. Vous aurez ainsi beaucoup plus de chances de survivre à une catastrophe volcanique. — D’un de nos lecteurs.
[Encadré, page 18]
Prévision par satellites
Imaginez que l’on puisse mesurer les mouvements de surface des volcans au centimètre près grâce à des satellites gravitant à 20 000 kilomètres d’altitude à une vitesse de 5 kilomètres/seconde. C’est maintenant une réalité grâce au Global Positioning System (GPS), un système de satellites reliés à des radiorécepteurs placés sur la terre en des endroits stratégiques. Pour chaque mesure, la position d’au moins quatre satellites est relevée avec précision. Le temps est mesuré grâce à des horloges atomiques, instruments d’une extrême justesse. Ces mesures, effectuables par presque tous les temps, ont plusieurs avantages sur les méthodes de surveillance au sol. Les sondages GPS constituent probablement un grand pas dans la prévision des éruptions, événements parfois précédés par plusieurs années d’expansion du volcan. Cette technique est déjà employée aux États-Unis, en Islande, en Italie et au Japon.
[Carte, page 17]
(Voir la publication)
Volcans actifs et plaques de l’écorce terrestre
Volcans actifs.
Limites de plaques.
Ci-dessus : quelques-uns des plus de 500 volcans actifs de la planète.
[Crédit photographique]
Mountain High Maps™ copyright © 1993 Digital Wisdom, Inc.
[Illustrations, page 16]
Un nuage de cendres crachées par l’Unzen s’abat sur une zone d’habitation.
Le Saint Helens en éruption.
L’Etna, en Sicile, a récemment vomi de la lave pendant 15 mois.
[Crédits photographiques]
Orion Press-Sipa Press
USGS, David A. Johnston, Cascades Volcano Observatory
Jacques Durieux/Sipa Press
[Illustration, page 17]
Le Kilauea a augmenté la superficie d’Hawaii d’environ 200 hectares.
[Crédit photographique]
©Soames Summerhays/ Photo Researchers