-
On commence à sortir de la confusion religieuseLes témoins de Jéhovah dans les desseins divins
-
-
THOMAS: Miller était-il alors seul à attendre le retour du Christ?
JEAN: Non. Le théologien Bengel, luthérien allemand, avait fixé comme date 1836, tandis qu’en Angleterre, les Irvingites attendaient ce retour pour 1835 d’abord, puis 1838, 1864 et finalement 1866, pour ensuite y renoncer. À la même époque, le mouvement de Miller avait donné naissance à plusieurs groupements adventistes différents. D’autres encore, tels que le groupement d’Elliott et Cumming, portaient leurs regards sur 1866. Brewer et Decker prédisaient 1867, et Seiss était pour 1870. En Russie existait un groupement mennonite qui avançait la date de 1889c.
LOÏS: Mais pourquoi y avait-il tant d’idées différentes sur la date et la manière du retour du Christ?
JEAN: Parce que les gens étaient encore soucieux de suivre les enseignements religieux traditionnels, au lieu de faire confiance à Jéhovah. Vous vous rappelez que les vraies doctrines de la Bible avaient été tellement déformées, au cours de la période d’apostasie, qu’il n’était pas possible d’arriver à une vision claire de la seconde présence du Christ, tant que ces doctrines n’étaient pas elles-mêmes épurées. La prétendue Réforme n’avait pas procédé à cette épuration. C’est pourquoi, dans la première moitié du XIXe siècle, de nombreuses erreurs ont été commises quand on a cherché à déterminer la date du retour du Christ, car on se fiait uniquement à la chronologie. Cependant, le temps n’était pas encore venu où Dieu amènerait la restauration du vrai culte.
MARIE: N’est-il pas vrai, cependant, que même si la plupart attendaient la seconde présence du Christ pour le voir en chair et en os, quelques-uns croyaient que le Christ ne serait pas visible lors de cette seconde présence?
JEAN: Oui, c’est exact. Par exemple George Storrs de Brooklyn, qui publiait un périodique intitulé “L’examinateur de la Bible” (The Bible Examiner), portait ses regards sur 1870. Quant à H. B. Rice, qui publiait “La dernière trompette” (The Last Trump), il avait ses regards fixés sur 1870 lui aussi, tandis qu’un troisième groupement — cette fois des adventistes déçus — attendait ce retour pour 1873 ou 1874. Ce groupement était dirigé par N. H. Barbour, de Rochester, dans l’État de New York, éditeur du “Messager du matin” (The Herald of the Morning)d.
IL COMMENCE À FAIRE JOUR
Puis, vers 1870, c’est un autre groupement qui fait enfin son apparition, celui dirigé par Charles Taze Russell, d’Allegheny, près de Pittsburgh, en Pennsylvanie. Lisons les paroles que Russell nous a laissées lui-même:
Notre narration commence en l’an 1868 quand le rédacteur [de la Zion’s Watch Tower], qui était depuis quelques années enfant consacré à Dieu, membre de l’Église congrégationaliste et de l’Association chrétienne de jeunes gens (la YMCA), venait d’être ébranlé dans sa foi à propos de nombreuses doctrines acceptées depuis longtemps.
Élevé presbytérien, endoctriné selon le catéchisme, mais doué d’un esprit chercheur, je devins une proie facile de la logique apparente du rationalisme, dès que j’eus commencé à penser par moi-même. Mais ce qui, au début, menaçait de causer le naufrage complet de ma foi en Dieu et en la Bible fut, grâce à la providence divine, surmonté pour de bon; seule ma confiance dans les croyances humaines et dans les systèmes de la fausse interprétation de la Bible se trouva briséee.
Au cours des quelques mois suivants, Russell continue de réfléchir sur la religion. Incapable de l’accepter telle quelle, il n’est pourtant pas disposé à y renoncer. Il raconte encore:
Un soir, comme par accident, j’entrai dans une salle poussiéreuse et mal éclairée d’Allegheny, où se tenaient des services religieux, à ce que l’on m’avait dit. C’était pour voir si la poignée de personnes qui s’y réunissaient avaient quelque chose de plus sensé à offrir que les croyances des grandes Églises. C’est là que, pour la première fois, j’entendis parler de quelques points de vue des adventistes; le prédicateur était M. Jonas Wendell (...).
Bien que son exposé des Écritures ne fût pas tout à fait clair, et qu’il fût très loin des vérités qui font maintenant notre joie, il n’en fallut pas plus, sous la main de Dieu, pour rétablir ma foi chancelante en l’inspiration divine de la Bible et me montrer que les textes des apôtres et des prophètes forment un tout indissoluble.
Cette réunion a eu pour effet de renouveler l’intérêt de Russell en la Bible et de lui en faire reprendre l’étude “avec plus de zèle et de soin que jamais auparavant”. Il poursuit son récit en ces termes:
Je commençai bientôt à reconnaître que nous vivions quelque part près de la fin de l’âge évangélique et à proximité de l’époque où, selon la déclaration du Seigneur, ceux qui parmi ses enfants seraient sages et vigilants devaient parvenir à une connaissance claire de son Plan. À cette époque, moi-même et quelques autres personnes de Pittsburgh et d’Allegheny, qui cherchaient la Vérité, formions une classe pour l’étude de la Biblef; la période allant de 1870 à 1875 fut donc un temps d’accroissement constant dans la grâce, dans la connaissance et dans l’amour de Dieu et de sa Parole. Nous en vînmes à entrevoir, dans une certaine mesure, comment l’amour de Dieu avait pris des dispositions pour toute l’humanité, comment tous les humains devront être réveillés de la tombe pour que le Plan de Dieu empreint d’amour soit porté à leur connaissance, et comment tous ceux qui pratiqueront la foi dans l’œuvre rédemptrice du Christ et qui feront preuve d’obéissance, en harmonie avec leur connaissance de la volonté de Dieu, pourront alors — grâce au mérite du Christ — être complètement réconciliés avec Dieu, afin qu’il leur soit accordé la vie éternelle. Voilà notre manière d’envisager l’œuvre de Rétablissement prédite dans Actes 3:21. (...)
Cependant, à ce moment-là, nous saisissions à peine les grandes lignes du Plan de Dieu, et nous étions en train de désapprendre les nombreuses erreurs si longtemps chéries, car le temps pour discerner clairement les petits détails n’était pas encore pleinement venu. (...)
Ainsi s’écoulèrent les années 1868 à 1872. Celles qui suivirent jusqu’en 1876 furent des années d’accroissement continu dans la grâce et dans la connaissance pour cette poignée d’étudiants de la Bible avec lesquels je me réunissais à Allegheny. Nous progressâmes, et, de nos premières idées sommaires et vagues sur le Rétablissement, nous arrivâmes à une compréhension plus nette des détails; mais le temps voulu par Dieu pour une lumière claire n’était pas encore venu.
C’est à cette époque-là, d’après le récit, que ces étudiants de la Bible en sont venus à saisir la différence qu’il y a entre le Seigneur en tant que “l’homme qui s’est livré lui-même” et le Seigneur qui reviendra comme créature spirituelle. Ils ont compris que les créatures spirituelles peuvent être présentes tout en restant invisibles aux humains. L’effet de cette compréhension avancée se trouve ainsi décrit:
Nous étions navrés de l’erreur des adventistes qui attendaient le Christ dans la chair et enseignaient que le monde et son contenu, à l’exception d’eux-mêmes, seraient consumés par le feu en 1873 ou 1874. Leurs fixations de dates, leurs déceptions et leurs idées sommaires sur le but de sa Venue et sa manière de revenir jetaient plus ou moins d’opprobre sur nous et sur tous ceux qui attendaient et proclamaient son Royaume tout proche.
Ces vues erronées si largement partagées sur le but de l’Avènement du Christ et de sa manière de revenir m’amenèrent à écrire une brochure intitulée “Le but et la manière du retour du Seigneur” (The Object and Manner of the Lord’s Return), qui fut tirée à quelque 50 000 exemplairesg.
Ainsi, après des siècles de ténèbres et de pleurs, la vraie lumière de la Parole de Dieu s’est remise à briller, et le message du retour du Christ, qui commençait à être annoncé avec tant de zèle, ressemblait au cri de joie que l’on pousse à l’aube d’une nouvelle journée. Commencé par cette publication significative Le but et la manière du retour du Seigneur, ce cri de joie allait prendre une telle ampleur qu’il finirait par ressembler au mugissement des flots.
THOMAS: En somme, c’est de cette façon que les témoins de Jéhovah ont commencé à prêcher à l’échelle mondiale. On peut donc dire que l’activité déployée par votre groupement, dans les temps modernes, remonte à plus de quatre-vingt-dix ans, si j’ai bien compris. Cela fait plus que l’âge de la plupart des gens qui vivent à présent.
JEAN: Oui, c’est cela. Pourtant, suivre la volonté divine tout au long d’une route signifie bien plus que d’emprunter la bonne direction. Rempli d’enthousiasme et de zèle pour l’œuvre à accomplir, Russell s’était élancé à toute allure, quand presque aussitôt il s’est trouvé arrêté par une bifurcation non signalée. Bien entendu, il savait qu’il ne pouvait pas emprunter les deux routes, car il était certain que l’une des deux conduirait au désastre. Russell savait qu’il aurait à prendre une décision, mais il ne pouvait guère prévoir quelle en serait la portée, ni de quelle manière cette décision allait servir de modèle à tout ce qui suivrait. Mais si j’aborde ce problème maintenant, nous en aurons pour toute la nuit. Si vous le voulez, nous reviendrons la semaine prochaine.
THOMAS: Il le faut. D’autant plus que j’ai encore un tas de questions à vous poser.
LOÏS: Moi aussi, j’aimerais que vous reveniez. La décision que Monsieur Russell a dû prendre m’intéresse beaucoup.
-
-
Charles Taze Russell prend une décision d’une grande portéeLes témoins de Jéhovah dans les desseins divins
-
-
Chapitre 3
Charles Taze Russell prend une décision d’une grande portée
THOMAS: Jean, une pensée ne m’a pas quitté depuis votre dernière visite. Comment se fait-il que, lorsqu’on lit quelque chose dans la Bible au sujet de Paul ou d’autres personnages bibliques, on n’éprouve aucune difficulté à accepter leur rôle et leur autorité, tandis que, de nos jours, on a tant de mal à croire qu’un homme ou une organisation quelconque puisse être employé par Dieu?
JEAN: Il ne devrait pourtant y avoir aucune difficulté à cela, quand on se rend compte que les personnes, dont Dieu se sert comme témoins à un moment donné, ressemblent toujours à celles dont il s’est servi au cours des temps. Pensiez-vous à quelque chose de précis, Thomas?
THOMAS: Oui, bien sûr. La semaine dernière, vous nous avez montré que le besoin d’un monde libre s’était accru depuis les jours des apôtres. Cela n’a pas été difficile à comprendre. Mais qu’en est-il de toutes les voix qui se sont mises à annoncer: ‘Tel est le chemin à suivre.’ Si Dieu envisageait vraiment de se servir de l’une de ces voix comme témoin, comment pourrions-nous le savoir? Vous avez souligné de quelle manière C. T. Russell a joint sa voix à ceux qui annonçaient le retour du Seigneur, mais quelles raisons avons-nous de nous arrêter à lui plutôt qu’aux autres hommes?
JEAN: En voyant de nos jours à quel point cette œuvre a été bénie, nous pouvons dire qu’il y a bien plus de raisons que je ne pourrais vous en fournir en une soirée. Je suis sûr que vous en conviendrez au fur et à mesure que nous avancerons dans notre discussion. Et même en envisageant la chose à la manière des contemporains de Russell, nous pouvons dire qu’il y avait suffisamment de preuves pour ceux qui en demandaient. Au fait, nous abordons là le sujet dont nous voulions discuter ce soir.
LOÏS: Vous pensez à la décision importante que Monsieur Russell a dû prendre à propos de la voie qu’il croyait devoir suivre?
JEAN: C’est exact. Vous vous rappelez que la plupart de ces premiers groupements d’observateurs portaient un intérêt particulier aux calculs chronologiques. Quant à Russell, il envisageait la chose autrement. Il est vrai que, malgré son jeune âge, il abordait n’importe quel sujet avec le même esprit analytique exceptionnel. Il avait acquis la conviction que le but du retour du Christ était plus important que n’importe quelle date à fixer.
LOÏS: À propos, Jean, à quel âge Monsieur Russell s’est-il mis à étudier?
THOMAS [Il l’interrompt]: C’est justement ce que je voulais vous demander. Ne pourrions-nous pas interrompre un instant le récit des événements historiques, pour apprendre quelques détails essentiels sur Russell? Il me semble que cela nous permettrait de mieux connaître sa personne.
LA JEUNESSE DE C. T. RUSSELL
JEAN: Je veux bien. Disons tout de suite qu’il n’avait pas encore vingt ans quand il s’est mis à réfléchir sérieusement sur son éducation religieuse et à s’interroger sur les fondements de sa religion. Le mieux, c’est que je vous lise un extrait des premiers paragraphes de sa biographie, publiée dans la Préface de l’édition anglaise de son livre le plus répandu: Le divin Plan des Âges.
Charles Taze Russell, connu dans le monde entier sous le nom de pasteur Russell, auteur, conférencier et ministre de l’Évangile, naquit à Pittsburgh, Pennsylvanie, le 16 février 1852; il mourut le 31 octobre 1916. Il était le fils de Joseph L. et Eliza Birney Russella, tous deux de souche écosso-irlandaise. Il fut instruit dans les écoles publiques et par des précepteursb.
THOMAS: Ce devait être un jeune extrêmement réfléchi.
JEAN: Oui, tout à fait. À la mort de sa mère, il avait neuf ans. Il passait donc beaucoup de temps auprès de son père, en dehors des heures de classe. Un jour, alors qu’il n’avait que douze ans, son père l’a trouvé dans le magasin, à deux heures du matin, absorbé dans l’étude d’une concordance, inconscient du temps écouléc. À l’âge de quinze ans, Russell est devenu l’associé de son père qu’il assistait dans son magasin de confection pour hommes. À vingt et quelques années, il avait aidé son père à étendre leur commerce à plusieurs magasins, et ils étaient en voie de créer une chaîne nationale de succursales, quand Russell a décidé de renoncer complètement aux affaires pour consacrer tout son temps au ministère. La vente de ses titres lui a rapporté plus de 250 000 dollarsd.
THOMAS: Il devait pouvoir compter sur de grandes ressources personnelles et savoir ce qu’il voulait.
JEAN: Il l’a prouvé sous de nombreux rapports. Alors qu’il était encore jeune homme, et avant de connaître la vérité sur les desseins divins, il sortait de nuit pour tracer à la craie des textes bibliques à des endroits bien en vue, de sorte que les ouvriers qui passaient par là soient avertis et sauvés des “tourments de l’enfer”. C’est avec autant de zèle qu’il a enseigné l’amour de Dieu, après avoir compris l’erreur de cette doctrine blasphématoire qu’est l’enfer de feu. Cela explique pourquoi il a placé dans l’œuvre de sa vie tout ce qu’il possédait. L’un de ses proches rapporte l’avoir entendu déclarer avec véhémence:
Si la Bible enseignait que les peines éternelles sont le sort de tous, les saints exceptés, il faudrait les prêcher, oui, les crier sur les toits, chaque semaine, chaque jour, chaque heure; mais si elle ne les enseigne pas, il faut faire connaître ce fait pour effacer la tache odieuse qui déshonore le saint nom de Dieue.
Dans les notes biographiques que je viens de vous lire, il y a encore d’autres pensées que j’aimerais mentionner.
En 1879, le pasteur Russell épousa Maria Frances Ackley. Ils ne connurent pas le bonheur d’avoir des enfants. Dix-sept ans plus tard, les conjoints n’étaient plus d’accord sur la gestion de son journal, ce qui entraîna leur séparation. (...)
Il ne fut pas le fondateur d’une nouvelle religion, et il n’éleva jamais une telle prétention. Il ranima les grandes vérités enseignées par Jésus et les apôtres, et il dirigea la lumière du vingtième siècle sur ces enseignements. Il ne prétendit nullement avoir reçu une révélation particulière de Dieu, mais il estimait que le temps marqué par Dieu pour la compréhension de la Bible était venu, et que, étant entièrement consacré au Seigneur et à son service, il lui était permis de la comprendre. Parce qu’il se consacrait au développement des fruits et des grâces du saint esprit, la promesse du Seigneur s’accomplissait en lui: “Car si ces choses sont en vous, et y sont avec abondance, elles ne vous laisseront point oisifs ni stériles pour la connaissance de notre Seigneur Jésus-Christ.” — II Pierre 1:5-8, Sgf.
LOÏS: Mais qu’en est-il de la décision que le pasteur Russell a été obligé de prendre, Jean? Vous avez dit qu’elle aurait pu complètement ruiner son œuvre.
JEAN: C’est justement à cela que je pensais quand Thomas m’a demandé des preuves pour montrer que Dieu approuvait l’œuvre du pasteur Russell. À vrai dire, il s’agissait de plusieurs décisions qui se rapportaient toutes, en quelque sorte, à la chronologie. La voie empruntée par Russell allait prendre une signification particulière parce qu’elle le conduisait dans sa première grande épreuve, et que les résultats produits allaient avoir une grande portée.
LES SIGNES DES TEMPS PRENNENT DE L’IMPORTANCE
Vous vous souvenez que le groupe d’étude de Russell en était arrivé à comprendre que le Christ ne reviendrait pas dans la chair, tandis que la plupart des adventistes croyaient et enseignaient le contraire. Le pasteur Russell avait compris que Jésus, à son retour, serait aussi invisible que si un ange était venu.
Puis, en 1876, alors qu’il se trouvait en voyage d’affaires à Philadelphie, le pasteur Russell est entré fortuitement en possession d’un exemplaire du périodique “Le messager du matin” (The Herald of the Morning). C’était N. H. Barbour, de Rochester, dans l’État de New York, qui publiait ce périodique, vous vous en souvenez. Russell était surpris et enchanté de constater qu’il y avait là un autre groupement qui attendait le retour invisible du Christ. Comme leurs points de vue se rapprochaient, il a poursuivi la lecture de cette publication, tout en se rendant compte qu’elle émanait des adventistes. Pourtant, jusque-là il n’avait guère apprécié leurs doctrines. En fait, quelle que soit l’origine de ces connaissances, Russell cherchait à approfondir davantage l’enseignement de Dieu. Intéressé par la chronologie exposée dans ce périodique, il a immédiatement pris contact avec Barbour pour discuter de la chose en détail. Russell se déclarait prêt à prendre à sa charge les frais qu’entraînerait une telle entrevue avec lui.
Il semble qu’un membre du groupement de Barbour soit entré en possession de la Diaglott de Benjamin Wilson, une traduction du “Nouveau Testament”. Dans Matthieu 24:27, 37, 39, cet homme avait remarqué que le mot coming (venue ou avènement) employé dans la version du roi Jacques était traduit par présence dans la Diaglott. Cette découverte ainsi que les calculs chronologiques avaient amené le groupement de Barbour à soutenir l’idée d’une présence invisible du Christ. Quant à Russell, il s’était d’abord intéressé au but du retour du Christ. Après avoir compris que ce retour devait être invisible, il a été amené à considérer sérieusement les signes des temps. Il était satisfait des preuves fournies par Barbour.
Le pasteur Russell était un homme aux convictions positives, entièrement voué au Seigneur. Voici ce qu’il a écrit plus tard:
Je compris aussitôt que les temps particuliers que nous vivions avaient une grande portée pour notre tâche et notre œuvre de disciples du Christ; de plus, puisque nous vivions au temps de la Moisson, le travail de la Moisson devait être fait, la Vérité présente étant la faucille avec laquelle le Seigneur voulait nous voir accomplir une œuvre de moisson partout parmi ses enfantsg.
Telle est la conviction que Russell a partagée pendant toute sa vie de ministre chrétien.
La rencontre entre Russell et Barbour a eu l’effet suivant: Le groupe d’étude de Pittsburgh s’est affilié à celui de Rochester. Pour permettre à Barbour d’imprimer de nouveau le message dans le périodique Le messager du matin, Russell prélevait sur ses fonds personnels. Ainsi, ils ont décidé que Barbour, imprimeur de son état, se chargerait de l’impression du périodique, tandis que Russell deviendrait co-rédacteur du Messager du matin et qu’il apporterait son aide financière à cette entreprise.
Russell était alors enthousiasmé par l’idée d’un service accompli en harmonie avec ses connaissances de la volonté divine. Mais il n’était pas poussé par l’ambition personnelle. L’une des premières démarches qu’il a faites avec son important message le montre bien, tout en révélant l’une de ses premières déceptions. Permettez-moi de vous lire ce commentaire:
En 1877, Russell convoqua une assemblée générale de tous les pasteurs d’Allegheny et de Pittsburgh; il leur montra que, selon les Écritures, notre Seigneur était présent et il les adjura d’approfondir ce message puis de le proclamer. Tous les pasteurs de ces deux villes étaient présents et tous refusèrent de croire à ce message. Au cours de la même année, Russell se décida à abandonner son commerce et à consacrer tout son temps et toute sa fortune à l’œuvre que les Écritures indiquaient (...). Pour déterminer si sa ligne de conduite était en harmonie avec les Écritures, et aussi pour démontrer sa propre sincérité, Russell décida de mettre à l’épreuve l’approbation du Seigneur. Pour ce faire, il procéda comme suit: 1) il consacra sa vie à cette cause; 2) il engagea toute sa fortune pour faire progresser cette œuvre; 3) il refusa d’instituer des collectes dans les assemblées et lors des conférences; 4) il fit dépendre l’œuvre de contributions [entièrement] volontaires, non sollicitées, pour assurer la continuation du travail après l’épuisement de sa fortuneh.
LOÏS: Jamais auparavant je n’ai entendu parler d’une chose semblable. Voulez-vous dire que le pasteur Russell n’a jamais fait faire de collecte, et qu’il n’a jamais sollicité d’argent pendant toute sa vie? Il devait vraiment être un homme courageux et convaincu.
JEAN: C’était un homme de foi, conscient du grand privilège qu’il avait de comprendre la volonté divine. Songez qu’il n’avait que vingt-cinq ans en 1877. Néanmoins, Russell n’a pas hésité, même lorsque tous les conducteurs religieux d’Allegheny et de Pittsburgh ont refusé de saisir la magnifique occasion qui leur était offerte de prendre part à l’œuvre de la moisson, laquelle, croyait-il, venait de commencer. Sa foi a été largement récompensée.
La même année, en 1877, avec la collaboration de Barbour, Russell a rédigé un livre intitulé “Les trois mondes ou le plan de la rédemption”. Rien de pareil n’avait jamais été publié avant cela. Pour la première fois, les explications sur les prophéties chronologiques étaient rattachées à l’œuvre de Rétablissementi. Déjà à ce moment-là, on a reconnu que la période de la domination ininterrompue exercée par Satan sur la terre — appelée les “temps des Gentils” — toucherait à sa fin en 1914. Presque aussitôt, Russell s’est vu dans l’obligation de prendre une autre décision importante.
UN PROBLÈME ÉPINEUX TROUVE SA SOLUTION
LOÏS: La décision que le pasteur Russell était forcé de prendre concernait-elle 1914?
JEAN: Pas particulièrement. Elle concernait son association avec Barbour et son attachement à la vérité, telle qu’elle avait été révélée jusque-là. À propos de cette épreuve, il est bon de se rappeler les paroles de Russell parues dans La Tour de Garde, sous l’en-tête de Luc 22:31 (Sg): “Satan vous a réclamés, pour vous cribler comme le froment.” Voici ce que dit Russell:
Jusqu’alors tout s’était déroulé sans heurt. Nous avions été abondamment bénis dans la Vérité; quant à notre amour et notre fidélité, nous n’avions cependant pas subi d’épreuve particulière. Mais l’été de 1878, temps qui correspond à celui qui s’est écoulé entre la crucifixion de notre Seigneur et le moment où il a prononcé les paroles citées plus haut, marqua le début du criblage qui s’est poursuivi depuis et qui doit tôt ou tard éprouver quiconque accepte la lumière de la Vérité présente.
“Ne soyez point surpris de l’incendie qui s’est allumé au milieu de vous pour vous éprouver, comme s’il vous arrivait quelque chose d’extraordinaire”, car “le feu même éprouvera ce qu’est l’ouvrage de chacun (...)”. [I Pierre 4:12; I Cor. 3:13, AC.]
Le but de cette épreuve et de ce criblage est évidemment de faire un tri parmi tous ceux dont les désirs du cœur sont dénués de tout égoïsme et qui se sont entièrement consacrés au Seigneur, sans réserve; étant tellement désireux de voir s’accomplir la volonté du Seigneur et étant animés d’une si grande confiance en sa sagesse, en ses voies et en sa Parole, ils ne permettent pas que les sophismes d’autres hommes ou leurs propres plans ou pensées les éloignent de la Parole du Seigneur. Même lorsque, en ce temps de criblage, leur foi est mise à l’épreuve par les milliers qui tombent dans l’erreur à leur côté, ils seront fortifiés et ils augmenteront leur joie dans le Seigneur ainsi que leurs connaissances de ses plans. — Ps. 91:7j.
Puis, le pasteur Russell expose un point de vue erroné que tous avaient partagé jusqu’à ce moment-là. Sur la base de la déclaration que Paul a formulée dans I Corinthiens 15:51, 52, on s’attendait à voir “les saints en vie être enlevés subitement et miraculeusement avec leur corps, pour être désormais auprès du Seigneur pour toujours”. Comme on croyait que cela aurait lieu en 1878, certains ont été déçus parce que rien de visible ne s’est produit. Cependant, le pasteur Russell a été amené à réexaminer le passage biblique. Il a alors compris que leur “faute reposait sur le fait que l’on s’attendait à voir tous les saints en vie être changés en un instant et sans mourir, point de vue erroné que partageaient toutes les grandes Églises. Or, cette erreur, nous ne l’avions ni relevée ni écartée”. En soumettant ce texte à un nouvel examen, Russell a compris que la vraie signification des paroles de l’apôtre était que ceux qui allaient faire partie du corps du Christ et qui seraient encore en vie lors de la présence ou après le retour du Christ ne resteraient pas inconscients dans la tombe comme ceux qui avaient vécu avant le retour du Christ. Au contraire, à leur mort ils allaient être changés instantanément pour être présents auprès de lui. À vrai dire, le passage biblique lui avait livré une révélation importante que beaucoup de fondamentalistes n’ont pas encore comprise. Et Russell de conclure: “Ainsi, ce nouvel examen jeta une lumière accrue sur notre sentier et nous servit grandement d’encouragement, fournissant la preuve de ce que le Seigneur continuait lui-même à conduire l’œuvre.”
L’INTÉGRITÉ ENVERS LES PRINCIPES EST MISE À L’ÉPREUVE
Mais pendant qu’il me fut donné d’avoir des vues plus claires et des espoirs plus vifs et que je m’efforçais assidûment d’aider autrui, le printemps de 1878 se révéla être tout, sauf une bénédiction pour M. Barbour et pour bien des personnes soumises à son influence. Ayant rejeté la solution claire et simple exposée plus haut, M. Barbour semblait nourrir le sentiment qu’il devait nécessairement élaborer quelque chose de nouveau pour détourner l’attention de la déception provoquée au sujet des saints en vie qui ne seraient pas enlevés. Mais hélas! qu’il est dangereux pour tout homme d’avoir un sentiment exagéré de ses responsabilités et de tenter de hâter la nouvelle lumière! À notre douloureuse surprise, M. Barbour écrivit peu après un article pour Le messager du matin, article dans lequel il rejetait la doctrine de la rédemption, reniant que la mort du Christ fût le prix de rachat payé pour Adam et sa descendance. Il affirmait que la mort de notre Seigneur ne pouvait pas plus servir de paiement pour le châtiment des péchés du genre humain que des parents terrestres ne considéreraient comme un règlement approprié pour un écart de conduite de leur enfant le fait de percer le corps d’une mouche avec une épingle pour la faire souffrir et mourir. J’étais étonné, car j’avais supposé que M. Barbour avait une compréhension claire de l’œuvre du Christ en tant que sacrifice propitiatoire pour nous (...). Ou j’avais attribué à M. Barbour des connaissances plus claires qu’il n’en avait jamais possédé, ou alors il enlevait délibérément sa robe de noce, la justice du Christ, pour la rejeter. Il ne restait qu’à tirer cette dernière conclusion, car M. Barbour déclara par la suite qu’il avait naguère reconnu la mort du Christ comme prix de rachat pour le genre humaink.
THOMAS: Que voulait-il dire par l’expression “robe de noce”?
JEAN: Russell faisait allusion à la comparaison donnée par Jésus dans Matthieu 22:11-14. Cette parabole décrit un roi qui invite des convives au mariage de son fils. Les premiers invités ayant refusé de venir, le roi envoie ses esclaves dans les rues et les sentiers pour en rassembler d’autres. Mais au festin de mariage, il aperçoit un homme qui n’a pas revêtu le vêtement de circonstance, ce qui prouve un manque de reconnaissance. Le roi ordonne qu’il soit jeté dehors. Par cette parabole, Jésus montre que seules auront le droit de rester au sein de l’assemblée de ses élus les personnes qui se seront convenablement identifiées comme étant en complète union avec lui. En appliquant ainsi cette comparaison, Russell indiquait que Barbour, en rejetant les mérites du sacrifice rédempteur de Jésus, avait délibérément répudié son identité chrétienne. Pierre nous a mis en garde contre cette manière d’agir, en déclarant: “Il y eut aussi de faux prophètes parmi le peuple, comme il y aura de faux enseignants, parmi vous. Ceux-ci introduiront silencieusement des sectes destructrices et renieront même le propriétaire qui les a achetés, attirant sur eux-mêmes une prompte destructionl.”
MARIE: Le pasteur Russell n’avait alors que vingt-six ans, tandis que M. Barbour était beaucoup plus âgé. D’ailleurs, Le messager du matin était le périodique de M. Barbour en ce sens que c’était lui qui avait commencé à l’éditer. Mais c’est le pasteur Russell qui le finançait au moment où la division s’est produite. Il aurait donc facilement pu être influencé par la position de M. Barbour. Le pasteur Russell aurait pu hésiter à s’opposer à lui par crainte de perdre le terrain qu’ils avaient gagné ensemble.
L’ACTION POSITIVE FAIT ÉCHOUER LE COMPROMIS
JEAN: Mais malgré son jeune âge, il savait par l’étude de la Bible que le compromis est le commencement de l’apostasie, et qu’il serait fatal d’abandonner les principes et les vérités de Dieu pour des raisons d’opportunisme. Cette fois, l’intégrité de Russell envers la vérité allait subir sa première vraie épreuve. La voie qu’il choisit allait produire des effets immédiats et décisifs. Il rédigea aussitôt un article pour Le messager du matin, afin de dénoncer l’erreur. Pendant plusieurs mois, il fit paraître des articles analogues; il déclara alors:
Il devint maintenant clair pour moi que le Seigneur ne me demanderait plus désormais de donner mon appui financier à une chose qui exercerait une influence contraire au principe fondamental de notre sainte religion, ni de m’associer à une telle cause. C’est pourquoi, après un effort prudent mais infructueux en vue de ramener l’égaré, je me retirai entièrement du Messager du matin et de toute association future avec M. Barbour. Mais il ne me semblait pas suffisant de m’être retiré pour démontrer ma loyauté ininterrompue envers notre Seigneur et Rédempteur (...). Je compris donc que selon la volonté du Seigneur il m’incombait de lancer un nouveau périodique dans lequel la bannière de la Croix serait tenue bien haut, la doctrine de la Rançon défendue et la bonne nouvelle de grandes joies proclamée aussi largement que possible.
Agissant ainsi sous la conduite du Seigneur, je cessai de voyager, et en juillet 1879 sortit de presse le premier numéro de “La Tour de Garde et Messager de la présence de Christ” (THE WATCH TOWER AND HERALD OF CHRIST’S PRESENCE). Dès le début, ce périodique s’est fait le défenseur particulier de la Rançon; et, par la grâce de Dieu, nous espérons qu’il le sera jusqu’à la fina.
On ne pouvait pas prévoir, à cette époque-là, les lointains effets que produirait cette audacieuse prise de position pour la pure doctrine. Cependant, il est maintenant évident que si Russell avait accepté des compromis sur cette question vitale, son service pour Jéhovah n’aurait pas eu plus de valeur que les sacrifices d’animaux tarés offerts par les conducteurs de la chrétienté apostate. C’était là un temps de grandes décisions. Le temps était venu où le Christ Jésus, en qualité de représentant de Jéhovah, devait choisir le canal qui servirait à rassembler sa classe du “blé”.
Ces vérités de la Parole de Dieu, Russell et ses proches ne les avaient apprises qu’à force d’études soigneuses et assidues. Ils les ont acceptées parce qu’ils étaient animés de l’honnête conviction que le temps était maintenant venu pour Jéhovah d’appeler “des ténèbres à son admirable lumière” tous les hommes qui désiraient sincèrement connaître et faire la volonté divine. La situation de Russell nous fait songer au passage biblique de Galates 2:4, 5. Loïs, voudriez-vous nous le lire?
LOÏS [Elle lit]: “Et cela, à cause des faux frères qui s’étaient furtivement introduits et glissés parmi nous, pour épier la liberté que nous avons en Jésus-Christ, avec l’intention de nous asservir. Nous ne leur cédâmes pas un instant et nous résistâmes à leurs exigences, afin que la vérité de l’Évangile fût maintenue parmi vous.” Ces paroles sont de Paul, n’est-ce pas?
JEAN: C’est juste. Lui aussi se trouvait en présence de nombreux problèmes analogues dans la congrégation primitive. Il ne s’est pas contenté de rester fermement attaché à la vérité de la Parole de Dieu, mais il a encore écrit de nombreux conseils encourageants pour nous qui vivons aujourd’hui. Aussi, tout comme Paul, Russell et ceux qui se sont joints à lui dès le début ont été grandement bénis pour leur fidélité.
LA FIDÉLITÉ APPORTE DES BÉNÉDICTIONS ACCRUES
Ces convictions, auxquelles s’est ajoutée l’expérience concluante faite avec Barbour et Le messager du matin, ont amené Russell à comprendre que si ce petit noyau de vrais chrétiens voulait maintenir son intégrité envers la volonté divine, il lui faudrait surveiller de près la publication de ces vérités, assurer la parution de son propre périodique ainsi que d’autres écrits, en restant séparé de tout autre groupement. En vérité, ces vrais chrétiens ont connu un début modeste. Mais cela nous rappelle le texte de Zacharie 4:10 (CT): “Car qui mépriserait le temps des petites choses?” Ces jours-là, commençant en 1879, moment où le petit groupement de Pittsburgh s’est retrouvé seul pour travailler, étaient bel et bien des jours de “petites choses”.
Le premier numéro du “Phare de la Tour de Sion, Messager de la présence de Christ” (Zion’s Watch Tower and Herald of Christ’s Presence), du 1er juillet 1879, se limitait à 6 000 exemplairesb. C. T. Russell en était le rédacteur, tandis que cinq autres étudiants de la Bible, ayant atteint la maturité, allaient régulièrement fournir des articles. Les premières paroles de ce nouveau périodique sont intéressantes à lire:
Voici le premier numéro de la première année de “ZION’S WATCH TOWER”. Il ne sera pas inutile de faire connaître le but de sa parution. Que nous vivions “dans les derniers jours”, “le jour du Seigneur”, à “la fin” de l’âge de l’Évangile, et, par conséquent, à l’aurore du “nouvel” âge, ce sont là des faits que l’étudiant assidu de la Parole peut discerner, s’il est conduit par l’esprit; mais les signes extérieurs que le monde peut reconnaître rendent, eux aussi, le même témoignage, et nous désirons que la “famille de la foi” soit pleinement consciente de ce faitc.
Dès le commencement, le périodique a rendu témoignage au nom de Jéhovah, car il est dédié à Jéhovah et aux intérêts de son Royaume. Dans son deuxième numéro, le périodique disait ce qui suit sous le titre “Désirez-vous lire ‘La Tour de Garde de Sion’?”:
“La Tour de Garde de Sion” a, nous le croyons, JÉHOVAH comme soutien, et tant qu’il en sera ainsi, elle ne demandera ni ne sollicitera jamais l’appui des hommes. Quand Celui qui dit: “Tout l’or et tout l’argent des montagnes sont à moi” ne daignera plus pourvoir aux fonds nécessaires, nous comprendrons que le moment est venu d’en suspendre la parutiond.
Deux ans plus tard, le nom et l’identité de Jéhovah ont été traités. Dans le numéro de juillet 1882 a été publié un article de sept pages, intitulé “Écoute, Israël: Jéhovah, notre Dieu, est seul Jéhovah”. Cet article réfutait la doctrine de la “trinité”, soit l’enseignement d’“un seul Dieu en trois personnes”. En août 1882 a été posée la question de savoir s’il convenait d’appliquer le nom de “Jéhovah” au Père ou au Christ. Voici la réponse:
C’est avec confiance que nous affirmons que dans les Écritures le nom de Jéhovah n’est jamais appliqué à nul autre qu’au Père. Que ceux qui prétendent le contraire produisent un texte et qu’ils démontrent que celui-ci s’applique à Jésus ou à quelqu’un d’autre que le Père. Voici comment on peut prouver la chose d’une manière concluante: Les écrivains du Nouveau Testament citent souvent l’Ancien Testament; citent-ils une seule fois un passage où figure le mot Jéhovah pour l’appliquer à Jésus? Nous prétendons qu’ils ne le font pas. Au contraire, nous allons emprunter une citation parmi tant d’autres analogues où le mot est clairement appliqué, non à Jésus, mais au Père. Le Psaume 110:1 (Da) déclare: “L’Éternel (Jéhovah) a dit à mon Seigneur (adon — maître): Assieds-toi”, etc. Lisez attentivement comment ce passage est appliqué par Jésus (Luc 20:41-44) et par Pierre (Actes 2:34-36, 33). À lui seul, ce texte suffit, tant que l’on ne nous aura pas répondu. Si quelqu’un arrive à le déformer, nous en aurons d’autres à sa dispositione.
Ainsi, le pasteur Russell agissait et servait en qualité de témoin de Jéhovahf.
SIGNES PERMETTANT D’IDENTIFIER LE CANAL CHOISI PAR DIEU
Vous voyez donc, Thomas, que sous de nombreux rapports les preuves commençaient à s’accumuler. Elles montraient que de toutes les voix primitives qui s’étaient fait entendre, Jéhovah avait choisi la publication que nous appelons à présent La Tour de Garde, pour s’en servir comme canal par lequel il apporterait au monde une révélation de sa volonté. Et par les paroles révélées dans les colonnes de cette publication, Dieu commencerait à diviser la population de ce monde en deux classes: celle qui ferait la volonté divine et celle qui ne la ferait pas. Pour cette raison, 1879 a été un tournant dans l’œuvre. Ce petit groupement, dirigé par C. T. Russell, venait d’être éprouvé et reconnu apte à entreprendre la grande campagne préliminaire qui devait conduire au point culminant attendu pour 1914. Mais quelle œuvre cette petite troupe pouvait-elle s’attendre à accomplir dans le monde entier, en moins de quarante ans? Même dans des conditions favorables, cette tâche devait paraître gigantesque. Néanmoins, ces hardis prédicateurs itinérants se sont mis en route, littéralement à pied, pour accomplir cette tâche, tout en sachant qu’ils auraient à faire face à l’opposition la plus acharnée. Quant au monceau de louanges qu’ils ont édifié au nom de Jéhovah en une quarantaine d’années, il ne pouvait être réalisé que de la façon annoncée dans Zacharie 4:6 (AC): “Ni par une armée, ni par la force, mais par mon Esprit, dit Jéhovah des armées.” Jéhovah seul pouvait ainsi nourrir et diriger son peuple.
[Notes]
a a J. L. Russell mourut en 1897, à l’âge de 84 ans, après avoir été un fidèle associé de son fils dans les activités de la Société (w 1er janv. 1898, p. 4).
b b Études des Écritures (1886), tome I, Préface “Biographie”, p. 1 (éd. angl. 1926). Voir aussi w 1916, p. 356.
c c Études des Écritures (1917), tome VII, p. 63 (2e éd.).
d d A Great Battle in the Ecclesiastical Heavens (1915), par J. F. Rutherford, p. 16.
e e Études des Écritures (1886), tome I, Préface “Biographie”, p. 18 (éd. angl. 1926).
f f Ibid., pp. 1, 2.
g g w 1916, p. 171.
h h Études des Écritures (1917), tome VII, pp. 65, 66 (2e éd.).
i i w 1916, p. 171.
j j Ibid., p. 172.
k k w 1916, p. 172.
a m w 1916, pp. 172, 173. Le 1er janvier 1909, ce nom fut changé en “La Tour de Garde et Messager de la présence de Christ” (The Watch Tower and Herald of Christ’s Presence) [changement opéré en français en avril 1909]. (Voir explication dans wF août 1909, p. 16.) Puis, le 15 octobre 1931, il fut changé en The Watchtower and Herald of Christ’s Presence [en français, dès décembre 1931, seul le cliché change]; le 1er janvier 1939, le nom fut changé en The Watchtower and Herald of Christ’s Kingdom [en français, dès le 15 janvier 1939: La Tour de Garde et Messager du Royaume de Christ]; le 1er mars 1939, en The Watchtower Announcing Jehovah’s Kingdom [en français, dès le 15 mai 1939: La Tour de Garde, Annonciatrice du Royaume de Jéhovah; le 15 avril 1952, le périodique reçut en français son titre actuel: La Tour de Garde annonce le Royaume de Jéhovah]. À partir de son premier numéro jusqu’en décembre 1891, il paraissait une fois par mois; à partir du 1er janvier 1892, deux fois par mois (voir w 1891, p. 173) [En français, le premier numéro mensuel parut en octobre 1903, et le premier numéro bimensuel le 1er octobre 1933]. La périodicité des éditions en d’autres langues est variable.
b n w août 1879, p. 2.
c o w juillet 1879, p. 3.
d p w août 1879, p. 2.
e q w août 1882, pp. 2, 3.
f r À la page 20 de l’ouvrage “Les trois mondes” (The Three Worlds, 1877), on rencontre le nom de Jéhovah au lieu de l’expression “le Seigneur” quand Sophonie 3:9 (American Standard Version) est cité: “Car alors je tournerai le peuple vers une langue pure, afin qu’ils puissent tous invoquer le nom de Jéhovah, pour le servir d’un commun accord.” Russell connaissait donc de bonne heure le nom divin.
-
-
Préparatifs pour la rentrée de la moissonLes témoins de Jéhovah dans les desseins divins
-
-
Chapitre 4
Préparatifs pour la rentrée de la moisson
LOÏS: Avant d’aller plus loin ce soir, Jean, j’aimerais que vous m’éclairiez sur un point: Où le pasteur Russell voulait-il en venir? Les notes biographiques que vous nous avez lues disaient qu’il n’essayait pas de lancer une nouvelle religion, et c’est ce que vous nous avez dit vous-même en expliquant le nom de témoins de Jéhovah. Si une nouvelle religion est vraiment née ou pas, ce n’est pas ce qui compte pour le moment. Le côté le plus significatif de son message, à mon avis, c’est que la présence du Christ était imminente; mais que demandait-il aux gens de faire et, d’après lui, quels événements devaient se produire au retour de Jésus?
JEAN: Tout d’abord, le pasteur Russell et ceux qui s’étaient joints à lui croyaient que la présence invisible du Christ, sous forme spirituelle, avait déjà commencé en 1874. Ils avaient compris que l’œuvre principale du Christ consistait, à cette époque-là, à rassembler les siens, et à les affranchir des nombreux enseignements contradictoires concernant la volonté divine à leur égard. Ils croyaient que le but du retour du Christ était de les rassembler, de rétablir le vrai culte puis, en 1914, à la fin des “temps des Gentils”, de les faire entrer dans le Royaume de Dieu, tel un fiancé qui viendrait chercher sa fiancée. Cela signifiait que la première chose à faire, c’était de quitter la religion apostate de la chrétienté, d’apprendre à connaître la vérité pour ensuite la faire activement connaître à autrui.
LES CONGRÉGATIONS NAISSENT
THOMAS: Comment se sont-ils organisés pour accomplir cette œuvre?
JEAN: Ma foi, c’était un jour de petites choses; ils ont commencé avec peu. Néanmoins, ils s’efforçaient d’organiser immédiatement des congrégations partout où les gens montraient de l’intérêt pour le message. C’est dans cette intention que Russell et quelques-uns de ses proches se sont mis à rendre visite à ceux qui s’étaient abonnés à La Tour de Garde, pour les réunir en groupes d’étude. Au cours de ces deux premières années, 1879 et 1880, ils ont fondé une trentaine de congrégations dans les États de Pennsylvanie, New Jersey, New York, Massachusetts, Delaware, Ohio et Michigan. Puis, en 1880, le pasteur Russell a pris des dispositions pour visiter lui-même ces trente congrégations, afin d’y passer au moins un jour dans chacune. Le programme qu’il présentait était intensif, puisque Russell dirigeait chaque jour au moins six heures d’étude dans chaque groupea.
LOÏS: C’était là un programme d’étude bien chargé. Quel genre de réunions tenaient-ils donc?
JEAN: Bien entendu, lors de ces premières visites, le pasteur Russell prononçait des allocutions sur la Bible, et il répondait aux questions. Par la suite, pour prendre un exemple, la congrégation de Pittsburgh-Allegheny se réunissait régulièrement le dimanche après-midi, de 14h.30 à 16 heures. Cette réunion était surtout destinée au public, car on y présentait des exposés bibliques. Le mercredi, de 19h.30 à 21 heures, on se réunissait pour les “Cottage Meetings” (réunions dans les foyers). Plus tard, on les a nommées “réunions de prières, de louanges et de témoignages”, car les assistants se levaient pour prononcer une prière ou pour raconter des témoignages personnels se rapportant aux efforts qu’ils avaient accomplis et aux résultats obtenus dans la prédication chrétienne. On y chantait aussi des cantiques de louanges. Cette réunion du mercredi a été à l’origine de ce que les témoins de Jéhovah appellent à présent la réunion de service. Le vendredi soir, leur étude de la Bible se fondait sur des sujets traités dans leurs livres, ceux qui avaient paru jusque-là. Ces études étaient appelées “Cercles de l’aurore”, parce que les premiers livres, publiés par la Société, étaient connus sous le nom de série de “L’aurore du Milléniumb”. Ils possédaient en outre un petit recueil de cantiques, appelé “Cantiques de l’Épousec”.
LOÏS: Et la communion? Est-ce qu’ils la célébraient?
JEAN: Ils avaient rompu avec la coutume pratiquée dans les Églises de la chrétienté. Chez les catholiques, la “communion” ou “messe” peut être célébrée de nombreuses fois par an. Mais cela est tout à fait contraire aux Écritures. Puisque la disposition prise par Jésus devait servir de commémoration de sa mort, il convenait de célébrer cette commémoration le jour même où Jésus est mort, c’est-à-dire à la date exacte de la Pâque juive. Or celle-ci tombe le 14 abib ou nisan. Le mois juif de nisan commence avec la nouvelle lune la plus proche de l’équinoxe du printemps, observée en Palestined. En raison de sa nature, ces premiers étudiants de la Bible ont appelé cette fête le “souper anniversaire”, car pour eux il s’agissait de célébrer ce souper lors de l’anniversaire, et une seule fois par année. De nos jours, les témoins de Jéhovah l’appellent la Commémoration, ce qui indique la même chose; c’est une fête en souvenir de la mort du Christ. Nous la désignons aussi sous le nom de “repas du soir” du Seigneur, d’après les Écritures grecques chrétiennes — Traduction du monde nouveaue.
Dans ces premières années, la congrégation de Pittsburgh était à la fois la plus grande et la plus ancienne. C’était là, en général, que se célébrait la Commémoration. Parmi les chrétiens qui vivaient dans d’autres parties des États-Unis, tous ceux qui le pouvaient se rendaient alors à Pittsburgh, une fois par an, pour cette célébration. Ils imitaient en quelque sorte les Juifs qui montaient jadis à Jérusalem pour célébrer la Pâque. Seules les petites congrégations célébraient la Commémoration séparément. Ce rassemblement à Pittsburgh répondait à un double but: d’une part, il leur permettait de célébrer la Commémoration ensemble, dans l’unité d’esprit et, d’autre part, il leur fournissait l’occasion de tenir un congrès de deux jours. De cette manière, ces premiers frères étaient consolidés sur le plan de l’esprit; ils croissaient dans l’unité en s’assemblant. Ils pouvaient se voir face à face, ce qui servait de stimulant, car à part cela, rien ne les unissait. En partageant la compagnie de leurs frères et en recevant la nourriture spirituelle ensemble, ils puisaient les forces nécessaires pour faire progresser plus rapidement cette œuvre naissantef.
THOMAS: Vous avez dit qu’à part cela, rien ne les unissait. Que voulez-vous dire par là?
JEAN: Chaque congrégation accomplissait son service plus ou moins indépendamment, tout en prenant modèle sur la première congrégation de Pittsburgh. Or, sur le plan de l’organisation, ces congrégations n’étaient pas pour autant rattachées à celle de Pittsburgh. Il est vrai qu’elles assimilaient la même nourriture spirituelle, dispensée dans les colonnes de La Tour de Garde. C’était là un lien important, car ces membres provenaient de diverses organisations religieuses: ils avaient été catholiques, presbytériens, congrégationalistes, luthériens ou autres. Ainsi, l’étude de La Tour de Garde contribuait grandement à créer l’unité, quoique, dans une large mesure, ces membres aient apporté avec eux les pensées et les procédés suivis par les diverses Églises et sectes. Cela a eu pour effet que les premières congrégations des témoins de Jéhovah étaient régies par une sorte d’administration ecclésiastique calquée sur le style presbytérien et congrégationaliste. On appelait ces congrégations des “ecclésias”, d’après le mot grec qui signifie “congrégation”. Chacune avait à sa tête un comité de presbytres appelés les “aînés”, tout comme dans l’Église presbytérienne. Ces “aînés” étaient chaque fois élus d’une manière démocratique pour un an au maximum, comme dans l’Église congrégationaliste. Réunis en comité, ils désignaient les divers orateurs, déterminaient la matière à étudier, et ainsi de suite. C’était là une manière de procéder bien différente de celle suivie par les témoins de Jéhovah actuels.
DES MILLIERS SONT ATTEINTS GRÂCE À LA DIFFUSION DES TRACTS
LOÏS: Le pasteur Russell enseignait donc qu’il fallait étudier la Bible et participer à l’œuvre de la moisson. Comment s’y sont-ils pris? J’entends les étudiants de la Bible, sans parler des aînés.
JEAN: Au début, on distribuait surtout des tracts. Quant au pasteur Russell, il avait alors déjà liquidé ses affaires, et il consacrait la plus grande partie de son temps à écrire et à prêcher. Puis, à partir de 1880, le petit groupe de Pittsburgh, en tant que bureau central, s’est mis à publier des tracts. Après 1891, ces tracts numérotés qui s’intitulaient d’abord “Tracts des Étudiants de la Bible” (Bible Student’s Tracts) ont aussi été appelés “Cahier trimestriel de théologie ancienne” (Old Theology Quarterly). Remis gratuitement aux lecteurs de La Tour de Garde pour que ceux-ci les distribuent au public, ces tracts devaient servir à démasquer les erreurs contenues dans les doctrines enseignées par les Églisesg. On publiait aussi des feuilles d’un plus grand format comme éditions supplémentaires de La Tour de Garde. Ainsi, en 1881, avaient paru les deux brochures “Les figures du Tabernacle” (Tabernacle Teachings) et “Nourriture pour les chrétiens réfléchis” (Food for Thinking Christians). De nos jours, nous appellerions ces publications des livres brochés. Ainsi, la brochure Nourriture pour les chrétiens réfléchis a paru comme édition spéciale de La Tour de Garde pour le mois de septembre 1881. À la page 162 de l’édition de 1884, le passage suivant de cette brochure attirait l’attention du lecteur sur la Société et sur l’œuvre accomplie par celle-ci:
Cette Société [Zion’s Watch Tower Tract Society] est organisée dans l’intention de répandre des publications semblables à cette brochure publiée par La Tour de Garde, périodique mensuel de huit pages. La présente brochure est un numéro de ce périodique, présentée dans un format plus pratique; ainsi, au cours des quatre dernières années, cette Société en a fait imprimer et diffuser, à ses frais, plus d’un million d’exemplaires gratuits.
THOMAS: Comment ce petit groupement pouvait-il répandre un million d’exemplaires de cette brochure?
JEAN: C’est que de nombreux exemplaires en ont été distribués par les lecteurs de La Tour de Garde grâce à leurs contacts personnels. Mais on s’est également servi de deux autres méthodes peu courantes. En voici deux exemples décrits dans l’une des premières publications de la Société:
Le directeur du principal journal de la ville de New York accepta d’envoyer à tous ses abonnés un exemplaire du tract [Nourriture pour les chrétiens réfléchis]; de même, plusieurs autres journaux de Chicago, de Boston, de Philadelphie et de New York nous aidèrent d’une façon analogue dans l’œuvre, ce dont nous les remercions sincèrementh.
Et le pasteur Russell d’expliquer: “Nous ne citerons pas les noms des journaux simplement pour leur épargner l’ennui d’être sollicités par autrui. Ils disent n’avoir encore jamais accordé de tels privilèges à personne.” En outre, nous lisons au sujet de cette tâche d’envergure:
(...) Faible en apparence au début, le travail avec les tracts a connu un essor si considérable que 1 200 000 exemplaires en ont été distribués, (...) il a fallu le concours de centaines d’hommes, de femmes et de garçons pour la préparation et la distribution des tracts, près de 500 garçons étant employés à les distribuer à Londres et quelque 300 à New York, ainsi qu’un nombre correspondant dans d’autres villes. Dans les plus grandes villes, la distribution se fit le dimanche, à la porte des églisesi.
Afin d’encourager la distribution des tracts, deux des premiers compagnons de Russell ont été envoyés en Grande-Bretagne, en 1881. Dans leur rapport, ils racontent avoir distribué 100 000 brochures à Londres et 65 000 en Écosse, dans les villes de Glasgow, d’Édimbourg, de Dundee et d’Aberdeenj.
LOÏS: De quoi parlait donc cette brochure?
JEAN: Elle était doctrinale, bien entendu. Elle présentait un résumé de toutes les vérités que ces étudiants de la Bible avaient apprises et comprises jusqu’à l’année 1881. La brochure commençait sous forme de dialogue, et la discussion se poursuivait un peu comme chez vous, où nous discutons de l’histoire de la Société. Puis, après avoir réfuté quelques doctrines fondamentales enseignées par les grandes Églises, telles que l’immortalité de l’âme, la brochure poursuivait en expliquant de nombreux points du dessein divin des âges. À l’intention de la majorité des humains qui recevront la vie sur la terre, la brochure faisait ressortir ce qui suit:
Ceux qui forment le reste de notre race et qui avancent maintenant en foule sur la route large de la mort doivent être rétablis, car leur culpabilité et leurs péchés seront rachetés et pardonnés. Comme, par la désobéissance d’un seul homme, tous ont été placés sur la route large et qu’ils ont été engloutis dans la mort, de même, par l’obéissance d’un seul (Christ), tous seront pardonnés et ramenés à la vie. Mais quand ils seront ramenés à “leur condition antérieure” — la perfection telle qu’elle existait à l’origine — ils n’auront pas la vie dans le même sens que l’obtiendra la famille divine. Leur part ne sera pas d’avoir la vie en eux-mêmes, mais la vie qui leur est fournie. La race humaine restaurée vivra sans doute éternellement. Dieu lui fournira les moyens de continuer à vivre aussi longtemps qu’elle sera obéissante, et il nous est dit que cela sera pour l’éterniték.
LA SOCIÉTÉ WATCH TOWER PREND CORPS
THOMAS: Quelles dispositions ce groupement avait-il prises pour imprimer les tracts et le périodique La Tour de Garde?
JEAN: Au début, l’impression de ces écrits était presque entièrement assurée par des maisons d’édition commerciales. Notre premier bureau central se trouvait au 44, Federal Street, à Allegheny, en Pennsylvaniel. Russell avait compris que pour étendre la distribution des tracts et de La Tour de Garde, il faudrait accepter des contributions, et il serait alors nécessaire d’avoir une société sous une forme ou sous une autre. Ainsi, dans La Tour de Garde (angl.) d’avril 1881, on pouvait lire à la page 7, sous le titre “Watch Tower Tract Society”:
Les proportions immenses que semble prendre le travail avec les tracts ont fait naître l’idée d’un effort conjugué dans ce sens; et cela a eu pour effet la création de cette Société. Les tracts sont très demandés. Plus de 900 000 pages sont déjà sorties des presses, et nous allons passer des contrats pour plusieurs millions de pages. Nous sommes confiants que le Seigneur prendra plaisir à se servir de ces tracts comme moyens permettant d’ouvrir les yeux aux aveugles face aux beautés de sa Parole, comme jadis il se servit même de boue et de salive pour ouvrir des yeux naturels.
L’année d’après, Russell insérait ce qui suit dans les colonnes de La Tour de Garde concernant la Société:
Cette Société a été organisée, il y a moins d’un an, pour le but indiqué par son nom. (...) Nous ne solliciterons jamais de dons. Ceux qui possèdent des biens de ce monde, et qui se sont entièrement consacrés, doivent simplement apprendre comment ils peuvent s’en servir. La destination des dons versés à ce fonds devrait être spécifiéea.
En 1884, cette Société s’est constituée en corporation. C’est Russell lui-même qui en a rédigé les statuts. À l’origine, la Société portait le nom de “Zion’s Watch Tower Tract Society”, mais aujourd’hui elle s’appelle “Watch Tower Bible and Tract Society of Pennsylvaniab”. Le but de cette Société est énoncé sous l’article deux des statuts:
Le but pour lequel est constituée la corporation est la diffusion de vérités bibliques en différentes langues au moyen de la publication de tracts, de brochures, de journaux et d’autres écrits religieux, ainsi que par l’emploi de tout autre moyen légal que son conseil d’administration, dûment constitué, jugera opportun pour atteindre le but précité.
Les statuts prévoyaient un conseil composé de sept directeurs, dont trois devaient remplir les fonctions de président, vice-président et secrétaire-trésorierc.
Au bout de quelques années, leur premier bureau central étant devenu trop exigu, ils décidèrent de faire construire un immeuble pour eux seuls. Achevé en 1889d, cet immeuble abritait une salle de réunions pour 200 personnes environ. De nos jours, on pourrait la comparer à une Salle du Royaume des témoins de Jéhovah. Dans cet immeuble se trouvaient une petite salle pour l’imprimerie, un service d’expédition au sous-sol, ainsi que des appartements pour les membres de la famille qui travaillaient comme personnel dans ce bureau central. Des locaux étaient également réservés à la rédaction. Et du côté de la rue, il y avait un entrepôt et un magasin où des écrits étaient distribués au public. Cet immeuble, appelé “Maison de la Bible”, a servi de bureau central à la Société pendant vingt ans.
Ainsi, le pasteur Russell n’a pas organisé la Société Watch Tower simplement pour recevoir des contributions et pour imprimer des écrits. Selon le but énoncé dans les statuts, la Société avait été organisée pour “la diffusion de vérités bibliques”. Or, pour atteindre ce but, il ne suffisait pas d’établir des congrégations pour l’étude, congrégations dont les membres distribueraient de temps en temps des tracts. En réalité, le pasteur Russell se proposait d’organiser tout cela sur une plus grande échelle. Mais de cela, je vous en parlerai la semaine prochaine.
[Notes]
a a w juin 1880, p. 8; w sept. 1880, p. 8; w nov. 1880, p. 8.
b b w janv. 1881, p. 7; w avril 1881, p. 8; w 1897, p. 158.
c c w sept. 1879, p. 4.
d d w 1897, p. 86.
f f w 1892, p. 114; voir “Congrès des croyants”, assistance: 400.
g g w déc. 1880, p. 8; w janv. 1881, p. 3; w mars 1889, p. 7.
h h w oct.-nov. 1881, p. 5.
i i Ibid.
j j w oct.-nov. 1881, p. 6.
k k w sept. 1881, p. 144.
l l Ce bureau central porta par la suite le numéro 40, Federal Street, et puis le 151, Robinson Street, la rue ayant changé de nom (w déc. 1884, p. 1; w mars 1887, p. 1).
a m w janv.-fév. 1882, p. 2.
b n Le 13 décembre 1884, le juge F. H. Collier de la Cour des Plaids Communs [tribunal civil] du Comté d’Allegheny, État de Pennsylvanie, accorda à la Société un statut légal dûment enregistré le 15 décembre 1884 (w janv. 1885, p. 1). Le nom qu’elle portait à l’origine fut changé, en 1896, par un amendement légal en “Watch Tower Bible and Tract Society” (statuts de la Watch Tower Bible and Tract Society, pp. 4, 5). Le 1er novembre 1955 furent enregistrés les amendements légalisant son titre intégral actuel. Voir aussi Études des Écritures (1886), tome I, Préface “Biographie”, p. 19 (éd. angl. 1926).
c o Les premiers membres du bureau étaient C. T. Russell, le président; William I. Mann, le vice-président; Maria S. Russell, femme du pasteur Russell, la secrétaire-trésorière (Statuts de la Watch Tower Bible and Tract Society, pp. 1-3).
d p Sis au 56 et 60, Arch Street, Allegheny, North Side, Pittsburgh; la rue ayant été renumérotée, leur adresse devenait alors le 610-614, Arch Street (w janv. 1890, p. 1; w 1900, pp. 260, 272, photo; voir aussi wF oct. 1903, p. 8). À l’origine, cette propriété appartenait légalement à la Tower Publishing Company [La Tour, Maison d’édition], affaire privée dirigée par C. T. Russell. En avril 1898, le droit de propriété sur ces biens immobiliers et les installations fut transféré à la corporation légale, la Watch Tower Bible and Tract Society, lorsque le conseil d’administration de la Société accepta comme donation le droit de propriété sur ces biens (w 1898, pp. 114, 369).
[Illustrations, page 26]
SCEAU DE LA SOCIÉTÉ, 1884.
SCEAU DE LA SOCIÉTÉ, 1956.
[Illustration, page 27]
MAISON DE LA BIBLE, 1889.
-
-
La prédication de la bonne nouvelle, une mission confiée à tousLes témoins de Jéhovah dans les desseins divins
-
-
Chapitre 5
La prédication de la bonne nouvelle, une mission confiée à tous
LOÏS: Jean, la semaine dernière, vous nous avez raconté que les lecteurs de La Tour de Garde distribuaient des tracts. Cette œuvre était-elle organisée, ou bien chacun la faisait-il à sa manière?
JEAN: Au début, chacun la faisait simplement à sa manière, mais les lecteurs recevaient l’encouragement et l’aide de la Société en développement. Dès le commencement, Russell avait compris qu’il était nécessaire que les chrétiens prennent une part active à la prédication de ce qu’ils avaient appris. La deuxième année de sa parution, La Tour de Garde lançait un émouvant appel sous le titre “Recherchons 1 000 prédicateurs”. Cet appel visait à encourager tous les lecteurs de La Tour de Garde qui pouvaient consacrer la moitié de leur temps, ou davantage, exclusivement à l’œuvre du Seigneur, à
aller dans les villes, grandes et petites, selon vos possibilités, comme colporteurs ou évangélistes, à la recherche, en tous lieux, des chrétiens sincères et convaincus. Vous en trouverez beaucoup qui sont animés du zèle pour Dieu, mais pas selon la connaissance. Cherchez à leur faire connaître les richesses de la grâce de Notre Père et les beautés de sa Parole, en leur remettant des tracts; et comme marque d’une œuvre de bonté et d’amour à leur égard, efforcez-vous de leur vendre “L’aurore du jour” ou de leur faire souscrire un abonnement à “La Tour de Garde” [ou, si quelqu’un manifeste de l’intérêt et qu’il soit trop pauvre pour les acheter, présentez-les-lui comme un don venant de Dieu].
Étant donné que sans quelque revenu, peu de personnes seraient en mesure de se déplacer et de pourvoir à leur entretien, nous proposons de fournir aux colporteurs les TRACTS et LES AURORES DU JOUR gratuitement, et de leur permettre de recueillir des abonnements à LA TOUR DE GARDE et de se servir de l’argent obtenu grâce à ces sources, (...) pour couvrir les dépenses nécessairea.
Le mois suivant, c’est-à-dire en mai 1881, on s’est référé aux paroles que nous venons de lire pour indiquer qu’il en était résulté de nombreuses réponses favorables. Or, ces paroles démontraient que le pasteur Russell avait bien compris que cette œuvre n’avait pas simplement pour but de faire connaître le dessein de Dieu. Elle était aussi destinée à faire partager à chaque chrétien la responsabilité de participer à la réalisation des desseins divins. Voyons ce que dit l’article:
Certains semblent nous avoir mal compris et avoir cru que nous faisions appel à tout le monde, aussi bien à des représentants qu’à des vendeurs de livres; ils ont attiré l’attention de leurs amis sur cette œuvre, disant que c’était là une belle occasion de trouver un emploi, etc. C’était mal comprendre notre proposition. Nous cherchons des ouvriers (et tel est le désir du Seigneur) qui soient disposés à travailler pour un salaire céleste, bien plus que pour le prix d’un journal ou d’un livre, quelle qu’en soit la nécessité. Non, nous ne faisons appel qu’à ceux qui savent expliquer le journal, le livre et le plan, et qui, en se déplaçant, pourront prêcher en disant: “Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche.” (Mat. 3:2, Sg)b.
LOÏS: N’empêche que le pasteur Russell était bien optimiste pour lancer un appel à 1 000 prédicateurs à plein temps. Y a-t-il eu beaucoup de réponses?
JEAN: En ce temps-là, on ne publiait pas souvent des rapports. Néanmoins, au cours de l’année 1885, il y a eu 300 colporteurs, comme on les appelait alors. C’est ce qui ressort du rapport rédigé par le secrétaire-trésorier de la Société pour le numéro de La Tour de Garde (angl.) de janvier 1886c. Le livre “Le divin Plan des Âges” a été publié en 1886, et on s’est mis à le distribuer en anglais. Les colporteurs — ou “pionniers”, comme nous les appelons maintenant — envoyaient leur rapport chaque semaine au bureau de Pittsburghd. Des années plus tard, quand les livres formaient une série de six volumes, les colporteurs n’emportaient pas toute la série de porte en porte comme le font les témoins de Jéhovah aujourd’hui. Ils emportaient simplement un “prospectus”, c’est-à-dire les couvertures de tous les livres, attachées ensemble pour former un dépliant qui s’étirait comme un accordéon. Pour faire un exposé sur chaque sujet traité dans ces livres, le témoin dépliait ce prospectus sur le bras allongé. Puis il prenait des commandes pour la série complète, car les livraisons ne s’effectuaient alors qu’une ou deux fois par mois. En général, les témoins travaillaient deux par deux pour livrer tous ces ouvrages commandés. Il n’était pas rare de voir un seul colporteur, ou “pionnier”, placer quatre à cinq cents livres en un mois.
OINTS POUR PRÊCHER
Ce premier appel pour trouver 1 000 prédicateurs ne se limitait toutefois pas à ceux qui pouvaient donner tout leur temps. Voici une autre pensée émise à l’époque:
L’Église est la vigne de Dieu (...). Il existe une si grande variété de travaux que tous peuvent trouver à s’occuper: dans la parabole, tous ont été engagés. Si vous disposez d’une demi-heure ou d’une heure, de deux ou de trois heures, vous pouvez employer ce temps: et cela sera agréable au Seigneur de la moisson. Qui peut prévoir les bienfaits qui découleront d’une heure de service accompli sous la conduite de Dieue?
La même année paraissait dans La Tour de Garde un article intitulé “Oints pour prêcher”, basé sur Ésaïe 61:1. Loïs, voudriez-vous nous lire ce passage d’après la Bible de Crampon, édition de 1905?
LOÏS: Avec plaisir. [Elle lit.] “L’esprit du Seigneur, de Jéhovah, est sur moi, parce que Jéhovah m’a oint pour porter la bonne nouvelle aux malheureux; il m’a envoyé pour panser ceux qui ont le cœur brisé, pour annoncer aux captifs la liberté et aux prisonniers le retour à la lumière; pour publier une année de grâce de Jéhovah et un jour de vengeance de notre Dieu.”
JEAN: Le pasteur Russell commence l’article en expliquant que, selon Luc 4:18, Jésus a cité cette prophétie pour l’appliquer à lui-même et à son œuvre. Puis il montre que la raison même de cette onction était de recevoir de Dieu l’autorisation de prêcher. Russell poursuit et attire l’attention sur la responsabilité qui incombe aux disciples de Jésus.
L’onction par la force spirituelle qui vint d’abord sur la Tête [Jésus] allait et devait venir en temps voulu (à la Pentecôte), et elle vint effectivement sur l’Église qui est son corps. Or, l’onction qu’elle reçut alors demeure en elle (I Jean 2:27). Pourquoi l’Église fut-elle ointe? La Parole répond: afin que, dans les temps présents, elle partage avec le Seigneur le déshonneur et le sacrifice et afin que, dans l’âge de gloire à venir, elle soit réunie à lui dans la gloire et la puissance. Il y a davantage: comme il fut “oint pour annoncer la bonne nouvelle”, de même nous, son corps, nous devons être oints pour annoncer, pour prêcher, le même évangile (...). QUI DOIT PRÊCHER? Nous répondons: Tous ceux qui reçoivent l’esprit d’onction et qui sont ainsi reconnus comme membres du corps du Christ (l’Oint). Il en est de chaque membre exactement comme de la Tête: “Il m’a oint pour annoncer la bonne nouvelle.” Nous possédons chacun des aptitudes et des dons différents, et aucun de nous n’est pareil à notre Tête, qui est parfaite; mais chacun est responsable de sa manière de prêcher et du temps qu’il peut consacrer à la prédication. Les uns savent prêcher à des multitudes, les autres à deux ou trois personnes; les uns savent prêcher de maison en maison, les autres peuvent placer un mot à propos; les uns peuvent distribuer des tracts, les autres peuvent prélever sur l’argent consacré dont ils ont l’intendance, pour aider autrui à prêcher. Les uns peuvent faire plusieurs de ces choses, les autres peuvent les faire toutes; or tous peuvent et devraient, par leur manière de vivre et leurs habitudes, prêcher la force de transformation qui émane de la bonne nouvelle, car nous sommes tous des épîtres vivantes, connues et lues de tous les hommes.
Prêches-tu, toi aussi? Nous croyons que nul ne fera partie du petit troupeau, à moins d’avoir été prédicateur. (...) En effet, nous avons été appelés à souffrir avec lui et à proclamer cette bonne nouvelle maintenant, afin qu’en temps voulu nous soyons glorifiés et que nous puissions accomplir les choses que nous prêchons maintenant. Nous n’avons pas été appelés, ni oints pour recevoir des honneurs et amasser des richesses, mais pour les dépenser et pour nous dépenser nous-mêmes, ainsi que pour prêcher la bonne nouvelle. Déployons donc tout notre zèle pour affermir notre vocation et accomplir ce pour quoi nous avons été ointsf.
MARIE: En nous rappelant que cette mise au point a eu lieu à peine deux ans après la parution du premier numéro de La Tour de Garde, nous comprenons combien l’œuvre à accomplir paraissait urgente au pasteur Russell.
JEAN: Et en invitant autrui à prendre conscience de ses propres responsabilités, il était prêt à lui accorder son aide. Ceux qui lisaient La Tour de Garde savaient ce qu’il fallait dire. Désormais, le pasteur Russell allait les conseiller sur la manière de dire ces choses. C’est dans le même numéro de La Tour de Garde qui contenait l’appel à 1 000 prédicateurs qu’on pouvait lire ces conseils, sous le titre “Comment faut-il enseigner?”:
À ceux qui envisagent de sortir pour employer beaucoup ou peu de leur temps, nous disons: Il est de toute première importance non seulement d’enseigner ce qui est juste, mais surtout de présenter la vérité d’une manière et dans l’ordre appropriés. C’est là une règle de conduite qui s’applique à tout ce que nous entreprenons: si nous voulons récolter de bons fruits, il ne suffit pas de planter une bonne semence; il faut encore la planter au temps convenable, dans une terre préparée d’avance, et il faut s’occuper de la jeune plante jusqu’à ce qu’elle ait pris assez de force. De même, pour les humains, la semence doit être semée avec soin, dans la prière et avec sagesse, selon les paroles de notre Maître: “Soyez donc prudents comme les serpents, et simples comme les colombes.”
Parlez d’abord du Rétablissement et des beautés du plan de Dieu qui se déploie; puis, montrez que tout cela nous attend et dépend du Roi et du Royaume à venir. Ensuite, quand votre interlocuteur ou lecteur en sera venu à aimer le Roi et à soupirer après son Royaume, il sera assez tôt d’exposer la manière de sa venue, c’est-à-dire d’expliquer que ce n’est pas l’homme Jésus, mais Jésus en tant qu’être spirituel qui reviendra, invisible, (...) et, en dernier lieu, parlez des “temps”, disant que nous vivons maintenant “aux jours du Fils de l’hommeg”.
C’est grâce à de telles instructions sur la prédication que des centaines de témoins chrétiens ont peu à peu été instruits et formés à participer efficacement au service du champ.
LA SÉRIE DE “L’AURORE DU MILLÉNIUM”
THOMAS: Je pense qu’en quatre ans la distribution gratuite de plus d’un million d’exemplaires de la brochure Nourriture pour les chrétiens réfléchis aura énormément contribué à répandre le message. Mais à part les brochures, les tracts et La Tour de Garde, qu’est-ce que Russell a écrit d’autre? Vous avez mentionné un certain nombre de livres. En était-il aussi l’auteur?
JEAN: Oui, de ceux dont nous avons lu des extraits. Son premier livre, Les trois mondes, Russell l’avait écrit en collaboration avec Barbour. Puis on avait distribué un autre livre appelé “L’aurore du jour”, écrit par J. H. Paton, l’un des premiers compagnons de Russell. Mais grâce à la lumière croissante de la vérité, on s’est rendu compte que ni l’un ni l’autre de ces deux livres ne convenaient plus à l’œuvre. Il a donc été décidé que Russell écrirait un certain nombre de livres qui formeraient la série appelée “L’aurore du Milléniumh”. Après maintes difficultés, le premier livre est sorti de presse en 1886 comme tome I de la série promise. C’est celui dont nous avons déjà parlé. Il s’appelait d’abord “Le Plan des Âges” et, plus tard, “Le divin Plan des Âges”. Il s’est avéré l’un des moyens les plus précieux utilisés jusque-là par la Société pour la diffusion de la bonne nouvelle. Ainsi, six millions d’exemplaires en ont été distribués en une quarantaine d’années. Il a permis à des centaines de personnes sincères de sortir de la religion apostate et de se joindre à la société naissante des témoins de Jéhovah.
Ce livre contenait une carte des âges qui ressemblait beaucoup à celle parue dans le livre Les trois mondes. C’était, en quelque sorte, le résumé de toutes les vérités comprises jusqu’en 1886, ainsi que celles parues dans Nourriture pour les chrétiens réfléchis et dans Les figures du Tabernacle. Il s’agissait d’un livre de 403 pages, écrit dans un style simple et courant, encore agréable à lire de nos jours; pourtant, à l’époque, la mode en était bien plus aux phrases de construction compliquée. Citons quelques-uns des seize chapitres pour donner une idée de l’espérance que le livre offrait au lecteur: “Une nuit de pleurs et un matin de joie”, “Démonstration de l’existence d’un Créateur souverainement intelligent”, “La venue de notre Seigneur, — son but, le rétablissement de toutes choses”, “La permission du mal et son rapport avec le plan de Dieu”.
Puis, vers la fin du livre se trouve un chapitre intitulé “Le jour de Jéhovah”, qui garde toute sa signification même de nos jours. En voici un bref extrait:
Le “jour de Jéhovah” est le nom de cette période durant laquelle le Royaume de Dieu, sous Christ, sera érigé graduellement (...), pendant que les royaumes de ce monde “passeront” et que le pouvoir et l’influence de Satan sur l’homme seront liés. Il est décrit partout comme un jour obscur, de trouble intense, de détresse et de perplexité parmi l’humanité. (...)
Il semble (...) que quelques-uns des saints seront encore dans la chair, au moins durant une partie de ce temps. [Cela s’est avéré juste.] Leur position, toutefois, différera de celle des autres, non pas en ce qu’ils seront miraculeusement préservés (bien qu’il soit distinctement promis que le pain et l’eau leur sont assurés), mais, en ce qu’étant instruits de la Parole de Dieu, ils n’auront pas à endurer sans espoir la même anxiété et la même angoisse qui se répandront sur tout le monde. [Là encore, c’est exactement l’image des témoins de Jéhovah vivant en ces temps actuels, depuis la Première Guerre mondiale.] (...) Les afflictions de ce “jour de Jéhovah” offriront l’occasion exceptionnelle de prêcher la bonne nouvelle du salut à venir; et bienheureux sont ceux qui suivent les traces du Maître, qui sont comme le bon Samaritain, bandant les plaies et y versant de l’huile et du vin de joie et de consolationi.
Bien que ces pensées aient été émises des dizaines d’années avant la Première Guerre mondiale, il est surprenant de constater avec quelle exactitude se sont finalement produits les événements qui avaient été prévus.
LOÏS: Est-ce que les autres livres de la série ont finalement été écrits?
JEAN: Au cours des années, cinq autres livres l’ont encore été: en anglais, le tome II, Le Temps est proche, a été publié en 1889; le tome III, Que ton règne vienne, en 1891; le tome IV, La Bataille d’Harmaguédon, qui s’appelait à l’origine “Le jour de vengeance”, est sorti de presse en 1897; le tome V, La réconciliation entre Dieu et l’homme, en 1899; et enfin, le tome VI, La Nouvelle Création, en 1904.
MARIE: Ces livres s’appelaient la série de “L’aurore du Millénium” jusqu’à la fin de 1904, quand on a décidé que le nom d’“Études des Écritures” montrerait plus clairement à quel usage étaient destinées ces publications, et comment elles seraient le plus utile au lecteur. À la même époque, on proposait aux colporteurs quatre manières différentes de présenter les livres au publicj. Voici ce que le pasteur Russell disait dans La Tour de Garde (angl.) du 15 juillet 1906:
Et notre promesse de sortir la série complète ne s’est pas encore réalisée; car, bien que six tomes aient déjà paru, un septième sur l’Apocalypse et sur Ézéchiel est encore à venir; la parution en a été retardée par l’accroissement de l’œuvre en général, et cela, sans aucun doute, en accord avec le “temps voulu” du Seigneurk.
LA BONNE NOUVELLE PARVIENT EN EUROPE
THOMAS: Est-ce que la distribution en Grande-Bretagne de la brochure Nourriture pour les chrétiens réfléchis, à laquelle vous avez fait allusion, était la première œuvre entreprise en dehors des États-Unis?
JEAN: Oui, c’est exact, du moins d’après les rapports, et le Canada mis à part. Au bout de quelques années, de petits groupes ont pu être réunis en Grande-Bretagne pour l’étude de la Bible. En raison de l’intérêt croissant, il a été décidé en 1891 que Russell ferait son premier voyage à l’étranger en qualité de président de la Société. Il pourrait ainsi encourager cet intérêt et contribuer à étendre l’œuvre à l’extérieur des États-Unis et du Canada. Son voyage missionnaire allait durer deux mois. Russell et les personnes qui l’accompagnaient se sont embarqués à New York pour Belfast, en Irlande, où ils ont rencontré un premier groupe d’amis. De là, leur itinéraire les a conduits dans d’autres groupes et dans des lieux historiques, tels que Glasgow et Édimbourg, en Écosse. Son voyage l’a conduit en Russie, jusqu’en Turquie et en Égypte, d’où il a regagné l’Angleterre avant de reprendre le chemin de New Yorkl.
Le compte rendu de ce voyage donne une image intéressante de l’œuvre de diffusion de la bonne nouvelle, alors en cours. Russell écrit:
Nous ne constatons aucune facilité ni aucun empressement pour la vérité en Russie, (...) rien pour nous encourager à espérer une moisson quelconque en Italie, en Turquie, en Autriche ou en Allemagne. (...) Les Italiens ont si longtemps subi l’influence néfaste de la papauté que, tels les Français, ils avancent à grands pas vers l’incroyance déclarée (...). Mais la Norvège, la Suède, le Danemark, la Suisse et surtout l’Angleterre, l’Irlande et l’Écosse sont des champs mûrs qui attendent d’être moissonnésa.
Selon les prévisions de Russell, c’est dans ces derniers pays que la vérité s’est librement répandue à partir de 1891. Ayant reconnu qu’il existait un urgent besoin en Angleterre, Russell a immédiatement fait établir à Londres un dépôt pour les publicationsb. D’ailleurs, c’est à Londres que la Société a ouvert, en 1900, sa première filiale située en dehors des États-Unisc.
THOMAS: Qu’en est-il des pays scandinaves et des autres pays dont la langue maternelle n’est pas l’anglais? Les écrits de la Société étaient-ils disponibles dans leur langue?
JEAN: Pas au début, car la Société ne publiait ses écrits qu’en anglais. Mais après le voyage de Russell à l’étranger, des dispositions ont été prises pour commencer à publier livres et brochures divers en allemand, en français, en suédois, en danois et norvégien, en polonais, en grec et par la suite en italien. Peu à peu, la bonne nouvelle allait donc parvenir à des régions plus éloignées du globe et atteindre les peuples d’autres nations et d’autres langues. En 1903, une filiale a été ouverte en Allemagned, et, l’année d’après, une autre en Australie où un premier témoin avait déjà été envoyé en 1903e.
THOMAS: Quelle expansion votre œuvre avait-elle enregistrée jusque-là?
JEAN: Un passage de La Tour de Garde (angl.) de janvier 1891, page 3, va nous éclairer un peu sur le nombre présumé de ceux qui s’étaient joints à l’œuvre en ce temps-là.
La diffusion mensuelle de la TOUR s’élève en moyenne à dix mille exemplaires environ, ce qui, d’après des estimations sûres, représenterait quinze mille lecteurs. À en juger d’après les lettres que nous recevons, nous estimons que parmi tous nos lecteurs, dispersés dans toutes les parties du globe, quatre mille environ sont entièrement consacrés au Seigneur et emploient leurs aptitudes à le louer de leur mieux. (...) Or, si 4 000 personnes vivant à présent sont fidèles et entièrement consacrées au Seigneur, c’est grâce aux progrès qu’elles ont faits au cours des dix dernières années, ce chiffre indiquerait une moyenne annuelle de 400 personnes pour les dix dernières années.
En somme, cela représentait un accroissement annuel assez important pour ces premières années de l’œuvre.
AFFERMISSEMENT DE L’ORGANISATION
Cet accroissement a fait comprendre qu’il fallait affermir davantage l’organisation, et que ceux qui s’étaient joints à elle avaient besoin d’être fortifiés sur le plan spirituel par de grandes assemblées régulières. Nous avons déjà eu l’occasion de dire que de telles assemblées se tenaient depuis 1879 lors du repas du Seigneur. Mais en 1893, il a été jugé utile de tenir la première grande assemblée dans une autre ville que Pittsburgh. On a donc pris des mesures, en 1893, pour tenir une assemblée nationale à Chicago, dans l’Illinois, du 20 au 24 août, soit en même temps que l’Exposition universelle, aussi appelée Exposition colombienne. En raison de cette exposition, les chemins de fer accordaient des tarifs réduits aux voyageurs se rendant à Chicago. Les témoins ont saisi cette occasion pour assister à l’assemblée, puis, selon leur désir, pour rester quelques jours de plus afin de visiter l’Exposition universelle. Ce compte rendu est digne d’intérêt:
L’assistance s’éleva à quelque 360 personnes (...). Après [la réunion de prières de chaque matin] fut prononcé un discours d’une heure et demie environ, puis la séance fut suspendue pour le déjeuner, après quoi, l’après-midi fut consacré, de 14h. à 17h., à répondre publiquement à des questions. Le dernier jour fut consacré à l’œuvre de colportage; et, le lendemain de la clôture de l’assemblée, quelques colporteurs [ou pionniers] expérimentés restèrent avec d’autres colporteurs qui obtenaient moins de succès, et avec les débutants, pour donner un cours de colportage en vue de les instruire et de leur expliquer aussi bien les bonnes que les mauvaises méthodes, manières et expressions (...) [environ 50 colporteurs y assistèrent]. L’Église baptiste du Calvaire de Chicago eut l’obligeance de nous accorder le droit d’utiliser son baptistère; en tout, 70 personnes symbolisèrent leur baptême dans la mort du Christ par l’immersion dans l’eau. Le nombre des frères et des sœurs était à peu près le même, et leur âge variait entre 17 et 70 ansf.
Cependant, l’œuvre allait s’enrichir d’une nouvelle activité. En 1894, la Société introduisait un nouveau programme en vue d’affermir l’organisation et de resserrer les liens entre ses membres. À partir de cette année-là, vingt représentants qualifiés de la Société Watch Tower quittaient Pittsburgh en fin de semaine, pour faire des discours publics et créer de nouvelles congrégations ou “ecclésias”g.
À vrai dire, cette activité n’était pas tout à fait nouvelle. Vous vous souvenez que nous avons dit que Russell et quelques autres frères visitaient les premières congrégations. Or, c’est dans La Tour de Garde (angl.) de décembre 1879, page 8, que ces visites aux congrégations sont mentionnées pour la première fois, dans un article assez court, sous le titre “La prédication”. On y lisait:
Presque tous les frères dont les noms figurent sur notre liste comprenant ceux qui écrivent régulièrement des articles, ainsi que le rédacteur et trois autres frères qui n’écrivent pas pour LA TOUR DE GARDE, mais qui sont en faveur de la vérité et en accord avec l’enseignement donné par ce périodique, prêchent la bonne nouvelle partout où le Seigneur de la Moisson ouvre la voie. Les demandes en vue d’obtenir leurs services peuvent être adressées à ce bureau.
En 1897, cette activité a connu un plus grand essor grâce à l’“œuvre des frères pèlerins”. Pour cette année-là, trois représentants à plein temps se sont vu confier la tâche de visiter les congrégations. Selon un itinéraire préétabli, ils se rendaient d’une congrégation à l’autre où ils passaient un jour ou deux à présider les réunions et à dispenser la nourriture spirituelle. Cette œuvre a été un réel bienfait pour les frères, puisque, sous de nombreux rapports, elle a contribué à créer l’union dans la manière de penser parmi les congrégations. De plus, elle servait à resserrer les liens entre les frères en leur permettant de mieux s’acquitter de leur responsabilité de prêcher. À part La Tour de Garde et la correspondance occasionnelle, les visites des frères pèlerins constituaient, pour ainsi dire, le seul lien qui rattachait les congrégations au bureau central de Pittsburghh. À mesure que les années passaient, le nombre des congrégations des étudiants de la Bible augmentait. Aussi la Société a-t-elle dû charger plus de frères pèlerins d’assumer ce service, afin de maintenir le contact avec l’organisation. En 1905, ils étaient vingt-cinqi à accomplir ce service, et en 1917, quatre-vingt-treizej.
MARIE: Jean, il y a un instant, tu as mentionné le courrier que la Société recevait. Thomas et Loïs seraient peut-être heureux de savoir que des lettres étaient fréquemment publiées dans La Tour de Garde, si elles présentaient un intérêt général. J’en ai trouvé une qui est particulièrement intéressante. Permets-tu que je la lise?
JEAN: Certainement. Je suppose que tu penses à celle qui a été écrite en 1894 par un monsieur qui s’intéressait au message.
MARIE: Oui, c’est celle-là. [Elle lit.]
Messieurs, Vous trouverez ci-inclus un chèque de six dollars sur New York, somme contre laquelle je vous prie de m’envoyer ZION’S WATCH TOWER [Le Phare de la Tour de Sion] pendant un an et des exemplaires de MILLENNIAL DAWN [L’aurore du Millénium].
Pour vous expliquer la commande de tant de livres, j’aimerais vous dire que deux jeunes dames [pionniers de la Watch Tower] ont passé à mon étude [d’avocat] pour me vendre ces ouvrages, il y a deux mois environ. J’étais très occupé quand elles m’ont présenté leur carte; mais voyant qu’elles vendaient des livres, j’ai acheté les trois volumes avec la pensée de leur venir ainsi en aide. Depuis, j’en ai conclu que ces dames m’ont apporté une “bonne nouvelle, sujet d’une grande joie”. J’ai emporté les livres chez moi et je n’y songeais plus guère quand, il y a quelques semaines, disposant d’un peu de loisir, je me suis mis à lire le premier volume. Il était si intéressant que je ne pouvais plus m’arrêter. Le résultat est que ma chère femme et moi-même avons lu ces livres avec le plus vif intérêt. Nous considérons comme une grande grâce divine le fait d’avoir eu l’occasion d’entrer en leur possession. Ils sont vraiment un “guide” pour l’étude de la Bible. Les grandes vérités révélées dans les études présentées dans cette série ont tout simplement renversé nos aspirations terrestres. Reconnaissant, dans une certaine mesure tout au moins, la grande occasion qui nous est offerte de faire quelque chose pour le Christ, nous avons l’intention d’en profiter pour distribuer ces ouvrages, d’abord parmi nos proches parents et amis, ensuite parmi les pauvres qui désirent les lire et ne peuvent les acheter. C’est pour cette raison que nous désirons tous ces exemplaires en supplément. (...) Veuillez agréer, etc.k
Cette lettre, c’est l’avocat J. F. Rutherford qui l’a signée en 1894.
LOÏS: Oh, ça c’est intéressant! Ce devait être le juge Rutherford. Je me rappelle son nom du temps où j’étais encore fillette. Mon père aimait l’écouter parler à la radio, tandis que ma mère, elle, ne l’aimait pas. Ce que je vous dis là se passait longtemps après la rédaction de cette lettre.
JEAN: Oui, c’est juste. Quant à Rutherford, il s’est voué à Jéhovah douze ans plus tard; et, en 1907, il a été nommé avocat de la Société au bureau central à Pittsburgh, soit à la “Maison de la Bible”. C’est lui qui est devenu le deuxième président de la Société après la mort du pasteur Russell.
[Notes]
a a w avril 1881, p. 7.
b b w mai 1881, p. 8.
c c w janv. 1886, p. 2.
d d w 1892, p. 301.
e e w avril 1881, p. 7.
f f w juillet-août 1881, pp. 1, 2.
g g w avril 1881, p. 8.
h h En 1904, cette série fut appelée “Études des Écritures” (w 1904, pp. 246, 274), nom qui fut adopté dans certaines éditions à partir d’octobre 1904 (w 1904, p. 306); à ce moment-là, le tome I était appelé “Série I” (Ibid., p. 322). Cette habitude s’est surtout généralisée dès le début de 1906 (w 1906, p. 34 [voir aussi wF nov. 1920, p. 16]).
i i Études des Écritures (1886), tome I, pp. 343, 379, 383 (éd. 1919); w 1911, pp. 320, 329.
j j w 1904, pp. 246-248.
k k w 1906, p. 236 [voir aussi wF déc. 1920, p. 25, note en bas de page].
l l Lors de ce voyage, Russell visita les villes suivantes: Copenhague, au Danemark; Berlin et Leipzig, en Allemagne; Vienne, en Autriche; Kichinev, en Russie; Constantinople, en Turquie; Athènes, en Grèce; Jérusalem, en Palestine; Le Caire, en Égypte, où il alla voir les pyramides; Rome, en Italie; Berne, en Suisse; Paris, en France; Bruxelles, en Belgique; Amsterdam, en Hollande; ainsi que Londres et Liverpool, en Angleterre. Dans chacune de ces deux dernières villes, Russell parla à 150 personnes avant de rentrer à New York (w 1891, pp. 95, 148).
a m Ibid. Quant aux observations personnelles faites par Russell sur les missions protestantes à l’étranger, voir w 1892, pp. 3-7; w 1891, p. 148.
b n À la fin de 1891, au 62, Paternoster Row (w 1892, p. 2).
c o Au 131, Gipsy Lane, Forest Gate, East London (w 1900, p. 146).
d p w 1903, pp. 197, 454.
e q Ibid., pp. 386, 455; w 1904, p. 82 [voir aussi wF août 1904, p. 60].
f r w 1893, p. 280.
g s w 1894, p. 393.
h t w 1897, p. 309.
i u w 1905, p. 375.
j v w 1917, p. 374.
k w w 1894, p. 127.
[Illustration, page 30]
“NOURRITURE POUR LES CHRÉTIENS RÉFLÉCHIS”, 1881.
[Illustration, page 32]
“L’AURORE DU MILLÉNIUM”.
-
-
On passe à l’offensiveLes témoins de Jéhovah dans les desseins divins
-
-
Chapitre 6
On passe à l’offensive
THOMAS: À propos, Loïs, qu’est-ce que ta mère pouvait bien reprocher au juge Rutherford, à part le fait qu’elle n’écoute personne sauf son pasteur?
LOÏS: Voyons, Thomas, tu n’es pas gentil. Tu sais bien que maman n’est plus aussi intransigeante en ce qui concerne sa religion. N’empêche que le juge Rutherford était l’adversaire direct des Églises, n’est-ce pas, Jean?
JEAN: Oui, vous avez raison. Mais il faut vous rappeler qu’avant de devenir président de la Société Watch Tower, il avait pu voir en de nombreuses occasions combien était profonde et enracinée l’animosité que les autorités ecclésiastiques avaient manifestée contre la personne du pasteur Russell et la Société en général.
LOÏS: Mais ne pensez-vous pas que si le pasteur Russell s’était efforcé de collaborer avec les Églises, au lieu de les combattre, il aurait pu accomplir davantage?
THOMAS: Qu’aurait-il pu faire de plus, Loïs, si ce n’est un compromis? Or j’ai appris, au cours de nos entretiens, que c’était là une des épreuves qu’il allait subir et qui permettrait de voir s’il resterait fermement attaché à ses croyances, ou s’il suivrait la même voie apostate qu’avaient empruntée toutes les Églises. D’ailleurs, on ne s’imagine guère à quel point les vues de Russell étaient diamétralement opposées à celles des religions orthodoxes. C’est bien cela, Jean, n’est-ce pas?
JEAN: Oui, Thomas, c’est exact. Vous vous rappelez certainement, Loïs, que je vous ai raconté comment le pasteur Russell avait pris contact avec les pasteurs de Pittsburgh et d’Allegheny. Il leur avait exposé la compréhension biblique qu’il avait acquise sur la seconde présence du Christ, mais ceux-ci avaient refusé de l’accepter. Que lui restait-il à faire? Il ne pouvait pourtant pas renoncer à ses vues simplement parce que les pasteurs s’y opposaient. Russell était persuadé que le moment de rentrer la moisson était venu. Or, si les pasteurs ne voulaient pas en parler aux “brebis” dont ils avaient la charge, il ne lui restait qu’à leur en parler lui-même. C’est ce qu’il a fait avec toute l’énergie et l’ingéniosité dont il était capable.
Il est vrai — et Russell l’a avoué lui-même — que les adventistes avaient jeté un discrédit considérable sur la doctrine du retour du Christ par leurs vues extravagantes et leurs fixations de dates. Sous ce rapport, Russell était en désaccord complet avec les adventistes. Le résultat de son attitude, c’est qu’il a été invité à prendre la parole dans quelques Églises plus libérales. Pour montrer cependant combien il était impossible au pasteur Russell d’exposer aux gens tout ce qu’ils devaient savoir sans encourir la défaveur des autorités ecclésiastiques, j’aimerais vous raconter un incident que m’a rapporté l’un des premiers membres de la Société.
Un dimanche matin, Russell avait été invité à prononcer un sermon dans l’un des temples d’une certaine ville de Pennsylvanie. Pendant l’office du matin, il a parlé des bénédictions du Royaume, décrivant les heureuses conditions qu’apporterait le règne millénaire du Christ. Tout le monde était enchanté de cette nouvelle et désirait en savoir plus long. Or, quelques auditeurs étaient paroissiens de l’autre temple de la ville. En raison de la bonne impression que ce sermon leur avait laissée, ils ont demandé aux deux pasteurs de prier Russell de venir le soir même prononcer un autre discours devant les membres des deux temples réunis. Tout le monde était d’accord. Puisque l’auditoire avait manifesté de l’intérêt pour le retour du Christ et les bénédictions qui accompagneraient sa présence, Russell jugeait que le moment était venu, au cours de la soirée, de traiter ce point plus en détail et de parler du temps où se produiraient ces chosesa. C’est ce qu’il a fait, en attirant l’attention sur 1914.
Aussitôt après son discours, Russell s’est rendu dans le bureau du pasteur, derrière la chaire. Là les deux pasteurs l’attendaient pour le traiter méchamment de loup déguisé en brebis. Ils lui ont dit qu’il n’était rien d’autre qu’un adventiste qui avait parlé gentiment et avec douceur le matin, simplement pour pouvoir tous les réunir le soir et leur “bourrer le crâne” de propagande adventiste. Ils n’avaient rien à objecter contre son discours du matin où il avait parlé des bénédictions du Royaume de Dieu. Mais ils ajoutaient qu’après avoir réussi à réunir les meilleurs habitants de la ville pour le soir, il s’était montré sous son vrai jour d’adventiste. Russell était très jeune à l’époque. Il a raconté plus tard que les deux pasteurs l’ont insulté pendant de longues minutes, sans lui permettre de placer un mot. Alors, il a simplement demandé de l’aide dans une prière silencieuse. Il aurait voulu que le plancher s’ouvre sous ses pieds pour pouvoir disparaître.
Juste à ce moment-là, on frappe à la porte, et, avant que le pasteur ait pu dire: “Entrez”, ou: “Allez répondre”, un vieillard entre, appuyé sur une grosse canne, celle dont il s’était servi pour frapper à la porte. Il va droit vers son pasteur et le menace de sa canne, disant: “Voilà vingt ans que je vous paye un bon salaire, pour que vous instruisiez cette communauté. Mais le frère Russell m’en a appris plus long en deux discours que vous en vingt ans de service. Vous allez améliorer vos sermons et vous instruire auprès de Russell, sinon vous pourrez vous trouver une autre occupation.” Puis le vieillard s’approche de Russell et lui dit en le prenant par la main: “Que Dieu vous bénisse, frère Russell. Venez chez moi, car j’aimerais vous poser quelques questions.” C’est ainsi, d’après la personne qui m’a raconté cet incident, que le pasteur Russell a expliqué comment cette situation fâcheuse avait connu un dénouement vraiment heureux.
Les déceptions répétées que Russell avait éprouvées auprès de tels chefs religieux l’avaient forcé à comprendre qu’il ferait mieux de consacrer son temps à leur troupeau, car si vraiment il se trouvait des soi-disant pasteurs disposés à se tourner vers la vérité, ils seraient peu nombreux.
LOÏS: Cependant, pour être juste envers ces conducteurs responsables de diverses Églises, et qui n’étaient pas d’accord avec sa doctrine, ne pourrait-on pas penser qu’ils avaient peut-être l’impression que leur devoir était de mettre en garde leur troupeau contre Russell?
JEAN: Peut-être bien. Mais puisqu’ils occupaient la charge de surveillants, cela ne faisait qu’augmenter leur responsabilité. Jacques a averti les premiers chrétiens en leur disant que ceux qui enseignent recevront un jugement plus sévère à cause de leur responsabilité accrueb. Quelques-uns de ces chefs religieux ont essayé d’argumenter avec Russell en se servant de la Bible, mais ces discussions ont toujours eu une issue fâcheuse pour eux. Or, au lieu de faire comprendre à ces pasteurs quelle était leur vraie situation, ces discussions les ont aigris et forcés à prendre des mesures plus sévères contre Russell.
Enfin, leur responsabilité s’est trouvée soulignée dès qu’on a pris l’habitude de calomnier Russell lui-même, et qu’on a cherché à dénigrer sa fonction de pasteur. Voyez-vous, en 1846, les responsables des grandes Églises protestantes avaient créé une sorte d’union de prédicateurs, appelée “Alliance évangélique”, qui ne reconnaissait l’ordination qu’aux sectes importantes possédant des écoles de théologie. Ceux qui ne faisaient pas partie de cette alliance n’étaient pas reconnus comme pasteurs accrédités; et s’ils s’efforçaient de prêcher, comme Russell par exemple, on les regardait avec mépris et on les ridiculisait publiquement. Ainsi, dans tous les domaines, Russell était lui-même combattu par les hommes qu’il avait espéré aiderc.
UN PARALLÈLE FRAPPANT
LOÏS: Est-ce que cela signifie forcément que les conducteurs religieux étaient aussi contre Dieu? Peut-être faisaient-ils également le bien, mais à leur manière?
JEAN: Ce n’était pas uniquement qu’ils s’opposaient à l’œuvre que les témoins de Jéhovah accomplissaient à cette époque-là, Loïs. Il s’agissait de la manière dont ils s’y opposaient. La voie empruntée par le clergé atteste d’une façon indéniable que celui-ci était bel et bien au service de Satan. Permettez-moi de vous citer un parallèle que le pasteur Russell avait lui-même reconnu. Voici comment il s’est exprimé dans La Tour de Garde (angl.) de mai 1881. Il dit de la première présence du Christ Jésus qu’elle constitue le modèle de sa seconde présence. Il rappelle que Jésus a prêché à la nation d’Israël pendant trois ans et demi, période pendant laquelle la nation dans son ensemble a refusé de l’écouter. Cela a eu pour effet que Dieu a rejeté l’Israël selon la chair en tant que nation. Et pendant les trois ans et demi suivants, les Juifs ne pouvaient s’approcher de lui qu’individuellement. C’était là la dernière partie de la période de faveur accordée à Israël lors de la première présence du Messie.
Croyant que Jésus glorifié était devenu invisiblement présent en 1874, Russell écrit alors:
Quel serait donc ici le parallèle ou la signification de cette “ombre” prophétique? Nous répondons que pendant trois ans et demi, à partir de 1874, la proclamation de Jésus, l’Époux présent, fut faite à l’Église dans son ensemble, que l’esprit s’adressa à la prétendue Sion dans son ensemble, en disant: “Je te conseille d’acheter de moi de l’or éprouvé par le feu, (...) et des vêtements blancs (...). Moi, je reprends et je châtie tous ceux que j’aime. Aie donc du zèle, et repens-toi. Voici, je me tiens à la porte, et je frappe.” (Apoc. 3:18, Sg).
Mais le clergé ne tint aucun compte de sa présence et de son appel, selon ce que l’“ombre” avait indiqué (la plupart des “docteurs en théologie” s’y opposèrent, comme les “docteurs de la loi” l’avaient fait dans l’“ombre”). Après trois ans et demi (en 1878), il rejeta les grandes religions, ou les laissa désertes, comme il l’avait fait dans l’“ombre”, en disant: “Parce que (...) tu n’es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche.” (Apoc. 3:16, Sg). L’Église juive était le porte-parole de Dieu jusqu’au jour où elle fut “laissée déserte”: cependant, à partir de ce moment-là, la vérité de Dieu allait passer par un autre canal. Il en va de même ici: L’Église de l’Évangile a été le canal de vérité reconnu par Dieu, ou son porte-parole, mais nous croyons qu’elle ne l’est plus. La vérité passera désormais par d’autres canaux.
Depuis 1878 (et jamais auparavant), nous nous sommes sentis libres d’inviter les enfants de Dieu à sortir des Églises pour connaître la liberté, condition leur permettant de le servir librement et entièrement, ainsi que d’étudier sa Parole et d’être enseignés par celui qui dit: “Elle est tombée, Babylone (...)! Elle est devenue une habitation de démons, un repaire de tout esprit impur, un repaire de tout oiseau impur et odieux.” (Cette décadence des grandes religions, qui reçoivent en leur sein les corruptions de la terre, est en cours depuis quelque temps.) Et voici le message: “Et j’entendis du ciel une autre voix qui disait: Sortez du milieu d’elle, mon peuple, afin que vous ne participiez point à ses péchés, et que vous n’ayez point de part à ses fléaux.” (Apoc. 18:2-4, Sg)d.
Pourquoi quelqu’un qui prétend servir Dieu combattrait-il un message déclarant que le temps est venu pour le Messie d’être présent une seconde fois et d’apporter à l’humanité fidèle les bénédictions qu’il avait promises quand il était ici-bas? Ainsi donc, au lieu de s’opposer au pasteur Russell comme ils le faisaient, les conducteurs religieux auraient mieux fait d’adopter l’attitude conseillée par Gamaliel, l’honnête docteur de la Loi, qui avait pris la défense des disciples de Jésus. Devant le Sanhédrin, la cour suprême des Juifs, il déclara: “Ne vous mêlez pas de ces hommes, mais laissez-les; (parce que, si ce projet ou cette œuvre vient des hommes, il sera renversé; mais s’il vient de Dieu, vous ne pourrez les renverser;) sinon, vous serez peut-être trouvés comme combattants contre Dieue.” Les chefs religieux du temps de Russell n’ont cependant pas tenu compte de ce sage conseil de Gamaliel. Quand le pasteur Russell allait vers eux en se déclarant serviteur de Jésus-Christ, et quand il s’efforçait d’attirer leur attention sur la même espérance que celle que les disciples de Jésus avaient prêchée, ils ne se contentaient pas de dire à leurs ouailles: “Ne prêtez aucune attention à ces hommes. Laissez-les tranquilles. En temps voulu, on verra que leur œuvre ne vient pas vraiment de Dieu, mais qu’elle vient des hommes, et elle s’écroulera d’elle-même.”
Évidemment, ces ecclésiastiques ne pouvaient dire cela, à moins d’être disposés à reconnaître leur erreur et à suivre la volonté divine. Mais ils étaient trop orgueilleux. À cause de l’empressement avec lequel les meilleurs membres de leurs Églises acceptaient cette doctrine, ils ont adopté la même attitude que, d’après la Bible, les chefs religieux du temps de Jésus avaient eue en voyant le peuple écouter Jésus avec plaisir. Ces scribes et Pharisiens modernes ne se sont pas contentés de combattre l’œuvre de Russell; ils se sont aussi mis à le calomnier et à ridiculiser ses disciples. De plus, ils ont dressé des barrières contre l’œuvre, en faisant appel au gouvernement de César et en créant des difficultés judiciaires pour entraver les progrès de l’œuvre. Russell, pour sa part, a toujours offert aux gens la possibilité d’établir une comparaison impartiale et de faire leur propre choix.
COMPARAISON DE LA NOURRITURE SPIRITUELLE SERVIE À DEUX TABLES
Voici, à titre d’exemple, une rubrique qui a été ouverte dans La Tour de Garde (angl.) du 1er janvier 1892 et qui a été maintenue jusqu’en 1927f. Dans chaque numéro de La Tour de Garde, la Société suivait de près le programme de discussions bibliques auquel adhéraient les nombreuses Églises protestantes aux États-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne et dans plusieurs autres pays. Les Églises protestantes les plus importantes publiaient ce qu’elles appelaient les “Leçons internationales des écoles du dimanche”. Celles-ci étaient préparées par un pasteur congrégationaliste, F. N. Peloubet, et ses adjoints. Elles formaient un livre annuel dans lequel était tracé, pour chaque dimanche, le canevas d’une étude biblique à laquelle s’adonnaient ces Églises protestantes. Par exemple: le dimanche 19 janvier 1908, l’étude était fondée sur Jean 1:35-51. Le texte clé à considérer, appelé “texte d’or”, était un verset choisi dans ce passage. À la date citée comme exemple, le texte disait Jn 1:45: “Nous avons trouvé celui de qui Moïse a écrit dans la loi et dont les prophètes ont parlé, Jésus de Nazareth.” Les auteurs du livre donnaient ensuite aux maîtres des écoles du dimanche et aux ministres commentaires et suggestions divers concernant les points de ce verset qui pouvaient être discutés à la date prévue. Ce genre d’étude était très populaire et de nombreux groupements protestants s’en sont servis dans beaucoup de pays, pendant plus de cinquante ans.
À partir de 1892, La Tour de Garde fournissait dans chaque numéro une étude d’après les vues de la Société sur chaque “texte d’or” des écoles du dimanche, choisi pour le mois suivant. Dans son numéro du 1er janvier 1908 (angl.), elle présentait un article intitulé “Trouver les joyaux du Seigneur”, servant de discussion pour le “texte d’or” du 19 janvier, fondé sur Jean 1:35-51. C’est le texte que nous avons choisi comme exemple. Ainsi, jusqu’en 1927, soit pendant plus de trente-cinq ans, les témoins de Jéhovah et un grand nombre de gens se disant chrétiens, surtout les protestants, étudiaient chaque dimanche la même matière biblique, mais à deux tables différentes. La Société Watch Tower l’étudiait selon sa connaissance avancée de la vérité, à la table du Seigneur. Elle reconnaissait que Jésus avait dit qu’il viendrait lui-même pour nourrir son peuple s’il le trouvait fidèle et vigilant. Quant aux personnes que les témoins de Jéhovah rencontraient dans le champ, elles pouvaient comparer la nourriture dispensée à la table du Seigneur avec celle qui leur était servie dans leur Église. La Tour de Garde disait à propos de ces leçons de l’école du dimanche que c’étaient
des pensées suggestives destinées à aider ceux de nos lecteurs qui assistent aux classes bibliques où l’on se sert de ces leçons; afin qu’ils soient en mesure d’amener d’autres personnes à la plénitude de l’Évangileg.
Nombreuses étaient les personnes bien disposées qui, grâce à cette comparaison, avaient la possibilité de reconnaître combien était abondante la nourriture spirituelle servie à la vraie table de Jéhovah. La comparaison leur permettait d’accepter celle-ci et de refuser toute autre nourriture religieuse. Quant aux pasteurs protestants, ils avaient là un motif de se fâcher encore davantage.
LOÏS: En effet, je n’ai aucun mal à m’imaginer la chose, d’autant plus que la comparaison directe faisait ressortir combien les vues des témoins de Jéhovah s’opposaient à celles des Églises.
MARIE: Le but de tout cela n’était pas d’éveiller l’hostilité du clergé, mais d’aider les étudiants de la Bible à décider d’eux-mêmes ce qu’ils voulaient croire. Étant donné que leur salut dépendait de leur propre conduite, il était indispensable qu’ils aient l’occasion de connaître la vérité et de se décider eux-mêmes. On ne pouvait être plus impartial, ne trouvez-vous pas?
LA BONNE NOUVELLE PRÉSENTÉE DANS LES RUES
JEAN: Quelques années plus tard, un appel a été lancé à tous les chrétiens qui assistaient aux réunions de la Société. On les invitait à entreprendre une distribution massive de 300 000 exemplaires de la nouvelle brochure La Bible et l’évolution. Celle-ci devait être remise gratuitement aux gens qui sortaient des temples, le dimanche.
THOMAS: En somme, on pourrait dire qu’ils étaient des “piquets d’églises”.
JEAN: Si vous voulez. Précisons, cependant, que ceux qui participaient alors à de telles campagnes en faveur du Royaume du Christ n’ont jamais cherché à empêcher les gens d’aller au culte.
LOÏS: Mais on dirait qu’ils voulaient s’attirer des ennuis.
JEAN: Nous n’envisagions pas la chose sous cet angle-là. Même si nous allions au-devant des ennuis, nous savions que les gens devaient avoir l’occasion de prendre une décision. Pensez-vous que le prophète Jérémie cherchait simplement à s’attirer des ennuis quand il a apporté son message aux Juifs religieux de Jérusalem?
LOÏS: [Elle rit]: Bien sûr que non. Je pense que vous allez me dire que lui aussi était une “ombre” prophétique.
JEAN: Voyons plutôt ce que la Bible dit de son œuvre. Voudriez-vous nous lire Jérémie 7:2 (AC)?
LOÏS [Elle lit]: “Tiens-toi à la porte de la maison de Jéhovah, et là prononce cette parole et dis: Écoutez la parole de Jéhovah, vous tous, hommes de Juda, qui entrez par ces portes pour adorer Jéhovah.” Je crois que ce verset se passe de commentaires.
JEAN: En voici un autre que nous devrions lire: Jérémie 11:6 (AC).
LOÏS: Je l’ai trouvé. [Elle lit.] “Et Jéhovah me dit: Crie toutes ces paroles dans les villes de Juda et dans les rues de Jérusalem, en disant: Écoutez les paroles de cette alliance et mettez-les en pratique.” Oui, je pense que c’est là un précédent auquel les témoins de Jéhovah peuvent se référer de nos jours pour faire de même. Comment ont-ils accompli leur œuvre?
JEAN: La Tour de Garde (angl.) du 15 avril 1899 l’a appelée “Service volontaire” et en a tracé le plan que voici:
Le meilleur plan d’opération consiste, pour les amis qui s’engageront ainsi dans chaque ville ou village, à dresser un programme pour s’assurer qu’aucune église ne soit oubliée ni desservie deux fois. Pour les grandes églises, il faudra au moins deux ou trois amis, ce qui permet une distribution rapide et convenable à mesure que les gens sortent. En général, les résultats sont meilleurs si les distributeurs se tiennent à quelque distance de l’église, dans chaque direction que prennent les gensh.
C’est avec enthousiasme que des milliers de volontaires ont entrepris ce travail aux États-Unis, au Canada et même en Europe. Au cours de la première année, 948 459 tracts ont été remis aux gens de cette manièrei. Cette activité s’est poursuivie pendant un certain nombre d’années, surtout le dimanche. Finalement elle a été élargie, et la distribution de tracts s’est aussi faite de maison en maison. Le dimanche matin, on glissait les tracts sous les portes. De nouveaux tracts étaient publiés deux ou trois fois dans l’année. Ils ont été distribués par millions à ceux qui revenaient du culte. De cette manière, les flots de vérité arrivaient jusqu’aux portes mêmes des églises et se déversaient dans les pâturages des bergers religieux.
THOMAS: La réaction des pasteurs ne s’est certainement pas fait attendre.
JEAN: En effet, leur réaction a été extrêmement hostile. À maintes reprises, les membres du clergé ont tenté de faire arrêter les proclamateurs qui distribuaient des tracts gratuits dans les rues. Aussi, de temps à autre, la Société a-t-elle dû donner des conseils juridiques aux proclamateurs à cause des fonctionnaires publics qui, sur les instances du clergé, cherchaient à “pratiquer des vexations sous le couvert de la loi”, en vue de décourager, d’entraver ou de supprimer complètement la distribution de tracts dans les ruesj.
LOÏS: Je pense que cette activité a permis d’obtenir de bons résultats.
JEAN: Oui, en effet. Toujours plus de personnes bien disposées parvenaient à la connaissance de la vérité et se séparaient de leur Église. Pour les aider dans ce pas et pour donner un témoignage supplémentaire à celui qui devait radier leur nom sur le registre de l’Église, la Société s’est mise, à partir de 1900, à imprimer des “lettres de démission”. Celles-ci portaient l’en-tête de la Société Watch Tower. Elles contenaient un témoignage approprié montrant que la personne qui signait la lettre avait augmenté sa connaissance des Écritures, non par une révélation, ni par des inspirations particulières ou des visions, mais grâce à l’étude approfondie et analytique de la Bible. Puis, après avoir exposé quelques doctrines simples qui s’opposaient aux fausses doctrines enseignées par l’Église, la lettre montrait que la personne avait elle-même compris l’erreur.
Ainsi, à mesure que ceux qui s’intéressaient au message se persuadaient de la vérité, leur responsabilité de se tenir à l’écart de ce monde se trouvait soulignée et, selon leur désir, ils pouvaient se servir de cette lettre. Cette manière de faire s’est maintenue pendant trente ans. Elle fournissait, d’une part, des arguments bibliques valables justifiant la position prise par ceux qui quittaient ainsi les différentes Églises et, d’autre part, elle divisait davantage ceux qui étaient pour le message du Royaume d’avec ceux qui s’y opposaientk.
THOMAS: Il faut bien dire que l’œuvre ne s’est pas renversée d’elle-même. S’il y a du vrai dans le principe que Gamaliel, docteur de la Loi, a invoqué pour la défense des premiers chrétiens, alors l’accroissement enregistré par votre organisation devrait donner à réfléchir aux gens.
JEAN: Et l’œuvre n’en était alors qu’à ses débuts! Ainsi, vous avez vu quelles étaient les raisons de cette opposition qui avait amené bien des personnes à prendre la chose au sérieux.
[Notes]
a a w avril 1881, p. 8.
b b Jacques 3:1.
c c A Great Battle in the Ecclesiastical Heavens (1915), par J. F. Rutherford, pp. 7-10, “Unholy Alliance”.
d d w mai 1881, p. 5.
e e Actes 5:38, 39.
f f w 1927, pp. 338, 347; à comparer avec w 1927, p. 354, § 1.
g g w 1892, p. 13.
h h w 1899, pp. 93, 94.
i i w 1900, p. 373; w 1899, p. 226.
j j w 1910, p. 236; w 1911, p. 461 [voir aussi wF avril 1911, p. 86].
k k w 1900, p. 50; w 1908, p. 127.
-
-
Les racines de l’opposition sont mises à nuLes témoins de Jéhovah dans les desseins divins
-
-
Chapitre 7
Les racines de l’opposition sont mises à nu
THOMAS: La semaine dernière, vous nous avez dit, Jean, que les conducteurs religieux se sont efforcés de répondre à Russell sur le plan doctrinal. Comment s’y sont-ils pris?
JEAN: Il s’agissait d’un effort restreint, Thomas, qui n’a pas vraiment servi leurs intentions. À mesure que la distribution de milliers et de milliers de tracts et de brochures bibliques couvrait un territoire toujours plus vaste, dont le centre était Pittsburgh (en Pennsylvanie), l’opposition du clergé devenait de plus en plus évidente. Les chefs religieux éminents se sentaient obligés de réagir. Ils tenaient rigueur à quiconque ne reconnaissait pas à l’Alliance évangélique le droit de parler de la Bible avec autorité. Étant donné que Russell n’était pas sorti de l’une des écoles de théologie appartenant aux sectes importantes qui adhéraient à cette alliance, ces ecclésiastiques ridiculisaient Russell comme président de la Société Watch Tower, lui reniant surtout le droit d’être appelé “pasteur”. Pour forger et répandre des mensonges scandaleux sur Russell et les divergences qui le séparaient de sa femme, ils ont eu recours à certains journaux sans scrupules, tout disposés à leur servir d’instruments docilesa.
Puis, le 10 mars 1903, l’alliance des pasteurs s’est efforcée de répondre aux explications que Russell donnait de la Bible, en choisissant un homme très cultivé et versé dans l’art de l’argumentation. Le débat public devait durer six jours. En réalité, il s’agissait là d’une nouvelle tentative visant à discréditer Russell et à le faire passer pour un “homme ignorant et sans instruction”. Quant à l’adversaire de Russell, un certain Dr E. L. Eaton, il était ministre de l’Église méthodiste épiscopale, North Avenue, Pittsburgh. En toute bonne foi, Russell a accepté cette offre dans les deux jours; et finalement, c’est à l’automne de la même année que les débats ont eu lieu au Carnegie Hall de Pittsburgh devant des auditoires qui battaient tous les records.
Le premier point a été débattu le dimanche après-midi 18 octobre. Eaton affirmait que, d’après la Bible, la grâce divine est intervenue en faveur du salut depuis la chute de l’homme et qu’il n’y aura plus d’épreuve après la mort. Russell a réfuté cette affirmation avec les Écritures.
Deuxième débat: Mardi soir 20 octobre. Russell affirmait que la Bible enseigne clairement que les âmes des morts sont inconscientes quand leurs corps reposent dans la tombe. Eaton a soutenu le contraire.
Troisième débat: Jeudi soir 22 octobre. Eaton affirmait que, selon la Bible, tous ceux qui seront sauvés deviendront des créatures spirituelles qui iront au ciel après le jugement dernier. Russell a nié cela.
Quatrième débat: Mardi soir 27 octobre. Affirmant que d’après la Bible seuls les “saints” de l’âge évangélique participeront à la “première résurrection”, Russell soutenait également que de vastes multitudes seraient sauvées lors de la résurrection suivante. Eaton n’était pas d’accord.
Cinquième débat: Jeudi 29 octobre. Russell affirmait que, d’après la Bible, le but de la seconde venue du Christ et du Millénium était de bénir toutes les familles de la terre. Eaton n’a pas admis cette explication.
Sixième et dernier débat: Dimanche 1er novembre. Eaton affirmait que, selon la Bible, le châtiment divin du péché, qui sera finalement infligé aux incorrigibles, consistera en de grandes et inconcevables souffrances, de durée éternelle. Russell a vigoureusement nié cette doctrine du feu de l’enferb.
MARIE: Je me souviens d’une histoire intéressante racontée par des personnes qui ont assisté aux débats. Inutile de dire que tous les frères s’y sont rendus, ainsi que des milliers de méthodistes et des adeptes d’autres religions qui habitaient dans la région de Pittsburgh. Quelle n’a pas été la surprise de Russell à son arrivée dans la salle, le premier soir, en voyant que le Dr Eaton n’était pas seul, mais que plusieurs autres pasteurs éminents, qui avaient pris place au fond de l’estrade, formaient un comité! Eaton recevait fréquemment des billets de ces hommes-là, ce qui lui a permis de tenir bon pendant tout le débat. Quant à Russell, il était seul à se défendre. Aussi pouvait-on voir dans une publication, quelques années plus tard, un dessin humoristique représentant le pasteur Russell sous les traits de Daniel dans la fosse aux lions.
LE “FEU DE L’ENFER” EST ÉTEINT
LOÏS: Quel a été le résultat de ces débats?
JEAN: Dans l’ensemble, Russell est sorti victorieux de chacun de ces six débats, et surtout du dernier sur l’enfer. On rapporte qu’un pasteur, ayant suivi le dernier débat et reconnu cette victoire, est allé dire à Russell: “Je suis content de vous voir arroser l’enfer pour en éteindre les flammesc.” Par la suite, de nombreux membres de la communauté d’Eaton sont devenus témoins de Jéhovah. Disons, en passant, qu’il y a encore de nos jours des frères âgés qui sont dans la vérité et qui étaient de ce nombre. Voilà une preuve éclatante du pouvoir de la vérité contre les fausses doctrines de l’apostasie.
THOMAS: Je n’ai jamais pu comprendre comment certains peuvent accepter la doctrine de l’“enfer”. Il n’est pas raisonnable de croire qu’un Dieu — dont on dit qu’il est l’amour même — soit capable de créer un lieu pareil.
LOÏS: Je n’y crois pas vraiment non plus. D’ailleurs, notre Église n’enseigne plus guère l’enfer. Je ne me rappelle pas y avoir entendu un seul sermon sur l’enfer depuis mon enfance.
JEAN: C’est fort possible, Loïs. Mais ce changement dans les enseignements de l’Église n’a pas été uniquement provoqué par l’avènement des connaissances scientifiques. C’est bien plus comme ce ministre l’avait dit au pasteur Russell: par leur vaste campagne d’instruction biblique, les premiers étudiants de la Bible ont bel et bien éteint le feu de l’enfer, au sens figuré. Tout cela a suscité une telle colère chez certains éminents chefs religieux et chez certains évangélistes en vue, qu’ils ont souvent désigné ironiquement les premiers témoins sous le nom d’“anti-infernalistes”. À vrai dire, ce sobriquet donne une fausse idée sur les témoins de Jéhovah, car ils croient effectivement au “Schéol” de la Bible, traduit par “enfer”, mais ce mot ne signifie pas un lieu de tourments. La Bible révèle clairement que l’enfer est la tombe commune aux hommes, où vont les personnes décédées, pour y rester jusqu’à la résurrection.
L’enfer a été l’un des thèmes dont le pasteur s’est énormément servi. Ainsi, parmi ses discours les plus populaires, on trouvait celui-ci: “Voyage en enfer, aller et retour”. Pendant les années 1905 à 1907, Russell a parcouru tous les États-Unis et le Canada en train spécial ou en automobile. Il prenait la parole devant une série d’assemblées d’un jour, au programme desquelles figurait cette conférence publique. Celle-ci a été prononcée devant des salles combles, dans presque chaque grande ville des deux paysd.
Dans cet exposé remarquable, Russell faisait faire à son auditoire un voyage humoristique, piquant et imaginaire, jusqu’en enfer et retour. Les arguments irréfutables qu’il y exposait, et ceux que les étudiants de la Bible présentaient pendant toute cette période, ont laissé une impression durable chez beaucoup de personnes.
Nombreuses sont les histoires intéressantes que l’on raconte de ce temps-là sur la “voiture des congressistes” et le “train des congressistes”. À Oakland, en Californie, par exemple, les frères n’avaient pas pu trouver de salle assez grande pour la foule considérable qu’on attendait. Aussi le frère responsable des préparatifs a-t-il retenu la plus grande église méthodiste de la ville pour la conférence publique du dimanche après-midi. Les signataires du contrat ne connaissaient pas le titre de la conférence qui allait être donnée dans leur église. Selon l’habitude, la distribution des invitations s’est faite une ou deux semaines avant la conférence. C’est par milliers que les gens étaient invités à venir l’écouter. Une annonce payante paraissait en outre dans les journaux et sur de grandes affiches: “Venez écouter la conférence ‘Voyage en enfer, aller et retour’ par C. T. Russell, à l’église méthodiste d’Oakland.”
Les “aînés” de cette Église étaient furieux et voulaient rompre le contrat sur-le-champ. Leur avocat les a avertis qu’ils pouvaient le rompre, mais que si Russell leur intentait un procès, ils devraient s’attendre à être condamnés à payer la somme qu’il exigerait. La meilleure des choses à faire, d’après leur avocat, c’était de donner l’ordre au portier de ne pas se présenter à l’heure prévue.
Fidèle à son habitude, le pasteur Russell arrive une heure avant le début de la conférence. À sa grande surprise, beaucoup de gens se trouvent à l’extérieur de l’église. Comme il veut savoir ce qui se passe, les frères responsables s’empressent de lui expliquer qu’ils ne peuvent pas faire ouvrir l’église parce que le portier ne s’est pas présenté. Sur quoi, Russell leur demande: “Nous avons bien un contrat, n’est-ce pas? Et un acompte a été versé?” Quand les frères répondent affirmativement, il leur dit: “Bon, légalement, cette église est notre propriété pour quelques heures. Si nous ne pouvons pas y entrer par la porte principale, que l’un des frères passe par le sous-sol et qu’il ouvre la porte aux gens.” C’est ce que les frères ont fait, et leur grande assemblée s’est déroulée avec succès dans l’église méthodiste d’Oakland.
L’OPPOSITION NE RÉUSSIT PAS À ARRÊTER L’ACCROISSEMENT
THOMAS: On peut dire que Russell était non seulement un homme courageux mais aussi plein de ressources.
JEAN: En effet. Il ne se laissait pas facilement détourner de ce qu’il reconnaissait être une tâche venant de Dieu. Il était fermement convaincu que l’œuvre qu’il accomplissait était conforme à la volonté divine à l’égard de toutes les personnes honnêtes et chrétiennes. Aussi était-il déterminé à s’acquitter de sa responsabilité en faisant appel à toutes ses capacités. Or toute l’opposition provoquée contre Russell et l’organisation ne pouvait arrêter sa progression. De nos jours, où nous avons l’habitude des méthodes et des avantages scientifiques avancés, il est difficile de se faire une idée du zèle et de l’activité dont ces premiers témoins ont fait preuve. Quoique peu nombreuse, cette troupe de témoins fidèles ne s’est laissé effrayer ni par l’opposition ni par la tâche immense à accomplir.
L’œuvre s’étendait de plus en plus, et l’organisation prenait de l’extension. Peu avant les débats qui devaient opposer Eaton à Russell, en 1903, Russell a entrepris son deuxième voyage à travers l’Europe. À cette époque, il a établi une filiale de la Société en Allemagnee. L’année suivante, une filiale a été créée en Australief. Vers la même époque les semences de la vérité sont tombées dans une bonne terre, dans la lointaine Afrique du Sudg, au Japonh, et aux Antilles britanniques. À Kingston, à la Jamaïque, a été tenu un congrès auquel ont assisté 400 personnes, et 600 ont écouté la conférence publiquei. L’expansion s’est également poursuivie aux États-Unis. En 1908, il a été possible de tenir un congrès à Put-in-Bay, dans l’Ohio, du 29 août au 7 septembre. Selon les estimations, l’assistance aurait atteint 4 800 personnesj.
On continuait à distribuer les écrits par millions d’exemplaires. Quant aux abonnés à La Tour de Garde, ils étaient alors au nombre de 30 000, dont des milliers participaient à l’œuvre consistant à porter les vérités bibliques à ceux qui désiraient ardemment connaître la Parole de Dieu. De plus, pour faire face à la demande croissante de vérités bibliques, pour répondre aux objections soulevées par le clergé de la chrétienté, et pour marcher de pair avec les flots de vérités à mesure que celles-ci se révélaient de façon progressive à ces sincères étudiants de la Bible, de nouveaux écrits sortaient continuellement de presse. Quant aux vérités qui, au début, n’avaient été comprises qu’en partie, elles étaient passées au crible et au creuset.
THOMAS: Est-ce qu’il n’y eut qu’un seul débat, celui entre Eaton et Russell?
JEAN: Non. En 1908, le protestantisme a trouvé un autre défenseur pour sa cause en la personne de L. S. White, “aîné” des “Disciples du Christ” — l’un des plus grands groupements du sud des États-Unis. Misant sur la popularité grandissante de Russell et sa faculté d’attirer par ses discours des foules énormes, ce groupement proposait un débat public dans l’espoir que celui-ci apporterait un renouveau parmi les “Disciples du Christ”. Le pasteur Russell se méfiait cependant de leurs intentions. Aussi la Société a-t-elle discrètement convoqué un congrès de huit jours à Cincinnati, dans l’Ohio, qui devait avoir lieu en même temps que le débat. On avait compris que, sans cette précaution, la petite congrégation de Cincinnati serait surpassée en nombre par la nuée de “Disciples du Christ” qui allaient venir. Comme prévu, les six débats qui figuraient au programme ont eu lieu du 23 au 28 février 1908. Des milliers de personnes étaient là. Elles ont pu constater avec quelle aisance Russell a remporté la victoire. C’est qu’il était passé maître dans l’art des débatsk. Le journal Cincinnati Enquirer a publié des photos de Russell et de White, ainsi que le texte intégral des débatsl. Le succès obtenu par cette série de débats publics permet sans doute de mieux mesurer à quel point le mouvement religieux de White a échoué. En effet, alors que 2 100 personnes ont assisté à la dernière séance du congrès tenu par les étudiants de la Bible, le dimanche après-midi 1er mars, White pour sa part n’a pu réunir le même jour qu’un total de 31 personnes (lui-même y compris) pour sa première réunion de renouveau religieux. D’autres adversaires ont encore voulu engager des débats, mais au dernier moment ils se sont désistésa.
L’ENNEMI FRAPPE DEPUIS L’INTÉRIEUR
LOÏS: Est-il jamais arrivé au pasteur Russell d’avoir des difficultés avec quelqu’un faisant partie de l’organisation?
JEAN: Si. Il a toujours existé des gens qui permettent à l’égoïsme, à l’orgueil et à l’ambition de voiler leur vision. Mais leur opposition servait simplement à mettre à l’épreuve la qualité et le degré d’intégrité du canal dont Dieu se sert. Vous vous rappelez comment, au début, Barbour avait créé des difficultés en s’opposant à la doctrine de la rédemption. Or, peu de temps après, l’un de ceux qui avaient survécu à cette épreuve est devenu la proie de la critique biblique, et il a essayé de se faire des adeptesb.
Quant au criblage qui s’est produit peu après, il a démontré combien il est fatal de chercher à concurrencer le canal du Seigneur, même pour celui dont les intentions sont bonnes. À ce propos, écoutons Russell nous parler d’un autre collaborateur qui
proposa de fonder un autre journal aligné sur LA TOUR DE GARDE, de republier certaines données faciles concernant le plan de Dieu et d’être une sorte de missionnaire donnant un enseignement primaire. Sachant qu’il avait une claire compréhension de la rançon, je lui souhaitai bonne chance, et j’envoyai un spécimen de son journal “L’astre du jour de Sion” (Zion’s Day Star) — qui a cessé de paraître il y a de nombreuses années — à nos quelque dix mille lecteurs (...). Or, au bout d’une année, cet homme avait totalement sombré dans l’incroyancec.
Ensuite, d’autres semences de rébellion prenaient racine dans l’organisation, peu après 1890. Certains collaborateurs en vue s’opposaient au pasteur Russell pour tenter d’avoir la haute main sur la Société. Peu de temps après le congrès de Chicago, Illinois, en 1893, ces conspirateurs se préparaient à faire exploser leur “bombe”, laquelle, du moins ils l’espéraient, ruinerait la popularité de Russell et l’achèverait comme président de la Société. Cette tentative a causé beaucoup de soucis et de chagrin au pasteur Russell. Mais quand tous les faits ont été connus au grand jour, il a été réhabilité, tandis que ceux qui avaient comploté contre lui ont rapidement été perdus de vue, et l’œuvre s’est poursuivie sans euxd.
Voilà qu’autre chose est venu se greffer là-dessus. Depuis plusieurs années, Mme Russell était directrice et membre du bureau de la Société. Elle servait en qualité de secrétaire et de trésorière. De plus, elle était co-rédactrice de La Tour de Garde, et elle écrivait régulièrement des articles pour les colonnes de ce périodique. Au moment où se tramait le complot dont nous venons de parler, Mme Russell visitait un certain nombre de congrégations pour y prendre la parole en faveur de son mari. Comme c’était une femme brillante et instruite, on lui réservait partout un bon accueil; à tel point, en fait, qu’elle a voulu en tirer profit pour mieux asseoir sa position et pouvoir décider de ce qui devait être publié dans La Tour de Garde. Cette ambition allait causer sa perte. En effet, elle présente une ressemblance frappante avec celle de Marie, sœur de Moïse, qui s’était révoltée contre son frère, le chef d’Israël, et avait cherché à jouer un rôle important dans la natione. Quand Mme Russell a constaté qu’aucun de ses articles ne serait publié tant qu’il ne s’accorderait pas avec les vues bibliques exprimées dans La Tour de Garde, elle a été fort troublée. Finalement, sa rancune croissante l’a amenée à rompre toutes relations avec la Société et avec son mari. Cette rupture a obligé Russell à procurer un foyer séparé à sa femme; il dut en outre lui verser une pension.
Des années plus tard, soit en 1906, après un procès fait dans les formes, la séparation a été déclarée légale, et le tribunal a condamné Russell à verser à sa femme une indemnité de plusieurs milliers de dollars. En raison de certaines déclarations faites au cours de ce procès, les adversaires du pasteur Russell ont cherché depuis à faire passer ce dernier pour un homme immoral qui n’aurait pas été qualifié pour le poste qu’il occupait alors dans le domaine religieux. Pourtant, la feuille d’audience montre clairement que de telles accusations sont fausses. Dans un récit publié plus tard, il est dit à ce propos:
Que Mme Russell elle-même ne croyait pas et n’a jamais cru que son mari se fût rendu coupable d’une conduite immorale, cela ressort de la feuille d’audience [du tribunal] sur laquelle est inscrite cette affaire. D’après cette feuille (à la page 10), c’est son propre avocat-conseil qui posa à Mme Russell cette question: “Voulez-vous dire que votre mari est coupable d’adultère?” Réponse: “Nonf.”
LOÏS: Ce dut être un temps d’épreuve très pénible pour le pasteur Russell.
MARIE: Effectivement. Mais il était conscient de ce qui en résulterait pour lui personnellement et de ce que ses ennemis chercheraient à en dire dans la presse. Voici l’attitude qu’il a toujours adoptée: pour être serviteur de Dieu, il ne pourrait jamais abandonner les principes divins, ni la ligne de conduite tracée dans les Écritures. Aussi a-t-il fait la seule chose qui lui restait à faire dans ces circonstances.
UNE ÉPREUVE PAREILLE AU “CRIBLAGE DU BLÉ”
JEAN: Au dire des contemporains du pasteur Russell encore en vie aujourd’hui, qui l’ont connu de près et qui ont eu des contacts personnels avec lui, ils n’ont jamais connu homme plus intransigeant pour ce qui est des principes. Le récit de sa vie leur donne raison. Il plaçait sa foi en Jéhovah Dieu, et il a maintenu cette attitude dès le début. Voilà pourquoi sa position était justifiée.
De temps en temps, d’autres hommes ont tenté d’usurper le poste occupé par le pasteur Russell, mais ils ont tous échoué. Voici ce que Russell a dit plus tard en commentant ces tentatives:
Depuis des années, jour et nuit, nous mettons les chers frères en garde contre les épreuves qui se produiront au temps de la moisson et qui viendront sûrement de ce côté-là, et nous les avertissons que la loyauté suprême envers Dieu, sa Parole et sa providence se manifestant dans l’Église, mettrait à l’épreuve notre amour pour les frères. Il est sûr, également, que nous avons longtemps averti les chers amis que même si nous attirions leur attention sur les vérités antérieures, ils devraient les revêtir telle une armure, sinon ils ne seraient pas prêts lorsque l’Adversaire lancerait ses attaques.
Il fallait bien s’attendre à ce que notre rusé Adversaire tentât d’empêcher le peuple de Dieu de revêtir et de s’attacher l’armure complète de Dieu. Plus encore, il cherche à implanter des préjugés contre les instruments mêmes que Dieu fournit pour protéger les “pieds” du Christ, en ce mauvais jour. — Psaume 91:11, 12.
De différents côtés, il a été porté à notre connaissance que les conducteurs de classes d’étude exigeaient que l’on ne se référât pas aux publications de LA TOUR DE GARDE pendant les réunions, mais uniquement à la Bible. Cela paraissait loyal envers la Parole de Dieu, mais il n’en est rien. Les efforts de ces instructeurs tendaient uniquement à les interposer entre le peuple de Dieu et la lumière divine répandue sur la Parole de Dieu.
Rappelons-nous que Satan se tient derrière une telle manœuvre! Il se fait passer pour un ange de lumière et un défenseur de la Bible; aussi a-t-il réussi à aveugler des millions de personnes qui possèdent la Bible et qui la lisent régulièrement dans les cercles bibliques! Pourquoi donc serait-il plus déloyal envers la Bible de consulter les publications de LA TOUR DE GARDE concernant la signification d’un verset des Écritures que de consulter le conducteur de la classe d’étude ou un membre quelconque de la classe? (...)
D’autre part, nous tenons à avertir tous les frères que Satan cherchera sûrement à leur faire adopter une attitude contraire: celle d’apprendre, tel un perroquet, à répondre aux questions béréennesg en lisant ce qui est imprimé, sans comprendre. Les questions devraient d’abord être discutées librement par tous, et puis, avant de passer à la question suivante, on devrait considérer, discuter et comprendre la réponse fournie par l’AURORE. N’oubliez jamais que la Bible est notre fondement, et que même si nos guides bibliques viennent de Dieu, ce ne sont que des “guides”; il ne faut pas qu’ils remplacent la Bibleh.
Voilà une nouvelle preuve que l’homme tombe facilement dans les extrêmes. C’est bien pourquoi les Écritures ne cessent d’exhorter le chrétien à faire preuve d’équilibre dans tous ses efforts. Pour conclure son exposé sur les résultats de ces épreuves, Russell déclare:
Dans l’ensemble, le “criblage comme le blé” semble produire un effet de respect mêlé de crainte chez ceux qui ont gardé une vue claire des choses, en les rendant plus circonspects, en les rapprochant tant du Seigneur que les uns des autres. L’effet semble contraire chez les autres. Ils ont l’air contents de “s’éloigner”, impatients qu’ils sont de provoquer des divisions et de se vanter de leur “liberté”. Ne tolérant pas qu’une minorité l’emporte sur eux, ils réprouvent la majorité en la traitant méchamment d’“esclaves” vivant dans la “servitude babylonienne”, etc.
Or il semblerait que presque chaque cas de déviation doctrinale et d’aveuglement ait été précédé, plus ou moins, d’un empoisonnement de l’esprit par la calomnie, la médisance et les mauvais soupçons. C’est par de telles racines d’amertume, qui ne tardent pas à se développer, que l’Adversaire ouvre la voie à l’erreur, dans presque chaque cas. (...)
Ayez l’œil sur ceux qui causent les divisions et les occasions de chute par des choses qui ne sont pas selon la doctrine que vous avez apprise, et évitez-les (Rom. 16:17, 18). Ne rendez point mal pour mal, ou injure pour injure; mais quand vous pensez à eux et quand vous parlez d’eux, faites preuve d’un amour compatissant, et faites de même pour tous les hommes que l’Adversaire a troublés (II Cor. 4:4)i.
LOÏS: Comment ne pas éprouver de plus en plus de respect pour l’attitude du pasteur Russell à mesure que l’on interroge les faits? Nul ne peut nier qu’il a travaillé dans des conditions extrêmement pénibles; or il est certain que les résultats de son travail parlent en sa faveur. Je suis sûre qu’à sa place beaucoup d’autres hommes auraient penché d’un côté ou de l’autre, sous la pression.
JEAN: Mais il ne faudrait pas non plus oublier, Loïs, que le pasteur Russell n’a jamais attribué à l’une de ses qualités le moindre résultat provenant de son travail. Il a toujours reconnu que sa force lui venait de Dieu, qui le guidait. Et lorsqu’on a réuni toutes les preuves, nulle autre conclusion n’est possible.
[Notes]
a a A Great Battle in the Ecclesiastical Heavens (1915), par J. F. Rutherford, pp. 7-10, “Unholy Alliance”.
b b w 1903, p. 391; pour le texte intégral de chacun des six débats, voir la Pisttburgh Gazette, édition spéciale, 2 nov. 1903.
c c A Great Battle in the Ecclesiastical Heavens (1915), par J. F. Rutherford, p. 10.
d d w 1905, p. 224; w 1907, p. 112.
e e w 1903, p. 197.
f f w 1904, p. 82 [voir aussi wF août 1904, p. 60].
g g w 1907, pp. 54-56.
h h w 1907, pp. 215, 216.
i i w 1905, p. 326.
j j w 1908, p. 275.
k k Idid., pp. 19, 70.
l l Cincinnati Enquirer, 15 août 1908.
a m w 1908, pp. 8, 18.
b n w 1916, pp. 173, 174.
c o w 1916, p. 175.
d p w 1894, pp. 163-174.
e q Nombres 12:1-15.
f r A Great Battle in the Ecclesiastical Heavens (1915), par J. F. Rutherford, pp. 16-19; voir aussi w 1906, pp. 211-227.
g s Ce nom dérive des premiers chrétiens de Bérée, connus pour leur méthode d’étude (Voir Actes 17:11). Il fut d’abord appliqué aux études spéciales de la Bible, sujet par sujet, destinées à la considération analytique en groupe (w 1902, p. 159; wF 1913, p. 82 “Avis”, et wF 1914, p. 16); par la suite, ce nom fut appliqué aux questions établies pour l’étude en groupe de La Tour de Garde (w 1922, pp. 146, 159; wF nov. 1922, p. 19).
h t w 1909, p. 371.
i u Ibid., p. 372.
-
-
Une activité intense, en attendant 1914Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
-
-
Chapitre 8
Une activité intense, en attendant 1914
LOÏS: Les divisions qui se sont produites dans l’organisation et l’opposition qu’on a soulevée contre Russell ont-elles sérieusement porté atteinte à l’œuvre, Jean?
JEAN: Non, pas au point de la compromettre. En fait, le pasteur Russell disait que de telles épreuves servaient à rapprocher les survivants. Ceux qui se sont détachés de l’organisation, à un moment donné, étaient d’ailleurs peu nombreux. Quant à Russell et à ses collaborateurs, ils avaient de quoi être occupés.
Pendant les dix premières années de ce nouveau siècle, Russell était entièrement absorbé par l’organisation grandissante et par la proximité de 1914. Il savait que ce que représentait la Jérusalem d’avant 607 avant notre ère serait ‘foulé par les nations jusqu’à ce que les temps fixés des nations soient accomplis’. Telle était la prophétie de Jésus dans Luc 21:24. Russell savait que ce temps de la domination ininterrompue — exercée par les nations de Satan — devait prendre fin en 1914. Or, depuis 1877, les témoins de Jéhovah des temps modernes proclamaient énergiquement que cette période des temps des Gentils, longue de 2 520 ans, toucherait bientôt à sa fina.
En prévision de cet événement, Russell s’est mis à préparer et à mener une campagne générale à l’échelle mondiale. Celle-ci devait servir de témoignage final aux nations, leur faisant savoir que les quelques années qui leur restaient avant 1914 seraient leur dernière chance de faire la paix avec Dieu, avant qu’il intervienne pour les juger.
Russell avait tout de suite compris que, malgré ses trois étages, la maison de la Bible d’Allegheny-Pittsburgh, qui avait servi de siège à la Société pendant vingt ans, allait devenir trop petite pour servir désormais de centre à une œuvre internationale en plein essor. Aussi, en 1908, la Société a-t-elle envoyé plusieurs de ses représentants à New York, et parmi eux son conseiller juridique, J. F. Rutherfordb. Ils avaient pour tâche d’acquérir deux immeubles que Russell avait repérés naguère, et d’y établir le nouveau bureau central.
Ils ont donc acheté l’ancien presbytère de Henry Ward Beecher, sis au 124 Columbia Heights à Brooklyn. Après quelques transformations, cette maison en grès, haute de trois étages, allait servir de demeure aux trente membres du personnel employé au siège de la Société. Quant à l’ancien cabinet de travail de Beecher, il servirait de bureau au pasteur Russell.
THOMAS: Ce Henry Ward Beecher, prédicateur de Brooklyn, n’était-il pas célèbre à l’époque pour ses sermons contre l’esclavage?
JEAN: Oui, c’est cela. Il prêchait du haut de la chaire de l’église congrégationaliste de Plymouth, toute proche, dont il était le pasteurc. On raconte aussi qu’Abraham Lincoln figurait parmi les personnalités qui, au cours des années 1860, rendaient visite à Beecher dans sa résidence de Columbia Heights.
La Société a également acquis l’ancien “Béthel de Plymouth”, foyer missionnaire tout proche, dont l’Église de Plymouth s’était servie pendant longtempsd. Après quelques transformations, la Société a inauguré son nouveau bureau central, le 31 janvier 1909, en présence de 350 personnes. Au premier étage de ce Béthel de Plymouth rénové, on avait aménagé une salle de réunion pour 800 personnes. Pour la repeindre, on avait choisi un vert olive tendre, et pour décorer les murs, quelques textes bibliques avaient été inscrits avec goût et art. Au rez-de-chaussée, on avait installé les bureaux de la Société, tandis qu’au sous-sol une petite presse permettait d’imprimer des feuilles de petit format. Il s’y trouvait aussi un service d’expédition. Un avis paru dans La Tour de Garde disait au sujet de ces deux immeubles:
Cette nouvelle demeure, nous l’appellerons “Béthel”, tandis que le nouveau bureau et la salle de conférences seront appelés “Le Tabernacle de Brooklyn”; ces noms remplaceront celui de “Maison de la Biblee”.
Les immeubles que la Société possédait à Pittsburgh ont alors été vendus. Quant à la campagne accélérée de prédication de cette période importante de l’œuvre, elle pouvait maintenant entrer dans sa dernière phase. Quoique vaste et pratique, ce bureau central agrandi est devenu insuffisant au bout de deux ans. Aussi a-t-il fallu, en 1911, construire de nouveaux logements spacieux sur l’arrière du Béthel, logements qui donnaient sur la rue Furman et les quais de Brooklynf.
UN NOUVEL INSTRUMENT LÉGAL EST CRÉÉ
Afin qu’ils puissent devenir propriétaires de leurs biens immobiliers dans l’État de New York, les témoins ont jugé utile de créer un nouvel organisme, car la Watch Tower Bible and Tract Society of Pennsylvania était sujette à certaines restrictions légales. Une requête ayant été présentée en bonne et due forme, le juge Isaac N. Miller de la Cour suprême de New York rendait, le 23 février 1909, une ordonnance qui reconnaissait le statut légal de la People’s Pulpit Association [Association de la Tribune du peupleg]. Voici les buts énoncés dans les statuts:
Les buts de l’association sont: charitables, bienveillants, scientifiques, historiques, littéraires et religieux; l’édification morale et mentale des hommes et des femmes, la diffusion de vérités bibliques en différentes langues au moyen de la publication de tracts, de brochures, de journaux et d’autres écrits religieux, ainsi que l’œuvre missionnaireh.
THOMAS: Comment faites-vous pour coordonner les activités de ces deux organismes, Jean?
JEAN: Voici une citation parue dans La Tour de Garde de 1914 qui va peut-être vous éclairer:
Dans l’intérêt de nos nombreux lecteurs, nous expliquerons que la WATCH TOWER BIBLE AND TRACT SOCIETY [de Pennsylvanie] gère, en sa qualité d’organisation mère, toutes les affaires touchant l’œuvre chrétienne à laquelle sont rattachés le périodique LA TOUR DE GARDE et son rédacteur. Or, tout le travail accompli directement ou indirectement au moyen de l’ASSOCIATION INTERNATIONALE DES ÉTUDIANTS DE LA BIBLE et de l’ASSOCIATION DE LA TRIBUNE DU PEUPLE fait partie de l’œuvre accomplie par la WATCH TOWER BIBLE AND TRACT SOCIETY.
Je vous ai déjà expliqué, Thomas, que l’Association de la tribune du peuple était le groupement constitué à New York en 1909, tandis que l’Association internationale des Étudiants de la Bible, mentionnée dans la citation, était le groupement constitué en Grande-Bretagne en 1914. Bien que cette association britannique ait notamment été créée pour diriger l’œuvre en Grande-Bretagne, elle possédait aussi une adresse auprès du siège de la Société, à Brooklyn. Voici ce que l’article de La Tour de Garde disait encore:
Le rédacteur de LA TOUR DE GARDE est le président de ces trois sociétés. Toute responsabilité financière se rapportant à l’œuvre procède de la WATCH TOWER BIBLE AND TRACT SOCIETY [de Pennsylvanie]. C’est d’elle que les autres Sociétés et toutes les filiales de l’œuvre reçoivent leur appui financier. (...)
Nous avons dû procéder à une répartition du travail du fait que les statuts de la société mère, établis conformément aux lois en vigueur dans l’État de Pennsylvanie, ne lui permettent pas de posséder des biens dans l’État de New York; aussi a-t-il fallu organiser une société auxiliaire afin de pouvoir posséder des biens-fonds à New York. Il en va de même pour la Grande-Bretagne où les lois empêchent les sociétés étrangères d’avoir le droit de propriété sur des biens-fonds. Cela a rendu nécessaire la création de l’ASSOCIATION INTERNATIONALE DES ÉTUDIANTS DE LA BIBLE régie par des statuts conformes aux lois anglaises. Il arrive donc que nous employions tantôt l’une, tantôt l’autre appellation dans les différentes branches de l’œuvre; pourtant, en fin de compte, elles veulent toutes dire la WATCH TOWER BIBLE AND TRACT SOCIETY [de Pennsylvanie], à laquelle devraient être versés tous les donsi.
THOMAS: Est-ce que vous ne vous servez que de ces trois organismes?
JEAN: Non, car la Société a créé depuis un certain nombre d’organismes dans différents pays du monde, lesquels travaillent tous sous la direction de l’organisation mère de Pennsylvanie. Or, celle-ci n’est à son tour qu’un instrument légal pour les témoins de Jéhovah du monde entier, qui eux-mêmes ne constituent pas une personne juridique.
UNE CAMPAGNE INTENSIVE S’ENGAGE
Les témoins de Jéhovah n’ont jamais cessé de mener des campagnes intensives. Néanmoins, ce sont les années 1909 à 1914 qui ont marqué le point culminant aussi bien de l’activité déployée par ces premiers témoins des temps modernes que des résultats obtenus. En mettant à contribution les moyens dont ils pouvaient disposer, tous se sont dépensés à fond pour donner un témoignage mondial: les frères du bureau central travaillaient jour et nuit; ils étaient secondés par les frères pèlerins et les colporteurs, ainsi que par les ouvriers qui participaient au service volontaire en donnant gratuitement de leurs heures de loisir.
À partir de 1909, la Société s’est mise à publier une nouvelle série de tracts intitulés d’abord “La Tribune du Peuple”, puis “Journal pour Tous” et enfin “L’Étudiant de la Bible”. Chaque mois paraissait un nouveau numéro qui contenait une nouvelle salve puissante tirée contre le protestantisme, la fausse religion et l’apostasie. Les illustrations et les caricatures en augmentaient l’effet. C’est par millions que l’on distribuait ces publications en les glissant sous les portes des foyers, en les remettant à ceux qui sortaient des églises, et aussi grâce aux contacts personnels. Les efforts déployés par la Société en vue de donner un témoignage aussi vaste que possible ne se limitaient nullement à la distribution de tracts. Les colporteurs distribuaient à eux seuls plusieurs millions de brochures et de livres.
MARIE: Et c’est à la même époque que les frères ont organisé un service de presse international auprès des journaux qui accordaient une place importante aux sermons du pasteur Russell. Chaque semaine, on les adressait à quelque 3 000 journaux des États-Unis, du Canada et d’Europe.
JEAN: Ce service de presse se composait de quatre membres du Béthel qui faisaient partie du personnel du bureau central. Chaque semaine, où qu’il se soit trouvé, le pasteur Russell envoyait un nouveau sermon à ce service installé au Béthel. De là, les quatre frères télégraphiaient aux journaux le sermon qui devait remplir près de deux colonnes. Comme le public ne possédait pas encore la radio, la presse constituait le meilleur moyen d’atteindre les gens. Aussi a-t-il été possible, grâce à ce service, d’augmenter considérablement la prédication orale aux portes et aux réunions publiques. On évalue à dix millions les personnes qui, chaque semaine, pouvaient ainsi lire les sermons du pasteur Russell.
THOMAS: La Société devait-elle payer pour faire paraître ces sermons, ou les journaux versaient-ils des droits d’auteur à Russell?
JEAN: Les journaux s’engageaient à publier les sermons gratuitement, et la Société se chargeait des frais de télégraphej.
Mais l’activité de ce service de presse n’était pas du tout censée remplacer la prédication individuelle qu’accomplissaient les témoins de Jéhovah. Une vaste campagne de réunions publiques allait rendre encore plus efficace l’activité intensifiée de cette période. On l’a appelée l’“œuvre pour la formation de nouvelles ecclésias”, et c’est en 1911 qu’elle a commencék. Rien qu’en cette première année, 12 113 conférences publiques et semi-publiques ont été prononcées. De cette façon, on élargissait le service des conférences publiques que le pasteur Russell avait autrefois entrepris lui-même. Pour accomplir cette tâche, il a fallu le concours de cinquante-huit ministres itinérants spéciaux que la Société chargeait d’une tournée de conférences, selon un itinéraire préétabli.
On ne se contentait pas de donner des discours, pour ensuite oublier ceux qui étaient venus les écouter. Au contraire, on s’approchait des personnes qui avaient manifesté de l’intérêt, pour leur demander leurs nom et adresse, après quoi on les visitait chez elles dans l’intention de les rassembler pour créer une nouvelle congrégation. Les colporteurs ou pionniers aidaient à organiser ces congrégations, ce qui a permis de créer de nombreuses nouvelles “ecclésias”. En 1914, il en existait 1 200 dans les différentes parties du monde. Pour ce qui est des autres chiffres se rapportant à l’accroissement, il faut dire que les rapports sur ceux qui assistaient à la Commémoration étaient incomplets; en 1915, le rapport partiel mentionne le nombre de 15 430 assistants, tandis que les statistiques indiquent que la diffusion de La Tour de Garde s’élevait à 55 000 exemplairesl.
Il est compréhensible qu’on ait aussi sollicité Russell à venir plus souvent parler lui-même, à mesure que l’intérêt allait croissant. Chaque année, il se rendait en Europe, et ses voyages à travers l’Amérique du Nord se faisaient plus nombreux et plus longs également. Pour s’acquitter de ses engagements d’orateur, il s’était naguère fait accompagner par quelques personnes en se servant d’un wagon spécial appelé “voiture des congressistes”. Désormais, il fallait organiser des groupes plus grands et se servir d’un train spécial appelé “train des congressistes”, dont l’un a transporté une fois 240 personnes qui accompagnaient Russell. Il fallait alors plusieurs wagons pour le transport de ces “groupes de congressistes” qui se rendaient d’une grande ville à une autre, selon un horaire établi d’avancea.
Dès leur arrivée dans la ville prévue, toutes les personnes du groupe allaient annoncer la conférence publique en distribuant des invitations. Ensuite, elles assistaient elles-mêmes à la conférence pour y accueillir ceux qui venaient l’écouter et pour demander aux personnes manifestant de l’intérêt leurs nom et adresse. Partout où c’était possible, les frères rendaient visite à ces personnes, et ils établissaient des congrégations. Ce travail puissamment concerté a produit des résultats durables.
MARIE: Nombreux sont les récits intéressants qui ont été rapportés au sujet des problèmes rencontrés par ces frères. Ainsi, on raconte qu’un jour frère Russell et sa suite se trouvaient dans le train qui traversait l’État du Wisconsin, et que les cheminots à bord du train avaient oublié de décrocher le wagon spécial de Russell dans une gare où le train ne s’arrêtait pas d’habitude. Leur train a donc traversé à toute allure la ville où devait avoir lieu la conférence publique; et ce n’est qu’une heure plus tard qu’il s’est arrêté à Milwaukee. Vous concevez dans quel état d’énervement se trouvaient les frères qui n’avaient pu descendre au bon endroit. Immédiatement, ils ont demandé au chef de gare de faire atteler une locomotive au wagon spécial pour les ramener dans la ville où frère Russell était censé prendre la parole. Ils y sont arrivés tout juste assez tôt pour tenir la conférence publique.
JEAN: Le pasteur Russell et ses collaborateurs n’ignoraient pas le passage de Matthieu 24:14, qui dit: “Cette bonne nouvelle du royaume sera prêchée par la terre habitée tout entière en témoignage à toutes les nations; et alors la fin viendra.” Même s’ils ne savaient pas de quelle manière cette prédication pourrait être achevée pour 1914, les témoins ont intensifié encore davantage leur programme. Une campagne de conférences publiques s’est alors organisée sur le plan mondial, et le passage biblique que nous venons de lire apparaissait sur certaines affiches.
Dans le cadre de cette campagne allant de décembre 1911 à mars 1912, le pasteur Russell a fait le tour du monde à la tête d’un comité de sept hommes, pour répandre les semences de la vérité, lesquelles, à la longue, ont amené de nouveaux groupes de chrétiens oints à une activité féconde, dans de vastes territoires du globe. Les frères de ce comité s’attachaient surtout à étudier les missions étrangères de la chrétienté et à donner des discours sur place. Leur voyage les a conduits vers l’ouest, à Hawaii, au Japon, en Chine, puis à travers l’Asie méridionale jusqu’en Afrique et enfin en Europe, d’où ils ont regagné New Yorkb. C’était vraiment un long voyage qui avait pour but de ceindre la terre d’un message d’avertissement concernant l’approche de la fin des temps des Gentils, en 1914.
LE PHOTO-DRAME DE LA CRÉATION
Ensuite, le pasteur Russell a élaboré un projet audacieux mais bien conçu, d’ordre éducatif, très en avance sur son temps. Le cinéma commençait alors à être connu du public. Ayant compris que c’était là un moyen efficace pour atteindre des foules de gens en un temps relativement court, Russell s’est mis à préparer le “Photo-Drame de la Création”. Cette œuvre a été entreprise en 1912, dans l’espoir que tout serait prêt pour cette campagne générale avant 1914. Le titre avait une valeur descriptive, car cette œuvre dépeignait les desseins de Dieu à l’égard de la terre et du genre humain, à partir de l’aménagement de la terre comme demeure de l’homme jusqu’à la fin du règne millénaire, point culminant des desseins divins. Tout ce projet se composait de clichés ainsi que de projections animées synchronisées avec des disques de phonographe sur lesquels étaient enregistrées des causeries et de la musique. La Société faisait ainsi œuvre de pionnier dans le domaine du film sonore et, en s’embarquant dans cette affaire, elle était pleinement confiante en son succès. Les résultats obtenus, grâce aux efforts ingénieux déployés dans ce domaine, montraient que l’esprit de Dieu reposait sur toute cette entreprise.
La tâche étant bien plus grande que Russell ne l’avait prévue, le “Photo-Drame” n’était pas prêt pour la fin de 1912, car il a fallu deux années entières pour passer du projet à la première représentation, et le tout a coûté 300 000 dollars à la Sociétéc. Voici la description que La Tour de Garde de 1914 donnait du “Photo-Drame”:
Il est naturel que nos lecteurs s’intéressent vivement au PHOTO-DRAME DE LA CRÉATION. Au cours de ces deux dernières années, vous avez tous plus ou moins entendu dire qu’il était en préparation. Le travail a été beaucoup plus pénible que nous ne l’avions pensé. Tous ceux qui ont vu le “Photo-Drame” admettent qu’il est très beau. Un pasteur, qui venait d’en voir deux parties, déclara: “Je n’ai vu que la moitié du PHOTO-DRAME DE LA CRÉATION, mais il m’en a appris plus long sur la Bible que mes trois années d’études à la faculté de théologie.” (...)
Or, il [le Drame] contient tout ce qui entre dans la création terrestre: les animaux, l’homme, les expériences vécues par le genre humain au cours des six mille ans écoulés et ce que le Messie accomplira dans son Royaume de mille ans. Le tout se compose de quatre parties, soit quatre spectacles [de deux heures chacun] agrémentés d’une musique appropriée, etc.
La première partie nous mène d’une nébuleuse à la création du monde, puis au déluge, pour se terminer au temps d’Abraham.
La deuxième partie va de la délivrance d’Israël en Égypte à son séjour dans le désert, etc., jusqu’à l’époque des rois et au temps d’Élisée, le prophète.
La troisième partie reprend le récit depuis le temps de Daniel jusqu’au temps où le Logos fut fait chair lors de la naissance de Jésus. Elle montre Jésus enfant, puis adulte, son baptême, son ministère, ses miracles, sa crucifixion, sa mort et sa résurrection.
La quatrième partie commence à la Pentecôte et retrace les expériences vécues par l’Église au cours des dix-neuf siècles écoulés jusqu’à nos jours, et mille ans au-delà jusqu’à la glorieuse consommationd.
LOÏS: Ce devait être un projet remarquable, étant donné que l’industrie cinématographique n’en était alors qu’à ses débuts.
MARIE: En effet, et il nous arrive, dans notre ministère de porte en porte, de rencontrer des personnes qui se souviennent d’avoir vu le Photo-Drame.
JEAN: Mais en raison de sa longueur et des détails qu’il a fallu mettre au point, celui-ci n’a pas pu être présenté avant 1914. Nous vous parlerons plus tard des représentations qui en ont été données. Or, à mesure que s’approchait le temps annoncé depuis longtemps, le service et la certitude de voir se réaliser les événements prévus constituaient la première préoccupation des témoins de Jéhovah.
SÉRIEUSES MISES EN GARDE CONTRE LES CONJECTURES
THOMAS: Vous nous avez dit, il y a un instant, que le pasteur Russell n’était pas très sûr de ce qui devait se produire en 1914. Était-ce l’attitude générale qui prévalait alors parmi les témoins?
JEAN: Sans aucun doute, nombreux étaient ceux qui pendant cette période s’empressaient d’émettre leur avis personnel sur les événements qui allaient se produire. Certains ont fait dire à La Tour de Garde des choses qu’elle n’a jamais dites et, quoique Russell se soit trouvé dans la nécessité d’attirer l’attention sur la certitude qu’il fallait s’attendre à un grand changement à la fin des “temps des Gentils”, il a pourtant encouragé ses lecteurs à garder leur esprit libre, surtout en ce qui concernait le facteur temps. Pour prouver ce point, nous pourrions lire un certain nombre d’extraits d’articles parus dans La Tour de Garde au fil des années. Ainsi, en 1885 déjà, Russell écrivait dans La Tour de Garde:
De gros nuages menaçants s’amoncellent au-dessus du vieux monde. Il semble qu’une grande guerre européenne soit une éventualité à envisager dans un proche avenir.
Suit une description plutôt sombre de la situation mondiale, et l’article conclut en ces termes:
Pour ce qui est de ces prétendus royaumes de Dieu et de leurs armées, on adresse des prières à Dieu au nom de celui qui ordonne paix et bonne volonté envers les hommes, et qui s’annonce lui-même comme celui qui libérera les captifs et qui proclamera l’amour, la paix et la liberté sur la terre entière à tous ceux pour la liberté desquels il est mort.
Grâce soit rendue à Dieu de ce que l’affranchissement est proclamé; les chaînes théologiques et politiques commencent à se briser, et la création gémissante doit sous peu être rendue à la véritable liberté des fils de Dieu, sous la domination d’Emmanuele.
En 1893, La Tour de Garde déclarait:
Une grande tempête est imminente. Quoique l’on ne sache pas exactement quand elle éclatera, il semble raisonnable de supposer qu’elle se situe à douze ou quatorze ans tout au plusf.
En 1894, le même périodique déclarait:
Quelques années de plus en finiront avec le présent ordre de choses, et alors le monde châtié se tiendra face à face avec les conditions réelles du Royaume de Dieu établi. Et pourtant, l’Église doit achever sa course dans le court laps de temps qui resteg.
Une autre déclaration, publiée au cours de la même année, est significative:
“Comme les douleurs de l’enfantement surprennent la femme enceinte”, voilà la description inspirée du jour de détresse de quarante ans qui marque le commencement de l’âge millénaire. La panique de 1873, qui a affecté le monde entier, était le premier spasme, et depuis lors, à intervalles irréguliers, la terre a connu d’autres douleurs de l’enfantement. En ce moment même, nous nous trouvons ici aux États-Unis au beau milieu de l’une de ces convulsions de la création gémissanteh.
En 1912, pour prévenir toute conjecture extravagante et personnelle concernant l’année 1914, Russell a fait retentir l’avertissement spécial que voici:
Il est sans doute permis d’avoir de légères différences d’opinions sur ce sujet, et il nous faut laisser la plus grande latitude les uns aux autres. La suzeraineté des Gentils peut se terminer en octobre 1914 ou en octobre 1915. Et la période de lutte intense et d’anarchie “telle qu’il n’y en a point eu depuis que les nations existent” peut marquer la fin définitive des temps des Gentils, ou le début du règne du Messie.
Mais nous rappelons une fois de plus à nos lecteurs que nous n’avons rien prophétisé concernant les temps des Gentils qui prendraient fin en un temps de détresse, ni concernant la glorieuse époque qui succéderait à cette catastrophe. Nous avons simplement attiré l’attention sur ce que disent les Écritures en exprimant nos vues quant à leur signification et en demandant à nos lecteurs de juger, chacun pour soi, ce qu’elles signifient. Ces prophéties gardent encore le même sens pour nous. (...) Il se peut que certains fassent cependant des déclarations positives de ce qu’ils savent, et de ce qu’ils ne savent pas; nous ne nous laissons jamais aller à cela; mais nous déclarons simplement que nous croyons ceci ou cela pour telles ou telles raisonsi.
Ces premiers observateurs avaient donc de quoi être certains que bien des choses allaient se produire dès 1914. Même si leur compréhension sur la manière dont ces prophéties allaient s’accomplir exactement n’était pas absolument nette, les preuves augmentaient sans cesse, montrant que ce devait être une date marquée dans l’histoire de la terre.
Dans le monde entier, on créait une situation tendue en attisant les rivalités nationales; et, pour leur campagne fébrile, les dirigeants politiques et commerciaux se lançaient dans une course aux armements effrénée qui avait l’entier appui du clergé de tous les pays. L’Allemagne et la France amassaient un énorme potentiel de guerre, tandis que la Grande-Bretagne et les États-Unis se fortifiaient également. Les dernières découvertes scientifiques, telles que la machine à vapeur, le moteur à explosion et l’électricité, ont toutes été mises à contribution pour la guerre, car les meilleurs cerveaux scientifiques du monde mettaient tout en œuvre afin de créer des armes encore plus perfectionnées pour la destruction massive. Les masses humaines se faisaient rassembler dans les camps de la guerre. Satan, le maître de ce monde, rassemblait ses forces pour la fin, laquelle, il le savait, viendrait en 1914.
En ce XXe siècle toutefois, la débâcle mondiale des nations, qui paraissait inévitable, était simplement la preuve de ce qu’une guerre beaucoup plus significative devait commencer cette année-là. Il ne s’agissait pas, dans ce différend de la plus haute importance, de savoir si la domination monarchique l’emporterait sur la domination démocratique. Le calendrier des desseins divins indiquait que le moment était venu de régler la question de la domination universelle. Quant aux témoins de Jéhovah, il ne leur était pas donné, à cette époque-là, de comprendre ce que ce conflit allait apporter comme résultats immédiats ni quelle tournure les événements allaient prendre pour accomplir la volonté divine. Pendant quarante ans, ils avaient été chargés d’en annoncer la proximité. Tous leurs efforts zélés avaient tendu vers ce même but. Maintenant que le moment était venu, ils n’allaient pas se croiser les bras et attendre la suite des événements. Des flots ininterrompus d’écrits sur le Royaume continuaient à atteindre toutes les parties du globe, depuis le nouveau siège de Brooklyn.
Sur l’autre rive de l’East River, face au bureau central de la Société, se dressait la masse imposante des gratte-ciel du quartier financier de New York. Ces gratte-ciel, qui étaient alors les plus hauts du monde, symbolisaient pour bien des gens la force et la puissance du plus grand empire de la terre. Par leurs dimensions, ceux-ci dépassaient de loin les modestes immeubles de la Société Watch Tower, à Brooklyn. Mais nul ne pouvait alors savoir ce que Jéhovah réservait à cette petite troupe de témoins qu’il avait rassemblés des quatre coins de la terre; et personne ne pouvait prévoir non plus comment cette voix relativement faible, qui émanait des modestes bureaux de la Société, arriverait un jour à remplir la terre avec tant de force et de puissance que les fondements mêmes du monde de Satan en seraient ébranlés.
[Notes]
a a w oct.-nov. 1881, p. 3.
b b w 1919, p. 58.
c c Webster’s Biographical Dictionary, p. 125; History of Kings County (New York, 1884: Munsell & Co.), pp. 1021, 1022.
d d Construit en 1868 au 13-17 Hicks Street, cet immeuble a été démoli depuis. Quant à l’église de Plymouth, fondée en 1849, elle se trouve encore à Orange Street, près de Hicks, à deux pâtés de maisons du 124 Columbia Heights.
e e w 1909, pp. 67, 68.
f f w 1917, p. 53.
g g Les statuts ayant été soumis aux autorités, cette association fut dûment enregistrée, le 4 mars 1909. Le 6 février 1939, son nom fut légalement changé en Watchtower Bible and Tract Society, Inc., et le 16 janvier 1956 en son nom actuel: Watchtower Bible and Tract Society of New York, Inc.
h h Statuts de la Watchtower Bible and Tract Society, Inc., pp. 1, 5, 6, 11.
i i w 1914, p. 371. Voir aussi “L’histoire et les actions de notre Société”, w 1917, pp. 327-330 [ainsi que wF avril 1927, pp. 106, 107].
j j Sermons du pasteur Russell (angl.) [1917; IBSA], pp. 3, 4; w 1909 p. 269; w 1916, p. 388; w 1912, p. 26 [voir aussi wF 1910 p. 80; wF 1916, p. 26].
k k w 1911, pp. 453, 454.
l l w 1915, pp. 127, 372.
a m w 1909, pp. 183, 196, 259, 298; w 1913, p. 218.
b n Les voyageurs firent escale dans les villes suivantes: à Honolulu dans les îles Hawaii; à Yokohama, à Tokyo, à Kobe et à Nagasaki au Japon; à Changhaï et à Hong-Kong en Chine; à Manille dans les Philippines; à Singapour et à Penang dans les Straits Settlements [Établissements des Détroits]; à Colombo dans l’île de Ceylan; à Trivandrum, à Kottarakara, à Nagercoil, à Puram, à Madras, à Vizagapatam, à Calcutta, à Bénarès, à Lucknow et à Bombay en Inde; à Aden en Arabie; au Caire et à Alexandrie en Égypte; au Pirée, à Athènes, à Corinthe et à Patras en Grèce; à Brindisi et à Rome en Italie; à Paris; ensuite à Londres, et le voyage se termina à New York (w 1911, p. 434). Compte rendu détaillé et photos dans w 1912, pp. 123-138, ainsi que dans Souvenir Notes 1912, pp. 7-287.
c o w 1914, p. 375.
d p w 1914, pp. 105, 106, 371.
e q w fév. 1885, p. 1.
f r w 1893, p. 194.
g s w 1894, p. 56.
h t Ibid., p. 162.
i u w 1912, p. 377.
[Illustrations, page 48]
TABERNACLE DE BROOKLYN, 1909.
BÉTHEL, 122-124 COLUMBIA HEIGHTS, 1911.
-
-
“Fin de tous les royaumes en 1914”Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
-
-
Chapitre 9
“Fin de tous les royaumes en 1914”
THOMAS: Je suppose que les témoins de Jéhovah devaient enfin se sentir dans leur élément quand a commence l’année 1914 et que la Première Guerre mondiale a éclaté. Est-ce juste?
JEAN: Pas tout à fait. Au début de 1914, les conducteurs religieux et d’autres gens ont énormément ridiculisé Russell et la Société Watch Tower, car, pendant les tout premiers mois, les nations gentiles n’avaient encore rien subi de ce que les témoins de Jéhovah attendaient.
MARIE: Bien entendu, ces railleries n’ont pas arrêté l’œuvre de témoignage, car la Société attendait la fin pour l’automne de cette année-là. Janvier avait vu l’achèvement du Photo-Drame de la Création; puis en avril, douze exemplaires en avaient été expédiés dans trente et une villes. Il ressort des rapports que plus de 35 000 personnes venaient alors chaque jour voir, écouter et admirer cette production exceptionnellea.
JEAN: C’est exact. Mais comme l’année avançait sans que rien de grave se soit produit malgré la grande tension qui pesait sur l’Europe, on ridiculisait de plus en plus le message du Royaume. Un grand changement allait pourtant intervenir au moment où nation après nation et royaume après royaume furent précipités dans le conflit que l’on appelle maintenant la Première Guerre mondiale. À la veille de la guerre, l’Europe était en proie à de vives inquiétudes. Mais surtout à partir du 27 juillet, et jusqu’en août de la même année, le monde allait connaître une période de bouleversements surprenants. Maintenant que la guerre et les malheurs s’abattaient sur les nations, l’œuvre des témoins de Jéhovah passait au premier plan, d’autant plus que ceux-ci annonçaient et attendaient ce temps de détresse.
Ainsi, un article paru dans “Le monde” (The World), l’un des principaux journaux de New York, reflète bien la réaction de la presse. Dans son supplément dominical, ce journal titrait en gros caractères: “Fin de tous les royaumes en 1914”. Voici un extrait de cet article important:
D’après les calculs des “Étudiants internationaux de la Bible” dirigés par le Rév. Russell, voici venu le “temps de détresse” dont parle le prophète Daniel, l’année 1914, prédite (dans le livre “Le Temps est proche”, dont quatre millions d’exemplaires ont été vendus) comme étant la date de l’effondrement des royaumes de la terre.
L’effroyable guerre qui vient d’éclater en Europe accomplit une prophétie extraordinaire. Il y a un quart de siècle, les “Étudiants internationaux de la Bible”, mieux connus sous le nom d’“Auroristes du millénium”, se sont mis à proclamer au monde, par la voix de prédicateurs et par la presse, que le Jour de la Colère prophétisé dans la Bible poindrait en 1914. “Attention à 1914!”, tel a été le cri des centaines d’évangélistes itinérants qui, représentant cette croyance singulière, ont parcouru le pays dans tous les sens pour publier la doctrine selon laquelle “le Royaume de Dieu est proche”. (...)
Même si des millions de gens ont dû écouter ces évangélistes, (...) et bien que leur propagande ait été menée au moyen de publications religieuses et par un service de presse séculier comprenant des centaines de journaux à travers le pays, ainsi que par des conférences, des débats, des classes d’étude, et même par des projections animées, l’homme moyen ignore l’existence d’un mouvement tel que l’“Aurore du millénium”. (...)
Le Rév. Charles T. Russell est l’homme qui avance cette interprétation des Écritures depuis 1874. (...) “En présence de ces fortes preuves de la Bible, écrivit le Rév. Russell en 1889, nous considérons comme une vérité bien établie que la fin des royaumes de ce monde et l’entier établissement du Royaume de Dieu auront lieu en 1914.” (...)
Mais dire que la détresse doit atteindre son point culminant en 1914, voilà qui est étrange. Pour une raison bien curieuse — peut-être parce que le Rév. Russell écrit d’une manière très posée, dans un style de mathématicien réfléchi plutôt que dans celui d’un harangueur fougueux — le monde n’a en général guère daigné tenir compte de lui. Quant aux Étudiants qui se réunissent au “Tabernacle de Brooklyn”, ils disent qu’il fallait s’y attendre, que le monde n’écoute jamais les avertissements divins et ne les écoutera jamais, jusqu’à ce que le jour de détresse soit passé. (...)
Et voilà qu’en 1914 vient la guerre, la guerre que tout le monde redoutait, mais dont tout le monde pensait qu’elle ne se produirait pas, en fin de compte. Le Rév. Russell ne déclare pas: “Je vous l’avais bien dit”, et il ne révise pas les prophéties pour les adapter au cours de l’Histoire. Lui et ses Étudiants se contentent d’attendre, d’attendre jusqu’en octobre qu’ils estiment être la fin réelle de 1914b.
THOMAS: Je pense que tout le monde n’aura pas accepté cette prophétie, pas même après le début de la guerre mondiale.
JEAN: Non. Mais ce temps de grande détresse, Jésus l’avait prédit pour les derniers jours. De plus, les Écritures montraient que, malgré toutes les preuves apportées par Jésus pour marquer le début du temps de la fin, de nombreuses gens n’accepteraient pas ces preuves. Pierre, par exemple, a déclaré: “Dans les derniers jours il y aura des railleurs avec leurs railleries, avançant selon leurs propres désirs et disant: ‘Où est sa présence promise? En effet, depuis le jour où nos pères se sont endormis dans la mort, toutes choses continuent exactement comme depuis le début de la créationc.’”
LA PRÉDICATION DE LA BONNE NOUVELLE SE POURSUIT
LOÏS: Ce devait être une époque de sentiments mélangés.
JEAN: En effet, et il se produisait alors beaucoup de choses que les témoins eux-mêmes n’arrivaient pas encore à comprendre. Avant 1914, ils s’étaient servis d’arguments bibliques pendant quarante ans pour attirer l’attention des gens sur cette date importanted. Et maintenant que les faits s’accumulaient comme autant de preuves confirmant les conclusions que les témoins avaient pu tirer grâce à l’étude de la Bible, ceux-ci étaient certains que le 1er octobre 1914 allait marquer la fin légale des 2 520 ans pendant lesquels Jéhovah avait toléré que les nations gentiles s’arrogent la souveraineté sur la terre; ils avaient acquis la certitude que, légalement, la “fin de toutes les nations” était arrivée en 1914e! Or, tandis que les témoins avaient la joie de voir s’accomplir les conditions prédites dans la Bible, les souffrances et les tribulations qui s’abattaient sur le monde ne les réjouissaient guère; quant aux persécutions qu’ils subissaient de la part des adversaires du Royaume de Dieu, elles n’étaient pas faites non plus pour les rendre heureux, ni pour leur faciliter la tâche.
Il ne fallait certes pas attendre du clergé de la chrétienté qu’il accepte les preuves de la fin légale de toutes les nations. Bien au contraire, les membres du clergé se sont tellement laissé absorber par les problèmes du jour et laissé entraîner dans les efforts de guerre déployés par les nations, qu’ils n’avaient aucune patience ni sympathie pour quiconque plaçait sa confiance en Dieu qui, dans sa puissance, trancherait la question de la domination mondiale. Dans chaque pays, les Églises soutenaient le gouvernement détenteur du pouvoir. Or, les Églises ont adopté cette attitude sans tenir compte du fait que, dans ce conflit, ceux qui avaient la même foi mais qui vivaient dans un autre pays allaient ainsi se trouver dans le camp adverse; et ceux qui normalement passaient pour des frères chrétiens s’affrontaient à présent sur le champ de bataille.
THOMAS: Quelle a été l’attitude des témoins de Jéhovah face à la guerre?
JEAN: Ils refusaient d’y prendre part. En raison des prophéties qui concernaient ce temps de détresse, les témoins ne pouvaient ni ne voulaient se rallier aux prétentions contradictoires faites par les ecclésiastiques des deux camps du conflit qui, les uns et les autres, se disaient soutenus par Dieu.
Les témoins savaient fort bien ce qui se passait en Europe, puisque le juge Rutherford s’y trouvait en personne le jour où la guerre avait éclaté. Car, depuis qu’il était devenu conseiller juridique de la Société, il parcourait les États-Unis en qualité de conférencier biblique. Ainsi, il parlait dans bien des lycées et universités, sur demande spéciale, faisant salles combles aux États-Unis et en Europe. En 1913, accompagné de sa femme, il a visité l’Égypte et la Palestine, puis l’Allemagne — où il a pris la parole devant 18 000 personnes au total — et encore la Suissef.
En 1914, le juge Rutherford a effectué un nouveau voyage en Europe à la place du pasteur Russell dont la santé déclinait et qui, en raison de la situation mondiale troublée, ne voulait pas quitter les États-Unis. En cette qualité, Rutherford était occupé à donner des conférences bibliques en Allemagne, à peine quelques jours avant le début de la Première Guerre mondiale. Il se trouvait à bord d’un bateau se rendant de Hambourg en Angleterre le jour où celle-ci a déclaré la guerre à l’Allemagne; ainsi, Rutherford a été un témoin oculaire de la tourmente qui a éclaté cette année-là. Il n’a pas regagné les États-Unis sur-le-champ, mais il est resté en Angleterre jusqu’en septembre 1914, car il pensait avoir la possibilité de mieux voir ce qui surviendrait lors de l’achèvement des temps des Gentils. Après avoir passé les premiers mois de la guerre auprès des témoins anglais, il est rentré aux États-Unis.
Alors que la guerre s’étendait de plus en plus en Europe, mais encore sans la participation des États-Unis, d’autres affaires concernant l’œuvre de témoignage allaient retenir l’attention des champions de la véritable liberté. En 1915, le pasteur Russell a été mis au défi pour un nouveau débat, cette fois par J. H. Troy, qui représentait le clergé baptiste de la Californie du Sud. Mais pour des raisons de santé, le pasteur Russell a dû se faire remplacer par J. F. Rutherford. Ayant été élevé baptiste, Rutherford ne s’est pas fait prier. Il est parti pour Los Angeles, en Californie, où devaient avoir lieu les divers débatsg. On y a dénombré une assistance totale de 12 000 personnes et estimé à 10 000 celles qui s’en sont retournées faute de place.
Un incident, survenu à cette occasion, donne un aperçu de l’esprit juridique de J. F. Rutherford, qui était très perspicace. Plusieurs jours avant les débats, Rutherford s’était mis d’accord avec Troy pour que chaque partie dépose une caution de 1 000 dollars, ce qui devait les engager à ne pas parler de personnes en particulier. Les débats porteraient donc uniquement sur des sujets bibliques. Puis cet engagement a été signé par les deux parties.
Or quelques jours plus tard il était clair, d’après les communiqués que Troy remettait aux journaux, qu’il entendait s’en prendre à certaines personnes et qu’il se réjouissait surtout de calomnier le pasteur Russell. Quant à Rutherford, il attendait le premier débat pour réagir. Trois minutes avant de commencer, il a prié Troy et ses “aides”, qui se tenaient dans la salle, de le rejoindre dans une pièce attenante. Là, Rutherford s’est adressé à Troy: “Vous vous souvenez que nous nous sommes engagés, par une caution de 1 000 dollars, à ne pas parler de personnes en particulier. Or, à en juger d’après les interviews que vous avez accordées à la presse, vous avez l’intention d’attaquer le pasteur Russell du haut de l’estrade. Certes, vous êtes libre de choisir cette voie, mais si vous essayez, vous perdrez votre caution.” Tout à fait désemparé, Troy a demandé: “Ne puis-je même pas le mentionner?” À quoi Rutherford a répondu par un “non” catégorique. Pris au dépourvu dans sa tentative de profiter de cette occasion pour calomnier Russell, il ne restait plus à Troy que des sujets qui ne convenaient pas à la circonstance. Aussi, lors du débat d’ouverture, s’est-il trouvé aux prises avec de grandes difficultés pendant assez longtemps.
Toute cette série de débats a permis à Rutherford de remporter une victoire éclatante. Voici ce qu’il rapporte dans son compte rendu:
Quand le débat s’est terminé hier soir, un certain nombre de personnes sont venues me trouver, dont plusieurs pour me dire: “J’ai été baptiste pendant des années, mais c’est ici que l’on m’a ouvert les yeux. Vous m’avez apporté la lumière.” Un assez grand nombre de cartes d’adhésion étaient rendues chaque soirh.
LE PHOTO-DRAME ACCLAMÉ PAR LES UNS ET COMBATTU PAR LES AUTRES
LOÏS: Qu’est-il advenu du Photo-Drame de la Création que vous nous avez décrit? Marie, n’avez-vous pas dit tout à l’heure que l’on avait commencé à le présenter au public dès janvier 1914?
MARIE: C’est exact. Puis, en juillet, il est arrivé en Grande-Bretagne; en septembre, les représentations ont commencé sur le continent européen, soit en Allemagne, en Suisse, en Finlande, en Suède et au Danemark; et quand en octobre on l’a montré en Australie et en Nouvelle-Zélande, le Photo-Drame avait déjà fait la moitié du tour du monde.
De nos jours, où les enregistrements de sons et de superproductions de Hollywood sont chose courante, on a de la peine à comprendre combien c’était là une entreprise inouïe. L’une des difficultés auxquelles on s’est heurté était de se procurer les belles images d’art illustrant l’histoire du monde dès l’aube de la création jusqu’à nos jours, et même jusque dans l’avenir. On a adopté, puis adapté au thème du Drame, tout ce que l’on a pu trouver, mais avant de fabriquer les clichés stéréoscopiques, il a fallu peindre des centaines d’images et de croquis inédits. Ces clichés étaient d’ailleurs magnifiquement coloriés à la main, dont certains même à Paris ou à Londres. Voici ce que raconte Russell:
Dans sa bonté, Dieu nous a voilé les yeux quant à la somme de travail qu’exigerait le DRAME. Si nous avions pu prévoir combien de temps, d’argent et de patience sa mise en chantier allait nous coûter, nous ne l’aurions jamais entrepris. Or, nous ne savions pas non plus d’avance quel grand succès serait réservé au DRAMEi.
Du fait que ces exemplaires du Photo-Drame ont été préparés avant que la Première Guerre mondiale n’éclate en Europe, des représentations ont pu avoir lieu un peu partout sur le continent européen et apporter du réconfort à bien des peuples angoissésj. La Société en a fabriqué au moins vingt reproductions complètes en quatre parties chacune, ce qui a permis de desservir quatre-vingts villes par jour. Rien qu’en 1914, ces projections ont entraîné pour les congrégations locales entre 150 000 et 200 000 dollars de dépenses.
Un autre ensemble, appelé Eurêka-Drame, a encore été mis à la disposition des congrégations. Il comprenait simplement les clichés, la musique et les discours enregistrés sur disques pour le Photo-Drame. Même sans film, l’Eurêka-Drame a remporté d’immenses succès dans les régions moins peupléesk.
LOÏS: J’aurais bien aimé voir le Photo-Drame. Comme vous nous l’avez décrit, Marie, rien d’étonnant qu’il ait été très couru!
THOMAS: Je pense que les chefs religieux n’auront guère trouvé à redire au Photo-Drame. Est-ce exact, Jean?
JEAN: Au contraire. Certains lui ont opposé une vive résistance. Dans maints endroits, tout a été tenté pour empêcher qu’il soit présenté. D’autres chefs religieux s’élevaient contre les représentations qui se faisaient le dimanche, prétextant que les salles de spectacle étaient alors fermées aux films. Un incident de ce genre s’est produit, entre autres, dans l’Idaho où la Cour suprême de l’État a donné gain de cause à la Société; et ainsi, les représentations ont continué le dimanchel.
J’ai demandé à Marie de rechercher des récits qui parlent de l’opposition faite au Photo-Drame. En as-tu trouvé un que tu pourrais nous lire, Marie?
MARIE: Oui, j’en ai un. On le trouve dans la brochure Une grande bataille dans les cieux ecclésiastiques (angl.), rédigée par le juge Rutherford:
La scène se situe à Laurel, dans le Mississippi. M. Nicholson, conférencier responsable, avait loué l’Opéra auprès de M. Taylor, le propriétaire, pour y présenter le Photo-Drame. Tous deux se trouvaient devant l’Opéra et faisaient des préparatifs pour la publicité. M. Taylor se réjouissait de ce qu’un si beau spectacle allait être donné dans sa maison et s’en félicitait, lorsque vint à passer le premier pasteur de l’Église méthodiste de l’endroit surnommé le “grand chef de l’Union des pasteurs”.
En apprenant ce qui se préparait, il devint furieux, brandit le poing sous le nez de M. Nicholson et le menaça à grands cris: “Essayez seulement de montrer ces choses-là dans notre ville, et vous aurez sur les bras le plus dur combat que vous n’ayez jamais vu; vous feriez mieux de quitter la ville et de décamper au plus vite!” M. Nicholson ne se laissa pas intimider par cette menace, mais il poursuivit les préparatifs en vue de la représentation. Réunis aussitôt en séance extraordinaire, tous les membres de l’Union des pasteurs s’engagèrent à faire campagne contre le pasteur Russell et le “Drame”, à l’exception du pasteur épiscopalien qui se prononça résolument pour la tolérance religieuse et le respect humain. L’Union des pasteurs vota des résolutions contre le “Drame” et le pasteur Russell, elle lança ensuite un appel au maire de la ville et au chef de la police et leur demanda instamment de prévenir M. Nicholson, le responsable du “Drame”, qu’il ne devait pas présenter son spectacle dans la ville.
Puis, l’Union des pasteurs fit pression sur la Compagnie d’électricité et décida les propriétaires à couper le courant électrique et à refuser d’en fournir pour la projection du “Drame”. Il restait à soumettre M. Taylor, le propriétaire de l’Opéra. L’influence de l’Union fut telle, que M. Taylor arracha lui-même les affiches qui, sur ses ordres, avaient été placées sur les divers panneaux. Là-dessus, le responsable du Photo-Drame se rendit auprès du juge Beavours, le procureur de la ville, pour demander son intervention. C’était un “homme de loi de la vieille école”, prêt à combattre pour le droit. Il avisa immédiatement la Compagnie d’électricité et les fonctionnaires de la ville qu’il allait porter l’affaire devant le tribunal pour obtenir un arrêt qui les empêcherait de faire un usage illégal de leur pouvoir.
Cette démarche effraya les fonctionnaires de la ville et la Compagnie d’électricité. Les pasteurs jetèrent du lest et décidèrent que, désormais, ils ne chercheraient plus à empêcher la présentation du Photo-Drame. Le maire fit dire à M. Nicholson: “Vous pouvez continuer, mais surtout ne vous en prenez pas à nous, ni aux pasteurs.” Ces messieurs appréhendaient la réaction du public qui irait voir les projections et apprendrait alors combien celles-ci avaient été dénigrées. Les gens vinrent et furent enchantés. Certains déclarèrent: “Nous ne comprenons pas pourquoi les pasteurs s’y sont opposésa!”
THOMAS: On dirait que vous avez eu bien des ennuis pendant ces années-là! Pensez-vous que l’opposition était pire qu’avant 1914?
JEAN: En effet. L’œuvre a atteint son point culminant en 1914. Mais en raison de l’opposition croissante, des railleries et de la dislocation de l’œuvre mondiale, l’activité de prédication des témoins a connu un fléchissement graduel en 1915 et en 1916b.
Le temps de la fin venait de commencer pour les nations de ce monde. Mais le peuple de Jéhovah n’était pas tout à fait préparé à occuper la place qui lui revenait, ni à accomplir l’œuvre que Jéhovah lui réservait. Les témoins allaient en outre subir de nombreuses épreuves qu’ils n’avaient pu prévoir. Ils se trouvaient au seuil d’un temps de deuil et d’opprobre.
[Notes]
a a w 1914, p. 106.
b b The World de New York, 30 août 1914, supplément dominical, pp. 4, 17.
d d w 1914, p. 371.
e e wF 1952, pp. 259, 260.
f f w 1913, p. 319.
g g En avril 1915, au “Trinity Auditorium” pendant quatre soirées. w 1915, p. 143; pour le texte intégral des débats, voir la Tribune de Los Angeles, du 22 au 24 et du 26 avril 1915.
h h w 1915, p. 143.
i i w 1914, p. 372.
j j Ibid., p. 142.
k k w 1914, p. 373.
l l État contre Morris (23 février 1916), 28 Idaho 599; 155 P. 296.
a m A Great Battle in the Ecclesiastical Heavens (1915), par J. F. Rutherford, pp. 12, 13.
b n w 1915, p. 371.
[Illustration, page 57]
MATÉRIEL DE PROJECTION DU PHOTO-DRAME ET DE L’EURÊKA-DRAME.
-
-
Fortifiés pour persévérer et endurerLes témoins de Jéhovah dans les desseins divins
-
-
Chapitre 10
Fortifiés pour persévérer et endurer
LOÏS: Quand le temps de deuil a-t-il commencé pour les témoins?
JEAN: En 1914. C’était là un temps d’opprobre, d’épreuves et de déceptions. Mais Jéhovah n’éprouve jamais son peuple au-delà de ses forces; c’est la raison pour laquelle, à plusieurs reprises, La Tour de Garde a encouragé et exhorté les frères à persévérer avec patience. Ainsi, dans La Tour de Garde (angl.) du 1er janvier 1914, le pasteur Russell a mis en parallèle la situation où se trouvaient les premiers disciples de Jésus et celle des chrétiens qui allaient entrer dans l’année significative de 1914. Voici ce qu’il a dit:
Nous savons que, de ce côté-là, le peuple de Dieu a connu des déceptions. (...) Alors que l’Église [primitive] subissait ses premières persécutions, on croyait que ceux qui souffraient ne tarderaient pas à entrer dans la gloire. On pensait que le Royaume était proche. Parmi ceux qui furent déçus, certains continuèrent à attendre, à espérer et à prier. D’autres organisèrent le grand système papal, et ils déclarèrent que l’Église devait connaître la gloire maintenant (...).
Nous ne pouvons lire les signes des temps avec la même certitude absolue que les données doctrinales, car, dans les Écritures, le temps n’est pas aussi nettement énoncé que les doctrines fondamentales. Nous marchons encore par la foi et non par la vue. Pourtant, nous ne sommes pas sans foi ni incroyants, mais nous croyons et nous attendons. Si, par la suite, il devait s’avérer que l’Église n’a pas été glorifiée d’ici octobre 1914, nous tâcherons de nous contenter de la volonté du Seigneur, quelle qu’elle soit. (...) Nous croyons que la chronologie est une bénédiction. Si elle devait nous réveiller (...) plus tôt le matin que nous ne nous serions éveillés autrement, tant mieux! Ce sont ceux qui demeurent éveillés qui obtiendront la bénédiction. (...)
Si, dans sa providence, le Seigneur faisait venir ce temps vingt-cinq ans plus tard, alors la volonté du Seigneur serait également la nôtre. Cela ne changerait rien aux faits que le Fils de Dieu fut envoyé par le Père, qu’il est le rédempteur de notre espèce, que c’est lui qui est mort pour nos péchés, que c’est lui qui choisit l’Église pour en faire son Épouse, et que la chose qui doit encore venir, c’est l’établissement du glorieux Royaume placé entre les mains de ce grand Médiateur, qui (...) bénira toutes les familles de la terre. Ces faits restent les mêmesa.
En mai, le pasteur Russell s’est de nouveau référé aux prophéties dont on attendait l’accomplissement. Une fois de plus, il a mis ses lecteurs en garde contre le caractère incertain des prophéties chronologiques. Citons encore La Tour de Garde:
Le Seigneur déclare par le prophète David (Psaume 149:5-9, Da): “Que les saints se réjouissent de la gloire, qu’ils exultent avec chant de triomphe sur leurs lits! Les louanges de Dieu sont dans leur bouche, et une épée à deux tranchants dans leur main, pour exécuter la vengeance contre les nations, (...) pour exécuter contre eux le jugement qui est écrit. Cette gloire est pour tous ses saints.” Jusqu’ici nous n’avions pas mis en doute que cette description de la gloire des saints s’applique à ceux qui se trouvent de l’autre côté du voile, après l’accomplissement de la première résurrection. [Il entend après que ceux-ci auront accédé au ciel.] Mais un examen approfondi de ces paroles nous prévient de ne pas être trop sûrs de nous-mêmes quant à une telle supposition. Nous suggérons comme une simple possibilité qu’un temps puisse venir où une partie des saints se trouvera dans la gloire, de l’autre côté du voile, alors que ceux qui sont encore dans la chair, de ce côté-ci du voile, entreront pleinement dans la joie de leur Seigneur et dans la participation de son œuvre. (...)
Mais le mot lits signifierait ici, en harmonie avec l’emploi qui en est fait ailleurs dans la Bible, un repos de la foi, c’est-à-dire que ces saints se trouvaient au repos au milieu de conditions adverses. (...)
De plus, alors que, d’après la prophétie, les louanges de Dieu sont dans leur bouche, ils tiennent dans leur main une épée à deux tranchants. Ici, comme ailleurs, cette “épée à deux tranchants” est évidemment la Parole de Dieu. Nous avons de la peine à nous figurer que les saints de l’autre côté du voile se servent de la Parole de Dieu. Cela semble indiquer, au contraire, que les saints décrits dans le passage biblique se trouvent de ce côté-ci du voile et se servent de l’épée de l’esprit, qui est la Parole de Dieu, tout en faisant retentir les louanges de Dieu pour ôter de son nom le déshonneur dont il a été entaché par l’ignorance, la superstition et les croyances de l’âge des ténèbresb.
L’ŒUVRE DIVINE SE POURSUIVRA PROGRESSIVEMENT
Au début de l’année suivante, Russell s’est de nouveau référé au Psaume 149, en ces termes:
L’expression “pour exécuter contre eux le jugement qui est écrit” (...) paraît indiquer que les saints, de ce côté-ci du voile, ont une mission à remplir à l’égard du jugement qui va être exécuté sur les nations. Quelle est la portée exacte de ce texte à ce sujet, nous ne le savons pas encore. Rien, dans ce passage, ne s’oppose à la pensée d’après laquelle l’œuvre proprement dite du Royaume du Seigneur a commencé à s’accomplir; l’ébranlement des nations actuelles est, croyons-nous, dirigé par le Royaume. (...)
Nous estimons que, jour après jour, nous devons examiner les preuves qui s’ajoutent successivement, nous permettant de voir que les temps des nations sont expirés et que l’œuvre du Royaume de Dieu a commencé. (...) Dans le grand jour actuel du Seigneur, tout ce qui est ébranlable sera ébranlé jusqu’à sa ruine complète; car rien de ce qui est inique et indigne d’exister ne subsistera. C’est Dieu lui-même qui est l’auteur de l’ébranlement généralc.
Dans La Tour de Garde (angl.) du 1er novembre 1914, Russell insiste une fois de plus sur la patience. Il écrit:
Notre Seigneur nous fait voir qu’à sa seconde venue tous ses serviteurs qui auront le cœur bien disposé entendront quand il frappera à la porte; s’ils lui ouvrent immédiatement, il entrera et soupera avec eux. (...)
Lorsque parut l’année 1875, est-ce que tout fut accompli dans l’espace de 24 heures? Évidemment pas. Tous les véritables chrétiens s’éveillèrent-ils à la même minute? Ne se sont-ils pas plutôt éveillés tout au long de la moisson? Quelques-uns d’entre nous se sont même éveillés depuis peu de temps; (...)d.
Puis, après avoir passé en revue les nombreux événements qui ont marqué la période de quarante ans de moisson qui a précédé 1914, Russell poursuit:
Nous n’entrerons pas dans de plus amples détails, nous désirons simplement faire voir que ces prophéties ne se sont pas accomplies soudainement, mais graduellement, qu’elles commencèrent à une époque marquée et que leur accomplissement était certain. Que devons-nous penser du futur si on tient compte des enseignements du passé? (...)
Devons-nous penser que le Seigneur allait paraître à l’instant précis où les temps des nations étaient expirés? Certes pas. La Bible nous dit que “Jésus apparaîtra (...) au milieu d’une flamme de feu”. Combien de temps s’écoulera-t-il exactement après la période ci-dessus mentionnée jusqu’au moment où Christ se révélera au milieu d’une flamme de feu, nous ne le savons pas. (...)
L’œuvre de la moisson pendant la présence (parousia) de notre Seigneur s’est poursuivie progressivement jusqu’à aujourd’hui pendant quarante ans; si maintenant le temps de la fin [doit se dérouler] peu à peu, quelle doit être la durée de la période pendant laquelle les institutions actuelles seront abolies et le présent ordre de choses condamné et détruit pour faire place au règne de la justice? D’après ce que nous venons de voir, nous pensons que cette période de transition durera un bon nombre d’annéese.
Enfin, dans l’édition anglaise du 15 décembre 1914, le pasteur Russell cite I Thessaloniciens 5:4, 5, et y ajoute les commentaires encourageants que voici:
Dieu a promis qu’il donnerait, à ses vrais enfants, la lumière au temps marqué, et que ceux-ci auraient la joie de comprendre son Plan au moment propice. (...) Même si le temps où nous serons changés n’arrivait pas d’ici dix ans, que devrions-nous demander de plus? Ne sommes-nous pas un peuple béni et bienheureux? Notre Dieu n’est-il pas fidèle? Si quelqu’un connaît quelque chose de mieux, qu’il l’accepte. Si jamais quelqu’un d’entre vous trouvait quelque chose de mieux, nous espérons qu’il ne manquerait pas de nous le faire savoir. Nous, nous ne connaissons rien de mieux, ni rien qui vaille la moitié de ce que nous avons trouvé dans la Parole de Dieuf.
DU TRAVAIL POUR TOUS
Le pasteur Russell ne se contentait pas d’exhorter les frères à persévérer avec patience, mais il les encourageait également à rester actifs dans le service divin et à s’acquitter assidûment de la tâche qui leur incombait. Au début de 1915, il écrit dans La Tour de Garde:
Quelques enfants de Dieu croient que la porte est fermée, qu’il n’est plus possible de servir le Seigneur, aussi, ils négligent son œuvre. Nous n’avons pas de temps à perdre en nous imaginant que la porte est fermée. Il y a des gens qui cherchent la vérité et qui sont dans l’obscurité. Aucune époque n’a été comparable à ce temps-ci: jamais autant de personnes n’ont été disposées à entendre le bon message. Pendant les quarante ans du temps de la moisson, on n’a jamais eu des occasions de proclamer la vérité comme maintenant. La formidable guerre actuelle et les signes significatifs des temps réveillent les gens et ces derniers commencent à s’informer de ces choses. Les enfants du Seigneur doivent donc être très vigilants et faire tout leur possible pour accomplir la tâche qu’ils ont devant euxg.
Sans cesse encouragés, les témoins de Jéhovah avaient alors toute raison de rester inébranlables et de porter leurs regards pleins d’assurance vers les années à venir. C’est ce que beaucoup d’entre eux ont d’ailleurs fait. Cependant, l’opposition déjà croissante allait encore s’intensifier. Même si c’était là un temps de grandes épreuves, ceux qui étaient vigilants et désireux de faire la volonté divine ne manquaient pas d’encouragements pour rester fermes et inébranlables en prévision des bénédictions encore en réserve.
Le pasteur Russell était lui-même persuadé que le peuple de Dieu allait au-devant d’une grande œuvre. Ceux de ses proches collaborateurs encore en vie se plaisent à raconter combien son regard perspicace pénétrait l’avenir. Russell leur disait de se tenir prêts à recevoir ceux qui viendraient grossir les rangs. Pour consolider l’organisation, il a lui-même procédé à certains changements et en a recommandé d’autres pour quand il ne serait plus là. Il savait que le jour viendrait où tous les frères ne pourraient plus se réunir en une seule congrégation à Brooklyn, mais où ils se réuniraient alors en de nombreuses congrégations dans tous les quartiers de New York. En revanche, Russell ne se doutait guère par où il faudrait encore passer avant que ne puisse s’accomplir la grande œuvre qu’il avait prévue.
Alors que l’année 1915 touchait à sa fin et que commençait 1916, il sentait qu’il ne lui restait plus beaucoup de temps à consacrer à son ministère personnel auprès du troupeau de Dieu. Sa santé déclinait rapidement, et il lui était de plus en plus difficile de s’acquitter des nombreuses tâches qui le sollicitaient de toutes parts. Mais il ne s’inclinait pas. Presque tout seul, il avait pu tenir tête au monde religieux de la chrétienté, grâce à la vigueur de son caractère et à la fermeté de sa foi chrétienne. C’est surtout au début de son ministère que ces qualités lui ont permis, avec l’aide de l’esprit de Dieu, de résister à toutes les influences corruptrices venues du sein de l’organisation. Et à présent, ces mêmes qualités le soutenaient et l’empêchaient de s’écarter, au terme de sa vie, du service de Jéhovah qui lui était si cher.
En automne 1916, sa santé était devenue extrêmement précaire. Russell tenait néanmoins à effectuer la tournée de conférences prévue en Californie et dans le littoral du Pacifique. Avec son compagnon, il a quitté New York le lundi 16 octobre pour se rendre à Chicago en passant par le Canada et la ville de Detroit. Puis, tous deux ont traversé le Kansas pour descendre jusqu’au Texas. À plusieurs occasions, le secrétaire et compagnon de voyage de Russell a dû prendre la parole à sa place. Enfin, le mardi soir 24 octobre, à San Antonio, au Texas, le pasteur Russell a prononcé sa dernière conférence publique. Par trois fois, il a été obligé de quitter l’estrade pendant quelques instants et de laisser à son secrétaire le soin de continuer.
DÉCÈS DE CHARLES TAZE RUSSELL
C’est à Los Angeles, en Californie, qu’il a pris la parole pour la dernière fois, le 29 octobre 1916, pour parler aux frères. Il était alors si faible qu’il a été obligé de prononcer son discours assis. Se rendant compte que sa santé ne lui permettrait pas d’aller plus loin, il s’est décidé à annuler ses autres engagements et à rentrer au Béthel de Brooklyn aussi vite que possible. Il devait toutefois mourir en route à Pampa, au Texas, le mardi 31 octobreh.
Voici l’avis annonçant sa mort, tel qu’il a paru dans La Tour de Garde (angl.) du 15 novembre 1916:
La mort subite du pasteur Charles Taze Russell, rédacteur de LA TOUR DE GARDE, a causé une profonde émotion chez les nombreux amis qu’il comptait dans le monde entier. Les centaines de lettres et de télégrammes reçus prouvent combien étaient grands l’amour et l’estime qu’on lui rendait. Tous expriment le vif désir de contribuer à la poursuite de la grande cause qu’il avait défendue pendant tant d’années.
Frère Russell quitta Brooklyn le soir du 16 octobre pour remplir des engagements dans l’Ouest et le Sud-Ouest, mais, pour cause de maladie, il fut obligé de reprendre le chemin du retour avant la date prévue.
Il décéda à Pampa, au Texas, à bord du train de Santa-Fé. Frère Menta Sturgeon, qui l’avait accompagné dans ce voyage en qualité de secrétaire, télégraphia cette nouvelle au siège central de la WATCH TOWER BIBLE AND TRACT SOCIETY à Brooklyn, et ajouta: “Il mourut en héros.”
Son corps fut exposé le samedi au Béthel et au “Temple” pendant toute la journée du dimanche.
L’après-midi à 14 heures, le service funèbre fut célébré pour la congrégation, tandis que le soir un service eut lieu pour le public.
Vers minuit, son corps fut transféré à Allegheny, en Pennsylvanie, pour être exposé au Carnegie Hall où, le lundi après-midi à 14 heures, un service funèbre fut célébré par la congrégation de Pittsburgh, dont frère Russell avait été pasteur titulaire pendant de nombreuses années.
Selon son vœu, l’enterrement eut lieu dans les cimetières réunis de Rosemont, à Allegheny, dans la parcelle appartenant à la famille du Béthel.
Nous sommes heureux à la pensée que, au lieu de dormir dans la mort, comme les saints du passé, il est du nombre de ceux dont il est dit que “leurs œuvres les suivent”. Il a rencontré notre bien-aimé Seigneur dans les airs, celui qu’il a tant aimé au point de donner sa vie fidèlement dans son servicei.
Ainsi a pris fin la longue carrière de ce ministre chrétien vraiment dynamique et fidèle. Peu d’hommes ont connu les privilèges de service dont a joui le pasteur Russell et dont il ne s’est pourtant jamais attribué le mérite. Quant aux témoins de Jéhovah, ils n’honorent pas non plus sa personne, mais ils reconnaissent que son service fidèle et sa vie intègre à travers toutes sortes d’épreuves fournissent un récit encourageant que tout le monde ferait bien de considérer. En sa qualité de premier président de la Watch Tower Bible and Tract Society, C. T. Russell a été au service des témoins de Jéhovah pendant trente-deux ans. On dit qu’il a parcouru presque deux millions de kilomètres en tant que conférencier et qu’il a prononcé plus de 30 000 sermons. Ses livres comptent plus de 50 000 pages au total. Certains mois, il dictait jusqu’à mille lettres. Il dirigeait lui-même chaque service d’une œuvre d’évangélisation mondiale qui employait 700 prédicateurs. Enfin, il a élaboré le Drame biblique le plus extraordinaire que l’on ait jamais vuj.
LOÏS: Vraiment, il est étonnant qu’un seul prédicateur et éditeur ait pu accomplir tant de choses. Il n’est pas difficile de comprendre qu’il se soit épuisé dans une œuvre aussi astreignante. Voilà un homme digne d’admiration. J’imagine que sa mort a dû laisser un grand vide dans l’organisation.
JEAN: En effet, sa perte a été durement ressentie pendant quelque temps. Hors du service funèbre, plusieurs de ses proches amis et collaborateurs ont souligné combien cette perte était grande. Voici l’hommage que J. F. Rutherford a rendu à Russell, dans son discours funèbre:
Homme de cœur entièrement dévoué au Seigneur, ayant une constitution robuste et un cerveau fertile, il consacra toutes ses forces à prêcher aux hommes le grand message du Royaume du Messie et les bénédictions que celui-ci apportera au mondek.
UNE DESCRIPTION IMPARTIALE
Les hommes de la chrétienté n’approuvaient pas cet hommage rendu au pasteur Russell. Certains de ses ennemis l’ont haï après sa mort presque autant que de son vivant. Ils ont été si implacables dans leurs attaques contre lui que son nom est encore entaché de préjugés. Néanmoins, les faits sont là pour parler en sa faveur. C’est ce qui ressort de cette description impartiale rédigée quarante ans après sa mort:
Il y a de quoi s’étonner qu’aucune histoire de Pittsburgh n’ait jamais mentionné le nom de Charles Taze Russell, car aucun homme de cette ville, pas même Andrew Carnegie, n’a exercé une influence aussi puissante que la sienne. (...)
Il a fondé le seul grand mouvement religieux qui ait fait son apparition dans le district de Pittsburgh au cours des cent dernières années, mouvement qui a atteint une portée mondiale et qui, dans de nombreux pays, représente encore l’une des organisations religieuses au plus fort accroissement. (...)
Le pasteur Russell, (...) un nom aussi sincèrement aimé et aussi implacablement haï comme il n’y en a guère dans l’histoire des États-Unis.
Pendant des années, ce nom a fait l’objet des controverses les plus acharnées qui aient jamais divisé le monde chrétien, et ces controverses persistent encore, quoique son nom ne revienne plus si souvent dans les discussions. (...)
Tout au long de sa vie, il avait dit à ses disciples de ne voir en lui qu’un des leurs, guidé par Dieu. Et il leur enseigna si bien cela que son œuvre passa entre les mains d’autres hommes sans marquer à peine un temps d’arrêt. Quant à la maison d’édition fondée par le pasteur Russell, elle ne publia jamais de biographie de luil.
LOÏS: Le fait que le monde cherche à ignorer le nom de Russell parle peut-être en sa faveur. Tous les serviteurs de Dieu des temps anciens semblent avoir eu bien peu d’importance aux yeux du monde, et pourtant leurs œuvres subsistent. Certes, le pasteur Russell ne semble pas échapper à la règle. Mais n’avez-vous vraiment jamais publié de biographie de lui?
JEAN: Non. Voyez-vous, les témoins de Jéhovah admirent les qualités que le pasteur Russell possédait en tant qu’homme, mais lui rendre honneur serait lui attribuer également le mérite du succès de l’œuvre. Or, pour eux, c’est l’esprit divin qui guide et qui dirige le peuple de Dieu.
Cette attitude a été une pierre d’achoppement pour certains. Car ce sont précisément les qualités que Russell possédait, et que beaucoup de membres de l’organisation admiraient alors tellement, qui allaient devenir une véritable épreuve pour eux, au point de les faire échouer dans leur persévérance et de leur faire chercher l’occasion de se dresser contre le successeur de Russell, c’est-à-dire contre le nouveau président de la Société Watch Tower, J. F. Rutherford, et contre la Société elle-même.
-