Comment combattre le syndrome de fatigue chronique
DES médecins réunis en colloque s’entretenaient du traitement du syndrome de fatigue chronique dans une émission de télévision lorsque l’un d’eux a dit: “Tous ces patients ont l’air en aussi bonne santé que les personnes ici présentes.” N’ayant pas l’air souffrants, les malades du syndrome de fatigue chronique sont souvent traités d’une manière qui augmente leur détresse.
“À certains moments, je me sens comme Job, dont les compagnons n’étaient pas toujours encourageants”, témoigne Patricia. Un jour, quelqu’un lui a dit: “Mais tu m’as l’air en pleine forme! Je pensais que tu étais vraiment malade. Finalement, tu es comme ma belle-mère: elle aussi, elle est hypocondriaque.”
De telles remarques peuvent faire beaucoup de mal; elles comptent parmi les pires épreuves que doivent endurer les malades du syndrome de fatigue chronique. “Vous ne pouvez pas savoir comme cela fait mal d’être rabaissée parce qu’on n’arrive pas à ‘faire un effort’, explique Betty. C’est ce qu’il y a de plus pénible dans le syndrome de fatigue chronique.”
Le besoin de compréhension et d’amour
Betty exprime peut-être le sentiment de tous les malades du syndrome quand elle dit: “Nous n’avons pas besoin de pitié ni de compassion. Par contre, comme nous aimerions que l’on nous comprenne un peu mieux! C’est vrai que Dieu connaît nos difficultés et notre douleur, et c’est le plus important. Mais nous avons également grand besoin du soutien moral de nos frères et sœurs chrétiens.”
Malheureusement, comme l’a fait remarquer récemment une jeune malade, le syndrome de fatigue chronique reste souvent mal compris. “Je ne demande qu’une chose, c’est que les gens se mettent davantage à notre place, a-t-elle dit; pas qu’ils compatissent, mais qu’ils se mettent à notre place. C’est hélas! impossible parce qu’il n’y en a pas beaucoup qui ont déjà eu affaire à une maladie comme celle-là.”
Pourtant, il ne devrait pas être impossible de comprendre ces malades. Même si nous n’avons jamais été dans leur situation, nous pouvons nous renseigner sur la maladie, afin de saisir à quel point ils sont affectés. Comme l’a expliqué un patient, à la différence du SIDA, qui tue, le syndrome de fatigue chronique “vous donne seulement envie de mourir”. Déborah, qui est tombée malade en 1986, l’avoue: “Pendant longtemps, j’ai prié Dieu toutes les nuits de me laisser mourir.” — Voir Job 14:13.
Parfois, alors que nous voudrions être encourageants et soutenir les malades dans leur combat, nos remarques ont malheureusement l’effet inverse. Par exemple, un visiteur bien intentionné a dit un jour à un malade: “Ce qu’il te faut, c’est boire un peu de lait chaud avant de te coucher. Cela t’aidera à dormir, et tu seras de nouveau sur pied dans quelques jours.” Ce conseil révélait une méconnaissance totale du syndrome de fatigue chronique. Il a fait plus de mal que de bien.
Il arrive fréquemment que les malades estiment au-dessus de leurs forces d’assister aux réunions de la congrégation. Et quand ils sont là, nous n’avons pas toujours conscience de la somme d’efforts que cela leur a demandée. Aussi, au lieu d’évoquer leurs absences précédentes, il est préférable de dire quelque chose comme: “Cela me fait vraiment plaisir de te voir. Je sais que ce n’est pas toujours facile pour toi de venir, c’est pourquoi nous sommes heureux que tu sois là ce soir.” — Voir l’encadré ci-dessus.
Leur système nerveux étant souvent affecté, bon nombre de malades ont des problèmes relationnels. “Nous servons de tampons entre eux et les autres, explique Jennifer, dont le mari souffre du syndrome de fatigue chronique. Nous devons les aider en préservant leur intimité, en ne nous fâchant jamais avec eux et en leur évitant toute rencontre désagréable.”
Selon Jennifer, la maladie pesant lourdement sur les membres de la famille, il arrive que ceux-ci se fatiguent à force de tout faire à la place du malade. D’un autre côté, comme elle le fait remarquer, ne pas laisser les patients se reposer, c’est risquer de différer la guérison, ce qui, à long terme, sera préjudiciable à tout le monde. Il existe probablement des prédispositions héréditaires, mais il semble, fort heureusement, qu’à de rares exceptions près la maladie ne soit pas contagieuse.
Tottie, mariée à un surveillant itinérant des Témoins de Jéhovah, raconte que depuis des années son mari l’aide à lutter contre la maladie. Bien qu’elle lui exprime personnellement sa reconnaissance, elle fait l’observation suivante: “Nos amis prennent souvent des nouvelles de ma santé, mais Ken aussi a besoin d’encouragements.”
Pronostic favorable, mais prudence!
Le syndrome de fatigue chronique n’est pour ainsi dire jamais mortel. Voilà qui peut vous soutenir dans votre combat. La plupart des malades voient leur état s’améliorer avec le temps, et beaucoup guérissent. “Sur les centaines de patients que nous avons rencontrés pour les besoins de notre étude, aucun n’a connu d’aggravation chronique et progressive de son état, témoigne le docteur Anthony Komaroff. Aucun. Cette maladie est donc très différente de celles qui évoluent inexorablement.”
Le docteur Andrew Lloyd, grand spécialiste australien du syndrome de fatigue chronique, le confirme en ces termes: “Lorsque la guérison survient, et nous pensons que cela est courant, elle est complète. (...) Cela signifie que, quel que soit le processus responsable de cet état de fatigue, il est totalement réversible.” Il semble que les patients ne gardent aucune séquelle organique détectable après leur guérison.
Vous rappelez-vous Déborah, qui priait pour mourir tellement elle se sentait mal? Sa santé a fini par s’améliorer. Aujourd’hui, elle a retrouvé sa forme d’antan, et récemment elle envisageait de rejoindre son mari dans le ministère à plein temps. D’autres, comme elle, ont guéri de la même façon. Reste que la prudence s’impose. Pourquoi?
Keith, victime d’une rechute, fait cette mise en garde: “Il est capital de ne pas sous-estimer la gravité de cette maladie ni de croire trop vite qu’on en est débarrassé.” Dès qu’il s’était de nouveau senti en forme, Keith avait repris le ministère à plein temps ainsi que ses activités sportives (course à pied et haltérophilie). C’est alors qu’il a fait une rechute et a dû de nouveau s’aliter.
Telle est la nature insidieuse de cette maladie: les rechutes sont courantes; qui plus est difficiles à éviter. “Comment résister à l’envie de rattraper le temps perdu dès qu’on se sent mieux? explique Elizabeth. On veut absolument oublier la maladie, faire des choses.”
La guérison passe donc par de grands efforts et de la patience.
Ce que les malades peuvent faire
Il est important que les malades adaptent leur façon de penser à une affection chronique dont l’évolution est imprévisible. Beverly, malade depuis longtemps, cite son propre cas: “En général, si je commence à me dire que je suis rétablie quand je me sens mieux pendant quelques semaines ou quelques mois, par la suite je retombe plus bas que jamais. C’est pourquoi je m’efforce constamment d’accepter mes limites.” Selon Keith, “le facteur probablement le plus important est la patience”.
Les malades ont besoin d’économiser leurs forces pour favoriser le processus de guérison. À cette fin, ceux qui parviennent à se rétablir soulignent la valeur d’une thérapie de repos active. Ce procédé consiste à prendre du repos à l’avance en vue d’activités à venir. Ce faisant, des malades du syndrome peuvent assister aux assemblées chrétiennes ou à d’autres événements spéciaux sans souffrir outre mesure des efforts fournis.
Il est également très important de garder son calme et sa sérénité. La tension mentale ou les émotions peuvent en effet provoquer une rechute aussi sûrement que des efforts physiques trop intenses. Suivez donc ce conseil: “Ne gaspillez pas votre énergie à essayer de vous justifier.” Ne vous échinez pas à expliquer votre état à des sceptiques qui ne vous comprennent pas.
Rappelez-vous que ce n’est pas l’opinion des autres qui compte, mais celle de notre Créateur, Jéhovah Dieu. Il comprend votre situation et vous aime pour tout ce que vous faites dans son service. Vous pouvez avoir l’assurance que Jéhovah et les anges regardent, non à votre productivité, mais comme dans le cas de Job, à votre état d’esprit, à votre endurance et à votre fidélité.
Pour Susan, que le syndrome de fatigue chronique tient alitée presque en permanence depuis deux ans, l’impression de n’avoir aucun but dans la vie est l’un des aspects les plus accablants de la maladie. Aussi donne-t-elle ce conseil: “Trouvez-vous des centres d’intérêt qui vous procurent de la joie ou le sentiment d’accomplir quelque chose. Tous les jours, je regarde si mes trois saintpaulias ont fait de nouveaux boutons.” Mais le plus important, ajoute-t-elle, c’est de “s’appuyer sur Jéhovah en le priant et d’accorder la priorité à la spiritualité”.
Nombre de malades disent trouver du réconfort à écouter les enregistrements sur cassette de la Bible ou de La Tour de Garde. Priscilla, dont nous avons parlé dans le deuxième article de cette série, fait d’ailleurs remarquer qu’à partir du moment où le malade cesse de s’appesantir sur ce qu’il n’est plus capable de faire, “le syndrome de fatigue chronique devient moins pesant”. Elle ajoute: “Pour éviter de penser que je vais rester dans cet état éternellement, j’ai disposé des textes bibliques encourageants bien en vue dans toute ma chambre.”
Existe-t-il un traitement?
À ce jour, on en est toujours réduit à traiter les symptômes. Aux États-Unis, on fondait de grands espoirs sur un médicament appelé Ampligen, qui semblait améliorer l’état de nombreux malades. Mais, compte tenu des effets secondaires qu’il entraînait chez certains, la FDA (Office des produits alimentaires et médicamenteux) n’a pas accordé d’agrément pour son utilisation.
Les malades du syndrome de fatigue chronique souffrent souvent de troubles du sommeil, y compris d’insomnie. Or, la prise d’antidépresseurs à des doses jusqu’à cent fois plus faibles que pour une dépression aide certains patients — mais pas tous — à mieux dormir et, ce faisant, améliore leur état. Après avoir refusé ces médicaments pendant des années, Beverly a un jour décidé d’en essayer un. “Cela m’a fait tellement de bien, dit-elle, que j’ai regretté de ne pas avoir commencé plus tôt.”
“On a testé bien d’autres méthodes pour soigner le syndrome de fatigue chronique [y compris des traitements moins conventionnels auxquels recourent des déçus des traitements classiques], signale The Female Patient: divers médicaments, kinésithérapie, (...) acupuncture, homéopathie, naturopathie, traitements contre la candidose, āyurveda, pour ne citer que celles-là.”
Cette revue médicale disait encore: “Quel que soit son avis personnel, il serait bien que le médecin connaisse un peu ces [traitements], pour mieux comprendre et conseiller son patient. De nombreux malades apprécient d’avoir en face d’eux un médecin qui les écoute et prend leurs symptômes au sérieux. (...) La plupart des malades du syndrome de fatigue chronique peuvent être aidés, ne serait-ce que par la présence rassurante d’un allié médical, et beaucoup peuvent enregistrer une amélioration spectaculaire de leur état.”
Puisqu’il n’existe pas de remède, pourquoi consulter un médecin? se demanderont certains. Le principal intérêt de cette démarche est d’exclure par analyses d’autres maladies aux symptômes similaires, telles que le cancer, la sclérose en plaques, le lupus ou la maladie de Lyme. Détectées à un stade précoce, ces affections peuvent d’ailleurs être soignées avec succès. Emergency Medicine donne le conseil suivant aux médecins: “Une fois le diagnostic établi, le mieux est de diriger le patient vers un centre d’étude du syndrome de fatigue chronique.”
De l’avis général, le repos constitue le meilleur des traitements. Toutefois, il convient de rester équilibré. Le meilleur conseil qu’on puisse donner est donc celui-ci: Apprenez à vous modérer. Connaissez vos limites et n’essayez à aucun moment d’en sortir. Il peut être bénéfique d’avoir une activité physique douce, telle que la marche ou la natation en piscine chauffée, tant qu’elle ne provoque pas de fatigue physique ou mentale. Un régime alimentaire propre à renforcer le système immunitaire est également important.
La maladie suscite parfois le désespoir, comme l’illustre le cas de Tracy, qui a fini par se suicider. Mais la mort n’est pas une solution. “Je sais ce que Tracy voulait au fond d’elle-même, a confié l’une de ses amies. Elle ne voulait pas mourir. Elle voulait vivre, mais vivre débarrassée des souffrances. Et tel doit être notre but.” De fait, c’est là un excellent objectif. Par conséquent, au lieu de penser à la mort, accrochez-vous à la vie pour atteindre cet objectif, aussi éloignée que puisse vous sembler la guérison.
Le syndrome de fatigue chronique est l’une des nombreuses maladies singulières qui affligent l’humanité de nos jours. La médecine aura beau faire des progrès, il faudra plus que des compétences médicales pour les guérir toutes. Un monde débarrassé des maladies, c’est pourtant ce que prévoit le grand Médecin, Jéhovah Dieu, grâce à la domination pleine d’amour de son Royaume. Alors, “aucun résident ne dira: ‘Je suis malade.’” Telle est l’assurance que donne Dieu! — Ésaïe 33:24.
[Encadré, pages 12, 13]
Ce que l’entourage peut faire
Ce qu’il ne faut ni dire ni faire
◆ “Tu as une mine superbe” ou “Tu n’as pas l’air bien malade”. Par ces paroles, vous laissez entendre au malade que vous ne croyez pas à la gravité de son état.
◆ “Moi aussi, je me sens fatigué.” Cette remarque dévalue les souffrances. Le syndrome de fatigue chronique ne se limite pas à une simple fatigue. C’est une maladie douloureuse et débilitante.
◆ “Je suis fatigué. Moi aussi je dois avoir le syndrome de fatigue chronique.” Cela est peut-être dit en plaisantant, mais le syndrome de fatigue chronique n’a rien de drôle.
◆ “J’aimerais bien prendre quelques jours pour me reposer moi aussi.” Les malades du syndrome de fatigue chronique ne sont pas en congé.
◆ “Tu travaillais trop. C’est ça qui t’a rendu malade.” C’est une autre façon de dire au malade qu’il est responsable de ce qui lui arrive.
◆ “Comment vas-tu?” Ne posez cette question que si la réponse vous intéresse vraiment. En fait, le malade se sent généralement très mal, mais ne veut pas forcément se plaindre.
◆ “Une telle a eu le syndrome de fatigue chronique, et elle n’a été malade qu’un an.” Chaque cas de syndrome de fatigue chronique variant en durée et en gravité, parler de la guérison rapide d’un tiers peut être décourageant pour celui ou celle dont la maladie persiste plus longtemps.
◆ Ne donnez pas de conseil médical, à moins qu’on ne vous le demande et que vous ne soyez qualifié pour le faire.
◆ Si le malade fait une rechute, ne lui laissez pas entendre que c’est sa faute.
Ce qu’il faut dire et faire
◆ Montrez au malade que vous prenez son état au sérieux.
◆ Passez un coup de téléphone ou rendez-lui visite (il est généralement préférable de téléphoner avant).
◆ Respectez toutes les restrictions touchant aux visites et aux appels téléphoniques.
◆ Si les visites sont interdites, envoyez une carte ou une lettre. Les malades attendent souvent le courrier avec impatience.
◆ Soyez compatissant. Pour cela, il suffit parfois de prendre au sérieux l’état du malade.
◆ Proposez au malade de lui faire ses courses, de l’emmener chez le médecin, etc.
◆ Vous pouvez dire tout simplement: “Cela me fait très plaisir de te voir. Jéhovah accorde une grande valeur à ta fidélité et à ton endurance.”