Ma vie dans l’organisation dirigée par l’esprit de Jéhovah
Par Albert Schroeder
LE PREMIER dimanche de juin 1934, Alex Jones et moi prêchions de porte en porte à Jersey City, dans le New Jersey (États-Unis). Tout à coup, des policiers ont fait irruption dans l’immeuble où nous nous trouvions. Ils nous ont arrêtés, nous ont poussés brutalement dans une voiture et nous ont emmenés en prison.
Trois jours plus tard, un juge nous a déclarés coupables de colportage sans licence et nous a condamnés à dix jours de prison. Arrivés à la prison du comté de l’Hudson, on nous a demandé de nous déshabiller, de prendre un bain désinfectant et de mettre des vêtements de prisonniers. On nous a ensuite dirigés vers une cellule.
Là, j’ai eu le temps de méditer. Je n’avais que 23 ans, et j’étais heureux de servir à plein temps au Béthel de Brooklyn. Laissez-moi vous faire part de certaines de mes réflexions.
Grâce à ma grand-mère
J’ai des souvenirs particulièrement émus de ma grand-mère maternelle, Elizabeth Darger. Ses parents avaient émigré d’Allemagne aux États-Unis peu avant 1870. Elle enseignait l’allemand et l’anglais, et elle vivait avec mes parents luthériens et moi à Saginaw, ma ville natale, dans le Michigan. Pendant la Première Guerre mondiale, elle et ses sœurs, qui étaient aussi enseignantes, se sont associées aux Étudiants internationaux de la Bible, que l’on appelle aujourd’hui les Témoins de Jéhovah.
Mes parents exigeaient que j’assiste à l’école du dimanche, catéchisme organisé par l’Église luthérienne, mais ils avaient autorisé grand-mère à me parler de ses merveilleuses croyances bibliques. Elle lisait la Bible en latin et en grec, et elle a suscité en moi le désir d’étudier ce livre dans les langues originales. Je me souviens très bien des passionnantes discussions bibliques qu’elle avait avec mes grands-tantes au sujet du Royaume de Dieu qui va bientôt dominer la terre, selon Daniel 2:44.
En 1923, grand-mère s’est mise à étudier avec moi le livre La Harpe de Dieu, publié par la Société Watch Tower, et je l’ai aussi accompagnée aux réunions de la congrégation de Saginaw. Dans ma cellule, je pensais à ces réunions, aux émissions que nous écoutions sur la WBBR, la station de radio de la Société Watch Tower émettant depuis Brooklyn (New York), et à d’autres moments semblables qui ont été déterminants pour moi.
Par exemple, je me rappelais avoir entendu à la radio un discours que le juge Joseph Rutherford, président de la Société Watch Tower, avait prononcé à l’occasion de l’assemblée des Étudiants de la Bible à Toronto (Canada) en 1927. C’est en 1928, à Detroit, dans le Michigan, que j’ai assisté pour la première fois à une assemblée. Là, j’ai écouté frère Rutherford en personne, et j’ai eu la joie d’approuver à haute voix la résolution “Déclaration contre Satan et pour Jéhovah”. Le nouveau livre Gouvernement qui est paru à cette occasion montrait que le Royaume de Dieu est un gouvernement théocratique, et non démocratique.
Quelques réflexions sur ma scolarité
J’ai également réfléchi à ma scolarité. Mes parents ayant insisté, car ils ne voulaient pas que je devienne ministre chrétien à plein temps, j’ai accepté une bourse universitaire. C’est ainsi qu’en septembre 1929 je suis allé à Ann Arbor (dans le Michigan) pour faire des études économiques, linguistiques et techniques.
Mme Judson, ma logeuse, était en contact avec la congrégation des Étudiants de la Bible d’Ann Arbor. À la rentrée d’automne 1930, elle m’a dit qu’un jeune homme très sympathique de l’Alabama (États-Unis) venait d’emménager dans la chambre qui se trouvait en face de la mienne. Elle pensait qu’il réagirait favorablement à “notre message biblique”. Effectivement! William (Bill) Elrod et moi sommes rapidement devenus amis intimes tandis qu’il acceptait les vérités révélées dans la Bible; nous sommes restés très liés jusqu’à maintenant.
Comme nous devions suivre des cours durant l’été 1931, Bill Elrod et moi n’avons pu assister à l’assemblée tenue à Columbus, dans l’État de l’Ohio. Toutefois, le dimanche 26 juillet, nous avons écouté le discours public retransmis à la radio, et nous étions parmi les auditeurs invisibles qui ont accepté avec enthousiasme le nouveau nom magnifique de “Témoins de Jéhovah”.
Sur le campus, à cette époque, on discutait beaucoup du socialisme, du fascisme et du communisme. En octobre 1931, j’étais au milieu des 3 000 étudiants devant lesquels Winston Churchill a prononcé un discours, prônant la démocratie comme étant toujours la meilleure forme de gouvernement. Plus tard, en décembre 1931, Bertrand Russell, mathématicien et philosophe britannique de renom, nous a parlé du pacifisme. Ensuite, c’est Hjalmar Schacht, directeur de la Reichsbank à Berlin (Allemagne), qui a discuté du besoin d’un système économique contrôlé par l’État; en d’autres termes, il a défendu la cause du national-socialisme, ou nazisme. Deux ans plus tard, il était ministre de l’Économie au sein du gouvernement d’Hitler.
Après avoir entendu ces hommes politiques lancer leurs appels, j’étais plus convaincu que jamais que seul le Royaume du Messie pouvait former un bon gouvernement international. Bill Elrod et moi avons donc envisagé d’arrêter nos études le 15 juin 1932 pour nous engager ensemble dans le ministère à plein temps, ce qu’on appelle maintenant le service de pionnier.
Nous sommes devenus pionniers avant d’être baptisés. En effet, à ce moment-là, on n’avait pas encore nettement déterminé si ceux qui avaient l’espérance terrestre devaient ou non se faire baptiser. Cependant, après avoir été baptisé à Vandercook Lake (Michigan) le 24 juillet 1932, il m’est apparu clairement que mon espoir était devenu celui d’un membre oint, ce qu’‘attestait l’esprit’. — Romains 8:16.
Service au Béthel de Brooklyn
Tandis que nous étions pionniers à Howell, le 9 septembre Bill est revenu en courant de la poste en brandissant un télégramme jaune. Celui-ci contenait une invitation de frère Rutherford à se présenter dès que possible au Béthel pour y servir. Il nous a fallu seulement trois jours pour arranger notre départ et faire 1 100 kilomètres jusqu’à Brooklyn dans notre Ford modèle T. Le 13 septembre 1932, nous sommes finalement passés sur le pont de Brooklyn et nous sommes arrivés au Béthel. À cette époque, la famille du Béthel comptait environ 200 membres, la plupart étant des frères oints du Roi.
Après avoir travaillé quelques semaines à l’imprimerie, j’ai été affecté au bureau qui s’occupe du service du champ. C’est Thomas Sullivan, un frère irlandais très aimable, qui en était le responsable. Il nous rappelait toujours, à nous qui étions jeunes, qu’il fallait être sûr de connaître tous les éléments avant de proposer une solution aux problèmes qui se présentaient (Proverbes 18:13). Avec un pétillement dans les yeux, il nous disait: “Pourquoi vous précipiter? Donnez à Jéhovah l’occasion de faire quelque chose, laissez agir son esprit.”
En méditant sur ces événements passés alors que j’étais en prison, je me réjouissais du privilège de souffrir pour la justice, à l’instar de Jésus Christ et de ses apôtres (Jean 15:20; 1 Pierre 4:16). Quand j’y repense, je me rends compte que ces épisodes m’ont formé en vue des privilèges que j’allais recevoir par la suite.
De passionnants éclaircissements
Au début de 1935, environ six mois après ma libération de prison et mon retour au Béthel, nous avions de nombreuses discussions à table au sujet de l’identification de la “grande multitude”. (Révélation 7:9, 13, Bible du roi Jacques.) Certains étaient d’avis qu’il s’agissait d’une seconde classe céleste, selon ce qu’avait dit frère Russell, le premier président de la Société Watch Tower. Les autres affirmaient que la “grande multitude” était composée de ceux qui avaient l’espérance terrestre. Pendant ces discussions, frère Rutherford ne prenait pas position.
Dans le train spécial qui les conduisait à Washington pour assister à l’assemblée prévue du 30 mai au 3 juin 1935, tous les membres du Béthel brûlaient d’impatience. Le deuxième jour de l’assemblée, frère Rutherford a donné cette information saisissante: la “grande multitude” est bien une classe terrestre. Au point culminant de son discours, il a demandé à tous ceux qui avaient l’espérance de vivre éternellement sur la terre de se lever. Près de la moitié des 20 000 assistants se sont levés. Frère Rutherford a alors proclamé: “Regardez! La grande multitude!” Il y eut un bref silence, puis tous poussèrent une exclamation de joie et applaudirent longuement et chaleureusement. Le lendemain, 840 personnes, la plupart ayant l’espérance terrestre, se firent baptiser.
Cet éclaircissement donné en 1935 sur la “grande multitude” allait amener une réorganisation en 1936, afin de préparer la venue des nombreux membres de cette classe. Par exemple, il n’y avait jusqu’alors qu’une seule grande congrégation d’expression anglaise dans toute la ville de New York, mais on a formé plusieurs congrégations et on a nommé surveillants de plus jeunes membres oints, comme moi. Aujourd’hui, on compte 336 congrégations à New York.
Nouvelle affectation
Le jeudi 11 novembre 1937 fut pour moi un jour mémorable. J’avais reçu une note me demandant de me présenter au bureau de frère Rutherford dans l’après-midi, à 15 heures. À l’heure dite, j’étais là, et j’avais peur d’être réprimandé. Nous avons d’abord échangé quelques paroles amicales, puis frère Rutherford m’a demandé si j’accepterais une autre affectation.
“Je veux bien servir là où il y a du besoin”, répondis-je.
Me prenant complètement par surprise, frère Rutherford s’enquit: “Aimerais-tu servir au Béthel de Londres comme surveillant de filiale?
— Mais c’est une grande responsabilité!
— En outre, c’est un aller simple, car tu devras rester là-bas jusqu’après Har-Maguédon. Je te laisse donc trois jours pour prendre ta décision.
— Eh bien, frère Rutherford, je n’ai pas besoin de trois jours. Si telle est la volonté de Jéhovah, j’accepte de partir.
— Je savais bien que tu réagirais ainsi. Frère Knorr a déjà ton billet pour l’Angleterre. Tu embarqueras sur le paquebot Queen Mary qui part mercredi prochain.”
La tête commença à me tourner. “Tu recevras une formation durant les prochains jours”, conclut frère Rutherford.
Quand je suis revenu au bureau qui s’occupe du service du champ, situé dans l’imprimerie, frère Knorr s’est mis à rire en voyant mon air abasourdi. Il savait ce qui venait de se passer. Nathan Knorr était responsable de l’imprimerie, et il s’était rendu en Angleterre avec frère Rutherford quelque temps auparavant. Il a immédiatement commencé à m’apprendre comment diriger une filiale. Quelques jours plus tard, je suis retourné voir frère Rutherford afin de poursuivre ma formation.
Sur la base de Michée 6:8, frère Rutherford m’a conseillé ‘d’agir avec justice, de rester fermement attaché à la ligne de conduite fixée par l’organisation, de respecter les exigences bibliques, d’obéir promptement et de ne pas remettre les choses au lendemain. Également de me montrer bon envers les frères, de prêcher régulièrement de porte en porte et de marcher humblement avec Dieu’. Il m’a dit que l’œuvre stagnait dans le territoire britannique parce que les précédents surveillants de filiale ne soutenaient pas pleinement l’activité de prédication. Il a conclu en insistant sur ce point: “Encourage une plus grande participation au ministère. La Grande-Bretagne a besoin de 1 000 pionniers, alors qu’elle n’en a que 200.”
Arrivée en Angleterre
Quand le Queen Mary a accosté à Southampton, j’ai pris le train pour Londres, puis le taxi jusqu’à la filiale de la Société Watch Tower qui était située depuis 26 ans au 34 Craven Terrace, Lancaster Gate, à Londres. Le vice-président de l’Association internationale des Étudiants de la Bible m’a reçu cordialement. Je lui ai remis une lettre de frère Rutherford l’autorisant à décharger de ses fonctions le surveillant de filiale et à signaler à la famille du Béthel que je le remplaçais. Cela fut fait au déjeuner, et les 30 membres du Béthel m’ont accueilli chaleureusement.
Avec le temps, j’ai fait la connaissance de nombreux surveillants de filiale et d’autres membres des Béthels d’Europe. Ces chrétiens oints donnaient loyalement l’exemple dans l’activité de prédication malgré les obstacles qui se dressaient devant eux à l’époque d’Hitler. Parmi eux, il y avait Martin Harbeck, responsable en Suisse, Charles Knecht en France, Fritz Hartstang aux Pays-Bas, Johan Eneroth en Suède, William Dey au Danemark, et le courageux Robert Winkler qui dirigeait l’œuvre clandestine en Allemagne. Par tous les moyens que prévoient les Écritures, ces hommes de foi intrépides ont résisté aux dures persécutions nazies.
La visite de frère Rutherford
En 1938, l’année précédant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, les Britanniques avaient bien développé la transmission radiotéléphonique transocéanique. Les ingénieurs acceptèrent de relier quatre continents lors d’une assemblée spéciale tenue à Londres du 9 au 11 septembre. Pour la circonstance, on loua le Royal Albert Hall, l’une des plus grandes salles de Londres. Un groupe de frères, dont Nathan Knorr, arrivèrent avec frère Rutherford plusieurs semaines à l’avance afin d’apporter leur aide dans les préparatifs.
Pour annoncer le discours public, on organisa des défilés d’hommes-sandwichs. Avant la première marche publicitaire, frère Rutherford demanda à me voir. Tandis que nous discutions de l’assemblée, il griffonnait avec son stylo, ce qui lui arrivait parfois quand il parlait avec quelqu’un. Il détacha du bloc la feuille sur laquelle il avait écrit quelques mots et me la tendit. “Que penses-tu de ça?” me demanda-t-il.
“LA RELIGION EST UN PIÈGE ET UNE ESCROQUERIE”, avait-il écrit.
“Cela semble très hardi”, répondis-je.
“Il faut que ce soit frappant”, dit-il. Il demanda alors qu’on inscrive ce message sur les affiches, à temps pour la première marche publicitaire devant annoncer l’assemblée, le mercredi soir. Le jour dit, Nathan Knorr et moi conduisions une file de près de mille frères sur 10 kilomètres dans le centre de Londres.
Frère Rutherford m’appela à son bureau le lendemain matin pour savoir comment cela s’était passé. “Beaucoup nous ont traités de communistes ou d’athées et ont fait d’autres remarques hostiles”, ai-je expliqué. Après avoir réfléchi quelques minutes, il prit une feuille sur laquelle il écrivit le slogan qu’il suggérait: “SERVEZ DIEU ET CHRIST, LE ROI.” Il pensait qu’en mêlant des affiches portant ces mots parmi les autres on pourrait supprimer les réactions ironiques. C’est effectivement ce qui se produisit. L’assemblée tenue en cette année 1938 s’est achevée sans encombre. Les principales sessions du samedi et du dimanche, dont le discours clé “Face aux réalités”, furent retransmises dans 49 autres villes du monde anglophone où des assemblées se tenaient simultanément.
Après l’assemblée, un cours fut donné aux surveillants de filiale d’Europe. Durant cette session, frère Rutherford me reprit sévèrement pour le manque de formation des frères du service d’accueil. Cette réprimande me donna les larmes aux yeux. Plus tard, William Dey, du Danemark, me réconforta en privé. Il me dit que frère Rutherford se servait de moi pour les instruire tous indirectement. C’était exactement cela! Le lendemain, frère Rutherford, qui aimait faire la cuisine, nous a tous invités à un repas spécial qu’il avait préparé. Nous avons vraiment apprécié l’agréable compagnie fraternelle.
Durant la Seconde Guerre mondiale
Le 1er septembre 1939, Hitler envahit la Pologne, et le dimanche 3 septembre, la Grande-Bretagne déclara la guerre à l’Allemagne. Des milliers de Témoins étaient allés prêcher ce matin-là en proposant, ce qui était tout à fait approprié, le livre Salut qui venait de paraître. À chaque porte, les gens étaient bouleversés; des femmes pleuraient. Nous réconfortions ces personnes au moyen des Écritures, et nous avons tous manqué de publications bibliques.
Le mois suivant, nous avons reçu à l’avance un exemplaire de La Tour de Garde (anglaise) du 1er novembre 1939, qui contenait un article intitulé “Neutralité”. Exactement au bon moment, il faisait ressortir ce que disait la Bible concernant la position des vrais chrétiens durant les conflits du monde (Jean 17:16). Des centaines de nos frères et sœurs anglais n’ont pas tardé à être arrêtés et emprisonnés.
La bataille d’Angleterre, la guerre aérienne qui se livrait au-dessus de la Grande-Bretagne, s’intensifia à la fin de 1940 et se poursuivit en 1941. Cinquante-sept nuits de suite, Londres a été bombardée, et chaque fois pendant 14 heures d’affilée le sifflement des bombes déchirait l’air. De violents incendies se déclaraient un peu partout. Vingt-neuf bombes sont tombées dans un rayon de 500 mètres autour du Béthel. La grande Salle du Royaume attenante au Béthel a été touchée par des bombes incendiaires, mais les membres du Béthel bien entraînés ont rapidement éteint le feu.
La guerre imposait des restrictions de toutes sortes, dont le rationnement alimentaire et la limitation des déplacements. Pourtant, nous avons maintenu et même augmenté notre participation à la prédication de maison en maison. En 1937, il y avait 4 375 proclamateurs en Grande-Bretagne, mais en 1942 leur nombre atteignait 12 436. Quand je suis arrivé en Angleterre en 1937, on comptait 201 pionniers, mais en 1942 ils étaient 1 488. À coup sûr, Jéhovah a abondamment béni l’œuvre accomplie par les premiers prédicateurs. Aujourd’hui, quelque 50 ans plus tard, il y a plus de 109 000 proclamateurs du Royaume en Grande-Bretagne, dont plus de 6 000 pionniers permanents.
Grâce à l’aide de l’esprit de Jéhovah, nous avons réalisé du 3 au 7 septembre 1941 ce que des fonctionnaires jugeaient “impossible”. En pleine guerre, nous avons organisé la plus grande assemblée des Témoins de Jéhovah ayant jamais eu lieu en Grande-Bretagne. Plus de 12 000 personnes se sont réunies au De Montfort Hall et sur les terrains adjacents, à Leicester. On a utilisé la même salle lors de l’assemblée annuelle de la Société, en 1983. Les plus de trois mille assistants ont alors pensé à l’assemblée qui s’y était tenue pendant la guerre, en 1941.
Durant la guerre, le bureau de la filiale de Londres est devenu un centre de réfugiés. Le téléphone sonnait continuellement. On a créé un fonds de secours qui permettait aux frères dont les maisons avaient été bombardées de bénéficier d’une aide immédiate. Des frères venus de Pologne, d’Allemagne, de Norvège, de France, de Belgique, des Pays-Bas et d’ailleurs se réfugiaient à Londres, où ils trouvaient une main secourable. Beaucoup d’entre eux sont devenus pionniers en Grande-Bretagne.
Persona non grata
À partir du 8 décembre 1941, date à laquelle les États-Unis sont entrés en guerre, je n’ai plus bénéficié de l’exemption d’incorporation dans l’armée britannique qui m’avait été accordée parce que j’étais citoyen américain. En raison de ma neutralité chrétienne, je ne pouvais me soumettre aux divers ordres militaires émis par le gouvernement britannique. Finalement, le 6 mai 1942, le gouvernement m’a averti que j’étais persona non grata et m’a ordonné par conséquent de retourner aux États-Unis. Le 1er août, le quotidien londonien Daily Herald a fait paraître en première page ma photo illustrant un article intitulé “Ils lui ont dit de rentrer chez lui”.
Le lundi 24 août 1942 au matin, deux policiers m’ont arrêté pour m’expulser du pays. Ils m’ont emmené en train à Glasgow, en Écosse, et j’ai passé la nuit dans la prison Barlinni, construite au Moyen Âge. Le lendemain, on m’a escorté à bord du navire britannique S.S. Hilary, où je suis resté sous bonne garde. Il a fallu 13 jours pour que notre convoi de 52 navires traverse l’Atlantique en zigzaguant dans le but d’éviter les sous-marins allemands. Échappant à leurs torpilles, nous sommes parvenus sains et saufs à Halifax, au Canada. J’étais libre à présent, et le lendemain j’ai pris le train pour New York, où je suis arrivé le 10 septembre.
Annonce remarquable d’une période de paix
J’ai éprouvé une grande joie en retrouvant les nombreux frères chaleureux au Béthel de Brooklyn. J’étais là à temps pour assister à l’assemblée historique de Cleveland, dans l’État de l’Ohio, tenue du 18 au 20 septembre 1942. Frère N. Knorr, le nouveau président de la Société, y a prononcé le discours “La paix de demain sera-t-elle de longue durée?” qui jeta une lumière nouvelle sur Révélation 17:8. Il a annoncé que les Alliés remporteraient la guerre et qu’une nouvelle “bête pour la paix” se lèverait. C’est exactement ce qui se produisit quand, après la fin de la guerre en 1945, l’Organisation des Nations unies fut instituée.
L’École biblique de Galaad
Après l’assemblée annuelle de la Société Watch Tower qui eut lieu le 1er octobre 1942, frère Knorr nous fit venir, Maxwell Friend, Eduardo Keller et moi, dans son bureau. Il nous dit qu’il avait été décidé le matin même de créer une école biblique pour former des missionnaires dans la Ferme du Royaume à South Lansing (État de New York). Je serais secrétaire de l’école et président du comité qui allait l’organiser. Nous avons travaillé en compagnie de frère F. Franz pour préparer ces excellents cours bibliques. Ainsi a commencé une longue période d’heureuse coopération pour favoriser les progrès de l’instruction biblique.
Le lundi 1er février 1943, au matin, a eu lieu l’inauguration officielle par frère Knorr de ce qu’on appelle maintenant l’École biblique de Galaad. Après l’inauguration, les cours ont commencé dans quatre salles accueillant chacune 25 étudiants. Cette instruction chrétienne poussée s’étalait sur 20 semaines, et le principal manuel utilisé était la Bible.
Quels mois, quelles années heureuses j’ai passées à approfondir la Bible! Ainsi que les autres instructeurs dévoués, je suis très reconnaissant que Jéhovah m’ait accordé le privilège d’enseigner et de motiver des élèves qui aiment Dieu et son œuvre. En 1960, 3 700 élèves venus de 70 pays avaient suivi les cours de l’École de Galaad.
Mariage
En 1955, alors que j’assistais aux assemblées du “Royaume triomphant” en Europe, j’ai retrouvé Charlotte Bowin, qui avait fait partie de la première classe de Galaad en 1943. Elle était depuis douze ans un missionnaire fidèle dans des territoires d’expression espagnole, dont le Mexique et le Salvador. Elle assistait aux assemblées en Europe avec sa compagne Julia Clogston. Ses parents avaient été membres de la famille du Béthel de Brooklyn lorsqu’ils étaient célibataires, à l’époque de frère Russell. Puis, après leur mariage, Martin Bowin était devenu surveillant itinérant jusqu’à la naissance de Charlotte en 1920.
En janvier 1956, Charlotte est entrée au Béthel et a été affectée à la Ferme du Royaume. Nous nous sommes mariés en août 1956. Lorsque nous avons appris qu’elle était enceinte, nous avons été consternés, pensant que cela signifiait la fin de notre service à plein temps. Toutefois, frère Franz nous encouragea, disant: “Vous n’avez pas péché en produisant le fruit du ventre. Prenez courage! Peut-être Jéhovah fera-t-il que d’une manière ou d’une autre vous restiez dans le service à plein temps.”
C’est en effet ce qui se produisit. J’ai pu continuer d’assumer mes responsabilités à l’École de Galaad. Nous nous sommes d’abord installés dans un petit appartement que nous louions, et en 1962 nous avons emménagé dans une maison neuve à environ 1 500 mètres de l’école. C’est donc à South Lansing que notre fils Judah Ben, né en février 1958, a passé les premières années de sa vie.
Nous essayions constamment d’éduquer Judah Ben en appliquant les principes bibliques, ce qui nous a procuré beaucoup de joie (Éphésiens 6:1-4). Nous l’encouragions à mettre en pratique Michée 6:8, tout comme je cherchais à le faire dans ma vie. Plus tard, Judah Ben a fait partie pendant 12 ans de la troisième génération de membres du Béthel dans la famille. En juin 1986, il a épousé Amber Baker, une charmante sœur pionnier. Ils sont maintenant pionniers dans le Michigan.
L’école pour les anciens
À l’assemblée de 1958, au Yankee Stadium, frère Knorr annonça l’ouverture d’une école pour les anciens, l’École du ministère du Royaume. Le 9 mars 1959, la première classe de 25 étudiants a suivi les quatre semaines de cours à la Ferme du Royaume, où se tenait l’École de Galaad. Quand cette dernière a été transférée à Brooklyn en septembre 1960, l’École du ministère du Royaume est restée à la Ferme du Royaume, où nous pouvions former une centaine d’anciens chaque mois. Je me suis aperçu que le fait d’avoir moi-même un enfant me donnait un avantage pour enseigner les chefs de famille présents à la nouvelle école.
En 1967, cette école a été transférée au Béthel de Brooklyn. Plus tard, en 1968, on l’a déplacée à Pittsburgh où, jusqu’en 1974, des milliers d’anciens à la conduite exemplaire ont reçu une formation. À partir de 1974, les cours ont été donnés dans différentes Salles du Royaume du pays. Ma femme et mon fils m’ont accompagné dans ces différents endroits. Ils étaient pionniers pendant que j’enseignais à cette école.
Un service royal
En novembre 1974, j’étais à l’École du ministère du Royaume à Saginaw, ma ville natale, quand j’ai reçu une lettre inoubliable du Collège central. J’étais invité à faire partie de ce collège, tandis que ma femme et mon fils seraient membres de la famille du Béthel de Brooklyn. Le 18 décembre 1974, nous sommes donc venus au Béthel, et j’ai pris mes nouvelles fonctions.
Le Collège central travaille dans l’unité en dirigeant les activités des Témoins de Jéhovah sur la terre entière, en publiant la nourriture spirituelle qui nous éclaire progressivement, et en prenant des décisions judiciaires. Il tient chaque mercredi une réunion qui commence par la prière afin de demander la direction de l’esprit de Jéhovah. Il fait un réel effort pour traiter toutes les questions et prendre toutes les décisions en harmonie avec la Parole de Dieu, la Bible.
Étant membre du Collège central, je suis allé visiter différentes filiales comme surveillant de zone. J’ai trouvé très encourageant de constater de près l’unité du peuple de Jéhovah dans tant de pays. J’ai eu aussi la joie de revoir beaucoup de missionnaires diplômés de Galaad, qui œuvrent toujours fidèlement à l’étranger. Vraiment, dans tous les pays, les serviteurs de Jéhovah sont les meilleurs et les plus heureux des gens.
Jéhovah procure simultanément la nourriture spirituelle à tout son peuple par le moyen de La Tour de Garde et d’autres publications bibliques. Tout cela est la preuve que Jésus Christ est notre Roi depuis 1914 et que sous peu il nous conduira victorieusement à travers la “grande tribulation”. Je dirais enfin à tous ceux qui sont jeunes de faire carrière dans le service sacré à plein temps dès maintenant. Vous aussi aurez des privilèges passionnants (Michée 7:7). Je me réjouis du soutien que Jéhovah m’a accordé providentiellement au cours de ces dizaines d’années. Ses bénédictions m’ont rendu véritablement riche (Proverbes 10:22). J’exprime chaque jour ma reconnaissance à Jéhovah pour le privilège que j’ai de le servir dans l’organisation qu’il dirige par son esprit. — Révélation 7:14.
[Illustration, page 12]
Avec mon compagnon Bill Elrod.
[Illustration, page 15]
On m’emmène en train à la prison Barlinni.
[Illustration, page 17]
Avec ma femme Charlotte.
[Photo d’Albert Schroeder, page 10]