Je vais de l’avant avec l’organisation de Dieu
Raconté par Grant Suiter
EN 1922, alors que j’avais 14 ans, ma famille quitta Chicago, dans l’Illinois, pour s’installer en Californie. En passant dans l’Idaho, nous avons rendu visite à des amis de longue date qui nous apprirent qu’en Californie des gens annonçaient, en se basant sur la Bible, que des millions de leurs contemporains ne mourraient jamais.
Effectivement, peu après notre installation en Californie, nous avons pu lire dans un journal local la déclaration suivante: “Des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais.” C’était le titre d’un discours public qui devait être prononcé à San José. C’est ainsi que mon père prit contact avec les Étudiants de la Bible (comme on appelait alors les Témoins de Jéhovah), et il commença à nous emmener à leurs réunions publiques.
Ma mère désirait que j’aille à l’école du dimanche et, bien que mon père critiquât les prédicateurs de toutes confessions, il pensait également que cela pourrait m’être utile. J’ai donc fréquenté régulièrement l’école du dimanche méthodiste. Par la suite, j’en suis devenu le trésorier. Je jouais aussi dans l’équipe de basket-ball. Cependant, notre famille continuait toujours à assister aux réunions publiques tenues par les Étudiants de la Bible à San José, à quelques kilomètres de Santa Clara, où nous habitions.
Mon père désirait tant voir s’améliorer la conjoncture qu’il participa aux campagnes électorales de plusieurs candidats politiques. Il alla même jusqu’à inscrire à la peinture le nom de l’un d’entre eux sur le pare-brise de notre Ford. Souvent, à l’occasion des réunions, les Étudiants de la Bible lui expliquaient gentiment que le véritable espoir de l’humanité ne résidait pas dans la réalisation d’un programme politique humain, mais dans le Royaume de Dieu et de Jésus Christ. Mon père partageait dans l’ensemble ce point de vue. Cependant, il leur répondait que si cela était très bien pour le futur, il désirait néanmoins faire tout son possible, par des moyens politiques, pour améliorer la situation présente. Mais, petit à petit, toute la famille — ma mère, mon père, ma sœur et moi-même — a fini par mieux comprendre la vérité biblique et la ligne de conduite prescrite par la Parole de Dieu.
Notre croissance spirituelle
Avec le temps, j’ai compris que je ne pouvais pas continuer en toute bonne conscience à fréquenter l’école du dimanche méthodiste, et je l’ai donc quittée. En 1923, nous avons à nouveau déménagé pour nous installer quelques kilomètres plus loin, à Oakland, où mon père a ouvert une petite épicerie. Moi, j’allais au lycée. Un jour, j’ai appris que les Étudiants de la Bible ne fumaient pas, aussi ai-je tenté de persuader papa de cesser de vendre des cigarettes dans son magasin. Il ne m’a pas écouté, mais a parlé de cette question avec Robert Craig, l’un des Étudiants de la Bible.
À l’issue de leur conversation, mon père décida de vendre son magasin et de quitter Oakland. Cette décision soudaine était également motivée par les pressions dont il était l’objet de la part d’individus qui voulaient le mêler au trafic d’alcool, activité contraire à l’enseignement qu’il recevait à l’ecclésia (congrégation) des Étudiants de la Bible à Oakland. À la même époque, mes parents m’ont autorisé à quitter le lycée après seulement un an et demi d’études secondaires, afin d’échapper à l’ambiance immorale qui y régnait.
Nous nous sommes donc installés à quelques kilomètres de là, à Mountain View, pas très loin de San José, et nous avons de nouveau assisté aux réunions de l’ecclésia de cette ville. Mon père tenait un autre magasin, dans lequel je me suis mis à travailler à plein temps sans être payé, uniquement pour l’aider. Papa s’abonna à La Tour de Garde ainsi qu’à L’Âge d’Or (aujourd’hui Réveillez-vous!) que j’appréciais tout spécialement. J’avais conscience en le lisant d’en apprendre davantage que si j’étais resté au lycée.
Les réunions de l’ecclésia m’intéressaient de plus en plus. Je fus particulièrement marqué à cette époque par un article intitulé “Naissance de la nation”, paru dans La Tour de Garde anglaise du 1er mars 1925. Les informations qu’il contenait aidèrent les Étudiants de la Bible à améliorer grandement leur intelligence relative au Royaume de Dieu et de Jésus Christ. Il expliquait que ce gouvernement avait été établi dans les cieux en 1914. Parallèlement, nous passions beaucoup de temps chez les Étudiants de la Bible de Mountain View, car notre famille commençait à se lier d’une profonde amitié avec eux.
Cela nous permit de nous rendre compte que nos amis ne priaient pas seulement à l’occasion des réunions de l’ecclésia, mais aussi chez eux. Entre autres, ils remerciaient Dieu au moment des repas. Mon père désirait adopter le bon point de vue sur la prière, ce qui était tout à son honneur, car il la considérait jusque-là comme une démarche hypocrite. À ce sujet, je me souviens d’une discussion qu’il eut avec un Étudiant de la Bible venu lui rendre visite dans son magasin. Ce dernier faisait observer que nous devions remercier Jéhovah Dieu pour nos joies. En réponse, mon père lui demanda comment expliquer qu’il fallait remercier Dieu pour les bénédictions reçues alors que nous ne le blâmions sûrement pas pour nos malheurs. Mais avec le temps, toute ma famille comprit clairement ce qu’est la prière et elle profita au maximum de cette disposition pleine d’amour.
L’ecclésia organisait une École des prophètes, école qui m’a beaucoup apporté. C’était une réunion réservée aux anciens et aux autres membres masculins de l’ecclésia dans le but de leur dispenser une formation dans l’art oratoire. L’élève faisait un exposé sur un sujet qui lui avait été attribué, après quoi les assistants lui donnaient des conseils utiles. Toutefois, je peux vous dire que ces critiques positives n’étaient pas sévères comparées à celles que mon père me fit en privé après avoir assisté à l’une de ces réunions au cours de laquelle j’avais fait un exposé.
Les pèlerins, des représentants spéciaux de la Société Watch Tower, nous ont beaucoup aidés, ma famille et moi. Chaque année, les ecclésias sollicitaient la Société pour recevoir leur visite. L’un de ces pèlerins, J. Bohnet, m’a particulièrement aidé. Sa forte personnalité le rendait attachant pour certains, mais produisait l’effet inverse sur d’autres. Il aimait Jéhovah et était manifestement modeste, malgré son air bourru qui masquait quelque peu cette qualité.
Le baptême et le ministère chrétien
L’un des discours qu’il prononça dans le foyer d’un Étudiant de la Bible à Mountain View marqua un tournant dans ma vie. Tout en l’écoutant expliquer que servir Jéhovah est un privilège et une responsabilité, je pris conscience que c’était ce que je devais et désirais faire. Aussi me suis-je voué personnellement à Jéhovah, ce qu’ont fait aussi à la même époque les autres membres de ma famille. Un peu plus tard, le 10 octobre 1926, à San José, nous avons symbolisé tous ensemble l’offrande de notre personne à Jéhovah Dieu en nous faisant baptiser dans l’eau.
On ne procédait pas tout à fait de la même manière aux baptêmes à l’époque. L’ancien qui baptisait m’a dit: “Frère Grant, au nom du Père, du Fils et de l’esprit saint, je te baptise aujourd’hui dans le Christ.” Chaque nouveau baptisé portait une sorte de robe noire à manches courtes qui lui descendait jusqu’aux chevilles. Et pour être sûr que les candidats au baptême restent décemment vêtus on accrochait des poids de plomb au bas de ces robes.
Après le baptême, alors que nous étions rhabillés, mon père a dit à l’ancien qui avait présidé la cérémonie: “Vous allez distribuer des publications aux gens n’est-ce pas? Nous aussi nous voulons accomplir cette œuvre maintenant.” Notre famille a donc fait ses premiers pas dans la prédication.
J’ai commencé à participer à ce service le jour où un ancien, H. Lawrence, a pu s’arranger pour me prendre avec lui. Il m’a remis quelques brochures et m’a emmené en voiture jusque dans le territoire de San José. Je pensais qu’il allait m’accompagner de maison en maison, mais une fois sur place, il m’a fait descendre de voiture et m’a dit: “Maintenant, prêche aux habitants de ce pâté de maisons.” Puis il a démarré et est allé plus loin. J’ai donc prêché seul aux gens de ce pâté de maisons et j’ai laissé trois brochures pour une contribution de 25 cents. Cela m’a rendu très heureux. En participant ainsi au ministère chrétien, j’avais vraiment le sentiment de faire partie de l’organisation de Dieu.
Vers cette époque, le Bulletin (maintenant appelé Le ministère du Royaume), feuille mensuelle d’instructions pour le service, nous conseilla de parler de l’organisation du Diable aux gens à qui nous rendions visite. Aussi, quand une personne me congédiait en disant ne pas être intéressée par le message, j’insistais un peu en me mettant à lui expliquer que le Diable possède une organisation qui sera bientôt détruite. C’était vraiment très différent de notre présentation courante sur l’espérance de ne jamais mourir et de vivre éternellement dans le paradis sur la terre.
Les membres de l’ecclésia de San José allaient souvent très loin pour annoncer le message du Royaume. Des équipes de colporteurs, comme on les appelait, parcouraient régulièrement la vallée de Santa Clara et les collines qui la dominent. Je revois encore cette contrée couverte à perte de vue de vergers en fleurs. Nous emmenions quelques provisions de bouche et passions toute la journée à prêcher dans le territoire parfois distant de 120 kilomètres ou plus de San José.
Depuis plusieurs années, nous diffusions aussi le message du Royaume grâce à la station de radio KFWM, qui émettait d’Oakland. À tour de rôle, les ecclésias de la région préparaient un programme que cette station diffusait en fin de semaine. J’ai eu le privilège de lire des discours bibliques sur les ondes de la KFWM, notamment le 24 juillet 1927. Le sigle de cette station était composé des initiales des mots anglais ‘Kingdom For World of Mankind’. (Le Royaume pour le monde des hommes.)
J’élargis mon service
Un jour, au retour d’une réunion, frère Lawrence, qui m’avait fait faire mes premiers pas dans la prédication, me proposa dans la voiture une demande d’entrée au siège de la Société à Brooklyn (New York). Quelque temps auparavant, peu après notre baptême, j’avais entendu mon père dire à ma mère qu’à ma place il ferait du service de Jéhovah sa carrière. C’était justement ce que je désirais et j’avais le sentiment que cette demande d’entrée au Béthel m’offrait la possibilité de réaliser mon désir.
La Tour de Garde (anglaise) du 15 mai 1928 annonçait qu’une assemblée internationale des Étudiants de la Bible aurait lieu du 30 juillet au 6 août à Detroit, dans le Michigan. Je désirais ardemment y assister et cela me fut possible grâce à ma famille et à mes amis. Au cours de l’assemblée, Donald Haslett, secrétaire de J. Rutherford, président de la Société, annonça de l’estrade qu’il y avait besoin de frères au Béthel. Ceux qui désiraient se proposer pour ce service pouvaient avoir un entretien avec frère Rutherford. J’ai saisi l’occasion, rempli une autre demande d’admission au Béthel, et frère Rutherford m’a invité à me présenter au Béthel le 13 août 1928.
Ce jour-là, tout juste une semaine après l’assemblée de Detroit, nous étions 13 à commencer notre service au Béthel. À l’époque, 95 membres du Béthel travaillaient à l’impression et à l’expédition des publications bibliques dans la toute nouvelle imprimerie du 117 Adams Street, tandis que d’autres, un peu moins nombreux, s’affairaient au Béthel même et dans les différents bureaux de la Société. Le premier travail qui me fut confié consistait à réceptionner des brochures à la sortie d’une machine qui les pliait après avoir agrafé les couvertures. J’occupais ce poste à l’imprimerie depuis à peine deux semaines quand j’ai été muté dans le service qui s’occupe des congrégations. Le fait de collaborer avec ce service me donna vraiment le sentiment d’aller de l’avant avec l’organisation de Dieu.
En 1929, comme je ne savais pas où passer mes premières vacances, je suis resté au Béthel. J’étais donc là quand frère Rutherford donna au Temple maçonnique de Brooklyn un discours sur la permission du mal par Jéhovah et sur la justification de son nom. Jusque-là, ce sujet d’importance capitale n’était pas clair dans notre esprit, aussi les explications fournies par frère Rutherford nous allèrent-elles droit au cœur.
Progrès dans les années 1930
L’événement de l’année 1931 fut l’accueil d’un nom unificateur pour tout le peuple de Dieu, celui de Témoins de Jéhovah. L’année suivante, on appela chaque congrégation du peuple de Dieu un “groupe” et non plus une “ecclésia”. Les Témoins de Jéhovah disséminés dans le monde ne formaient donc plus des “ecclésias” ou des “classes”, mais des “groupes”.
En 1932, mon père a vendu son commerce en Californie et, en compagnie de ma mère et de ma sœur, il a entrepris le service de pionnier. Ils ont fabriqué eux-mêmes une caravane qui a servi de logement à mes parents pendant les vingt années qui ont suivi. Après avoir servi avec eux jusqu’en 1939, ma sœur Grace a été invitée à devenir membre de la famille du Béthel de Brooklyn. Elle y sert toujours avec celui qui est devenu son mari en 1959, Simon Kraker.
Après le décès de Robert Martin, le 23 septembre 1932, frère Rutherford nomma Nathan Knorr surveillant de l’imprimerie où il travaillait déjà auparavant.
L’année suivante, le peuple de Dieu commença à rencontrer de réelles difficultés. Le 30 janvier 1933, Adolf Hitler devenait chancelier d’Allemagne, et le 28 juin de la même année la filiale allemande de la Société Watch Tower, à Magdebourg, était saisie et fermée. Peu après que le pape Pie XI eut déclaré 1933 “année sainte”, frère Rutherford donna le discours intitulé “L’année sainte et ses effets sur la paix et la prospérité”, discours qui fut diffusé par 55 stations radiophoniques. J’eus le privilège d’introduire frère Rutherford à la radio.
Depuis le début des années 1930, notre œuvre rencontrait une opposition grandissante et suscitait des persécutions un peu partout. Dans le but de donner massivement le témoignage dans les régions où des difficultés avaient surgi, les Témoins de Jéhovah furent organisés en “divisions”. En Allemagne, la persécution s’intensifia tant que le 7 octobre 1934, dans plusieurs pays, les groupes adressèrent des télégrammes de protestation à Hitler, pour lui enjoindre de la faire cesser.
L’identité de la “grande multitude” dont parle Révélation 7:9 (version Synodale) donnait lieu à de nombreuses discussions au sein du peuple de Dieu à cette époque. On pensait généralement que c’était une classe céleste secondaire, moins fidèle. Au Béthel, lors d’une étude familiale dirigée par frère T. Sullivan, j’ai néanmoins soulevé la question suivante: “Étant donné que la grande multitude se voit octroyer la vie éternelle, ceux qui la composent gardent-ils leur intégrité?” Les commentaires ne manquèrent pas, mais aucune réponse formelle ne fut donnée, et quand finalement on me demanda mon avis, je répondis que je me posais moi-même la question.
Il fallut attendre le 31 mai 1935 pour que ce sujet soit traité dans un discours que frère Rutherford prononça à l’assemblée de Washington. Du haut du balcon où j’étais assis, j’ai pu constater à quel point le développement de son sujet faisait vibrer le vaste auditoire. À l’aide des Écritures, il identifia clairement la grande multitude à ceux qui survivront à Har-Maguédon avec la perspective de vivre éternellement sur la terre. Ces explications corroboraient bien la déclaration selon laquelle “des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais”.
Le 12 juillet 1937 j’ai été nommé serviteur du Béthel par frère Rutherford. J’ai eu ainsi le privilège de collaborer étroitement avec lui pendant les quatre années et demie qui ont précédé sa mort. C’est pendant cette période, vers la fin de 1937, que le périodique L’Âge d’Or a pris le nom de Consolation. Cela inspira une boutade à frère Rutherford alors que nous étions en voiture et traversions Scranton (Pennsylvanie), non loin de la ville natale de frère C. Woodworth, éditeur du périodique, que nous appelions affectueusement “Woody”. Comme il était difficile de circuler dans Scranton à l’époque, J. Rutherford me dit: “Pas étonnant que Woody cherche une consolation, dans une ville pareille!”
La Seconde Guerre mondiale, une période d’épreuves
En septembre 1939, la Seconde Guerre mondiale éclatait. En octobre, le bureau de la filiale de Paris était fermé et l’œuvre interdite en France. L’année suivante, la même chose se produisit au Canada. Frère Rutherford étant souffrant cet été-là, nous nous demandions s’il pourrait se rendre à l’assemblée qui devait se tenir à Detroit, dans le Michigan. Il y assista malgré tout, mais alors qu’il prononçait le discours public, il me fit passer un mot pour me demander de prévoir son retour au Béthel aussitôt après.
L’été suivant, il y eut une grande assemblée à Saint Louis, dans le Missouri. En fait, ce fut la plus importante de toutes celles que les Témoins de Jéhovah avaient tenues jusque-là. Ayant été affecté au service cafétéria, pour réceptionner les denrées nécessaires, je ne pus assister qu’à la session du dernier jour durant laquelle fut présenté le livre Enfants. Au cours de cette même assemblée, nous avons aussi reçu la brochure Défense des serviteurs de Jéhovah (angl.). Cet écrit nous a équipés pour résister aux pressions de la police qui, aiguillonnée par les chefs religieux, s’opposait à notre ministère de maison en maison.
Cette publication parut à point nommé, car, avant même la fin de cette année-là, mon père fut arrêté et emprisonné pour avoir participé au ministère. Ma mère qui était donc seule dans la caravane fut assaillie par un groupe de gens furieux. Ils ne lui firent aucun mal mais dévalisèrent la caravane. Ma mère fut obligée de se réfugier chez des Témoins de la région.
Étant absent, frère Rutherford ne put présider la réunion annuelle de la Watch Tower Bible and Tract Society of Pennsylvania qui se tint le 1er octobre 1941. J’eus le privilège de le faire à sa place et d’être élu directeur de la Société au cours de cette réunion.
Deux mois plus tard, le dimanche 7 décembre 1941, alors que N. Knorr, G. Hannan et moi revenions en voiture de Long Island où nous avions prêché, nous avons entendu à la radio une nouvelle stupéfiante: les Japonais venaient de bombarder Pearl Harbor, ce qui plongeait les États-Unis dans la guerre. Tout cela, ajouté à l’état de santé très inquiétant du président de la Société et aux pressions qui s’exerçaient de tous côtés pour mettre fin à notre prédication, eut de sérieuses répercussions sur le peuple de Dieu.
En dépit de la mort de frère Rutherford, survenue un mois et un jour plus tard, l’œuvre du Royaume continua de progresser. Un an après avoir été élu président, le 1er février 1943, frère Knorr annonça l’ouverture de l’École de Galaad pour la formation de missionnaires.
Le 8 mai 1945, le président des États-Unis, Harry Truman, annonça la capitulation de l’Allemagne. En août, après le largage de bombes atomiques par les forces aériennes américaines sur les villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki, nous entrions dans la période d’après-guerre.
Les événements de l’après-guerre
La municipalité de New York nous avisa qu’elle réquisitionnait le terrain sur lequel s’élevait la partie arrière de notre Béthel, le long de Furman Street, pour y faire passer une autoroute et aménager un jardin public. Mais la Société put acquérir du terrain côté Columbia Heights, pour y construire une annexe du Béthel. Le permis fut accordé le 11 octobre 1946. Les travaux de démolition débutèrent le 27 janvier 1947, et la nouvelle annexe fut construite au cours des années 1948 et 1949. Au moment de l’inauguration de ce bâtiment coquet, en 1950, on achevait aussi un vaste bâtiment de neuf étages destiné à s’ajouter à notre imprimerie du 117 Adams Street.
W. Van Amburgh, secrétaire-trésorier de la Société, dut renoncer à sa fonction à cause de son grand âge et de son mauvais état de santé. Je fus donc élu à ce poste le 6 février 1947. Frère Van Amburgh mourut le lendemain.
Peu après, au printemps 1947, la Société m’envoya dans plusieurs pays européens qui avaient été dévastés par la Seconde Guerre mondiale. Quel réel privilège ce fut pour moi de m’associer à ces fidèles serviteurs de Jéhovah qui venaient d’être libérés, après de longues années de captivité dans les camps de concentration nazis! Je me réjouissais de pouvoir les encourager en prononçant les discours principaux lors des assemblées organisées pendant ma visite.
Depuis mon entrée au Béthel, en 1928, je n’étais jamais retourné en Californie. Cependant, j’avais pu voir mes parents de temps en temps, à l’occasion des grandes assemblées particulièrement, car ils effectuaient la plupart du temps leur service de pionnier dans l’est des États-Unis. Mais en été 1947, j’ai eu l’occasion d’aller en Californie. Une assemblée était prévue à Los Angeles du 13 au 17 août, et la Société offrait le voyage aux membres du Béthel qui avaient effectué au moins quinze années de service. Ce furent un voyage et une assemblée bien agréables.
Des privilèges de service spéciaux
Au cours des années, j’ai également goûté à des privilèges uniques, liés à l’expansion de l’organisation visible de Dieu. J’ai aidé à négocier de nombreuses acquisitions pour la Société, la dernière en date étant celle d’immeubles situés à Brooklyn, 175 Pearl Street et 360 Furman Street, au début de cette année. Je souhaite de tout cœur que ces vastes locaux récemment acquis puissent être utilisés à une nouvelle et grande expansion de la prédication du Royaume sur toute la terre.
J’ai parcouru des centaines de milliers de kilomètres, non seulement à travers les États-Unis, mais aussi dans de nombreux autres pays, pour prononcer des discours devant de vastes auditoires composés de serviteurs de Dieu, afin de les encourager dans leur ministère chrétien. Par exemple, en 1963, à l’occasion de la chaîne des assemblées “La bonne nouvelle éternelle”, j’étais au nombre des délégués de la Société qui voyagèrent autour du monde pour assister à ces rassemblements. Cela fait partie des nombreux privilèges pour lesquels je suis reconnaissant à Jéhovah. Je peux aussi citer celui d’avoir prononcé des discours aux assemblées mémorables tenues au Yankee Stadium, notamment à celle qui rassembla plus de 250 000 personnes en 1958.
Une organisation qui va de l’avant
Au cours de notre vie, le cortège des années nous amène bien des aléas, et même parfois des circonstances pénibles. Ce fut le cas quand je perdis mon père le 31 décembre 1954. Il s’éteignit dans l’Illinois, État dans lequel il avait reçu sa dernière affectation de service. L’année suivante, ma sœur Grace et moi avons installé notre mère à New York où elle a vécu jusqu’à sa mort survenue le 6 mai 1962. Mais je ne dois pas omettre de mentionner un événement heureux, mon mariage avec Edith Rettos, le 12 mai 1956. Elle servait déjà avec zèle comme pionnier avant notre union, et depuis elle travaille fidèlement à mes côtés ici au Béthel.
Ce qui me réjouit tout particulièrement après de nombreuses années de service au siège mondial de l’organisation visible de Jéhovah, c’est la bénédiction évidente de Dieu sur l’œuvre qu’il a confiée à son peuple, à savoir la prédication de la bonne nouvelle du Royaume sur toute la terre avant que ne vienne la fin (Matthieu 24:14). En 1971, puis en 1974, j’ai assisté à l’élargissement du Collège central. Depuis lors, j’ai apporté mon concours à l’élaboration de la plupart des décisions importantes pour les filiales et l’œuvre de prédication sur toute la terre. J’ai vu aussi le nombre des proclamateurs dans le monde passer de 44 080 en 1928, quand je suis entré au Béthel, à près de 2 500 000 de nos jours. L’organisation de Jéhovah a vraiment été de l’avant, et je déborde de gratitude pour les nombreux privilèges de service qui m’ont été confiés en rapport avec la grande œuvre de témoignage final.
Ma foi dans les promesses bibliques relatives au gouvernement juste de Dieu et aux bénédictions qu’il déversera sur la terre est plus forte que jamais. Si je devais recommencer ma vie, je ne choisirais pas une autre voie. Quelle joie et quel privilège d’avoir pu servir ici, au Béthel, au cours des cinquante-cinq dernières années, aux côtés de la famille chrétienne la plus nombreuse et la plus merveilleuse qui soit!
Alors que cet article allait être publié, frère Suiter a fait une mauvaise chute chez lui au Béthel de Brooklyn. Il a été gravement blessé à la colonne vertébrale. À l’heure actuelle, on lui prodigue avec amour des soins attentifs à l’infirmerie de la Société au Béthel. Aux dernières nouvelles, son état, quoique critique, est stationnaire. Nous prions Jéhovah de soutenir et de réconforter ce frère fidèle et sa famille en ces circonstances pénibles.
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L’aide de J. Bohnet marqua un tournant dans ma vie.
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Ma sœur, mes parents et moi-même.
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La caravane qui servit de logement à mes parents pendant 20 ans, durant leur service de pionnier.
[Illustration, page 13]
W. Van Amburgh, à qui j’ai succédé comme secrétaire-trésorier de la Société Watch Tower en 1947.
[Illustration, page 14]
J’ai souvent prononcé des discours aux grandes assemblées, comme ici au Yankee Stadium, en 1958.
[Illustration, page 15]
Edith, ma fidèle compagne depuis 1956.
[Photo de Grant Suiter, page 8]