Le clergé et la guerre — Un tableau confus
LORSQUE Jésus eut achevé son célèbre sermon sur la montagne, “ les multitudes étaient extrêmement frappées de son enseignement ; en effet, il le donnait comme ayant autorité et non comme leurs Scribes ”. (Mat. 7:28, 29, Stapfer.) Pour donner de la force à son sermon, Jésus puisa abondamment dans les Écritures hébraïques inspirées, et cette façon d’agir lui conféra une note d’autorité divine. Contrairement aux scribes et aux Pharisiens, il ne s’appuyait pas sur les traditions et les commandements des hommes. C’est pourquoi l’Évangile dit, en parlant du Christ, que “ les brebis le suivent, parce qu’elles connaissent sa voix ”. (Jean 10:4.) Sa voix se faisait l’écho de la Parole de Dieu et dans ses paroles on retrouvait les justes principes de la Bible. Jésus parlait clairement, il employait des mots simples et disait ouvertement sa pensée. Dans son langage on ne trouvait ni paroles à double sens prêtant à diverses interprétations, ni distinctions subtiles ou équivoques dignes d’un argutieux avocat plutôt que d’un ministre courageux. Jamais on ne le vit faire violence à ses principes, les compromettre ou les abandonner au nom d’un interminable cortège de “ convenances ”. Ce qui comptait pour lui, c’étaient les vérités bibliques, et les conséquences importaient peu. C’était ce genre de discours qui frappa les oreilles habituées à entendre les sermons des scribes et des Pharisiens, qui avaient la crainte des hommes, qui cherchaient à plaire aux hommes, à être admirés et enrichis par les hommes. Jésus était agréable à Dieu et parlait avec l’autorité de Dieu.
Que dire aujourd’hui de ceux qui prétendent parler au nom de Dieu ? Y a-t-il dans leur langage cette note de vérité et de droiture biblique qui leur donnerait autorité ? Ou font-ils écho aux opinions des hommes, à l’instar des scribes et des Pharisiens ? Considérons à cet effet quelques-unes de leurs opinions sur la guerre, puisqu’il en est souvent question dans leurs sermons.
Le 29 novembre 1950 était officiellement constitué le Conseil national des Églises. Ce conseil, qui représente 31 000 000 de membres des confessions protestantes américaines, affirma qu’il “ élève sa voix en faveur de la vie chrétienne ”. À cause de la menace de guerre, on demanda à une commission de “ trouver, avec l’aide de Dieu, une parole chrétienne capable de guider ou de fortifier nos compagnons chrétiens et nos semblables dans les ténèbres que nous affrontons ensemble ”. La “ parole ” qu’on allait offrir était un long rapport lui-même très obscur. Ce rapport condamnait le pacifisme, soutenait les Nations Unies, justifiait la mobilisation générale mais non la guerre totale ; il déclarait en outre qu’il n’y a pas de méthodes de combat honnêtes, mais était d’avis que certaines méthodes étaient plus malhonnêtes que d’autres. La bombe atomique ? Si les autres commençaient à s’en servir contre nous, nous pourrions “ l’utiliser à titre de représailles avec toute la modération possible ”.
Quels textes furent cités pour donner une note d’autorité biblique au rapport ? Aucun. Deux membres de la commission refusèrent de le signer. Le premier déclara que le rapport était confus et ferait que “ les chrétiens ne se soumettraient qu’à contrecœur aux exigences des nécessités militaires ”. Selon le deuxième membre, le rapport était une “ contradiction de termes ” et n’offrait aucun “ conseil moral particulier émanant de l’évangile chrétien ”. Certainement personne n’imaginerait pareil flot de paroles confuses venant du courageux Nazaréen.
OUVERTEMENT POUR LA GUERRE
Le Dr Billington du temple baptiste de Akron, Ohio, prit cependant une position qui ne prêtait à aucune équivoque. Il affirma qu’“ en qualité d’homme de Dieu ”, il lui semblait que “ Dieu n’est pas avec nous ”, et donna ce conseil : “ Lâchez la bombe atomique et mettez-y un terme (à la guerre de Corée). C’est Dieu qui nous l’a donnée. Employons-la pour sauvegarder nos Bibles, nos églises, nos écoles et la vie américaine. ” Mais la Parole de Dieu subsistera éternellement sans le secours de bombes atomiques, il en est de même pour la véritable église (I Cor. 15:50-58 ; I Pi. 1:25). Et si Dieu donna la bombe atomique aux États-Unis, l’a-t-il aussi donnée aux Soviets ? Aurions-nous espéré entendre Jésus-Christ parler comme le fit le Dr Billington ? Ou aurait-il plutôt cité comme principe “ Ceux qui se serviront de la bombe atomique périront par la bombe atomique ” ? — Mat. 26:52.
Le cardinal Joseph Frings, archevêque de Cologne, déclara le 23 juillet 1950 que “ la guerre est non seulement le droit mais encore le devoir d’une nation ” et qu’une “ objection de conscience absolue en matière de guerre, telle qu’on la propage dans certains milieux, ne s’accorde pas avec les principes chrétiens ”. (Dépêche A. P. publiée le 24 juillet 1950 par le Times-Union d’Albany, N. Y.) De quels principes chrétiens était-il question ? Aucun texte biblique n’était cité pour donner à cette affirmation une note d’autorité. Aucune citation biblique non plus dans l’Osservatore Romano lorsqu’il annonça que le Vatican approuvait Truman dans sa décision de fabriquer la superbombe à hydrogène, car “ il n’y a pas d’autre issue ”. (New York Times, 3 février 1950.) Les vrais chrétiens, toutefois, comptent sur Dieu plutôt que sur la bombe atomique pour ce qui est de l’issue.
Edmund A. Walsh, un catholique romain, vice-président de l’université de Georgetown, présenta sous un autre angle encore la position du clergé devant la guerre. Parlant de la bombe atomique, il déclara que si une nation prévoyait une attaque imminente, alors “ ni la raison, ni la théologie, ni la morale, ne sauraient condamner des hommes ou des nations au suicide, en leur demandant d’attendre le premier coup ”. Il ajouta que si les Américains devaient utiliser la bombe les premiers, cela placerait, sur leurs services de renseignements, “ une énorme responsabilité ” pour ce qui est de l’exactitude des informations relatives à l’imminence d’une attaque contre les États-Unis. Poursuivant sa déclaration, il endossa cette “ énorme responsabilité ” lorsqu’il dit : “ En faisant aux Nations Unies ces protestations d’intentions pacifiques, Vichynski ne fait que jouer son rôle dans une pièce montée uniquement pour détourner l’attention des spectateurs d’un proche Pearl-Harbor. ” New York Times, 25 décembre 1950.
Précisant cette question du “ premier coup ” dans une troisième guerre mondiale, le journal officiel de l’archevêché de Boston, “ The Pilot ”, déclara le 1er septembre 1950 qu’une guerre préventive contre la Russie serait peut-être nécessaire. Il soutint que les guerres offensives sont honnêtes dans certains cas, si on les livre pour une “ cause morale ”, et ajouta : “ Suffisamment de preuves nous permettent d’établir que l’Union soviétique est coupable de véritables crimes et qu’elle a l’intention d’en commettre d’autres, tandis que nous cherchons simplement à défendre les droits humains fondamentaux. ”
UN CHÂTIMENT OU UNE BÉNÉDICTION DE DIEU ?
En cherchant à voir sous un autre angle cette question du clergé et de la guerre dont les aspects sont si nombreux, nous sommes amenés à examiner l’opinion souvent exprimée selon laquelle Dieu nous envoie les guerres, en guise de châtiment pour nos péchés. Nous en trouvons un exemple dans le Times de New-York du 24 juillet 1950 : “ C’est sans aucun doute nos péchés qui nous ont valu ce nouveau châtiment, c’est-à-dire la guerre de Corée, a déclaré hier l’évêque coadjuteur Joseph F. Flannelly, administrateur de la cathédrale St Patrick. ” Mais aucun texte biblique ne donnait à cette opinion quelque autorité ; la logique, par contre, la rend déraisonnable. Si la guerre est un châtiment de Dieu, pourquoi s’en prendre aux communistes coréens et chinois ainsi qu’aux Soviets qui leur prêtent concours ? Le point de vue de Flannelly nous obligerait à reconnaître ces communistes comme des instruments dans les mains de Dieu.
Quelques semaines plus tard, dans la même chaire, on faisait volte-face. On ne se plaignait plus désormais de la guerre comme du châtiment de Dieu, mais on déclarait que c’était une bénédiction de Dieu. Voici ce que l’on pouvait lire dans le Times de New-York du 11 septembre 1950 : “ Hier, en la cathédrale St Patrick, il a été dit aux parents affligés dont les fils ont été désignés ou rappelés pour faire partie des unités combattantes que la mort sur le champ de bataille entrait dans les dispositions prises par Dieu pour peupler le royaume des cieux. C’est une pensée que l’on n’a pas toujours à l’esprit, continua-t-il (Mgr W. T. Green), mais la première responsabilité des parents chrétiens, c’est de faire tout ce qu’ils peuvent pour rendre leurs enfants à Dieu, quels que soient le moment, le lieu et les circonstances que lui choisit pour les appeler à devenir ainsi de vrais citoyens de l’éternel royaume des cieux. ” Si la guerre était vraiment une disposition prise par Dieu pour peupler le royaume des cieux, pourquoi les catholiques essaieraient-ils de le contrarier ? Pourquoi prieraient-ils pour la paix ? Pourquoi ne feraient-ils pas tout ce qui est en leur pouvoir pour encourager la guerre, donnant ainsi à leurs enfants la possibilité de gagner le royaume ? Pourquoi avoir la paix, s’opposer au plan de Dieu et laisser les cieux inhabités ?
Des siècles avant la naissance de Jésus-Christ, Israël était la nation de Dieu et fut employé par lui dans des guerres qui étaient approuvées de Dieu ; lui-même combattait parfois en faveur de son peuple d’Israël. Néanmoins, même dans de si favorables circonstances, les soldats israélites qui tombaient au cours de la bataille n’allaient pas au ciel pour autant (Jean 3:13). David fut un homme de guerre, dans des guerres approuvées par Dieu, mais il n’est quand même pas monté aux cieux (Actes 2:34). Après la venue du Christ, les chrétiens reçurent le nom de soldats, mais non dans le sens habituel du mot : “ Nous vivons, il est vrai, dans la chair, mais nous ne luttons pas avec les moyens de la chair. Nos armes de guerre ne sont pas charnelles. ” (II Cor. 10:3, 4 ; Éph. 6:10-17, Goguel & Monnier). Les Écritures grecques chrétiennes nous disent comment Dieu peuple le royaume des cieux, mais il n’y est nullement question de la guerre contre la chair et le sang. Ces paroles de Green manquent de fondement.
LES PLUS VILS DES PROFITEURS DE GUERRE
On parle beaucoup des profiteurs de guerre. L’une des formes les plus cruelles de cette commercialisation de la guerre est mise en relief par une lettre que reçurent des parents catholiques, pendant la Deuxième Guerre mondiale. Elle émanait de l’archevêque Sinnot de Winnipeg, Canada, et portait la date du 1er mars 1944. Après l’entête, “ Chers parents catholiques ”, le premier paragraphe de quelque importance était conçu comme une lettre d’extorsion :
“ J’ai reçu des prêtres de différentes paroisses une liste de ceux qui ont des fils par-delà les mers. Il y a quelque temps, comme vous le savez, j’ai adressé un appel aux Mères catholiques, pour leur demander d’inscrire leurs fils comme Membres Perpétuels de la Société de la Propagation de la Foi. Je leur ai dit : Quelle meilleure garantie peut-il y avoir pour un fils exposé aux hasards de la guerre ! Une garantie, s’il était tué, qu’il ira directement au ciel pour être éternellement auprès de son Créateur. Une garantie, si telle était la volonté de Dieu, qu’il sera rendu à sa chère Mère et à tous ceux qui l’aiment. — Cela vous a été expliqué maintes et maintes fois du haut de la chaire, et vous avez été encouragés à inscrire vos fils. Quelques-uns qui furent touchés personnellement répondirent à l’appel, mais tous les autres ont gardé une froide indifférence. Si je devais en conclure que vous étiez indifférents au salut de votre fils, je serais très injuste à votre égard. Vous n’êtes pas indifférents. Quelle peut donc être la raison de votre inaction ? Certains disent, beaucoup en réalité, qu’ils ne peuvent pas se le permettre. Mais ce n’est pas une raison, c’est une fausse excuse, indigne d’une Mère catholique. Ne recevez-vous pas une partie de la solde de votre fils, et quel meilleur usage pourriez-vous en faire ? Oh, répondrez-vous, j’essaie de préparer un pécule que je donnerai à mon fils quand il reviendra. Quand il reviendra. Mais ne vaudrait-il pas mieux assurer de la meilleure façon, que vous connaissez, le retour de votre fils ? S’il ne doit plus revenir, de quelle utilité sera pour lui ce pécule que vous aurez ici-bas ? Je ne veux pas vous dire de prendre l’argent de votre fils, je préférerais de beaucoup que vous utilisiez votre argent à vous. Mais si vous devez prendre l’argent de votre fils, considérez-le comme un emprunt. Sûrement arriverez-vous à le lui rendre dans les années suivantes. Ne pensez-vous pas qu’en économisant un peu, en allant un peu moins au spectacle, vous pourrez mettre de côté 1 dollar par mois, et cela jusqu’à payer toute la somme ? Il n’est pas nécessaire de verser les 40 dollars d’un coup. Vous pouvez échelonner vos paiements. Vous pouvez payer, par exemple, 5 dollars par mois, ou 10 dollars tous les trois mois. Vous pouvez prendre un an, deux ans, trois ans même. Trois ans, cela fait à peu près Un Dollar par mois. Ce qui importe, c’est d’assurer dans la mesure de nos possibilités le salut de votre fils — son salut pour maintenant et pour l’éternité. ”
LA FAVEUR DE DIEU NE S’ACHÈTE PAS À PRIX D’ARGENT
Il est difficile de concevoir une si cruelle extorsion de fonds, pour quelque motif que ce soit. Faite au nom de Dieu, cette extorsion devient une escroquerie et un blasphème des plus vils. L’esprit humain se refuse à croire que pour 40 dollars Dieu pourrait faire revenir un fils sain et sauf de la guerre, ou qu’il pourrait le prendre au ciel pour le même prix. Quel texte biblique pourrait-on altérer et tordre au point de lui faire seulement suggérer une si vicieuse soif d’argent de la part de Dieu ? Il n’y en a pas un seul. Le prophète Michée (3:11) dévoile la fausseté d’une semblable extorsion faite au nom de Dieu, lorsqu’il dit : “ Ses chefs jugent pour des présents, ses sacrificateurs enseignent pour un salaire, et ses prophètes prédisent pour de l’argent ; et ils osent s’appuyer sur l’Éternel, ils disent : l’Éternel n’est-il pas au milieu de nous ? Le malheur ne nous atteindra pas. ” Mais le malheur peut atteindre et atteindra ceux qui pensent pouvoir acheter la faveur de Dieu avec de l’argent. Une fois Pierre se vit proposer de l’argent pour un don de Dieu, mais à l’opposé de la papauté il dit : “ Que ton argent périsse avec toi. ” (Actes 8:18-20). C’est ce même Pierre qui déclara aux chrétiens responsables des assemblées : “ Paissez le troupeau de Dieu qui est sous votre garde, non par contrainte, mais volontairement, selon Dieu ; non pour un gain sordide, mais avec dévouement. ” (I Pi. 5:2). Ces principes ignorent l’utilisation malhonnête de purgatoires païens ou d’enfers ardents inexistants, à seule fin d’extorquer de l’argent aux amis des défunts. La Bible montre que les morts sont dans leurs tombeaux, endormis dans la mort, attendant la résurrection pour vivre sur la terre (Eccl. 9:5, 10 ; Jean 5:28, 29). Aucun ecclésiastique, qu’il ait reçu de l’argent ou non, ne peut s’opposer à ce dessein divin.
Ce qui précède montre clairement que le clergé n’offre aucun conseil acceptable et encourageant en ce qui concerne la guerre, qu’il n’est pas un guide sûr appuyé par l’autorité venant de la Parole de Dieu, et que son aptitude dans d’autres problèmes est tout aussi douteuse. La majorité de ceux qui, en temps de paix, considèrent la guerre comme contraire au christianisme, manquent de courage pour le dire en temps de guerre. D’autres demandent à grands cris que la guerre vienne les délivrer de leurs ennemis, exactement comme les Pharisiens contraignirent les soldats romains à tuer Jésus qui les démasquait. Les uns sont en faveur de la guerre défensive, les autres pour la guerre préventive, et d’autres enfin sont ouvertement pour la guerre d’agression. L’un dit que la guerre est un châtiment de Dieu pour nos péchés, l’autre que c’est là sa manière de peupler le ciel. D’autres finalement planent au-dessus de leurs congrégations comme des vautours, opportunistes qui en temps de guerre s’abattent pour extorquer de l’argent aux parents affligés. Voilà des profiteurs de guerre de la plus basse espèce.
Les chrétiens sincères se détournent de ces hommes à la conscience trouble, et regardent vers la pure vérité et vers les principes chrétiens contenus dans la Parole de Dieu. C’est là qu’ils trouveront des paroles puissantes. C’est là que les brebis entendront la voix du Bon Berger, c’est là qu’elles verront la voie à suivre et le chemin conduisant à la vie dans un monde nouveau. — II Pi. 3:13 ; Apoc. 21:1-4.