L’avenir de l’Église catholique — d’après la télévision française
De notre correspondant en France
“CHOQUÉS !” “Attristés ! “Troublés !” “Touchés au vif !” “J’ai failli pleurer de honte !” La télévision française, monopole d’État, a rarement soulevé pareil tollé général parmi les catholiques de ce pays. Pourquoi une telle indignation ?
Les exclamations précitées, glanées dans la presse, furent provoquées par une série d’émissions intitulée “L’Église, demain ?”, diffusée par la Première Chaîne de la télévision française dans le cadre de son magazine “XXe siècle”. Il s’agissait de quatre émissions mensuelles s’échelonnant de décembre 1970 à mars 1971. Elles ont été suivies par des téléspectateurs à travers toute la France ainsi que par de nombreux Belges et Suisses francophones.
Le catholicisme en Espagne
La première émission, qui eut lieu le mardi soir 8 décembre 1970, traitait de l’état actuel et de l’avenir de l’Église en Espagne et aux Pays-Bas. Les téléspectateurs eurent leur première surprise lorsqu’on annonça que certaines parties de l’émission porteraient le carré blanc. Ce signe est employé par la télévision française pour indiquer qu’un programme est destiné aux adultes seulement du fait qu’il comporte des scènes de sexualité ou de violence ne convenant pas aux enfants. Que pouvait donc signifier ce carré blanc ? Beaucoup de catholiques savent que, selon l’apôtre Paul, les chrétiens sont “livrés en spectacle au monde”, mais ils s’étonnèrent d’apprendre qu’une émission concernant leur Église allait être un “spectacle” ne convenant pas aux yeux et aux oreilles des enfants ! — I Cor. 4:9, Jérusalem.
Les téléspectateurs entendirent d’abord la formule au moyen de laquelle les évêques espagnols prêtent serment de fidélité à l’État devant le général Franco. Ensuite, comme pour souligner les dissensions entre le haut et le bas clergé en Espagne, l’émission se poursuivit par plusieurs interviews de prêtres, de moines et de religieuses opposés, plus ou moins ouvertement, au régime politique de leur pays et, par conséquent, à la hiérarchie de l’Église.
Une séquence, filmée près de Barcelone, montrait une réunion de prêtres contestataires dans une salle de couvent mise à leur disposition par les religieuses. Lorsque le reporter de la télévision française demanda à l’un des prêtres si l’action politique est compatible avec la fonction sacerdotale, il répondit : “Oui, parce que l’Église officielle fait de la politique tous les jours.” Un prêtre jésuite à la chevelure hippie déclara qu’à son avis “l’Évangile est révolutionnaire”. “En Espagne, ajouta-t-il, le prêtre lit l’Évangile et Marx.” Lorsqu’on lui demanda s’il n’y a aucune incompatibilité entre les deux, il répondit : “Non.”
Une autre interview eut lieu à l’intérieur d’une église où l’on tire un rideau devant l’autel lorsque l’édifice est utilisé pour des réunions politiques clandestines. Un des prêtres interviewés déclara carrément qu’“il est nécessaire de dessiller les yeux des gens quant à l’union adultère entre l’Église et l’État”. Un prêtre-ouvrier ajouta : “L’Église est unie à l’impérialisme international. Il faut détruire cet impérialisme, qu’il soit d’ordre religieux ou économique.” Quand on demanda à un bénédictin si la lutte contre l’injustice ne risquait pas de devenir plus importante pour ces prêtres que la Parole de Dieu, ce moine répondit : “Oui, c’est vrai.” “N’y a-t-il pas danger, dans la colère de la lutte, d’oublier la Parole de Dieu ?”, demanda ensuite le reporter. “Non, répondit le moine, car défendre la justice, c’est défendre l’Évangile.” La partie de l’émission sur l’Espagne se termina par ces paroles.
On demanda alors au cardinal Daniélou, prélat de l’Église catholique de France, de commenter ce document sur l’Église d’Espagne. Il déclara : “J’ai été frappé de l’authenticité de ce que représentait la position de ces prêtres (...) qui souffrent de voir leur Église, cette Église qu’ils aiment, à laquelle ils appartiennent, solidaire de ce qui leur apparaît comme étant justement contraire à l’esprit de justice. (...) Quelque chose qui m’a certainement beaucoup frappé, c’est qu’ils n’ont cessé d’affirmer que le fait de mener un combat révolutionnaire ne faisait aucunement qu’ils croyaient moins en Dieu et qu’ils ne se sentaient pas d’abord prêtres.” N’est-il pas étrange d’entendre un cardinal admettre ainsi que des prêtres peuvent être des révolutionnaires ?
L’Église catholique aux Pays-Bas
Les téléspectateurs furent transportés ensuite aux Pays-Bas. Ils virent d’abord une église ornée de plantes, de fleurs, d’un aquarium et d’une volière. Le reporter demanda poliment au curé la raison de cette décoration peu commune. La réponse, non moins surprenante, fut que la messe “est une fête, non pas une fête comme celles de Solesmes [monastère des bénédictins, spécialistes du chant grégorien], mais plutôt comme celle de Woodstock [où s’est tenu un célèbre ‘Festival pop’]” !
D’autres surprises attendaient les téléspectateurs français, belges et suisses toutefois. Ils allaient voir la messe catholique et la communion protestante réunies en un seul office œcuménique célébré dans un temple protestant d’Amsterdam. De tels offices ont lieu tous les dimanches aux Pays-Bas, bien que cette intercommunion soit réprouvée par la hiérarchie locale et par Rome.
Les téléspectateurs pénétrèrent ensuite dans la “paroisse étudiante” d’Amsterdam desservie par quatre aumôniers dont l’un, bien que marié, dit la messe tous les dimanches. Le reporter de la télévision se déclara étonné qu’aucune mesure disciplinaire n’ait été prise à l’égard de ce prêtre par la hiérarchie locale ou par Rome. L’un des quatre aumôniers lui répondit : “Rome a peur.” Interrogé à ce sujet, un évêque fit cette réponse évasive : “Il ne nous semble pas utile de prendre des sanctions.”
Quand on demanda à une religieuse si, à son avis, le célibat devait être facultatif, elle répondit avec beaucoup de franchise : “Je voudrais que les prêtres soient libres de choisir. Parfois je suis indignée de l’indignation du pape. En Italie, en Espagne et en Amérique du Sud, il y a des milliers d’enfants illégitimes dont le père est un prêtre. Le pape n’en dit rien et ces prêtres peuvent célébrer la messe et entendre les fidèles en confession.”
Tournant alors son attention vers la confession auriculaire, le commentateur de la télévision résuma la situation aux Pays-Bas en ces termes : “On ne se confesse presque plus, essentiellement parce que dans la vague d’émancipation sexuelle qui a submergé la Hollande, on ne sait plus très bien ce que signifie le péché sexuel.” Un curé reconnut que l’Église partage la responsabilité de cette dégradation des mœurs du fait qu’elle a permis aux psychiatres et aux psychologues catholiques de supprimer les tabous concernant l’immoralité sexuelle.
Cependant, la stupéfaction des téléspectateurs fut plus grande encore quand ils ont vu et entendu des témoignages prouvant que l’Église excuse tacitement non seulement l’immoralité sexuelle, mais aussi la perversion ! Ils apprirent qu’à Amsterdam il existe une “paroisse” catholique formée uniquement d’homosexuels. On demanda au prêtre qui la dessert : “Les homosexuels peuvent-ils être des chrétiens comme les autres ?” “Oui, répondit-il, j’en suis sûr. C’est aussi l’opinion de tout notre groupe qui travaille depuis dix ans ici aux Pays-Bas parmi les homosexuels.” Il révéla qu’au moins deux unions d’homosexuels ont été bénies dans une église catholique. Interrogé quant à la bienséance d’une telle cérémonie, il ajouta : “Lorsque deux homosexuels en font la demande, notre avis est que le prêtre peut les bénir.”
Les catholiques francophones qui suivaient ce programme en croyaient à peine leurs yeux et leurs oreilles, mais le pire était encore à venir, car on leur montra ensuite un prêtre qui avoua sans honte qu’il était lui-même homosexuel. L’interview se déroula comme suit :
LE REPORTER : Puisque l’homosexualité n’est plus un péché, un prêtre de la paroisse étudiante, le père..., a choisi la franchise. Père..., vous êtes prêtre. Vous appartenez aussi au COC, une organisation d’homophiles.
LE PRÊTRE : Oui.
LE REPORTER : Vous êtes homosexuel ?
LE PRÊTRE : Oui.
LE REPORTER : Depuis combien de temps sait-on que vous êtes homosexuel, publiquement homosexuel ?
LE PRÊTRE : Pas depuis longtemps. Depuis six mois.
LE REPORTER : Est-ce que votre évêque a déjà réagi à cette situation ? C’est quand même la première fois qu’un prêtre se déclare publiquement homosexuel et milite même au sein d’une organisation d’homophiles.
LE PRÊTRE : Non, l’évêque n’a pas encore réagi. (...)
LE REPORTER : Est-ce que vous estimez que vous êtes, aux yeux des autres, aussi prêtre que n’importe quel prêtre ?
LE PRÊTRE : Oui, bien sûr. Pourquoi pas ?
Après cette conversation étonnante, le reporter de la télévision demanda à un évêque néerlandais comment il réagirait si un prêtre de son diocèse reconnaissait ouvertement qu’il était homosexuel. De nombreux téléspectateurs catholiques s’attendaient sans doute à ce que ce prélat réponde sans hésitation : “Je le relèverais immédiatement de ses fonctions !” Au lieu de cela, ils entendirent l’évêque tergiverser et dire enfin : “C’est très difficile pour moi de répondre. Si un tel problème se posait, je devrais m’entretenir avec ce prêtre et déterminer si sa position est choquante pour les fidèles.” Quand on lui demanda s’il était choqué personnellement par une telle situation, il bégaya : “C’est (...) heu ! heu ! c’est très nouveau pour moi.”
Il ressortait donc de cette séquence que l’évêque directement impliqué n’avait pris aucune mesure à l’égard du prêtre qui était, de son propre aveu, homosexuel. Le second évêque n’était nullement choqué par la situation ou bien, s’il l’était, il n’avait pas assez de courage pour l’avouer. Quel exemple pour les catholiques sincères ! Et pourtant, selon la théologie catholique, ces prélats sont considérés comme les successeurs des apôtres !
Il restait néanmoins à la hiérarchie catholique une occasion de prendre ouvertement position en faveur des principes bibliques et de stigmatiser la conduite immorale de certains membres du clergé, conduite que d’autres membres tolèrent. Cette occasion fut offerte au cardinal Daniélou qui se trouvait dans le studio pendant l’émission. Le commentateur de la télévision lui posa donc cette question : “Comment réagissez-vous à cette enquête sur la Hollande, mon Père ?”
Quelle magnifique occasion de défendre les principes chrétiens ! Par conséquent, quelle déception les catholiques sincères ont dû éprouver quand ils ont entendu ce haut dignitaire de l’Église biaiser et tergiverser ! Finalement, le commentateur lui posa une question bien précise : “Et ce prêtre qui se proclame homosexuel volontairement ?” Après d’autres tergiversations (le cardinal Daniélou est jésuite), le prélat finit par répondre : “Je crois que ce problème de l’homosexualité est un problème sur lequel l’Église doit se pencher avec beaucoup d’attention, parce qu’il est évident que ce sont des destinées qui ont un certain caractère dramatique et que d’autre part, il est parfaitement normal que quelqu’un qui se dit homosexuel soit parfaitement en droit d’appartenir en même temps à l’Église et d’avoir la foi.” Bien qu’il admît plus tard que l’homosexualité n’est pas “normale”, ce cardinal français ne l’a à aucun moment condamnée, oubliant apparemment que les bibles catholiques utilisent pour en parler des expressions telles que “passions avilissantes”, “infamie” et “relations honteuses”. — Rom. 1:26-32, Jérusalem ; Crampon-Tricot.
Il n’est donc pas étonnant qu’une jeune catholique de Lyon écrivît ce qui suit dans une lettre ouverte au cardinal Daniélou : “Devant cet étalage de théories abjectes sur la sexualité et notamment l’homosexualité qui a déferlé sur l’écran, ne convenait-il pas, Père, de bondir, de parler haut et net pour crier votre désapprobation écœurée ? (...) J’ai failli pleurer de honte.” — Le Progrès de Lyon, 12 décembre 1970.
La France, le Portugal, les États-Unis et le Viêt Nam
La première émission de la série “L’Église, demain ?” fit un tel scandale parmi les catholiques français que, pour citer un journal, “les réalisateurs ont à l’évidence mis beaucoup d’eau dans leur vin” en préparant l’émission suivante sur le catholicisme en France (L’Aurore, 12 janvier 1971). Quoi qu’il en fût, la deuxième émission, qui eut lieu le 11 janvier 1971, brossa néanmoins un tableau révélateur de l’état du catholicisme français.
Elle montra notamment un groupe de prêtres contestataires (il y en a un millier en France) dont le porte-parole déclara : “Nous nous engageons avec tous ceux qui, dans le monde, veulent construire une terre de justice et de paix, à combattre dans les choix d’une action politique qui nous mobilise comme citoyens contre toutes les forces oppressives d’exploitation qui, dans notre propre pays, et au-delà de ses frontières, engendrent et perpétuent les inégalités les plus graves et les injustices les plus violentes. Le tiers monde commence en Occident et c’est là d’abord que nous devons, avec tous ceux qui sont déjà à l’œuvre, entreprendre ce travail de libération. Nous nous engageons avec tous les chrétiens à dévoiler et à combattre, en nous-mêmes et dans l’Église, toutes les formes de pouvoirs : clérical, culturel, politique, social, financier, moral, qui font de l’Église l’alliée ou l’instrument des forces oppressives.” Les téléspectateurs ont dû se demander s’ils écoutaient les paroles d’un prêtre ou le Manifeste communiste de Marx.
La séquence suivante semblait justifier leurs doutes, car elle montrait des catholiques militants de gauche engagés dans la “lutte des classes” aux côtés de leur curé. Pour ce dernier, l’humanité n’est pas divisée en croyants et incroyants, mais comprend d’une part ceux (croyants et incroyants) qui luttent pour la libération de l’homme, et d’autre part ceux qui refusent de participer à ce combat. Il alla jusqu’à déclarer qu’il se sentait plus proche de certains de ses amis marxistes et athées que “des croyants qui vivent en marge” de cette lutte.
Cependant, un autre aspect du catholicisme français fut mis en lumière par l’entretien avec un traditionaliste militant de droite appartenant à une organisation intégriste qui n’hésite pas à recourir à la violence contre les catholiques qu’elle juge trop “progressistes”. Ce mouvement a même interrompu des offices où l’on disait la messe en français plutôt qu’en latin.
L’émission se termina par le “témoignage” de trois évêques français. L’un d’eux avoua qu’il lui arrive d’éprouver certaines “difficultés” en ce qui concerne la foi et qu’il envie les “chrétiens simples qui vivent leur foi” en Jésus-Christ. Il reconnut aussi qu’“il serait tout à fait étonnant que les chrétiens se trouvent en parfaite harmonie”. Ce tableau du catholicisme n’était donc guère rassurant.
La troisième émission eut lieu le lundi 8 février 1971. Elle traitait de la situation de l’Église au Portugal, aux États-Unis et au Viêt Nam. La séquence sur le Portugal montrait qu’à l’exception de quelques prêtres contestataires et d’un évêque “progressiste”, le clergé catholique constitue le principal soutien de l’État. Le cardinal Cerejeira, primat du Portugal, parlant pour la première fois de sa vie devant une caméra de télévision, fit cette déclaration intéressante : “Un régime est totalitaire quand il méconnaît ou méprise la liberté de conscience, la liberté personnelle, la liberté religieuse, etc. (...) Le régime portugais est un régime autoritaire. On peut l’accuser de ne pas être démocratique. L’Église, vous savez, a condamné le totalitarisme de Hitler et de Lénine, mais elle n’a pas condamné ouvertement le régime fasciste.” — Voir Le Monde, 10 février 1971.
Commentant la séquence sur les États-Unis, Le Monde mentionna le “super-américanisme de l’Église et les liens que celle-ci a tissés avec l’Establishment pour se faire accepter d’une société en majorité protestante”. Cependant, un prêtre interviewé pendant l’émission reconnut que les catholiques américains ne sentent plus “la nécessité de se montrer toujours des super-patriotes”, sans doute, ajouta-t-il, “parce que nous avons une plus grande confiance en nous-mêmes”.
Parlant des problèmes raciaux qui se posent aux catholiques des États-Unis, un prêtre déclara que la situation est analogue à celle que dépeignait la comédie musicale West Side Story. Les deux bandes qui s’affrontaient étaient composées respectivement d’Américains d’origine européenne et d’origine portoricaine. Les membres de l’une et de l’autre bande étaient des catholiques qui portaient au cou une chaînette avec une petite croix, mais cela ne les empêchait pas de se haïr et de se combattre. Il ajouta : “La religion n’est pas assez forte pour vaincre les préjugés nationaux. La religion n’a guère de pouvoir quand le nationalisme est en cause.” Une telle religion ne peut donc être le vrai christianisme. — Gal. 3:27, 28.
Un prêtre de couleur de Baltimore se plaignit de la discrimination raciale au sein de l’Église en Amérique. Malgré le grand nombre de catholiques noirs, il n’y a que très peu de prêtres noirs. Il déclara : “L’Église est blanche, mais nous sommes noirs.” On voyait une école catholique de Harlem où tous les enfants sont noirs et toutes les religieuses blanches.
Une autre séquence révélait que la guerre au Viêt Nam est une autre cause des dissensions au sein de l’Église catholique américaine. Certains considèrent cette guerre comme une croisade visant à sauver les catholiques vietnamiens, tandis que d’autres catholiques américains, y compris des prêtres, sont prêts à aller en prison pour avoir manifesté violemment contre la guerre.
La dernière partie de cette émission traitait du catholicisme au Viêt Nam. Elle montrait, au moyen d’une série d’interviews de catholiques de marque, le rôle important joué par l’Église dans l’histoire moderne du peuple vietnamien. Les téléspectateurs apprirent que si les Français ont colonisé l’Indochine au XIXe siècle, c’était surtout pour protéger les missionnaires catholiques persécutés. L’une des principales raisons de la guerre d’Indochine entre les Français et le Viêt-minh (1947-1954) et de la guerre actuelle au Viêt Nam, est la défense des intérêts catholiques et de la population catholique. Le reporter de la télévision interrogea le curé d’un village vietnamien qui avoua fièrement qu’il donnait aux villageois — hommes, femmes et enfants — une instruction militaire. Parlant des réfugiés catholiques (environ 600 000) venus du Viêt Nam du Nord depuis 1954, Le Monde dit qu’ils “demeurent souvent encadrés par ces curés de choc, ces prêtres-officiers qui parlent autant de mitraillettes que de l’Évangile”. — Le Monde, 10 février 1971.
L’Amérique latine
La dernière émission de la série “L’Église, demain ?” eut lieu le lundi 15 mars 1971 et traitait de l’Église en Amérique latine. Elle montrait que le catholicisme fut imposé de force aux peuples de l’Amérique latine par les conquistadors et les prêtres qui les accompagnaient, et que l’Église soutenait les gouvernements autoritaires qui opprimaient le peuple. Présente depuis près de cinq siècles dans cette région du monde, l’Église y possédait depuis longtemps le monopole de l’enseignement, mais elle maintint le peuple dans l’ignorance. Aujourd’hui encore, dans de nombreux pays latino-américains, l’analphabétisme est très répandu. En Colombie, l’Église a organisé récemment ce qu’elle appelle l’Action culturelle populaire, qui a pour but l’éducation des masses. L’un des slogans de ce mouvement est “Le progrès des peuples est entre nos mains”. Certains téléspectateurs se sont peut-être demandé pourquoi l’Église a attendu pendant des siècles avant d’aider le peuple à progresser.
Commentant cette émission, Le Figaro, journal de tendance catholique pourtant, déclara : “Le mérite des réalisateurs de cette émission aura été de ne jamais nous laisser oublier l’essentiel : la misère profonde de ceux qu’on appelle des ‘marginaux’, de tous ces hommes — Boliviens, Colombiens, Péruviens, Brésiliens — qui sont aujourd’hui des déracinés parce qu’on ne s’est jamais avisé qu’ils méritaient d’être traités en êtres humains. La complicité de l’Église et du pouvoir est allée longtemps de soi. Ce qui est nouveau, c’est que des prêtres et des laïcs s’efforcent aujourd’hui de briser ce mariage de l’Église et de l’État.” — Le Figaro, 16 mars 1971.
Confirmant ce commentaire, la caméra de la télévision montrait un prêtre qu travaillait parmi des Indiens boliviens. Il parla de l’“Église puissante qui a flirté avec le gouvernement et qui est très riche”. Un prêtre en Colombie qui se consacre aux pauvres déclara de son côté : “La mission de l’Église est de travailler avec les pauvres. Mais, en Colombie, c’est tout à fait différent, parce qu’il y a un mariage, un ménage, de l’Église et de l’État.” Ces deux prêtres ont maille à partir avec leur évêque. Le clergé latino-américain est donc divisé. L’émission montrait que de nombreux prêtres et même quelques évêques deviennent révolutionnaires, tandis que la plus grande partie du haut clergé reste toujours opposée à tout changement.
Dans son commentaire sur cette émission, Le Monde écrivit : “La quatrième émission (...) a évoqué le 15 mars le visage complexe du catholicisme en Amérique latine, et tout particulièrement en Colombie, en Bolivie, au Guatemala et au Brésil : douloureuse litanie de la faim, de la misère, de la mortalité, de l’analphabétisme, et saisissante disparité d’attitudes parmi les membres du clergé.” — Le Monde, 17 mars 1971.
Réactions générales
Après le tollé général provoqué par la première émission, Pierre Dumayet, l’un des producteurs de la série “L’Église, demain ?”, écrivit : “Notre propos n’était pas de dire qu’il y a des prêtres homosexuels. Il était de situer les limites de la tolérance d’une Église qui permet à ses prêtres de se proclamer comme tels.” (Télé-Magazine, 9-15 janvier 1971). Selon Le Monde, ces émissions montraient “combien l’Église était non seulement ‘dans le monde’, mais influencée par celui-ci”. (10 décembre 1970.) Le journal parisien au plus fort tirage fit ce commentaire : “Le monde, ‘en manque’ de spiritualité perdue ne peut plus compter, semble-t-il, sur l’Église, dans son expression traditionnelle, pour mettre fin à son désarroi.” — France-Soir, 9 décembre 1970.
Après l’émission sur le catholicisme français, un catholique de la région parisienne fit cette remarque à un témoin de Jéhovah : “Je trouve que les responsables, des deux côtés, sont trop extrémistes. Les réformistes sont tout simplement en train de démolir l’Église catholique sans se rendre compte qu’ils vont se faire absorber par le marxisme. Quant aux antiréformistes, ils vivent avec cent cinquante ans de retard, ce qui est aussi dangereux. Cette émission m’a laissé une impression pénible.”
Une catholique d’une ville de la Côte d’Azur conseilla à un témoin de Jéhovah (une dame) de ne pas manquer ces émissions, dans l’espoir qu’elles démontreraient que les témoins ont tort dans ce qu’ils disent concernant l’Église. La semaine suivante, après la première émission, la catholique déclara : “J’ai été profondément choquée et déçue. J’étais horrifiée par la tendance de l’Église à tolérer l’homosexualité. Ce qui m’a profondément déçue, c’est surtout le comportement du cardinal Daniélou qui essayait de répondre de façon évasive à toutes les questions.” Cette dame commanda une Bible et l’étudie à présent avec l’aide des témoins de Jéhovah.
La semaine avant la première émission, un couple qui étudie la Bible avec deux témoins avait examiné avec eux le deuxième chapitre du livre La vérité qui conduit à la vie éternelle, intitulé “Pourquoi il serait prudent de votre part d’examiner votre religion”. Après le départ des témoins, le mari, étonné par le troisième paragraphe de ce chapitre, qui déclare que certains ecclésiastiques approuvent l’homosexualité, dit à sa femme au sujet des témoins de Jéhovah : “Ils exagèrent un peu tout de même !” Le lendemain de la première émission, la dame rencontra l’un des témoins dans la rue et lui dit : “Vous savez, Madame, mon mari et moi avons été outrés de ce que nous avons vu et entendu à la télévision, et mon mari m’a dit : ‘Tu sais ces gens ont raison, ils disent la vérité, ils n’exagèrent rien. Il nous faut continuer d’étudier sérieusement.’” Depuis lors, ce couple assiste régulièrement aux réunions tenues dans la Salle du Royaume et a également assisté à une assemblée régionale des témoins de Jéhovah.
Catholiques sincères, si vous aussi êtes choqués par ce qui se passe dans votre Église, pourquoi ne pas permettre aux témoins de Jéhovah de vous rendre visite hebdomadairement pendant six mois pour vous aider, gratuitement, à étudier la Bible ? Celle-ci vous montrera que l’avenir de l’Église catholique, ainsi que des autres religions traditionnelles, est vraiment sombre. Cependant, le vrai christianisme, ainsi que ceux qui le pratiquent, survivront à la fin du présent ordre de choses, maintenant proche, et qui sera suivi de l’établissement du nouvel ordre de choses promis par Dieu.