Pourquoi le calcul du temps des Juifs est différent
LA CHRÉTIENTÉ compte le temps à partir de l’année qu’on suppose être celle de la naissance de Jésus. Pour elle c’est “ l’ère chrétienne ”, elle parle de “ l’an de grâce ” un tela. Les dates antérieures à cette année-là sont désignées par ces mots “ avant Jésus-Christ ” (av. J.-C.). Les Mahométans comptent le temps à partir de l’année où Mahomet s’enfuit de La Mecque, en 622 après Jésus-Christ. Les Juifs calculent le temps à partir de la création du monde (anno mundi). Pour éviter tout semblant de reconnaissance de Jésus comme le Seigneur ou le Christ, certains, surtout des Juifs, ne parlent pas d’événements préchrétiens ou postchrétiens mais emploient les expressions “ avant l’ère commune ” et “ l’ère commune ”, expression que le Nouveau Dictionnaire International de Webster déclare égale à l’ère chrétienne.
Maintes fois, les lecteurs de La Tour de Garde nous ont demandé la raison pour laquelle il y a une telle différence dans la façon dont les Juifs comptent le temps et le calcul du temps publié dans La Tour de Garde du 1er janvier 1952. D’après le calendrier juif, 3 760 années se sont écoulées depuis la création d’Adam jusqu’à l’an 1 avant notre ère, tandis que le calendrier de La Tour de Garde donne 4 024 années de l’automne de 4025 av. J.-C. à l’automne de l’an 1 av. J.-C., la différence entre les deux calculs étant de 264 années. C’est ainsi qu’aujourd’hui, les Juifs désignent l’année 1958, 5718 (an du monde) au lieu de 5982. Pourquoi ?
Bien que la date 5718 pour 1958 soit d’un usage répandu parmi les Juifs, il est étrange que très peu d’entre eux ajoutent foi au calcul des 3 760 années av. J.-C., sur lesquelles elle est supposée reposer. En fait, il y a de grandes divergences d’opinions parmi les érudits juifs eux-mêmes en ce qui concerne les mérites de la chronologie biblique. Ainsi, le Dr Edgar Frank, dans son livre Talmudic and Rabbinical Chronology (1956), s’abstient de propos délibéré de discuter les facteurs controversables et de toute première importance suivants, concernant la date traditionnelle juive. Il les énumère lui-même ainsi :
“ La preuve de l’exactitude des indications chronologiques dans la Bible.
“ La relation du Seder Olam, base de la chronologie juive, et les dates données dans la Bible.
“ Les contradictions entre les données de la chronologie juive et l’histoire ancienne reconnue. ”
Par conséquent, il n’est pas surprenant que la Jewish Encyclopedia (1925) déclare dans une note en bas de la page : “ Le fondement de la chronologie biblique étant encore un sujet de discussion, on juge opportun de présenter les opinions divergentes dans des articles distincts. ” Ce qu’elle fait sans chercher à harmoniser les idées contradictoires. — Tome 4, p. 64.
The Universal Jewish Encyclopedia (1941) est plus catégorique, car elle affirme : “ La chronologie biblique ne suit aucun système uniforme, mais varie selon les écrivains des livres dont la Bible se compose (...) Les critiques considèrent la plupart de ces chiffres de la Thora (Pentateuque) comme mythiques. Les âges des antédiluviens tirent manifestement leur origine de la mythologie babylonienne, tandis que ceux des patriarches sont considérés comme exagérés. ” — Tome III, p. 393.
Cependant, il y a des exceptions. Faisant un contraste frappant avec les écrivains susmentionnés, le Dr Philip Biberfeld, dans son ouvrage Jewish Universal History, tome I, s’efforce de concilier la période traditionnelle juive des 3 760 années avec la chronologie biblique et l’histoire profane. On peut dire que des hommes comme lui emploient avec logique l’an du monde 5718 pour 1958 après le Christ. On ne comprend pas bien pourquoi d’autres Juifs en font de même. Peut-être afin d’éviter l’emploi du calendrier “ chrétien ” ; ou par incertitude ; ou par respect de la tradition ; ou parce qu’ils ne considèrent pas comme essentielle la question de l’authenticité. Quoi qu’il en soit, il sera intéressant de noter comment la période des 3 760 années en vint à la première place et comment le Dr Biberfeld s’efforce de la concilier avec la chronologie biblique et l’histoire profane.
D’ADAM À ABRAHAM
À quoi doit-on les 3 760 années de la tradition juive ? Qui, le premier, arriva à ce total ? Et en quoi exactement son calcul diffère-t-il de celui de La Tour de Garde de façon à justifier une différence de 264 ans ? Il est généralement admis que la date juive vient de Jose ben Halafta, érudit talmudique du deuxième siècle. Appelé le Seder Olam (“ Succession de l’Histoire du Monde ”), ce calcul apparaît dans le Seder Nizikim du Talmud babylonien.
Ce calendrier, reconnaissant le récit de la Genèse, s’accorde avec la Bible jusqu’au temps du déluge. Ici, son compilateur commit l’erreur commune de placer le déluge comme venant après que Noé eut 600 ans, alors qu’il vint dans le second mois de la 600e année de Noé (Gen. 7:11). À ce point le calendrier juif indique une année de trop, fixant le début du déluge en l’an 1656 au lieu de 1655.
Le calendrier juif donne ensuite le nombre des années depuis le déluge jusqu’à la naissance d’Abraham comme étant de 292, plaçant la naissance d’Abraham au moment où Térach était âgé de 70 ans. Mais, selon Genèse 11:32 à 12:4, Abraham avait soixante-quinze ans quand Térach mourut à l’âge de 205 ans. Par conséquent, Térach avait 130 ans et non soixante-dix ans quand Abraham naquit. Comment cette erreur de soixante ans, erreur très commune, fut-elle faite ? À cause de la mauvaise compréhension de Genèse 11:26 (NW), où nous lisons : “ Et Térach vécut soixante-dix ans, après quoi il engendra Abram, Nachor et Haran. ”
Notez que ce texte n’affirme pas explicitement qu’Abraham naquit quand Térach fut âgé de soixante-dix ans, mais simplement que ce dernier engendra trois fils après avoir atteint cet âge-là. Ce texte n’indique pas la date exacte de la naissance de chacun de ces trois fils, mais d’après d’autres textes, il est clair qu’Abraham naquit alors que Térach avait 130 ans. Le fait qu’il est cité le premier ne signifie pas nécessairement qu’il était le premier-né. Il fut sans doute mentionné le premier à cause de son importance, due au fait que Jéhovah l’avait choisi. (C’est ainsi également que Jacob est cité avant son frère, bien qu’Ésaü fût l’aîné.) À cet endroit, le calendrier juif retarde de cinquante-neuf ans : il fixe la naissance d’Abraham en 1948 av. J.-C. au lieu de 2007.
D’ABRAHAM À L’ÈRE COMMUNE
Ensuite, le calendrier juif donne cinq cents années s’écoulant de la naissance d’Abraham à la sortie d’Égypte. Cependant Abraham avait soixante-quinze ans quand Dieu fit son alliance avec lui, comme cela est noté dans Genèse 12:1-4. D’autres témoignages scripturaux (Ex. 12:41 ; Gal. 3:17) montrent que 430 années s’écoulèrent entre la conclusion de cette alliance et celle de l’alliance de la loi, juste après l’exode. Par conséquent, nous ne pouvons tirer d’autres conclusions que celle-ci : De la naissance d’Abraham à l’exode, il y eut 505 (75 + 430) années, et non 500 ans. Examinant cette différence, nous constatons que selon le calendrier juif les Israélites séjournèrent en Égypte pendant 210 ans, tandis que cette période doit avoir été de 215 ans. À cet endroit, le calendrier juif perd cinq ans de plus, il place la date de l’exode en l’an 2448 au lieu de 2512 (1513 av. J.-C.), ce qui fait qu’il est en retard de soixante-quatre années sur notre calcul du temps.
En comptant 480 années pleines depuis l’exode jusqu’à la construction du temple de Salomon, le calendrier juif gagne une année mais se trompe aussi d’une année (I Rois 6:1). Comment ? Il s’agit ici d’un nombre ordinal, la 480ème année, et non d’un nombre cardinal, 480 ans. Cela signifie qu’un peu plus de 479 années s’écoulèrent entre les deux événements en question. En raison de cette autre erreur, communément faite, le calendrier juif est de soixante-trois ans en retard sur notre calcul, parce qu’il place le début de la construction du temple de Salomon en 2928 au lieu de 2991 (1034 av. J.-C.).
Passant à la période suivante, pendant laquelle le “ premier ” temple ou temple de Salomon resta debout, le calendrier juif mentionne 410 années, tandis qu’il subsista 427 années, d’après les règnes des différents rois de Juda tels qu’ils sont rapportés dans les deux livres des Rois. Par ce manque de dix-sept ans le calendrier juif est de quatre-vingts ans en retard. Néanmoins, il reconnaît la période de désolation comme étant de soixante-dix ans, de sorte que ses quatre-vingts années de réduction s’appliquent également à la date qu’il donne pour le retour des Juifs de Babylone : 3408 au lieu de 3488 (537 av. J.-C.).
Le dernier chiffre impliqué dans le calendrier traditionnel juif se rapporte à la durée du second temple qui va du retour des exilés juifs de Babylone jusqu’à sa destruction en l’an 70 apr. J.-C., c’est-à-dire 420 ans. Cependant, une grande confusion règne parmi les érudits juifs pour ce qui est de savoir si son compilateur, le rabbin Halafta, a établi comme il faut la date de la destruction du second temple. À cause de deux années manquantes, certains affirment qu’il s’est trompé de deux ans ; d’autres pensent qu’il a considéré la date de la création d’Adam comme étant l’an 3 au lieu de 1. Dans l’un et l’autre cas, il faut ajouter deux ans, soit avant la création d’Adam, soit à la période qui s’écoula du retour des Juifs de Babylone jusqu’à l’an 1 apr. J.-C. pour arriver aux 3 760 années traditionnelles avant l’ère commune. Par conséquent, cette dernière période implique 353 années. Puisque 537 av. J.-C. est une date fixée, il s’ensuit qu’il manque au calendrier traditionnel juif 184 années qui, si on les ajoute aux 80 années déjà établies comme manquantes, nous donnent le total de 264 années, comme nous l’avons fait remarquer plus hautb.
UN ESSAI SINCÈRE MAIS VAIN
Ainsi que nous l’avons dit précédemment, le Dr P. Biberfeld prétend avoir harmonisé les 3 760 ans (avant l’ère commune) de la chronologie traditionnelle juive avec la Bible et l’histoire profane. Comment s’y est-il pris ? Et y est-il parvenu ? Non, comme les explications suivantes le démontreront.
Puisqu’il est d’accord avec la chronologie traditionnelle juive jusqu’à l’époque de l’entrée des Juifs ou plutôt des Israélites dans la terre de Canaan, à ce moment sa chronologie est déjà de soixante-quatre ans en retard sur la nôtre, comme nous l’avons vu précédemment. Ensuite, il trouve à redire aux 480 (479 +) années qui, selon I Rois 6:1, s’écoulèrent entre l’exode et la construction du premier temple. D’après lui, les générations énumérées dans la généalogie de David sont trop peu nombreuses pour s’étendre sur une si longue période ; il conclut donc que ce que le rédacteur des Rois entendait était la mort de Joseph, survenue environ 140 ans plus tôt. Au lieu de 479 années il n’en compte que 341, 138 en moins, de sorte que son calendrier est à ce moment de 202 années en retard sur notre chronologie.
Biberfeld a-t-il une base solide pour sa façon de procéder ? Non ; car, comme nous l’avons signalé précédemment dans les publications de la Watch Tower, il apparaît que, à cause de l’inimitié de la postérité du Serpent, la lignée de la postérité de la femme connut de nombreuses difficultés pour ne pas être interrompue, un fils naissant souvent quand le père était vieuxc. Par exemple, remarquez que Sem, le fils de Noé, naquit quand Noé fut âgé de plus de cinq cents ans, tandis que l’âge moyen du père dans les neuf générations précédentes n’était que de 110 ans jusqu’à la naissance de la génération suivante. Également, il apparaît que Térach eut son premier fils à l’âge de soixante-dix ans, mais Abraham lui naquit quand il eut 130 ans. Pareillement, ce fut au moment où il avait largement dépassé l’âge d’avoir un fils qu’Abraham engendra Isaac, par le pouvoir du saint esprit de Dieu. Il est intéressant aussi de noter qu’une génération fut sautée du fait que la postérité vint de Juda par sa belle-fille Tamar au lieu de l’un des fils de sa femme légitime (Gen. 38:1-30). On pourrait citer un plus grand nombre d’exemples, mais les cas mentionnés suffisent à montrer qu’il n’existe aucun fondement pour mettre en doute les 479 années qui s’écoulèrent de l’exode au premier temple en raison des peu nombreuses générations figurant dans l’ascendance de David.
Ensuite, Biberfeld octroie 385 années au lieu de 427 à la durée du premier temple, perdant ainsi quarante-deux ans de plus, ce qui fait un total de 244 années de moins. Il reconnaît la période de désolation de soixante-dix ans, mais fixe la durée du second temple, soit la période s’écoulant depuis le retour des Juifs de Babylone jusqu’à la destruction du second temple en 70 apr. J.-C., à 586 ans. Si nous remontons à partir de 70 av. J.-C., 586 ans nous amènent en 517 av. J.-C. Puisque la Bible et l’histoire profane sont d’accord toutes deux pour attester que les Juifs revinrent en 537 av. J.-C., Biberfeld, ici, obtient vingt autres années de moins, ce qui fait une différence totale de 264 ans entre sa chronologie et celle de la Bible. On voit donc qu’il n’a pas réussi à harmoniser la chronologie traditionnelle juive ni avec la Bible ni avec l’histoire profane.
Récapitulons. Les deux calendriers juifs qui sont fondés sur la période de 3 760 années avant l’ère commune, ou ère chrétienne, diffèrent de celui qui repose sur la Bible et fut publié dans les publications de la Société Tour de Garde sous les rapports suivants :
Période impliquée Tour de Garde Halafta Dif. Biberf. Dif.
Adam au déluge 1 655 1 656 1 1 656 1
à la naissance
d’Abraham 352 292 60 292 60
à l’exode 505 500 5 500 5
au premier temple 479 480 1 341 138
à la désolation 427 410 17 385 42
au retour des exilés 70 70 — 70 —
à l’an 1 (automne)
apr. J.-C. 537 353 184 517 20
à l’année 1958 1 957 1 957 — 1 957 —
Totaux 5 982 5 718 264 5 718 264
[Notes]
a Comme cela a déjà été démontré dans ce périodique, Jésus naquit vers le 1er octobre, en l’an 2 av. J.-C.
b En comptant le total des années à partir de n’importe quelle date av. J.-C. jusqu’à n’importe quelle date apr. J.-C., il faut non seulement additionner les deux chiffres mais encore soustraire une année parce qu’il n’y a pas d’année zéro ni avant ni après J.-C. Ainsi, de l’an 1 av. J.-C. à l’an 1 apr. J.-C., il n’y a pas deux ans mais un an seulement. Par conséquent, il s’ensuit qu’en comptant 420 années en remontant à partir de la destruction du temple en 70 de notre ère, on arrive à 351 av. J.-C. et non à 350. Il est fort probable que certains chronologistes juifs ont négligé ce fait.
c Voir le livre Preservation (anglais), page 333.