La coopération pour la vie
DE NOTRE CORRESPONDANT AU PÉROU
PARMI les théories de l’évolution, celle de Darwin soutien que la vie sous toutes ses formes montre une compétition acharnée, la lutte pour la vie. Beaucoup de biologistes et d’autres savants voient au contraire dans la coopération, l’union et l’harmonie qui règnent entre les différentes formes de vie la clé de leur survie. C’est ainsi que la revue Time, rendant compte du livre publié par L. Thomas, biologiste dans un centre anticancéreux, disait: “Thomas souligne que la tendance la plus évidente dans la nature est à la symbiose, à l’union et à l’harmonie. L’optique post-darwinienne qui voit dans la vie une lutte permanente et meurtrière ne concorde pas avec les faits que Thomas a observés.”
Si l’on s’arrête sur les sources de nourriture dont nous disposons aujourd’hui, il apparaît que leur survie s’explique par la coopération et non par la lutte. Pratiquement tous nos besoins alimentaires sont couverts par une trentaine de plantes et sept sources de viande. Dans chaque cas, les centaines de millions de tonnes de nourriture proviennent de plantes que l’homme a su acclimater ainsi que d’animaux domestiques qui vivent dans des relations uniques et harmonieuses avec l’homme. Sans ces collaborateurs fidèles, les 4 milliards d’humains qui composent la population actuelle ne pourraient survivre. À l’inverse, la majorité des plantes et des animaux domestiques ne survivraient pas sans l’attention et les soins constants de l’homme.
Les plantes et les animaux domestiques
Depuis le début de son histoire, l’homme a pu observer les vertus et les propriétés alimentaires de certaines plantes et de divers animaux. D’ailleurs, la Bible rapporte que le Créateur nous avait montré l’exemple, puisqu’il est le premier Agriculteur. Il planta un beau jardin doté de toute la variété nécessaire pour pourvoir aux besoins alimentaires du premier couple humain (Gen. 2:8, 9). Dans les premières pages de la Bible, on note également que Dieu avait prévu de mettre les animaux domestiques au service de l’homme. La volonté du Créateur à l’égard de l’homme était que celui-ci exerce son empire sur les formes de vie moins élevées et qu’il les exploite sagement pour pourvoir à ses besoins. Dans cette perspective, l’homme pourrait utiliser toutes les formes de vie qui se trouvent sur la terre et coopérer avec elles pour assurer sa survie ainsi que celle de l’infinie variété des plantes et des animaux.
Les relations de l’homme avec les autres formes de vie peuvent se comparer à celles du potier avec l’argile: le potier habile utilise un matériau brut pour façonner des vases de céramique de toutes formes et pour tous usages. De même, l’homme, en sélectionnant et en croisant les êtres vivants, façonne les variétés de plantes et d’animaux qui conviennent à ses besoins. Il est évident que ces organismes recèlent des propriétés qui leur permettent d’être domestiqués par l’homme.
Le mot “domestiquer” est très révélateur quant à ce processus. Il provient d’une racine latine qui signifie “maison”. Domestiquer, c’est donc acclimater une plante ou un animal pour l’usage de sa maisonnée, sous la supervision et les soins directs de l’homme. Il s’établit une relation d’interdépendance entre l’homme d’une part, et les animaux et les plantes d’autre part. L’homme dépend en effet d’eux pour sa survie, mais, en retour, ces animaux et ces plantes dépendent aussi de lui. Il s’agit d’un processus d’organisation de la vie sauvage en conformité avec les intérêts de l’homme.
Pour illustrer de quelle manière ce processus se déroule, examinons de quelle façon une céréale, par exemple le blé, a été acclimatée. Le blé est l’une des premières plantes que l’homme a cultivées. Il ne fait aucun doute qu’il a noté l’intérêt que présentaient les ancêtres sauvages du blé pour son alimentation. Après les avoir moissonnés, il a décidé de les planter et de les cultiver, afin de les récolter plus facilement et avec un meilleur rendement. Cette première étape déboucha sur une sélection qui aboutit à la domestication de la plante.
De nouvelles variétés ne vécurent plus que parce que l’homme les cultivait. Cependant, les plantes cultivées ne sont pas entièrement isolées des variétés sauvages, et, à l’occasion, il se produit des croisements qui quelquefois améliorent la qualité de la plante. L’homme, toujours soucieux d’améliorer ses sources de nourriture, sélectionne les meilleures variétés et les sème. Ce processus se poursuit, avec l’apparition continuelle de nouvelles variétés.
Les quelque 400 millions de tonnes de blé récoltés chaque année dans le monde ne correspondent pas aux variétés que l’on semait dans les temps bibliquesa.
Ces variétés de l’Antiquité étaient ce que l’on appelle des blés à glume, c’est-à-dire qu’ils comportaient une enveloppe interne qu’il fallait briser après la moisson. Avec le temps, l’amidonnier a subi une mutation (modification de sa constitution génétique) telle, que la balle s’ouvre facilement quand on moissonne les épis. Dans le même temps, les épis devenaient plus durs, gardant les grains en place jusqu’à la moisson. Il s’agit là d’une variété de blé qui porte 21 chromosomes, les chromosomes surnuméraires provenant vraisemblablement d’un croisement avec l’ægilops. C’est ce blé, sous une variété ou une autre, qui constitue la majeure partie des variétés récoltées aujourd’hui dans le monde.
Le potentiel génétique
La prodigieuse propriété qu’ont les plantes et les animaux de se prêter à la direction intelligente de l’homme témoigne du potentiel génétique que recèle chaque forme de vie. Prenons un exemple: le chou potager (Brassica oleracea) a produit, sous la direction de l’homme, six plantes domestiques qui apparaissent à notre menu et flattent notre palais. Dans chacun des cas, il a fallu sélectionner les particularités de certaines parties de la plante d’origine. C’est ainsi que l’on a obtenu le chou pommé (en développant les particularités de son bourgeon terminal), le chou-fleur (la fleur), le chou-rave (la tige), les choux de Bruxelles (les bourgeons latéraux), les brocolis (la tige et la fleur) et le chou frisé (les feuilles). C’est d’ailleurs ce dernier qui ressemble le plus au chou potager d’origine.
À mesure que s’accroissaient ses connaissances en biologie, l’homme a aussi amélioré la sélection et la culture de nouvelles variétés de blé, de riz, de maïs, etc. C’est ce que l’on a appelé la “révolution verte”. Par rapport aux variétés qui leur avaient donné naissance, les nouvelles avaient un rendement dix fois supérieur. Il reste néanmoins un risque: celui de dépendre exclusivement de quelques variétés de plantes.
On peut illustrer ce danger par l’exemple de la pomme de terre. Elle a été domestiquée dans l’un des huit centres où l’homme a pratiqué la domestication au cours de son histoire. Cela se passait il y a 1 800 ans, le long de la côte occidentale de l’Amérique du Sud, sur l’altiplano, où l’on en trouve encore aujourd’hui 150 variétés. Après avoir envahi l’Amérique du Sud, les conquistadores espagnols ramenèrent la pomme de terre en Europe, où elle s’acclimata. Avec le temps, la pomme de terre arriva en Irlande, où elle devint l’objet d’une culture intensive. Les Irlandais finirent par en faire leur principale culture et à dépendre d’elle pour leur nourriture. On connaît les résultats, puisqu’une maladie imprévue ravagea les récoltes de 1845 et 1846, provoquant une famine qui obligea nombre d’Irlandais à émigrer.
Outre les raisons alimentaires, l’homme a domestiqué les plantes et les animaux pour bien d’autres motifs. Observez les chevaux, les chats, les chiens, les poissons d’aquarium ainsi que toutes les fleurs. Nombre de ces variétés ont été domestiquées pour satisfaire le besoin de beauté inhérent à l’homme; d’autres ont servi à lui rendre la tâche moins pénible. Le processus se poursuit, puisque de nouvelles variétés apparaissent chaque année. C’est ainsi que l’on a vu récemment apparaître une nouvelle variété de pois, dont la gousse est aussi bonne que le pois proprement dit, si bien que pour beaucoup de gens, la valeur alimentaire des pois va doubler.
Les multiples variétés d’animaux, de poissons, d’oiseaux et de plantes que la domestication a produites ne sont possible que parce que chaque être vivant possède une constitution génétique qui recèle certains caractères cachés, portés par les gènes récessifs (héréditaires, qui peuvent être sélectionnés pour faire apparaître une nouvelle variété. Bien qu’il soit exact que l’on puisse produire de nouvelles variétés, l’homme ne sait pas produire de nouvelles formes vivantes. Quand une espèce s’éteint, tout son patrimoine génétique est perdu, et l’on ne connaît aucun moyen humain de le faire réapparaître. L’homme, qui possède la forme de vie la plus élevée sur notre planète et à qui a été confié le soin de s’occuper des formes de vie inférieures, porte la lourde responsabilité de les préserver ou de les détruire.
La vie sur terre ne se présente donc pas comme une lutte acharnée, mais plutôt comme une coopération harmonieuse. Nos contemporains ont fini par le comprendre et ils s’efforcent dans une certaine mesure de préserver l’écologie de la terre. Il n’en reste pas moins que c’est dans le nouvel ordre de Dieu que l’on observera dans toute sa plénitude la coopération et l’harmonie de toute la création.
[Note]
a Dans l’Antiquité, on cultivait une variété de blé appelée “engrain” (triticum monococcum). L’examen cytologique a révélé qu’il s’agissait d’une plante diploïde. Chaque cellule contient 7 paires de chromosomes. Une autre variété de blé était tétraploïde, avec 14 paires de chromosomes. Ce blé, appelé “amidonnier”, était la variété qui poussait en Égypte jusqu’après la conquête d’Alexandre le Grand au IVe siècle avant notre ère, époque à laquelle il fut remplacé par une nouvelle variété de blé panifiable.
[Illustrations, page 22]
Du chou potager proviennent
Les brocolis
Les choux de Bruxelles
Le chou-rave
Le chou frisé
Le chou pommé
Le chou-fleur