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  • Le peuple à l’histoire la plus ancienne
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 1

      Le peuple à l’histoire la plus ancienne

      LOÏS: Qui peut bien sonner chez nous ce soir, par un temps pareil? Tu ne vas pas me dire que nous avons de la visite?

      THOMAS: Peut-être bien! Et si c’était notre voisin Jean qui habite au bout de la rue? Tu sais, celui qui est témoin de Jéhovah. Par curiosité, je lui ai dit que sa croyance était bien différente de la nôtre. Il m’a promis de venir nous voir un de ces soirs avec sa femme pour répondre à toutes mes questions. Voilà qu’on sonne de nouveau. Je vais vite aller voir qui est à la porte.

      LOÏS: Oui, va répondre!

      THOMAS [Il ouvre la porte]: Ah! c’est vous, Jean? J’avais donc vu juste. Et votre femme Marie vous accompagne! Entrez vite et mettez-​vous à l’aise. Vous avez eu le courage de sortir par ce mauvais temps! C’est bien gentil de venir nous voir, Loïs et moi. Quand je vous ai parlé, je ne pensais pas que la chose soit urgente au point de vous faire déplacer par un soir pareil!

      JEAN: Mais justement, c’est que la chose est urgente, Thomas, à une époque où le monde est aussi détraqué que le temps de ce soir.

      LOÏS: Bonsoir Jean, bonsoir Marie. Donnez-​moi vos affaires. Je suis à vous dans un instant.

      JEAN ET MARIE: Merci bien. Vous êtes très aimable.

      THOMAS: Ah! qu’il fait bon être chez soi par ce mauvais temps. Je ne vais pas vous inviter à regarder la télévision, — j’espère que vous ne m’en voudrez pas, — mais puisque vous vous êtes donné la peine de venir nous voir ce soir, j’en profiterai pour vous poser le plus de questions possible. Et il est fort probable que ma femme Loïs elle aussi vous posera quelques questions. Vous savez qu’elle aime parler religion et qu’elle connaît bien la Bible.

      JEAN: C’est très bien! Nous sommes venus pour cela, Marie et moi. Alors, commençons tout de suite. Votre femme a sans doute lu dans sa Bible ce proverbe de Salomon: “Le conseil est une eau profonde dans le cœur humain, l’homme entendu n’a qu’à puiser.” C’est ce que dit Proverbes 20:5 (Jé).

      LOÏS: Voilà un verset encourageant. Il faut que je le note.

      THOMAS: Merci pour votre compliment indirect, Jean. Mais voyons si vraiment je suis un “homme entendu”, capable de puiser les faits précis dans votre puits d’information. Parmi tant de religions pratiquées dans notre pays, la vôtre porte à coup sûr un nom étrange: témoins de Jéhovah! Je ne connais aucun nom de religion qui lui ressemble. Pourquoi vous et ceux de votre religion vous appelez-​vous ainsi? Où avez-​vous pris ce nom? Le pasteur de Loïs lui a dit que vous autres témoins de Jéhovah n’étiez que des novices, une nouvelle secte sans base solide qui aurait été lancée dernièrement par quelque illuminé.

      LOÏS: C’est ce qu’il m’a dit, et avec quel mépris!

      JEAN: Ma foi, cela ne choque ni Marie ni moi. Nous avons entendu de telles remarques dans de nombreux milieux de la chrétienté. Mais savez-​vous que, contrairement à toutes ces affirmations, les témoins de Jéhovah forment le plus ancien groupement religieux d’adorateurs du vrai Dieu, et qu’ils sont le peuple dont l’histoire remonte plus loin que celle de n’importe quelle religion de la chrétienté ou du judaïsme?

      THOMAS: Dis donc, tu entends, Loïs? Il faudrait que ton pasteur assiste à cette conversation, ainsi que le rabbin qui habite au coin de la rue!

      LOÏS: Il faudra me fournir suffisamment de preuves, pour parvenir à me convaincre.

      JEAN: C’est avec votre Bible, Loïs, que je pense pouvoir vous prouver que mes dires s’appuient sur des faits bien établis. L’histoire des témoins de Jéhovah s’étend sur près de 6 000 ans, puisqu’elle commence déjà du vivant du premier homme, Adam. L’un de ses fils est déjà appelé témoin. Voulez-​vous nous lire Hébreux 11:4, Loïs? Vous possédez la version Segond, n’est-​ce pas?

      LOÏS: Oui. [Elle lit.] “C’est par la foi qu’Abel offrit à Dieu un sacrifice plus excellent que celui de Caïn; c’est par elle qu’il fut déclaré juste, Dieu approuvant ses offrandes; et c’est par elle qu’il parle encore, quoique mort.”

      JEAN: Merci. Vous vous rappelez que dans Genèse 4:10 Dieu dit que le sang d’Abel ‘criait de la terre jusqu’à lui’. Or Abel n’était que le premier d’une lignée ininterrompue de témoinsa. C’est Noé qui a fait survivre cette lignée au déluge, après avoir donné un avertissement à sa génération. Voulez-​vous lire Hébreux 11:7, s’il vous plaît?

      LOÏS [Elle lit]: “C’est par la foi que Noé, divinement averti des choses qu’on ne voyait pas encore, et saisi d’une crainte respectueuse, construisit une arche pour sauver sa famille; c’est par elle qu’il condamna le monde, et devint héritier de la justice qui s’obtient par la foi.” Était-​il témoin simplement parce qu’il a construit l’arche?

      JEAN: Non, pas du tout. Noé a aussi prêché. Lisez II Pierre 2:5, s’il vous plaît.

      LOÏS [Elle lit]: “Il n’a pas épargné l’ancien monde, mais (...) il a sauvé Noé, lui huitième, ce prédicateur de la justice, lorsqu’il fit venir le déluge sur un monde d’impies.” J’ignorais cela. Que prêchait-​il, la venue du déluge?

      JEAN: Oui, il a averti sa génération du jugement de Dieu qui allait venir. Tout au long de l’histoire biblique, Jéhovah a suscité des témoins chargés de donner un avertissement spécial en temps de jugement. Moïse a averti l’Égypte du jugement de Dieu qui allait venir sur Pharaon et les Égyptiens. Cela est relaté dans Hébreux 11:24-29. Par la suite, les Juifs charnels, l’ancienne nation d’Israël, étaient prophétiquement appelés témoins de Jéhovah, dans Ésaïe 43:10-12.

      LOÏS: J’ai déjà trouvé ce passage. [Elle lit.] “Vous êtes mes témoins, dit l’Éternel, vous, et mon serviteur que j’ai choisi, afin que vous le sachiez, que vous me croyiez et compreniez que c’est moi: Avant moi il n’a point été formé de Dieu, et après moi il n’y en aura point. C’est moi, moi qui suis l’Éternel, et hors de moi il n’y a point de sauveur. C’est moi qui ai annoncé, sauvé, prédit, ce n’est point parmi vous un dieu étranger; vous êtes mes témoins, dit l’Éternel, c’est moi qui suis Dieu.”

      JEAN: Dans la Bible de Crampon, édition de 1905, “l’Éternel” est rendu par “Jéhovah”, ce qui est en accord avec le texte hébreu original. Ils étaient donc des témoins de Jéhovah.

      LOÏS: Je comprends. Mais ici ce sont des Juifs qui sont appelés témoins de Jéhovah; quant à vous, vous prétendez être chrétiens, n’est-​ce pas?

      JEAN: Oui, mais Jésus était lui-​même membre de cette ancienne nation juive, et il était l’un des témoins de Jéhovah.

      LOÏS: La Bible en parle-​t-​elle?

      JEAN: C’est Jésus qui le dit lui-​même. Voulez-​vous lire Jean 18:37?

      LOÏS [Elle lit]: “Pilate lui dit: Tu es donc roi? Jésus répondit: Tu le dis, je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix.” Jésus a bel et bien dit qu’il rendait témoignage. C’est ce que vous vouliez souligner?

      JEAN: En effet. Jamais aucun témoin plus grand que Jésus n’a vécu sur la terre. Et c’est pourquoi l’un de ses apôtres appelle expressément Jésus un témoin.

      LOÏS: Vraiment? J’aimerais voir cela de mes yeux!

      JEAN: C’est facile. Lisez-​nous Apocalypse 1:5, s’il vous plaît.

      LOÏS [Elle lit]: “Et de la part de Jésus-Christ, le témoin fidèle (...).” Effectivement! Voulez-​vous dire par là que les disciples de Jésus étaient tous des témoins de Jéhovah?

      JEAN: Évidemment. De plus, les chrétiens sont instamment priés d’imiter tous ces anciens témoins qui les ont précédés, depuis Abel. Dans sa lettre aux Hébreux, dont vous avez lu un passage, Paul décrit toute une lignée de témoins. Outre Abel, Noé et Moïse, Paul en mentionne encore beaucoup d’autres dans tout le onzième chapitre de son épître aux Hébreux 11. Après quoi, dans Hébreux 12:1-3, il exhorte les chrétiens à prendre modèle sur la foi de ces hommes et à suivre leur exemple, particulièrement celui du Seigneur Jésus-Christ, le plus grand Témoin entre tous.

      LOÏS: J’ai trouvé Hébreux 12:1-3. [Elle lit.] “Nous donc aussi, puisque nous sommes environnés d’une si grande nuée de témoins, rejetons tout fardeau, et le péché qui nous enveloppe si facilement, et courons avec persévérance dans la carrière qui nous est ouverte, ayant les regards sur Jésus, le chef et le consommateur de la foi, qui, en vue de la joie qui lui était réservée, a souffert la croix, méprisé l’ignominie, et s’est assis à la droite du trône de Dieu. Considérez, en effet, celui qui a supporté contre sa personne une telle opposition de la part des pécheurs, afin que vous ne vous lassiez point, l’âme découragée.”

      JEAN: Cela signifie que tous les chrétiens qui formaient la congrégation du premier siècle étaient des témoins de Jéhovah, y compris l’apôtre Jean, Juif de naissance, qui a écrit la Révélation ou Apocalypse vers l’an 96 de notre ère. Il expose clairement ce fait dans les premiers versets du livre de la Révélation où, vous vous le rappelez, il identifie aussi Jésus au témoin fidèle de Jéhovah. Lisez maintenant Apocalypse 1:1, 2, s’il vous plaît.

      LOÏS [Elle lit]: “Révélation de Jésus-Christ que Dieu lui a donnée pour montrer à ses serviteurs les choses qui doivent arriver bientôt, et qu’il a fait connaître, par l’envoi de son ange, à son serviteur Jean, lequel a attesté la parole de Dieu et le témoignage de Jésus-Christ, tout ce qu’il a vu.”

      JEAN: Vous voyez par là que l’apôtre Jean ne faisait que répéter le témoignage de Jésus, témoignage que Jésus avait lui-​même reçu de Jéhovah Dieu. Tous deux étaient donc des témoins de Jéhovah.

      L’APOSTASIE VIENDRA AUPARAVANT

      LOÏS: N’empêche qu’un intervalle énorme nous sépare de ces premiers chrétiens.

      JEAN: C’est vrai. Et il faut préciser que dès le siècle suivant, soit au deuxième siècle, ceux qui se disaient chrétiens cessèrent de servir comme témoins de Jéhovah, ce qui a finalement permis à l’Église catholique romaine de se mettre en avant avec sa hiérarchie et ses prêtres, et de cacher Jéhovah et sa Parole écrite au peuple aveuglé. Même lorsque les protestants se sont détachés de l’Église catholique, ils ne sont pas devenus des témoins de Jéhovah pour autant, et ils n’ont pas rendu témoignage à la vérité de la Parole de Dieu comme Jésus-Christ et ceux qui l’ont précédé. Par conséquent, il a fallu que Jéhovah, en accomplissement de sa propre prophétie, suscite ses témoins en ces temps modernes, non pour former une nouvelle religion, mais pour en faire le point culminant dans la longue succession de témoins qu’il a eus à travers les millénaires, depuis Abel jusqu’à nos jours. En effet, entre dans le dessein de Jésus-Christ, lors de son retour, de diriger ces témoins de Jéhovah dans le témoignage final, avant d’en finir avec la chrétienté et avec l’ensemble de ce vieux monde impie.

      LOÏS: Mais comment est-​ce possible? Jésus n’a-​t-​il pas dit, en quittant la terre, qu’il serait avec ses disciples jusqu’à la fin du monde?

      JEAN: Si, il l’a dit. Nous trouvons cela dans Matthieu 28:20.

      LOÏS [Elle l’interrompt]: Pourquoi dites-​vous alors qu’il va revenir pour susciter des témoins en ces temps modernes?

      JEAN: Vous permettez que nous lisions d’abord le verset biblique? Marie, l’as-​tu trouvé?

      MARIE: Oui, je vais le lire dans les Écritures grecques chrétiennes — Traduction du monde nouveau. [Elle lit. Mt 28:20] “Voici, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la clôture du système de choses.”

      JEAN: Merci. Votre question, Loïs, concernant le moment et la raison du retour de Jésus, a troublé bien des étudiants de la Bible, depuis les apôtres. Quelques-uns des premiers chrétiens de Thessalonique enseignaient que le Christ était déjà revenu aux jours de Paul, mais celui-ci leur écrivit: “Que personne ne vous séduise en aucune manière, parce qu’il ne viendra pas à moins que l’apostasie ne vienne d’abord et que ne soit révélé l’homme d’iniquité, le fils de la destructionb.”

      THOMAS: Qui est cet “homme d’iniquité”?

      JEAN: Paul appliquait cette expression à la grande apostasie dont j’ai dit qu’elle se développerait et prospérerait avant que le Christ soit de nouveau présent. Dans la version Segond que vous avez en main, cette expression est rendue par l’“homme du péché”. À ce propos, j’aimerais vous lire quelque chose dans un livre que j’ai apporté et qui a été publié dans les premières années de la Watch Tower Bible & Tract Society.

      Ce livre, publié en anglais en 1889 déjà, explique que Paul était d’avis que le jour du Seigneur “pouvait venir sans être signalé par des démonstrations extérieures et au milieu de l’ignorance généralec”. Dans son argumentation, Paul montre encore que cette apostasie doit se produire avant le jour du Seigneur; c’est pourquoi le Royaume du Christ ne peut pas avoir été établi au temps où Jésus est monté au ciel.

      LOÏS: N’avez-​vous pas dit tout à l’heure que cette apostasie a commencé au deuxième siècle environ?

      JEAN: Oui. On peut même dire qu’elle avait déjà commencé du vivant des apôtres. Mais par la force de l’esprit saint, les apôtres étaient en mesure d’empêcher que la congrégation soit contaminée par l’apostasie. Une fois les apôtres morts, on a introduit de nombreuses fausses doctrines qui ont complètement changé le sens des Écritures et du dessein de Dieu. Cette apostasie s’est développée au cours de plusieurs siècles pour atteindre son paroxysme au IVe siècle, sous le règne de l’empereur romain Constantin. Notre livre nous donne le commentaire suivant sur ce point:

      Sous le règne de Constantin, l’opposition de l’empire au christianisme prit fin et fut remplacée par des faveurs; l’impérial pontifex maximus [le titre de Constantin en tant qu’empereur de Rome] devint le patron de celle qui, prétendant être l’Église de Christ, était, en réalité, l’Église apostate. L’empereur la prit par la main, l’aida à conquérir la popularité, le prestige et la haute situation qui lui permirent plus tard, lorsque le pouvoir impérial fut affaibli, d’élever ses propres représentants sur le trône religieux du monde, à la place de l’empereur, avec le titre de souverain suprême de la religion ou de pontifex maximus [titre que portent maintenant les papes]d.

      LES VRAIS CHRÉTIENS SOUTENUS PENDANT LE RÈGNE DU FAUX ROYAUME

      Tel était, en réalité, le commencement de l’Église catholique romaine, quoiqu’un grand nombre de ses pratiques actuelles aient été introduites plus tard encore. Voilà l’apostasie dont l’apôtre Paul a parlé en disant qu’elle devait se développer avant la seconde venue du Christ. Et il a souligné que l’une des raisons du retour du Christ serait de démasquer cette apostasie, et de l’anéantir. Maintenant, considérons ensemble comment le livre explique ce que Jésus voulait dire quand il déclarait qu’il serait auprès de ses vrais disciples, pendant tout ce temps-​là:

      Que personne ne pense que, même en ces temps corrompus, l’Église réelle de Christ ait jamais été éteinte ou abandonnée par le Seigneur. “Le Seigneur connaît ceux qui sont siens” à toute époque et dans n’importe quelle condition. Dieu permit que son blé se développât dans un champ rempli d’ivraie; comme de l’or, ils furent soumis à la flamme du creuset pour être purifiés, éprouvés et “rendus capables d’avoir part à l’héritage des saints dans la lumière”. Il est vrai que la carrière, les faits et gestes de la multitude de ceux qui s’intitulèrent chrétiens, au cours des siècles, occupent la place d’honneur dans les pages de l’Histoire. Cependant, il est certain qu’au milieu de toutes les séductions du mystère de l’iniquité et des persécutions, un petit nombre de disciples marchèrent fidèlement et restèrent dignes de leur haut appel. Il leur fut donné de se reposer et d’être inscrits par Dieu comme des héritiers de la couronne qui ne se flétrit point et qui leur est réservée dans les cieuxe.

      C’est ainsi que par la comparaison du “blé et de l’ivraie”, contenue dans Matthieu 13:24-30, 36-43, Jésus a indiqué que, lors de son retour, il rassemblerait de nouveau les fidèles qui seraient alors en vie, pour en faire des témoins de Jéhovah comme lui. C’est ce qu’il a fait en les séparant des faux chrétiens ou apostats, et en les plaçant au point culminant de la lignée des témoins de Jéhovah qui se sont succédé au cours de 6 000 ans.

      Entre-temps, les faux chrétiens ont montré qu’ils sont de faux témoins de Jéhovah en établissant leur propre contrefaçon du Royaume de Dieu. Remarquez ce que dit le livre:

      Les pages de l’Histoire démontrent indiscutablement que l’homme du péché, l’antichrist, prit naissance à Rome. (...) Un empire spirituel, [doit] prétendre gouverner les royaumes de la terre par son autorité spirituelle; il doit donc être, non seulement un adversaire, mais aussi une contrefaçon, une fausse représentation, une caricature du royaume de Christ; il doit prétendre être ce royaume et exercer l’autorité qui, au temps marqué par Dieu, sera donnée au véritable Christ, à l’Église glorifiée et complète sous la conduite du seul véritable Seigneur et Têtef.

      Ce faux royaume a pris naissance vers l’an 800 de notre ère, puis il est tombé en décadence vers 1800.

  • On commence à sortir de la confusion religieuse
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 2

      On commence à sortir de la confusion religieuse

      LOÏS: Si l’Église catholique prétendait régner dans le Royaume de Dieu pendant une période de mille ans, au cours du Moyen Âge, pourquoi ses adeptes devraient-​ils attendre une seconde venue du Christ?

      JEAN: Ils n’en attendaient pas. Mais quand la puissance de l’Église catholique a commencé à décliner vers 1800, il était tout à fait naturel que l’attention de quelques étudiants de la Bible se porte sur la seconde venue du Seigneur.

      LOÏS: Mais qu’en est-​il de la Réforme? Vous nous avez dit que les protestants ne sont pas non plus devenus des témoins de Jéhovah quand ils se sont détachés de l’Église catholique. Qu’est-​ce qui vous fait dire cela?

      JEAN: Eh bien, en réalité, la Réforme a commencé par une rébellion contre certaines autorités de l’Église catholique romaine, mais elle n’a pas tardé à se transformer en une grande dispute politique. Beaucoup de conducteurs protestants ont été aussi cruels dans la persécution de leurs adversaires religieux que l’avait été l’Église catholique par l’Inquisition. Jean Calvin, par exemple, a fait brûler vif Michel Servet qui s’était opposé à la doctrine de la trinité. Avant d’expirer, Servet a subi d’horribles souffrances, pendant près de cinq heures, alors que Calvin observait la scène depuis une fenêtrea. Bien plus, les Églises protestantes ont repris les mêmes enseignements apostats auxquels on avait cru pendant des siècles de règne papal. À eux seuls, ces faits suffisent à prouver qu’il ne s’agissait pas d’une vraie Réforme et que ces “réformateurs” n’étaient pas non plus des témoins de Jéhovah comme Jésus et ceux qui l’ont précédé.

      Cependant, Jésus avait lui-​même prédit que cette bonne nouvelle du Royaume de Dieu serait prêchée dans le monde entier pour servir de témoignage à toutes les nations, avant que vienne la fin. Cette prédication aurait été impossible pendant l’âge des ténèbres. L’administration politique et religieuse était alors si sévère qu’il fallait d’abord briser complètement les fers de la Hiérarchie catholique, pour qu’un mouvement quelconque puisse prendre de l’ampleur. Étant donné qu’à cette époque-​là il n’y avait pas moyen de revenir au vrai culte, les bouleversements que l’Histoire a connus pendant cette période de rajustement ont, en réalité, servi à préparer les conditions qui permettraient la prédication mondiale du Royaume de Dieu établi lors du retour du Christ.

      LES PENSÉES EXTRÉMISTES OBSCURCISSENT LA QUESTION DU ROYAUME

      De nombreuses restrictions ont été levées, ce qui a permis d’arriver à une plus grande liberté de pensée et d’action; cependant, une grande partie de ceux qui ont développé des idées libérales s’est laissé entraîner vers l’extrême gauche, ce qui a provoqué des conflits continuels entre les idéologies extrémistes. Ainsi, les gens ont été amenés à se concentrer sur des questions idéologiques bien plus que sur le litige principal qui oppose le Royaume de Jéhovah Dieu à la domination de Satan le Diable.

      Comme exemples de ce libéralisme porté vers la gauche, en 1848, Marx et Engels lançaient leur “Manifeste communiste”; et, en 1859, on publiait l’ouvrage radical de Darwin L’origine des espèces; cet ouvrage a fait époque dans les révolutions intellectuelle et scientifique qui s’opéraient alors simultanément. C’est également vers le même moment que les religions organisées ont senti faiblir leur position. Pour consolider la sienne, l’Église catholique a convoqué le Premier concile du Vatican en 1869-​70. À cette occasion, le pape a été déclaré infaillible, pour la première fois. Les organisations protestantes ont, elles aussi, fait un pas en arrière; et le clergé s’est mis à exercer une autorité encore plus grande sur les laïques. Ces tendances extrémistes ont eu pour effet qu’une ère d’impiété s’est peu à peu développée. La critique rationaliste de la Bible, l’évolutionnisme, le spiritisme, l’athéisme et l’incrédulité se sont tous mis à envahir la chrétienté, et nombreuses sont les Églises prétendues évangéliques qui ont même commencé à moderniser leurs enseignements en se laissant guider par les raisonnements scientifiques et intellectuels. Peu de temps après, en 1891, a été écrit le document qui devait servir de base à la philosophie sociale du catholicisme moderne, c’est-à-dire l’encyclique du pape Léon XIII appelée “Rerum novarum”.

      Mais tandis que les conducteurs religieux cherchaient à regagner une partie de leur puissance au détriment du peuple, les gouvernements gagnaient du terrain dans un autre sens. Les États-Unis, qui venaient de se remettre des effets de la guerre de Sécession, prenaient un tel essor qu’ils allaient bientôt devenir l’une des nations les plus puissantes que la terre ait jamais connues. Quant à la Grande-Bretagne, elle traversait son âge d’or comme Septième Puissance mondiale, annoncée dans la prophétie biblique, l’Empire britannique se trouvant alors, probablement, à l’apogée de sa puissance. Aussi voyait-​elle d’un mauvais œil la puissance grandissante de l’Allemagne qui venait de gagner la guerre franco-allemande de 1870 et qui commençait à se hisser au rang de grande puissance européenne.

      À côté de l’agitation et du réveil politiques et religieux, de grands progrès ont aussi été accomplis dans le domaine scientifique. L’invention de la machine à vapeur, la découverte de l’électricité, l’invention du téléphone et, par la suite, l’avènement de l’automobile, toutes ces choses ont amené, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, de grands changements dans la civilisation de l’Occident. Les nouvelles entreprises ont poussé comme des champignons. Nombre de nouvelles sociétés ont été créées avec la tâche d’organiser la production et la vente. Et une nouvelle classe de gens, qui au cours des siècles passés n’avaient eu que peu de richesses matérielles, étaient maintenant encouragés à placer leur argent, ce qui leur a permis de faire fortune. Le matérialisme, l’attrait de l’argent et la recherche du plaisir allaient de concert: tout cela aveuglait les gens quant aux forces qui se développaient pour atteindre leur point culminant en 1914. Toutes ces perspectives de choses meilleures semblaient si prometteuses qu’en général on ne se souciait guère du prix qu’elles coûteraient en fin de compte. On ne s’intéressait pas non plus au grand réveil spirituel qui accompagnait cet essor politique et commercial.

      LES PREMIÈRES VOIX INDIQUENT LE CHEMIN À SUIVRE

      Si en général les gens ont adopté cette attitude, il faut pourtant reconnaître qu’un vrai pas en avant a été franchi. La liberté de pensée et d’action était possible; et il est intéressant de relever qu’au moment où les libertés politiques se développaient en Europe, de nombreuses personnes ont commencé à se livrer à une étude sérieuse et analytique de la Bible. C’est l’étude commencée par William Miller, en 1816, qui a produit les plus grands effets. C’est lui qui a annoncé que le Christ Jésus reviendrait — visible et en chair — en 1843 ou 1844. Toutefois, son point de vue était complètement opposé au dessein de Dieu révélé dans la Bibleb.

      THOMAS: Miller était-​il alors seul à attendre le retour du Christ?

      JEAN: Non. Le théologien Bengel, luthérien allemand, avait fixé comme date 1836, tandis qu’en Angleterre, les Irvingites attendaient ce retour pour 1835 d’abord, puis 1838, 1864 et finalement 1866, pour ensuite y renoncer. À la même époque, le mouvement de Miller avait donné naissance à plusieurs groupements adventistes différents. D’autres encore, tels que le groupement d’Elliott et Cumming, portaient leurs regards sur 1866. Brewer et Decker prédisaient 1867, et Seiss était pour 1870. En Russie existait un groupement mennonite qui avançait la date de 1889c.

      LOÏS: Mais pourquoi y avait-​il tant d’idées différentes sur la date et la manière du retour du Christ?

      JEAN: Parce que les gens étaient encore soucieux de suivre les enseignements religieux traditionnels, au lieu de faire confiance à Jéhovah. Vous vous rappelez que les vraies doctrines de la Bible avaient été tellement déformées, au cours de la période d’apostasie, qu’il n’était pas possible d’arriver à une vision claire de la seconde présence du Christ, tant que ces doctrines n’étaient pas elles-​mêmes épurées. La prétendue Réforme n’avait pas procédé à cette épuration. C’est pourquoi, dans la première moitié du XIXe siècle, de nombreuses erreurs ont été commises quand on a cherché à déterminer la date du retour du Christ, car on se fiait uniquement à la chronologie. Cependant, le temps n’était pas encore venu où Dieu amènerait la restauration du vrai culte.

      MARIE: N’est-​il pas vrai, cependant, que même si la plupart attendaient la seconde présence du Christ pour le voir en chair et en os, quelques-uns croyaient que le Christ ne serait pas visible lors de cette seconde présence?

      JEAN: Oui, c’est exact. Par exemple George Storrs de Brooklyn, qui publiait un périodique intitulé “L’examinateur de la Bible” (The Bible Examiner), portait ses regards sur 1870. Quant à H. B. Rice, qui publiait “La dernière trompette” (The Last Trump), il avait ses regards fixés sur 1870 lui aussi, tandis qu’un troisième groupement — cette fois des adventistes déçus — attendait ce retour pour 1873 ou 1874. Ce groupement était dirigé par N. H. Barbour, de Rochester, dans l’État de New York, éditeur du “Messager du matin” (The Herald of the Morning)d.

      IL COMMENCE À FAIRE JOUR

      Puis, vers 1870, c’est un autre groupement qui fait enfin son apparition, celui dirigé par Charles Taze Russell, d’Allegheny, près de Pittsburgh, en Pennsylvanie. Lisons les paroles que Russell nous a laissées lui-​même:

      Notre narration commence en l’an 1868 quand le rédacteur [de la Zion’s Watch Tower], qui était depuis quelques années enfant consacré à Dieu, membre de l’Église congrégationaliste et de l’Association chrétienne de jeunes gens (la YMCA), venait d’être ébranlé dans sa foi à propos de nombreuses doctrines acceptées depuis longtemps.

      Élevé presbytérien, endoctriné selon le catéchisme, mais doué d’un esprit chercheur, je devins une proie facile de la logique apparente du rationalisme, dès que j’eus commencé à penser par moi-​même. Mais ce qui, au début, menaçait de causer le naufrage complet de ma foi en Dieu et en la Bible fut, grâce à la providence divine, surmonté pour de bon; seule ma confiance dans les croyances humaines et dans les systèmes de la fausse interprétation de la Bible se trouva briséee.

      Au cours des quelques mois suivants, Russell continue de réfléchir sur la religion. Incapable de l’accepter telle quelle, il n’est pourtant pas disposé à y renoncer. Il raconte encore:

      Un soir, comme par accident, j’entrai dans une salle poussiéreuse et mal éclairée d’Allegheny, où se tenaient des services religieux, à ce que l’on m’avait dit. C’était pour voir si la poignée de personnes qui s’y réunissaient avaient quelque chose de plus sensé à offrir que les croyances des grandes Églises. C’est là que, pour la première fois, j’entendis parler de quelques points de vue des adventistes; le prédicateur était M. Jonas Wendell (...).

      Bien que son exposé des Écritures ne fût pas tout à fait clair, et qu’il fût très loin des vérités qui font maintenant notre joie, il n’en fallut pas plus, sous la main de Dieu, pour rétablir ma foi chancelante en l’inspiration divine de la Bible et me montrer que les textes des apôtres et des prophètes forment un tout indissoluble.

      Cette réunion a eu pour effet de renouveler l’intérêt de Russell en la Bible et de lui en faire reprendre l’étude “avec plus de zèle et de soin que jamais auparavant”. Il poursuit son récit en ces termes:

      Je commençai bientôt à reconnaître que nous vivions quelque part près de la fin de l’âge évangélique et à proximité de l’époque où, selon la déclaration du Seigneur, ceux qui parmi ses enfants seraient sages et vigilants devaient parvenir à une connaissance claire de son Plan. À cette époque, moi-​même et quelques autres personnes de Pittsburgh et d’Allegheny, qui cherchaient la Vérité, formions une classe pour l’étude de la Biblef; la période allant de 1870 à 1875 fut donc un temps d’accroissement constant dans la grâce, dans la connaissance et dans l’amour de Dieu et de sa Parole. Nous en vînmes à entrevoir, dans une certaine mesure, comment l’amour de Dieu avait pris des dispositions pour toute l’humanité, comment tous les humains devront être réveillés de la tombe pour que le Plan de Dieu empreint d’amour soit porté à leur connaissance, et comment tous ceux qui pratiqueront la foi dans l’œuvre rédemptrice du Christ et qui feront preuve d’obéissance, en harmonie avec leur connaissance de la volonté de Dieu, pourront alors — grâce au mérite du Christ — être complètement réconciliés avec Dieu, afin qu’il leur soit accordé la vie éternelle. Voilà notre manière d’envisager l’œuvre de Rétablissement prédite dans Actes 3:21. (...)

      Cependant, à ce moment-​là, nous saisissions à peine les grandes lignes du Plan de Dieu, et nous étions en train de désapprendre les nombreuses erreurs si longtemps chéries, car le temps pour discerner clairement les petits détails n’était pas encore pleinement venu. (...)

      Ainsi s’écoulèrent les années 1868 à 1872. Celles qui suivirent jusqu’en 1876 furent des années d’accroissement continu dans la grâce et dans la connaissance pour cette poignée d’étudiants de la Bible avec lesquels je me réunissais à Allegheny. Nous progressâmes, et, de nos premières idées sommaires et vagues sur le Rétablissement, nous arrivâmes à une compréhension plus nette des détails; mais le temps voulu par Dieu pour une lumière claire n’était pas encore venu.

      C’est à cette époque-​là, d’après le récit, que ces étudiants de la Bible en sont venus à saisir la différence qu’il y a entre le Seigneur en tant que “l’homme qui s’est livré lui-​même” et le Seigneur qui reviendra comme créature spirituelle. Ils ont compris que les créatures spirituelles peuvent être présentes tout en restant invisibles aux humains. L’effet de cette compréhension avancée se trouve ainsi décrit:

      Nous étions navrés de l’erreur des adventistes qui attendaient le Christ dans la chair et enseignaient que le monde et son contenu, à l’exception d’eux-​mêmes, seraient consumés par le feu en 1873 ou 1874. Leurs fixations de dates, leurs déceptions et leurs idées sommaires sur le but de sa Venue et sa manière de revenir jetaient plus ou moins d’opprobre sur nous et sur tous ceux qui attendaient et proclamaient son Royaume tout proche.

      Ces vues erronées si largement partagées sur le but de l’Avènement du Christ et de sa manière de revenir m’amenèrent à écrire une brochure intitulée “Le but et la manière du retour du Seigneur” (The Object and Manner of the Lord’s Return), qui fut tirée à quelque 50 000 exemplairesg.

      Ainsi, après des siècles de ténèbres et de pleurs, la vraie lumière de la Parole de Dieu s’est remise à briller, et le message du retour du Christ, qui commençait à être annoncé avec tant de zèle, ressemblait au cri de joie que l’on pousse à l’aube d’une nouvelle journée. Commencé par cette publication significative Le but et la manière du retour du Seigneur, ce cri de joie allait prendre une telle ampleur qu’il finirait par ressembler au mugissement des flots.

      THOMAS: En somme, c’est de cette façon que les témoins de Jéhovah ont commencé à prêcher à l’échelle mondiale. On peut donc dire que l’activité déployée par votre groupement, dans les temps modernes, remonte à plus de quatre-vingt-dix ans, si j’ai bien compris. Cela fait plus que l’âge de la plupart des gens qui vivent à présent.

      JEAN: Oui, c’est cela. Pourtant, suivre la volonté divine tout au long d’une route signifie bien plus que d’emprunter la bonne direction. Rempli d’enthousiasme et de zèle pour l’œuvre à accomplir, Russell s’était élancé à toute allure, quand presque aussitôt il s’est trouvé arrêté par une bifurcation non signalée. Bien entendu, il savait qu’il ne pouvait pas emprunter les deux routes, car il était certain que l’une des deux conduirait au désastre. Russell savait qu’il aurait à prendre une décision, mais il ne pouvait guère prévoir quelle en serait la portée, ni de quelle manière cette décision allait servir de modèle à tout ce qui suivrait. Mais si j’aborde ce problème maintenant, nous en aurons pour toute la nuit. Si vous le voulez, nous reviendrons la semaine prochaine.

      THOMAS: Il le faut. D’autant plus que j’ai encore un tas de questions à vous poser.

      LOÏS: Moi aussi, j’aimerais que vous reveniez. La décision que Monsieur Russell a dû prendre m’intéresse beaucoup.

      [Notes]

      a a Qualifiés pour le ministère (1962), p. 309.

      b b The Life of William Miller (1875: Éditions de l’Association des adventistes du Septième Jour), pp. 362-374.

      c c The Small Sects in America, par E. T. Clark (éd. revue de 1949), pp. 33, 34. Encyclopédie catholique (angl.) [New York, 1910], “Irvingites”. Cyclopædia de McClintock & Strong (New York, 1882), “Millennium”; Bengel, John Albert”.

      d d w 1916, pp. 170, 171.

      e e Ibid.

      f f Le père du jeune Charles, J. L. Russell, était l’un des membres de ce premier groupe d’étude (w 1894, p. 175).

      g g w 1916, pp. 170, 171.

  • Charles Taze Russell prend une décision d’une grande portée
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 3

      Charles Taze Russell prend une décision d’une grande portée

      THOMAS: Jean, une pensée ne m’a pas quitté depuis votre dernière visite. Comment se fait-​il que, lorsqu’on lit quelque chose dans la Bible au sujet de Paul ou d’autres personnages bibliques, on n’éprouve aucune difficulté à accepter leur rôle et leur autorité, tandis que, de nos jours, on a tant de mal à croire qu’un homme ou une organisation quelconque puisse être employé par Dieu?

      JEAN: Il ne devrait pourtant y avoir aucune difficulté à cela, quand on se rend compte que les personnes, dont Dieu se sert comme témoins à un moment donné, ressemblent toujours à celles dont il s’est servi au cours des temps. Pensiez-​vous à quelque chose de précis, Thomas?

      THOMAS: Oui, bien sûr. La semaine dernière, vous nous avez montré que le besoin d’un monde libre s’était accru depuis les jours des apôtres. Cela n’a pas été difficile à comprendre. Mais qu’en est-​il de toutes les voix qui se sont mises à annoncer: ‘Tel est le chemin à suivre.’ Si Dieu envisageait vraiment de se servir de l’une de ces voix comme témoin, comment pourrions-​nous le savoir? Vous avez souligné de quelle manière C. T. Russell a joint sa voix à ceux qui annonçaient le retour du Seigneur, mais quelles raisons avons-​nous de nous arrêter à lui plutôt qu’aux autres hommes?

      JEAN: En voyant de nos jours à quel point cette œuvre a été bénie, nous pouvons dire qu’il y a bien plus de raisons que je ne pourrais vous en fournir en une soirée. Je suis sûr que vous en conviendrez au fur et à mesure que nous avancerons dans notre discussion. Et même en envisageant la chose à la manière des contemporains de Russell, nous pouvons dire qu’il y avait suffisamment de preuves pour ceux qui en demandaient. Au fait, nous abordons là le sujet dont nous voulions discuter ce soir.

      LOÏS: Vous pensez à la décision importante que Monsieur Russell a dû prendre à propos de la voie qu’il croyait devoir suivre?

      JEAN: C’est exact. Vous vous rappelez que la plupart de ces premiers groupements d’observateurs portaient un intérêt particulier aux calculs chronologiques. Quant à Russell, il envisageait la chose autrement. Il est vrai que, malgré son jeune âge, il abordait n’importe quel sujet avec le même esprit analytique exceptionnel. Il avait acquis la conviction que le but du retour du Christ était plus important que n’importe quelle date à fixer.

      LOÏS: À propos, Jean, à quel âge Monsieur Russell s’est-​il mis à étudier?

      THOMAS [Il l’interrompt]: C’est justement ce que je voulais vous demander. Ne pourrions-​nous pas interrompre un instant le récit des événements historiques, pour apprendre quelques détails essentiels sur Russell? Il me semble que cela nous permettrait de mieux connaître sa personne.

      LA JEUNESSE DE C. T. RUSSELL

      JEAN: Je veux bien. Disons tout de suite qu’il n’avait pas encore vingt ans quand il s’est mis à réfléchir sérieusement sur son éducation religieuse et à s’interroger sur les fondements de sa religion. Le mieux, c’est que je vous lise un extrait des premiers paragraphes de sa biographie, publiée dans la Préface de l’édition anglaise de son livre le plus répandu: Le divin Plan des Âges.

      Charles Taze Russell, connu dans le monde entier sous le nom de pasteur Russell, auteur, conférencier et ministre de l’Évangile, naquit à Pittsburgh, Pennsylvanie, le 16 février 1852; il mourut le 31 octobre 1916. Il était le fils de Joseph L. et Eliza Birney Russella, tous deux de souche écosso-irlandaise. Il fut instruit dans les écoles publiques et par des précepteursb.

      THOMAS: Ce devait être un jeune extrêmement réfléchi.

      JEAN: Oui, tout à fait. À la mort de sa mère, il avait neuf ans. Il passait donc beaucoup de temps auprès de son père, en dehors des heures de classe. Un jour, alors qu’il n’avait que douze ans, son père l’a trouvé dans le magasin, à deux heures du matin, absorbé dans l’étude d’une concordance, inconscient du temps écouléc. À l’âge de quinze ans, Russell est devenu l’associé de son père qu’il assistait dans son magasin de confection pour hommes. À vingt et quelques années, il avait aidé son père à étendre leur commerce à plusieurs magasins, et ils étaient en voie de créer une chaîne nationale de succursales, quand Russell a décidé de renoncer complètement aux affaires pour consacrer tout son temps au ministère. La vente de ses titres lui a rapporté plus de 250 000 dollarsd.

      THOMAS: Il devait pouvoir compter sur de grandes ressources personnelles et savoir ce qu’il voulait.

      JEAN: Il l’a prouvé sous de nombreux rapports. Alors qu’il était encore jeune homme, et avant de connaître la vérité sur les desseins divins, il sortait de nuit pour tracer à la craie des textes bibliques à des endroits bien en vue, de sorte que les ouvriers qui passaient par là soient avertis et sauvés des “tourments de l’enfer”. C’est avec autant de zèle qu’il a enseigné l’amour de Dieu, après avoir compris l’erreur de cette doctrine blasphématoire qu’est l’enfer de feu. Cela explique pourquoi il a placé dans l’œuvre de sa vie tout ce qu’il possédait. L’un de ses proches rapporte l’avoir entendu déclarer avec véhémence:

      Si la Bible enseignait que les peines éternelles sont le sort de tous, les saints exceptés, il faudrait les prêcher, oui, les crier sur les toits, chaque semaine, chaque jour, chaque heure; mais si elle ne les enseigne pas, il faut faire connaître ce fait pour effacer la tache odieuse qui déshonore le saint nom de Dieue.

      Dans les notes biographiques que je viens de vous lire, il y a encore d’autres pensées que j’aimerais mentionner.

      En 1879, le pasteur Russell épousa Maria Frances Ackley. Ils ne connurent pas le bonheur d’avoir des enfants. Dix-sept ans plus tard, les conjoints n’étaient plus d’accord sur la gestion de son journal, ce qui entraîna leur séparation. (...)

      Il ne fut pas le fondateur d’une nouvelle religion, et il n’éleva jamais une telle prétention. Il ranima les grandes vérités enseignées par Jésus et les apôtres, et il dirigea la lumière du vingtième siècle sur ces enseignements. Il ne prétendit nullement avoir reçu une révélation particulière de Dieu, mais il estimait que le temps marqué par Dieu pour la compréhension de la Bible était venu, et que, étant entièrement consacré au Seigneur et à son service, il lui était permis de la comprendre. Parce qu’il se consacrait au développement des fruits et des grâces du saint esprit, la promesse du Seigneur s’accomplissait en lui: “Car si ces choses sont en vous, et y sont avec abondance, elles ne vous laisseront point oisifs ni stériles pour la connaissance de notre Seigneur Jésus-Christ.” — II Pierre 1:5-8, Sgf.

      LOÏS: Mais qu’en est-​il de la décision que le pasteur Russell a été obligé de prendre, Jean? Vous avez dit qu’elle aurait pu complètement ruiner son œuvre.

      JEAN: C’est justement à cela que je pensais quand Thomas m’a demandé des preuves pour montrer que Dieu approuvait l’œuvre du pasteur Russell. À vrai dire, il s’agissait de plusieurs décisions qui se rapportaient toutes, en quelque sorte, à la chronologie. La voie empruntée par Russell allait prendre une signification particulière parce qu’elle le conduisait dans sa première grande épreuve, et que les résultats produits allaient avoir une grande portée.

      LES SIGNES DES TEMPS PRENNENT DE L’IMPORTANCE

      Vous vous souvenez que le groupe d’étude de Russell en était arrivé à comprendre que le Christ ne reviendrait pas dans la chair, tandis que la plupart des adventistes croyaient et enseignaient le contraire. Le pasteur Russell avait compris que Jésus, à son retour, serait aussi invisible que si un ange était venu.

      Puis, en 1876, alors qu’il se trouvait en voyage d’affaires à Philadelphie, le pasteur Russell est entré fortuitement en possession d’un exemplaire du périodique “Le messager du matin” (The Herald of the Morning). C’était N. H. Barbour, de Rochester, dans l’État de New York, qui publiait ce périodique, vous vous en souvenez. Russell était surpris et enchanté de constater qu’il y avait là un autre groupement qui attendait le retour invisible du Christ. Comme leurs points de vue se rapprochaient, il a poursuivi la lecture de cette publication, tout en se rendant compte qu’elle émanait des adventistes. Pourtant, jusque-​là il n’avait guère apprécié leurs doctrines. En fait, quelle que soit l’origine de ces connaissances, Russell cherchait à approfondir davantage l’enseignement de Dieu. Intéressé par la chronologie exposée dans ce périodique, il a immédiatement pris contact avec Barbour pour discuter de la chose en détail. Russell se déclarait prêt à prendre à sa charge les frais qu’entraînerait une telle entrevue avec lui.

      Il semble qu’un membre du groupement de Barbour soit entré en possession de la Diaglott de Benjamin Wilson, une traduction du “Nouveau Testament”. Dans Matthieu 24:27, 37, 39, cet homme avait remarqué que le mot coming (venue ou avènement) employé dans la version du roi Jacques était traduit par présence dans la Diaglott. Cette découverte ainsi que les calculs chronologiques avaient amené le groupement de Barbour à soutenir l’idée d’une présence invisible du Christ. Quant à Russell, il s’était d’abord intéressé au but du retour du Christ. Après avoir compris que ce retour devait être invisible, il a été amené à considérer sérieusement les signes des temps. Il était satisfait des preuves fournies par Barbour.

      Le pasteur Russell était un homme aux convictions positives, entièrement voué au Seigneur. Voici ce qu’il a écrit plus tard:

      Je compris aussitôt que les temps particuliers que nous vivions avaient une grande portée pour notre tâche et notre œuvre de disciples du Christ; de plus, puisque nous vivions au temps de la Moisson, le travail de la Moisson devait être fait, la Vérité présente étant la faucille avec laquelle le Seigneur voulait nous voir accomplir une œuvre de moisson partout parmi ses enfantsg.

      Telle est la conviction que Russell a partagée pendant toute sa vie de ministre chrétien.

      La rencontre entre Russell et Barbour a eu l’effet suivant: Le groupe d’étude de Pittsburgh s’est affilié à celui de Rochester. Pour permettre à Barbour d’imprimer de nouveau le message dans le périodique Le messager du matin, Russell prélevait sur ses fonds personnels. Ainsi, ils ont décidé que Barbour, imprimeur de son état, se chargerait de l’impression du périodique, tandis que Russell deviendrait co-rédacteur du Messager du matin et qu’il apporterait son aide financière à cette entreprise.

      Russell était alors enthousiasmé par l’idée d’un service accompli en harmonie avec ses connaissances de la volonté divine. Mais il n’était pas poussé par l’ambition personnelle. L’une des premières démarches qu’il a faites avec son important message le montre bien, tout en révélant l’une de ses premières déceptions. Permettez-​moi de vous lire ce commentaire:

      En 1877, Russell convoqua une assemblée générale de tous les pasteurs d’Allegheny et de Pittsburgh; il leur montra que, selon les Écritures, notre Seigneur était présent et il les adjura d’approfondir ce message puis de le proclamer. Tous les pasteurs de ces deux villes étaient présents et tous refusèrent de croire à ce message. Au cours de la même année, Russell se décida à abandonner son commerce et à consacrer tout son temps et toute sa fortune à l’œuvre que les Écritures indiquaient (...). Pour déterminer si sa ligne de conduite était en harmonie avec les Écritures, et aussi pour démontrer sa propre sincérité, Russell décida de mettre à l’épreuve l’approbation du Seigneur. Pour ce faire, il procéda comme suit: 1) il consacra sa vie à cette cause; 2) il engagea toute sa fortune pour faire progresser cette œuvre; 3) il refusa d’instituer des collectes dans les assemblées et lors des conférences; 4) il fit dépendre l’œuvre de contributions [entièrement] volontaires, non sollicitées, pour assurer la continuation du travail après l’épuisement de sa fortuneh.

      LOÏS: Jamais auparavant je n’ai entendu parler d’une chose semblable. Voulez-​vous dire que le pasteur Russell n’a jamais fait faire de collecte, et qu’il n’a jamais sollicité d’argent pendant toute sa vie? Il devait vraiment être un homme courageux et convaincu.

      JEAN: C’était un homme de foi, conscient du grand privilège qu’il avait de comprendre la volonté divine. Songez qu’il n’avait que vingt-cinq ans en 1877. Néanmoins, Russell n’a pas hésité, même lorsque tous les conducteurs religieux d’Allegheny et de Pittsburgh ont refusé de saisir la magnifique occasion qui leur était offerte de prendre part à l’œuvre de la moisson, laquelle, croyait-​il, venait de commencer. Sa foi a été largement récompensée.

      La même année, en 1877, avec la collaboration de Barbour, Russell a rédigé un livre intitulé “Les trois mondes ou le plan de la rédemption”. Rien de pareil n’avait jamais été publié avant cela. Pour la première fois, les explications sur les prophéties chronologiques étaient rattachées à l’œuvre de Rétablissementi. Déjà à ce moment-​là, on a reconnu que la période de la domination ininterrompue exercée par Satan sur la terre — appelée les “temps des Gentils” — toucherait à sa fin en 1914. Presque aussitôt, Russell s’est vu dans l’obligation de prendre une autre décision importante.

      UN PROBLÈME ÉPINEUX TROUVE SA SOLUTION

      LOÏS: La décision que le pasteur Russell était forcé de prendre concernait-​elle 1914?

      JEAN: Pas particulièrement. Elle concernait son association avec Barbour et son attachement à la vérité, telle qu’elle avait été révélée jusque-​là. À propos de cette épreuve, il est bon de se rappeler les paroles de Russell parues dans La Tour de Garde, sous l’en-tête de Luc 22:31 (Sg): “Satan vous a réclamés, pour vous cribler comme le froment.” Voici ce que dit Russell:

      Jusqu’alors tout s’était déroulé sans heurt. Nous avions été abondamment bénis dans la Vérité; quant à notre amour et notre fidélité, nous n’avions cependant pas subi d’épreuve particulière. Mais l’été de 1878, temps qui correspond à celui qui s’est écoulé entre la crucifixion de notre Seigneur et le moment où il a prononcé les paroles citées plus haut, marqua le début du criblage qui s’est poursuivi depuis et qui doit tôt ou tard éprouver quiconque accepte la lumière de la Vérité présente.

      “Ne soyez point surpris de l’incendie qui s’est allumé au milieu de vous pour vous éprouver, comme s’il vous arrivait quelque chose d’extraordinaire”, car “le feu même éprouvera ce qu’est l’ouvrage de chacun (...)”. [I Pierre 4:12; I Cor. 3:13, AC.]

      Le but de cette épreuve et de ce criblage est évidemment de faire un tri parmi tous ceux dont les désirs du cœur sont dénués de tout égoïsme et qui se sont entièrement consacrés au Seigneur, sans réserve; étant tellement désireux de voir s’accomplir la volonté du Seigneur et étant animés d’une si grande confiance en sa sagesse, en ses voies et en sa Parole, ils ne permettent pas que les sophismes d’autres hommes ou leurs propres plans ou pensées les éloignent de la Parole du Seigneur. Même lorsque, en ce temps de criblage, leur foi est mise à l’épreuve par les milliers qui tombent dans l’erreur à leur côté, ils seront fortifiés et ils augmenteront leur joie dans le Seigneur ainsi que leurs connaissances de ses plans. — Ps. 91:7j.

      Puis, le pasteur Russell expose un point de vue erroné que tous avaient partagé jusqu’à ce moment-​là. Sur la base de la déclaration que Paul a formulée dans I Corinthiens 15:51, 52, on s’attendait à voir “les saints en vie être enlevés subitement et miraculeusement avec leur corps, pour être désormais auprès du Seigneur pour toujours”. Comme on croyait que cela aurait lieu en 1878, certains ont été déçus parce que rien de visible ne s’est produit. Cependant, le pasteur Russell a été amené à réexaminer le passage biblique. Il a alors compris que leur “faute reposait sur le fait que l’on s’attendait à voir tous les saints en vie être changés en un instant et sans mourir, point de vue erroné que partageaient toutes les grandes Églises. Or, cette erreur, nous ne l’avions ni relevée ni écartée”. En soumettant ce texte à un nouvel examen, Russell a compris que la vraie signification des paroles de l’apôtre était que ceux qui allaient faire partie du corps du Christ et qui seraient encore en vie lors de la présence ou après le retour du Christ ne resteraient pas inconscients dans la tombe comme ceux qui avaient vécu avant le retour du Christ. Au contraire, à leur mort ils allaient être changés instantanément pour être présents auprès de lui. À vrai dire, le passage biblique lui avait livré une révélation importante que beaucoup de fondamentalistes n’ont pas encore comprise. Et Russell de conclure: “Ainsi, ce nouvel examen jeta une lumière accrue sur notre sentier et nous servit grandement d’encouragement, fournissant la preuve de ce que le Seigneur continuait lui-​même à conduire l’œuvre.”

      L’INTÉGRITÉ ENVERS LES PRINCIPES EST MISE À L’ÉPREUVE

      Mais pendant qu’il me fut donné d’avoir des vues plus claires et des espoirs plus vifs et que je m’efforçais assidûment d’aider autrui, le printemps de 1878 se révéla être tout, sauf une bénédiction pour M. Barbour et pour bien des personnes soumises à son influence. Ayant rejeté la solution claire et simple exposée plus haut, M. Barbour semblait nourrir le sentiment qu’il devait nécessairement élaborer quelque chose de nouveau pour détourner l’attention de la déception provoquée au sujet des saints en vie qui ne seraient pas enlevés. Mais hélas! qu’il est dangereux pour tout homme d’avoir un sentiment exagéré de ses responsabilités et de tenter de hâter la nouvelle lumière! À notre douloureuse surprise, M. Barbour écrivit peu après un article pour Le messager du matin, article dans lequel il rejetait la doctrine de la rédemption, reniant que la mort du Christ fût le prix de rachat payé pour Adam et sa descendance. Il affirmait que la mort de notre Seigneur ne pouvait pas plus servir de paiement pour le châtiment des péchés du genre humain que des parents terrestres ne considéreraient comme un règlement approprié pour un écart de conduite de leur enfant le fait de percer le corps d’une mouche avec une épingle pour la faire souffrir et mourir. J’étais étonné, car j’avais supposé que M. Barbour avait une compréhension claire de l’œuvre du Christ en tant que sacrifice propitiatoire pour nous (...). Ou j’avais attribué à M. Barbour des connaissances plus claires qu’il n’en avait jamais possédé, ou alors il enlevait délibérément sa robe de noce, la justice du Christ, pour la rejeter. Il ne restait qu’à tirer cette dernière conclusion, car M. Barbour déclara par la suite qu’il avait naguère reconnu la mort du Christ comme prix de rachat pour le genre humaink.

      THOMAS: Que voulait-​il dire par l’expression “robe de noce”?

      JEAN: Russell faisait allusion à la comparaison donnée par Jésus dans Matthieu 22:11-14. Cette parabole décrit un roi qui invite des convives au mariage de son fils. Les premiers invités ayant refusé de venir, le roi envoie ses esclaves dans les rues et les sentiers pour en rassembler d’autres. Mais au festin de mariage, il aperçoit un homme qui n’a pas revêtu le vêtement de circonstance, ce qui prouve un manque de reconnaissance. Le roi ordonne qu’il soit jeté dehors. Par cette parabole, Jésus montre que seules auront le droit de rester au sein de l’assemblée de ses élus les personnes qui se seront convenablement identifiées comme étant en complète union avec lui. En appliquant ainsi cette comparaison, Russell indiquait que Barbour, en rejetant les mérites du sacrifice rédempteur de Jésus, avait délibérément répudié son identité chrétienne. Pierre nous a mis en garde contre cette manière d’agir, en déclarant: “Il y eut aussi de faux prophètes parmi le peuple, comme il y aura de faux enseignants, parmi vous. Ceux-ci introduiront silencieusement des sectes destructrices et renieront même le propriétaire qui les a achetés, attirant sur eux-​mêmes une prompte destructionl.”

      MARIE: Le pasteur Russell n’avait alors que vingt-six ans, tandis que M. Barbour était beaucoup plus âgé. D’ailleurs, Le messager du matin était le périodique de M. Barbour en ce sens que c’était lui qui avait commencé à l’éditer. Mais c’est le pasteur Russell qui le finançait au moment où la division s’est produite. Il aurait donc facilement pu être influencé par la position de M. Barbour. Le pasteur Russell aurait pu hésiter à s’opposer à lui par crainte de perdre le terrain qu’ils avaient gagné ensemble.

      L’ACTION POSITIVE FAIT ÉCHOUER LE COMPROMIS

      JEAN: Mais malgré son jeune âge, il savait par l’étude de la Bible que le compromis est le commencement de l’apostasie, et qu’il serait fatal d’abandonner les principes et les vérités de Dieu pour des raisons d’opportunisme. Cette fois, l’intégrité de Russell envers la vérité allait subir sa première vraie épreuve. La voie qu’il choisit allait produire des effets immédiats et décisifs. Il rédigea aussitôt un article pour Le messager du matin, afin de dénoncer l’erreur. Pendant plusieurs mois, il fit paraître des articles analogues; il déclara alors:

      Il devint maintenant clair pour moi que le Seigneur ne me demanderait plus désormais de donner mon appui financier à une chose qui exercerait une influence contraire au principe fondamental de notre sainte religion, ni de m’associer à une telle cause. C’est pourquoi, après un effort prudent mais infructueux en vue de ramener l’égaré, je me retirai entièrement du Messager du matin et de toute association future avec M. Barbour. Mais il ne me semblait pas suffisant de m’être retiré pour démontrer ma loyauté ininterrompue envers notre Seigneur et Rédempteur (...). Je compris donc que selon la volonté du Seigneur il m’incombait de lancer un nouveau périodique dans lequel la bannière de la Croix serait tenue bien haut, la doctrine de la Rançon défendue et la bonne nouvelle de grandes joies proclamée aussi largement que possible.

      Agissant ainsi sous la conduite du Seigneur, je cessai de voyager, et en juillet 1879 sortit de presse le premier numéro de “La Tour de Garde et Messager de la présence de Christ” (THE WATCH TOWER AND HERALD OF CHRIST’S PRESENCE). Dès le début, ce périodique s’est fait le défenseur particulier de la Rançon; et, par la grâce de Dieu, nous espérons qu’il le sera jusqu’à la fina.

      On ne pouvait pas prévoir, à cette époque-​là, les lointains effets que produirait cette audacieuse prise de position pour la pure doctrine. Cependant, il est maintenant évident que si Russell avait accepté des compromis sur cette question vitale, son service pour Jéhovah n’aurait pas eu plus de valeur que les sacrifices d’animaux tarés offerts par les conducteurs de la chrétienté apostate. C’était là un temps de grandes décisions. Le temps était venu où le Christ Jésus, en qualité de représentant de Jéhovah, devait choisir le canal qui servirait à rassembler sa classe du “blé”.

      Ces vérités de la Parole de Dieu, Russell et ses proches ne les avaient apprises qu’à force d’études soigneuses et assidues. Ils les ont acceptées parce qu’ils étaient animés de l’honnête conviction que le temps était maintenant venu pour Jéhovah d’appeler “des ténèbres à son admirable lumière” tous les hommes qui désiraient sincèrement connaître et faire la volonté divine. La situation de Russell nous fait songer au passage biblique de Galates 2:4, 5. Loïs, voudriez-​vous nous le lire?

      LOÏS [Elle lit]: “Et cela, à cause des faux frères qui s’étaient furtivement introduits et glissés parmi nous, pour épier la liberté que nous avons en Jésus-Christ, avec l’intention de nous asservir. Nous ne leur cédâmes pas un instant et nous résistâmes à leurs exigences, afin que la vérité de l’Évangile fût maintenue parmi vous.” Ces paroles sont de Paul, n’est-​ce pas?

      JEAN: C’est juste. Lui aussi se trouvait en présence de nombreux problèmes analogues dans la congrégation primitive. Il ne s’est pas contenté de rester fermement attaché à la vérité de la Parole de Dieu, mais il a encore écrit de nombreux conseils encourageants pour nous qui vivons aujourd’hui. Aussi, tout comme Paul, Russell et ceux qui se sont joints à lui dès le début ont été grandement bénis pour leur fidélité.

      LA FIDÉLITÉ APPORTE DES BÉNÉDICTIONS ACCRUES

      Ces convictions, auxquelles s’est ajoutée l’expérience concluante faite avec Barbour et Le messager du matin, ont amené Russell à comprendre que si ce petit noyau de vrais chrétiens voulait maintenir son intégrité envers la volonté divine, il lui faudrait surveiller de près la publication de ces vérités, assurer la parution de son propre périodique ainsi que d’autres écrits, en restant séparé de tout autre groupement. En vérité, ces vrais chrétiens ont connu un début modeste. Mais cela nous rappelle le texte de Zacharie 4:10 (CT): “Car qui mépriserait le temps des petites choses?” Ces jours-​là, commençant en 1879, moment où le petit groupement de Pittsburgh s’est retrouvé seul pour travailler, étaient bel et bien des jours de “petites choses”.

      Le premier numéro du “Phare de la Tour de Sion, Messager de la présence de Christ” (Zion’s Watch Tower and Herald of Christ’s Presence), du 1er juillet 1879, se limitait à 6 000 exemplairesb. C. T. Russell en était le rédacteur, tandis que cinq autres étudiants de la Bible, ayant atteint la maturité, allaient régulièrement fournir des articles. Les premières paroles de ce nouveau périodique sont intéressantes à lire:

      Voici le premier numéro de la première année de “ZION’S WATCH TOWER”. Il ne sera pas inutile de faire connaître le but de sa parution. Que nous vivions “dans les derniers jours”, “le jour du Seigneur”, à “la fin” de l’âge de l’Évangile, et, par conséquent, à l’aurore du “nouvel” âge, ce sont là des faits que l’étudiant assidu de la Parole peut discerner, s’il est conduit par l’esprit; mais les signes extérieurs que le monde peut reconnaître rendent, eux aussi, le même témoignage, et nous désirons que la “famille de la foi” soit pleinement consciente de ce faitc.

      Dès le commencement, le périodique a rendu témoignage au nom de Jéhovah, car il est dédié à Jéhovah et aux intérêts de son Royaume. Dans son deuxième numéro, le périodique disait ce qui suit sous le titre “Désirez-​vous lire ‘La Tour de Garde de Sion’?”:

      “La Tour de Garde de Sion” a, nous le croyons, JÉHOVAH comme soutien, et tant qu’il en sera ainsi, elle ne demandera ni ne sollicitera jamais l’appui des hommes. Quand Celui qui dit: “Tout l’or et tout l’argent des montagnes sont à moi” ne daignera plus pourvoir aux fonds nécessaires, nous comprendrons que le moment est venu d’en suspendre la parutiond.

      Deux ans plus tard, le nom et l’identité de Jéhovah ont été traités. Dans le numéro de juillet 1882 a été publié un article de sept pages, intitulé “Écoute, Israël: Jéhovah, notre Dieu, est seul Jéhovah”. Cet article réfutait la doctrine de la “trinité”, soit l’enseignement d’“un seul Dieu en trois personnes”. En août 1882 a été posée la question de savoir s’il convenait d’appliquer le nom de “Jéhovah” au Père ou au Christ. Voici la réponse:

      C’est avec confiance que nous affirmons que dans les Écritures le nom de Jéhovah n’est jamais appliqué à nul autre qu’au Père. Que ceux qui prétendent le contraire produisent un texte et qu’ils démontrent que celui-ci s’applique à Jésus ou à quelqu’un d’autre que le Père. Voici comment on peut prouver la chose d’une manière concluante: Les écrivains du Nouveau Testament citent souvent l’Ancien Testament; citent-​ils une seule fois un passage où figure le mot Jéhovah pour l’appliquer à Jésus? Nous prétendons qu’ils ne le font pas. Au contraire, nous allons emprunter une citation parmi tant d’autres analogues où le mot est clairement appliqué, non à Jésus, mais au Père. Le Psaume 110:1 (Da) déclare: “L’Éternel (Jéhovah) a dit à mon Seigneur (adon — maître): Assieds-​toi”, etc. Lisez attentivement comment ce passage est appliqué par Jésus (Luc 20:41-44) et par Pierre (Actes 2:34-36, 33). À lui seul, ce texte suffit, tant que l’on ne nous aura pas répondu. Si quelqu’un arrive à le déformer, nous en aurons d’autres à sa dispositione.

      Ainsi, le pasteur Russell agissait et servait en qualité de témoin de Jéhovahf.

      SIGNES PERMETTANT D’IDENTIFIER LE CANAL CHOISI PAR DIEU

      Vous voyez donc, Thomas, que sous de nombreux rapports les preuves commençaient à s’accumuler. Elles montraient que de toutes les voix primitives qui s’étaient fait entendre, Jéhovah avait choisi la publication que nous appelons à présent La Tour de Garde, pour s’en servir comme canal par lequel il apporterait au monde une révélation de sa volonté. Et par les paroles révélées dans les colonnes de cette publication, Dieu commencerait à diviser la population de ce monde en deux classes: celle qui ferait la volonté divine et celle qui ne la ferait pas. Pour cette raison, 1879 a été un tournant dans l’œuvre. Ce petit groupement, dirigé par C. T. Russell, venait d’être éprouvé et reconnu apte à entreprendre la grande campagne préliminaire qui devait conduire au point culminant attendu pour 1914. Mais quelle œuvre cette petite troupe pouvait-​elle s’attendre à accomplir dans le monde entier, en moins de quarante ans? Même dans des conditions favorables, cette tâche devait paraître gigantesque. Néanmoins, ces hardis prédicateurs itinérants se sont mis en route, littéralement à pied, pour accomplir cette tâche, tout en sachant qu’ils auraient à faire face à l’opposition la plus acharnée. Quant au monceau de louanges qu’ils ont édifié au nom de Jéhovah en une quarantaine d’années, il ne pouvait être réalisé que de la façon annoncée dans Zacharie 4:6 (AC): “Ni par une armée, ni par la force, mais par mon Esprit, dit Jéhovah des armées.” Jéhovah seul pouvait ainsi nourrir et diriger son peuple.

      [Notes]

      a a J. L. Russell mourut en 1897, à l’âge de 84 ans, après avoir été un fidèle associé de son fils dans les activités de la Société (w 1er janv. 1898, p. 4).

      b b Études des Écritures (1886), tome I, Préface “Biographie”, p. 1 (éd. angl. 1926). Voir aussi w 1916, p. 356.

      c c Études des Écritures (1917), tome VII, p. 63 (2e éd.).

      d d A Great Battle in the Ecclesiastical Heavens (1915), par J. F. Rutherford, p. 16.

      e e Études des Écritures (1886), tome I, Préface “Biographie”, p. 18 (éd. angl. 1926).

      f f Ibid., pp. 1, 2.

      g g w 1916, p. 171.

      h h Études des Écritures (1917), tome VII, pp. 65, 66 (2e éd.).

      i i w 1916, p. 171.

      j j Ibid., p. 172.

      k k w 1916, p. 172.

      l l II Pierre 2:1.

      a m w 1916, pp. 172, 173. Le 1er janvier 1909, ce nom fut changé en “La Tour de Garde et Messager de la présence de Christ” (The Watch Tower and Herald of Christ’s Presence) [changement opéré en français en avril 1909]. (Voir explication dans wF août 1909, p. 16.) Puis, le 15 octobre 1931, il fut changé en The Watchtower and Herald of Christ’s Presence [en français, dès décembre 1931, seul le cliché change]; le 1er janvier 1939, le nom fut changé en The Watchtower and Herald of Christ’s Kingdom [en français, dès le 15 janvier 1939: La Tour de Garde et Messager du Royaume de Christ]; le 1er mars 1939, en The Watchtower Announcing Jehovah’s Kingdom [en français, dès le 15 mai 1939: La Tour de Garde, Annonciatrice du Royaume de Jéhovah; le 15 avril 1952, le périodique reçut en français son titre actuel: La Tour de Garde annonce le Royaume de Jéhovah]. À partir de son premier numéro jusqu’en décembre 1891, il paraissait une fois par mois; à partir du 1er janvier 1892, deux fois par mois (voir w 1891, p. 173) [En français, le premier numéro mensuel parut en octobre 1903, et le premier numéro bimensuel le 1er octobre 1933]. La périodicité des éditions en d’autres langues est variable.

      b n w août 1879, p. 2.

      c o w juillet 1879, p. 3.

      d p w août 1879, p. 2.

      e q w août 1882, pp. 2, 3.

      f r À la page 20 de l’ouvrage “Les trois mondes” (The Three Worlds, 1877), on rencontre le nom de Jéhovah au lieu de l’expression “le Seigneur” quand Sophonie 3:9 (American Standard Version) est cité: “Car alors je tournerai le peuple vers une langue pure, afin qu’ils puissent tous invoquer le nom de Jéhovah, pour le servir d’un commun accord.” Russell connaissait donc de bonne heure le nom divin.

  • Préparatifs pour la rentrée de la moisson
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 4

      Préparatifs pour la rentrée de la moisson

      LOÏS: Avant d’aller plus loin ce soir, Jean, j’aimerais que vous m’éclairiez sur un point: Où le pasteur Russell voulait-​il en venir? Les notes biographiques que vous nous avez lues disaient qu’il n’essayait pas de lancer une nouvelle religion, et c’est ce que vous nous avez dit vous-​même en expliquant le nom de témoins de Jéhovah. Si une nouvelle religion est vraiment née ou pas, ce n’est pas ce qui compte pour le moment. Le côté le plus significatif de son message, à mon avis, c’est que la présence du Christ était imminente; mais que demandait-​il aux gens de faire et, d’après lui, quels événements devaient se produire au retour de Jésus?

      JEAN: Tout d’abord, le pasteur Russell et ceux qui s’étaient joints à lui croyaient que la présence invisible du Christ, sous forme spirituelle, avait déjà commencé en 1874. Ils avaient compris que l’œuvre principale du Christ consistait, à cette époque-​là, à rassembler les siens, et à les affranchir des nombreux enseignements contradictoires concernant la volonté divine à leur égard. Ils croyaient que le but du retour du Christ était de les rassembler, de rétablir le vrai culte puis, en 1914, à la fin des “temps des Gentils”, de les faire entrer dans le Royaume de Dieu, tel un fiancé qui viendrait chercher sa fiancée. Cela signifiait que la première chose à faire, c’était de quitter la religion apostate de la chrétienté, d’apprendre à connaître la vérité pour ensuite la faire activement connaître à autrui.

      LES CONGRÉGATIONS NAISSENT

      THOMAS: Comment se sont-​ils organisés pour accomplir cette œuvre?

      JEAN: Ma foi, c’était un jour de petites choses; ils ont commencé avec peu. Néanmoins, ils s’efforçaient d’organiser immédiatement des congrégations partout où les gens montraient de l’intérêt pour le message. C’est dans cette intention que Russell et quelques-uns de ses proches se sont mis à rendre visite à ceux qui s’étaient abonnés à La Tour de Garde, pour les réunir en groupes d’étude. Au cours de ces deux premières années, 1879 et 1880, ils ont fondé une trentaine de congrégations dans les États de Pennsylvanie, New Jersey, New York, Massachusetts, Delaware, Ohio et Michigan. Puis, en 1880, le pasteur Russell a pris des dispositions pour visiter lui-​même ces trente congrégations, afin d’y passer au moins un jour dans chacune. Le programme qu’il présentait était intensif, puisque Russell dirigeait chaque jour au moins six heures d’étude dans chaque groupea.

      LOÏS: C’était là un programme d’étude bien chargé. Quel genre de réunions tenaient-​ils donc?

      JEAN: Bien entendu, lors de ces premières visites, le pasteur Russell prononçait des allocutions sur la Bible, et il répondait aux questions. Par la suite, pour prendre un exemple, la congrégation de Pittsburgh-Allegheny se réunissait régulièrement le dimanche après-midi, de 14h.30 à 16 heures. Cette réunion était surtout destinée au public, car on y présentait des exposés bibliques. Le mercredi, de 19h.30 à 21 heures, on se réunissait pour les “Cottage Meetings” (réunions dans les foyers). Plus tard, on les a nommées “réunions de prières, de louanges et de témoignages”, car les assistants se levaient pour prononcer une prière ou pour raconter des témoignages personnels se rapportant aux efforts qu’ils avaient accomplis et aux résultats obtenus dans la prédication chrétienne. On y chantait aussi des cantiques de louanges. Cette réunion du mercredi a été à l’origine de ce que les témoins de Jéhovah appellent à présent la réunion de service. Le vendredi soir, leur étude de la Bible se fondait sur des sujets traités dans leurs livres, ceux qui avaient paru jusque-​là. Ces études étaient appelées “Cercles de l’aurore”, parce que les premiers livres, publiés par la Société, étaient connus sous le nom de série de “L’aurore du Milléniumb”. Ils possédaient en outre un petit recueil de cantiques, appelé “Cantiques de l’Épousec”.

      LOÏS: Et la communion? Est-​ce qu’ils la célébraient?

      JEAN: Ils avaient rompu avec la coutume pratiquée dans les Églises de la chrétienté. Chez les catholiques, la “communion” ou “messe” peut être célébrée de nombreuses fois par an. Mais cela est tout à fait contraire aux Écritures. Puisque la disposition prise par Jésus devait servir de commémoration de sa mort, il convenait de célébrer cette commémoration le jour même où Jésus est mort, c’est-à-dire à la date exacte de la Pâque juive. Or celle-ci tombe le 14 abib ou nisan. Le mois juif de nisan commence avec la nouvelle lune la plus proche de l’équinoxe du printemps, observée en Palestined. En raison de sa nature, ces premiers étudiants de la Bible ont appelé cette fête le “souper anniversaire”, car pour eux il s’agissait de célébrer ce souper lors de l’anniversaire, et une seule fois par année. De nos jours, les témoins de Jéhovah l’appellent la Commémoration, ce qui indique la même chose; c’est une fête en souvenir de la mort du Christ. Nous la désignons aussi sous le nom de “repas du soir” du Seigneur, d’après les Écritures grecques chrétiennes — Traduction du monde nouveaue.

      Dans ces premières années, la congrégation de Pittsburgh était à la fois la plus grande et la plus ancienne. C’était là, en général, que se célébrait la Commémoration. Parmi les chrétiens qui vivaient dans d’autres parties des États-Unis, tous ceux qui le pouvaient se rendaient alors à Pittsburgh, une fois par an, pour cette célébration. Ils imitaient en quelque sorte les Juifs qui montaient jadis à Jérusalem pour célébrer la Pâque. Seules les petites congrégations célébraient la Commémoration séparément. Ce rassemblement à Pittsburgh répondait à un double but: d’une part, il leur permettait de célébrer la Commémoration ensemble, dans l’unité d’esprit et, d’autre part, il leur fournissait l’occasion de tenir un congrès de deux jours. De cette manière, ces premiers frères étaient consolidés sur le plan de l’esprit; ils croissaient dans l’unité en s’assemblant. Ils pouvaient se voir face à face, ce qui servait de stimulant, car à part cela, rien ne les unissait. En partageant la compagnie de leurs frères et en recevant la nourriture spirituelle ensemble, ils puisaient les forces nécessaires pour faire progresser plus rapidement cette œuvre naissantef.

      THOMAS: Vous avez dit qu’à part cela, rien ne les unissait. Que voulez-​vous dire par là?

      JEAN: Chaque congrégation accomplissait son service plus ou moins indépendamment, tout en prenant modèle sur la première congrégation de Pittsburgh. Or, sur le plan de l’organisation, ces congrégations n’étaient pas pour autant rattachées à celle de Pittsburgh. Il est vrai qu’elles assimilaient la même nourriture spirituelle, dispensée dans les colonnes de La Tour de Garde. C’était là un lien important, car ces membres provenaient de diverses organisations religieuses: ils avaient été catholiques, presbytériens, congrégationalistes, luthériens ou autres. Ainsi, l’étude de La Tour de Garde contribuait grandement à créer l’unité, quoique, dans une large mesure, ces membres aient apporté avec eux les pensées et les procédés suivis par les diverses Églises et sectes. Cela a eu pour effet que les premières congrégations des témoins de Jéhovah étaient régies par une sorte d’administration ecclésiastique calquée sur le style presbytérien et congrégationaliste. On appelait ces congrégations des “ecclésias”, d’après le mot grec qui signifie “congrégation”. Chacune avait à sa tête un comité de presbytres appelés les “aînés”, tout comme dans l’Église presbytérienne. Ces “aînés” étaient chaque fois élus d’une manière démocratique pour un an au maximum, comme dans l’Église congrégationaliste. Réunis en comité, ils désignaient les divers orateurs, déterminaient la matière à étudier, et ainsi de suite. C’était là une manière de procéder bien différente de celle suivie par les témoins de Jéhovah actuels.

      DES MILLIERS SONT ATTEINTS GRÂCE À LA DIFFUSION DES TRACTS

      LOÏS: Le pasteur Russell enseignait donc qu’il fallait étudier la Bible et participer à l’œuvre de la moisson. Comment s’y sont-​ils pris? J’entends les étudiants de la Bible, sans parler des aînés.

      JEAN: Au début, on distribuait surtout des tracts. Quant au pasteur Russell, il avait alors déjà liquidé ses affaires, et il consacrait la plus grande partie de son temps à écrire et à prêcher. Puis, à partir de 1880, le petit groupe de Pittsburgh, en tant que bureau central, s’est mis à publier des tracts. Après 1891, ces tracts numérotés qui s’intitulaient d’abord “Tracts des Étudiants de la Bible” (Bible Student’s Tracts) ont aussi été appelés “Cahier trimestriel de théologie ancienne” (Old Theology Quarterly). Remis gratuitement aux lecteurs de La Tour de Garde pour que ceux-ci les distribuent au public, ces tracts devaient servir à démasquer les erreurs contenues dans les doctrines enseignées par les Églisesg. On publiait aussi des feuilles d’un plus grand format comme éditions supplémentaires de La Tour de Garde. Ainsi, en 1881, avaient paru les deux brochures “Les figures du Tabernacle” (Tabernacle Teachings) et “Nourriture pour les chrétiens réfléchis” (Food for Thinking Christians). De nos jours, nous appellerions ces publications des livres brochés. Ainsi, la brochure Nourriture pour les chrétiens réfléchis a paru comme édition spéciale de La Tour de Garde pour le mois de septembre 1881. À la page 162 de l’édition de 1884, le passage suivant de cette brochure attirait l’attention du lecteur sur la Société et sur l’œuvre accomplie par celle-ci:

      Cette Société [Zion’s Watch Tower Tract Society] est organisée dans l’intention de répandre des publications semblables à cette brochure publiée par La Tour de Garde, périodique mensuel de huit pages. La présente brochure est un numéro de ce périodique, présentée dans un format plus pratique; ainsi, au cours des quatre dernières années, cette Société en a fait imprimer et diffuser, à ses frais, plus d’un million d’exemplaires gratuits.

      THOMAS: Comment ce petit groupement pouvait-​il répandre un million d’exemplaires de cette brochure?

      JEAN: C’est que de nombreux exemplaires en ont été distribués par les lecteurs de La Tour de Garde grâce à leurs contacts personnels. Mais on s’est également servi de deux autres méthodes peu courantes. En voici deux exemples décrits dans l’une des premières publications de la Société:

      Le directeur du principal journal de la ville de New York accepta d’envoyer à tous ses abonnés un exemplaire du tract [Nourriture pour les chrétiens réfléchis]; de même, plusieurs autres journaux de Chicago, de Boston, de Philadelphie et de New York nous aidèrent d’une façon analogue dans l’œuvre, ce dont nous les remercions sincèrementh.

      Et le pasteur Russell d’expliquer: “Nous ne citerons pas les noms des journaux simplement pour leur épargner l’ennui d’être sollicités par autrui. Ils disent n’avoir encore jamais accordé de tels privilèges à personne.” En outre, nous lisons au sujet de cette tâche d’envergure:

      (...) Faible en apparence au début, le travail avec les tracts a connu un essor si considérable que 1 200 000 exemplaires en ont été distribués, (...) il a fallu le concours de centaines d’hommes, de femmes et de garçons pour la préparation et la distribution des tracts, près de 500 garçons étant employés à les distribuer à Londres et quelque 300 à New York, ainsi qu’un nombre correspondant dans d’autres villes. Dans les plus grandes villes, la distribution se fit le dimanche, à la porte des églisesi.

      Afin d’encourager la distribution des tracts, deux des premiers compagnons de Russell ont été envoyés en Grande-Bretagne, en 1881. Dans leur rapport, ils racontent avoir distribué 100 000 brochures à Londres et 65 000 en Écosse, dans les villes de Glasgow, d’Édimbourg, de Dundee et d’Aberdeenj.

      LOÏS: De quoi parlait donc cette brochure?

      JEAN: Elle était doctrinale, bien entendu. Elle présentait un résumé de toutes les vérités que ces étudiants de la Bible avaient apprises et comprises jusqu’à l’année 1881. La brochure commençait sous forme de dialogue, et la discussion se poursuivait un peu comme chez vous, où nous discutons de l’histoire de la Société. Puis, après avoir réfuté quelques doctrines fondamentales enseignées par les grandes Églises, telles que l’immortalité de l’âme, la brochure poursuivait en expliquant de nombreux points du dessein divin des âges. À l’intention de la majorité des humains qui recevront la vie sur la terre, la brochure faisait ressortir ce qui suit:

      Ceux qui forment le reste de notre race et qui avancent maintenant en foule sur la route large de la mort doivent être rétablis, car leur culpabilité et leurs péchés seront rachetés et pardonnés. Comme, par la désobéissance d’un seul homme, tous ont été placés sur la route large et qu’ils ont été engloutis dans la mort, de même, par l’obéissance d’un seul (Christ), tous seront pardonnés et ramenés à la vie. Mais quand ils seront ramenés à “leur condition antérieure” — la perfection telle qu’elle existait à l’origine — ils n’auront pas la vie dans le même sens que l’obtiendra la famille divine. Leur part ne sera pas d’avoir la vie en eux-​mêmes, mais la vie qui leur est fournie. La race humaine restaurée vivra sans doute éternellement. Dieu lui fournira les moyens de continuer à vivre aussi longtemps qu’elle sera obéissante, et il nous est dit que cela sera pour l’éterniték.

      LA SOCIÉTÉ WATCH TOWER PREND CORPS

      THOMAS: Quelles dispositions ce groupement avait-​il prises pour imprimer les tracts et le périodique La Tour de Garde?

      JEAN: Au début, l’impression de ces écrits était presque entièrement assurée par des maisons d’édition commerciales. Notre premier bureau central se trouvait au 44, Federal Street, à Allegheny, en Pennsylvaniel. Russell avait compris que pour étendre la distribution des tracts et de La Tour de Garde, il faudrait accepter des contributions, et il serait alors nécessaire d’avoir une société sous une forme ou sous une autre. Ainsi, dans La Tour de Garde (angl.) d’avril 1881, on pouvait lire à la page 7, sous le titre “Watch Tower Tract Society”:

      Les proportions immenses que semble prendre le travail avec les tracts ont fait naître l’idée d’un effort conjugué dans ce sens; et cela a eu pour effet la création de cette Société. Les tracts sont très demandés. Plus de 900 000 pages sont déjà sorties des presses, et nous allons passer des contrats pour plusieurs millions de pages. Nous sommes confiants que le Seigneur prendra plaisir à se servir de ces tracts comme moyens permettant d’ouvrir les yeux aux aveugles face aux beautés de sa Parole, comme jadis il se servit même de boue et de salive pour ouvrir des yeux naturels.

      L’année d’après, Russell insérait ce qui suit dans les colonnes de La Tour de Garde concernant la Société:

      Cette Société a été organisée, il y a moins d’un an, pour le but indiqué par son nom. (...) Nous ne solliciterons jamais de dons. Ceux qui possèdent des biens de ce monde, et qui se sont entièrement consacrés, doivent simplement apprendre comment ils peuvent s’en servir. La destination des dons versés à ce fonds devrait être spécifiéea.

      En 1884, cette Société s’est constituée en corporation. C’est Russell lui-​même qui en a rédigé les statuts. À l’origine, la Société portait le nom de “Zion’s Watch Tower Tract Society”, mais aujourd’hui elle s’appelle “Watch Tower Bible and Tract Society of Pennsylvaniab”. Le but de cette Société est énoncé sous l’article deux des statuts:

      Le but pour lequel est constituée la corporation est la diffusion de vérités bibliques en différentes langues au moyen de la publication de tracts, de brochures, de journaux et d’autres écrits religieux, ainsi que par l’emploi de tout autre moyen légal que son conseil d’administration, dûment constitué, jugera opportun pour atteindre le but précité.

      Les statuts prévoyaient un conseil composé de sept directeurs, dont trois devaient remplir les fonctions de président, vice-président et secrétaire-trésorierc.

      Au bout de quelques années, leur premier bureau central étant devenu trop exigu, ils décidèrent de faire construire un immeuble pour eux seuls. Achevé en 1889d, cet immeuble abritait une salle de réunions pour 200 personnes environ. De nos jours, on pourrait la comparer à une Salle du Royaume des témoins de Jéhovah. Dans cet immeuble se trouvaient une petite salle pour l’imprimerie, un service d’expédition au sous-sol, ainsi que des appartements pour les membres de la famille qui travaillaient comme personnel dans ce bureau central. Des locaux étaient également réservés à la rédaction. Et du côté de la rue, il y avait un entrepôt et un magasin où des écrits étaient distribués au public. Cet immeuble, appelé “Maison de la Bible”, a servi de bureau central à la Société pendant vingt ans.

      Ainsi, le pasteur Russell n’a pas organisé la Société Watch Tower simplement pour recevoir des contributions et pour imprimer des écrits. Selon le but énoncé dans les statuts, la Société avait été organisée pour “la diffusion de vérités bibliques”. Or, pour atteindre ce but, il ne suffisait pas d’établir des congrégations pour l’étude, congrégations dont les membres distribueraient de temps en temps des tracts. En réalité, le pasteur Russell se proposait d’organiser tout cela sur une plus grande échelle. Mais de cela, je vous en parlerai la semaine prochaine.

      [Notes]

      a a w juin 1880, p. 8; w sept. 1880, p. 8; w nov. 1880, p. 8.

      b b w janv. 1881, p. 7; w avril 1881, p. 8; w 1897, p. 158.

      c c w sept. 1879, p. 4.

      d d w 1897, p. 86.

      e e I Corinthiens 11:25.

      f f w 1892, p. 114; voir “Congrès des croyants”, assistance: 400.

      g g w déc. 1880, p. 8; w janv. 1881, p. 3; w mars 1889, p. 7.

      h h w oct.-nov. 1881, p. 5.

      i i Ibid.

      j j w oct.-nov. 1881, p. 6.

      k k w sept. 1881, p. 144.

      l l Ce bureau central porta par la suite le numéro 40, Federal Street, et puis le 151, Robinson Street, la rue ayant changé de nom (w déc. 1884, p. 1; w mars 1887, p. 1).

      a m w janv.-fév. 1882, p. 2.

      b n Le 13 décembre 1884, le juge F. H. Collier de la Cour des Plaids Communs [tribunal civil] du Comté d’Allegheny, État de Pennsylvanie, accorda à la Société un statut légal dûment enregistré le 15 décembre 1884 (w janv. 1885, p. 1). Le nom qu’elle portait à l’origine fut changé, en 1896, par un amendement légal en “Watch Tower Bible and Tract Society” (statuts de la Watch Tower Bible and Tract Society, pp. 4, 5). Le 1er novembre 1955 furent enregistrés les amendements légalisant son titre intégral actuel. Voir aussi Études des Écritures (1886), tome I, Préface “Biographie”, p. 19 (éd. angl. 1926).

      c o Les premiers membres du bureau étaient C. T. Russell, le président; William I. Mann, le vice-président; Maria S. Russell, femme du pasteur Russell, la secrétaire-trésorière (Statuts de la Watch Tower Bible and Tract Society, pp. 1-3).

      d p Sis au 56 et 60, Arch Street, Allegheny, North Side, Pittsburgh; la rue ayant été renumérotée, leur adresse devenait alors le 610-614, Arch Street (w janv. 1890, p. 1; w 1900, pp. 260, 272, photo; voir aussi wF oct. 1903, p. 8). À l’origine, cette propriété appartenait légalement à la Tower Publishing Company [La Tour, Maison d’édition], affaire privée dirigée par C. T. Russell. En avril 1898, le droit de propriété sur ces biens immobiliers et les installations fut transféré à la corporation légale, la Watch Tower Bible and Tract Society, lorsque le conseil d’administration de la Société accepta comme donation le droit de propriété sur ces biens (w 1898, pp. 114, 369).

      [Illustrations, page 26]

      SCEAU DE LA SOCIÉTÉ, 1884.

      SCEAU DE LA SOCIÉTÉ, 1956.

      [Illustration, page 27]

      MAISON DE LA BIBLE, 1889.

  • La prédication de la bonne nouvelle, une mission confiée à tous
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 5

      La prédication de la bonne nouvelle, une mission confiée à tous

      LOÏS: Jean, la semaine dernière, vous nous avez raconté que les lecteurs de La Tour de Garde distribuaient des tracts. Cette œuvre était-​elle organisée, ou bien chacun la faisait-​il à sa manière?

      JEAN: Au début, chacun la faisait simplement à sa manière, mais les lecteurs recevaient l’encouragement et l’aide de la Société en développement. Dès le commencement, Russell avait compris qu’il était nécessaire que les chrétiens prennent une part active à la prédication de ce qu’ils avaient appris. La deuxième année de sa parution, La Tour de Garde lançait un émouvant appel sous le titre “Recherchons 1 000 prédicateurs”. Cet appel visait à encourager tous les lecteurs de La Tour de Garde qui pouvaient consacrer la moitié de leur temps, ou davantage, exclusivement à l’œuvre du Seigneur, à

      aller dans les villes, grandes et petites, selon vos possibilités, comme colporteurs ou évangélistes, à la recherche, en tous lieux, des chrétiens sincères et convaincus. Vous en trouverez beaucoup qui sont animés du zèle pour Dieu, mais pas selon la connaissance. Cherchez à leur faire connaître les richesses de la grâce de Notre Père et les beautés de sa Parole, en leur remettant des tracts; et comme marque d’une œuvre de bonté et d’amour à leur égard, efforcez-​vous de leur vendre “L’aurore du jour” ou de leur faire souscrire un abonnement à “La Tour de Garde” [ou, si quelqu’un manifeste de l’intérêt et qu’il soit trop pauvre pour les acheter, présentez-​les-​lui comme un don venant de Dieu].

      Étant donné que sans quelque revenu, peu de personnes seraient en mesure de se déplacer et de pourvoir à leur entretien, nous proposons de fournir aux colporteurs les TRACTS et LES AURORES DU JOUR gratuitement, et de leur permettre de recueillir des abonnements à LA TOUR DE GARDE et de se servir de l’argent obtenu grâce à ces sources, (...) pour couvrir les dépenses nécessairea.

      Le mois suivant, c’est-à-dire en mai 1881, on s’est référé aux paroles que nous venons de lire pour indiquer qu’il en était résulté de nombreuses réponses favorables. Or, ces paroles démontraient que le pasteur Russell avait bien compris que cette œuvre n’avait pas simplement pour but de faire connaître le dessein de Dieu. Elle était aussi destinée à faire partager à chaque chrétien la responsabilité de participer à la réalisation des desseins divins. Voyons ce que dit l’article:

      Certains semblent nous avoir mal compris et avoir cru que nous faisions appel à tout le monde, aussi bien à des représentants qu’à des vendeurs de livres; ils ont attiré l’attention de leurs amis sur cette œuvre, disant que c’était là une belle occasion de trouver un emploi, etc. C’était mal comprendre notre proposition. Nous cherchons des ouvriers (et tel est le désir du Seigneur) qui soient disposés à travailler pour un salaire céleste, bien plus que pour le prix d’un journal ou d’un livre, quelle qu’en soit la nécessité. Non, nous ne faisons appel qu’à ceux qui savent expliquer le journal, le livre et le plan, et qui, en se déplaçant, pourront prêcher en disant: “Repentez-​vous, car le royaume des cieux est proche.” (Mat. 3:2, Sg)b.

      LOÏS: N’empêche que le pasteur Russell était bien optimiste pour lancer un appel à 1 000 prédicateurs à plein temps. Y a-​t-​il eu beaucoup de réponses?

      JEAN: En ce temps-​là, on ne publiait pas souvent des rapports. Néanmoins, au cours de l’année 1885, il y a eu 300 colporteurs, comme on les appelait alors. C’est ce qui ressort du rapport rédigé par le secrétaire-trésorier de la Société pour le numéro de La Tour de Garde (angl.) de janvier 1886c. Le livre “Le divin Plan des Âges” a été publié en 1886, et on s’est mis à le distribuer en anglais. Les colporteurs — ou “pionniers”, comme nous les appelons maintenant — envoyaient leur rapport chaque semaine au bureau de Pittsburghd. Des années plus tard, quand les livres formaient une série de six volumes, les colporteurs n’emportaient pas toute la série de porte en porte comme le font les témoins de Jéhovah aujourd’hui. Ils emportaient simplement un “prospectus”, c’est-à-dire les couvertures de tous les livres, attachées ensemble pour former un dépliant qui s’étirait comme un accordéon. Pour faire un exposé sur chaque sujet traité dans ces livres, le témoin dépliait ce prospectus sur le bras allongé. Puis il prenait des commandes pour la série complète, car les livraisons ne s’effectuaient alors qu’une ou deux fois par mois. En général, les témoins travaillaient deux par deux pour livrer tous ces ouvrages commandés. Il n’était pas rare de voir un seul colporteur, ou “pionnier”, placer quatre à cinq cents livres en un mois.

      OINTS POUR PRÊCHER

      Ce premier appel pour trouver 1 000 prédicateurs ne se limitait toutefois pas à ceux qui pouvaient donner tout leur temps. Voici une autre pensée émise à l’époque:

      L’Église est la vigne de Dieu (...). Il existe une si grande variété de travaux que tous peuvent trouver à s’occuper: dans la parabole, tous ont été engagés. Si vous disposez d’une demi-heure ou d’une heure, de deux ou de trois heures, vous pouvez employer ce temps: et cela sera agréable au Seigneur de la moisson. Qui peut prévoir les bienfaits qui découleront d’une heure de service accompli sous la conduite de Dieue?

      La même année paraissait dans La Tour de Garde un article intitulé “Oints pour prêcher”, basé sur Ésaïe 61:1. Loïs, voudriez-​vous nous lire ce passage d’après la Bible de Crampon, édition de 1905?

      LOÏS: Avec plaisir. [Elle lit.] “L’esprit du Seigneur, de Jéhovah, est sur moi, parce que Jéhovah m’a oint pour porter la bonne nouvelle aux malheureux; il m’a envoyé pour panser ceux qui ont le cœur brisé, pour annoncer aux captifs la liberté et aux prisonniers le retour à la lumière; pour publier une année de grâce de Jéhovah et un jour de vengeance de notre Dieu.”

      JEAN: Le pasteur Russell commence l’article en expliquant que, selon Luc 4:18, Jésus a cité cette prophétie pour l’appliquer à lui-​même et à son œuvre. Puis il montre que la raison même de cette onction était de recevoir de Dieu l’autorisation de prêcher. Russell poursuit et attire l’attention sur la responsabilité qui incombe aux disciples de Jésus.

      L’onction par la force spirituelle qui vint d’abord sur la Tête [Jésus] allait et devait venir en temps voulu (à la Pentecôte), et elle vint effectivement sur l’Église qui est son corps. Or, l’onction qu’elle reçut alors demeure en elle (I Jean 2:27). Pourquoi l’Église fut-​elle ointe? La Parole répond: afin que, dans les temps présents, elle partage avec le Seigneur le déshonneur et le sacrifice et afin que, dans l’âge de gloire à venir, elle soit réunie à lui dans la gloire et la puissance. Il y a davantage: comme il fut “oint pour annoncer la bonne nouvelle”, de même nous, son corps, nous devons être oints pour annoncer, pour prêcher, le même évangile (...). QUI DOIT PRÊCHER? Nous répondons: Tous ceux qui reçoivent l’esprit d’onction et qui sont ainsi reconnus comme membres du corps du Christ (l’Oint). Il en est de chaque membre exactement comme de la Tête: “Il m’a oint pour annoncer la bonne nouvelle.” Nous possédons chacun des aptitudes et des dons différents, et aucun de nous n’est pareil à notre Tête, qui est parfaite; mais chacun est responsable de sa manière de prêcher et du temps qu’il peut consacrer à la prédication. Les uns savent prêcher à des multitudes, les autres à deux ou trois personnes; les uns savent prêcher de maison en maison, les autres peuvent placer un mot à propos; les uns peuvent distribuer des tracts, les autres peuvent prélever sur l’argent consacré dont ils ont l’intendance, pour aider autrui à prêcher. Les uns peuvent faire plusieurs de ces choses, les autres peuvent les faire toutes; or tous peuvent et devraient, par leur manière de vivre et leurs habitudes, prêcher la force de transformation qui émane de la bonne nouvelle, car nous sommes tous des épîtres vivantes, connues et lues de tous les hommes.

      Prêches-​tu, toi aussi? Nous croyons que nul ne fera partie du petit troupeau, à moins d’avoir été prédicateur. (...) En effet, nous avons été appelés à souffrir avec lui et à proclamer cette bonne nouvelle maintenant, afin qu’en temps voulu nous soyons glorifiés et que nous puissions accomplir les choses que nous prêchons maintenant. Nous n’avons pas été appelés, ni oints pour recevoir des honneurs et amasser des richesses, mais pour les dépenser et pour nous dépenser nous-​mêmes, ainsi que pour prêcher la bonne nouvelle. Déployons donc tout notre zèle pour affermir notre vocation et accomplir ce pour quoi nous avons été ointsf.

      MARIE: En nous rappelant que cette mise au point a eu lieu à peine deux ans après la parution du premier numéro de La Tour de Garde, nous comprenons combien l’œuvre à accomplir paraissait urgente au pasteur Russell.

      JEAN: Et en invitant autrui à prendre conscience de ses propres responsabilités, il était prêt à lui accorder son aide. Ceux qui lisaient La Tour de Garde savaient ce qu’il fallait dire. Désormais, le pasteur Russell allait les conseiller sur la manière de dire ces choses. C’est dans le même numéro de La Tour de Garde qui contenait l’appel à 1 000 prédicateurs qu’on pouvait lire ces conseils, sous le titre “Comment faut-​il enseigner?”:

      À ceux qui envisagent de sortir pour employer beaucoup ou peu de leur temps, nous disons: Il est de toute première importance non seulement d’enseigner ce qui est juste, mais surtout de présenter la vérité d’une manière et dans l’ordre appropriés. C’est là une règle de conduite qui s’applique à tout ce que nous entreprenons: si nous voulons récolter de bons fruits, il ne suffit pas de planter une bonne semence; il faut encore la planter au temps convenable, dans une terre préparée d’avance, et il faut s’occuper de la jeune plante jusqu’à ce qu’elle ait pris assez de force. De même, pour les humains, la semence doit être semée avec soin, dans la prière et avec sagesse, selon les paroles de notre Maître: “Soyez donc prudents comme les serpents, et simples comme les colombes.”

      Parlez d’abord du Rétablissement et des beautés du plan de Dieu qui se déploie; puis, montrez que tout cela nous attend et dépend du Roi et du Royaume à venir. Ensuite, quand votre interlocuteur ou lecteur en sera venu à aimer le Roi et à soupirer après son Royaume, il sera assez tôt d’exposer la manière de sa venue, c’est-à-dire d’expliquer que ce n’est pas l’homme Jésus, mais Jésus en tant qu’être spirituel qui reviendra, invisible, (...) et, en dernier lieu, parlez des “temps”, disant que nous vivons maintenant “aux jours du Fils de l’hommeg”.

      C’est grâce à de telles instructions sur la prédication que des centaines de témoins chrétiens ont peu à peu été instruits et formés à participer efficacement au service du champ.

      LA SÉRIE DE “L’AURORE DU MILLÉNIUM”

      THOMAS: Je pense qu’en quatre ans la distribution gratuite de plus d’un million d’exemplaires de la brochure Nourriture pour les chrétiens réfléchis aura énormément contribué à répandre le message. Mais à part les brochures, les tracts et La Tour de Garde, qu’est-​ce que Russell a écrit d’autre? Vous avez mentionné un certain nombre de livres. En était-​il aussi l’auteur?

      JEAN: Oui, de ceux dont nous avons lu des extraits. Son premier livre, Les trois mondes, Russell l’avait écrit en collaboration avec Barbour. Puis on avait distribué un autre livre appelé “L’aurore du jour”, écrit par J. H. Paton, l’un des premiers compagnons de Russell. Mais grâce à la lumière croissante de la vérité, on s’est rendu compte que ni l’un ni l’autre de ces deux livres ne convenaient plus à l’œuvre. Il a donc été décidé que Russell écrirait un certain nombre de livres qui formeraient la série appelée “L’aurore du Milléniumh”. Après maintes difficultés, le premier livre est sorti de presse en 1886 comme tome I de la série promise. C’est celui dont nous avons déjà parlé. Il s’appelait d’abord “Le Plan des Âges” et, plus tard, “Le divin Plan des Âges”. Il s’est avéré l’un des moyens les plus précieux utilisés jusque-​là par la Société pour la diffusion de la bonne nouvelle. Ainsi, six millions d’exemplaires en ont été distribués en une quarantaine d’années. Il a permis à des centaines de personnes sincères de sortir de la religion apostate et de se joindre à la société naissante des témoins de Jéhovah.

      Ce livre contenait une carte des âges qui ressemblait beaucoup à celle parue dans le livre Les trois mondes. C’était, en quelque sorte, le résumé de toutes les vérités comprises jusqu’en 1886, ainsi que celles parues dans Nourriture pour les chrétiens réfléchis et dans Les figures du Tabernacle. Il s’agissait d’un livre de 403 pages, écrit dans un style simple et courant, encore agréable à lire de nos jours; pourtant, à l’époque, la mode en était bien plus aux phrases de construction compliquée. Citons quelques-uns des seize chapitres pour donner une idée de l’espérance que le livre offrait au lecteur: “Une nuit de pleurs et un matin de joie”, “Démonstration de l’existence d’un Créateur souverainement intelligent”, “La venue de notre Seigneur, — son but, le rétablissement de toutes choses”, “La permission du mal et son rapport avec le plan de Dieu”.

      Puis, vers la fin du livre se trouve un chapitre intitulé “Le jour de Jéhovah”, qui garde toute sa signification même de nos jours. En voici un bref extrait:

      Le “jour de Jéhovah” est le nom de cette période durant laquelle le Royaume de Dieu, sous Christ, sera érigé graduellement (...), pendant que les royaumes de ce monde “passeront” et que le pouvoir et l’influence de Satan sur l’homme seront liés. Il est décrit partout comme un jour obscur, de trouble intense, de détresse et de perplexité parmi l’humanité. (...)

      Il semble (...) que quelques-uns des saints seront encore dans la chair, au moins durant une partie de ce temps. [Cela s’est avéré juste.] Leur position, toutefois, différera de celle des autres, non pas en ce qu’ils seront miraculeusement préservés (bien qu’il soit distinctement promis que le pain et l’eau leur sont assurés), mais, en ce qu’étant instruits de la Parole de Dieu, ils n’auront pas à endurer sans espoir la même anxiété et la même angoisse qui se répandront sur tout le monde. [Là encore, c’est exactement l’image des témoins de Jéhovah vivant en ces temps actuels, depuis la Première Guerre mondiale.] (...) Les afflictions de ce “jour de Jéhovah” offriront l’occasion exceptionnelle de prêcher la bonne nouvelle du salut à venir; et bienheureux sont ceux qui suivent les traces du Maître, qui sont comme le bon Samaritain, bandant les plaies et y versant de l’huile et du vin de joie et de consolationi.

      Bien que ces pensées aient été émises des dizaines d’années avant la Première Guerre mondiale, il est surprenant de constater avec quelle exactitude se sont finalement produits les événements qui avaient été prévus.

      LOÏS: Est-​ce que les autres livres de la série ont finalement été écrits?

      JEAN: Au cours des années, cinq autres livres l’ont encore été: en anglais, le tome II, Le Temps est proche, a été publié en 1889; le tome III, Que ton règne vienne, en 1891; le tome IV, La Bataille d’Harmaguédon, qui s’appelait à l’origine “Le jour de vengeance”, est sorti de presse en 1897; le tome V, La réconciliation entre Dieu et l’homme, en 1899; et enfin, le tome VI, La Nouvelle Création, en 1904.

      MARIE: Ces livres s’appelaient la série de “L’aurore du Millénium” jusqu’à la fin de 1904, quand on a décidé que le nom d’“Études des Écritures” montrerait plus clairement à quel usage étaient destinées ces publications, et comment elles seraient le plus utile au lecteur. À la même époque, on proposait aux colporteurs quatre manières différentes de présenter les livres au publicj. Voici ce que le pasteur Russell disait dans La Tour de Garde (angl.) du 15 juillet 1906:

      Et notre promesse de sortir la série complète ne s’est pas encore réalisée; car, bien que six tomes aient déjà paru, un septième sur l’Apocalypse et sur Ézéchiel est encore à venir; la parution en a été retardée par l’accroissement de l’œuvre en général, et cela, sans aucun doute, en accord avec le “temps voulu” du Seigneurk.

      LA BONNE NOUVELLE PARVIENT EN EUROPE

      THOMAS: Est-​ce que la distribution en Grande-Bretagne de la brochure Nourriture pour les chrétiens réfléchis, à laquelle vous avez fait allusion, était la première œuvre entreprise en dehors des États-Unis?

      JEAN: Oui, c’est exact, du moins d’après les rapports, et le Canada mis à part. Au bout de quelques années, de petits groupes ont pu être réunis en Grande-Bretagne pour l’étude de la Bible. En raison de l’intérêt croissant, il a été décidé en 1891 que Russell ferait son premier voyage à l’étranger en qualité de président de la Société. Il pourrait ainsi encourager cet intérêt et contribuer à étendre l’œuvre à l’extérieur des États-Unis et du Canada. Son voyage missionnaire allait durer deux mois. Russell et les personnes qui l’accompagnaient se sont embarqués à New York pour Belfast, en Irlande, où ils ont rencontré un premier groupe d’amis. De là, leur itinéraire les a conduits dans d’autres groupes et dans des lieux historiques, tels que Glasgow et Édimbourg, en Écosse. Son voyage l’a conduit en Russie, jusqu’en Turquie et en Égypte, d’où il a regagné l’Angleterre avant de reprendre le chemin de New Yorkl.

      Le compte rendu de ce voyage donne une image intéressante de l’œuvre de diffusion de la bonne nouvelle, alors en cours. Russell écrit:

      Nous ne constatons aucune facilité ni aucun empressement pour la vérité en Russie, (...) rien pour nous encourager à espérer une moisson quelconque en Italie, en Turquie, en Autriche ou en Allemagne. (...) Les Italiens ont si longtemps subi l’influence néfaste de la papauté que, tels les Français, ils avancent à grands pas vers l’incroyance déclarée (...). Mais la Norvège, la Suède, le Danemark, la Suisse et surtout l’Angleterre, l’Irlande et l’Écosse sont des champs mûrs qui attendent d’être moissonnésa.

      Selon les prévisions de Russell, c’est dans ces derniers pays que la vérité s’est librement répandue à partir de 1891. Ayant reconnu qu’il existait un urgent besoin en Angleterre, Russell a immédiatement fait établir à Londres un dépôt pour les publicationsb. D’ailleurs, c’est à Londres que la Société a ouvert, en 1900, sa première filiale située en dehors des États-Unisc.

      THOMAS: Qu’en est-​il des pays scandinaves et des autres pays dont la langue maternelle n’est pas l’anglais? Les écrits de la Société étaient-​ils disponibles dans leur langue?

      JEAN: Pas au début, car la Société ne publiait ses écrits qu’en anglais. Mais après le voyage de Russell à l’étranger, des dispositions ont été prises pour commencer à publier livres et brochures divers en allemand, en français, en suédois, en danois et norvégien, en polonais, en grec et par la suite en italien. Peu à peu, la bonne nouvelle allait donc parvenir à des régions plus éloignées du globe et atteindre les peuples d’autres nations et d’autres langues. En 1903, une filiale a été ouverte en Allemagned, et, l’année d’après, une autre en Australie où un premier témoin avait déjà été envoyé en 1903e.

      THOMAS: Quelle expansion votre œuvre avait-​elle enregistrée jusque-​là?

      JEAN: Un passage de La Tour de Garde (angl.) de janvier 1891, page 3, va nous éclairer un peu sur le nombre présumé de ceux qui s’étaient joints à l’œuvre en ce temps-​là.

      La diffusion mensuelle de la TOUR s’élève en moyenne à dix mille exemplaires environ, ce qui, d’après des estimations sûres, représenterait quinze mille lecteurs. À en juger d’après les lettres que nous recevons, nous estimons que parmi tous nos lecteurs, dispersés dans toutes les parties du globe, quatre mille environ sont entièrement consacrés au Seigneur et emploient leurs aptitudes à le louer de leur mieux. (...) Or, si 4 000 personnes vivant à présent sont fidèles et entièrement consacrées au Seigneur, c’est grâce aux progrès qu’elles ont faits au cours des dix dernières années, ce chiffre indiquerait une moyenne annuelle de 400 personnes pour les dix dernières années.

      En somme, cela représentait un accroissement annuel assez important pour ces premières années de l’œuvre.

      AFFERMISSEMENT DE L’ORGANISATION

      Cet accroissement a fait comprendre qu’il fallait affermir davantage l’organisation, et que ceux qui s’étaient joints à elle avaient besoin d’être fortifiés sur le plan spirituel par de grandes assemblées régulières. Nous avons déjà eu l’occasion de dire que de telles assemblées se tenaient depuis 1879 lors du repas du Seigneur. Mais en 1893, il a été jugé utile de tenir la première grande assemblée dans une autre ville que Pittsburgh. On a donc pris des mesures, en 1893, pour tenir une assemblée nationale à Chicago, dans l’Illinois, du 20 au 24 août, soit en même temps que l’Exposition universelle, aussi appelée Exposition colombienne. En raison de cette exposition, les chemins de fer accordaient des tarifs réduits aux voyageurs se rendant à Chicago. Les témoins ont saisi cette occasion pour assister à l’assemblée, puis, selon leur désir, pour rester quelques jours de plus afin de visiter l’Exposition universelle. Ce compte rendu est digne d’intérêt:

      L’assistance s’éleva à quelque 360 personnes (...). Après [la réunion de prières de chaque matin] fut prononcé un discours d’une heure et demie environ, puis la séance fut suspendue pour le déjeuner, après quoi, l’après-midi fut consacré, de 14h. à 17h., à répondre publiquement à des questions. Le dernier jour fut consacré à l’œuvre de colportage; et, le lendemain de la clôture de l’assemblée, quelques colporteurs [ou pionniers] expérimentés restèrent avec d’autres colporteurs qui obtenaient moins de succès, et avec les débutants, pour donner un cours de colportage en vue de les instruire et de leur expliquer aussi bien les bonnes que les mauvaises méthodes, manières et expressions (...) [environ 50 colporteurs y assistèrent]. L’Église baptiste du Calvaire de Chicago eut l’obligeance de nous accorder le droit d’utiliser son baptistère; en tout, 70 personnes symbolisèrent leur baptême dans la mort du Christ par l’immersion dans l’eau. Le nombre des frères et des sœurs était à peu près le même, et leur âge variait entre 17 et 70 ansf.

      Cependant, l’œuvre allait s’enrichir d’une nouvelle activité. En 1894, la Société introduisait un nouveau programme en vue d’affermir l’organisation et de resserrer les liens entre ses membres. À partir de cette année-​là, vingt représentants qualifiés de la Société Watch Tower quittaient Pittsburgh en fin de semaine, pour faire des discours publics et créer de nouvelles congrégations ou “ecclésias”g.

      À vrai dire, cette activité n’était pas tout à fait nouvelle. Vous vous souvenez que nous avons dit que Russell et quelques autres frères visitaient les premières congrégations. Or, c’est dans La Tour de Garde (angl.) de décembre 1879, page 8, que ces visites aux congrégations sont mentionnées pour la première fois, dans un article assez court, sous le titre “La prédication”. On y lisait:

      Presque tous les frères dont les noms figurent sur notre liste comprenant ceux qui écrivent régulièrement des articles, ainsi que le rédacteur et trois autres frères qui n’écrivent pas pour LA TOUR DE GARDE, mais qui sont en faveur de la vérité et en accord avec l’enseignement donné par ce périodique, prêchent la bonne nouvelle partout où le Seigneur de la Moisson ouvre la voie. Les demandes en vue d’obtenir leurs services peuvent être adressées à ce bureau.

      En 1897, cette activité a connu un plus grand essor grâce à l’“œuvre des frères pèlerins”. Pour cette année-​là, trois représentants à plein temps se sont vu confier la tâche de visiter les congrégations. Selon un itinéraire préétabli, ils se rendaient d’une congrégation à l’autre où ils passaient un jour ou deux à présider les réunions et à dispenser la nourriture spirituelle. Cette œuvre a été un réel bienfait pour les frères, puisque, sous de nombreux rapports, elle a contribué à créer l’union dans la manière de penser parmi les congrégations. De plus, elle servait à resserrer les liens entre les frères en leur permettant de mieux s’acquitter de leur responsabilité de prêcher. À part La Tour de Garde et la correspondance occasionnelle, les visites des frères pèlerins constituaient, pour ainsi dire, le seul lien qui rattachait les congrégations au bureau central de Pittsburghh. À mesure que les années passaient, le nombre des congrégations des étudiants de la Bible augmentait. Aussi la Société a-​t-​elle dû charger plus de frères pèlerins d’assumer ce service, afin de maintenir le contact avec l’organisation. En 1905, ils étaient vingt-cinqi à accomplir ce service, et en 1917, quatre-vingt-treizej.

      MARIE: Jean, il y a un instant, tu as mentionné le courrier que la Société recevait. Thomas et Loïs seraient peut-être heureux de savoir que des lettres étaient fréquemment publiées dans La Tour de Garde, si elles présentaient un intérêt général. J’en ai trouvé une qui est particulièrement intéressante. Permets-​tu que je la lise?

      JEAN: Certainement. Je suppose que tu penses à celle qui a été écrite en 1894 par un monsieur qui s’intéressait au message.

      MARIE: Oui, c’est celle-là. [Elle lit.]

      Messieurs, Vous trouverez ci-inclus un chèque de six dollars sur New York, somme contre laquelle je vous prie de m’envoyer ZION’S WATCH TOWER [Le Phare de la Tour de Sion] pendant un an et des exemplaires de MILLENNIAL DAWN [L’aurore du Millénium].

      Pour vous expliquer la commande de tant de livres, j’aimerais vous dire que deux jeunes dames [pionniers de la Watch Tower] ont passé à mon étude [d’avocat] pour me vendre ces ouvrages, il y a deux mois environ. J’étais très occupé quand elles m’ont présenté leur carte; mais voyant qu’elles vendaient des livres, j’ai acheté les trois volumes avec la pensée de leur venir ainsi en aide. Depuis, j’en ai conclu que ces dames m’ont apporté une “bonne nouvelle, sujet d’une grande joie”. J’ai emporté les livres chez moi et je n’y songeais plus guère quand, il y a quelques semaines, disposant d’un peu de loisir, je me suis mis à lire le premier volume. Il était si intéressant que je ne pouvais plus m’arrêter. Le résultat est que ma chère femme et moi-​même avons lu ces livres avec le plus vif intérêt. Nous considérons comme une grande grâce divine le fait d’avoir eu l’occasion d’entrer en leur possession. Ils sont vraiment un “guide” pour l’étude de la Bible. Les grandes vérités révélées dans les études présentées dans cette série ont tout simplement renversé nos aspirations terrestres. Reconnaissant, dans une certaine mesure tout au moins, la grande occasion qui nous est offerte de faire quelque chose pour le Christ, nous avons l’intention d’en profiter pour distribuer ces ouvrages, d’abord parmi nos proches parents et amis, ensuite parmi les pauvres qui désirent les lire et ne peuvent les acheter. C’est pour cette raison que nous désirons tous ces exemplaires en supplément. (...) Veuillez agréer, etc.k

      Cette lettre, c’est l’avocat J. F. Rutherford qui l’a signée en 1894.

      LOÏS: Oh, ça c’est intéressant! Ce devait être le juge Rutherford. Je me rappelle son nom du temps où j’étais encore fillette. Mon père aimait l’écouter parler à la radio, tandis que ma mère, elle, ne l’aimait pas. Ce que je vous dis là se passait longtemps après la rédaction de cette lettre.

      JEAN: Oui, c’est juste. Quant à Rutherford, il s’est voué à Jéhovah douze ans plus tard; et, en 1907, il a été nommé avocat de la Société au bureau central à Pittsburgh, soit à la “Maison de la Bible”. C’est lui qui est devenu le deuxième président de la Société après la mort du pasteur Russell.

      [Notes]

      a a w avril 1881, p. 7.

      b b w mai 1881, p. 8.

      c c w janv. 1886, p. 2.

      d d w 1892, p. 301.

      e e w avril 1881, p. 7.

      f f w juillet-​août 1881, pp. 1, 2.

      g g w avril 1881, p. 8.

      h h En 1904, cette série fut appelée “Études des Écritures” (w 1904, pp. 246, 274), nom qui fut adopté dans certaines éditions à partir d’octobre 1904 (w 1904, p. 306); à ce moment-​là, le tome I était appelé “Série I” (Ibid., p. 322). Cette habitude s’est surtout généralisée dès le début de 1906 (w 1906, p. 34 [voir aussi wF nov. 1920, p. 16]).

      i i Études des Écritures (1886), tome I, pp. 343, 379, 383 (éd. 1919); w 1911, pp. 320, 329.

      j j w 1904, pp. 246-248.

      k k w 1906, p. 236 [voir aussi wF déc. 1920, p. 25, note en bas de page].

      l l Lors de ce voyage, Russell visita les villes suivantes: Copenhague, au Danemark; Berlin et Leipzig, en Allemagne; Vienne, en Autriche; Kichinev, en Russie; Constantinople, en Turquie; Athènes, en Grèce; Jérusalem, en Palestine; Le Caire, en Égypte, où il alla voir les pyramides; Rome, en Italie; Berne, en Suisse; Paris, en France; Bruxelles, en Belgique; Amsterdam, en Hollande; ainsi que Londres et Liverpool, en Angleterre. Dans chacune de ces deux dernières villes, Russell parla à 150 personnes avant de rentrer à New York (w 1891, pp. 95, 148).

      a m Ibid. Quant aux observations personnelles faites par Russell sur les missions protestantes à l’étranger, voir w 1892, pp. 3-7; w 1891, p. 148.

      b n À la fin de 1891, au 62, Paternoster Row (w 1892, p. 2).

      c o Au 131, Gipsy Lane, Forest Gate, East London (w 1900, p. 146).

      d p w 1903, pp. 197, 454.

      e q Ibid., pp. 386, 455; w 1904, p. 82 [voir aussi wF août 1904, p. 60].

      f r w 1893, p. 280.

      g s w 1894, p. 393.

      h t w 1897, p. 309.

      i u w 1905, p. 375.

      j v w 1917, p. 374.

      k w w 1894, p. 127.

      [Illustration, page 30]

      “NOURRITURE POUR LES CHRÉTIENS RÉFLÉCHIS”, 1881.

      [Illustration, page 32]

      “L’AURORE DU MILLÉNIUM”.

  • On passe à l’offensive
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 6

      On passe à l’offensive

      THOMAS: À propos, Loïs, qu’est-​ce que ta mère pouvait bien reprocher au juge Rutherford, à part le fait qu’elle n’écoute personne sauf son pasteur?

      LOÏS: Voyons, Thomas, tu n’es pas gentil. Tu sais bien que maman n’est plus aussi intransigeante en ce qui concerne sa religion. N’empêche que le juge Rutherford était l’adversaire direct des Églises, n’est-​ce pas, Jean?

      JEAN: Oui, vous avez raison. Mais il faut vous rappeler qu’avant de devenir président de la Société Watch Tower, il avait pu voir en de nombreuses occasions combien était profonde et enracinée l’animosité que les autorités ecclésiastiques avaient manifestée contre la personne du pasteur Russell et la Société en général.

      LOÏS: Mais ne pensez-​vous pas que si le pasteur Russell s’était efforcé de collaborer avec les Églises, au lieu de les combattre, il aurait pu accomplir davantage?

      THOMAS: Qu’aurait-​il pu faire de plus, Loïs, si ce n’est un compromis? Or j’ai appris, au cours de nos entretiens, que c’était là une des épreuves qu’il allait subir et qui permettrait de voir s’il resterait fermement attaché à ses croyances, ou s’il suivrait la même voie apostate qu’avaient empruntée toutes les Églises. D’ailleurs, on ne s’imagine guère à quel point les vues de Russell étaient diamétralement opposées à celles des religions orthodoxes. C’est bien cela, Jean, n’est-​ce pas?

      JEAN: Oui, Thomas, c’est exact. Vous vous rappelez certainement, Loïs, que je vous ai raconté comment le pasteur Russell avait pris contact avec les pasteurs de Pittsburgh et d’Allegheny. Il leur avait exposé la compréhension biblique qu’il avait acquise sur la seconde présence du Christ, mais ceux-ci avaient refusé de l’accepter. Que lui restait-​il à faire? Il ne pouvait pourtant pas renoncer à ses vues simplement parce que les pasteurs s’y opposaient. Russell était persuadé que le moment de rentrer la moisson était venu. Or, si les pasteurs ne voulaient pas en parler aux “brebis” dont ils avaient la charge, il ne lui restait qu’à leur en parler lui-​même. C’est ce qu’il a fait avec toute l’énergie et l’ingéniosité dont il était capable.

      Il est vrai — et Russell l’a avoué lui-​même — que les adventistes avaient jeté un discrédit considérable sur la doctrine du retour du Christ par leurs vues extravagantes et leurs fixations de dates. Sous ce rapport, Russell était en désaccord complet avec les adventistes. Le résultat de son attitude, c’est qu’il a été invité à prendre la parole dans quelques Églises plus libérales. Pour montrer cependant combien il était impossible au pasteur Russell d’exposer aux gens tout ce qu’ils devaient savoir sans encourir la défaveur des autorités ecclésiastiques, j’aimerais vous raconter un incident que m’a rapporté l’un des premiers membres de la Société.

      Un dimanche matin, Russell avait été invité à prononcer un sermon dans l’un des temples d’une certaine ville de Pennsylvanie. Pendant l’office du matin, il a parlé des bénédictions du Royaume, décrivant les heureuses conditions qu’apporterait le règne millénaire du Christ. Tout le monde était enchanté de cette nouvelle et désirait en savoir plus long. Or, quelques auditeurs étaient paroissiens de l’autre temple de la ville. En raison de la bonne impression que ce sermon leur avait laissée, ils ont demandé aux deux pasteurs de prier Russell de venir le soir même prononcer un autre discours devant les membres des deux temples réunis. Tout le monde était d’accord. Puisque l’auditoire avait manifesté de l’intérêt pour le retour du Christ et les bénédictions qui accompagneraient sa présence, Russell jugeait que le moment était venu, au cours de la soirée, de traiter ce point plus en détail et de parler du temps où se produiraient ces chosesa. C’est ce qu’il a fait, en attirant l’attention sur 1914.

      Aussitôt après son discours, Russell s’est rendu dans le bureau du pasteur, derrière la chaire. Là les deux pasteurs l’attendaient pour le traiter méchamment de loup déguisé en brebis. Ils lui ont dit qu’il n’était rien d’autre qu’un adventiste qui avait parlé gentiment et avec douceur le matin, simplement pour pouvoir tous les réunir le soir et leur “bourrer le crâne” de propagande adventiste. Ils n’avaient rien à objecter contre son discours du matin où il avait parlé des bénédictions du Royaume de Dieu. Mais ils ajoutaient qu’après avoir réussi à réunir les meilleurs habitants de la ville pour le soir, il s’était montré sous son vrai jour d’adventiste. Russell était très jeune à l’époque. Il a raconté plus tard que les deux pasteurs l’ont insulté pendant de longues minutes, sans lui permettre de placer un mot. Alors, il a simplement demandé de l’aide dans une prière silencieuse. Il aurait voulu que le plancher s’ouvre sous ses pieds pour pouvoir disparaître.

      Juste à ce moment-​là, on frappe à la porte, et, avant que le pasteur ait pu dire: “Entrez”, ou: “Allez répondre”, un vieillard entre, appuyé sur une grosse canne, celle dont il s’était servi pour frapper à la porte. Il va droit vers son pasteur et le menace de sa canne, disant: “Voilà vingt ans que je vous paye un bon salaire, pour que vous instruisiez cette communauté. Mais le frère Russell m’en a appris plus long en deux discours que vous en vingt ans de service. Vous allez améliorer vos sermons et vous instruire auprès de Russell, sinon vous pourrez vous trouver une autre occupation.” Puis le vieillard s’approche de Russell et lui dit en le prenant par la main: “Que Dieu vous bénisse, frère Russell. Venez chez moi, car j’aimerais vous poser quelques questions.” C’est ainsi, d’après la personne qui m’a raconté cet incident, que le pasteur Russell a expliqué comment cette situation fâcheuse avait connu un dénouement vraiment heureux.

      Les déceptions répétées que Russell avait éprouvées auprès de tels chefs religieux l’avaient forcé à comprendre qu’il ferait mieux de consacrer son temps à leur troupeau, car si vraiment il se trouvait des soi-disant pasteurs disposés à se tourner vers la vérité, ils seraient peu nombreux.

      LOÏS: Cependant, pour être juste envers ces conducteurs responsables de diverses Églises, et qui n’étaient pas d’accord avec sa doctrine, ne pourrait-​on pas penser qu’ils avaient peut-être l’impression que leur devoir était de mettre en garde leur troupeau contre Russell?

      JEAN: Peut-être bien. Mais puisqu’ils occupaient la charge de surveillants, cela ne faisait qu’augmenter leur responsabilité. Jacques a averti les premiers chrétiens en leur disant que ceux qui enseignent recevront un jugement plus sévère à cause de leur responsabilité accrueb. Quelques-uns de ces chefs religieux ont essayé d’argumenter avec Russell en se servant de la Bible, mais ces discussions ont toujours eu une issue fâcheuse pour eux. Or, au lieu de faire comprendre à ces pasteurs quelle était leur vraie situation, ces discussions les ont aigris et forcés à prendre des mesures plus sévères contre Russell.

      Enfin, leur responsabilité s’est trouvée soulignée dès qu’on a pris l’habitude de calomnier Russell lui-​même, et qu’on a cherché à dénigrer sa fonction de pasteur. Voyez-​vous, en 1846, les responsables des grandes Églises protestantes avaient créé une sorte d’union de prédicateurs, appelée “Alliance évangélique”, qui ne reconnaissait l’ordination qu’aux sectes importantes possédant des écoles de théologie. Ceux qui ne faisaient pas partie de cette alliance n’étaient pas reconnus comme pasteurs accrédités; et s’ils s’efforçaient de prêcher, comme Russell par exemple, on les regardait avec mépris et on les ridiculisait publiquement. Ainsi, dans tous les domaines, Russell était lui-​même combattu par les hommes qu’il avait espéré aiderc.

      UN PARALLÈLE FRAPPANT

      LOÏS: Est-​ce que cela signifie forcément que les conducteurs religieux étaient aussi contre Dieu? Peut-être faisaient-​ils également le bien, mais à leur manière?

      JEAN: Ce n’était pas uniquement qu’ils s’opposaient à l’œuvre que les témoins de Jéhovah accomplissaient à cette époque-​là, Loïs. Il s’agissait de la manière dont ils s’y opposaient. La voie empruntée par le clergé atteste d’une façon indéniable que celui-ci était bel et bien au service de Satan. Permettez-​moi de vous citer un parallèle que le pasteur Russell avait lui-​même reconnu. Voici comment il s’est exprimé dans La Tour de Garde (angl.) de mai 1881. Il dit de la première présence du Christ Jésus qu’elle constitue le modèle de sa seconde présence. Il rappelle que Jésus a prêché à la nation d’Israël pendant trois ans et demi, période pendant laquelle la nation dans son ensemble a refusé de l’écouter. Cela a eu pour effet que Dieu a rejeté l’Israël selon la chair en tant que nation. Et pendant les trois ans et demi suivants, les Juifs ne pouvaient s’approcher de lui qu’individuellement. C’était là la dernière partie de la période de faveur accordée à Israël lors de la première présence du Messie.

      Croyant que Jésus glorifié était devenu invisiblement présent en 1874, Russell écrit alors:

      Quel serait donc ici le parallèle ou la signification de cette “ombre” prophétique? Nous répondons que pendant trois ans et demi, à partir de 1874, la proclamation de Jésus, l’Époux présent, fut faite à l’Église dans son ensemble, que l’esprit s’adressa à la prétendue Sion dans son ensemble, en disant: “Je te conseille d’acheter de moi de l’or éprouvé par le feu, (...) et des vêtements blancs (...). Moi, je reprends et je châtie tous ceux que j’aime. Aie donc du zèle, et repens-​toi. Voici, je me tiens à la porte, et je frappe.” (Apoc. 3:18, Sg).

      Mais le clergé ne tint aucun compte de sa présence et de son appel, selon ce que l’“ombre” avait indiqué (la plupart des “docteurs en théologie” s’y opposèrent, comme les “docteurs de la loi” l’avaient fait dans l’“ombre”). Après trois ans et demi (en 1878), il rejeta les grandes religions, ou les laissa désertes, comme il l’avait fait dans l’“ombre”, en disant: “Parce que (...) tu n’es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche.” (Apoc. 3:16, Sg). L’Église juive était le porte-parole de Dieu jusqu’au jour où elle fut “laissée déserte”: cependant, à partir de ce moment-​là, la vérité de Dieu allait passer par un autre canal. Il en va de même ici: L’Église de l’Évangile a été le canal de vérité reconnu par Dieu, ou son porte-parole, mais nous croyons qu’elle ne l’est plus. La vérité passera désormais par d’autres canaux.

      Depuis 1878 (et jamais auparavant), nous nous sommes sentis libres d’inviter les enfants de Dieu à sortir des Églises pour connaître la liberté, condition leur permettant de le servir librement et entièrement, ainsi que d’étudier sa Parole et d’être enseignés par celui qui dit: “Elle est tombée, Babylone (...)! Elle est devenue une habitation de démons, un repaire de tout esprit impur, un repaire de tout oiseau impur et odieux.” (Cette décadence des grandes religions, qui reçoivent en leur sein les corruptions de la terre, est en cours depuis quelque temps.) Et voici le message: “Et j’entendis du ciel une autre voix qui disait: Sortez du milieu d’elle, mon peuple, afin que vous ne participiez point à ses péchés, et que vous n’ayez point de part à ses fléaux.” (Apoc. 18:2-4, Sg)d.

      Pourquoi quelqu’un qui prétend servir Dieu combattrait-​il un message déclarant que le temps est venu pour le Messie d’être présent une seconde fois et d’apporter à l’humanité fidèle les bénédictions qu’il avait promises quand il était ici-bas? Ainsi donc, au lieu de s’opposer au pasteur Russell comme ils le faisaient, les conducteurs religieux auraient mieux fait d’adopter l’attitude conseillée par Gamaliel, l’honnête docteur de la Loi, qui avait pris la défense des disciples de Jésus. Devant le Sanhédrin, la cour suprême des Juifs, il déclara: “Ne vous mêlez pas de ces hommes, mais laissez-​les; (parce que, si ce projet ou cette œuvre vient des hommes, il sera renversé; mais s’il vient de Dieu, vous ne pourrez les renverser;) sinon, vous serez peut-être trouvés comme combattants contre Dieue.” Les chefs religieux du temps de Russell n’ont cependant pas tenu compte de ce sage conseil de Gamaliel. Quand le pasteur Russell allait vers eux en se déclarant serviteur de Jésus-Christ, et quand il s’efforçait d’attirer leur attention sur la même espérance que celle que les disciples de Jésus avaient prêchée, ils ne se contentaient pas de dire à leurs ouailles: “Ne prêtez aucune attention à ces hommes. Laissez-​les tranquilles. En temps voulu, on verra que leur œuvre ne vient pas vraiment de Dieu, mais qu’elle vient des hommes, et elle s’écroulera d’elle-​même.”

      Évidemment, ces ecclésiastiques ne pouvaient dire cela, à moins d’être disposés à reconnaître leur erreur et à suivre la volonté divine. Mais ils étaient trop orgueilleux. À cause de l’empressement avec lequel les meilleurs membres de leurs Églises acceptaient cette doctrine, ils ont adopté la même attitude que, d’après la Bible, les chefs religieux du temps de Jésus avaient eue en voyant le peuple écouter Jésus avec plaisir. Ces scribes et Pharisiens modernes ne se sont pas contentés de combattre l’œuvre de Russell; ils se sont aussi mis à le calomnier et à ridiculiser ses disciples. De plus, ils ont dressé des barrières contre l’œuvre, en faisant appel au gouvernement de César et en créant des difficultés judiciaires pour entraver les progrès de l’œuvre. Russell, pour sa part, a toujours offert aux gens la possibilité d’établir une comparaison impartiale et de faire leur propre choix.

      COMPARAISON DE LA NOURRITURE SPIRITUELLE SERVIE À DEUX TABLES

      Voici, à titre d’exemple, une rubrique qui a été ouverte dans La Tour de Garde (angl.) du 1er janvier 1892 et qui a été maintenue jusqu’en 1927f. Dans chaque numéro de La Tour de Garde, la Société suivait de près le programme de discussions bibliques auquel adhéraient les nombreuses Églises protestantes aux États-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne et dans plusieurs autres pays. Les Églises protestantes les plus importantes publiaient ce qu’elles appelaient les “Leçons internationales des écoles du dimanche”. Celles-ci étaient préparées par un pasteur congrégationaliste, F. N. Peloubet, et ses adjoints. Elles formaient un livre annuel dans lequel était tracé, pour chaque dimanche, le canevas d’une étude biblique à laquelle s’adonnaient ces Églises protestantes. Par exemple: le dimanche 19 janvier 1908, l’étude était fondée sur Jean 1:35-51. Le texte clé à considérer, appelé “texte d’or”, était un verset choisi dans ce passage. À la date citée comme exemple, le texte disait Jn 1:45: “Nous avons trouvé celui de qui Moïse a écrit dans la loi et dont les prophètes ont parlé, Jésus de Nazareth.” Les auteurs du livre donnaient ensuite aux maîtres des écoles du dimanche et aux ministres commentaires et suggestions divers concernant les points de ce verset qui pouvaient être discutés à la date prévue. Ce genre d’étude était très populaire et de nombreux groupements protestants s’en sont servis dans beaucoup de pays, pendant plus de cinquante ans.

      À partir de 1892, La Tour de Garde fournissait dans chaque numéro une étude d’après les vues de la Société sur chaque “texte d’or” des écoles du dimanche, choisi pour le mois suivant. Dans son numéro du 1er janvier 1908 (angl.), elle présentait un article intitulé “Trouver les joyaux du Seigneur”, servant de discussion pour le “texte d’or” du 19 janvier, fondé sur Jean 1:35-51. C’est le texte que nous avons choisi comme exemple. Ainsi, jusqu’en 1927, soit pendant plus de trente-cinq ans, les témoins de Jéhovah et un grand nombre de gens se disant chrétiens, surtout les protestants, étudiaient chaque dimanche la même matière biblique, mais à deux tables différentes. La Société Watch Tower l’étudiait selon sa connaissance avancée de la vérité, à la table du Seigneur. Elle reconnaissait que Jésus avait dit qu’il viendrait lui-​même pour nourrir son peuple s’il le trouvait fidèle et vigilant. Quant aux personnes que les témoins de Jéhovah rencontraient dans le champ, elles pouvaient comparer la nourriture dispensée à la table du Seigneur avec celle qui leur était servie dans leur Église. La Tour de Garde disait à propos de ces leçons de l’école du dimanche que c’étaient

      des pensées suggestives destinées à aider ceux de nos lecteurs qui assistent aux classes bibliques où l’on se sert de ces leçons; afin qu’ils soient en mesure d’amener d’autres personnes à la plénitude de l’Évangileg.

      Nombreuses étaient les personnes bien disposées qui, grâce à cette comparaison, avaient la possibilité de reconnaître combien était abondante la nourriture spirituelle servie à la vraie table de Jéhovah. La comparaison leur permettait d’accepter celle-ci et de refuser toute autre nourriture religieuse. Quant aux pasteurs protestants, ils avaient là un motif de se fâcher encore davantage.

      LOÏS: En effet, je n’ai aucun mal à m’imaginer la chose, d’autant plus que la comparaison directe faisait ressortir combien les vues des témoins de Jéhovah s’opposaient à celles des Églises.

      MARIE: Le but de tout cela n’était pas d’éveiller l’hostilité du clergé, mais d’aider les étudiants de la Bible à décider d’eux-​mêmes ce qu’ils voulaient croire. Étant donné que leur salut dépendait de leur propre conduite, il était indispensable qu’ils aient l’occasion de connaître la vérité et de se décider eux-​mêmes. On ne pouvait être plus impartial, ne trouvez-​vous pas?

      LA BONNE NOUVELLE PRÉSENTÉE DANS LES RUES

      JEAN: Quelques années plus tard, un appel a été lancé à tous les chrétiens qui assistaient aux réunions de la Société. On les invitait à entreprendre une distribution massive de 300 000 exemplaires de la nouvelle brochure La Bible et l’évolution. Celle-ci devait être remise gratuitement aux gens qui sortaient des temples, le dimanche.

      THOMAS: En somme, on pourrait dire qu’ils étaient des “piquets d’églises”.

      JEAN: Si vous voulez. Précisons, cependant, que ceux qui participaient alors à de telles campagnes en faveur du Royaume du Christ n’ont jamais cherché à empêcher les gens d’aller au culte.

      LOÏS: Mais on dirait qu’ils voulaient s’attirer des ennuis.

      JEAN: Nous n’envisagions pas la chose sous cet angle-​là. Même si nous allions au-devant des ennuis, nous savions que les gens devaient avoir l’occasion de prendre une décision. Pensez-​vous que le prophète Jérémie cherchait simplement à s’attirer des ennuis quand il a apporté son message aux Juifs religieux de Jérusalem?

      LOÏS: [Elle rit]: Bien sûr que non. Je pense que vous allez me dire que lui aussi était une “ombre” prophétique.

      JEAN: Voyons plutôt ce que la Bible dit de son œuvre. Voudriez-​vous nous lire Jérémie 7:2 (AC)?

      LOÏS [Elle lit]: “Tiens-​toi à la porte de la maison de Jéhovah, et là prononce cette parole et dis: Écoutez la parole de Jéhovah, vous tous, hommes de Juda, qui entrez par ces portes pour adorer Jéhovah.” Je crois que ce verset se passe de commentaires.

      JEAN: En voici un autre que nous devrions lire: Jérémie 11:6 (AC).

      LOÏS: Je l’ai trouvé. [Elle lit.] “Et Jéhovah me dit: Crie toutes ces paroles dans les villes de Juda et dans les rues de Jérusalem, en disant: Écoutez les paroles de cette alliance et mettez-​les en pratique.” Oui, je pense que c’est là un précédent auquel les témoins de Jéhovah peuvent se référer de nos jours pour faire de même. Comment ont-​ils accompli leur œuvre?

      JEAN: La Tour de Garde (angl.) du 15 avril 1899 l’a appelée “Service volontaire” et en a tracé le plan que voici:

      Le meilleur plan d’opération consiste, pour les amis qui s’engageront ainsi dans chaque ville ou village, à dresser un programme pour s’assurer qu’aucune église ne soit oubliée ni desservie deux fois. Pour les grandes églises, il faudra au moins deux ou trois amis, ce qui permet une distribution rapide et convenable à mesure que les gens sortent. En général, les résultats sont meilleurs si les distributeurs se tiennent à quelque distance de l’église, dans chaque direction que prennent les gensh.

      C’est avec enthousiasme que des milliers de volontaires ont entrepris ce travail aux États-Unis, au Canada et même en Europe. Au cours de la première année, 948 459 tracts ont été remis aux gens de cette manièrei. Cette activité s’est poursuivie pendant un certain nombre d’années, surtout le dimanche. Finalement elle a été élargie, et la distribution de tracts s’est aussi faite de maison en maison. Le dimanche matin, on glissait les tracts sous les portes. De nouveaux tracts étaient publiés deux ou trois fois dans l’année. Ils ont été distribués par millions à ceux qui revenaient du culte. De cette manière, les flots de vérité arrivaient jusqu’aux portes mêmes des églises et se déversaient dans les pâturages des bergers religieux.

      THOMAS: La réaction des pasteurs ne s’est certainement pas fait attendre.

      JEAN: En effet, leur réaction a été extrêmement hostile. À maintes reprises, les membres du clergé ont tenté de faire arrêter les proclamateurs qui distribuaient des tracts gratuits dans les rues. Aussi, de temps à autre, la Société a-​t-​elle dû donner des conseils juridiques aux proclamateurs à cause des fonctionnaires publics qui, sur les instances du clergé, cherchaient à “pratiquer des vexations sous le couvert de la loi”, en vue de décourager, d’entraver ou de supprimer complètement la distribution de tracts dans les ruesj.

      LOÏS: Je pense que cette activité a permis d’obtenir de bons résultats.

      JEAN: Oui, en effet. Toujours plus de personnes bien disposées parvenaient à la connaissance de la vérité et se séparaient de leur Église. Pour les aider dans ce pas et pour donner un témoignage supplémentaire à celui qui devait radier leur nom sur le registre de l’Église, la Société s’est mise, à partir de 1900, à imprimer des “lettres de démission”. Celles-ci portaient l’en-tête de la Société Watch Tower. Elles contenaient un témoignage approprié montrant que la personne qui signait la lettre avait augmenté sa connaissance des Écritures, non par une révélation, ni par des inspirations particulières ou des visions, mais grâce à l’étude approfondie et analytique de la Bible. Puis, après avoir exposé quelques doctrines simples qui s’opposaient aux fausses doctrines enseignées par l’Église, la lettre montrait que la personne avait elle-​même compris l’erreur.

      Ainsi, à mesure que ceux qui s’intéressaient au message se persuadaient de la vérité, leur responsabilité de se tenir à l’écart de ce monde se trouvait soulignée et, selon leur désir, ils pouvaient se servir de cette lettre. Cette manière de faire s’est maintenue pendant trente ans. Elle fournissait, d’une part, des arguments bibliques valables justifiant la position prise par ceux qui quittaient ainsi les différentes Églises et, d’autre part, elle divisait davantage ceux qui étaient pour le message du Royaume d’avec ceux qui s’y opposaientk.

      THOMAS: Il faut bien dire que l’œuvre ne s’est pas renversée d’elle-​même. S’il y a du vrai dans le principe que Gamaliel, docteur de la Loi, a invoqué pour la défense des premiers chrétiens, alors l’accroissement enregistré par votre organisation devrait donner à réfléchir aux gens.

      JEAN: Et l’œuvre n’en était alors qu’à ses débuts! Ainsi, vous avez vu quelles étaient les raisons de cette opposition qui avait amené bien des personnes à prendre la chose au sérieux.

      [Notes]

      a a w avril 1881, p. 8.

      b b Jacques 3:1.

      c c A Great Battle in the Ecclesiastical Heavens (1915), par J. F. Rutherford, pp. 7-10, “Unholy Alliance”.

      d d w mai 1881, p. 5.

      e e Actes 5:38, 39.

      f f w 1927, pp. 338, 347; à comparer avec w 1927, p. 354, § 1.

      g g w 1892, p. 13.

      h h w 1899, pp. 93, 94.

      i i w 1900, p. 373; w 1899, p. 226.

      j j w 1910, p. 236; w 1911, p. 461 [voir aussi wF avril 1911, p. 86].

      k k w 1900, p. 50; w 1908, p. 127.

  • Les racines de l’opposition sont mises à nu
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 7

      Les racines de l’opposition sont mises à nu

      THOMAS: La semaine dernière, vous nous avez dit, Jean, que les conducteurs religieux se sont efforcés de répondre à Russell sur le plan doctrinal. Comment s’y sont-​ils pris?

      JEAN: Il s’agissait d’un effort restreint, Thomas, qui n’a pas vraiment servi leurs intentions. À mesure que la distribution de milliers et de milliers de tracts et de brochures bibliques couvrait un territoire toujours plus vaste, dont le centre était Pittsburgh (en Pennsylvanie), l’opposition du clergé devenait de plus en plus évidente. Les chefs religieux éminents se sentaient obligés de réagir. Ils tenaient rigueur à quiconque ne reconnaissait pas à l’Alliance évangélique le droit de parler de la Bible avec autorité. Étant donné que Russell n’était pas sorti de l’une des écoles de théologie appartenant aux sectes importantes qui adhéraient à cette alliance, ces ecclésiastiques ridiculisaient Russell comme président de la Société Watch Tower, lui reniant surtout le droit d’être appelé “pasteur”. Pour forger et répandre des mensonges scandaleux sur Russell et les divergences qui le séparaient de sa femme, ils ont eu recours à certains journaux sans scrupules, tout disposés à leur servir d’instruments docilesa.

      Puis, le 10 mars 1903, l’alliance des pasteurs s’est efforcée de répondre aux explications que Russell donnait de la Bible, en choisissant un homme très cultivé et versé dans l’art de l’argumentation. Le débat public devait durer six jours. En réalité, il s’agissait là d’une nouvelle tentative visant à discréditer Russell et à le faire passer pour un “homme ignorant et sans instruction”. Quant à l’adversaire de Russell, un certain Dr E. L. Eaton, il était ministre de l’Église méthodiste épiscopale, North Avenue, Pittsburgh. En toute bonne foi, Russell a accepté cette offre dans les deux jours; et finalement, c’est à l’automne de la même année que les débats ont eu lieu au Carnegie Hall de Pittsburgh devant des auditoires qui battaient tous les records.

      Le premier point a été débattu le dimanche après-midi 18 octobre. Eaton affirmait que, d’après la Bible, la grâce divine est intervenue en faveur du salut depuis la chute de l’homme et qu’il n’y aura plus d’épreuve après la mort. Russell a réfuté cette affirmation avec les Écritures.

      Deuxième débat: Mardi soir 20 octobre. Russell affirmait que la Bible enseigne clairement que les âmes des morts sont inconscientes quand leurs corps reposent dans la tombe. Eaton a soutenu le contraire.

      Troisième débat: Jeudi soir 22 octobre. Eaton affirmait que, selon la Bible, tous ceux qui seront sauvés deviendront des créatures spirituelles qui iront au ciel après le jugement dernier. Russell a nié cela.

      Quatrième débat: Mardi soir 27 octobre. Affirmant que d’après la Bible seuls les “saints” de l’âge évangélique participeront à la “première résurrection”, Russell soutenait également que de vastes multitudes seraient sauvées lors de la résurrection suivante. Eaton n’était pas d’accord.

      Cinquième débat: Jeudi 29 octobre. Russell affirmait que, d’après la Bible, le but de la seconde venue du Christ et du Millénium était de bénir toutes les familles de la terre. Eaton n’a pas admis cette explication.

      Sixième et dernier débat: Dimanche 1er novembre. Eaton affirmait que, selon la Bible, le châtiment divin du péché, qui sera finalement infligé aux incorrigibles, consistera en de grandes et inconcevables souffrances, de durée éternelle. Russell a vigoureusement nié cette doctrine du feu de l’enferb.

      MARIE: Je me souviens d’une histoire intéressante racontée par des personnes qui ont assisté aux débats. Inutile de dire que tous les frères s’y sont rendus, ainsi que des milliers de méthodistes et des adeptes d’autres religions qui habitaient dans la région de Pittsburgh. Quelle n’a pas été la surprise de Russell à son arrivée dans la salle, le premier soir, en voyant que le Dr Eaton n’était pas seul, mais que plusieurs autres pasteurs éminents, qui avaient pris place au fond de l’estrade, formaient un comité! Eaton recevait fréquemment des billets de ces hommes-​là, ce qui lui a permis de tenir bon pendant tout le débat. Quant à Russell, il était seul à se défendre. Aussi pouvait-​on voir dans une publication, quelques années plus tard, un dessin humoristique représentant le pasteur Russell sous les traits de Daniel dans la fosse aux lions.

      LE “FEU DE L’ENFER” EST ÉTEINT

      LOÏS: Quel a été le résultat de ces débats?

      JEAN: Dans l’ensemble, Russell est sorti victorieux de chacun de ces six débats, et surtout du dernier sur l’enfer. On rapporte qu’un pasteur, ayant suivi le dernier débat et reconnu cette victoire, est allé dire à Russell: “Je suis content de vous voir arroser l’enfer pour en éteindre les flammesc.” Par la suite, de nombreux membres de la communauté d’Eaton sont devenus témoins de Jéhovah. Disons, en passant, qu’il y a encore de nos jours des frères âgés qui sont dans la vérité et qui étaient de ce nombre. Voilà une preuve éclatante du pouvoir de la vérité contre les fausses doctrines de l’apostasie.

      THOMAS: Je n’ai jamais pu comprendre comment certains peuvent accepter la doctrine de l’“enfer”. Il n’est pas raisonnable de croire qu’un Dieu — dont on dit qu’il est l’amour même — soit capable de créer un lieu pareil.

      LOÏS: Je n’y crois pas vraiment non plus. D’ailleurs, notre Église n’enseigne plus guère l’enfer. Je ne me rappelle pas y avoir entendu un seul sermon sur l’enfer depuis mon enfance.

      JEAN: C’est fort possible, Loïs. Mais ce changement dans les enseignements de l’Église n’a pas été uniquement provoqué par l’avènement des connaissances scientifiques. C’est bien plus comme ce ministre l’avait dit au pasteur Russell: par leur vaste campagne d’instruction biblique, les premiers étudiants de la Bible ont bel et bien éteint le feu de l’enfer, au sens figuré. Tout cela a suscité une telle colère chez certains éminents chefs religieux et chez certains évangélistes en vue, qu’ils ont souvent désigné ironiquement les premiers témoins sous le nom d’“anti-infernalistes”. À vrai dire, ce sobriquet donne une fausse idée sur les témoins de Jéhovah, car ils croient effectivement au “Schéol” de la Bible, traduit par “enfer”, mais ce mot ne signifie pas un lieu de tourments. La Bible révèle clairement que l’enfer est la tombe commune aux hommes, où vont les personnes décédées, pour y rester jusqu’à la résurrection.

      L’enfer a été l’un des thèmes dont le pasteur s’est énormément servi. Ainsi, parmi ses discours les plus populaires, on trouvait celui-ci: “Voyage en enfer, aller et retour”. Pendant les années 1905 à 1907, Russell a parcouru tous les États-Unis et le Canada en train spécial ou en automobile. Il prenait la parole devant une série d’assemblées d’un jour, au programme desquelles figurait cette conférence publique. Celle-ci a été prononcée devant des salles combles, dans presque chaque grande ville des deux paysd.

      Dans cet exposé remarquable, Russell faisait faire à son auditoire un voyage humoristique, piquant et imaginaire, jusqu’en enfer et retour. Les arguments irréfutables qu’il y exposait, et ceux que les étudiants de la Bible présentaient pendant toute cette période, ont laissé une impression durable chez beaucoup de personnes.

      Nombreuses sont les histoires intéressantes que l’on raconte de ce temps-​là sur la “voiture des congressistes” et le “train des congressistes”. À Oakland, en Californie, par exemple, les frères n’avaient pas pu trouver de salle assez grande pour la foule considérable qu’on attendait. Aussi le frère responsable des préparatifs a-​t-​il retenu la plus grande église méthodiste de la ville pour la conférence publique du dimanche après-midi. Les signataires du contrat ne connaissaient pas le titre de la conférence qui allait être donnée dans leur église. Selon l’habitude, la distribution des invitations s’est faite une ou deux semaines avant la conférence. C’est par milliers que les gens étaient invités à venir l’écouter. Une annonce payante paraissait en outre dans les journaux et sur de grandes affiches: “Venez écouter la conférence ‘Voyage en enfer, aller et retour’ par C. T. Russell, à l’église méthodiste d’Oakland.”

      Les “aînés” de cette Église étaient furieux et voulaient rompre le contrat sur-le-champ. Leur avocat les a avertis qu’ils pouvaient le rompre, mais que si Russell leur intentait un procès, ils devraient s’attendre à être condamnés à payer la somme qu’il exigerait. La meilleure des choses à faire, d’après leur avocat, c’était de donner l’ordre au portier de ne pas se présenter à l’heure prévue.

      Fidèle à son habitude, le pasteur Russell arrive une heure avant le début de la conférence. À sa grande surprise, beaucoup de gens se trouvent à l’extérieur de l’église. Comme il veut savoir ce qui se passe, les frères responsables s’empressent de lui expliquer qu’ils ne peuvent pas faire ouvrir l’église parce que le portier ne s’est pas présenté. Sur quoi, Russell leur demande: “Nous avons bien un contrat, n’est-​ce pas? Et un acompte a été versé?” Quand les frères répondent affirmativement, il leur dit: “Bon, légalement, cette église est notre propriété pour quelques heures. Si nous ne pouvons pas y entrer par la porte principale, que l’un des frères passe par le sous-sol et qu’il ouvre la porte aux gens.” C’est ce que les frères ont fait, et leur grande assemblée s’est déroulée avec succès dans l’église méthodiste d’Oakland.

      L’OPPOSITION NE RÉUSSIT PAS À ARRÊTER L’ACCROISSEMENT

      THOMAS: On peut dire que Russell était non seulement un homme courageux mais aussi plein de ressources.

      JEAN: En effet. Il ne se laissait pas facilement détourner de ce qu’il reconnaissait être une tâche venant de Dieu. Il était fermement convaincu que l’œuvre qu’il accomplissait était conforme à la volonté divine à l’égard de toutes les personnes honnêtes et chrétiennes. Aussi était-​il déterminé à s’acquitter de sa responsabilité en faisant appel à toutes ses capacités. Or toute l’opposition provoquée contre Russell et l’organisation ne pouvait arrêter sa progression. De nos jours, où nous avons l’habitude des méthodes et des avantages scientifiques avancés, il est difficile de se faire une idée du zèle et de l’activité dont ces premiers témoins ont fait preuve. Quoique peu nombreuse, cette troupe de témoins fidèles ne s’est laissé effrayer ni par l’opposition ni par la tâche immense à accomplir.

      L’œuvre s’étendait de plus en plus, et l’organisation prenait de l’extension. Peu avant les débats qui devaient opposer Eaton à Russell, en 1903, Russell a entrepris son deuxième voyage à travers l’Europe. À cette époque, il a établi une filiale de la Société en Allemagnee. L’année suivante, une filiale a été créée en Australief. Vers la même époque les semences de la vérité sont tombées dans une bonne terre, dans la lointaine Afrique du Sudg, au Japonh, et aux Antilles britanniques. À Kingston, à la Jamaïque, a été tenu un congrès auquel ont assisté 400 personnes, et 600 ont écouté la conférence publiquei. L’expansion s’est également poursuivie aux États-Unis. En 1908, il a été possible de tenir un congrès à Put-in-Bay, dans l’Ohio, du 29 août au 7 septembre. Selon les estimations, l’assistance aurait atteint 4 800 personnesj.

      On continuait à distribuer les écrits par millions d’exemplaires. Quant aux abonnés à La Tour de Garde, ils étaient alors au nombre de 30 000, dont des milliers participaient à l’œuvre consistant à porter les vérités bibliques à ceux qui désiraient ardemment connaître la Parole de Dieu. De plus, pour faire face à la demande croissante de vérités bibliques, pour répondre aux objections soulevées par le clergé de la chrétienté, et pour marcher de pair avec les flots de vérités à mesure que celles-ci se révélaient de façon progressive à ces sincères étudiants de la Bible, de nouveaux écrits sortaient continuellement de presse. Quant aux vérités qui, au début, n’avaient été comprises qu’en partie, elles étaient passées au crible et au creuset.

      THOMAS: Est-​ce qu’il n’y eut qu’un seul débat, celui entre Eaton et Russell?

      JEAN: Non. En 1908, le protestantisme a trouvé un autre défenseur pour sa cause en la personne de L. S. White, “aîné” des “Disciples du Christ” — l’un des plus grands groupements du sud des États-Unis. Misant sur la popularité grandissante de Russell et sa faculté d’attirer par ses discours des foules énormes, ce groupement proposait un débat public dans l’espoir que celui-ci apporterait un renouveau parmi les “Disciples du Christ”. Le pasteur Russell se méfiait cependant de leurs intentions. Aussi la Société a-​t-​elle discrètement convoqué un congrès de huit jours à Cincinnati, dans l’Ohio, qui devait avoir lieu en même temps que le débat. On avait compris que, sans cette précaution, la petite congrégation de Cincinnati serait surpassée en nombre par la nuée de “Disciples du Christ” qui allaient venir. Comme prévu, les six débats qui figuraient au programme ont eu lieu du 23 au 28 février 1908. Des milliers de personnes étaient là. Elles ont pu constater avec quelle aisance Russell a remporté la victoire. C’est qu’il était passé maître dans l’art des débatsk. Le journal Cincinnati Enquirer a publié des photos de Russell et de White, ainsi que le texte intégral des débatsl. Le succès obtenu par cette série de débats publics permet sans doute de mieux mesurer à quel point le mouvement religieux de White a échoué. En effet, alors que 2 100 personnes ont assisté à la dernière séance du congrès tenu par les étudiants de la Bible, le dimanche après-midi 1er mars, White pour sa part n’a pu réunir le même jour qu’un total de 31 personnes (lui-​même y compris) pour sa première réunion de renouveau religieux. D’autres adversaires ont encore voulu engager des débats, mais au dernier moment ils se sont désistésa.

      L’ENNEMI FRAPPE DEPUIS L’INTÉRIEUR

      LOÏS: Est-​il jamais arrivé au pasteur Russell d’avoir des difficultés avec quelqu’un faisant partie de l’organisation?

      JEAN: Si. Il a toujours existé des gens qui permettent à l’égoïsme, à l’orgueil et à l’ambition de voiler leur vision. Mais leur opposition servait simplement à mettre à l’épreuve la qualité et le degré d’intégrité du canal dont Dieu se sert. Vous vous rappelez comment, au début, Barbour avait créé des difficultés en s’opposant à la doctrine de la rédemption. Or, peu de temps après, l’un de ceux qui avaient survécu à cette épreuve est devenu la proie de la critique biblique, et il a essayé de se faire des adeptesb.

      Quant au criblage qui s’est produit peu après, il a démontré combien il est fatal de chercher à concurrencer le canal du Seigneur, même pour celui dont les intentions sont bonnes. À ce propos, écoutons Russell nous parler d’un autre collaborateur qui

      proposa de fonder un autre journal aligné sur LA TOUR DE GARDE, de republier certaines données faciles concernant le plan de Dieu et d’être une sorte de missionnaire donnant un enseignement primaire. Sachant qu’il avait une claire compréhension de la rançon, je lui souhaitai bonne chance, et j’envoyai un spécimen de son journal “L’astre du jour de Sion” (Zion’s Day Star) — qui a cessé de paraître il y a de nombreuses années — à nos quelque dix mille lecteurs (...). Or, au bout d’une année, cet homme avait totalement sombré dans l’incroyancec.

      Ensuite, d’autres semences de rébellion prenaient racine dans l’organisation, peu après 1890. Certains collaborateurs en vue s’opposaient au pasteur Russell pour tenter d’avoir la haute main sur la Société. Peu de temps après le congrès de Chicago, Illinois, en 1893, ces conspirateurs se préparaient à faire exploser leur “bombe”, laquelle, du moins ils l’espéraient, ruinerait la popularité de Russell et l’achèverait comme président de la Société. Cette tentative a causé beaucoup de soucis et de chagrin au pasteur Russell. Mais quand tous les faits ont été connus au grand jour, il a été réhabilité, tandis que ceux qui avaient comploté contre lui ont rapidement été perdus de vue, et l’œuvre s’est poursuivie sans euxd.

      Voilà qu’autre chose est venu se greffer là-dessus. Depuis plusieurs années, Mme Russell était directrice et membre du bureau de la Société. Elle servait en qualité de secrétaire et de trésorière. De plus, elle était co-rédactrice de La Tour de Garde, et elle écrivait régulièrement des articles pour les colonnes de ce périodique. Au moment où se tramait le complot dont nous venons de parler, Mme Russell visitait un certain nombre de congrégations pour y prendre la parole en faveur de son mari. Comme c’était une femme brillante et instruite, on lui réservait partout un bon accueil; à tel point, en fait, qu’elle a voulu en tirer profit pour mieux asseoir sa position et pouvoir décider de ce qui devait être publié dans La Tour de Garde. Cette ambition allait causer sa perte. En effet, elle présente une ressemblance frappante avec celle de Marie, sœur de Moïse, qui s’était révoltée contre son frère, le chef d’Israël, et avait cherché à jouer un rôle important dans la natione. Quand Mme Russell a constaté qu’aucun de ses articles ne serait publié tant qu’il ne s’accorderait pas avec les vues bibliques exprimées dans La Tour de Garde, elle a été fort troublée. Finalement, sa rancune croissante l’a amenée à rompre toutes relations avec la Société et avec son mari. Cette rupture a obligé Russell à procurer un foyer séparé à sa femme; il dut en outre lui verser une pension.

      Des années plus tard, soit en 1906, après un procès fait dans les formes, la séparation a été déclarée légale, et le tribunal a condamné Russell à verser à sa femme une indemnité de plusieurs milliers de dollars. En raison de certaines déclarations faites au cours de ce procès, les adversaires du pasteur Russell ont cherché depuis à faire passer ce dernier pour un homme immoral qui n’aurait pas été qualifié pour le poste qu’il occupait alors dans le domaine religieux. Pourtant, la feuille d’audience montre clairement que de telles accusations sont fausses. Dans un récit publié plus tard, il est dit à ce propos:

      Que Mme Russell elle-​même ne croyait pas et n’a jamais cru que son mari se fût rendu coupable d’une conduite immorale, cela ressort de la feuille d’audience [du tribunal] sur laquelle est inscrite cette affaire. D’après cette feuille (à la page 10), c’est son propre avocat-conseil qui posa à Mme Russell cette question: “Voulez-​vous dire que votre mari est coupable d’adultère?” Réponse: “Nonf.”

      LOÏS: Ce dut être un temps d’épreuve très pénible pour le pasteur Russell.

      MARIE: Effectivement. Mais il était conscient de ce qui en résulterait pour lui personnellement et de ce que ses ennemis chercheraient à en dire dans la presse. Voici l’attitude qu’il a toujours adoptée: pour être serviteur de Dieu, il ne pourrait jamais abandonner les principes divins, ni la ligne de conduite tracée dans les Écritures. Aussi a-​t-​il fait la seule chose qui lui restait à faire dans ces circonstances.

      UNE ÉPREUVE PAREILLE AU “CRIBLAGE DU BLÉ”

      JEAN: Au dire des contemporains du pasteur Russell encore en vie aujourd’hui, qui l’ont connu de près et qui ont eu des contacts personnels avec lui, ils n’ont jamais connu homme plus intransigeant pour ce qui est des principes. Le récit de sa vie leur donne raison. Il plaçait sa foi en Jéhovah Dieu, et il a maintenu cette attitude dès le début. Voilà pourquoi sa position était justifiée.

      De temps en temps, d’autres hommes ont tenté d’usurper le poste occupé par le pasteur Russell, mais ils ont tous échoué. Voici ce que Russell a dit plus tard en commentant ces tentatives:

      Depuis des années, jour et nuit, nous mettons les chers frères en garde contre les épreuves qui se produiront au temps de la moisson et qui viendront sûrement de ce côté-​là, et nous les avertissons que la loyauté suprême envers Dieu, sa Parole et sa providence se manifestant dans l’Église, mettrait à l’épreuve notre amour pour les frères. Il est sûr, également, que nous avons longtemps averti les chers amis que même si nous attirions leur attention sur les vérités antérieures, ils devraient les revêtir telle une armure, sinon ils ne seraient pas prêts lorsque l’Adversaire lancerait ses attaques.

      Il fallait bien s’attendre à ce que notre rusé Adversaire tentât d’empêcher le peuple de Dieu de revêtir et de s’attacher l’armure complète de Dieu. Plus encore, il cherche à implanter des préjugés contre les instruments mêmes que Dieu fournit pour protéger les “pieds” du Christ, en ce mauvais jour. — Psaume 91:11, 12.

      De différents côtés, il a été porté à notre connaissance que les conducteurs de classes d’étude exigeaient que l’on ne se référât pas aux publications de LA TOUR DE GARDE pendant les réunions, mais uniquement à la Bible. Cela paraissait loyal envers la Parole de Dieu, mais il n’en est rien. Les efforts de ces instructeurs tendaient uniquement à les interposer entre le peuple de Dieu et la lumière divine répandue sur la Parole de Dieu.

      Rappelons-​nous que Satan se tient derrière une telle manœuvre! Il se fait passer pour un ange de lumière et un défenseur de la Bible; aussi a-​t-​il réussi à aveugler des millions de personnes qui possèdent la Bible et qui la lisent régulièrement dans les cercles bibliques! Pourquoi donc serait-​il plus déloyal envers la Bible de consulter les publications de LA TOUR DE GARDE concernant la signification d’un verset des Écritures que de consulter le conducteur de la classe d’étude ou un membre quelconque de la classe? (...)

      D’autre part, nous tenons à avertir tous les frères que Satan cherchera sûrement à leur faire adopter une attitude contraire: celle d’apprendre, tel un perroquet, à répondre aux questions béréennesg en lisant ce qui est imprimé, sans comprendre. Les questions devraient d’abord être discutées librement par tous, et puis, avant de passer à la question suivante, on devrait considérer, discuter et comprendre la réponse fournie par l’AURORE. N’oubliez jamais que la Bible est notre fondement, et que même si nos guides bibliques viennent de Dieu, ce ne sont que des “guides”; il ne faut pas qu’ils remplacent la Bibleh.

      Voilà une nouvelle preuve que l’homme tombe facilement dans les extrêmes. C’est bien pourquoi les Écritures ne cessent d’exhorter le chrétien à faire preuve d’équilibre dans tous ses efforts. Pour conclure son exposé sur les résultats de ces épreuves, Russell déclare:

      Dans l’ensemble, le “criblage comme le blé” semble produire un effet de respect mêlé de crainte chez ceux qui ont gardé une vue claire des choses, en les rendant plus circonspects, en les rapprochant tant du Seigneur que les uns des autres. L’effet semble contraire chez les autres. Ils ont l’air contents de “s’éloigner”, impatients qu’ils sont de provoquer des divisions et de se vanter de leur “liberté”. Ne tolérant pas qu’une minorité l’emporte sur eux, ils réprouvent la majorité en la traitant méchamment d’“esclaves” vivant dans la “servitude babylonienne”, etc.

      Or il semblerait que presque chaque cas de déviation doctrinale et d’aveuglement ait été précédé, plus ou moins, d’un empoisonnement de l’esprit par la calomnie, la médisance et les mauvais soupçons. C’est par de telles racines d’amertume, qui ne tardent pas à se développer, que l’Adversaire ouvre la voie à l’erreur, dans presque chaque cas. (...)

      Ayez l’œil sur ceux qui causent les divisions et les occasions de chute par des choses qui ne sont pas selon la doctrine que vous avez apprise, et évitez-​les (Rom. 16:17, 18). Ne rendez point mal pour mal, ou injure pour injure; mais quand vous pensez à eux et quand vous parlez d’eux, faites preuve d’un amour compatissant, et faites de même pour tous les hommes que l’Adversaire a troublés (II Cor. 4:4)i.

      LOÏS: Comment ne pas éprouver de plus en plus de respect pour l’attitude du pasteur Russell à mesure que l’on interroge les faits? Nul ne peut nier qu’il a travaillé dans des conditions extrêmement pénibles; or il est certain que les résultats de son travail parlent en sa faveur. Je suis sûre qu’à sa place beaucoup d’autres hommes auraient penché d’un côté ou de l’autre, sous la pression.

      JEAN: Mais il ne faudrait pas non plus oublier, Loïs, que le pasteur Russell n’a jamais attribué à l’une de ses qualités le moindre résultat provenant de son travail. Il a toujours reconnu que sa force lui venait de Dieu, qui le guidait. Et lorsqu’on a réuni toutes les preuves, nulle autre conclusion n’est possible.

      [Notes]

      a a A Great Battle in the Ecclesiastical Heavens (1915), par J. F. Rutherford, pp. 7-10, “Unholy Alliance”.

      b b w 1903, p. 391; pour le texte intégral de chacun des six débats, voir la Pisttburgh Gazette, édition spéciale, 2 nov. 1903.

      c c A Great Battle in the Ecclesiastical Heavens (1915), par J. F. Rutherford, p. 10.

      d d w 1905, p. 224; w 1907, p. 112.

      e e w 1903, p. 197.

      f f w 1904, p. 82 [voir aussi wF août 1904, p. 60].

      g g w 1907, pp. 54-56.

      h h w 1907, pp. 215, 216.

      i i w 1905, p. 326.

      j j w 1908, p. 275.

      k k Idid., pp. 19, 70.

      l l Cincinnati Enquirer, 15 août 1908.

      a m w 1908, pp. 8, 18.

      b n w 1916, pp. 173, 174.

      c o w 1916, p. 175.

      d p w 1894, pp. 163-174.

      e q Nombres 12:1-15.

      f r A Great Battle in the Ecclesiastical Heavens (1915), par J. F. Rutherford, pp. 16-19; voir aussi w 1906, pp. 211-227.

      g s Ce nom dérive des premiers chrétiens de Bérée, connus pour leur méthode d’étude (Voir Actes 17:11). Il fut d’abord appliqué aux études spéciales de la Bible, sujet par sujet, destinées à la considération analytique en groupe (w 1902, p. 159; wF 1913, p. 82 “Avis”, et wF 1914, p. 16); par la suite, ce nom fut appliqué aux questions établies pour l’étude en groupe de La Tour de Garde (w 1922, pp. 146, 159; wF nov. 1922, p. 19).

      h t w 1909, p. 371.

      i u Ibid., p. 372.

  • Une activité intense, en attendant 1914
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 8

      Une activité intense, en attendant 1914

      LOÏS: Les divisions qui se sont produites dans l’organisation et l’opposition qu’on a soulevée contre Russell ont-​elles sérieusement porté atteinte à l’œuvre, Jean?

      JEAN: Non, pas au point de la compromettre. En fait, le pasteur Russell disait que de telles épreuves servaient à rapprocher les survivants. Ceux qui se sont détachés de l’organisation, à un moment donné, étaient d’ailleurs peu nombreux. Quant à Russell et à ses collaborateurs, ils avaient de quoi être occupés.

      Pendant les dix premières années de ce nouveau siècle, Russell était entièrement absorbé par l’organisation grandissante et par la proximité de 1914. Il savait que ce que représentait la Jérusalem d’avant 607 avant notre ère serait ‘foulé par les nations jusqu’à ce que les temps fixés des nations soient accomplis’. Telle était la prophétie de Jésus dans Luc 21:24. Russell savait que ce temps de la domination ininterrompue — exercée par les nations de Satan — devait prendre fin en 1914. Or, depuis 1877, les témoins de Jéhovah des temps modernes proclamaient énergiquement que cette période des temps des Gentils, longue de 2 520 ans, toucherait bientôt à sa fina.

      En prévision de cet événement, Russell s’est mis à préparer et à mener une campagne générale à l’échelle mondiale. Celle-ci devait servir de témoignage final aux nations, leur faisant savoir que les quelques années qui leur restaient avant 1914 seraient leur dernière chance de faire la paix avec Dieu, avant qu’il intervienne pour les juger.

      Russell avait tout de suite compris que, malgré ses trois étages, la maison de la Bible d’Allegheny-Pittsburgh, qui avait servi de siège à la Société pendant vingt ans, allait devenir trop petite pour servir désormais de centre à une œuvre internationale en plein essor. Aussi, en 1908, la Société a-​t-​elle envoyé plusieurs de ses représentants à New York, et parmi eux son conseiller juridique, J. F. Rutherfordb. Ils avaient pour tâche d’acquérir deux immeubles que Russell avait repérés naguère, et d’y établir le nouveau bureau central.

      Ils ont donc acheté l’ancien presbytère de Henry Ward Beecher, sis au 124 Columbia Heights à Brooklyn. Après quelques transformations, cette maison en grès, haute de trois étages, allait servir de demeure aux trente membres du personnel employé au siège de la Société. Quant à l’ancien cabinet de travail de Beecher, il servirait de bureau au pasteur Russell.

      THOMAS: Ce Henry Ward Beecher, prédicateur de Brooklyn, n’était-​il pas célèbre à l’époque pour ses sermons contre l’esclavage?

      JEAN: Oui, c’est cela. Il prêchait du haut de la chaire de l’église congrégationaliste de Plymouth, toute proche, dont il était le pasteurc. On raconte aussi qu’Abraham Lincoln figurait parmi les personnalités qui, au cours des années 1860, rendaient visite à Beecher dans sa résidence de Columbia Heights.

      La Société a également acquis l’ancien “Béthel de Plymouth”, foyer missionnaire tout proche, dont l’Église de Plymouth s’était servie pendant longtempsd. Après quelques transformations, la Société a inauguré son nouveau bureau central, le 31 janvier 1909, en présence de 350 personnes. Au premier étage de ce Béthel de Plymouth rénové, on avait aménagé une salle de réunion pour 800 personnes. Pour la repeindre, on avait choisi un vert olive tendre, et pour décorer les murs, quelques textes bibliques avaient été inscrits avec goût et art. Au rez-de-chaussée, on avait installé les bureaux de la Société, tandis qu’au sous-sol une petite presse permettait d’imprimer des feuilles de petit format. Il s’y trouvait aussi un service d’expédition. Un avis paru dans La Tour de Garde disait au sujet de ces deux immeubles:

      Cette nouvelle demeure, nous l’appellerons “Béthel”, tandis que le nouveau bureau et la salle de conférences seront appelés “Le Tabernacle de Brooklyn”; ces noms remplaceront celui de “Maison de la Biblee”.

      Les immeubles que la Société possédait à Pittsburgh ont alors été vendus. Quant à la campagne accélérée de prédication de cette période importante de l’œuvre, elle pouvait maintenant entrer dans sa dernière phase. Quoique vaste et pratique, ce bureau central agrandi est devenu insuffisant au bout de deux ans. Aussi a-​t-​il fallu, en 1911, construire de nouveaux logements spacieux sur l’arrière du Béthel, logements qui donnaient sur la rue Furman et les quais de Brooklynf.

      UN NOUVEL INSTRUMENT LÉGAL EST CRÉÉ

      Afin qu’ils puissent devenir propriétaires de leurs biens immobiliers dans l’État de New York, les témoins ont jugé utile de créer un nouvel organisme, car la Watch Tower Bible and Tract Society of Pennsylvania était sujette à certaines restrictions légales. Une requête ayant été présentée en bonne et due forme, le juge Isaac N. Miller de la Cour suprême de New York rendait, le 23 février 1909, une ordonnance qui reconnaissait le statut légal de la People’s Pulpit Association [Association de la Tribune du peupleg]. Voici les buts énoncés dans les statuts:

      Les buts de l’association sont: charitables, bienveillants, scientifiques, historiques, littéraires et religieux; l’édification morale et mentale des hommes et des femmes, la diffusion de vérités bibliques en différentes langues au moyen de la publication de tracts, de brochures, de journaux et d’autres écrits religieux, ainsi que l’œuvre missionnaireh.

      THOMAS: Comment faites-​vous pour coordonner les activités de ces deux organismes, Jean?

      JEAN: Voici une citation parue dans La Tour de Garde de 1914 qui va peut-être vous éclairer:

      Dans l’intérêt de nos nombreux lecteurs, nous expliquerons que la WATCH TOWER BIBLE AND TRACT SOCIETY [de Pennsylvanie] gère, en sa qualité d’organisation mère, toutes les affaires touchant l’œuvre chrétienne à laquelle sont rattachés le périodique LA TOUR DE GARDE et son rédacteur. Or, tout le travail accompli directement ou indirectement au moyen de l’ASSOCIATION INTERNATIONALE DES ÉTUDIANTS DE LA BIBLE et de l’ASSOCIATION DE LA TRIBUNE DU PEUPLE fait partie de l’œuvre accomplie par la WATCH TOWER BIBLE AND TRACT SOCIETY.

      Je vous ai déjà expliqué, Thomas, que l’Association de la tribune du peuple était le groupement constitué à New York en 1909, tandis que l’Association internationale des Étudiants de la Bible, mentionnée dans la citation, était le groupement constitué en Grande-Bretagne en 1914. Bien que cette association britannique ait notamment été créée pour diriger l’œuvre en Grande-Bretagne, elle possédait aussi une adresse auprès du siège de la Société, à Brooklyn. Voici ce que l’article de La Tour de Garde disait encore:

      Le rédacteur de LA TOUR DE GARDE est le président de ces trois sociétés. Toute responsabilité financière se rapportant à l’œuvre procède de la WATCH TOWER BIBLE AND TRACT SOCIETY [de Pennsylvanie]. C’est d’elle que les autres Sociétés et toutes les filiales de l’œuvre reçoivent leur appui financier. (...)

      Nous avons dû procéder à une répartition du travail du fait que les statuts de la société mère, établis conformément aux lois en vigueur dans l’État de Pennsylvanie, ne lui permettent pas de posséder des biens dans l’État de New York; aussi a-​t-​il fallu organiser une société auxiliaire afin de pouvoir posséder des biens-fonds à New York. Il en va de même pour la Grande-Bretagne où les lois empêchent les sociétés étrangères d’avoir le droit de propriété sur des biens-fonds. Cela a rendu nécessaire la création de l’ASSOCIATION INTERNATIONALE DES ÉTUDIANTS DE LA BIBLE régie par des statuts conformes aux lois anglaises. Il arrive donc que nous employions tantôt l’une, tantôt l’autre appellation dans les différentes branches de l’œuvre; pourtant, en fin de compte, elles veulent toutes dire la WATCH TOWER BIBLE AND TRACT SOCIETY [de Pennsylvanie], à laquelle devraient être versés tous les donsi.

      THOMAS: Est-​ce que vous ne vous servez que de ces trois organismes?

      JEAN: Non, car la Société a créé depuis un certain nombre d’organismes dans différents pays du monde, lesquels travaillent tous sous la direction de l’organisation mère de Pennsylvanie. Or, celle-ci n’est à son tour qu’un instrument légal pour les témoins de Jéhovah du monde entier, qui eux-​mêmes ne constituent pas une personne juridique.

      UNE CAMPAGNE INTENSIVE S’ENGAGE

      Les témoins de Jéhovah n’ont jamais cessé de mener des campagnes intensives. Néanmoins, ce sont les années 1909 à 1914 qui ont marqué le point culminant aussi bien de l’activité déployée par ces premiers témoins des temps modernes que des résultats obtenus. En mettant à contribution les moyens dont ils pouvaient disposer, tous se sont dépensés à fond pour donner un témoignage mondial: les frères du bureau central travaillaient jour et nuit; ils étaient secondés par les frères pèlerins et les colporteurs, ainsi que par les ouvriers qui participaient au service volontaire en donnant gratuitement de leurs heures de loisir.

      À partir de 1909, la Société s’est mise à publier une nouvelle série de tracts intitulés d’abord “La Tribune du Peuple”, puis “Journal pour Tous” et enfin “L’Étudiant de la Bible”. Chaque mois paraissait un nouveau numéro qui contenait une nouvelle salve puissante tirée contre le protestantisme, la fausse religion et l’apostasie. Les illustrations et les caricatures en augmentaient l’effet. C’est par millions que l’on distribuait ces publications en les glissant sous les portes des foyers, en les remettant à ceux qui sortaient des églises, et aussi grâce aux contacts personnels. Les efforts déployés par la Société en vue de donner un témoignage aussi vaste que possible ne se limitaient nullement à la distribution de tracts. Les colporteurs distribuaient à eux seuls plusieurs millions de brochures et de livres.

      MARIE: Et c’est à la même époque que les frères ont organisé un service de presse international auprès des journaux qui accordaient une place importante aux sermons du pasteur Russell. Chaque semaine, on les adressait à quelque 3 000 journaux des États-Unis, du Canada et d’Europe.

      JEAN: Ce service de presse se composait de quatre membres du Béthel qui faisaient partie du personnel du bureau central. Chaque semaine, où qu’il se soit trouvé, le pasteur Russell envoyait un nouveau sermon à ce service installé au Béthel. De là, les quatre frères télégraphiaient aux journaux le sermon qui devait remplir près de deux colonnes. Comme le public ne possédait pas encore la radio, la presse constituait le meilleur moyen d’atteindre les gens. Aussi a-​t-​il été possible, grâce à ce service, d’augmenter considérablement la prédication orale aux portes et aux réunions publiques. On évalue à dix millions les personnes qui, chaque semaine, pouvaient ainsi lire les sermons du pasteur Russell.

      THOMAS: La Société devait-​elle payer pour faire paraître ces sermons, ou les journaux versaient-​ils des droits d’auteur à Russell?

      JEAN: Les journaux s’engageaient à publier les sermons gratuitement, et la Société se chargeait des frais de télégraphej.

      Mais l’activité de ce service de presse n’était pas du tout censée remplacer la prédication individuelle qu’accomplissaient les témoins de Jéhovah. Une vaste campagne de réunions publiques allait rendre encore plus efficace l’activité intensifiée de cette période. On l’a appelée l’“œuvre pour la formation de nouvelles ecclésias”, et c’est en 1911 qu’elle a commencék. Rien qu’en cette première année, 12 113 conférences publiques et semi-publiques ont été prononcées. De cette façon, on élargissait le service des conférences publiques que le pasteur Russell avait autrefois entrepris lui-​même. Pour accomplir cette tâche, il a fallu le concours de cinquante-huit ministres itinérants spéciaux que la Société chargeait d’une tournée de conférences, selon un itinéraire préétabli.

      On ne se contentait pas de donner des discours, pour ensuite oublier ceux qui étaient venus les écouter. Au contraire, on s’approchait des personnes qui avaient manifesté de l’intérêt, pour leur demander leurs nom et adresse, après quoi on les visitait chez elles dans l’intention de les rassembler pour créer une nouvelle congrégation. Les colporteurs ou pionniers aidaient à organiser ces congrégations, ce qui a permis de créer de nombreuses nouvelles “ecclésias”. En 1914, il en existait 1 200 dans les différentes parties du monde. Pour ce qui est des autres chiffres se rapportant à l’accroissement, il faut dire que les rapports sur ceux qui assistaient à la Commémoration étaient incomplets; en 1915, le rapport partiel mentionne le nombre de 15 430 assistants, tandis que les statistiques indiquent que la diffusion de La Tour de Garde s’élevait à 55 000 exemplairesl.

      Il est compréhensible qu’on ait aussi sollicité Russell à venir plus souvent parler lui-​même, à mesure que l’intérêt allait croissant. Chaque année, il se rendait en Europe, et ses voyages à travers l’Amérique du Nord se faisaient plus nombreux et plus longs également. Pour s’acquitter de ses engagements d’orateur, il s’était naguère fait accompagner par quelques personnes en se servant d’un wagon spécial appelé “voiture des congressistes”. Désormais, il fallait organiser des groupes plus grands et se servir d’un train spécial appelé “train des congressistes”, dont l’un a transporté une fois 240 personnes qui accompagnaient Russell. Il fallait alors plusieurs wagons pour le transport de ces “groupes de congressistes” qui se rendaient d’une grande ville à une autre, selon un horaire établi d’avancea.

      Dès leur arrivée dans la ville prévue, toutes les personnes du groupe allaient annoncer la conférence publique en distribuant des invitations. Ensuite, elles assistaient elles-​mêmes à la conférence pour y accueillir ceux qui venaient l’écouter et pour demander aux personnes manifestant de l’intérêt leurs nom et adresse. Partout où c’était possible, les frères rendaient visite à ces personnes, et ils établissaient des congrégations. Ce travail puissamment concerté a produit des résultats durables.

      MARIE: Nombreux sont les récits intéressants qui ont été rapportés au sujet des problèmes rencontrés par ces frères. Ainsi, on raconte qu’un jour frère Russell et sa suite se trouvaient dans le train qui traversait l’État du Wisconsin, et que les cheminots à bord du train avaient oublié de décrocher le wagon spécial de Russell dans une gare où le train ne s’arrêtait pas d’habitude. Leur train a donc traversé à toute allure la ville où devait avoir lieu la conférence publique; et ce n’est qu’une heure plus tard qu’il s’est arrêté à Milwaukee. Vous concevez dans quel état d’énervement se trouvaient les frères qui n’avaient pu descendre au bon endroit. Immédiatement, ils ont demandé au chef de gare de faire atteler une locomotive au wagon spécial pour les ramener dans la ville où frère Russell était censé prendre la parole. Ils y sont arrivés tout juste assez tôt pour tenir la conférence publique.

      JEAN: Le pasteur Russell et ses collaborateurs n’ignoraient pas le passage de Matthieu 24:14, qui dit: “Cette bonne nouvelle du royaume sera prêchée par la terre habitée tout entière en témoignage à toutes les nations; et alors la fin viendra.” Même s’ils ne savaient pas de quelle manière cette prédication pourrait être achevée pour 1914, les témoins ont intensifié encore davantage leur programme. Une campagne de conférences publiques s’est alors organisée sur le plan mondial, et le passage biblique que nous venons de lire apparaissait sur certaines affiches.

      Dans le cadre de cette campagne allant de décembre 1911 à mars 1912, le pasteur Russell a fait le tour du monde à la tête d’un comité de sept hommes, pour répandre les semences de la vérité, lesquelles, à la longue, ont amené de nouveaux groupes de chrétiens oints à une activité féconde, dans de vastes territoires du globe. Les frères de ce comité s’attachaient surtout à étudier les missions étrangères de la chrétienté et à donner des discours sur place. Leur voyage les a conduits vers l’ouest, à Hawaii, au Japon, en Chine, puis à travers l’Asie méridionale jusqu’en Afrique et enfin en Europe, d’où ils ont regagné New Yorkb. C’était vraiment un long voyage qui avait pour but de ceindre la terre d’un message d’avertissement concernant l’approche de la fin des temps des Gentils, en 1914.

      LE PHOTO-DRAME DE LA CRÉATION

      Ensuite, le pasteur Russell a élaboré un projet audacieux mais bien conçu, d’ordre éducatif, très en avance sur son temps. Le cinéma commençait alors à être connu du public. Ayant compris que c’était là un moyen efficace pour atteindre des foules de gens en un temps relativement court, Russell s’est mis à préparer le “Photo-Drame de la Création”. Cette œuvre a été entreprise en 1912, dans l’espoir que tout serait prêt pour cette campagne générale avant 1914. Le titre avait une valeur descriptive, car cette œuvre dépeignait les desseins de Dieu à l’égard de la terre et du genre humain, à partir de l’aménagement de la terre comme demeure de l’homme jusqu’à la fin du règne millénaire, point culminant des desseins divins. Tout ce projet se composait de clichés ainsi que de projections animées synchronisées avec des disques de phonographe sur lesquels étaient enregistrées des causeries et de la musique. La Société faisait ainsi œuvre de pionnier dans le domaine du film sonore et, en s’embarquant dans cette affaire, elle était pleinement confiante en son succès. Les résultats obtenus, grâce aux efforts ingénieux déployés dans ce domaine, montraient que l’esprit de Dieu reposait sur toute cette entreprise.

      La tâche étant bien plus grande que Russell ne l’avait prévue, le “Photo-Drame” n’était pas prêt pour la fin de 1912, car il a fallu deux années entières pour passer du projet à la première représentation, et le tout a coûté 300 000 dollars à la Sociétéc. Voici la description que La Tour de Garde de 1914 donnait du “Photo-Drame”:

      Il est naturel que nos lecteurs s’intéressent vivement au PHOTO-DRAME DE LA CRÉATION. Au cours de ces deux dernières années, vous avez tous plus ou moins entendu dire qu’il était en préparation. Le travail a été beaucoup plus pénible que nous ne l’avions pensé. Tous ceux qui ont vu le “Photo-Drame” admettent qu’il est très beau. Un pasteur, qui venait d’en voir deux parties, déclara: “Je n’ai vu que la moitié du PHOTO-DRAME DE LA CRÉATION, mais il m’en a appris plus long sur la Bible que mes trois années d’études à la faculté de théologie.” (...)

      Or, il [le Drame] contient tout ce qui entre dans la création terrestre: les animaux, l’homme, les expériences vécues par le genre humain au cours des six mille ans écoulés et ce que le Messie accomplira dans son Royaume de mille ans. Le tout se compose de quatre parties, soit quatre spectacles [de deux heures chacun] agrémentés d’une musique appropriée, etc.

      La première partie nous mène d’une nébuleuse à la création du monde, puis au déluge, pour se terminer au temps d’Abraham.

      La deuxième partie va de la délivrance d’Israël en Égypte à son séjour dans le désert, etc., jusqu’à l’époque des rois et au temps d’Élisée, le prophète.

      La troisième partie reprend le récit depuis le temps de Daniel jusqu’au temps où le Logos fut fait chair lors de la naissance de Jésus. Elle montre Jésus enfant, puis adulte, son baptême, son ministère, ses miracles, sa crucifixion, sa mort et sa résurrection.

      La quatrième partie commence à la Pentecôte et retrace les expériences vécues par l’Église au cours des dix-neuf siècles écoulés jusqu’à nos jours, et mille ans au-delà jusqu’à la glorieuse consommationd.

      LOÏS: Ce devait être un projet remarquable, étant donné que l’industrie cinématographique n’en était alors qu’à ses débuts.

      MARIE: En effet, et il nous arrive, dans notre ministère de porte en porte, de rencontrer des personnes qui se souviennent d’avoir vu le Photo-Drame.

      JEAN: Mais en raison de sa longueur et des détails qu’il a fallu mettre au point, celui-ci n’a pas pu être présenté avant 1914. Nous vous parlerons plus tard des représentations qui en ont été données. Or, à mesure que s’approchait le temps annoncé depuis longtemps, le service et la certitude de voir se réaliser les événements prévus constituaient la première préoccupation des témoins de Jéhovah.

      SÉRIEUSES MISES EN GARDE CONTRE LES CONJECTURES

      THOMAS: Vous nous avez dit, il y a un instant, que le pasteur Russell n’était pas très sûr de ce qui devait se produire en 1914. Était-​ce l’attitude générale qui prévalait alors parmi les témoins?

      JEAN: Sans aucun doute, nombreux étaient ceux qui pendant cette période s’empressaient d’émettre leur avis personnel sur les événements qui allaient se produire. Certains ont fait dire à La Tour de Garde des choses qu’elle n’a jamais dites et, quoique Russell se soit trouvé dans la nécessité d’attirer l’attention sur la certitude qu’il fallait s’attendre à un grand changement à la fin des “temps des Gentils”, il a pourtant encouragé ses lecteurs à garder leur esprit libre, surtout en ce qui concernait le facteur temps. Pour prouver ce point, nous pourrions lire un certain nombre d’extraits d’articles parus dans La Tour de Garde au fil des années. Ainsi, en 1885 déjà, Russell écrivait dans La Tour de Garde:

      De gros nuages menaçants s’amoncellent au-dessus du vieux monde. Il semble qu’une grande guerre européenne soit une éventualité à envisager dans un proche avenir.

      Suit une description plutôt sombre de la situation mondiale, et l’article conclut en ces termes:

      Pour ce qui est de ces prétendus royaumes de Dieu et de leurs armées, on adresse des prières à Dieu au nom de celui qui ordonne paix et bonne volonté envers les hommes, et qui s’annonce lui-​même comme celui qui libérera les captifs et qui proclamera l’amour, la paix et la liberté sur la terre entière à tous ceux pour la liberté desquels il est mort.

      Grâce soit rendue à Dieu de ce que l’affranchissement est proclamé; les chaînes théologiques et politiques commencent à se briser, et la création gémissante doit sous peu être rendue à la véritable liberté des fils de Dieu, sous la domination d’Emmanuele.

      En 1893, La Tour de Garde déclarait:

      Une grande tempête est imminente. Quoique l’on ne sache pas exactement quand elle éclatera, il semble raisonnable de supposer qu’elle se situe à douze ou quatorze ans tout au plusf.

      En 1894, le même périodique déclarait:

      Quelques années de plus en finiront avec le présent ordre de choses, et alors le monde châtié se tiendra face à face avec les conditions réelles du Royaume de Dieu établi. Et pourtant, l’Église doit achever sa course dans le court laps de temps qui resteg.

      Une autre déclaration, publiée au cours de la même année, est significative:

      “Comme les douleurs de l’enfantement surprennent la femme enceinte”, voilà la description inspirée du jour de détresse de quarante ans qui marque le commencement de l’âge millénaire. La panique de 1873, qui a affecté le monde entier, était le premier spasme, et depuis lors, à intervalles irréguliers, la terre a connu d’autres douleurs de l’enfantement. En ce moment même, nous nous trouvons ici aux États-Unis au beau milieu de l’une de ces convulsions de la création gémissanteh.

      En 1912, pour prévenir toute conjecture extravagante et personnelle concernant l’année 1914, Russell a fait retentir l’avertissement spécial que voici:

      Il est sans doute permis d’avoir de légères différences d’opinions sur ce sujet, et il nous faut laisser la plus grande latitude les uns aux autres. La suzeraineté des Gentils peut se terminer en octobre 1914 ou en octobre 1915. Et la période de lutte intense et d’anarchie “telle qu’il n’y en a point eu depuis que les nations existent” peut marquer la fin définitive des temps des Gentils, ou le début du règne du Messie.

      Mais nous rappelons une fois de plus à nos lecteurs que nous n’avons rien prophétisé concernant les temps des Gentils qui prendraient fin en un temps de détresse, ni concernant la glorieuse époque qui succéderait à cette catastrophe. Nous avons simplement attiré l’attention sur ce que disent les Écritures en exprimant nos vues quant à leur signification et en demandant à nos lecteurs de juger, chacun pour soi, ce qu’elles signifient. Ces prophéties gardent encore le même sens pour nous. (...) Il se peut que certains fassent cependant des déclarations positives de ce qu’ils savent, et de ce qu’ils ne savent pas; nous ne nous laissons jamais aller à cela; mais nous déclarons simplement que nous croyons ceci ou cela pour telles ou telles raisonsi.

      Ces premiers observateurs avaient donc de quoi être certains que bien des choses allaient se produire dès 1914. Même si leur compréhension sur la manière dont ces prophéties allaient s’accomplir exactement n’était pas absolument nette, les preuves augmentaient sans cesse, montrant que ce devait être une date marquée dans l’histoire de la terre.

      Dans le monde entier, on créait une situation tendue en attisant les rivalités nationales; et, pour leur campagne fébrile, les dirigeants politiques et commerciaux se lançaient dans une course aux armements effrénée qui avait l’entier appui du clergé de tous les pays. L’Allemagne et la France amassaient un énorme potentiel de guerre, tandis que la Grande-Bretagne et les États-Unis se fortifiaient également. Les dernières découvertes scientifiques, telles que la machine à vapeur, le moteur à explosion et l’électricité, ont toutes été mises à contribution pour la guerre, car les meilleurs cerveaux scientifiques du monde mettaient tout en œuvre afin de créer des armes encore plus perfectionnées pour la destruction massive. Les masses humaines se faisaient rassembler dans les camps de la guerre. Satan, le maître de ce monde, rassemblait ses forces pour la fin, laquelle, il le savait, viendrait en 1914.

      En ce XXe siècle toutefois, la débâcle mondiale des nations, qui paraissait inévitable, était simplement la preuve de ce qu’une guerre beaucoup plus significative devait commencer cette année-​là. Il ne s’agissait pas, dans ce différend de la plus haute importance, de savoir si la domination monarchique l’emporterait sur la domination démocratique. Le calendrier des desseins divins indiquait que le moment était venu de régler la question de la domination universelle. Quant aux témoins de Jéhovah, il ne leur était pas donné, à cette époque-​là, de comprendre ce que ce conflit allait apporter comme résultats immédiats ni quelle tournure les événements allaient prendre pour accomplir la volonté divine. Pendant quarante ans, ils avaient été chargés d’en annoncer la proximité. Tous leurs efforts zélés avaient tendu vers ce même but. Maintenant que le moment était venu, ils n’allaient pas se croiser les bras et attendre la suite des événements. Des flots ininterrompus d’écrits sur le Royaume continuaient à atteindre toutes les parties du globe, depuis le nouveau siège de Brooklyn.

      Sur l’autre rive de l’East River, face au bureau central de la Société, se dressait la masse imposante des gratte-ciel du quartier financier de New York. Ces gratte-ciel, qui étaient alors les plus hauts du monde, symbolisaient pour bien des gens la force et la puissance du plus grand empire de la terre. Par leurs dimensions, ceux-ci dépassaient de loin les modestes immeubles de la Société Watch Tower, à Brooklyn. Mais nul ne pouvait alors savoir ce que Jéhovah réservait à cette petite troupe de témoins qu’il avait rassemblés des quatre coins de la terre; et personne ne pouvait prévoir non plus comment cette voix relativement faible, qui émanait des modestes bureaux de la Société, arriverait un jour à remplir la terre avec tant de force et de puissance que les fondements mêmes du monde de Satan en seraient ébranlés.

      [Notes]

      a a w oct.-nov. 1881, p. 3.

      b b w 1919, p. 58.

      c c Webster’s Biographical Dictionary, p. 125; History of Kings County (New York, 1884: Munsell & Co.), pp. 1021, 1022.

      d d Construit en 1868 au 13-17 Hicks Street, cet immeuble a été démoli depuis. Quant à l’église de Plymouth, fondée en 1849, elle se trouve encore à Orange Street, près de Hicks, à deux pâtés de maisons du 124 Columbia Heights.

      e e w 1909, pp. 67, 68.

      f f w 1917, p. 53.

      g g Les statuts ayant été soumis aux autorités, cette association fut dûment enregistrée, le 4 mars 1909. Le 6 février 1939, son nom fut légalement changé en Watchtower Bible and Tract Society, Inc., et le 16 janvier 1956 en son nom actuel: Watchtower Bible and Tract Society of New York, Inc.

      h h Statuts de la Watchtower Bible and Tract Society, Inc., pp. 1, 5, 6, 11.

      i i w 1914, p. 371. Voir aussi “L’histoire et les actions de notre Société”, w 1917, pp. 327-330 [ainsi que wF avril 1927, pp. 106, 107].

      j j Sermons du pasteur Russell (angl.) [1917; IBSA], pp. 3, 4; w 1909 p. 269; w 1916, p. 388; w 1912, p. 26 [voir aussi wF 1910 p. 80; wF 1916, p. 26].

      k k w 1911, pp. 453, 454.

      l l w 1915, pp. 127, 372.

      a m w 1909, pp. 183, 196, 259, 298; w 1913, p. 218.

      b n Les voyageurs firent escale dans les villes suivantes: à Honolulu dans les îles Hawaii; à Yokohama, à Tokyo, à Kobe et à Nagasaki au Japon; à Changhaï et à Hong-Kong en Chine; à Manille dans les Philippines; à Singapour et à Penang dans les Straits Settlements [Établissements des Détroits]; à Colombo dans l’île de Ceylan; à Trivandrum, à Kottarakara, à Nagercoil, à Puram, à Madras, à Vizagapatam, à Calcutta, à Bénarès, à Lucknow et à Bombay en Inde; à Aden en Arabie; au Caire et à Alexandrie en Égypte; au Pirée, à Athènes, à Corinthe et à Patras en Grèce; à Brindisi et à Rome en Italie; à Paris; ensuite à Londres, et le voyage se termina à New York (w 1911, p. 434). Compte rendu détaillé et photos dans w 1912, pp. 123-138, ainsi que dans Souvenir Notes 1912, pp. 7-287.

      c o w 1914, p. 375.

      d p w 1914, pp. 105, 106, 371.

      e q w fév. 1885, p. 1.

      f r w 1893, p. 194.

      g s w 1894, p. 56.

      h t Ibid., p. 162.

      i u w 1912, p. 377.

      [Illustrations, page 48]

      TABERNACLE DE BROOKLYN, 1909.

      BÉTHEL, 122-124 COLUMBIA HEIGHTS, 1911.

  • “Fin de tous les royaumes en 1914”
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 9

      “Fin de tous les royaumes en 1914”

      THOMAS: Je suppose que les témoins de Jéhovah devaient enfin se sentir dans leur élément quand a commence l’année 1914 et que la Première Guerre mondiale a éclaté. Est-​ce juste?

      JEAN: Pas tout à fait. Au début de 1914, les conducteurs religieux et d’autres gens ont énormément ridiculisé Russell et la Société Watch Tower, car, pendant les tout premiers mois, les nations gentiles n’avaient encore rien subi de ce que les témoins de Jéhovah attendaient.

      MARIE: Bien entendu, ces railleries n’ont pas arrêté l’œuvre de témoignage, car la Société attendait la fin pour l’automne de cette année-​là. Janvier avait vu l’achèvement du Photo-Drame de la Création; puis en avril, douze exemplaires en avaient été expédiés dans trente et une villes. Il ressort des rapports que plus de 35 000 personnes venaient alors chaque jour voir, écouter et admirer cette production exceptionnellea.

      JEAN: C’est exact. Mais comme l’année avançait sans que rien de grave se soit produit malgré la grande tension qui pesait sur l’Europe, on ridiculisait de plus en plus le message du Royaume. Un grand changement allait pourtant intervenir au moment où nation après nation et royaume après royaume furent précipités dans le conflit que l’on appelle maintenant la Première Guerre mondiale. À la veille de la guerre, l’Europe était en proie à de vives inquiétudes. Mais surtout à partir du 27 juillet, et jusqu’en août de la même année, le monde allait connaître une période de bouleversements surprenants. Maintenant que la guerre et les malheurs s’abattaient sur les nations, l’œuvre des témoins de Jéhovah passait au premier plan, d’autant plus que ceux-ci annonçaient et attendaient ce temps de détresse.

      Ainsi, un article paru dans “Le monde” (The World), l’un des principaux journaux de New York, reflète bien la réaction de la presse. Dans son supplément dominical, ce journal titrait en gros caractères: “Fin de tous les royaumes en 1914”. Voici un extrait de cet article important:

      D’après les calculs des “Étudiants internationaux de la Bible” dirigés par le Rév. Russell, voici venu le “temps de détresse” dont parle le prophète Daniel, l’année 1914, prédite (dans le livre “Le Temps est proche”, dont quatre millions d’exemplaires ont été vendus) comme étant la date de l’effondrement des royaumes de la terre.

      L’effroyable guerre qui vient d’éclater en Europe accomplit une prophétie extraordinaire. Il y a un quart de siècle, les “Étudiants internationaux de la Bible”, mieux connus sous le nom d’“Auroristes du millénium”, se sont mis à proclamer au monde, par la voix de prédicateurs et par la presse, que le Jour de la Colère prophétisé dans la Bible poindrait en 1914. “Attention à 1914!”, tel a été le cri des centaines d’évangélistes itinérants qui, représentant cette croyance singulière, ont parcouru le pays dans tous les sens pour publier la doctrine selon laquelle “le Royaume de Dieu est proche”. (...)

      Même si des millions de gens ont dû écouter ces évangélistes, (...) et bien que leur propagande ait été menée au moyen de publications religieuses et par un service de presse séculier comprenant des centaines de journaux à travers le pays, ainsi que par des conférences, des débats, des classes d’étude, et même par des projections animées, l’homme moyen ignore l’existence d’un mouvement tel que l’“Aurore du millénium”. (...)

      Le Rév. Charles T. Russell est l’homme qui avance cette interprétation des Écritures depuis 1874. (...) “En présence de ces fortes preuves de la Bible, écrivit le Rév. Russell en 1889, nous considérons comme une vérité bien établie que la fin des royaumes de ce monde et l’entier établissement du Royaume de Dieu auront lieu en 1914.” (...)

      Mais dire que la détresse doit atteindre son point culminant en 1914, voilà qui est étrange. Pour une raison bien curieuse — peut-être parce que le Rév. Russell écrit d’une manière très posée, dans un style de mathématicien réfléchi plutôt que dans celui d’un harangueur fougueux — le monde n’a en général guère daigné tenir compte de lui. Quant aux Étudiants qui se réunissent au “Tabernacle de Brooklyn”, ils disent qu’il fallait s’y attendre, que le monde n’écoute jamais les avertissements divins et ne les écoutera jamais, jusqu’à ce que le jour de détresse soit passé. (...)

      Et voilà qu’en 1914 vient la guerre, la guerre que tout le monde redoutait, mais dont tout le monde pensait qu’elle ne se produirait pas, en fin de compte. Le Rév. Russell ne déclare pas: “Je vous l’avais bien dit”, et il ne révise pas les prophéties pour les adapter au cours de l’Histoire. Lui et ses Étudiants se contentent d’attendre, d’attendre jusqu’en octobre qu’ils estiment être la fin réelle de 1914b.

      THOMAS: Je pense que tout le monde n’aura pas accepté cette prophétie, pas même après le début de la guerre mondiale.

      JEAN: Non. Mais ce temps de grande détresse, Jésus l’avait prédit pour les derniers jours. De plus, les Écritures montraient que, malgré toutes les preuves apportées par Jésus pour marquer le début du temps de la fin, de nombreuses gens n’accepteraient pas ces preuves. Pierre, par exemple, a déclaré: “Dans les derniers jours il y aura des railleurs avec leurs railleries, avançant selon leurs propres désirs et disant: ‘Où est sa présence promise? En effet, depuis le jour où nos pères se sont endormis dans la mort, toutes choses continuent exactement comme depuis le début de la créationc.’”

      LA PRÉDICATION DE LA BONNE NOUVELLE SE POURSUIT

      LOÏS: Ce devait être une époque de sentiments mélangés.

      JEAN: En effet, et il se produisait alors beaucoup de choses que les témoins eux-​mêmes n’arrivaient pas encore à comprendre. Avant 1914, ils s’étaient servis d’arguments bibliques pendant quarante ans pour attirer l’attention des gens sur cette date importanted. Et maintenant que les faits s’accumulaient comme autant de preuves confirmant les conclusions que les témoins avaient pu tirer grâce à l’étude de la Bible, ceux-ci étaient certains que le 1er octobre 1914 allait marquer la fin légale des 2 520 ans pendant lesquels Jéhovah avait toléré que les nations gentiles s’arrogent la souveraineté sur la terre; ils avaient acquis la certitude que, légalement, la “fin de toutes les nations” était arrivée en 1914e! Or, tandis que les témoins avaient la joie de voir s’accomplir les conditions prédites dans la Bible, les souffrances et les tribulations qui s’abattaient sur le monde ne les réjouissaient guère; quant aux persécutions qu’ils subissaient de la part des adversaires du Royaume de Dieu, elles n’étaient pas faites non plus pour les rendre heureux, ni pour leur faciliter la tâche.

      Il ne fallait certes pas attendre du clergé de la chrétienté qu’il accepte les preuves de la fin légale de toutes les nations. Bien au contraire, les membres du clergé se sont tellement laissé absorber par les problèmes du jour et laissé entraîner dans les efforts de guerre déployés par les nations, qu’ils n’avaient aucune patience ni sympathie pour quiconque plaçait sa confiance en Dieu qui, dans sa puissance, trancherait la question de la domination mondiale. Dans chaque pays, les Églises soutenaient le gouvernement détenteur du pouvoir. Or, les Églises ont adopté cette attitude sans tenir compte du fait que, dans ce conflit, ceux qui avaient la même foi mais qui vivaient dans un autre pays allaient ainsi se trouver dans le camp adverse; et ceux qui normalement passaient pour des frères chrétiens s’affrontaient à présent sur le champ de bataille.

      THOMAS: Quelle a été l’attitude des témoins de Jéhovah face à la guerre?

      JEAN: Ils refusaient d’y prendre part. En raison des prophéties qui concernaient ce temps de détresse, les témoins ne pouvaient ni ne voulaient se rallier aux prétentions contradictoires faites par les ecclésiastiques des deux camps du conflit qui, les uns et les autres, se disaient soutenus par Dieu.

      Les témoins savaient fort bien ce qui se passait en Europe, puisque le juge Rutherford s’y trouvait en personne le jour où la guerre avait éclaté. Car, depuis qu’il était devenu conseiller juridique de la Société, il parcourait les États-Unis en qualité de conférencier biblique. Ainsi, il parlait dans bien des lycées et universités, sur demande spéciale, faisant salles combles aux États-Unis et en Europe. En 1913, accompagné de sa femme, il a visité l’Égypte et la Palestine, puis l’Allemagne — où il a pris la parole devant 18 000 personnes au total — et encore la Suissef.

      En 1914, le juge Rutherford a effectué un nouveau voyage en Europe à la place du pasteur Russell dont la santé déclinait et qui, en raison de la situation mondiale troublée, ne voulait pas quitter les États-Unis. En cette qualité, Rutherford était occupé à donner des conférences bibliques en Allemagne, à peine quelques jours avant le début de la Première Guerre mondiale. Il se trouvait à bord d’un bateau se rendant de Hambourg en Angleterre le jour où celle-ci a déclaré la guerre à l’Allemagne; ainsi, Rutherford a été un témoin oculaire de la tourmente qui a éclaté cette année-​là. Il n’a pas regagné les États-Unis sur-le-champ, mais il est resté en Angleterre jusqu’en septembre 1914, car il pensait avoir la possibilité de mieux voir ce qui surviendrait lors de l’achèvement des temps des Gentils. Après avoir passé les premiers mois de la guerre auprès des témoins anglais, il est rentré aux États-Unis.

      Alors que la guerre s’étendait de plus en plus en Europe, mais encore sans la participation des États-Unis, d’autres affaires concernant l’œuvre de témoignage allaient retenir l’attention des champions de la véritable liberté. En 1915, le pasteur Russell a été mis au défi pour un nouveau débat, cette fois par J. H. Troy, qui représentait le clergé baptiste de la Californie du Sud. Mais pour des raisons de santé, le pasteur Russell a dû se faire remplacer par J. F. Rutherford. Ayant été élevé baptiste, Rutherford ne s’est pas fait prier. Il est parti pour Los Angeles, en Californie, où devaient avoir lieu les divers débatsg. On y a dénombré une assistance totale de 12 000 personnes et estimé à 10 000 celles qui s’en sont retournées faute de place.

      Un incident, survenu à cette occasion, donne un aperçu de l’esprit juridique de J. F. Rutherford, qui était très perspicace. Plusieurs jours avant les débats, Rutherford s’était mis d’accord avec Troy pour que chaque partie dépose une caution de 1 000 dollars, ce qui devait les engager à ne pas parler de personnes en particulier. Les débats porteraient donc uniquement sur des sujets bibliques. Puis cet engagement a été signé par les deux parties.

      Or quelques jours plus tard il était clair, d’après les communiqués que Troy remettait aux journaux, qu’il entendait s’en prendre à certaines personnes et qu’il se réjouissait surtout de calomnier le pasteur Russell. Quant à Rutherford, il attendait le premier débat pour réagir. Trois minutes avant de commencer, il a prié Troy et ses “aides”, qui se tenaient dans la salle, de le rejoindre dans une pièce attenante. Là, Rutherford s’est adressé à Troy: “Vous vous souvenez que nous nous sommes engagés, par une caution de 1 000 dollars, à ne pas parler de personnes en particulier. Or, à en juger d’après les interviews que vous avez accordées à la presse, vous avez l’intention d’attaquer le pasteur Russell du haut de l’estrade. Certes, vous êtes libre de choisir cette voie, mais si vous essayez, vous perdrez votre caution.” Tout à fait désemparé, Troy a demandé: “Ne puis-​je même pas le mentionner?” À quoi Rutherford a répondu par un “non” catégorique. Pris au dépourvu dans sa tentative de profiter de cette occasion pour calomnier Russell, il ne restait plus à Troy que des sujets qui ne convenaient pas à la circonstance. Aussi, lors du débat d’ouverture, s’est-​il trouvé aux prises avec de grandes difficultés pendant assez longtemps.

      Toute cette série de débats a permis à Rutherford de remporter une victoire éclatante. Voici ce qu’il rapporte dans son compte rendu:

      Quand le débat s’est terminé hier soir, un certain nombre de personnes sont venues me trouver, dont plusieurs pour me dire: “J’ai été baptiste pendant des années, mais c’est ici que l’on m’a ouvert les yeux. Vous m’avez apporté la lumière.” Un assez grand nombre de cartes d’adhésion étaient rendues chaque soirh.

      LE PHOTO-DRAME ACCLAMÉ PAR LES UNS ET COMBATTU PAR LES AUTRES

      LOÏS: Qu’est-​il advenu du Photo-Drame de la Création que vous nous avez décrit? Marie, n’avez-​vous pas dit tout à l’heure que l’on avait commencé à le présenter au public dès janvier 1914?

      MARIE: C’est exact. Puis, en juillet, il est arrivé en Grande-Bretagne; en septembre, les représentations ont commencé sur le continent européen, soit en Allemagne, en Suisse, en Finlande, en Suède et au Danemark; et quand en octobre on l’a montré en Australie et en Nouvelle-Zélande, le Photo-Drame avait déjà fait la moitié du tour du monde.

      De nos jours, où les enregistrements de sons et de superproductions de Hollywood sont chose courante, on a de la peine à comprendre combien c’était là une entreprise inouïe. L’une des difficultés auxquelles on s’est heurté était de se procurer les belles images d’art illustrant l’histoire du monde dès l’aube de la création jusqu’à nos jours, et même jusque dans l’avenir. On a adopté, puis adapté au thème du Drame, tout ce que l’on a pu trouver, mais avant de fabriquer les clichés stéréoscopiques, il a fallu peindre des centaines d’images et de croquis inédits. Ces clichés étaient d’ailleurs magnifiquement coloriés à la main, dont certains même à Paris ou à Londres. Voici ce que raconte Russell:

      Dans sa bonté, Dieu nous a voilé les yeux quant à la somme de travail qu’exigerait le DRAME. Si nous avions pu prévoir combien de temps, d’argent et de patience sa mise en chantier allait nous coûter, nous ne l’aurions jamais entrepris. Or, nous ne savions pas non plus d’avance quel grand succès serait réservé au DRAMEi.

      Du fait que ces exemplaires du Photo-Drame ont été préparés avant que la Première Guerre mondiale n’éclate en Europe, des représentations ont pu avoir lieu un peu partout sur le continent européen et apporter du réconfort à bien des peuples angoissésj. La Société en a fabriqué au moins vingt reproductions complètes en quatre parties chacune, ce qui a permis de desservir quatre-vingts villes par jour. Rien qu’en 1914, ces projections ont entraîné pour les congrégations locales entre 150 000 et 200 000 dollars de dépenses.

      Un autre ensemble, appelé Eurêka-Drame, a encore été mis à la disposition des congrégations. Il comprenait simplement les clichés, la musique et les discours enregistrés sur disques pour le Photo-Drame. Même sans film, l’Eurêka-Drame a remporté d’immenses succès dans les régions moins peupléesk.

      LOÏS: J’aurais bien aimé voir le Photo-Drame. Comme vous nous l’avez décrit, Marie, rien d’étonnant qu’il ait été très couru!

      THOMAS: Je pense que les chefs religieux n’auront guère trouvé à redire au Photo-Drame. Est-​ce exact, Jean?

      JEAN: Au contraire. Certains lui ont opposé une vive résistance. Dans maints endroits, tout a été tenté pour empêcher qu’il soit présenté. D’autres chefs religieux s’élevaient contre les représentations qui se faisaient le dimanche, prétextant que les salles de spectacle étaient alors fermées aux films. Un incident de ce genre s’est produit, entre autres, dans l’Idaho où la Cour suprême de l’État a donné gain de cause à la Société; et ainsi, les représentations ont continué le dimanchel.

      J’ai demandé à Marie de rechercher des récits qui parlent de l’opposition faite au Photo-Drame. En as-​tu trouvé un que tu pourrais nous lire, Marie?

      MARIE: Oui, j’en ai un. On le trouve dans la brochure Une grande bataille dans les cieux ecclésiastiques (angl.), rédigée par le juge Rutherford:

      La scène se situe à Laurel, dans le Mississippi. M. Nicholson, conférencier responsable, avait loué l’Opéra auprès de M. Taylor, le propriétaire, pour y présenter le Photo-Drame. Tous deux se trouvaient devant l’Opéra et faisaient des préparatifs pour la publicité. M. Taylor se réjouissait de ce qu’un si beau spectacle allait être donné dans sa maison et s’en félicitait, lorsque vint à passer le premier pasteur de l’Église méthodiste de l’endroit surnommé le “grand chef de l’Union des pasteurs”.

      En apprenant ce qui se préparait, il devint furieux, brandit le poing sous le nez de M. Nicholson et le menaça à grands cris: “Essayez seulement de montrer ces choses-​là dans notre ville, et vous aurez sur les bras le plus dur combat que vous n’ayez jamais vu; vous feriez mieux de quitter la ville et de décamper au plus vite!” M. Nicholson ne se laissa pas intimider par cette menace, mais il poursuivit les préparatifs en vue de la représentation. Réunis aussitôt en séance extraordinaire, tous les membres de l’Union des pasteurs s’engagèrent à faire campagne contre le pasteur Russell et le “Drame”, à l’exception du pasteur épiscopalien qui se prononça résolument pour la tolérance religieuse et le respect humain. L’Union des pasteurs vota des résolutions contre le “Drame” et le pasteur Russell, elle lança ensuite un appel au maire de la ville et au chef de la police et leur demanda instamment de prévenir M. Nicholson, le responsable du “Drame”, qu’il ne devait pas présenter son spectacle dans la ville.

      Puis, l’Union des pasteurs fit pression sur la Compagnie d’électricité et décida les propriétaires à couper le courant électrique et à refuser d’en fournir pour la projection du “Drame”. Il restait à soumettre M. Taylor, le propriétaire de l’Opéra. L’influence de l’Union fut telle, que M. Taylor arracha lui-​même les affiches qui, sur ses ordres, avaient été placées sur les divers panneaux. Là-dessus, le responsable du Photo-Drame se rendit auprès du juge Beavours, le procureur de la ville, pour demander son intervention. C’était un “homme de loi de la vieille école”, prêt à combattre pour le droit. Il avisa immédiatement la Compagnie d’électricité et les fonctionnaires de la ville qu’il allait porter l’affaire devant le tribunal pour obtenir un arrêt qui les empêcherait de faire un usage illégal de leur pouvoir.

      Cette démarche effraya les fonctionnaires de la ville et la Compagnie d’électricité. Les pasteurs jetèrent du lest et décidèrent que, désormais, ils ne chercheraient plus à empêcher la présentation du Photo-Drame. Le maire fit dire à M. Nicholson: “Vous pouvez continuer, mais surtout ne vous en prenez pas à nous, ni aux pasteurs.” Ces messieurs appréhendaient la réaction du public qui irait voir les projections et apprendrait alors combien celles-ci avaient été dénigrées. Les gens vinrent et furent enchantés. Certains déclarèrent: “Nous ne comprenons pas pourquoi les pasteurs s’y sont opposésa!”

      THOMAS: On dirait que vous avez eu bien des ennuis pendant ces années-​là! Pensez-​vous que l’opposition était pire qu’avant 1914?

      JEAN: En effet. L’œuvre a atteint son point culminant en 1914. Mais en raison de l’opposition croissante, des railleries et de la dislocation de l’œuvre mondiale, l’activité de prédication des témoins a connu un fléchissement graduel en 1915 et en 1916b.

      Le temps de la fin venait de commencer pour les nations de ce monde. Mais le peuple de Jéhovah n’était pas tout à fait préparé à occuper la place qui lui revenait, ni à accomplir l’œuvre que Jéhovah lui réservait. Les témoins allaient en outre subir de nombreuses épreuves qu’ils n’avaient pu prévoir. Ils se trouvaient au seuil d’un temps de deuil et d’opprobre.

      [Notes]

      a a w 1914, p. 106.

      b b The World de New York, 30 août 1914, supplément dominical, pp. 4, 17.

      c c II Pierre 3:3, 4.

      d d w 1914, p. 371.

      e e wF 1952, pp. 259, 260.

      f f w 1913, p. 319.

      g g En avril 1915, au “Trinity Auditorium” pendant quatre soirées. w 1915, p. 143; pour le texte intégral des débats, voir la Tribune de Los Angeles, du 22 au 24 et du 26 avril 1915.

      h h w 1915, p. 143.

      i i w 1914, p. 372.

      j j Ibid., p. 142.

      k k w 1914, p. 373.

      l l État contre Morris (23 février 1916), 28 Idaho 599; 155 P. 296.

      a m A Great Battle in the Ecclesiastical Heavens (1915), par J. F. Rutherford, pp. 12, 13.

      b n w 1915, p. 371.

      [Illustration, page 57]

      MATÉRIEL DE PROJECTION DU PHOTO-DRAME ET DE L’EURÊKA-DRAME.

  • Fortifiés pour persévérer et endurer
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 10

      Fortifiés pour persévérer et endurer

      LOÏS: Quand le temps de deuil a-​t-​il commencé pour les témoins?

      JEAN: En 1914. C’était là un temps d’opprobre, d’épreuves et de déceptions. Mais Jéhovah n’éprouve jamais son peuple au-delà de ses forces; c’est la raison pour laquelle, à plusieurs reprises, La Tour de Garde a encouragé et exhorté les frères à persévérer avec patience. Ainsi, dans La Tour de Garde (angl.) du 1er janvier 1914, le pasteur Russell a mis en parallèle la situation où se trouvaient les premiers disciples de Jésus et celle des chrétiens qui allaient entrer dans l’année significative de 1914. Voici ce qu’il a dit:

      Nous savons que, de ce côté-​là, le peuple de Dieu a connu des déceptions. (...) Alors que l’Église [primitive] subissait ses premières persécutions, on croyait que ceux qui souffraient ne tarderaient pas à entrer dans la gloire. On pensait que le Royaume était proche. Parmi ceux qui furent déçus, certains continuèrent à attendre, à espérer et à prier. D’autres organisèrent le grand système papal, et ils déclarèrent que l’Église devait connaître la gloire maintenant (...).

      Nous ne pouvons lire les signes des temps avec la même certitude absolue que les données doctrinales, car, dans les Écritures, le temps n’est pas aussi nettement énoncé que les doctrines fondamentales. Nous marchons encore par la foi et non par la vue. Pourtant, nous ne sommes pas sans foi ni incroyants, mais nous croyons et nous attendons. Si, par la suite, il devait s’avérer que l’Église n’a pas été glorifiée d’ici octobre 1914, nous tâcherons de nous contenter de la volonté du Seigneur, quelle qu’elle soit. (...) Nous croyons que la chronologie est une bénédiction. Si elle devait nous réveiller (...) plus tôt le matin que nous ne nous serions éveillés autrement, tant mieux! Ce sont ceux qui demeurent éveillés qui obtiendront la bénédiction. (...)

      Si, dans sa providence, le Seigneur faisait venir ce temps vingt-cinq ans plus tard, alors la volonté du Seigneur serait également la nôtre. Cela ne changerait rien aux faits que le Fils de Dieu fut envoyé par le Père, qu’il est le rédempteur de notre espèce, que c’est lui qui est mort pour nos péchés, que c’est lui qui choisit l’Église pour en faire son Épouse, et que la chose qui doit encore venir, c’est l’établissement du glorieux Royaume placé entre les mains de ce grand Médiateur, qui (...) bénira toutes les familles de la terre. Ces faits restent les mêmesa.

      En mai, le pasteur Russell s’est de nouveau référé aux prophéties dont on attendait l’accomplissement. Une fois de plus, il a mis ses lecteurs en garde contre le caractère incertain des prophéties chronologiques. Citons encore La Tour de Garde:

      Le Seigneur déclare par le prophète David (Psaume 149:5-9, Da): “Que les saints se réjouissent de la gloire, qu’ils exultent avec chant de triomphe sur leurs lits! Les louanges de Dieu sont dans leur bouche, et une épée à deux tranchants dans leur main, pour exécuter la vengeance contre les nations, (...) pour exécuter contre eux le jugement qui est écrit. Cette gloire est pour tous ses saints.” Jusqu’ici nous n’avions pas mis en doute que cette description de la gloire des saints s’applique à ceux qui se trouvent de l’autre côté du voile, après l’accomplissement de la première résurrection. [Il entend après que ceux-ci auront accédé au ciel.] Mais un examen approfondi de ces paroles nous prévient de ne pas être trop sûrs de nous-​mêmes quant à une telle supposition. Nous suggérons comme une simple possibilité qu’un temps puisse venir où une partie des saints se trouvera dans la gloire, de l’autre côté du voile, alors que ceux qui sont encore dans la chair, de ce côté-​ci du voile, entreront pleinement dans la joie de leur Seigneur et dans la participation de son œuvre. (...)

      Mais le mot lits signifierait ici, en harmonie avec l’emploi qui en est fait ailleurs dans la Bible, un repos de la foi, c’est-à-dire que ces saints se trouvaient au repos au milieu de conditions adverses. (...)

      De plus, alors que, d’après la prophétie, les louanges de Dieu sont dans leur bouche, ils tiennent dans leur main une épée à deux tranchants. Ici, comme ailleurs, cette “épée à deux tranchants” est évidemment la Parole de Dieu. Nous avons de la peine à nous figurer que les saints de l’autre côté du voile se servent de la Parole de Dieu. Cela semble indiquer, au contraire, que les saints décrits dans le passage biblique se trouvent de ce côté-​ci du voile et se servent de l’épée de l’esprit, qui est la Parole de Dieu, tout en faisant retentir les louanges de Dieu pour ôter de son nom le déshonneur dont il a été entaché par l’ignorance, la superstition et les croyances de l’âge des ténèbresb.

      L’ŒUVRE DIVINE SE POURSUIVRA PROGRESSIVEMENT

      Au début de l’année suivante, Russell s’est de nouveau référé au Psaume 149, en ces termes:

      L’expression “pour exécuter contre eux le jugement qui est écrit” (...) paraît indiquer que les saints, de ce côté-​ci du voile, ont une mission à remplir à l’égard du jugement qui va être exécuté sur les nations. Quelle est la portée exacte de ce texte à ce sujet, nous ne le savons pas encore. Rien, dans ce passage, ne s’oppose à la pensée d’après laquelle l’œuvre proprement dite du Royaume du Seigneur a commencé à s’accomplir; l’ébranlement des nations actuelles est, croyons-​nous, dirigé par le Royaume. (...)

      Nous estimons que, jour après jour, nous devons examiner les preuves qui s’ajoutent successivement, nous permettant de voir que les temps des nations sont expirés et que l’œuvre du Royaume de Dieu a commencé. (...) Dans le grand jour actuel du Seigneur, tout ce qui est ébranlable sera ébranlé jusqu’à sa ruine complète; car rien de ce qui est inique et indigne d’exister ne subsistera. C’est Dieu lui-​même qui est l’auteur de l’ébranlement généralc.

      Dans La Tour de Garde (angl.) du 1er novembre 1914, Russell insiste une fois de plus sur la patience. Il écrit:

      Notre Seigneur nous fait voir qu’à sa seconde venue tous ses serviteurs qui auront le cœur bien disposé entendront quand il frappera à la porte; s’ils lui ouvrent immédiatement, il entrera et soupera avec eux. (...)

      Lorsque parut l’année 1875, est-​ce que tout fut accompli dans l’espace de 24 heures? Évidemment pas. Tous les véritables chrétiens s’éveillèrent-​ils à la même minute? Ne se sont-​ils pas plutôt éveillés tout au long de la moisson? Quelques-uns d’entre nous se sont même éveillés depuis peu de temps; (...)d.

      Puis, après avoir passé en revue les nombreux événements qui ont marqué la période de quarante ans de moisson qui a précédé 1914, Russell poursuit:

      Nous n’entrerons pas dans de plus amples détails, nous désirons simplement faire voir que ces prophéties ne se sont pas accomplies soudainement, mais graduellement, qu’elles commencèrent à une époque marquée et que leur accomplissement était certain. Que devons-​nous penser du futur si on tient compte des enseignements du passé? (...)

      Devons-​nous penser que le Seigneur allait paraître à l’instant précis où les temps des nations étaient expirés? Certes pas. La Bible nous dit que “Jésus apparaîtra (...) au milieu d’une flamme de feu”. Combien de temps s’écoulera-​t-​il exactement après la période ci-dessus mentionnée jusqu’au moment où Christ se révélera au milieu d’une flamme de feu, nous ne le savons pas. (...)

      L’œuvre de la moisson pendant la présence (parousia) de notre Seigneur s’est poursuivie progressivement jusqu’à aujourd’hui pendant quarante ans; si maintenant le temps de la fin [doit se dérouler] peu à peu, quelle doit être la durée de la période pendant laquelle les institutions actuelles seront abolies et le présent ordre de choses condamné et détruit pour faire place au règne de la justice? D’après ce que nous venons de voir, nous pensons que cette période de transition durera un bon nombre d’annéese.

      Enfin, dans l’édition anglaise du 15 décembre 1914, le pasteur Russell cite I Thessaloniciens 5:4, 5, et y ajoute les commentaires encourageants que voici:

      Dieu a promis qu’il donnerait, à ses vrais enfants, la lumière au temps marqué, et que ceux-ci auraient la joie de comprendre son Plan au moment propice. (...) Même si le temps où nous serons changés n’arrivait pas d’ici dix ans, que devrions-​nous demander de plus? Ne sommes-​nous pas un peuple béni et bienheureux? Notre Dieu n’est-​il pas fidèle? Si quelqu’un connaît quelque chose de mieux, qu’il l’accepte. Si jamais quelqu’un d’entre vous trouvait quelque chose de mieux, nous espérons qu’il ne manquerait pas de nous le faire savoir. Nous, nous ne connaissons rien de mieux, ni rien qui vaille la moitié de ce que nous avons trouvé dans la Parole de Dieuf.

      DU TRAVAIL POUR TOUS

      Le pasteur Russell ne se contentait pas d’exhorter les frères à persévérer avec patience, mais il les encourageait également à rester actifs dans le service divin et à s’acquitter assidûment de la tâche qui leur incombait. Au début de 1915, il écrit dans La Tour de Garde:

      Quelques enfants de Dieu croient que la porte est fermée, qu’il n’est plus possible de servir le Seigneur, aussi, ils négligent son œuvre. Nous n’avons pas de temps à perdre en nous imaginant que la porte est fermée. Il y a des gens qui cherchent la vérité et qui sont dans l’obscurité. Aucune époque n’a été comparable à ce temps-​ci: jamais autant de personnes n’ont été disposées à entendre le bon message. Pendant les quarante ans du temps de la moisson, on n’a jamais eu des occasions de proclamer la vérité comme maintenant. La formidable guerre actuelle et les signes significatifs des temps réveillent les gens et ces derniers commencent à s’informer de ces choses. Les enfants du Seigneur doivent donc être très vigilants et faire tout leur possible pour accomplir la tâche qu’ils ont devant euxg.

      Sans cesse encouragés, les témoins de Jéhovah avaient alors toute raison de rester inébranlables et de porter leurs regards pleins d’assurance vers les années à venir. C’est ce que beaucoup d’entre eux ont d’ailleurs fait. Cependant, l’opposition déjà croissante allait encore s’intensifier. Même si c’était là un temps de grandes épreuves, ceux qui étaient vigilants et désireux de faire la volonté divine ne manquaient pas d’encouragements pour rester fermes et inébranlables en prévision des bénédictions encore en réserve.

      Le pasteur Russell était lui-​même persuadé que le peuple de Dieu allait au-devant d’une grande œuvre. Ceux de ses proches collaborateurs encore en vie se plaisent à raconter combien son regard perspicace pénétrait l’avenir. Russell leur disait de se tenir prêts à recevoir ceux qui viendraient grossir les rangs. Pour consolider l’organisation, il a lui-​même procédé à certains changements et en a recommandé d’autres pour quand il ne serait plus là. Il savait que le jour viendrait où tous les frères ne pourraient plus se réunir en une seule congrégation à Brooklyn, mais où ils se réuniraient alors en de nombreuses congrégations dans tous les quartiers de New York. En revanche, Russell ne se doutait guère par où il faudrait encore passer avant que ne puisse s’accomplir la grande œuvre qu’il avait prévue.

      Alors que l’année 1915 touchait à sa fin et que commençait 1916, il sentait qu’il ne lui restait plus beaucoup de temps à consacrer à son ministère personnel auprès du troupeau de Dieu. Sa santé déclinait rapidement, et il lui était de plus en plus difficile de s’acquitter des nombreuses tâches qui le sollicitaient de toutes parts. Mais il ne s’inclinait pas. Presque tout seul, il avait pu tenir tête au monde religieux de la chrétienté, grâce à la vigueur de son caractère et à la fermeté de sa foi chrétienne. C’est surtout au début de son ministère que ces qualités lui ont permis, avec l’aide de l’esprit de Dieu, de résister à toutes les influences corruptrices venues du sein de l’organisation. Et à présent, ces mêmes qualités le soutenaient et l’empêchaient de s’écarter, au terme de sa vie, du service de Jéhovah qui lui était si cher.

      En automne 1916, sa santé était devenue extrêmement précaire. Russell tenait néanmoins à effectuer la tournée de conférences prévue en Californie et dans le littoral du Pacifique. Avec son compagnon, il a quitté New York le lundi 16 octobre pour se rendre à Chicago en passant par le Canada et la ville de Detroit. Puis, tous deux ont traversé le Kansas pour descendre jusqu’au Texas. À plusieurs occasions, le secrétaire et compagnon de voyage de Russell a dû prendre la parole à sa place. Enfin, le mardi soir 24 octobre, à San Antonio, au Texas, le pasteur Russell a prononcé sa dernière conférence publique. Par trois fois, il a été obligé de quitter l’estrade pendant quelques instants et de laisser à son secrétaire le soin de continuer.

      DÉCÈS DE CHARLES TAZE RUSSELL

      C’est à Los Angeles, en Californie, qu’il a pris la parole pour la dernière fois, le 29 octobre 1916, pour parler aux frères. Il était alors si faible qu’il a été obligé de prononcer son discours assis. Se rendant compte que sa santé ne lui permettrait pas d’aller plus loin, il s’est décidé à annuler ses autres engagements et à rentrer au Béthel de Brooklyn aussi vite que possible. Il devait toutefois mourir en route à Pampa, au Texas, le mardi 31 octobreh.

      Voici l’avis annonçant sa mort, tel qu’il a paru dans La Tour de Garde (angl.) du 15 novembre 1916:

      La mort subite du pasteur Charles Taze Russell, rédacteur de LA TOUR DE GARDE, a causé une profonde émotion chez les nombreux amis qu’il comptait dans le monde entier. Les centaines de lettres et de télégrammes reçus prouvent combien étaient grands l’amour et l’estime qu’on lui rendait. Tous expriment le vif désir de contribuer à la poursuite de la grande cause qu’il avait défendue pendant tant d’années.

      Frère Russell quitta Brooklyn le soir du 16 octobre pour remplir des engagements dans l’Ouest et le Sud-Ouest, mais, pour cause de maladie, il fut obligé de reprendre le chemin du retour avant la date prévue.

      Il décéda à Pampa, au Texas, à bord du train de Santa-Fé. Frère Menta Sturgeon, qui l’avait accompagné dans ce voyage en qualité de secrétaire, télégraphia cette nouvelle au siège central de la WATCH TOWER BIBLE AND TRACT SOCIETY à Brooklyn, et ajouta: “Il mourut en héros.”

      Son corps fut exposé le samedi au Béthel et au “Temple” pendant toute la journée du dimanche.

      L’après-midi à 14 heures, le service funèbre fut célébré pour la congrégation, tandis que le soir un service eut lieu pour le public.

      Vers minuit, son corps fut transféré à Allegheny, en Pennsylvanie, pour être exposé au Carnegie Hall où, le lundi après-midi à 14 heures, un service funèbre fut célébré par la congrégation de Pittsburgh, dont frère Russell avait été pasteur titulaire pendant de nombreuses années.

      Selon son vœu, l’enterrement eut lieu dans les cimetières réunis de Rosemont, à Allegheny, dans la parcelle appartenant à la famille du Béthel.

      Nous sommes heureux à la pensée que, au lieu de dormir dans la mort, comme les saints du passé, il est du nombre de ceux dont il est dit que “leurs œuvres les suivent”. Il a rencontré notre bien-aimé Seigneur dans les airs, celui qu’il a tant aimé au point de donner sa vie fidèlement dans son servicei.

      Ainsi a pris fin la longue carrière de ce ministre chrétien vraiment dynamique et fidèle. Peu d’hommes ont connu les privilèges de service dont a joui le pasteur Russell et dont il ne s’est pourtant jamais attribué le mérite. Quant aux témoins de Jéhovah, ils n’honorent pas non plus sa personne, mais ils reconnaissent que son service fidèle et sa vie intègre à travers toutes sortes d’épreuves fournissent un récit encourageant que tout le monde ferait bien de considérer. En sa qualité de premier président de la Watch Tower Bible and Tract Society, C. T. Russell a été au service des témoins de Jéhovah pendant trente-deux ans. On dit qu’il a parcouru presque deux millions de kilomètres en tant que conférencier et qu’il a prononcé plus de 30 000 sermons. Ses livres comptent plus de 50 000 pages au total. Certains mois, il dictait jusqu’à mille lettres. Il dirigeait lui-​même chaque service d’une œuvre d’évangélisation mondiale qui employait 700 prédicateurs. Enfin, il a élaboré le Drame biblique le plus extraordinaire que l’on ait jamais vuj.

      LOÏS: Vraiment, il est étonnant qu’un seul prédicateur et éditeur ait pu accomplir tant de choses. Il n’est pas difficile de comprendre qu’il se soit épuisé dans une œuvre aussi astreignante. Voilà un homme digne d’admiration. J’imagine que sa mort a dû laisser un grand vide dans l’organisation.

      JEAN: En effet, sa perte a été durement ressentie pendant quelque temps. Hors du service funèbre, plusieurs de ses proches amis et collaborateurs ont souligné combien cette perte était grande. Voici l’hommage que J. F. Rutherford a rendu à Russell, dans son discours funèbre:

      Homme de cœur entièrement dévoué au Seigneur, ayant une constitution robuste et un cerveau fertile, il consacra toutes ses forces à prêcher aux hommes le grand message du Royaume du Messie et les bénédictions que celui-ci apportera au mondek.

      UNE DESCRIPTION IMPARTIALE

      Les hommes de la chrétienté n’approuvaient pas cet hommage rendu au pasteur Russell. Certains de ses ennemis l’ont haï après sa mort presque autant que de son vivant. Ils ont été si implacables dans leurs attaques contre lui que son nom est encore entaché de préjugés. Néanmoins, les faits sont là pour parler en sa faveur. C’est ce qui ressort de cette description impartiale rédigée quarante ans après sa mort:

      Il y a de quoi s’étonner qu’aucune histoire de Pittsburgh n’ait jamais mentionné le nom de Charles Taze Russell, car aucun homme de cette ville, pas même Andrew Carnegie, n’a exercé une influence aussi puissante que la sienne. (...)

      Il a fondé le seul grand mouvement religieux qui ait fait son apparition dans le district de Pittsburgh au cours des cent dernières années, mouvement qui a atteint une portée mondiale et qui, dans de nombreux pays, représente encore l’une des organisations religieuses au plus fort accroissement. (...)

      Le pasteur Russell, (...) un nom aussi sincèrement aimé et aussi implacablement haï comme il n’y en a guère dans l’histoire des États-Unis.

      Pendant des années, ce nom a fait l’objet des controverses les plus acharnées qui aient jamais divisé le monde chrétien, et ces controverses persistent encore, quoique son nom ne revienne plus si souvent dans les discussions. (...)

      Tout au long de sa vie, il avait dit à ses disciples de ne voir en lui qu’un des leurs, guidé par Dieu. Et il leur enseigna si bien cela que son œuvre passa entre les mains d’autres hommes sans marquer à peine un temps d’arrêt. Quant à la maison d’édition fondée par le pasteur Russell, elle ne publia jamais de biographie de luil.

      LOÏS: Le fait que le monde cherche à ignorer le nom de Russell parle peut-être en sa faveur. Tous les serviteurs de Dieu des temps anciens semblent avoir eu bien peu d’importance aux yeux du monde, et pourtant leurs œuvres subsistent. Certes, le pasteur Russell ne semble pas échapper à la règle. Mais n’avez-​vous vraiment jamais publié de biographie de lui?

      JEAN: Non. Voyez-​vous, les témoins de Jéhovah admirent les qualités que le pasteur Russell possédait en tant qu’homme, mais lui rendre honneur serait lui attribuer également le mérite du succès de l’œuvre. Or, pour eux, c’est l’esprit divin qui guide et qui dirige le peuple de Dieu.

      Cette attitude a été une pierre d’achoppement pour certains. Car ce sont précisément les qualités que Russell possédait, et que beaucoup de membres de l’organisation admiraient alors tellement, qui allaient devenir une véritable épreuve pour eux, au point de les faire échouer dans leur persévérance et de leur faire chercher l’occasion de se dresser contre le successeur de Russell, c’est-à-dire contre le nouveau président de la Société Watch Tower, J. F. Rutherford, et contre la Société elle-​même.

      [Notes]

      a a w 1914, p. 4.

      b b w 1914, p. 135.

      c c wF 1915, p. 29.

      d d Ibid., p. 11.

      e e Ibid., p. 12.

      f f w 1914, p. 377.

      g g wF 1915, p. 31.

      h h w 1916, pp. 360-366.

      i i w 1916, p. 338 [voir aussi wF 1916, p. 82].

      j j Études des Écritures, tome VII, p. 69; voir aussi Press de Pittsburgh, Pennsylvanie, 23 août 1953, supplément, p. 6. Voir les articles biographiques dans w 1917, pp. 131-136, 323-326; wF 1917, pp. 34, 39, 40; Journal pour Tous, 24 décembre 1916.

      k k w 1916, p. 373. Pour le compte rendu publié le 6 janvier 1917 dans la presse de Pittsburgh, sous le titre “Le juge Joseph F. Rutherford succède au pasteur Russell”, voir la réimpression spéciale de l’édition commémorative de La Tour de Garde (angl.) du 1er décembre 1916, pp. 383, 384.

      l l Where Else but Pittsburgh!, par George Swetnam (Pittsburgh, 1958: Davis & Warde, Inc.), pp. 110, 116.

      [Illustrations, page 63]

      CHARLES T. RUSSELL EN 1906.

      JOSEPH F. RUTHERFORD EN 1915.

  • Un changement d’administration: une épreuve pour les serviteurs de Dieu
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 11

      Un changement d’administration: une épreuve pour les serviteurs de Dieu

      THOMAS: Est-​ce que J. F. Rutherford a immédiatement succédé au pasteur Russell comme président de la Société?

      JEAN: Non, pas tout de suite, Thomas. Pour permettre à l’œuvre de se poursuivre pendant les mois de novembre et de décembre 1916, on a d’abord institué un comité exécutif de trois membres. Cette administration transitoire, chargée de gérer les affaires de la Société, se composait du vice-président Ritchie, du secrétaire-trésorier Van Amburgh et du conseiller juridique Rutherforda.

      Cette façon d’agir traduisait bien l’incertitude qui régnait dans l’esprit même de ceux qui formaient alors le collège central des témoins de Jéhovah. Elle présageait en outre les années de crise que le peuple de Dieu allait traverser à cause de certains éléments hostiles et égoïstes qui, en provoquant des pressions au sein de l’organisation, amèneraient le jugement divin et la purification. C’est ainsi que Satan, qui se tient toujours aux aguets pour disloquer l’organisation du peuple de Dieu et pour entraver la proclamation de la bonne nouvelle du Royaume, s’est empressé de susciter un esprit de rébellion chez certains éléments travaillant au bureau central de l’organisation, à Brooklynb. Tous ces agissements étaient des preuves de la période critique de deuil et d’opprobre qui devait mettre en péril l’existence même de l’organisation. Les témoins de Jéhovah savaient qu’ils allaient au-devant d’un temps de détresse. Mais, dans sa miséricorde, Jéhovah leur a voilé les yeux quant à l’ampleur des tribulations que la maison de Dieu aurait à subir pendant ce temps critique de jugement.

      L’assemblée générale suivante de notre Société était fixée au 6 janvier 1917. Elle avait pour tâche d’élire, cette année-​là, son nouveau président en remplacement de C. T. Russell. Cette assemblée réunissait 600 personnes qui disposaient, elles-​mêmes ou par procuration, d’environ 150 000 voix.

      THOMAS: Que fallait-​il faire, Jean, pour se procurer le droit de voter à cette assemblée générale?

      JEAN: En ce temps-​là, il suffisait de verser dix dollars à la Société pour avoir droit à une voix. Si, jadis, le pasteur Russell avait pu disposer de 25 000 voix à la plupart des assemblées générales de la Société, c’est parce qu’il avait versé, de son vivant, environ 250 000 dollars. Mais, conformément à la loi, toutes ses voix se sont éteintes le jour de sa mort. Pour revenir aux 150 000 voix qui allaient être émises par l’assemblée générale de 1917, on peut dire que leurs détenteurs avaient, un jour ou l’autre, versé 1 500 000 dollars à la Société pour son œuvre de prédication. En 1944 cependant, lorsque cette façon de voter a été amendée, on a supprimé la possibilité d’acquérir des voix par des dons versés à la Sociétéc. À présent, chaque votant ne dispose plus que d’une seule voix.

      Or, à l’assemblée historique de 1917, J. F. Rutherford a été élu président à l’unanimité. W. E. Van Amburgh a été élu secrétaire-trésorier et A. N. Pierson, originaire du Connecticut, a été élu vice-présidentd. Le lendemain, un dimanche, le nouveau président a pris la parole devant 1 500 personnes venues assister, à Pittsburgh, à une réunion spéciale organisée pour la circonstance. Voilà comment Rutherford a commencé d’administrer notre Société dont il devait assumer la gestion pendant vingt-cinq ans.

      THOMAS: Pendant que nous y sommes, ne pourriez-​vous pas nous décrire un peu plus longuement la personne de Rutherford?

      LES ORIGINES DE J. F. RUTHERFORD

      JEAN: Mais certainement. Joseph Franklin Rutherforde est né de parents baptistes, le 8 novembre 1869, dans une ferme à Morgan County, dans le Missouri. Il avait seize ans quand son père a bien voulu le laisser entreprendre des études de droit, mais à condition qu’il subvienne à ses propres besoins. Étant agriculteur, son père n’avait pas les moyens de lui payer des études. Il lui a également demandé de trouver et de payer lui-​même quelqu’un qui ferait le travail à sa place. Son père pensait qu’il n’arriverait pas à se tirer d’affaire, et qu’il serait bel et bien obligé de devenir agriculteur à son tour. Décidé comme il l’était, le jeune Rutherford a cependant cherché à obtenir sur parole un prêt lui permettant de payer à la fois ses études et la personne qu’il avait engagée pour le remplacer à la ferme.

      Ainsi donc, Rutherford a réussi à payer toutes ses études lui-​même. Il a aussi appris la sténographie, dont il s’est servi jusqu’à sa mort avec une grande maîtrise. Vers la fin de sa vie, il notait rapidement en sténo les nombreuses pensées qui lui venaient à l’esprit pour La Tour de Garde et les transcrivait par la suite. En plus de ses études, il était déjà devenu sténographe près un tribunal. Cette occupation lui a permis de payer ses derniers cours. Tout en prenant les débats en sténo, il acquérait de l’expérience pratique et poursuivait ses études de droit.

      Celles-ci terminées, il a fait un stage de deux ans dans le cabinet du juge E. L. Edwards. Puis, à l’âge de vingt ans, il a été nommé rapporteur officiel près les tribunaux de la Quatorzième Circonscription judiciaire du Missouri. À vingt-deux ans, il a été admis au barreau du Missouri et a ouvert une étude d’avocat à Boonville, dans le Missouri. Il a été alors avocat plaidant de la Maison Draffen et Wright. Par la suite, il a rempli pendant quatre ans les fonctions de procureur général de Boonville, puis celles de juge spécial de cette même Quatorzième Circonscription judiciaire du Missouri. En cette qualité, il lui est arrivé de siéger comme juge suppléant dans nombre de procès en remplacement du juge régulier, lorsque celui-ci tombait maladef.

      Ainsi, le juge Rutherford a exercé le droit dans l’État du Missouri pendant quinze ans. Son étude d’avocat donnait satisfaction et il était même admis, comme avocat spécial, à plaider devant la Cour suprême des États-Unis, à Washington. En 1894, il est entré en contact avec des représentants de la Société Watch Tower.

      LOÏS [Elle l’interrompt]: Si mes souvenirs sont exacts, Marie nous a lu la lettre qu’il a écrite à la Sociétég.

      JEAN: C’est juste. Et douze ans plus tard, soit en 1906, Rutherford a voué sa vie à Jéhovah Dieu. Il devenait ainsi, en plus d’avocat, ministre chrétien ordonné.

      Nommé avocat de la Société Watch Tower en 1907, Rutherford allait désormais plaider les affaires du bureau central de Pittsburgh. Parallèlement, il parcourait le pays pour donner des conférences publiques comme n’importe quel frère pèlerin représentant la Sociétéh. En 1909, quand la Société a transféré son bureau central à New York, c’est lui qui a eu la tâche de négocier ce transfert; vous vous en souvenez certainement. À cet effet, il a postulé et obtenu son admission au barreau de l’État de New York. Le 24 mai de la même année, Rutherford a été admis, en cette nouvelle qualité, à plaider devant la Cour suprême des États-Unis.

      LE NOUVEAU PRÉSIDENT RELANCE L’ŒUVRE

      THOMAS: Une fois devenu président de votre Société, qu’est-​ce que Rutherford a entrepris pour relancer l’œuvre?

      JEAN: Rutherford était de ceux qui se mettent immédiatement à l’ouvrage. Il était pleinement d’accord avec Russell qui avait toujours préconisé que les témoins ne devaient jamais manquer de besogne et que l’œuvre de prédication formait la partie essentielle de leur activité chrétienne. C’est d’ailleurs pourquoi il a aussitôt réorganisé le bureau central de la Société Watch Tower, à Brooklyn, et qu’il s’est mis à réanimer l’œuvre du champ qui était en régressioni.

      Les changements qu’il y a apportés et les programmes qu’il a établis correspondaient tout à fait à ceux que Russell avait amorcés de son vivant. Le nombre des représentants itinérants de la Société, appelés “frères pèlerins”, est passé de 69 à 93. À l’époque, ceux-ci avaient pour tâche de visiter et d’affermir plus d’un millier de congrégations. Leur activité était d’autant plus nécessaire que les témoins de Jéhovah vivaient alors un temps de grandes épreuves et qu’il fallait les aider à garder un esprit optimiste pour reconnaître la valeur des occasions de service futures. Une autre possibilité d’exhorter les frères consistait à les encourager à distribuer gratuitement les tracts de la Société devant les églises certains dimanches, et par des visites régulières de maison en maison. Rien qu’en 1917, il a été distribué 28 665 000 exemplaires gratuits d’un nouveau journal mensuel de quatre pages, intitulé “L’Étudiant de la Bible” (The Bible Students Monthly).

      Une autre activité, entreprise par le pasteur Russell et appelée “l’œuvre pastorale”, avait aussi besoin d’être élargie et intensifiée. Du vivant de Russell, celle-ci se limitait à quelque 500 congrégations qui avaient élu Russell comme leur pasteur. Dans une circulaire adressée à ces groupements, il avait décrit cette activité comme une “œuvre importante permettant de rester en contact avec les personnes qui ont laissé leur adresse lors des conférences publiques et des représentations du Photo-Drame, ou qui figurent sur les listes dressées par les colporteurs, etc.”.

      Voici comment il fallait procéder: L’exécution de l’œuvre pastorale étant confiée spécialement aux sœurs, chaque congrégation devait élire démocratiquement un comité de deux membres, soit une présidente et une secrétaire-caissière. Il fallait partager la ville en parties de territoire et les attribuer à chaque sœur qui s’engageait à rendre visite aux personnes dont on avait relevé le nom. Le but de ces visites était de prêter des livres aux personnes qui montraient de l’intérêt, et qui désiraient les lire et les étudier. D’autres moyens encore permettaient d’encourager les gens à faire des progrès grâce à une meilleure connaissance de la vérité. On notait soigneusement sur les rapports l’intérêt rencontré, en spécifiant si la personne allait assister à l’une des conférences sur le Divin plan des âges, et d’autres renseignements. Pour aider les sœurs, on leur montrait diverses façons de se présenter aux portes. On leur donnait aussi des suggestions sur la manière de vaincre les préjugés et de se procurer les noms d’autres personnes encore qui pourraient s’intéresser au message. En concluant la visite, la sœur faisait savoir à son interlocuteur qu’une conférence sur le Divin plan des âges allait être donnée dans le quartier. On encourageait les personnes qui manifestaient de l’intérêt à venir écouter la conférence. Une fois qu’elles étaient venues, on les revisitait dans l’intention de commencer une étude dans le premier volume des Études des Écrituresj.

      THOMAS: Avant que vous passiez à autre chose, j’aimerais savoir ce qu’il faut entendre par “conférence sur le Divin plan des âges”. Vous avez mentionné cette expression à plusieurs reprises.

      JEAN: Il s’agissait d’une série de discours publics au cours desquels on expliquait un tableau élaboré par la Société. Celui-ci représentait graphiquement certains événements chronologiques et les “âges” ou grandes étapes du “plan de Dieu”, c’est-à-dire des desseins divins à l’égard de l’humanité. Les demi-cercles représentaient les “âges”, tandis que les lignes horizontales superposées indiquaient les degrés ou positions relatives que diverses classes occupent devant Jéhovah. On dressait ce tableau (ou “carte des âges”) devant le public, et l’orateur en expliquait les différents points, baguette en main. Même si la matière était ardue et quelque peu technique, la plupart des frères arrivaient fort bien à l’expliquer. Et, chose essentielle, ces discours contribuaient largement à intéresser les gens aux grands desseins de Jéhovah, tels que nous pouvions alors les comprendre.

      Tout à l’heure, j’ai eu l’occasion de vous dire que l’œuvre pastorale a été élargie et intensifiée après la mort de Russell. On encourageait désormais toutes les congrégations à prendre part à cette activiték. De plus, le nombre des colporteurs ou pionniers a été porté de 373 à 461. Pour seconder ces pionniers dans leur activité, la Société s’est mise, au début de 1917, à publier chaque mois des instructions de service tout spécialement à leur intention. Ces instructions, qui émanaient du bureau central, figuraient sur un double feuillet appelé “Le bulletinl”. Puis, dans le cadre de cette campagne de rajeunissement, on a tenu plusieurs réunions régionales qui devaient servir, elles aussi, à encourager les frères à poursuivre l’œuvre et à ne pas se lasser de faire le bien.

      THOMAS: On peut dire que Rutherford avait là un programme salutaire. Mais où en était le programme des réunions publiques sur lequel Russell avait insisté peu avant 1914?

      JEAN: Rutherford l’estimait indispensable pour l’organisation. Aussi a-​t-​il pris des dispositions pour que toujours plus d’orateurs qualifiés puissent représenter la Société devant le grand public. Ce résultat devait être atteint grâce à une disposition nouvelle: les questions VDM. Ces initiales viennent du latin Verbi Dei Minister et signifient “ministre de la Parole de Dieua”.

      Il s’agissait, en l’occurrence, d’un questionnaire accessible à tous les hommes faisant partie de la congrégation, que l’on voulait encourager et aider à mieux se qualifier dans le service grâce à la connaissance exacte des desseins divins. En répondant à ces questions imprimées, il fallait obtenir au moins 85 points sur 100 pour se qualifier comme orateur et être reconnu apte à prendre la parole sur les différentes matières. La Société autorisait les frères qui avaient réussi cet examen à la représenter, soit pour prononcer les conférences publiques sur le Divin plan des âges dans le cadre de la congrégation locale, soit pour s’adresser au grand public.

      Le questionnaire comportait vingt-deux questions bibliques pertinentes dont voici la première: “Quelle fut la première création de Dieu?” La question clé portait sur la rançon. Il était essentiel de savoir ce que le Christ accomplirait à la fin du règne millénaire. Ces questions donnaient un aperçu de toutes les doctrines révélées jusque-​là. Certaines se rapportaient au passé et à la conduite du candidat, à sa conversion, à son offrande, à son baptême et à l’étendue de ses connaissances acquises par l’étude de la Bible au moyen des écrits de la Société.

      ON DISCERNE LE SERVITEUR FIDÈLE

      THOMAS: Tout à l’heure, Jean, vous nous avez parlé de difficultés qui avaient surgi au bureau même de Brooklyn. D’après vous, elles présageaient que le peuple de Dieu allait connaître une grave période de jugement. Or, cette opposition interne se dressait-​elle surtout contre Rutherford ou plutôt contre le programme de service qu’il venait d’élaborer?

      JEAN: Il fallait plutôt en chercher la cause profonde dans le changement d’administration. Certains avaient beau dire que le désaccord provenait du choix des personnes, en réalité tout tournait autour de leur ambition. C’est que Rutherford était un homme tout autre que Russell. Certes Russell avait été énergique, positif et tourné vers le progrès; néanmoins il avait toujours été aimable, chaleureux et plein de tact dans ses relations avec tous ceux qui étaient dans l’organisation. Le juge Rutherford était d’une nature différente. Il était chaleureux et bon envers ses collaborateurs, mais il pouvait aussi être brusque et direct. Tout ce qui lui était arrivé dans sa jeunesse et sa carrière d’avocat et de juge avait fait de lui un homme qui s’attaquait immédiatement au fond du problème, ce qui n’a pas manqué de blesser certains frères qui avaient affaire avec lui. Nombreux étaient ceux qui avaient vu Russell jouer un rôle important dès le début de l’œuvre. Pour eux, il était plus que le simple représentant de l’organisation; ils l’admiraient en tant qu’homme. Cela n’avait pas échappé à Rutherford. Mais pour lui, le président de la Société ne devait être que l’instrument chargé d’assurer le maintien de l’organisation tout entière dans la position de serviteur de Dieu. D’après lui, il incombait au président de veiller à ce que ce serviteur soit équipé pour effectuer l’œuvre que Dieu lui a confiée.

      THOMAS: Quelle avait été l’opinion de Russell sur ce point?

      JEAN: Russell avait reconnu qu’une certaine responsabilité reposait sur tous les chrétiens qui disaient faire partie du corps du Christ et qui s’attendaient à rejoindre le Christ au ciel. Pour ce qui est de l’organisation elle-​même, en 1881 déjà Russell avait compris que le “serviteur” dont Dieu avait dit qu’il le choisirait pour lui confier l’œuvre à effectuer se composait du corps tout entier des disciples oints de Jésus-Christ. Voici ce qu’il a écrit dans La Tour de Garde de cette année-​là:

      Nous croyons que chaque membre de ce corps du Christ est engagé, soit directement ou indirectement, dans cette œuvre bénie qui consiste à donner la nourriture au temps convenable à la famille de la foi. “Quel est donc le serviteur fidèle et prudent, que son maître a établi sur ses gens, pour leur donner la nourriture au temps convenable?” N’est-​ce pas ce “petit troupeau” de serviteurs consacrés qui accomplissent fidèlement leur vœu de consécration, — le corps du Christ, — et n’est-​ce pas tout le corps qui, individuellement et collectivement, dispense la nourriture au temps convenable à toute la maison de la foi, aux nombreux croyants?

      Heureux ce serviteur (tout le corps du Christ), que son maître, à son arrivée (grec, élthôn), trouvera faisant ainsi! “Je vous le dis en vérité, il l’établira sur tous ses biens.” Il héritera toutes ces chosesb.

      Avec le temps, cet enseignement s’est perdu et toute l’attention s’est portée, peu à peu, sur un seul hommec. La plupart des frères pensaient alors que le pasteur Russell était le “serviteur fidèle et prudent” dont parle Matthieu 24:45-47. Or cette idée allait susciter d’énormes difficultés pendant plusieurs années. Certains persistaient tellement à croire que Russell avait été ce “serviteur” que leur attitude tenait, au fond, du culte de la créature. À les entendre, toutes les vérités que Dieu désirait révéler à son peuple, il les avait révélées à Russell. Maintenant que ce “serviteur” était mort, il ne restait plus rien à révéler. En raison de cette attitude, Rutherford a été amené à extirper de l’organisation toute trace du culte de la personnalité. Voilà pourquoi, entre autres, il n’a pas cherché à obtenir la faveur des hommes; mais comme il avait observé quelle voie certains avaient choisie dans le passé, il se méfiait de ceux qui, à ses yeux, s’efforçaient de gagner ses bonnes grâces. C’est ce qui explique son attitude franche et directe dans tous ses contacts avec ses collaborateurs.

      Peu après l’élection de Rutherford comme président, il apparaissait que, dans l’organisation même, certains n’approuvaient pas ce choix. Quelques-uns estimaient, en effet, que ce poste aurait dû leur revenir à eux. Aussi ne se sont-​ils pas gênés pour chercher à évincer Rutherford, dans l’intention bien arrêtée de prendre en main les rênes de l’organisation. C’est au début de 1917, donc à peine quelques mois après l’élection de Rutherford, que cette idée a pris corps.

      LA GRAINE DE RÉBELLION EST SEMÉE

      THOMAS: S’agissait-​il d’une sorte de conspiration ou plutôt d’une controverse où chacun défendait ses propres intérêts?

      JEAN: D’abord, la semence de rébellion semblait germer chez un seul homme, mais elle s’est vite répandue et a fini par devenir une véritable conspiration. Voici de quelle façon tout a commencé.

      Quand la Première Guerre mondiale a éclaté, le pasteur Russell s’est rendu compte que la Société ferait bien d’envoyer en Angleterre un membre du bureau central pour y affermir les frères. Il avait eu l’intention d’y envoyer P. S. L. Johnson, d’origine juive, qui avait quitté le judaïsme pour se faire pasteur luthérien avant de connaître la vérité. Homme très capable, Johnson avait servi la Société en qualité d’orateur. Mais ses brillantes qualités devaient finalement provoquer sa chute.

      Du moment que Russell en avait émis le vœu, le comité transitoire qui gérait la Société avant l’élection de Rutherford a envoyé Johnson en Angleterre pour assumer la tâche prévue. Toutefois, dès son arrivée à Londres, celui-ci s’est arrogé des droits que la Société ne lui avait nullement conférés. Il s’est opposé à la ligne de conduite que suivait la Société, ainsi qu’au serviteur de filiale du bureau de Londres. Dans les discours qu’il prononçait devant les frères anglais, il se faisait passer pour le successeur du pasteur Russell et affirmait que le manteau du pasteur Russell était tombé sur lui, Johnson, tout comme le manteau du prophète Élie était tombé sur Élisée.

      Au cours des semaines qui ont suivi, il a tenté de faire passer sous son contrôle personnel toute l’œuvre en Grande-Bretagne et de s’imposer comme premier personnage parmi les frères du pays. Alors qu’il n’en avait nullement le droit, il a essayé de renvoyer certains membres de la famille du Béthel de Londres. La confusion était devenue si grande et l’œuvre se trouvait disloquée à tel point que le serviteur de la filiale s’est vu contraint de s’en plaindre à frère Rutherford, président de la Société. Celui-ci a immédiatement nommé une commission composée de plusieurs frères aînés domiciliés à Londres, mais qui ne faisaient pas partie du personnel du Béthel. Ces frères devaient entendre les faits et envoyer directement à Rutherford un rapport sur cette affaire. Cette commission s’est donc réunie. Après avoir dûment considéré les faits, elle a exprimé l’avis qu’il vaudrait mieux rappeler Johnson en Amérique, et cela pour le bien de l’œuvre en Angleterre.

      Tenant compte de cette suggestion, frère Rutherford a informé Johnson qu’il devait regagner les États-Unis. Or, Johnson a refusé tout net. Il s’est mis à écrire des lettres et à envoyer de coûteux câblogrammes dans lesquels il critiquait les frères de la commission et les accusait de parti pris au cours de leurs délibérations. Puis, par d’autres moyens encore, il a cherché à justifier la voie qu’il avait empruntée. Pour se rendre indispensable en Angleterre, il s’est servi de certains papiers que la Société lui avait fournis pour lui faciliter l’entrée en Angleterre. Enfin, il a fait bloquer les fonds de la Société, déposés dans une banque de Londres. Il a même fallu, par la suite, intenter un procès pour que la Société puisse de nouveau se servir de cet argent.

      Mais Johnson ne pouvait pas persister indéfiniment dans cette voie. Pour finir, il a dû regagner New York, où il a tout essayé pour persuader Rutherford de le renvoyer en Angleterre, car il espérait encore y reprendre ses fonctions avec de plus grandes attributions. Le jour où frère Rutherford a refusé, Johnson a cherché de l’appui auprès du conseil d’administration. Quatre membres ont finalement pris parti pour lui dans ce différend, en faisant passer frère Rutherford pour un homme qui n’avait pas l’étoffe pour être président de la Société. Or, comme le conseil d’administration ne comptait que sept membres, il fallait s’attendre à ce que la majorité du conseil s’oppose dès lors au président Rutherford, au vice-président Pierson et au secrétaire-trésorier Van Amburgh. Dans ce différend, il y avait donc d’un côté les membres du bureau de la Société, tandis que de l’autre côté s’étaient groupés les administrateurs qui cherchaient à évincer le président pour prendre en main les rênes de l’organisation.

      THOMAS: Comment pensaient-​ils arriver à leurs fins?

      JEAN: Leur intention était de subordonner le président au conseil d’administration, c’est-à-dire de faire de lui un personnage secondaire, réduit au rôle de simple conseiller. Pareille mesure ne pouvait être prise sans modifier certaines prescriptions internes, ni sans porter gravement atteinte aux statuts mêmes de la Société. Et dans ce cas, il fallait s’attendre à de graves ennuis.

      Tout au long de l’administration du pasteur Russell, le président et les autres membres du bureau étaient seuls à décider des nouvelles publications. Jamais on n’avait réuni le conseil d’administration pour le consulter à ce sujet. En assumant la nouvelle administration, frère Rutherford s’en est tenu à cette même ligne de conduite. Avec le temps, les trois membres du bureau ont donc décidé de publier le “septième volume” que l’on attendait depuis bien des années, et que Russell avait espéré écrire lui-​même avant sa mort. Ils ont pris les dispositions nécessaires pour que deux frères du bureau central, C. J. Woodworth et G. H. Fisher, puissent le compiler. La première partie de ce livre devait être un commentaire sur l’Apocalypse, tandis que la seconde serait un commentaire sur Ézéchiel. Les deux co-rédacteurs avaient pour tâche de rassembler, d’après les écrits laissés par Russell, tout ce qui avait été publié sur ces deux livres de la Bible. Le fruit de cette compilation devait paraître sous le titre “Le mystère accompli”, soit comme septième volume des Études des Écrituresd. Celui-ci contenait donc en grande partie les pensées et les commentaires que le pasteur Russell avait émis de son vivant.

      LA PARUTION DU “MYSTÈRE ACCOMPLI” PRODUIT L’EFFET D’UNE BOMBE

      C’est le 17 juillet 1917, à midi, que frère Rutherford a annoncé la parution de ce livre à toute la famille du Béthel, réunie dans la salle à manger. Respectant la coutume introduite par frère Russell, il a offert à chacun un exemplaire de ce nouveau livre. Celui-ci a produit l’effet d’une bombe. Complètement pris au dépourvu, les membres opposants du conseil d’administration ont immédiatement saisi cette occasion pour provoquer une controverse de cinq heures, portant sur la gestion des affaires de la Société.

      LOÏS: Mais que pouvaient-​ils bien objecter, puisque Russell avait espéré écrire lui-​même un septième volume? N’avez-​vous pas dit qu’il s’agissait d’une compilation faite d’après les écrits de Russell? Il me semble que leur argument n’avait guère de valeur.

      JEAN: En effet, ils n’avaient aucun motif valable pour s’y opposer, car Russell avait lui-​même déclaré: “Dès que j’en trouverai la clé, j’écrirai le septième volume; et si le Seigneur donne la clé à quelqu’un d’autre, que celui-là l’écrivee.” Si ces quatre membres s’opposaient à cette initiative, c’est parce qu’ils n’avaient pas été consultés. Mais maintenant le livre était là; il venait de paraître. Dans le débat de cinq heures qui s’en est suivi, les quatre administrateurs hostiles ont eu l’appui de Johnson. En présence de tout le personnel du Béthel, chacun s’est mis à exposer ouvertement ses griefs. Cette controverse a montré qu’un certain nombre de membres de la famille du Béthel éprouvaient de la sympathie pour ceux qui s’opposaient à l’administration de frère Rutherford. Si cette opposition persistait, elle risquait de paralyser le fonctionnement même du Béthel. Aussi frère Rutherford a-​t-​il pris les mesures qui s’imposaientf.

      L’apôtre Paul dit clairement qu’il faut prendre garde à ceux qui causent des divisions et les éviter. En vertu de ce principe biblique clair et net, Rutherford a jugé nécessaire de demander à ces membres mécontents de rentrer dans l’ordre, ou de s’en aller. Ceux-ci pensaient qu’il n’y aurait pas moyen de les remplacer. Toutefois, alors que Russell était encore en vie, Rutherford, en sa qualité de conseiller juridique, lui avait déjà fait remarquer que la nomination de ces membres du conseil ne répondait pas aux prescriptions légales. Il lui avait dit qu’il ne suffisait pas de désigner un nouveau frère au poste d’administrateur chaque fois qu’un membre du conseil d’administration mourait, mais que cette nomination, pour être valable d’après les statuts de la Société inscrite en Pennsylvanie, devait être approuvée et confirmée par un vote régulier émis par l’assemblée générale convoquée à Pittsburgh à la clôture de l’exercice annuel. Mais Russell avait omis de le faire. Cela revenait à dire que seuls les trois membres du bureau, élus régulièrement chaque année par l’assemblée générale à Pittsburgh, étaient des membres du conseil dûment constitué. Quant aux quatre opposants, ils étaient simplement des mandataires de Russell dont la nomination n’avait jamais été confirmée par une élection. Aux termes des statuts et de la loi, ceux-ci n’étaient donc pas membres du conseil.

      Ce point, Rutherford s’est gardé de le soulever immédiatement, car, tout au long de cette période de difficultés, il espérait que ces membres cesseraient leur opposition et finiraient par rentrer dans le rang. Dès qu’il est devenu évident que ceux-ci ne céderaient pas, Rutherford a jugé le moment venu de les destituer en faisant valoir les prescriptions légales. Furieux d’avoir été expulsés du conseil d’administration, les opposants ont demandé l’assistance juridique d’un avocat pour empêcher Rutherford de désigner quatre nouveaux membres du conseil. Toutefois, leur avocat n’a pu que confirmer le bien-fondé de la mesure prise par Rutherford en leur expliquant que, d’après la loi, ils n’avaient jamais été membres du conseil d’administration et que, de ce fait, Rutherford était entièrement dans son droit, comme président de la Société, en refusant de les considérer comme tels. De son côté, Rutherford a immédiatement confié à quatre autres frères les postes devenus vacants, en attendant que ces nominations soient entérinées par l’assemblée générale suivante, tenue en 1918.

      Néanmoins, frère Rutherford n’a pas congédié purement et simplement les membres destitués. Il leur a offert des postes importants comme frères pèlerins, mais ils ont refusé et ont quitté le Béthel de leur propre chef. Malheureusement, et il fallait s’y attendre, ce n’est pas en quittant leur service au bureau central qu’ils se sont réconciliés avec l’organisation de Jéhovah. Au contraire, ils se sont mis à faire connaître leur opposition en dehors du Béthel au moyen d’une vaste campagne de conférences et de lettres qui a couvert les États-Unis, le Canada et l’Europe. Le résultat, c’est que, dès l’été de 1917, il y avait dans le monde entier de nombreuses congrégations divisées en deux clans. Comme un grand nombre de frères avaient alors sombré dans l’assoupissement spirituel, ils devenaient la proie facile des paroles flatteuses de ces opposants. Ne voulant pas coopérer à la prédication de la bonne nouvelle du Royaume, ils ont refusé de se laisser réveiller par l’esprit nouveau qui émanait à cette époque-​là de l’œuvre réanimée. Les États-Unis d’Amérique venaient d’entrer dans la Première Guerre mondiale. L’opposition croissante du clergé et l’hostilité du public devaient encore aider les opposants, aux idées négatives, à se faire écouter par les frères qui ne discernaient pas clairement où se trouvait l’organisation de Dieu. Leur participation à l’œuvre se faisait de plus en plus rare et, pour finir, eux aussi prenaient rang parmi les adversairesg.

      UN DERNIER EFFORT DÉSESPÉRÉ EST TENTÉ POUR S’EMPARER DE LA DIRECTION

      Cependant, les clans des adversaires n’étaient pas endormis au point de s’abstenir de toute activité. Ils déployaient un zèle extrême en vue de s’emparer du contrôle des congrégations locales, dans l’intention d’évincer ceux qui cherchaient sincèrement à faire progresser la volonté divine en poursuivant l’activité de prédication. Comme il est prédit dans les Écritures, ceux-là ne prenaient pas intérêt à nourrir les brebis du Seigneur selon la nourriture servie à la table de Jéhovah, mais s’occupaient activement à battre et à calomnier leurs compagnons. Tout cela s’est produit au cours de l’été de 1917. Alors s’est creusé le fossé qui, désormais, allait nettement séparer les opposants de ceux qui, pour servir Jéhovah, se conformaient aux dispositions que frère Russell avait appliquées tout au long de son administration et que frère Rutherford renforçait à présent.

      Dès les premiers mois de 1917, la Société avait annoncé qu’une grande assemblée aurait lieu à Boston, en août de la même année. Les dissidents se figuraient qu’ils arriveraient à faire passer cette assemblée sous leur contrôle, mais frère Rutherford était décidé à ne pas se laisser faire. Pour prévenir, à cette occasion, toute initiative de leur part, Rutherford, en tant que président de la Société, a lui-​même assuré la présidence de cette grande assemblée, et cela en permanence. Pour lui, c’était là le meilleur moyen de contrôler chaque session. Quant aux opposants, ils n’étaient pas autorisés à prendre la parole. Ces précautions ont eu pour résultat que cette grande assemblée a été une entière réussite, toute à la louange de Jéhovah. Ceux qui avaient cherché à interrompre l’œuvre du Royaume venaient de subir un échec complet.

      Mais ces adversaires ambitieux pensaient déjà à leur prochaine tentative. Ils chercheraient à avoir la haute main sur l’assemblée générale ordinaire de la Société, convoquée pour le 5 janvier 1918 à Pittsburgh. Celle-ci serait appelée à confirmer, par un vote, la nomination des quatre nouveaux administrateurs que frère Rutherford avait désignés en remplacement des dissidents. Rutherford savait que cette assemblée générale était la toute dernière tentative désespérée qui restait aux dissidents pour mettre la main sur la Société. Il était à peu près certain que la majorité de cette assemblée n’approuverait pas une telle initiative. Cette élection étant du ressort de l’assemblée générale de la Watch Tower Bible and Tract Society, légalement constituée, seuls les membres ayant le droit de vote allaient pouvoir s’exprimer. Mais alors, la grande majorité des frères ne pourraient pas se prononcer sur cette affaire.

      Toutefois, pour permettre à tous les serviteurs voués de Jéhovah de se prononcer, La Tour de Garde (angl.) du 1er novembre 1917 suggérait qu’il faudrait procéder à un référendum dans chaque congrégation localeh. Le 15 décembre, le bureau central avait déjà reçu les résultats de 813 congrégations. Sur 11 421 voix, 10 869 confirmaient Rutherford dans sa fonction de président. Ce référendum ne laissait subsister aucun doute. L’immense majorité des frères actifs dans le champ soutenaient bel et bien frère Rutherford et son administration. De plus, cette consultation officieuse avait démontré que l’on préférait tous les membres fidèles du conseil d’administration, remanié en juillet 1917, aux cinq qui avaient fomenté la rébellioni.

      Dans l’ensemble, le vote des frères traduisait l’attitude que l’assemblée générale ordinaire allait adopter. Rutherford et les autres administrateurs ont tous été légalement réélus, tandis qu’aucun des opposants n’a réussi à entrer dans le conseil d’administrationj.

      À ce moment-​là, le désaccord était devenu si complet que la réconciliation n’était plus possible. À la suite de la défaite subie à l’assemblée générale ordinaire de la Société, en janvier 1918, les dissidents ont formé leur propre organisation dirigée par ce qu’ils appelaient le “Comité des septk”. Au moment de la Commémoration, le 26 mars 1918, la scission était vraiment achevée, car les dissidents ont préféré célébrer la mort du Christ en dehors des congrégations fidèles de la Société.

      LOÏS: Leur organisation a-​t-​elle atteint une certaine importance?

      JEAN: Bien au contraire. Ceux qui formaient l’opposition sont restés unis à peine quelques mois. Lors d’une assemblée tenue en été de 1918, d’autres divergences devaient amener une nouvelle scission dans leurs rangs. Johnson a alors emprunté une voie différente de celle des quatre autres dissidents. Mais chaque clan gardait ses adeptes. Pour organiser son propre groupe dissident, Johnson s’est établi à Philadelphie d’où il dirigeait son mouvement, jusqu’à sa mort, avec le titre de “souverain sacrificateur de la terre”. D’autres dissensions allaient dès lors amener encore des scissions. Pour finir, le groupe primitif qui s’était séparé de la Société en ce temps critique de jugement s’est désintégré à tel point qu’il a donné naissance à plusieurs sectes schismatiques.

      LOÏS: Étaient-​ils nombreux, ceux qui se sont alors séparés de la Société?

      JEAN: Il serait difficile de connaître leur nombre exact. On peut néanmoins s’en faire une idée grâce aux rapports partiels reçus par la Société. Autrefois, celle-ci publiait un rapport partiel de l’assistance dénombrée à la Commémoration dans le monde entier. Diverses congrégations envoyaient leur rapport au bureau. Or, en raison des difficultés qui avaient marqué l’année 1918, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’organisation, les chiffres concernant l’assistance n’ont pas été recueillis. En 1917, le rapport partiel de la Commémoration, célébrée le 5 avril, mentionnait une assistance de 21 274 personnes, et c’était là le nombre de ceux qui avaient quelque lien avec la Société. Pour la Commémoration célébrée le 13 avril 1919, le rapport partiel, qui ne comprenait pas tous les pays étrangers, n’indiquait, en revanche, qu’une assistance de 17 961 personnes. Quoique incomplets, ces chiffres montrent clairement que le nombre de ceux qui avaient cessé de marcher de pair avec leurs fidèles compagnons était de loin inférieur à 4 000l.

      Quant à ceux qui remplissaient fidèlement leurs privilèges de service, ils ont reçu de l’ouvrage, et c’était là ce que Jésus avait prédit dans sa prophétie. Ainsi, fidèles à l’œuvre commencée par le pasteur Russell des dizaines d’années auparavant, ces serviteurs de Dieu avaient mis toute leur énergie à distribuer Le mystère accompli au cours des derniers mois de 1917 et au début de 1918. À peine sept mois après que la nouvelle administration avait commencé à fonctionner, la Société passait commande de 850 000 exemplaires de ce livre auprès des imprimeurs qui travaillaient pour elle. On pouvait lire dans La Tour de Garde de 1917: “La vente du septième volume n’a été égalée, pour le même laps de temps, par aucun autre livre connu, la Bible exceptéea.”

      Ce livre allait pourtant devenir une pomme de discorde. D’un côté, il y avait ceux qui, dans leur assoupissement spirituel, refusaient de coopérer à l’avancement de l’œuvre du Royaume et, de l’autre côté, se tenaient les faux chefs spirituels du peuple, c’est-à-dire le clergé de la chrétienté. Ce livre dévoilait de façon cinglante le rôle joué par ces faux bergers.

      La rébellion partie du sein même de l’organisation avait été douloureuse à supporter. Pourtant, elle n’était rien en comparaison de ce que l’organisation aurait encore à subir de la part des ennemis du dehors. La haine que Satan nourrissait, depuis de longs siècles, contre l’organisation divine, semblait à présent se déchaîner d’un seul coup. En quelques mois, par un effort résolu, le Diable croyait pouvoir faire disparaître de la terre toute trace rappelant le témoignage du Royaume. Sans la miséricorde et l’amour loyal de Jéhovah, les quelques mois qui vont suivre auraient pu porter un coup fatal à la Société Watch Tower.

      [Notes]

      a a w 1917, p. 372.

      b b wF 1916, pp. 91-94; wF 1917, p. 27.

      c c w 1944, p. 334; wF mai 1924, p. 91; wF 1946, p. 30.

      d d w 1917, p. 22; New York Times, 7 janv. 1917, 1e partie, p. 9; wF 1917, p. 34.

      e e Webster’s Biographical Dictionary, 1943, p. 1295.

      f f An Encyclopedia of Religion, par Vergilius Ferm (1945), p. 674; New York Times, 7 janv. 1917, 1e partie, p. 9.

      g g w 1894, p. 127.

      h h w 1919, p. 58.

      i i w 1917, pp. 371-375 [voir aussi wF 1917, pp. 85-87].

      j j w 1916, pp. 331, 332; wF 1917, p. 58.

      k k w 1917, p. 166.

      l l Ibid., p. 220. [Le premier extrait du Bulletin parut, en français, dans wF sept. 1923, p. 144. À partir de septembre 1925, le Bulletin fut publié séparément comme supplément mensuel de La Tour de Garde.] En novembre 1935, son nom fut changé en “L’Instructeur”. En août 1936, on l’appela “Informateur” et, en septembre 1956, “Notre ministère du Royaume”.

      a m wF 1916, pp. 94, 95; wF 1917, pp. 54-56; wF 1918, pp. 37, 38.

      b n w oct.-nov. 1881, p. 5.

      c o La Bataille d’Harmaguédon (1897), 2e éd., pp. 327, 328; Le mystère accompli (1917), pp. 63, 141, 276; The Finished Mystery (1917), pp. 416-423; w 1916, p. 377; w 1917, pp. 323, 324; w 1919, p. 103; wF juillet-​août 1924, pp. 119, 120.

      d p w 1917, p. 372. Seule la première partie du septième volume a paru en français.

      e q w 1917, p. 226.

      f r Harvest Siftings, 1er août 1917, pp. 1-24.

      g s w 1918, p. 79; wF 1918, pp. 38, 39.

      h t w 1917, p. 330.

      i u Ibid., p. 375 [voir aussi wF juin 1920, p. 97].

      j v w 1918, p. 23 [voir aussi wF 1918, p. 10].

      k w Un périodique d’opposition: The Herald of Christ’s Kingdom, 1er juillet 1919, p. 197.

      l x w 1917, p. 157 [voir aussi wF 1917, p. 26]; w 1919, p. 151.

      a y w 1917, p. 373 [voir aussi Études des Écritures (1917), tome VII, Notice, p. 407 (IIe éd. fr.)].

      [Schéma, page 67]

      (Voir la publication)

      LA “CARTE DES ÂGES”, FRONTISPICE DU “PLAN DES ÂGES”, TOME I DES “ÉTUDES DES ÉCRITURES”.

  • Livrés à la captivité
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 12

      Livrés à la captivité

      THOMAS: La semaine dernière, Jean, vous avez fait mention d’un effort déployé par l’ensemble de vos ennemis pour annihiler l’œuvre des témoins de Jéhovah. Que s’est-​il passé?

      JEAN: L’œuvre fut pour ainsi dire stoppée, Thomas. Naturellement, certains témoins purent poursuivre leur activité de prédication, à titre individuel, au cours de cette époque critique; mais il y eut un moment d’inactivité sur le plan de l’organisation. Les événements qui précédèrent cette période devaient atteindre leur point culminant après la rébellion observée au siège de la Société, à Brooklyn, en été 1917.

      Pour parachever l’année 1917, le 30 décembre avait été choisi pour inaugurer, grâce au service volontaire du dimanche, la diffusion massive (10 000 000 d’exemplaires) d’un nouveau tract mensuel de quatre pages intitulé L’Étudiant de la Bible. Cette édition avait pour titre “La chute de Babylone — Pourquoi la chrétienté doit souffrir à présent — L’issue finalea”. Elle contenait des extraits du Mystère accompli faisant allusion au clergé d’une manière des plus directes. Le même jour, et sur le même sujet, aux fins de soutenir cette campagne, on prononça une conférence annoncée à grand renfort de publicitéb.

      Ce tract se révéla être l’une des éditions mensuelles les plus efficaces qui aient été répandues par millions depuis 1910. Il démontrait que les organisations religieuses, catholique et protestante, étaient unies pour former la Babylone moderne qui doit bientôt sombrer dans l’oubli. Au verso de ce tract figurait un croquis représentant un rempart ou muraille en train de s’écrouler. Les blocs tombaient, les uns après les autres; ils portaient les inscriptions suivantes: “Protestantisme”, “Croyances”, “Théorie des tourments éternels”, “Doctrine de la trinité”, “Le mal n’existe pas”, “Ni la douleur”, “Ni la mort”, “Ni le Diable”, “Succession apostolique”, “La fin justifie les moyens”, “Baptême des nouveau-nés”, “La confession”, “Le purgatoire”, “Vente des indulgences”, et bien d’autres encore. La chute de ces pierres représentait l’échec de ces fausses doctrines incapables de dispenser une nourriture spirituelle solide.

      THOMAS: Le clergé n’a pas dû accepter de bon gré pareil traitement!

      JEAN: En effet. Il fut tellement courroucé par cette dénonciation virulente qu’il s’empara de certaines déclarations parues dans Le mystère accompli, alors largement répandu, dans le but précis de mettre fin à la Société. On prétendit que ces déclarations étaient de nature à engendrer la sédition. Bien que le Canada et les autres pays fussent déjà en guerre depuis 1914, ce livre avait été rédigé et devait être diffusé avant même que les États-Unis ne soient entrés en guerre le 6 avril 1917. L’ouvrage en question parut en juillet 1917.

      Depuis l’automne de 1914, les témoins de Jéhovah prêchaient dans le deuil et l’opprobre, comme cela avait été prédit dans Révélation 11:3. L’opposition des chefs religieux avait été sévère, mais après la distribution du tract La chute de Babylone, elle était devenue violente. Non seulement ces dirigeants de la chrétienté voulaient faire disparaître la Société, mais encore, à l’exemple de la hiérarchie juive du temps de Jésus, ils désiraient que l’État accomplisse le côté sordide du travail à leur place. Le 12 février 1918 vit le déclenchement de la réaction gouvernementale contre la Société, le Canada étant en tête. À cette date, l’activité de la Société Watch Tower fut interdite. Une dépêche parue dans les journaux de l’époque disait entre autres:

      Le Secrétaire d’État, s’autorisant des prescriptions sur la censure, a publié des ordres interdisant la possession au Canada d’un certain nombre de publications, parmi lesquelles figure le livre publié par l’Association internationale des Étudiants de la Bible, intitulé “ÉTUDES DES ÉCRITURES — Le mystère accompli”, généralement reconnu comme la publication posthume du pasteur Russell. De même, la diffusion de l’Étudiant de la Bible, publié également par cette Association, est interdite au Canada. La possession de l’un quelconque de ces livres prohibés expose son possesseur à une amende n’excédant pas 5 000 dollars et à cinq ans de prisonc.

      Plus tard, la Tribune de Winnipeg (Canada), après avoir mentionné l’ordre d’interdiction rapporté ci-dessus, déclara:

      On accuse ces publications de contenir des déclarations séditieuses et contre la guerre. C’est le Rév. Charles G. Paterson, pasteur de l’Église St-Étienne, qui, il y a quelques semaines, dénonça, du haut de la chaire, des extraits de l’un des récents numéros de l’Étudiant de la Bible. Par la suite, le procureur général Johnson envoya chercher un exemplaire de la publication chez le Rév. Paterson. On croit que l’ordre de la censure en est le résultat directd.

      CONSPIRATION CONTRE LA VÉRITÉ SUSCITÉE PAR LE CLERGÉ

      THOMAS: Il semble bien que le clergé canadien ait été à l’origine de cette interdiction.

      JEAN: Cela ne laisse aucun doute. Une série de manœuvres inspirées par le clergé fut mise en branle. Elles avaient pour but de contraindre les gouvernements respectifs des États-Unis et du Canada à écraser la Société Watch Tower et ses collaborateurs.

      THOMAS: Que fit le gouvernement des États-Unis? Il n’interdit tout de même pas la Société à son tour, n’est-​ce pas?

      JEAN: Non, mais suite aux opérations entreprises au Canada, et toujours en ce mois de février, le commencement de la conspiration internationale devint manifeste. Le service du contre-espionnage de l’armée des États-Unis à New York perquisitionna au siège de la Société. On avait accusé celle-ci de sédition, la suspectant d’entretenir des relations avec l’ennemi allemand. C’était là un chef d’accusation très grave, puisque, à cette époque, les États-Unis étaient en guerre contre l’Allemagne et les Empires centraux. On avait formulé une déclaration mensongère, en rapportant au gouvernement des États-Unis que le Béthel de Brooklyn servait de centre de transmission pour les messages destinés au gouvernement allemand.

      LOÏS: Comment cela? Par un réseau international d’“espionnage”?

      JEAN: Non. L’accusation était bien plus ridicule. En 1918, voyez-​vous, quatre bonnes années avant les transmissions radiophoniques, les communications par fil et le service du télégraphe avaient été étendus au monde occidental dans sa totalité; or, dès avant 1915, on avait expérimenté les communications sans fil. Ce procédé ne s’était pas avéré efficace, les messages codés ne pouvant être transmis qu’à une faible distance. En 1915, frère Russell s’était vu offrir un petit récepteur sans fil. Bien que pour sa part il n’y ait trouvé guère d’intérêt, d’autres membres du Béthel, en revanche, avaient posé une petite antenne sur le toit de l’immeuble afin de capter des messages, sans grand succès toutefois. En 1918, cet appareil récepteur fut confiné dans un réduit. Aucun message n’avait jamais été émis à partir du Béthel. En 1918, lorsque deux membres du service de contre-espionnage vinrent inspecter le Béthel, on les conduisit sur le toit afin de leur faire voir l’ancien emplacement du récepteur sans fil. Puis les frères leur montrèrent l’instrument lui-​même, tout emballé. Ils permirent volontiers à ces hommes d’emporter le récepteur et d’ôter l’antenne. Il était bien évident que l’ensemble n’avait pas servi depuis longtempse.

      La phase suivante se produisit le dimanche 24 février 1918, lorsque frère Rutherford prononça pour la première fois le discours qui, par la suite, devait avoir pour titre “Des millions actuellement vivants ne mourront jamais”. Cela se passait à Los Angeles, en Californief. Le jeudi d’après, soit le 28 février, des agents du gouvernement firent irruption dans la grande salle de réunions et dans les locaux de la congrégation de Los Angeles et confisquèrent les publications de la Société. Suite à leur appel sous les drapeaux, plus de vingt témoins étaient déjà détenus dans certains camps et certaines prisons militairesg.

      CONTRE-ATTAQUE MENÉE PAR LES “NOUVELLES DU ROYAUME”

      LOÏS: La Société ne pouvait-​elle rien faire pour démasquer le véritable responsable de cet état de choses?

      JEAN: En fait, le 15 mars 1918, la Société décida de riposter à l’attaque du clergé en révélant la pression exercée par celui-ci, pression qui se faisait maintenant sentir de tous les côtés. On décida de publier un nouvel ouvrage intitulé Nouvelles du Royaume (No 1). L’Étudiant de la Bible ne paraissait plus; aussi proposa-​t-​on ce nouvel écrit adapté aux événements du moment pour susciter de l’indignation auprès du public, tant aux États-Unis qu’au Canada et en Angleterre.

      La diffusion de ce nouveau tract commença à New York le 15 mars 1918. Son en-tête faisait paraître, entre autres, le texte “Le Royaume des cieux s’est approché”, ainsi que la référence de Matthieu 3:2. Sur la partie gauche du tract figuraient dans un cadre les mots “Édité pour faire progresser la connaissance chrétienne” et “Enseignez toutes les nations”. À droite, on pouvait lire: “Consacré aux principes de la tolérance religieuse et à la liberté chrétienne”. Le titre s’étalait sur six colonnes; il s’intitulait “Intolérance religieuse — Les disciples du pasteur Russell persécutés parce qu’ils annoncent la vérité au peuple — La manière dont les Étudiants de la Bible sont traités rappelle l’‘âge des ténèbres’”. Un verset biblique venait ensuite, imprimé en caractères plus petits: “Un esclave n’est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi.” Puis étaient exposés les faits relatifs à la persécution et à l’interdiction de l’œuvre qui avaient commencé au Canada. Ce tract démasquait le clergé, déclaré responsable de vouloir détruire les témoins dans ce paysh. Il présentait également un rapport sur la persécution endurée par les témoins en Allemagne.

      LOÏS: Puisque les témoins étaient aussi persécutés en Allemagne, les gens auraient dû comprendre que vous n’étiez pas proallemands.

      JEAN: Beaucoup le savaient bien. Mais il faut vous souvenir, Loïs, que les sentiments s’exaltent vite, et que les témoins de Jéhovah constituaient une minorité impopulaire. Pourtant, à propos du service militaire aux États-Unis, les témoins avaient formulé la déclaration suivante:

      Nous reconnaissons, dans le gouvernement des États-Unis, une institution politique et économique qui, de par sa loi fondamentale, détient le pouvoir et l’autorité de déclarer la guerre et d’enrôler ses citoyens pour accomplir un service militaire. Nous ne sommes pas qualifiés pour faire obstacle à la conscription ou à la guerre de quelque manière que ce soit. Le fait que certains de nos membres aient cherché à tirer profit de la protection offerte par la loi a servi de prétexte à une autre vague de persécution.

      Le No 1 des Nouvelles du Royaume exposait également le point de vue des étudiants de la Bible vis-à-vis de la guerre. Il présentait en outre un compte rendu sur le récepteur que le gouvernement avait fait enlever du Béthel et sur les recherches infructueuses entreprises au siège de la Société. Cet imprimé donnait en conclusion un rapport sur le septième volume, Le mystère accompli, ainsi que sur l’opinion du clergé à son sujet. La quasi-totalité de la dernière page de ce tract était consacrée à une annonce qui encourageait les habitants de la ville de New York à assister à une conférence présentée le 24 mars. Cette annonce était ainsi rédigée: “‘Le monde a pris fin! Des millions d’hommes actuellement vivants peuvent ne jamais mourir!’ — Discours public de Me J. F. Rutherford, membre du barreau de l’État de New York.” Ce discours, celui-là même que frère Rutherford avait prononcé pour la première fois à Los Angeles au mois de février de la même année, attira une assistance de 3 000 personnesi. Il suscita un grand intérêt parmi le public et se révéla être le premier enseignement dispensé publiquement à une grande foule de personnes invitée à sortir de la Babylone moderne avec la perspective d’acquérir la vie éternelle. Nombreux furent ceux qui tinrent compte de cet avertissement à cette époque.

      Vous vous souvenez que la parution du Mystère accompli en juillet 1917 avait provoqué une scission parmi les membres du Béthel, scission qui s’était étendue à un grand nombre de congrégations. Malgré cela, les oints restés fidèles poursuivirent leur activité et, plus tard, Rutherford rapporta qu’au cours de l’année 1918, 7 000 témoins avaient pris part à la diffusion du Mystère accomplij. D’autres avaient distribué des tracts et des invitations à domicile et avaient rendu un témoignage verbal.

      LOÏS: Ces témoins devaient vraiment posséder une conviction profonde pour s’ériger ouvertement contre les systèmes religieux populaires, étant donné la vive opposition dont ils faisaient l’objet.

      JEAN: Il leur fallait du courage et la foi pour répandre ces Nouvelles du Royaume par tout le pays. La colère des chefs religieux s’était déjà exercée contre la Société Watch Tower; à présent, toute autre manifestation de la part des témoins devait obligatoirement attirer une intensification de la persécution du clergé. Mais les témoins comprenaient que les gens devaient connaître les faits pour assurer leur propre protection. Chacun avait son rôle à jouer dans le dessein de Dieu. Ainsi, même s’il était impossible de faire cesser les attaques du clergé contre la Société, il s’avérait nécessaire de le dénoncer.

      LA CONTRE-OFFENSIVE PREND DE L’AMPLEUR

      La célébration annuelle du repas du Seigneur pour 1918 était passée, et le 15 avril était arrivé. Le même jour a paru le tract Nouvelles du Royaume (No 2). Il contenait un message encore plus puissant contre la conspiration politico-religieuse qui avait pour but la destruction de la Société. L’audacieux en-tête disait: “Le mystère accompli et la raison de son interdiction. — Le clergé y est pour quelque chose.” Ce journal dévoilait l’action du clergé qui encourageait les instances gouvernementales à harceler la Société, à procéder à des arrestations, à s’élever contre Le mystère accompli et à pousser les frères à supprimer certaines pages du livre, ce qui constituait en réalité un compromis. Ce journal expliquait pourquoi le clergé s’opposait aux témoins avec une telle virulence et dépeignait la nature réelle de leur action: l’intolérance religieuse. Cette édition des Nouvelles du Royaume répétait ce qu’était la position adoptée par les témoins à propos de la guerre et expliquait leur croyance sur ce qui constituait à leurs yeux la vraie Église. Démontrant la portée internationale de cette conspiration, les Nouvelles du Royaume (No 2) publiaient la citation d’un journal de Copenhague, au Danemark, qui approuvait la persécution des témoins allemands par le clergé. On y lisait:

      Avertissement contre la secte du millénium. Le Consistoire de Kiel (Holstein, Allemagne) attire l’attention des prêtres (luthériens) sur l’activité déployée par la secte du millénium qui s’intitule “Watch Tower Bible and Tract Society” et aussi “Association des Étudiants de la Bible”. Le ministère de la Guerre de l’Empire nous a récemment demandé de surveiller étroitement les activités de cette secte, activités qui consistent à vendre les écrits de son fondateur décédé il y a peu de temps, le pasteur Russell de Brooklyn, en Amérique du Nord, au moyen d’une propagande incessante soutenue par l’argent américain. Le Consistoire attire donc l’attention des prêtres sur cette secte et leur demande d’agir contre elle et de rapporter au Consistoire leurs observations sur ses activités dangereuses.

      Cette fois, les frères sont allés encore plus loin dans leurs efforts pour neutraliser l’influence du clergé. En relation avec la distribution de ce numéro des Nouvelles du Royaume, ils firent circuler une pétition adressée à Wilson, président des États-Unis.

      Nous, les Américains soussignés, estimons que toute intervention du clergé dans l’étude biblique indépendante est un acte d’intolérance non chrétien et contraire à l’esprit de l’Amérique, et que toute tentative pour unir l’Église et l’État est une erreur fondamentale. Dans l’intérêt de la liberté religieuse et de la liberté tout court, nous protestons solennellement contre la suppression du Mystère accompli et prions le Gouvernement de lever toutes les restrictions concernant son utilisation, de sorte qu’il soit permis aux gens, sans molestation ou ingérence de la part de qui que ce soit, d’acheter, de vendre, de posséder et de lire ce guide bibliquek.

      Tandis que l’ennemi se préparait à frapper le coup décisif dans l’espoir de faire taire les témoins pour toujours, la Société publiait, le 1er mai 1918, le troisième numéro des Nouvelles du Royaume. Celui-ci portait cet en-tête significatif: “Deux grandes batailles font rage — Chute de l’autocratie certaine — La stratégie satanique vouée à l’échec — La naissance de l’antichrist”. Ce tract traitait surtout de la Postérité promise qui se dresse contre la postérité de Satan. Décrivant l’antichrist depuis sa naissance jusqu’aux agissements actuels des membres apostats du clergé tant protestant que catholique, ce tract révélait que ces agents du Diable étaient prêts à détruire le reste de la postérité du Christ, les oints qui suivaient les traces de Jésus.

      Dans un compte rendu qu’il rédigea des années plus tard, le juge Rutherford rapporta les déclarations que lui avait faites le général James Franklin Bell, commandant de Camp Upton, Long Island, New York. Bell parla à Rutherford d’une conférence d’ecclésiastiques qui s’était tenue en 1917 à Philadelphie, en Pennsylvanie. Ces ecclésiastiques avaient constitué un comité chargé de se rendre à Washington dans le but de proposer un amendement à la loi contre l’espionnage. Si celui-ci avait été entériné, toute infraction à ladite loi aurait fait l’objet d’une comparution devant un tribunal militaire avec, pour sentence, la peine de mort. Puis, d’un ton chargé de ressentiment, Bell dit à Rutherford: “Ce projet de loi n’est pas passé, car Wilson s’y est opposé, mais nous savons comment vous atteindre, et nous nous y emploieronsl!”

      ARRESTATION DES RESPONSABLES DE LA SOCIÉTÉ

      LOÏS: C’était là une menace ouverte, n’est-​ce pas?

      JEAN: Oui, et pas des moindres. Quelques jours seulement après la parution du troisième numéro des Nouvelles du Royaume, le tribunal du district est de New York lança des mandats d’arrêt contre les huit principaux serviteurs de la Société, au Béthel. Il s’agissait de J. F. Rutherford, de W. E. Van Amburgh, de A. H. Macmillan, de R. J. Martin, de C. J. Woodworth, de G. H. Fisher, de F. H. Robison et de G. DeCecca. Cela se passa le 7 mai 1918. Ce jour-​là prirent fin les quarante-deux mois ou 1 260 jours de Révélation 11:2, 3. Cette période au cours de laquelle le témoignage s’est pour ainsi dire poursuivi alors que les témoins étaient revêtus de “sacs”, symboles de deuil, a commencé au cours de la première quinzaine du mois de novembre 1914. Trois ans et demi après, l’œuvre de témoignage était tuée par la “bête sauvage” symbolique de Satan, prédite dans Révélation 11:7. Le lendemain, soit le 8 mai, les mandats furent signifiés aux accusés par un huissier nommé Power, puis les huit hommes furent traduits devant le tribunal fédéral que présidait le juge Garvin. Ils étaient accusésa

      de conspirer illégalement et traîtreusement, de se liguer, de comploter et de s’entendre avec diverses autres personnes, inconnues desdits membres du jury d’accusation, pour commettre un certain crime contre les États-Unis d’Amérique, à savoir: le crime d’avoir provoqué illégalement, traîtreusement et volontairement l’insubordination, la déloyauté et le refus d’obéissance aux forces navale et militaire des États-Unis d’Amérique quand ces derniers étaient en guerre (...) au moyen de sollicitations personnelles, de lettres, de discours publics, en distribuant et en faisant circuler parmi le public un certain livre appelé “Volume VII. Études des Écritures. Le mystère accompli”, et en distribuant et faisant circuler parmi le public dans tous les États-Unis certains articles imprimés dans des tracts appelés “L’Étudiant de la Bible”, “La Tour de Garde”, “Nouvelles du Royaume” et d’autre pamphlets non désignésb.

      Se faisant l’interprète des sentiments de tout le clergé devant la tournure qu’allaient prendre les événements, le périodique catholique de Brooklyn The Tablet a publié, le 11 mai, cette sinistre prophétie: “Nouvelles du Royaume répandu partout — Il se peut que certains aillent en prison.”

      THOMAS: Cette manchette donnait l’impression que la distribution des Nouvelles du Royaume les avait quelque peu indisposés.

      JEAN: L’article catholique poursuit ainsi:

      Joseph F. Rutherford et quelques-uns de ses collègues devront probablement passer leurs mois d’été dans une villa où ils seront à l’abri de la populace qui les insulte en leur demandant d’acheter des “liberty bonds” [obligations d’un emprunt de guerre]. (...) Il est très intéressant de noter que Rutherford, et tous ceux de son espèce qui se font un plaisir d’entrer dans des convulsions contre l’Église [catholique], sont toujours poursuivis par les agents du gouvernement. Il semble que l’anti-catholicisme et l’antiaméricanisme vont de pair.

      Quoi qu’il en soit, le procès était fixé au lundi 3 juin. Le juge Garvin, tout d’abord désigné pour s’occuper de l’affaire, était partial et demanda à être excusé. L’affaire fut automatiquement confiée au juge Chatfield qui fut lui aussi écarté. Finalement le gouvernement fit venir du Vermont le juge Harlan B. Howec. Le procès dura quinze jours, et l’on recueillit un grand nombre de témoignages. L’on démontra plus tard que le procès renfermait plus de 125 vices de forme, dont seulement quelques-uns auraient suffi à la Cour d’appel pour condamner toute la procédure comme étant arbitraired.

      CONDAMNÉS À QUATRE-VINGTS ANS

      Souvenez-​vous que c’étaient les années de guerre. Les fanfares jouaient et des soldats défilaient dans les rues près de Borough Hall, à Brooklyn. L’opinion publique accordait ses suffrages à tout ce qui soutenait l’effort de guerre. Il n’y a rien d’étonnant à ce que le procès intenté contre les “Étudiants de la Bible”, taxés de sédition et objets de la controverse, ait fortement attiré l’attention. Finalement, le jeudi 20 juin, le jury rendit un verdict de culpabilité. Le 21 juin, tout au début de l’après-midi, sept d’entre les frères furent condamnés à une peine d’emprisonnement de quatre-vingts ans, vingt années pour quatre chefs d’accusation différents, avec confusion des peines. Les frères devaient purger leur peine au pénitencier fédéral d’Atlanta, en Georgie (États-Unis)e. Plus tard, Giovanni DeCecca fut condamné à dix ans pour les quatre mêmes chefs d’accusation.

      En condamnant les sept responsables de la Société, le juge qui prononça la sentence déclara:

      En temps normal, toute personne qui prêche une religion exerce une influence considérable, mais si elle est sincère, elle est d’autant plus efficace.

      Commentant ces événements, le New York Post du 21 juin 1918 dit dans son éditorial:

      Après avoir prononcé ces paroles, le juge H. B. Howe, du tribunal de district des États-Unis, à Brooklyn, condamna à vingt ans de prison chacun les membres de cette religion qui comparaissaient devant lui. Il déclara qu’il s’avérait nécessaire de faire un exemple de ces gens qui enseignaient sincèrement cette religion, lesquels, à l’instar des Mennonites, des Quakers et de nombreuses autres sectes, interdisent le port des armes. Ils s’étaient rendus coupables d’avoir poussé des hommes à suivre ce qu’ils pensaient être la doctrine du Seigneur et d’appliquer à la lettre le commandement qui stipule: “Tu ne tueras point.” Le jury n’avait donc d’autre alternative que de les reconnaître coupables d’avoir violé les statuts du pays, quelle que soit leur attitude, correcte ou non, vis-à-vis de la morale et de la loi religieuse. Nous avons la conviction que ceux qui se chargent d’enseigner une religion retiendront l’opinion de ce juge selon laquelle prôner une religion, exception faite de celle qui est en parfaite harmonie avec la loi, est un crime grave, encore aggravé si, tout en étant ministre de l’Évangile, il vous arrive en plus d’être sincère. Il ne fait pas de doute que les condamnations prononcées par le juge Howe ont été très sévères; elles le sont deux fois plus que celles infligées par le Kaiser aux socialistes qui ont tenté de renverser son régime inique, et sont trois fois plus fortes que toutes celles qu’ont encourues les régicidesf.

      Dans son compte rendu de leur condamnation, le New York Tribune du 22 juin 1918 rapporta ce qui suit:

      Joseph F. Rutherford et six autres “Russellistes”, convaincus d’avoir violé la loi sur l’espionnage, furent condamnés hier, par le juge Howe, à vingt ans d’emprisonnement au pénitencier d’Atlanta. “C’est le plus heureux jour de ma vie”, a déclaré M. Rutherford sur le chemin conduisant du tribunal à la prison; “subir un châtiment terrestre pour sa croyance religieuse est l’un des plus grands privilèges qu’un homme puisse avoir”. Les familles et les amis intimes des accusés se sont livrés à la plus étrange des démonstrations qu’on ait jamais vues au bureau du greffier du tribunal fédéral de Brooklyn, aussitôt après que les prisonniers eurent été amenés dans la salle du jury d’accusation. Tout le groupe fit résonner le vieux bâtiment des accents de “Béni soit le lien qui unit”. “C’est bien la volonté de Dieu”, se disaient-​ils, et leurs visages rayonnaient presque. “Un jour le monde connaîtra ce que tout cela signifie. En attendant, soyons reconnaissants envers Dieu pour sa grâce qui nous a soutenus à travers nos épreuves, et attendons avec joie le Grand Jour qui doit venir.”

      À deux reprises, les frères condamnés ont essayé d’obtenir leur mise en liberté provisoire sous caution; celle-ci leur a été refusée, d’abord par le juge Howe et, plus tard, par le juge Martin T. Manton. Pendant que ces démarches étaient faites, les frères étaient emprisonnés à Brooklyn. Le 3 juillet, la veille de leur transfert à la prison fédérale d’Atlanta, frère Rutherford a écrit une lettre aux frères chargés de la direction des affaires du Béthel. Ses paroles d’encouragement étaient complétées par l’avertissement suivant:

      On nous a fait connaître que sept personnes qui s’étaient opposées à la Société et à son œuvre au cours de l’année dernière assistaient au jugement, et qu’elles prêtèrent leur aide à nos persécuteurs. Nous vous mettons en garde, bien-aimés, contre les efforts subtils de certaines d’entre elles pour vous flatter servilement maintenant, afin d’essayer de mettre la main sur la sociétég.

      Un incident marquant du procès fut l’accusation du témoin William F. Hudgings, taxé d’outrage à magistrat. À la barre, Hudgings témoigna qu’en aucune occasion il n’avait surpris deux des défendeurs en train d’écrire, sur quoi la cour qualifia son témoignage de mensonger et le condamna à six mois de prison.

      THOMAS: Ce traitement me paraît nettement arbitraire!

      JEAN: N’est-​ce pas? Mais finalement, une ordonnance d’habeas corpus fut rendue par la Cour suprême des États-Unis et Hudgings fut libéré sous caution. En octroyant la demande de l’ordonnance d’habeas corpus, le premier président White, selon ce qu’en dit le New York Evening Sun, qualifia d’“outrageux” l’emprisonnement de William Hudgings. Ce journal déclarait:

      Aujourd’hui, à Brooklyn, sur ordre du premier président White de la Cour suprême des États-Unis, William F. Hudgings, secrétaire de la Watch Tower Bible Student’s Society, emprisonné pour outrage à la cour depuis le 11 juin, a été relâché sous caution. White qualifia l’incarcération de Hudgings d’“outrageuse, déloyale et injustifiée”.

      Ceci ne constitue qu’un exemple du tort causé par le juge de cette cour durant le procès, sans parler du parti pris dont il a fait montreh.

      ON CONTINUE À PERSÉCUTER LES CHRÉTIENS

      LOÏS: Cette période d’épreuve a dû être sévère pour les témoins de Jéhovah. Quel traitement ont-​ils subi dans le reste du pays?

      JEAN: La persécution était intense. Peu après les événements rapportés plus haut, au début de 1919, on publia un tract intitulé “L’affaire de l’Association internationale des Étudiants de la Bible”. Nous lui avons déjà emprunté plusieurs citations. Ce tract fournit un rapport détaillé de l’opposition manifestée tant par le clergé que par les laïcs: La fausse accusation de sédition lancée contre les frères, la campagne des Nouvelles du Royaume que nous venons de considérer et, pour finir, la persécution endurée par les témoins de Jéhovah dans tous les États-Unis. Un traitement analogue était réservé aux témoins au Canada, aussi bien qu’ailleurs, y compris en Allemagne. Voici le rapport de quelques atrocités qui ont été commises:

      Partout dans le pays, les Étudiants internationaux de la Bible ont souffert la persécution en raison de leur fidélité au Seigneur et de leur zèle à faire connaître les bénédictions que le Royaume doit dispenser à l’humanité. Dans une ville de l’État de l’Oregon, le maire et deux ecclésiastiques organisèrent un attroupement, chassèrent de la ville l’un des conférenciers de l’Association et le suivirent jusqu’à la ville voisine. Le conférencier parvint à s’échapper, mais les émeutiers s’emparèrent de son compagnon et l’enduisirent de graisse et de goudron.

      Dans l’État de Washington, un étudiant de la Bible fut condamné à trois ans d’emprisonnement pour avoir envoyé par la poste un exemplaire du MYSTÈRE ACCOMPLI. À Globe, dans l’Arizona, deux hommes furent chassés de la ville, finalement rattrapés et jetés en prison parce qu’ils possédaient des exemplaires du MYSTÈRE ACCOMPLI. À San Bernardino, en Californie, trois hommes et une femme (chargés de répandre ces livres) furent arrêtés et condamnés à trois ans de prison parce qu’ils vendaient LE MYSTÈRE ACCOMPLI, simple commentaire de la Bible, et ce après que les pages litigieuses avaient été enlevées. À Oklahoma City, des colporteurs furent enduits de goudron, couverts de plumes et battus à coups de gourdin. Dans l’Arkansas, une dame fut arrêtée et jetée dans une prison sordide où elle resta quelques jours. Dans ce même État, un homme et sa femme furent emprisonnés pendant des journées entières, sans même qu’aucune accusation ait été prononcée à leur encontre. Dans d’autres lieux, certains furent conduits de nuit à des cours d’eau, plongés dans l’eau glacée, et tout dans leur habitation fut détruit. Dans le Colorado, un homme portant l’uniforme d’un officier dispersa des gens réunis pour une étude paisible de la Bible. À Wheeling, en Virginie occidentale, des fonctionnaires menacèrent d’emprisonner des étudiants de la Bible s’ils ne leur remettaient pas tous leurs livres de la série ÉTUDES DES ÉCRITURES.

      À Los Angeles, des ecclésiastiques se vantèrent de faire arrêter les étudiants de la Bible et de les garder en captivité. Certains de ces membres du clergé rendirent visite aux propriétaires d’appartements, les incitant à expulser les locataires qui étaient membres de l’Association internationale des Étudiants de la Bible. Dans cette même ville, on s’en prit au siège des Étudiants de la Bible et l’on y saisit et enleva toutes leurs publications, y compris les Bibles et recueils de cantiques. Vingt-six étudiants furent arrêtés pour avoir détenu LE MYSTÈRE ACCOMPLI et les NOUVELLES DU ROYAUME; ils durent dépenser beaucoup d’argent et consacrer un temps considérable pour assurer leur défense devant le tribunal. Le procès amena le renvoi du jury et ces hommes sont encore en ce moment sous caution, dans l’attente d’un second jugement. À Portland, dans l’Oregon, un étudiant de la Bible fut arrêté et tenu captif pendant vingt-quatre heures. L’affaire fut rayée du rôle par le Commissaire des États-Unis en raison de son caractère manifestement outrageux.

      Un évangéliste de renom déclara: “Voilà trente ans que nous essayons d’avoir raison de ces Russellistes et, à présent, nous y sommes parvenus.”

      L’Institut biblique de Los Angeles, dirigé par le Dr Torrey, a persévéré dans la persécution des Étudiants internationaux de la Bible, tant du haut de la chaire que par l’usage de pamphletsi.

      Voici quelques autres cas extraits d’un rapport détaillé relatant la persécution sévère que les témoins endurèrent au cours de cette période:

      Le 30 avril 1918, à Mammoth Spring, dans l’Arkansas, la foule s’en prit à Madame Minna B. Franke, qui fut contrainte de solder des marchandises d’une valeur de 10 000 dollars en un seul jour, et de quitter la ville. À Garfield, dans l’État de Washington, Donald Main et Monsieur Ish furent mis en prison et menacés de mort. À Minerva, dans l’Ohio, S. H. Griffin fut d’abord emprisonné puis relâché; le ministre local lui fit ensuite un sermon d’un quart d’heure, après quoi les émeutiers le frappèrent à coups répétés, l’injurièrent, lui donnèrent des coups de pied, le piétinèrent, le menacèrent de le pendre et de le noyer, le chassèrent de la ville, lui crachèrent dessus, le firent tomber à plusieurs reprises, le piquèrent avec un parapluie, le suivirent sur la distance de neuf kilomètres les séparant de Malvern (Ohio), l’arrêtèrent de nouveau, l’emprisonnèrent à Carrollton et, pour finir, deux personnalités courageuses et fidèles, après avoir examiné ses publications, le ramenèrent chez lui en disant: “Nous ne trouvons pas de faute en cet homme.” (...)

      Le 14 mars 1918, à Pomona, en Californie, J. Eagleston fut confiné dans un cachot où il resta pendant quinze jours; durant quatre jours il n’eut ni lit ni matelas, et presque pas de couvertures ni de nourriture. Lorsque le jury désapprouva ce traitement, à cinq voix contre sept, le juge déclara en pleine audience: “S’il n’est pas de loi pour régler de tels cas, ce sera le peuple américain, s’il le faut, qui sera souverain en la matière.” Qu’est-​ce que ce juge voulait donc que fasse le peuple américain?

      Le 17 avril 1918, à Shawnee, dans l’Oklahoma, G. N. Fenn, George M. Brown, L. S. Rogers, W. F. Glass, E. T. Grier et J. T. Tull furent emprisonnés. Au cours du procès, l’avocat général déclara: “Je me moque de votre Bible; vous devriez aller en enfer, les reins brisés; vous devriez être pendus.” Lorsque G. F. Wilson, d’Oklahoma City, tenta d’intervenir pour défendre les accusés, il fut également arrêté. Chacun fut condamné à 55 dollars d’amende et aux dépens; le délit était d’avoir répandu des ouvrages protestants. Le juge incita les gens à fomenter une émeute après le procès, mais la tentative des agitateurs échoua. (...)

      En juin 1918, à Roanoke, en Virginie, C. W. Morris fut emprisonné pendant trois mois pour avoir “strictement adhéré à la secte du pasteur Russell” et on l’avertit que si, après sa libération, il prêchait sa doctrine, le traitement qu’il endurerait serait bien pis. Conformément à cette menace, Alex H. Macmillan fut arrêté par le maire dans la même ville, le 15 février 1920, sans justification ni accusation aucune, à l’heure prévue où il devait prononcer le discours public intitulé “La seconde venue du Christ est proche; des millions actuellement vivants ne mourront jamais”. (...)

      Le 30 avril 1918, à Brownstown, dans l’Indiana, Curtis Plummer fut menacé par des émeutiers comprenant le shérif du comté et certains hommes d’affaires. (...)

      Le 5 juin 1918, à Indianapolis, dans l’Indiana, William Darby, après trente-deux ans et demi de bons et loyaux services comme facteur, fut licencié par J. C. Koons, premier assistant du ministre des postes et télécommunications, pour le seul crime d’être chrétien; aucun autre détail ne lui fut fourni. À Fontanelle, dans l’Iowa, Etta Van Wagenen fut expulsée de force de la ville par un banquier et un anarchiste en chapeau haut de forme. Par voie de conséquence, des hommes portant l’uniforme d’officiers de l’armée des États-Unis s’efforcèrent, en vain, d’obliger son employeur à la licencier. À Fort Cobb, dans l’Oklahoma, A. L. Tucker fut chassé de sa ville, sans un sou vaillant, par un groupe de dix hommes, dont son propre banquier chez lequel il avait des fonds en dépôt. Il fut obligé de quitter le comté et de vendre sa propriété à perte.

      En mars 1918, à Shattuck, dans l’Oklahoma, J. B. Siebenlist, Américain de naissance, fut emprisonné sans motif pendant trois jours; il fut privé de nourriture, à l’exception de trois morceaux de pain de seigle avariés; la foule le tira de prison, lui ôta ses vêtements, l’enduisit de goudron chaud et le fouetta avec un fouet terminé par un fil de fer; voici son délit: s’être adressé au dépôt aux fins de retirer un paquet de publications protestantes. Le 22 avril 1918, à Wynnewood, dans l’Oklahoma, Claud Watson fut d’abord emprisonné puis relaxé à dessein entre les mains d’agitateurs composés de prédicateurs, d’hommes d’affaires et de quelques autres, qui le battirent, le firent fouetter par un Noir et, lorsqu’il eut en partie recouvré ses esprits, le fouettèrent de nouveau. Ensuite, ils l’enduisirent de goudron et le recouvrirent de plumes, lui frottant la tête et le crâne avec du goudron. Le 29 avril 1918, à Walnut Ridge, dans l’Arkansas, W. B. Duncan, âgé de 61 ans, Edward French, Charles Franke, un certain Monsieur Griffin et Madame D. Van Hoesen furent emprisonnés. La foule fit irruption dans la prison et, utilisant le langage le plus vil et le plus obscène qui soit, fouetta ces gens, les recouvrit de goudron puis de plumes et les chassa de la ville. Les émeutiers obligèrent Duncan à parcourir à pied les quarante-deux kilomètres qui le séparaient de son domicile, et il faillit en mourir. Griffin fut pratiquement rendu aveugle et, quelques mois plus tard, il devait mourir des suites de ces événementsj.

      LA CAPTIVITÉ BABYLONIENNE COMMENCE

      LOÏS: On a du mal à imaginer que des chrétiens ont été traités de la sorte à notre époque, et tout particulièrement aux États-Unis.

      JEAN: D’autres rapports consignés dans les fichiers du Béthel de New York révèlent que des frères furent traînés hors de la ville parce qu’ils refusaient d’acheter des obligations d’emprunt de guerre, et ils furent traités de façon honteuse. Certains furent harcelés dans les rues et on leur cracha dessus; d’autres furent enduits de goudron et recouverts de plumes, traités de toutes les manières possibles. Tous ces événements se sont produits au printemps et en été, en 1918. En vérité, on ‘leur fit la guerre’ par l’entremise de la pression politique pour les vaincre et pour les tuer.

      THOMAS: Le juge Rutherford et ses associés étant emprisonnés, qu’est-​il advenu du siège de la Société?

      JEAN: Un comité exécutif fut désigné pour diriger la Société. La tâche principale des cinq frères nommés consistait à servir de comité de rédaction, chargé de maintenir la parution de La Tour de Gardek, car les frères de partout avaient bien besoin de l’encouragement qu’elle pourrait dispenser pendant cette période d’opposition intense. Pendant tout ce temps, aucune édition de La Tour de Garde n’a manqué de paraître.

      Les frères devaient faire face à de nombreux problèmes, tels que la pénurie de papier et de charbon, indispensables à l’activité du bureau. Grande était l’animosité contre la Société à Brooklyn. Le patriotisme était exalté au plus haut point; tous les témoins étaient considérés comme des traîtres. Il apparaissait impossible de continuer à tout diriger à partir du Béthel de Brooklyn. Prenant toutes ces choses en considération, le comité de cinq membres décida, après avoir consulté les autres frères, de vendre le Tabernacle de Brooklyn et de fermer le Béthel. Une telle décision sous-entendait l’abandon du siège de Brooklyn en été 1918 et le retour à Pittsburgh, dans un bureau sis aux Federal et Reliance Streetsl.

      C’est ainsi qu’en été 1918, la voix jusque-​là ferme et forte des témoins de Jéhovah et de son Royaume fut réduite au silence. Leur œuvre fut tuée, figurément parlant, et une inactivité semblable à la mort fut le lot de ce groupe de chrétiens jadis si actifs. Exilés, comme ils l’étaient, du siège de Brooklyn depuis le 26 août 1918, ils étaient fermement tenus en esclavage par leurs vainqueurs babyloniens. Figurément parlant du moins, l’œuvre était morte.

      [Notes]

      a a w 1917, pp. 354, 374.

      b b w 1918, p. 18.

      c c w 1918, p. 77.

      d d Ibid.

      e e w 1918, p. 77; w 1919, p. 117; Nouvelles du Royaume (angl.), No 1.

      f f w 1924, p. 358.

      g g w 1918, p. 24.

      h h w 1918, p. 82.

      i i Ibid., p. 110.

      j j w 1919, p. 281.

      k k Nouvelles du Royaume (angl.), No 2, p. 2.

      l l Consolation (angl.) 23 août 1939, p. 5. Pour preuve que le procureur des États-Unis était décidé à poursuivre la Société en se servant de la législation, voir le Congressional Record (Vol. 56, 6e partie, sénat, 24 avril 1918, p. 5542; 4 mai 1918, pp. 6051, 6052.

      a m Tombant sous le coup de la loi sur l’espionnage, décrétée le 15 juin 1917; strictement mesure de guerre (w 1918, p. 171).

      b n Rutherford contre les États-Unis (angl.), 14 mai 1919, 258 F. 855, transcription du compte rendu, Vol. 1, p. 12.

      c o w 1918, p. 178.

      d p L’affaire de l’Association internationale des Étudiants de la Bible (angl.), p. 4.

      e q w 1918, p. 194.

      f r L’affaire de l’Association internationale des Étudiants de la Bible (angl.), p. 4.

      g s w 1919, p. 58.

      h t L’affaire de l’Association internationale des Étudiants de la Bible (angl.), p. 4.

      i u Ibid., p. 4.

      j v L’Âge d’Or (angl.), 1920, pp. 713-715.

      k w w 1918, pp. 242, 255.

      l x Ibid., p. 290.

      [Illustration, page 75]

      L’ÉTUDIANT DE LA BIBLE, VOL. 9, No 9, “LA CHUTE DE BABYLONE”, HAUT DE LA PAGE 4.

  • La délivrance de la captivité babylonienne
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 13

      La délivrance de la captivité babylonienne

      LOÏS: Durant toute cette semaine, j’ai songé aux persécutions qu’ont endurées les témoins en 1918. Ce dut être quelque chose de terrible, et qui a éprouvé la foi de ceux qui, à cette époque, étaient liés à la Société.

      JEAN: C’est vrai, mais comme le déclare Matthieu 24:13, “celui qui aura enduré jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé”. Chaque fois que Jéhovah permet une épreuve, il pourvoit toujours au moyen d’en sortir. Beaucoup ont fait montre d’endurance. L’œuvre ne fut pas tuée définitivement et, pendant la période où les responsables de la Société étaient emprisonnés, la voix de La Tour de Garde se faisait encore entendre, quoique faiblement.

      On n’accomplit que peu de travail au cours de cet emprisonnement. On tint quelques petites assemblées, sans toutefois déployer d’effort spécial pour y inviter le public. Ces rassemblements tendaient principalement à fortifier ceux qui marchaient encore sur le sentier de la vérité et à maintenir l’œuvre au mieux des possibilités. Comme nous l’avons vu la semaine dernière, quelques colporteurs fidèles étaient encore actifs, bien que nombre d’entre eux aient été arrêtés.

      C’est alors que, brusquement, la Première Guerre mondiale prit fin, le 11 novembre 1918. La cessation des hostilités suscita un nouvel espoir chez les frères, bien que le juge Rutherford et ses associés fussent encore détenus au pénitencier d’Atlanta. Les frères avaient maintenant une très bonne raison pour commencer une campagne active tendant à les libérer. Vint janvier 1919 et, avec ce mois-​là, la réunion annuelle du conseil d’administration de la Société Watch Tower. Le 4 janvier, à Pittsburgh, fut organisée une assemblée ayant un double objectif: d’une part, examiner les dispositions qui pourraient être prises pour réveiller les frères sur le plan spirituel et, d’autre part, procéder à l’élection des responsables.

      THOMAS: Le juge Rutherford se trouvait alors en prison. Quelles mesures allaient donc pouvoir être prises pour tenir une réunion de ce genre?

      JEAN: Beaucoup avaient cette question présente à l’esprit, et en particulier frère Rutherford lui-​même. Tous les frères emprisonnés étaient restés actifs. Bien qu’on leur eût dit, dès leur entrée en prison, qu’ils ne pourraient pas prêcher, ils conduisaient régulièrement des études bibliques au bout de quelques mois, chaque frère dirigeant sa propre étude. Ces études avaient lieu le dimanche, et environ une centaine de détenus y assistaienta. Mais frère Rutherford était inquiet au sujet des résultats de la réunion du conseil d’administration. L’un de ses compagnons de captivité, frère A. H. Macmillan [qui vivait encore lorsque le présent ouvrage a été présenté en langue anglaise, en 1959] a souvent fait état de la crainte qu’avait frère Rutherford de voir, une fois les responsables de la Société emprisonnés, les adversaires de l’organisation parvenir, d’une façon ou d’une autre, à prendre le contrôle de l’œuvre et à réduire à néant les efforts déployés durant des années pour édifier la Société.

      UN SIGNE DE CONFIANCE

      LOÏS: Que s’est-​il passé à cette réunion?

      JEAN: Deux jours avant la réunion proprement dite, on tint une assemblée générale à laquelle assistèrent plus de 1 000 frères venus des États-Unis et du Canada. Le matin du 4 janvier, le vice-président C. H. Anderson prit la parole et présenta une résolution, laquelle fut adoptée à l’unanimité par tous les assistants. Cette résolution avait pour thème

      la confiance dans l’intégrité de ces huit défenseurs et dans leur loyauté envers le gouvernement et le peuple des États-Unis, aussi bien qu’envers le Seigneur, ainsi que notre entière confiance que le jugement sera infirmé et qu’ils seront totalement disculpés lorsque tous les faits auront été reconsidérés, avec impartialité, par la Cour d’appelb.

      En raison de l’absence du président et du secrétaire-trésorier de la Société, on posa quelques questions sur l’aspect légal de la situation. Certains étaient d’avis de surseoir à l’élection et d’attendre six mois. D’autres émettaient l’opinion qu’une telle attitude de la part des membres risquerait d’être interprétée par le public comme un désaveu des frères. Une longue discussion s’ensuivit, discussion au cours de laquelle un frère définit ce qui semblait être l’opinion de la majorité. Il déclara:

      Je crois que le plus grand plaisir que nous puissions faire à notre cher frère Rutherford serait de le réélire comme président de la Watch Tower Bible and Tract Society. Je ne pense pas qu’il subsiste le moindre doute dans l’esprit du public quant à la position que nous adoptons à cet égard. Si, sur le plan technique, nos frères ont violé la loi qu’ils ne comprenaient pas, nous savons que leurs motifs étaient bons. Et, devant le Dieu tout-puissant, ils n’ont pas davantage violé la loi divine que la loi humaine. Nous ferions preuve de la plus grande confiance en réélisant frère Rutherford comme président de l’Association. Je n’ai rien d’un juriste, mais lorsqu’on s’attache à l’aspect légal de la situation, je sais ce qu’est la loi de la loyauté. La loyauté, voilà ce que Dieu exige. Je ne puis imaginer plus grand témoignage de confiance que celui consistant à procéder à des élections aux fins de réélire frère Rutherford comme présidentc.

      Après une pause, on rejeta la motion qui tendait à reporter l’élection à six mois. Il paraissait évident que la grande majorité des assistants étaient partisans d’une élection, et il ne subsistait pas le moindre doute quant à la réélection de Rutherford à la fonction de président.

      L’élection eut donc lieu, et frère Rutherford fut élu président, frère C. A. Wise, vice-président, et W. E. Van Amburgh, secrétaire-trésorierd. Aucun de ceux qui avaient attaqué la Société en 1917 et 1918 n’obtinrent de voix dans les débats.

      Le mois suivant, certains journaux agitèrent l’opinion en faveur de la libération de Rutherford et de ses associése. Les témoins écrivirent des milliers de lettres aux journaux, éditeurs, membres du Congrès, sénateurs et gouverneurs, les priant instamment d’agir en faveur des responsables de la Société. Nombre de ceux qui avaient été sollicités se prononcèrent pour la libération et indiquèrent qu’ils feraient leur possible en ce sensf.

      L’effort suivant en faveur de ces frères consistait en une pétition à l’échelle nationale, pétition que l’on fit circuler en mars 1919. En peu de temps, on recueillit 700 000 signaturesg. Par son entremise, on demandait au gouvernement des États-Unis de rendre justice à ces hommes accusés faussement et emprisonnés. Cette manifestation publique constituait la preuve de la résurrection des témoins et de leur vitalité. En son temps, ce fut la plus grande pétition organisée jusque-​là, et, bien qu’elle n’ait jamais été présentée au gouvernement, elle servit à rendre un puissant témoignageh.

      LES RESPONSABLES DE LA SOCIÉTÉ SONT RELAXÉS ET JUSTIFIÉS

      THOMAS: Mais après tout le travail que représentait l’obtention de 700 000 signatures, comment s’expliquer le fait que la pétition n’ait pas été soumise au gouvernement?

      JEAN: Ce ne fut pas nécessaire. Le gouvernement avait déjà pris des mesures pour libérer les huit frères. À ce propos, il est intéressant de noter que Harlan B. Howe, juge du district fédéral, qui avait été le premier à refuser les cautions après la condamnation des frères, avait télégraphié au procureur général Gregory à Washington, le 2 mars 1919, “recommandant la commutation immédiate” des peines des huit hommes. Gregory avait envoyé un télégramme à Howe, l’invitant à faire lui-​même cette démarchei. Ils tentaient cette manœuvre parce que les frères avaient interjeté appel, et ni le procureur général ni Howe ne désiraient que cette affaire soit portée à l’attention des juridictions supérieures. Souvenez-​vous que les responsables de la Société étaient incarcérés alors qu’ils étaient en instance d’appel, et ce uniquement parce que Howe et Manton avaient refusé leur cautionnement. Cependant, cette manœuvre de Howe échoua et, le 21 marsj, Louis D. Brandeis, juge à la Cour suprême des États-Unis, ordonna la mise en liberté sous caution des huit frères, précisant que leur affaire viendrait en appel le 14 avril.

      Les frères étaient aussitôt élargis. Le mardi 25 mars, ils quittaient le centre pénitentiaire d’Atlanta et prenaient le train pour Brooklyn où ils devaient arriver le lendemain. C’est là que, le 26 mars 1919, les autorités fédérales les libérèrent contre une caution de 10 000 dollars chacun, sous réserve d’un jugement ultérieurk. Je vous laisse à penser la joie des frères de Brooklyn qui avaient été avisés de cette libération et qui étaient présents pour accueillir leurs frères de retour. Bien que le siège de la Société ait été transféré à Pittsburgh, les frères loyaux envers l’œuvre avaient prévu, à New York, un grand banquet qui eut lieu au Béthel. Certains de ceux qui y prirent part racontent qu’il n’y avait même pas de sièges en nombre suffisant, mais cet inconvénient ne refroidit pas pour autant les esprits ni n’amoindrit l’enthousiasme avec lequel furent écoutés les commentaires des frères libérés. Aussitôt après cette joyeuse rencontre, frère Rutherford et ses compagnons partirent pour Pittsburgh, où les frères du Béthel leur avaient préparé une réception tout aussi joyeuse.

      THOMAS: Puisque les frères étaient en liberté sous caution, cela signifie que leur affaire n’était pas encore classée. Qu’en est-​il résulté en définitive?

      JEAN: Leur affaire fut évoquée le 14 avril 1919, devant la Cour d’appel du deuxième district fédéral de New York. Le 14 mai 1919, cette juridiction cassait la décision rendue l’été précédent, décision qui reposait sur des convictions erronées. En renvoyant l’affaire pour un second jugement, le juge Ward déclara:

      Dans cette affaire, les défendeurs n’ont pas bénéficié du jugement modéré et impartial auquel ils auraient pu prétendre; c’est pour cette raison que le jugement précédent est cassél.

      Cela revenait à dire que les frères étaient libres, sous réserve que le gouvernement ne décide de reprendre les poursuites. Toutefois, la guerre était terminée et les frères savaient, preuves à l’appui, que leur condamnation s’avérait impossible. De fait, l’année suivante, le 5 mai 1920, les huit hommes furent définitivement disculpés du jugement illégal lorsque, sur l’ordre du procureur général, le procureur du gouvernement annonça, en audience publique à Brooklyn, l’abandon des poursuites. Les accusations furent retirées après motion de nolle prosequia.

      La presse prit bonne note de ce revirement. Le Brooklyn Eagle du 15 mai 1919 publia le compte rendu suivant:

      Le verdict prononcé contre les Russellistes annulé en appel; “Le jugement était injuste”. Les juges Ward, Rogers et Manton de la Cour d’appel pour le district fédéral de New York ont annulé aujourd’hui les condamnations des chefs du russellisme, qui furent déclarés coupables, en juin dernier, devant le juge Harlan B. Howe de Vermont, siégeant à Brooklyn, d’avoir comploté pour entraver la conscription, nuire à l’enrôlement et fomenter l’insurrection et l’insubordination parmi les forces armées de la nation.

      Le jugement considère que l’attitude du juge Howe fut injuste dans sa manière de traiter [trois] des témoins. (...) Puisque la décision soutient la légitimité des prétentions russellistes selon laquelle leur organisation, qui interdit à ses membres de tuer, leur confère le droit à l’exemption du service armé, il n’est guère probable que les responsables de ce mouvement passent de nouveau en jugement. (...)

      Le juge Martin T. Manton ne partagea pas l’opinion de la majorité, opinion que transcrivit le juge Henry G. Wardb.

      Le vote contraire du juge Manton n’était pas tellement surprenant car, le 1er juillet 1918, cet éminent catholique avait refusé la caution de Rutherford et de ses associés, sans raison apparente. C’est ce qui explique les neuf mois d’emprisonnement injustifié qu’ils durent subir, alors que leur appel était en suspens. Un tel refus de mise en liberté sous caution était

      en contradiction formelle avec un arrêt rendu par la Cour suprême des États-Unis, dont voici un extrait: “Les statuts des États-Unis sont fondés sur la théorie selon laquelle toute personne accusée d’un crime ne devra subir un emprisonnement ou une punition qu’après avoir été reconnue coupable par le tribunal qui juge en dernier ressort; elle pourra être autorisée à verser une caution, non seulement après son arrestation et avant le jugement, mais encore après condamnation et instance de recours pour cause d’erreur.” — Hudson contre Parker, 156 U.S. 277c.

      Bien que, par la suite, Manton ait été nommé “chevalier de l’Ordre de saint Grégoire le Grand” par le pape Pie XI, son mépris de la justice fut finalement rendu manifeste lorsque, le 3 juin 1939, il fut condamné à la peine maximum de deux ans de prison ainsi qu’au paiement d’une amende de 10 000 dollars, pour avoir mésusé honteusement de ses hautes fonctions de juge fédéral et s’être laissé corrompre en acceptant 186 000 dollars pour six jugementsd.

      THOMAS: L’annulation de leur décision voulait donc dire que le juge Rutherford était mis hors de cause ainsi que ses compagnons. Est-​ce bien cela? Il y a quelque temps, j’ai lu un ouvrage catholique qui traitait le juge Rutherford d’“ancien forçat”.

      JEAN: Pareille accusation est absolument fausse. Le verdict rendu par la cour le 14 mai 1919 établissait que Rutherford et ses associés avaient été emprisonnés suite à une condamnation illégale; mais il s’est avéré que Rutherford n’était pas un ancien forçat puisqu’il a plaidé plus tard devant la Cour suprême des États-Unis. Cela lui aurait été impossible s’il avait eu un casier judiciaire chargé. Ou bien ceux qui profèrent de telles accusations sont totalement ignorants des faits, ou bien ils s’efforcent de ruiner, de propos délibéré, la réputation de frère Rutherford.

      UNE ÉPREUVE CONCLUANTE RANIME L’ACTIVITÉ

      LOÏS: Que firent les frères après leur libération?

      JEAN: L’une des premières tâches qu’ils entreprirent consista à remettre en mouvement les rouages de l’organisation. Ce ne fut pas chose facile. L’œuvre était tombée pour ainsi dire au point mort. Le Tabernacle de Brooklyn avait été vendu, le Béthel de Brooklyn était en mauvais état et pratiquement dépourvu de mobilier; les frères de Pittsburgh ne disposaient que de peu d’argent, le siège était devenu trop petit pour permettre l’expansion de l’œuvre et les conditions n’étaient pas favorables à l’imprimerie, nombre de clichés servant à imprimer les livres ayant été détruits. Les perspectives étaient sombres. Mais les frères étaient animés d’un zèle nouveau. Ils étaient libres maintenant, et l’avenir présentait quelque espoir.

      Certes, frère Rutherford ignorait quelle ligne de conduite il lui convenait d’adopter. C’est la raison pour laquelle il décida de faire une tentative en Californie. Il s’était rendu dans l’ouest des États-Unis peu après sa sortie de prison, d’une part parce que sa famille s’y trouvait, et d’autre part pour raison de santé. Il avait contracté une affection pulmonaire au cours de son séjour en prison, et il devait en souffrir pour le restant de ses jours. Pour connaître l’ampleur de l’intérêt que le message du Royaume serait susceptible de provoquer, il organisa une réunion publique au Clune’s Auditorium de Los Angeles, le dimanche 4 mai 1919. Usant de la publicité intensive de la presse, il avait promis d’exposer les raisons pour lesquelles les responsables de la Société avaient fait l’objet d’une condamnation illégale. La réunion obtint un grand succès. Le discours intitulé “L’espoir pour l’humanité en détresse” fut accueilli avec enthousiasme.

      D’après la réaction de son auditoire, frère Rutherford acquit la conviction que l’œuvre n’était pas terminée et qu’il y avait encore beaucoup à faire. Il prit aussitôt des dispositions pour qu’une assemblée ait lieu à Cedar Point (Ohio) en automne. Il envisagea également la possibilité de rétablir à Brooklyn, New York, le siège de la Société.

      Voici un incident digne d’intérêt que relata plus tard C. A. Wise, le vice-président. Frère Rutherford lui avait donné pour instruction de se rendre à Brooklyn pour tenter d’y louer un local destiné à l’imprimerie et d’examiner les mesures à prendre pour rouvrir le Béthel. Frère Rutherford lui avait dit: “Va voir si la volonté du Seigneur est que nous retournions à Brooklyn.” Frère Wise lui dit: “Comment saurai-​je si la volonté du Seigneur est que nous y retournions ou non?” Et frère Rutherford de répondre: “C’est la pénurie de charbon qui, en 1918, nous a contraints de quitter Brooklyn pour Pittsburgh. Que le charbon serve d’épreuve! Va passer commande.” N’ignorant pas que le charbon était encore rationné à New York à la fin de la guerre, frère Wise ajouta: “À ton avis, combien de tonnes dois-​je en commander pour la tentative que nous faisons?” “Eh bien, dit Rutherford, pour que l’épreuve soit concluante, commandes-​en cinq cents tonnes.”

      Rempli de doutes, en raison du manque de charbon, frère Wise se rendit à New York, formula sa demande auprès des autorités et, à son vif étonnement, reçut un bon lui permettant d’obtenir cinq cents tonnes de charbon. Il téléphona aussitôt la nouvelle à frère Rutherford. Cet élément garantissait le fonctionnement de la Société pendant un certain nombre d’années. Un problème se posait cependant: où entreposer le charbon? Il s’avéra nécessaire de convertir une grande partie des sous-sols en soute à charbon. Pour les frères, il ne faisait aucun doute que le temps était venu de retourner à Brooklyn et d’y remettre l’œuvre en mouvement. C’est ce qu’ils firent le 1er octobre 1919e.

      LOÏS: L’idée de tenir une assemblée à Cedar Point, dans l’Ohio, fut-​elle aussi heureuse que celle de retourner à Brooklyn?

      JOYEUSE RÉUNION À CEDAR POINT

      JEAN: Certes, ce devait être une occasion particulièrement heureuse! Il est évident que des doutes subsistaient quant aux résultats de cette assemblée, du moins en ce qui concernait l’assistance, car les frères avaient perdu tout contact avec les témoins dispersés en Amérique. Nous pouvons sans peine imaginer ce que fut leur joie lorsqu’ils virent plus de 6 000 frères venus du Canada et des États-Unis. En fait, cette réunion rassemblait les membres du reste qui avaient subi la persécution rigoureuse de l’époque, et qui s’étaient trouvés dispersés. Leur foi était ferme, et certains avaient dépensé jusqu’à leur dernier centime pour assister à cette assemblée inoubliable de Cedar Point, du 1er au 7 septembre 1919. Mais ils n’étaient pas seuls à faire montre de zèle, puisque 200 nouvelles recrues pour la guerre du vrai culte symbolisèrent le don de leur personne par l’immersion dans l’eau. Il y avait une assistance de 7 500 personnes au discours publicf.

      Nombreux furent les témoignages de gratitude envers Jéhovah, qui avait fortifié son peuple au cours de la période de crise qu’il venait de vivre. On eut aussi la preuve que les frères avaient conscience de la responsabilité qui leur incombait: prêcher à la face du monde la bonne nouvelle du Royaume de Dieu. Dans un discours qui parut dans La Tour de Garde sous le titre “Annoncez le Royaume”, frère Rutherford souligna cette responsabilité. Voici un extrait de sa déclaration:

      Obéissant au commandement de notre Maître et reconnaissant notre privilège et notre devoir consistant à faire la guerre aux bastions de l’erreur qui tiennent depuis si longtemps les peuples en esclavage, notre vocation était, et est encore, l’annonce de la venue du glorieux Royaume messianique. Alors que nous nous efforcions de remplir fidèlement notre alliance, soudain une tempête terrible s’est déchaînée sur nos têtes et, comme des brebis, le peuple du Seigneur s’est vu, soit dispersé, soit refoulé. Les attaques venant de l’ennemi furent à tel point sans pitié que nombre de brebis du Seigneur en furent comme stupéfaites et restèrent dans l’expectative, attendant et priant que le Seigneur leur fasse connaître sa volonté. En raison de leur fidélité au Seigneur, les étudiants de la Bible ont enduré des tribulations de toutes parts, et l’intensité de celles-ci fut telle que, pour un temps, leur sentiment se fit l’écho de celui du prophète Jérémie qui déclara: “Je suis chaque jour un objet de risée; tous se moquent de moi. Car chaque fois que je parle, j’ai à crier, j’annonce violence et dévastation, et la parole de Yahweh finit par me couvrir de honte et de moqueries, chaque jour. Je disais: ‘Je ne ferai plus mention de lui, je ne parlerai plus en son nomg.’” Mais en dépit de leur découragement momentané, les disciples fidèles du Maître avaient le désir ardent de proclamer le message du Royaume et, à l’exemple de Jérémie, ils disaient: “Il y a dans mon cœur comme un feu dévorant qui est renfermé dans mes os. Je m’efforce de le contenir, et je ne le puis. Car j’apprends les mauvais propos de plusieurs, l’épouvante qui règne à l’entourh.”

      Lorsqu’il raisonne sérieusement, le chrétien se pose naturellement la question: Pourquoi suis-​je sur terre? Et la réponse qui s’impose est la suivante: Dans sa bonté, le Seigneur a fait de moi son ambassadeur pour porter au monde le message divin de la réconciliation, et mon privilège et devoir consiste à annoncer ce messagei.

      UN NOUVEL INSTRUMENT EST PUBLIÉ

      Frère Rutherford déclara ensuite qu’au cours de la guerre qui venait de se livrer contre la vérité, les clichés originaux utilisés pour imprimer la Tribune du Peuple et l’Étudiant de la Bible avaient été détruits avec les archives de la Société. Il dit aussi qu’en raison des nouvelles ordonnances qui étaient sur le point d’être adoptées, il y aurait dans de nombreuses communautés des difficultés pour distribuer des journaux, excepté aux abonnés. Il révéla alors ce qui suit:

      En cherchant diligemment et dans la prière à connaître la volonté du Seigneur, il nous est venu à l’esprit de faire paraître un journal destiné à porter le message d’actualité; cette publication sera présentée de façon à ce que les gens la recherchent et la lisent. Nous nous sommes souvenus qu’à une certaine occasion, frère Russell avait envisagé de publier un périodique susceptible de réunir ces conditions; nous avons pensé que le moment était venu pour que celui-ci voie le jour. Le résultat, c’est que, par la providence du Seigneur, nous avons élaboré un nouveau périodique qui paraîtra sous le nom de “L’ÂGE D’OR”j.

      Depuis lors, ce périodique s’est avéré efficace et utile pour dévoiler la fausse adoration et les œuvres des ténèbres commises par les dirigeants de ce monde; il a également été une source de réconfort et d’espoir pour tous les peuples. La première édition parut le 1er octobre 1919k. Les frères accueillirent ce périodique avec un réel enthousiasme; il les stimula encore davantage dans leur désir de reprendre l’œuvre et d’activer la tâche que Dieu leur avait confiée.

      THOMAS: Puisque les clichés employés dans l’imprimerie avaient été détruits, comment pouvaient-​ils se remettre à l’ouvrage et mener leur œuvre à bonne fin?

      JEAN: Il va de soi que les frères continuaient à imprimer La Tour de Garde, et, désormais, L’Âge d’Or paraissait également. De plus, un grand nombre d’exemplaires du Mystère accompli, imprimés avant l’emprisonnement des frères, étaient également disponibles pour la diffusion. Ainsi, le 21 juin 1920, une édition du Mystère accompli, du format de La Tour de Garde, était prête à être distribuée. Cette édition, connue sous le sigle “ZG”, avait été imprimée avant que les États-Unis ne soient entrés en guerre et elle avait été stockée par les frères alors que la diffusion du livre se trouvait restreintel. En en réorganisant la diffusion, La Tour de Garde déclarait:

      En 1917, et au début de 1918, Le mystère accompli était largement répandu. La guerre servit de prétexte pour en interrompre la diffusion. (...) À présent, la guerre est finie, (...) et il n’y a ni raison ni prétexte pour empêcher que ne soit répandu de nouveau Le mystère accompli. (...)

      Il ne devrait y avoir désormais aucune objection légale à la diffusion de n’importe lequel des sept volumes. Toutefois, la Société estime qu’il est plus approprié d’employer en premier lieu l’édition du format de LA TOUR DE GARDE, qui revient moins cher, et des dispositions sont prises pour que la vente et la diffusion de cette édition commence le 21 juin prochain; les classes ont d’ailleurs été informées de cela. L’édition sera cédée pour 20 cents l’exemplairea.

      Dès lors, une tâche immense attendait les frères. Nombre d’entre eux possédaient des exemplaires de l’Étudiant de la Bible et des Nouvelles du Royaume, mais tous étaient encouragés à mettre au premier plan l’œuvre de diffusion du “ZG”.

      LOÏS: Que signifient les initiales “ZG”?

      JEAN: “Z” était le sigle utilisé à l’origine pour représenter La Tour de Garde de Sion (en angl. Zion’s Watch Tower). La lettre “G” indique le septième volume des Études des Écritures. Les ouvrages de cette série étaient successivement désignés par les sept premières lettres de l’alphabet. “ZG” représentait tout simplement le Mystère accompli ou septième volume imprimé en tant qu’édition spéciale de La Tour de Garde du 1er mars 1918b.

      Lorsque les frères se rendirent à Brooklyn en 1919, ils purent acquérir un local dans l’avenue Myrtle où ils installèrent une grande rotative d’occasion qu’ils avaient achetée. Les frères de l’imprimerie l’appelaient le “vieux cuirassé” et la Société l’utilisa pendant des années pour imprimer des millions d’exemplaires de La Tour de Garde, de L’Âge d’Or ainsi que des brochures. Plus tard, je vous en dirai plus long sur le vieux cuirassé.

      Le service de colporteur ou de pionnier fut ranimé à son tour en 1919; 150 membres étaient actifs au printemps et, en automne, 507 étaient engagés dans le service à plein temps. Le service de pèlerin reprit également, et quatre-vingt-six représentants spéciaux furent envoyés de congrégation en congrégation pour rassembler ceux qui avaient été dispersés suite à la guerre et à la persécution, et pour stimuler le nouvel enthousiasme en établissant un contact étroit avec le siège de l’organisationc. Les années de tempête et de crise avaient été surmontées avec succès, et les frères étaient dès lors en voie d’accomplir de nouveaux exploits pour la défense du vrai culte.

      [Notes]

      a a w 1919, p. 116; Consolation (angl.), 23 août 1939, p. 8

      b b w 1919, p. 23.

      c c Rapport souvenir de l’assemblée des Étudiants de la Bible (angl.), Pittsburgh, 2-5 janv. 1919, p. 37.

      d d w 1919, pp. 23, 24.

      e e National Labor Tribune, Pittsburg, 20 fév. 1919.

      f f w 1919, p. 101.

      g g w 1920, p. 162; w 1919, p. 93.

      h h w 1919, p. 194.

      i i w 1919, p. 117; Consolation (angl.), 6 sept. 1939, pp. 5, 6.

      j j w 1919, p. 98.

      k k Ibid., p. 118; w 1925, p. 71.

      l l Rutherford contre les États-Unis, 258 F. 855, 863.

      a m w 1920, p. 162.

      b n w 1919, p. 162; Consolation (angl.), 6 sept. 1939, pp. 6, 7.

      c o L’affaire de l’Association internationale des Étudiants de la Bible (angl.), p. 4.

      d p Consolation (angl.), 9 août 1939, pp. 3-6; New York Times des 21 janv. 1929 et 18 nov. 1946, p. 23, col. 3.

      e q w 1919, p. 283.

      f r Ibid., pp. 291-297.

      g s Jérémie 20:7-9 (CT).

      h t Jérémie 20:9, 10.

      i u w 1919, p. 280.

      j v Ibid. Publié tous les quinze jours. Ce journal prit le nom de “Consolation” avec l’édition du 6 octobre 1937, puis fut remplacé par Réveillez-vous!, journal bimensuel, avec l’édition du 22 août 1946.

      k w w 1919, pp. 298, 318.

      l x w 1918, p. 290.

      a y w 1920, pp. 187, 198, 199.

      b z w 1905, p. 73.

      c aa w 1919, pp. 371-373.

      [Illustration, page 89]

      1er octobre 1919, Vol. 1, no 1.

      [Illustrations, page 90]

      “ZG”.

      “LE VIEUX CUIRASSÉ”.

  • Réorganisés en vue du service actif
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 14

      Réorganisés en vue du service actif

      JEAN: Quand la libération de la Société en vue d’une extension de l’œuvre de prédication après la Première Guerre mondiale eut commencé, les frères prirent rapidement conscience qu’eux aussi avaient été tenus par de nombreux liens dans la servitude spirituelle. L’organisation ne s’était pas encore purifiée d’un nombre important de doctrines et de pratiques erronées. Celles-ci ne furent pas toutes identifiées d’un seul coup, mais, à mesure que les années passèrent, la puissance de l’emprise babylonienne qui avait tenu les frères captifs au cours de cette époque leur apparut avec clarté. La compréhension de l’époque les avait amenés à voir dans les gouvernements politiques de la terre les “autorités supérieures” que Dieu a ordonnées, selon Romains 13:1; il en avait résulté la crainte de l’homme, en particulier des pouvoirs civilsa.

      Par ailleurs, de nombreux témoins attachaient une grande importance au prétendu “développement du caractère”, car ils attribuaient à leur mérite personnel des vertus salvatricesb, et le culte de la créature était pratiqué dans une large mesure au sein de l’organisationc. De plus, on continuait de célébrer des fêtes païennes, telles que la Noëld, et même d’utiliser le symbole de la croix en signe de dévotion chrétiennee. Quant au nom de Jéhovah, bien qu’on en fît usage de temps à autre, on ne tentait rien pour le sortir de l’ombre et amener à la lumière sa véritable signification. L’organisation était encore gouvernée sur la base de la congrégation localef. En d’autres termes, c’était une époque où chacun faisait ce qui lui semblait bon, et cet ensemble de dispositions se résumait en une association mal coordonnée et privée de la direction théocratique. De 1870 à 1918, le renouvellement de la pensée avait été si remarquable dans nombre de domaines, que l’étreinte de ces tentacules corrompues que sont les pratiques et les conceptions fausses héritées des traditions païennes absorbées par la chrétienté avait échappé, pour ainsi dire sournoisement, à l’attention des frères.

      Mais dès l’année 1919 s’ouvrit une perspective nouvelle, glorieuse. Dans l’effort qu’ils déployaient pour obtenir le pardon de Jéhovah et retrouver sa faveur, qu’ils comprenaient avoir temporairement perdue, ces serviteurs voués se mirent à faire état de leurs fautes et à confesser publiquement leur erreur. Ils se repentirent de leur ligne de conduite passée, exprimèrent le désir de modifier leurs voies et demandèrent à Jéhovah de leur faire grâce. Ils reconnurent qu’en supprimant les pages 247 à 253 du livre Le mystère accompli afin de plaire à ses censeurs, ils avaient fait un compromisg. Nous en trouvons un autre dans La Tour de Garde (angl.) du 1er juin 1918.

      En accord avec la résolution adoptée par le congrès le 2 avril, et la proclamation lancée le 11 mai par le président des États-Unis, nous suggérons que partout le peuple du Seigneur fasse du 30 mai un jour consacré à la prière et aux supplicationsh.

      Les phrases qui faisaient suite à cet avis ne manifestaient pas la véritable neutralité chrétienne; et si on parlait, dans ces lignes, de l’espoir de voir Dieu répandre ses bénédictions sur l’humanité par le rétablissement de toutes choses, comme il l’a promis, il n’en est pas moins vrai que les paroles sur lesquelles finissait cet appel ont pu laisser un doute dans l’esprit d’un grand nombre d’hommes qui n’avaient pas une connaissance exacte de la nature strictement biblique de leur responsabilité. Voici ces paroles:

      Que Dieu soit loué et remercié pour la promesse qu’il a faite d’assurer à la guerre une issue victorieuse, d’anéantir l’oppression exercée par l’autocratie, de libérer les captifs (Ésaïe 61:1) et de faire du monde un lieu de sécurité pour les gens du peuple — toutes ces bénédictions étant assurées par la Parole de Dieu au peuple de ce pays et au genre humain du monde entieri!

      Enfin, le fait que les témoins prirent part à des entreprises de caractère non religieux est une indication de plus qu’ils ne comprenaient pas l’obligation qui incombe au chrétien de se dévouer à la cause exclusive de Dieuj.

      APPELÉS À AGIR COURAGEUSEMENT

      Le discours que le président de la Société prononça au congrès de septembre 1919 sur le sujet stimulant intitulé “Heureux ceux qui ne craignent pas” est une preuve concrète de leur détermination d’avancer dans une voie de droiture et d’offensive malgré l’opposition soutenue de l’adversaire. Ce discours fut publié la même année dans La Tour de Garde, dans un article en deux parties. Voici ce que dit l’un des derniers paragraphes:

      Résumant les pensées des parties I et II de ce sujet, nous trouvons que Dieu préordonna un petit troupeau qui se développa pendant l’âge de l’Évangile et auquel il lui plaît de donner le Royaume. Nous trouvons que Dieu en a développé les membres à travers l’âge de l’Évangile et particulièrement dans la période de la moisson de cet âge; qu’il les a enseignés par des figures, des types et des illustrations, aussi bien que par la Parole et que la classe à laquelle il se propose de donner ce grand et merveilleux prix est celle de ceux dont la foi et la confiance en lui sont absolues et qui sont sans crainte de l’homme ou des institutions humaines et dont l’amour est parfait. Considérant donc la situation de l’église à la lumière des Écritures et à la lumière des événements qui se sont passés durant l’année écoulée et sachant que c’est par beaucoup de tribulations que la classe du Royaume doit y entrer, que chacun de ceux qui sont maintenant dans la lice pour le prix du haut appel ceigne les reins de son entendement et soit sobre en attendant le commandement du Seigneur, le Prince de notre salut. Qu’il soit prêt en tout temps, désireux et anxieux d’obéir à ce commandement au prix de la réputation, du renom, des richesses et même de la viek.

      LOÏS: Cela nécessitait une foi réelle, n’est-​ce pas, après la période que ces témoins venaient de traverser?

      JEAN: Certes, et l’organisation qui se réveillait s’en trouva réanimée. Leur travail revêtit une signification nouvelle, et d’autres raisons leur étaient données de maintenir leur intégrité et de soutenir fermement la pure adoration. Cette époque de rafraîchissement amena un changement de condition spirituelle.

      THOMAS: Il me semble que la diffusion, après la guerre, du Mystère accompli ou “ZG”, à laquelle vous avez fait allusion, allait exiger du courage. Si j’avais subi les mêmes traitements qui furent infligés à certains témoins pour avoir distribué quelques exemplaires de ce livre, je ne suis pas sûr que j’aurais eu un désir très vif de commencer une vaste campagne avec le même ouvrage.

      JEAN: Pourtant cet effort fut couronné d’un immense succès; les frères firent preuve de courage, bien que le gouvernement ait condamné le livre publiquementl. Mais ils manifestèrent à d’autres reprises encore cette force d’âme. En 1920, la Société imprima un numéro spécial de L’Âge d’Or; il était tellement virulent que certains frères refusèrent de prendre part à sa diffusiona. Les témoins en parlaient comme du “GA No 27”, d’après le sigle du journal et le numéro de l’édition.

      Mais l’œuvre ne subit de forte opposition qu’à une échelle très limitée pendant les années 1919 à 1922. En fait, il s’avéra que cette époque d’après-guerre fut pour les serviteurs de Dieu celle du rétablissement. Jéhovah protégeait son peuple et le préparait en vue d’une campagne formidable qui devait s’ouvrir en 1922. La conclusion de l’article “Heureux ceux qui ne craignent pas” laissait prévoir cette offensive. L’avant-dernier paragraphe de cet article dit:

      Cette petite troupe de chrétiens livre la plus grande bataille de tous les temps. Il n’y en aura jamais une autre semblable! Le grand Dieu de l’univers l’a préparée et rangée; le grand Rédempteur, le Roi des rois et Seigneur des seigneurs est le Prince et le Conducteur de cette petite troupe. Nous savons qu’il est absolument certain de la victoire et à cause de cela nous savons qu’après avoir été appelés et choisis pour courir dans la lice, si nous continuons à être fidèles, sans crainte, étant mus par l’amour dans toutes nos actions, le servant loyalement en toute occasion jusqu’à la fin, nous serons victorieux avec lui et nous entendrons l’approbation du Père: “C’est bien, bon et fidèle serviteur.” Ne craignons donc pas, car “le Dieu d’éternité est notre refuge et sous ses bras paternels est une retraiteb”.

      Déjà dans ce même numéro du 15 août 1919 de La Tour de Garde (angl.), à la page suivante, paraissait un article intitulé “Occasions de servir”.

      Reconnaissant que ces perspectives de service s’offraient à eux, les serviteurs de Jéhovah réorganisèrent leurs forces pour réaliser un double plan d’action comprenant premièrement “l’annonce de la chute de Babylone, et la proclamation de jugements adverses contre cette même puissance inique”, et deuxièmement “le rétablissement de la vérité et du peuple du Seigneur, en accomplissement d’une figure prophétique: la restauration du culte au temple et la reconstruction de la ville” de Jérusalem par Esdras et Néhémie, suite à la captivité du peuple d’Israël à Babylonec. Cela signifiait qu’on s’apprêtait non seulement à effectuer un nouveau rassemblement de chrétiens dans le Seigneur pour la vie éternelle, mais aussi à identifier ceux qui persistaient dans leur refus de considérer la bonne nouvelle du Royaume comme une doctrine de salut, pour leur propre destruction.

      APPARITION DE NOUVELLES SOCIÉTÉS POLITIQUES APRÈS LA GUERRE

      Tandis que Dieu fortifiait son peuple et le rassemblait en une société vouée aux intérêts de son nouvel ordre de choses, les gouvernements du système de choses satanique renforçaient leur structure, et l’on assista au développement de nouvelles organisations politiques. Toutes, sans exception, se mirent en opposition avec les représentants du nouvel ordre de Jéhovah réunis en une société en pleine expansion.

      En janvier 1918 déjà, dans les affres de la Première Guerre mondiale, le président des États-Unis, Woodrow Wilson, avait proposé la formation de la Société des Nations. Vous vous souvenez qu’au lendemain de cet événement, le mois suivant, le président de la Société Watch Tower, parlant au nom des témoins de Jéhovah, lança ce message sensationnel: “Le monde a pris fin — Des millions d’hommes actuellement vivants peuvent ne jamais mourir”. Au début du mois suivant, les principaux responsables de l’œuvre furent arrêtés pour avoir annoncé le Royaume de Dieu comme seul et unique espoir de l’humanité. La question se posait donc aux Églises les plus importantes de la chrétienté en Amérique de savoir quel instrument ceux qui professaient le christianisme devaient choisir: le Royaume de Dieu ou la Société des Nations.

      La Première Guerre mondiale prit fin en novembre 1918 avec la victoire des puissances démocratiques alliées, mais frère Rutherford, ainsi que ses compagnons de service, étaient toujours en prison. La conférence pour la paix devait s’ouvrir en janvier 1919 à Paris. Les principales Églises américaines de la chrétienté firent connaître leur option, mais elles créèrent une confusion entre les deux termes du choix qui s’imposait, pour faire un compromis. Le 12 décembre 1918, les membres du comité exécutif du Conseil fédéral des Églises du Christ en Amérique tinrent leur assemblée annuelle et signifièrent leur adhésion au projet du président Wilson pour la formation de la Société des Nations en une Déclaration qui contient ces affirmations remarquablesd:

      La crise de la guerre qui a ébranlé la terre tout entière est passée, mais c’est maintenant une crise mondiale qui est ouverte. (...) Le temps est venu d’organiser le monde pour la vérité et le droit, pour la justice et l’humanité. À cette fin, nous recommandons instamment la création d’une Société des Nations libres lors de la prochaine conférence pour la paix. Une telle société n’est pas seulement un moyen d’action politique; elle est plutôt l’expression politique du Royaume de Dieu sur la terre. (...) Si une nouvelle terre où la justice habitera ne sort pas de la victoire, ceux qui sont morts en héros auront sacrifié leur vie pour rien. L’Église a beaucoup à prodiguer et beaucoup à gagner. Elle peut donner à cette organisation une ratification puissante en investissant ce nouvel ordre international d’une part de la gloire prophétique du Royaume de Dieu. (...) L’Église peut donner un esprit de bonne volonté, sans lequel aucune Société des Nations ne peut subsister. (...) La Société des Nations a ses fondements dans l’Évangile. Comme l’Évangile, son but est “paix sur la terre, bonne volonté envers les hommes”. L’appel qu’elle lance est comme l’Évangile: universel. (...) Nous en appelons à tous les chrétiens, à tous ceux qui croient en Dieu, et à tous les amis de l’homme, pour qu’ils travaillent et prient de toute leur âme, afin que, des cendres de la vieille civilisation, puissent s’élever les belles structures d’un monde nouveau, fondé sur l’idéal de justice, de coopération, de fraternité et d’entraide promu par le Christ.

      Une délégation spéciale qui réunissait le président du Conseil fédéral et d’autres chefs ecclésiastiques fut désignée pour transmettre cette Déclaration à la conférence de la paix à Paris, en 1919. Un document fait état de ce que cette commission d’autorités religieuses communiqua effectivement cette Déclaration à des représentants du gouvernement français à Parise.

      THOMAS: Quelles sont les autres sociétés politiques dont vous avez parlé? Le communisme est-​il de leur nombre?

      JEAN: En effet. Suite à la révolution de 1917, le communisme, ou bolchevisme comme on l’appelait alors, commença à étendre sa puissance en Russie. Mais, à la même époque, on vit apparaître un autre pouvoir dans le jeu des forces politiques. Souvenez-​vous que la restauration du culte pur dans le dernier quart du dix-neuvième siècle avait fait suite à une vague d’activité révolutionnaire au sein de l’organisation terrestre de Satan. Cependant, tout au long des quelque quarante années au cours desquelles le peuple de Jéhovah avait annoncé que la domination gentile prendrait fin en 1914, l’Empire germanique ne cessa de recevoir de nouvelles forces. Il s’en fallut de peu que l’empereur Guillaume ne parvienne à lui rendre toute son ancienne puissance, mais il perdit la guerre et fut envoyé en exil.

      L’Allemagne cependant recouvra son pouvoir au cours des années qui suivirent la guerre. En mai 1919, Adolf Hitler devint membre du parti nazi dans la ville allemande de Munich. Le mouvement nazi mit plus de temps à s’emparer du pouvoir que le fascisme italien qui, ayant pris naissance en 1919, devait, dès 1922, servir d’instrument à Benito Mussolini pour contrôler l’Italie. Tandis que la Société des Nations était présentée aux peuples comme le seul espoir de paix et qu’elle était acclamée par le clergé de la chrétienté, ce furent le nazisme et le fascisme, soutenus par la Rome papale, qui, au cours des années suivantes, allaient menacer l’existence de la société des témoins de Jéhovah dans sa croissance.

      Ces deux mouvements politiques apparus la même année se lancèrent ensemble à la conquête du pouvoir, et tandis que la société des témoins, fondée sur le culte pur de Jéhovah, s’étendait et adoucissait l’attitude des peuples envers Dieu et sa Parole, la coalition nazie-​fasciste-​catholique influença beaucoup les hommes dans la direction contraire pour les amener à s’endurcir et à manifester ouvertement de l’hostilité contre Dieu et ses véritables serviteurs. C’est également ce que fit le bolchevisme ou communisme.

      Pour préparer ses témoins à cette attaque à outrance qu’ils allaient subir sous peu, Jéhovah leur traça, de 1919 à 1922, un programme d’entraînement et de développement spirituel que l’avenir rendait indispensable.

      THOMAS: C’est donc la raison pour laquelle vous avez parlé de l’importance de cette période (1919 à 1922) à la fois pour les témoins de Jéhovah et pour leurs adversaires. Elle marquait en quelque sorte le développement de deux organisations antagonistes.

      JEAN: C’est exact, et ce fut un temps de grands changements pour les témoins de Jéhovah.

      ON COMMENCE À APPRÉCIER L’ORGANISATION THÉOCRATIQUE

      C’est en automne de l’année 1919 que l’œuvre prit un nouveau départ, avec la première édition du périodique L’Âge d’Or. La création de ce journal avait été annoncée le vendredi 5 septembre de cette même année, lors du congrès de Cedar Point, à l’issue d’un discours intitulé “Aux compagnons de travail”, que prononça le président de la Société alors en fonction, frère Rutherford.

      Le peuple de Dieu ne savait pas alors le grand rôle que ce nouvel instrument, L’Âge d’Or, allait jouer dans la mise à nu de l’alliance impure nazie-​fasciste-​catholique. Dans les années qui suivirent, nombreux et puissants furent les coups que ce journal courageux devait assener à cette coalition par le moyen d’articles et de caricatures.

      THOMAS: Vous voulez dire que l’organisation publia le même genre d’écrits que le GA No 27? La Société prit-​elle des dispositions particulières pour assurer la diffusion de ce numéro spécial?

      JEAN: Oui. On fit un gros effort pour atteindre le plus grand nombre possible de personnes. Environ quatre millions d’exemplaires furent tirés et on les distribua soit gratuitement, soit contre une contribution volontaire de dix cents. Les frères les répandirent non seulement de maison en maison, mais ils les donnèrent à leurs amis et à tous ceux dont ils faisaient occasionnellement la connaissance.

      Mais en temps normal le travail de prédication par le moyen de L’Âge d’Or s’effectuait d’une manière différente. Comme le soulignait une brochure publiée en 1919 par la Société Watch Tower,

      la diffusion de L’ÂGE D’OR s’inscrit dans le cadre de la prédication du royaume de maison en maison, et son but est de proclamer le jour de la vengeance de notre Dieu et de réconforter ceux qui se lamentent. Outre cette campagne, il faut laisser un exemplaire de L’ÂGE D’OR dans chaque foyer, que l’abonnement soit accepté ou refusé. (...) Les ouvriers d’ecclésia se procureront leurs périodiques auprès du Directeurf.

      THOMAS: Ce responsable était-​il élu par les congrégations comme c’était auparavant le cas pour les aînés?

      JEAN: Non. La Société demanda aux congrégations qui désiraient participer à cette nouvelle forme de service inaugurée en 1919 de se faire inscrire. Dès réception de ces demandes, les frères du bureau central choisirent théocratiquement, dans chacune de ces congrégations, un frère pour représenter la Société dans cette fonction, et qu’on allait appeler “directeur”. Personne ne pouvait être désigné à ce poste par voie d’élection, d’année en année, à l’échelle locale. Cela signifiait que, pour la première fois, l’autorité était enlevée aux congrégations qui s’administraient démocratiquement par l’intermédiaire des “anciens électifs”, et il était clair que la direction de l’œuvre passait sous le contrôle international de la Société. Ce contrôle était limité, bien sûr, mais c’est par cette disposition que l’organisation théocratique visible commença de fonctionner. Le directeur devait agir de concert avec le groupe des aînés élus de façon démocratique qui, pour leur part, continuaient de présider de la manière habituelle aux études de congrégation et aux conférences.

      THOMAS: J’incline à penser que cette modification n’a pas dû plaire beaucoup à certains de ces aînés.

      JEAN: Ceux qui n’avaient pas l’esprit de progressivité et qui ne voyaient pas l’œuvre à accomplir opposèrent une certaine résistance à ce renouvellement. Certains tenaient absolument à vivre comme par le passé, à en rester à l’époque du pasteur Russell où les frères le considéraient en général comme le seul canal des lumières bibliques. On a pensé jusqu’en 1927, et on disait dans les publications, que “ce serviteur” dont parle Matthieu 24:45 était Russellg. Jéhovah, cependant, allait continuer de se servir de la Société Watch Tower pendant cette période de la restauration du vrai culte, tout comme il l’avait fait pour publier des vérités bibliques aux jours de frère Russell. Les frères reçurent un avertissement leur enjoignant de ne pas accepter d’interprétations privées ou de suivre aveuglément de prétendus guides que leur position personnelle intéressait plus que l’extension de l’œuvre du Royaume de Dieu. Il leur fallait éviter de chercher à plaire aux hommesh. À cette époque donc, la Société Watch Tower arrêtait là le contrôle de sa juridiction sur les affaires principales des congrégations localesi.

      L’année suivante, la Société commença à inviter certains anciens électifs à abandonner l’idée qu’ils constituaient un “conseil de directeurs” à l’échelle de la congrégation locale et qu’ils avaient le droit de prendre des mesures indépendamment d’elle, sans qu’elle le leur accorde par vote. Le canal dirigeant de Dieu fit en cela un effort pour clarifier la position des aînés dans la congrégationj. Il lança également un appel à l’unité mondiale. On conseilla aux chrétiens de Grande-Bretagne d’utiliser les mêmes méthodes dont on se servait en Amérique pour effectuer l’œuvre du Royaumek.

      La réaction des frères devant ce nouveau programme d’activité démontra leur bonne attitude d’esprit. En 1920, on commença à insister sur la responsabilité qui incombe au chrétien de prêcher la bonne nouvelle, en demandant à tous les témoins qui prenaient part à ce travail de remettre chaque semaine un rapport de leur activité de prédication. Avant 1918, seuls les colporteurs, c’est-à-dire les pionniers, rendaient compte de leur activité. On attribua aux congrégations des territoires précis pour le travail du champ. D’après le premier rapport annuel, il y eut, en 1920, 8 052 “ouvriers d’ecclésia” et 350 pionniersl. Les statistiques de 1922 indiquent qu’en Amérique, sur 1 200 congrégations, 980 étaient déjà complètement réorganisées pour le service du champ, avec un effectif de 8 801 “ouvriers d’ecclésia”, c’est-à-dire de frères qui plaçaient des publications, livres, brochures ou périodiques, en échange d’une contribution par l’acquéreura.

      RÉORGANISATION DES FILIALES

      THOMAS: Après la guerre, comment l’accroissement de l’œuvre s’effectuait-​il en dehors des États-Unis?

      JEAN: À cette époque, le Canada cessa de soumettre les publications de la Société à la censure. Cette mesure devint réalité le 1er janvier 1920, et elle permit aux étudiants de la Bible de se lancer aux côtés de leurs frères américains dans une campagne énergique pour l’extension de la pure adoration dans leur territoireb. Par ailleurs, les bureaux de la filiale furent transférés à Torontoc.

      Le 12 août 1920, frère Rutherford et un petit groupe de ses collaborateurs quittèrent New York par bateau à destination de l’Europe, où une série d’assemblées devaient avoir lieu à Londres, à Glasgow et dans d’autres villes de Grande-Bretagne qui manifestaient beaucoup d’intérêt pour le message. Puis frère Rutherford, accompagné de quelques frères, alla jusqu’en Égypte et en Palestine. Il rendit visite à d’autres filiales encore et à des groupes d’étudiants de la Bible, fortifiant l’œuvre dans tous ces territoiresd. Pendant ces assemblées, ainsi qu’aux congrès tenus plus tard en Amérique, il fut démontré à l’auditoire, par le moyen des Écritures, qu’une œuvre nouvelle commençait et qu’une campagne aux dimensions plus grandes encore était en cours.

      À l’issue de ce voyage d’inspection, le président de la Société écrivit dans son rapport annuel:

      La Première Guerre mondiale a gêné dans une très large mesure la libre coopération entre le Béthel de Brooklyn et les bureaux des différentes filiales dans le monde; et la grande persécution de 1918 en Amérique a interrompu presque tous ces contacts. Nous avons cependant le plaisir d’annoncer que, depuis lors, cette unité d’action et d’esprit qui était nôtre est à présent rétablie, et que l’œuvre dans les territoires étrangers progresse à la gloire du Seigneur et pour l’édification de son peuple. Aucun représentant du bureau central n’avait pu rendre visite aux filiales d’Europe de 1914 à la présente année, quand, pour répondre à la demande expresse des frères de l’étranger et sur l’avis du comité des directeurs, le président de la Société se rendit en Europe. (...)

      La guerre mondiale a largement désorganisé l’œuvre en Europe centrale; mais nous sommes heureux de pouvoir dire que maintenant elle avance à grands pas. La visite du président de la Société a été mise à profit pour réorganiser le travail sur une base plus efficace. Suite aux conversations qu’il a eues avec des frères de quelques-uns de ces pays, nous avons pensé que la création d’un bureau central européen était la mesure la plus favorable aux intérêts de l’œuvre dans cette partie du monde, et la décision a donc été appliquée. Ce bureau s’appellera le Bureau Central Européen de la Société Watch Tower. Ce siège se trouve pour le moment à Zurich, en Suisse; mais nous attendons son prochain transfert à Berne. Ce bureau supervisera l’œuvre en Suisse, en France, en Belgique, en Hollande, en Allemagne, en Autriche, et en Italie. (...)

      Certains frères, qui se sont voués complètement au service de la vérité, ont mis sur pied une imprimerie en Suisse et l’ont entièrement équipée de bonnes presses et de séries de caractères en de nombreux idiomes; la Société se trouve là en possession d’un avantage rare pour éditer ses publications dans les langues parlées en Europe. La filiale de Suisse prépare en ce moment l’impression d’un certain nombre d’ouvrages pour ces pays. D’autre part, pendant la récente visite du président en Europe, des livres ont été commandés pour la Grande-Bretagne, les pays scandinaves et la Suisse, et nous avons à l’heure actuelle 550 000 exemplaires du livre “Des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais”, qui sont déjà prêts ou en voie de l’êtree.

      Frère Rutherford révéla également dans ce rapport que l’œuvre progressait en Syrie et que la Société faisait des projets pour envoyer des témoins dans la vallée du Nil pour prêcher aux chrétiens de langue arabe. Il mentionna également la création d’une filiale en Palestine, à Ramallah, localité d’où l’on aperçoit Jérusalemf.

      L’accroissement se poursuivit en 1921. Le rapport annuel faisait état de l’existence de dix-huit filiales, dont le bureau central pour l’Europe qui desservait sept pays. Ces filiales s’étendaient en étoile à partir de l’Europe jusqu’aux confins du monde: l’Afrique du Sud, l’Inde, l’Australie, la Corée, le Canada, l’Amérique du Sud. Pour s’occuper de l’œuvre en Amérique du Sud, la Société avait installé ses bureaux sur l’île de la Trinité. Elle avait également organisé douze filiales dites domestiques aux États-Unis, pour s’occuper des minorités nationales dans leur langue d’origineg.

      Voici un fait intéressant qui nous vient de Pologne:

      L’œuvre progresse et se développe rapidement. Les “ecclésias” se fortifient et le nombre des frères augmente régulièrement. À Varsovie, chaque dimanche matin, environ 700 personnes sont présentes à la réunion. Récemment un des frères polonais a été arrêté à Cracovie parce qu’il prêchait la vérité. Entre autres choses, il fut accusé de calomnie contre le pape. Il s’est défendu lui-​même devant la cour, sur la base de la Bible, et le juge l’a acquitté en déclarant de la tribune que sa défense avait été complète et que les Écritures l’autorisaient à dire les choses qu’il avait dites. Cet événement a augmenté l’intérêt de la population pour la vérité, et a amené les gens à chercher le pourquoi de cette persécutionh.

      DE NOUVEAUX LIVRES, UNE NOUVELLE ŒUVRE DE PRÉDICATION

      Tout cet accroissement signifiait un surcroît de travail pour les frères du bureau central de Brooklyn. De plus, la Société avait décidé d’imprimer elle-​même, pour la première fois, une partie de ses ouvrages. Le Tabernacle de Brooklyn ayant été vendu lors de l’incarcération des frères, on choisit un terrain industriel dans l’avenue Myrtle à Brooklyn, pour y établir une imprimerie. D’autre part, le nombre des membres de la famille du Béthel fut porté à 107, en vue de la publication à des millions d’exemplaires du numéro spécial de L’Âge d’Or (angl.) du 29 septembre 1920, qui correspondait au numéro 27.

      Ainsi un pas en avant fut réalisé au début de 1920 quand, pour la première fois, La Tour de Garde sortit des presses de la Société. C’était le numéro du 1er février 1920. Puis ce fut le tour de L’Âge d’Or, avec le numéro du 14 avrili. Cette année-​là, la Société tira plus de 4 000 000 d’exemplaires de L’Âge d’Or qui nécessitèrent assez de papier pour remplir trente-huit wagonsj. Mais ce n’est là qu’une partie de ce que la Société imprima en cette seule année. L’expansion était rapide. En 1922, il fallut un plus grand local pour l’imprimerie, qui fut transférée dans un bâtiment de cinq étages, au 18 Concord Street, toujours à Brooklyn. C’est de ce local que la Société sortit pour la première fois ses livres reliés. Mais aux alentours de 1926, cet immeuble était de nouveau trop petit. Cette fois la Société décida de construire ses locaux en fonction de ses besoins. On acheta un terrain, et un grand édifice moderne de sept étages fut érigé au 117 Adams Street, à Brooklyn, à dix minutes de marche du Béthelk, lequel fut également reconstruit et agrandi à la même époquel. Mais je ne veux pas empiéter sur mon histoire. Je vous raconterai cela plus en détail par la suite.

      LOÏS: Les frères ont-​ils continué de se servir des livres du pasteur Russell?

      JEAN: Après que les frères eurent largement distribué le septième volume, on continua de les encourager à utiliser les Études des Écritures. Cette diffusion s’effectua dès lors dans le cadre d’une nouvelle phase de l’œuvre dite la “Campagne des Millions”. Elle consistait en une série de conférences publiques qui avait débuté le 25 septembre 1920, et avait pour but d’attirer l’attention de millions de personnes. Elle avait pour thème principal le discours publié vers la fin de 1920 dans le livre Des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais, conférence que frère Rutherford avait prononcée pour la première fois le 24 février 1918, en Californie, et qui avait produit des résultats si sensationnelsa. L’ouvrage en question fut également traduit et publié en danois et norvégien, en finnois, en suédois, en français, en allemand, en néerlandais, en yiddish, en grec, en arabe, en russe, en polonais, en malayalam et en birman. Cette campagne fit une forte impression, comme en témoigne ce fait cité dans le rapport annuel de 1920. Nous lisons:

      Au cours de quatre réunions publiques présidées par frère Rutherford dans une petite partie de l’Europe, 5 050 exemplaires de ce livre ont été vendus. Cela nous donne une idée de l’avidité avec laquelle les gens cherchent la vérité. Jamais un tel intérêt n’a été manifesté jusqu’alors en Allemagne. De grandes foules viennent à la vérité; et si l’opposition monte, la vérité aussi se lèveb.

      Cette campagne dura deux ans. Tandis qu’on répandait le livre Millions qui avait 128 pages, on fit également usage dans toutes les villes importantes de grands panneaux publicitaires et de banderoles sur lesquels on lisait: “Des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais”. On utilisa aussi la publicité dans les journaux. La campagne fut si étendue que ce slogan devint presque un dicton, et que beaucoup de gens s’en souviennent encore aujourd’hui.

      Les méthodes de prédication étaient légèrement différentes de celles de “l’œuvre pastorale” de l’époque précédente, en ce qu’au lieu de prêter les livres aux gens, on les leur plaçait en échange d’une contribution, afin de les inciter à les lire et à s’intéresser ensuite aux Études des Écritures.

      En 1921, cependant, il sembla que le moment était venu de produire un nouveau livre, ce qui fut fait. Le 1er décembre 1921, on commença à expédier des cartons renfermant un guide biblique écrit par J. F. Rutherford, La Harpe de Dieu, qui devint un manuel d’étude extrêmement populaire et qui aida pendant nombre d’années les personnes bien disposées à acquérir la connaissance des desseins de Dieu. La Tour de Garde lança à ses lecteurs l’invitation de lire cet ouvrage dès qu’il paraîtrait, disant:

      “La Harpe de Dieu” en est le titre; ce livre expose d’une manière méthodique l’essentiel de l’ensemble des desseins de Dieu, dans les chapitres suivants: La Création, La Justice manifestée, La Promesse abrahamique, La Naissance de Jésus, La Rançon, La Résurrection, Le Mystère révélé, Le Retour de notre Seigneur, La Glorification de l’Église, Le Rétablissement; ce sont là en quelque sorte dix cordes de la Harpe de Dieu, la Bible.

      Ce livre n’est pas destiné essentiellement aux enfants, mais c’est un manuel pour débutants. Chaque chapitre est suivi de questions, ce qui facilite l’étude de l’ouvrage et la rend utile, que le lecteur soit jeune ou âgé. Ces centaines de questions récapitulatives offrent un moyen commode d’étudier soit individuellement, soit en groupe. “La Harpe de Dieu” compte onze chapitres, trois cent quatre-vingt-quatre pages, six cent vingt-quatre paragraphes, et plus de sept cents citations des Écrituresc.

      En fait, on avait écrit ce livre dans le but d’en faire un manuel d’étude biblique, et en plus des questions qu’on y avait insérées, on offrait aux gens un cours complet d’instruction par correspondance contre une contribution couvrant seulement les frais d’impression et d’envoi par la poste. Cette offre parut d’abord dans le numéro du 4 janvier 1922 de L’Âge d’Or, tandis qu’une nouvelle édition de “La Harpe de Dieu” sortait de presse.

      L’occasion est maintenant offerte à tous ceux qui désirent étudier la Bible d’une manière systématique de le faire grâce à ce cours rapide mais cependant complet. Cette étude par correspondance se fait à l’aide d’un manuel de 384 pages intitulé “La Harpe de Dieu”, dont ce journal a annoncé récemment la parution.

      Chacun de ses onze chapitres est suivi d’une longue liste de questions (il y en a souvent plusieurs pour un seul paragraphe) conçues de manière à permettre même au lecteur le plus humble, non seulement de saisir la pensée, mais aussi d’en comprendre l’importance et de la retenir.

      Le bureau central de l’Association des Étudiants de la Bible enverra à chaque acquéreur de “La Harpe de Dieu”, à intervalles réguliers, un total de douze questionnaires, et ceci afin de l’aider et de l’encourager dans son étude.

      Cette édition a été réalisée à partir des mêmes clichés que ceux de l’édition de luxe précédemment annoncée. La seule différence qu’on y remarque, c’est que les marges sont moins larges et le papier plus fin, de sorte que le livre est facilement transportable soit dans la poche, soit dans un sac à main, ce qui permet au lecteur de tirer profit des minutes passées à voyager en train ou en autobus. Le livre est bien relié et sa couverture est en toile.

      Le prix du volume a été fixé à 68 cents pour ceux qui le commandent par la poste, et il comporte douze leçons. Cette étude par correspondance est du plus grand intérêt pour les enseignants de l’École du dimanche, pour les conducteurs de classes bibliques, et pour tous les étudiants de la Bibled.

      Les congrégations locales ou classes d’étude s’occupaient, elles aussi, d’envoyer des questionnaires. Les frères qui prêchaient de porte en porte offraient aux personnes à la fois le livre et le cours, et, chaque semaine, ils postaient les listes individuelles de questions. Une congrégation moyenne pouvait placer de 400 à 500 questionnaires par semaine dans ce service. On utilisa cette méthode pendant un certain nombre d’années.

      La Harpe de Dieu devint un ouvrage très populaire. C’est la première fois qu’on faisait quelque chose de nouveau depuis les Études des Écritures en sept volumes. Au fil des années on ajouta d’autres manuels à cette série de livres: Délivrance, en 1926, Création, en 1927, Réconciliation et Gouvernement en 1928. En 1927, la Société commença à publier le Yearbook (Annuaire) et elle a continué jusqu’à ce jour. Maintenant que la Société était en mesure de le faire, elle imprimait elle-​même ses livres; ainsi, au lieu de les offrir pour 50 ou 75 cents l’exemplaire, elle pouvait abaisser le prix jusqu’à 25 cents. Ce dernier prix fut en vigueur pendant de nombreuses années. Ce fut en 1919 que la Société décida de faire une réimpression complète de toutes les Tours de Garde publiées depuis quarante ans, de juillet 1879 au 15 juin 1919. Chaque collection représentait une série de sept volumes; ainsi la possibilité était offerte aux nouveaux frères de se procurer cette précieuse documentation pour une somme équivalant au tiers du prix initial de l’abonnemente.

      SUIVONS LES PROGRÈS DE LA LUMIÈRE CROISSANTE

      THOMAS: Vous avez mentionné le fait que certains pensaient que le pasteur Russell ne pouvait avoir de successeur, et que quelques-uns se sont opposés à la publication du Mystère accompli. Quel fut leur sentiment quand le juge Rutherford écrivit cette série de nouveaux livres?

      JEAN: Seul un petit nombre trouva à redire à cela. Cependant, la grande majorité des frères comprirent que ce flot de nouvelles publications arrivait au moment opportun, et ils en reconnurent la grande valeur. Malgré tout, il y a toujours certains chrétiens qui, comme nous l’avons dit, veulent vivre comme par le passé et manquent de maintenir cet esprit de progressivité qu’il faut posséder pour suivre la lumière de la vérité qui s’accroît au temps présent. L’œuvre de Jéhovah avance continuellement, et dans ces années de formation de 1919 à 1922, les frères avaient été préparés en vue d’une activité qui allait exiger d’eux toute la force spirituelle qu’ils seraient susceptibles d’acquérir. Cela signifiait qu’ils recevaient une nourriture spirituelle nouvelle, adaptée aux temps dans lesquels ils se trouvaient aussi bien qu’au besoin du public.

      Même frère Russell avait reconnu la réalité d’une telle nécessité. Prenez note de ce qu’il déclare dans La Tour de Garde (angl.) du 15 juillet 1906:

      Certains de ceux qui possèdent un exemplaire du livre Les Trois Mondes ou l’ancienne édition de L’Aurore du Jour voudraient peut-être savoir ce que je pense à présent de ces ouvrages — c’est-à-dire si je pense que ce sont là des livres qu’on peut encore prêter à ceux qui cherchent la vérité. À ceci je réponds: Certainement pas; la raison en est que les points de vue que ces écrits contiennent sur la vérité de Dieu sont dépourvus de maturité, et sont très inférieurs à la vision que nous avons à présent de son merveilleux dessein. (...) Le Seigneur m’a montré qu’il y a une grande responsabilité à assumer le rôle d’enseignant, et à faire circuler ne fût-​ce qu’un livre ou un écrit. Je ne recommande même plus l’étude de l’ouvrage Nourriture pour chrétiens réfléchis (que l’on ne réimprime plus) pour la raison que ce livre est moins systématique et par conséquent moins clair que nos publications ultérieuresf.

      Ainsi, bien que la Société n’ait jamais changé de point de vue sur les vérités fondamentales, nous avons assisté à la réalisation de la prophétie selon laquelle l’éclat de la lumière spirituelle deviendrait de plus en plus vif jusqu’à ce que le jour parfait soit établig. Ceux qui ont marché de pair avec elle ont continué de recevoir journellement de nouvelles forces pour réaliser cette œuvre de progrès qu’est la prédication de cette bonne nouvelle du Royaume.

      Après avoir appliqué le verset de Matthieu 24:14 à la prédication de l’évangile du Royaume à l’échelle mondiale, La Tour de Garde (angl.) de janvier 1921, dans son article de fond intitulé “L’Évangile du Royaume”, met en évidence la vérité suivante:

      Remarquons qu’il ne dit pas que l’évangile qui sera alors prêché sera le même que celui qui a été prêché aux humbles pendant tout l’âge de l’Évangile. De quel évangile voulait-​il donc parler? Le mot évangile signifie bonne nouvelle. Dans ce texte, la bonne nouvelle dont il est question est celle de la fin de l’ancien ordre de choses et de l’instauration du royaume du Messie. (...)

      Il est bon d’observer que, dans l’ordre indiqué, ce message doit être annoncé pendant l’intervalle compris entre la grande guerre mondiale et la “grande tribulation” mentionnée par le Maître dans Matthieu 24:21, 22. (...) Le moment semble donc opportun pour déclarer cette bonne nouvelle au loin comme dans la chrétienté.

      C’est par ce stimulant appel à l’action qui figurait sous le titre “Tous à l’œuvre” que s’ouvrit la “Campagne des Millions” qui, au cours des années préparatoires de 1919 à 1922, allait avoir des résultats sensationnels. Non seulement la nouvelle nourriture spirituelle affermissait les frères dans l’adoration pure à présent rétablie, mais elle les aidait à accomplir énergiquement cette tâche sérieuse qu’est le témoignage du Royaume. Ces mesures préliminaires ont fortifié les frères et les ont équipés pour la campagne qui devait commencer en 1922, et qui allait revêtir une grande significationh.

      [Notes]

      a a Études des Écritures, tome I (1886) (édition française de 1904), p. 278.

      b b w 1916, pp. 155-157; wF juil. 1926, pp. 151-155.

      c c w 1916, pp. 356-370.

      d d w 1919, p. 31; w 1946, p. 361.

      e e w 1906, p. 274; wF déc. 1919, p. 22.

      f f w 1913, p. 381.

      g g w 1918, p. 77.

      h h w 1918, p. 174.

      i i Ibid. Voir aussi w 1918, p. 78.

      j j w 1900, p. 64; w 1911, p. 178; w 1920, p. 226.

      k k wF mai 1920, p. 84.

      l l w 1920, p. 244.

      a m Ibid., p. 374.

      b n wF mai 1920, p. 84.

      c o w 1922, p. 270.

      d p Voyez le Bulletin du Conseil fédéral (angl.), tome II, No 1, et celui de janv. 1919, pp. 12-14.

      e q Voir le rapport annuel (angl.) du Conseil fédéral des Églises du Christ en Amérique pour l’année civile 1919, p. 11.

      f r To Whom the Work Is Entrusted (1919, brochure de la Société Watch Tower).

      g s wF juin 1927, pp. 134, 135.

      h t wF juil. 1920, p. 109.

      i u wF juin 1920, p. 100.

      j v wF fév. 1922, p. 59; wF nov. 1922, p. 22.

      k w w 1921, p. 343.

      l x w 1920, p. 372.

      a y w 1922, p. 389.

      b z w 1920, p. 36.

      c aa Ibid., p. 374.

      d bb Ibid., pp. 242, 307-311.

      e cc w 1920, pp. 373, 375.

      f dd Ibid., pp. 375, 376.

      g ee w 1921, pp. 372-379.

      h ff Ibid., p. 377.

      i gg L’Âge d’Or (angl.) du 14 avril 1920, couverture, à comparer avec la couverture de l’édition du 31 mars 1920.

      j hh w 1920, p. 371; w 1921, p. 371.

      k ii w 1922, p. 98; Annuaire (angl.) 1928, p. 42; Le Messager (angl.), 12 août 1946, p. 15.

      l jj Annuaire (angl.) 1928, pp. 25-28, 37-44.

      a kk w 1920, pp. 127, 258.

      b ll w 1920, pp. 375, 376.

      c mm w 1921, p. 351.

      d nn L’Âge d’Or (angl.), 4 janv. 1922, dernière page.

      e oo w 1919, p. 258.

      f pp w 1906, p. 236.

      g qq Proverbes 4:18.

      h rr wF janv. 1921, pp. 38, 39; wF 1947, p. 27.

      [Illustration, page 98]

      L’IMPRIMERIE AU 18 CONCORD STREET EN 1922.

      [Illustration, page 99]

      LES PREMIERS LIVRES DE RUTHERFORD.

  • Proclamation du courroux de Jéhovah contre les dirigeants
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 15

      Proclamation du courroux de Jéhovah contre les dirigeants

      LOÏS: Jean, vous deviez nous parler ce soir de cette énergique campagne ouverte en 1922. Je voudrais vous demander si elle offrait quelque similitude avec la “Campagne des Millions” ou la diffusion du “ZG”.

      JEAN: Non, elle a principalement gravité autour d’un ensemble de sept assemblées internationales, bien que d’autres formes de l’activité théocratique accomplies pendant cette période lui ajoutent importance et intérêt. Pendant sept ans, c’est-à-dire de 1922 à 1928, l’annonce du Royaume alla de l’avant et on assista à l’énoncé des décisions judiciaires de Dieua. Du 5 au 13 septembre 1922, un congrès international eut lieu de nouveau à Cedar Point, dans l’Ohio. Pour la seconde fois également, la force agissante de Jéhovah qui animait son peuple organisé lui conféra autorité et puissance pour accomplir sa tâche, lourde de responsabilitéb.

      L’assemblée se déroula dès le premier jour dans une atmosphère d’expectative, et l’on attendait fiévreusement la session prévue pour le vendredi, dont on avait dit à l’avance que ce serait “le Jour”, et cela à juste titre. Pour susciter encore plus l’intérêt, on avait disposé autour des pelouses des enseignes frappées des lettres “A D V”, et tout le monde essayait d’en deviner la signification.

      Ce fut réellement un festin d’abondantes vérités nouvelles et stimulantes qui fut offert au peuple de Jéhovah en cette occasion. Dans le but de mettre ce thème en relief, frère Rutherford prononça un discours historique sur “Le Royaume”. Il déclara:

      Pourquoi le Roi est-​il venu? Pour établir son royaume [celui de Dieu] et prendre son règne. Mais il avait une œuvre à faire avant de commencer son règne, une œuvre de préparation. Puisque les membres de son corps doivent lui être associés dans son règne, ils doivent être rassemblés et préparés pour le commencement de ce règne. (...)

      Le Seigneur savait naturellement d’avance que Satan ne céderait pas pacifiquement les royaumes de la terre. Il savait qu’il surviendrait un grand conflit et il dut par conséquent se préparer à ce conflit. (...) Les temps des nations se terminèrent (...) [en] 1914 et immédiatement après éclata la guerre mondiale; depuis ce jour-​là, l’angoisse régna sur la terre et la détresse parmi les nations. Ce fut un temps de ténèbres, d’obscurité et de souffrance croissantes. Les faits physiques montrent donc clairement que le jour de préparation date de 1874 et que (...) le jour de préparation prit fin en 1914 et qu’en 1918 environ le Seigneur vint dans son temple. L’arrivée au temple eut pour but le jugement, parce que le jugement doit commencer par la maison de Dieu (I Pierre 4:17). Le jugement devait s’opérer sur la vraie Église et sur le système nominal. (...)

      Avant l’année 1878, l’église nominale s’était puissamment développée sur la terre. En 1878 la faveur de Dieu se retira des systèmes nominaux. À partir de cette époque frère Russell et ceux qui s’étaient placés de son côté allèrent à travers le pays, (...) s’efforçant de ramener les cœurs de la chrétienté à une foi simple envers Dieu. L’église nominale n’y prêta point attention. En 1914, ces systèmes se vantaient de leur pouvoir et influence, disant: “Nous sommes riches et n’avons besoin de rien.” Lors de la déclaration de la guerre mondiale, la chrétienté nominale éleva sa voix en faveur de la guerre. (...)

      Le grand ouragan de la guerre mondiale s’apaisa, le combat cessa pour un temps et les nations s’assemblèrent aux fins d’empêcher un autre déchaînement. La chrétienté nominale, ses nobles, ses ministres, ses hommes puissants, ne désirent-​ils pas tirer maintenant une leçon de la guerre et considérer quelles en furent les suites à la lumière de la prophétie accomplie qui montre que le Seigneur est présent et que son royaume est proche? Ils manquèrent d’en tirer une leçon. — Ils étaient enivrés du pouvoir et des richesses acquises durant la guerre. (...)

      En janvier 1919, avant que la Société des nations ne fût définitivement instituée, le conseil fédéral publia effrontément l’énoncé blasphématoire suivant: (...)c.

      Le juge Rutherford cita alors la déclaration que nous avons lue dans le chapitre précédent, dans laquelle ces ecclésiastiques avaient salué la Société des Nations comme “l’expression politique du Royaume de Dieu sur la terred”. Il poursuivit:

      Ainsi ils nient la venue du Seigneur et de son royaume pour bénir l’humanité, et se joignent ouvertement aux plans du diable, essayant ensuite d’une façon blasphématoire d’offrir cela au Seigneur. (...)

      Qui ira pour le Seigneur Jésus et Jéhovah? Qui maintenant, ayant ses lèvres purifiées, portera volontairement le message? (...)

      Le prophète de l’Éternel répond: “Qu’on fasse sortir le peuple aveugle, qui a des yeux, et les sourds, qui ont des oreilles. Que toutes les nations se rassemblent, et que les peuples se réunissent. Qui d’entre eux a annoncé ces choses? Lesquels nous ont fait entendre les premières prédictions? Qu’ils produisent leurs témoins et établissent leur droit; qu’on écoute et qu’on dise: C’est vrai! Vous êtes mes témoins, dit l’Éternel [Jéhovah], vous, et mon serviteur que j’ai choisi, afin que vous le sachiez, que vous me croyiez et compreniez que c’est moi. Avant moi il n’a point été formé de Dieu et après moi il n’y en aura point. C’est moi, moi qui suis l’Éternel, et hors de moi il n’y a point de sauveur. C’est moi qui ai annoncé, sauvé, prédit, ce n’est point parmi vous un dieu étranger; vous êtes mes témoins, dit l’Éternel [Jéhovah], c’est moi qui suis Dieu.” — Ésaïe 43:8-12.

      Ainsi nous voyons que les membres de la classe du temple sont clairement désignés comme étant les témoins du Seigneur dans ce temps, pour apporter un message de consolation au peuple, pour lui annoncer que le royaume des cieux est là et que des millions actuellement vivants ne mourront jamais. Nous voyons que Dieu désire que son nom soit loué; que les peuples connaissent qu’il est l’Éternel; que Dieu se propose d’avoir sur la terre, dans ce temps de détresse, un peuple, séparé et distinct de tous les autres, comme ses témoins qui proclament hardiment le message: “Le royaume des cieux est proche!” (...)

      Le croyez-​vous? Croyez-​vous que le Roi de gloire est présent et qu’il l’est depuis 1874? Croyez-​vous que durant ce temps il a conduit son œuvre de moisson et qu’il a eu un serviteur fidèle et prudent par le moyen duquel il la dirigeait et procurait la nourriture à la maison de la foi? Croyez-​vous que le Seigneur est maintenant dans son temple, jugeant les nations de la terre? Croyez-​vous que le Roi de gloire a commencé son règne?

      S’il en est ainsi, retournez au champ, ô vous, fils du Dieu très-haut! Revêtez votre armure! Soyez sobres, vigilants, actifs, vaillants! Soyez de fidèles et véritables témoins du Seigneur. Marchez de l’avant dans le combat jusqu’à ce que Babylone soit devenue un désert. Répandez le message en tous lieux. Le monde doit connaître que Jéhovah est Dieu et que Jésus-Christ est le Roi des rois et Seigneur des seigneurs. Ceci est le jour de tous les jours. Voici, le Roi règne! Vous êtes ses hérauts. C’est pourquoi: Annoncez, annoncez, annoncez le Roi et son royaumee!

      THOMAS: Je suppose que les lettres “A D V” inscrites sur les enseignes, dont vous avez parlé, étaient l’abréviation de la forme verbale anglaise “advertise” qui veut dire “annoncez”.

      JEAN: C’est exact. Une autre chose encore suscita l’intérêt de l’auditoire et aida les frères à fixer leur esprit sur l’importance du message: ce fut une grande banderole de onze mètres de long en trois couleurs. Elle avait été réalisée par l’artiste qui était au service de la Société. On l’avait suspendue au-dessus du podium où se trouvait l’orateur, et on l’avait roulée de telle façon qu’il serait impossible de la lire avant le “moment psychologique”. Quand frère Rutherford parvint à la conclusion de son puissant discours invitant ses auditeurs à annoncer le Royaume, on coupa les attaches qui retenaient la banderole, et elle se déploya, révélant son message à l’auditoire: “Annoncez le Roi et le Royaume!” Au centre de cette banderole figurait un grand portrait de Jésus.

      LOÏS: Cela a sûrement dû être un moment saisissant, et je m’aperçois que le juge Rutherford a parlé avec insistance et à plusieurs reprises sur la nécessité d’être des témoins pour le Seigneur.

      JEAN: Mais l’assemblée devait encore atteindre un point culminant le dimanche. À la fin de la conférence publique, une résolution fut adoptée avec enthousiasme par un auditoire de 18 000 personnes. Par la suite, 35 millions d’exemplaires de ce cinglant réquisitoire furent imprimés et distribués dans toute la chrétientéf. Voici quelques-unes de ses déclarations essentielles:

      Les Étudiants internationaux de la Bible, réunis en assemblée générale, considèrent comme un devoir et un privilège d’adresser le présent message aux nations de la terre (...). Nous appuyant sur la Parole de Dieu et sur son plan providentiel en faveur de l’humanité par le Christ Jésus, nous, ses témoins, acceptons et certifions ce qui suit: (...)

      4. Que Satan, qui depuis longtemps a été le dieu de ce monde, a dupé les hommes d’État, les financiers et le clergé en les amenant à croire que, par la fondation d’organismes internationaux et d’autres combinaisons similaires, ils parviendraient à satisfaire les aspirations de toutes les nations;

      5. Que toute l’organisation actuelle du monde forme la partie visible de l’empire de Satan et que cet empire doit maintenant tomber devant le Roi de gloire qui s’est mis en marche;

      6. Que toutes les conférences internationales, tous les accords, y compris l’alliance de la Société des Nations et toutes les autres conventions de cet ordre, doivent aboutir à un échec, parce que Dieu l’a décrété;

      7. Que tous les efforts tentés par les Églises, leurs clergés, leurs dirigeants et leurs alliés, en vue de sauver, de rétablir l’ordre de choses sur la terre, et d’amener la paix et la prospérité, sont voués à un échec inévitable, pour la raison qu’ils ne représentent en rien le royaume du Messie (...).

      Suivaient d’autres paragraphes qui exposaient la déloyauté que le clergé avait manifestée en participant à la guerre et en répudiant le Royaume de Dieu par l’annonce effrontée qu’il avait faite au monde, selon laquelle la Société des Nations était ce Royaume ou son expression politiqueg.

      Ces vérités froides, dures, fondées sans détour sur la Parole de Dieu et sur les faits qui pour tous étaient évidents, furent comme une colère destructrice venue de Dieu, provoquant la mort spirituelle du monde de Satan tout entier. Ces vérités montraient que les membres de la classe d’hommes qui dirige la terre sur les plans religieux, politique et commercial, ainsi que toutes les personnalités les plus en vue dans ce système de choses et les espérances récemment conçues qu’ils présentaient au monde, étaient à présent dans un état de désolation et comme entièrement consumés par le feu. Elles portaient l’attention des hommes sur la lèpre spirituelle qui, graduellement, a tué le clergé de la chrétienté depuis le jour où il a adopté la Société des Nations en 1919, et sur le fait que tous ceux qui soutiennent ces dirigeants auront part au malaise mental et spirituel auquel le monde serait désormais soumis.

      LES SERVITEURS DE JÉHOVAH RÉPONDENT À L’APPEL DU ROYAUME

      THOMAS: Ce discours a dû réellement stimuler l’œuvre de prédication.

      JEAN: Bien entendu. D’ailleurs, lors de cette assemblée, on avait réservé une journée pour la proclamation de la bonne nouvelle, et le rapport indique que de nombreux groupes de témoins saisirent cette occasion de magnifier le nom de Jéhovah et de faire connaître son dessein.

      En octobre 1922, la Société imprima des sermons sous forme de cartes de témoignage, comme on les appela au début, et cette disposition facilita le travail des frères qui passaient de maison en maison pour offrir des publications bibliques. Le “Bulletin”, ou feuille d’instructions relatives au service, qui commença à paraître mensuellement après le mois d’octobre 1922, encourageait tous les frères, en leur qualité de “vaillants guerriers”, à apprendre ces témoignages par cœur, afin d’unifier dans le monde entier le message du Royaume. En 1922, il devint nécessaire de transférer l’imprimerie de la Société au 18 Concord Streeth. La Société fut alors en mesure de faire face à une demande de publications sans cesse croissante, grâce aux quatre étages qu’elle occupait dans ce bâtiment qui en comptait cinq, plus un rez-de-chaussée. Mais les années passant, elle utilisa les deux autres et transforma le local de l’avenue Myrtle en entrepôt pour les publications et le papier. C’est en 1922 également que, pour la première fois, l’on organisa dans les congrégations des études en groupe de La Tour de Garde, et que l’on imprima à la fin des articles des listes de questions pour aider les frères à en faire l’analysei.

      Puis, en 1923, on réalisa de nouveaux progrès dans l’œuvre. À partir du 1er mai, on commença à réserver le premier mardi de chaque mois comme “jour de service”, afin de permettre aux “ouvriers d’ecclésia” d’aller dans le champ sous la conduite du directeur local nommé par la Société. À l’époque on appelait cela “vendre de la littératurej”. Toujours en 1923, la Société commença à réserver plusieurs dimanches de l’année pour rendre ces jours-​là un “témoignage universel”, et ceci afin d’encourager les frères du monde entier, en tenant simultanément des réunions publiques, à conjuguer leurs efforts. Tous furent invités à faire de la publicité pour la conférence intitulée “Des millions de personnes actuellement vivantes ne mourront jamaisk”. Pour servir de stimulant à cette œuvre, et pour donner plus de courage encore aux frères, des dispositions furent prises, à partir de ce moment-​là, pour que l’on consacre la moitié du programme des réunions de prières, organisées dans les congrégations chaque mercredi soir, à la relation de rapports de prédication.

      LE DEUXIÈME MESSAGE ÉTABLIT UNE DIVISION

      Par l’intermédiaire de son organisation, Jéhovah avait donc fait maintenant une déclaration nette sur ce à quoi les hommes des nations pouvaient s’attendre. À partir de cette année-​là, et dès que ce retentissant défi eut été lancé aux peuples de la terre, la culpabilité des chefs politiques allait devenir de plus en plus grande. Mais les témoins de Jéhovah ne comptaient pas sur ces faux bâtisseurs du monde pour établir la paix. Ils savaient que les dirigeants n’accepteraient pas la voie de Jéhovah. Aussi regardèrent-​ils vers leur Roi, Jésus-Christ, et continuèrent-​ils de suivre ses directives pour accomplir leur double mission: prononcer les jugements de Dieu et édifier en ayant l’avenir en vue.

      L’été 1923, la condamnation de Jéhovah fut entendue dans un nouveau message. Cela eut lieu à l’assemblée de Los Angeles, en Californie, du 18 au 26 août. Par un discours biblique remarquable, le président de la Société démontra pour la première fois, sur la base des Écritures, que dans sa parabole des brebis et des boucs, Jésus s’était servi des brebis pour désigner une classe de personnes bien disposées qui vivent actuellement sur la terre, avant le règne millénaire du Christ, et qui pratiquent maintenant le bien à l’égard des frères spirituels du Christ. Ce discours était d’ailleurs intitulé “Les brebis et les boucsl”. L’orateur déclara:

      Les brebis représentent tous les peuples des nations, non engendrés de l’Esprit, mais bien disposés pour la justice, qui mentalement reconnaissent Jésus-Christ comme le Seigneur, qui espèrent et attendent un temps meilleur sous son règne. Les boucs représentent ces classes qui prétendent être des chrétiens, mais qui ne reconnaissent pas Christ comme le grand Rédempteur et Roi des humains et veulent que l’actuel et mauvais ordre de choses sur cette terre soit le royaume de Christa.

      Une fois de plus, le point crucial de l’assemblée fut le discours public prononcé par le juge Rutherford. Une foule de 30 000 auditeurs, massés à l’intérieur comme à l’extérieur du Colisée de Los Angeles et écoutant avec la plus grande attention, se levèrent avec enthousiasme pour adopter cette autre résolution historique. Pour la seconde fois, Dieu allait déverser sa colère sur la chrétienté. J’ai relevé dans le texte ces quelques citations qui méritent particulièrement notre attention. Voudriez-​vous les lire, Thomas?

      THOMAS: [Il lit]:

      Nous soutenons et déclarons que Jésus-Christ donna une armature de pureté à l’Église primitive qu’il fonda et qui eut mission de le représenter sur terre; que les hommes égoïstes et ambitieux, qui préférèrent les honneurs et la gloire de ce monde aux marques de la confiance divine, contribuèrent par la suite à l’épanouissement de doctrines mensongères, destructrices de la foi en Dieu et négatrices de sa Parole; et que, par voie de conséquence, on peut, à l’époque actuelle, constater l’existence, au sein des diverses églises confessionnelles, de deux catégories générales d’individus:

      PREMIÈRE CATÉGORIE: ceux qui prétendent être chrétiens, mais qui ne croient pas que la Bible est la Parole de vérité, d’inspiration divine (...).

      DEUXIÈME CATÉGORIE: cette multitude de gens qui proclament, eux aussi, qu’ils sont chrétiens et qui sont effectivement, en vertu de leurs croyances, attachés aux doctrines fondamentales du christianisme (...).

      La première catégorie, ci-dessus mentionnée, est constituée des éléments suivants: les égoïstes, les cupides, les fanfarons, les ingrats, les impies, les cruels, les contempteurs de tous ceux qui s’efforcent d’être bons, enthousiastes et idéalistes et qui, pratiquant la piété sous une certaine forme, n’admettent pas, néanmoins, la puissance de ses effets; qui, enfin, calomnient, discréditent et persécutent ceux qui, de toute l’ardeur de leur foi, s’évertuent à ressembler au Seigneur. (...) Lorsqu’ils proclament qu’ils sont, eux, les représentants de notre Seigneur, ils le discréditent en ceci:

      1) Qu’ils ont délaissé la Parole de Dieu, démenti la chute de l’homme et renié le Seigneur Jésus, dont le sang a racheté l’humanité. (...)

      2) Qu’ils ont fait usage des dénominations de “chrétien” et de “religion chrétienne” comme de masques derrière lesquels ils dissimulaient leur esprit d’injustice (...).

      3) Qu’alors qu’ils se donnaient comme les représentants du Prince de la Paix, ils ont en réalité préparé la guerre, en la préconisant ouvertement, en y encourageant les hommes et en s’en instituant les défenseurs (...).

      4) Poursuivant l’accomplissement de leurs desseins égoïstes, propageant leurs doctrines insultantes pour Dieu, imprégnées de ce qu’on appelle la haute critique et de théories évolutionnistes, ils en ont saturé les écoles, les collèges, les séminaires et les universités (...).

      5) Ils ont traité avec mépris les enseignements de vérité de Jésus et des apôtres, ils ont éparpillé le troupeau de Dieu (...).

      6) Ils ont haï la lumière et les porte-flambeaux (...).

      7) Ils ont délibérément répudié et rejeté les enseignements de Jésus et des apôtres qui ont trait à la seconde venue du Seigneur et à l’établissement du Royaume de Dieu (...).

      En outre, nous soutenons et déclarons que, parmi les hommes dépeints comme faisant partie de la deuxième catégorie, il en est une grande quantité qui, appartenant à l’une ou à l’autre des confessions religieuses catholique et protestante, (...) ont placé leur espoir dans le royaume de notre Seigneur Jésus-Christ et dans les bénédictions qui sont attachées à son instauration; aussi, l’Éternel leur a-​t-​il accordé son amourb.

      LOÏS: Cela établit certainement une nette séparation entre les brebis et les boucs, n’est-​ce pas? A-​t-​on diffusé aussi cette résolution?

      JEAN: Bien sûr! On en a distribué plus de 45 millions d’exemplaires aux États-Unis et dans d’autres pays, sous la forme d’un tract intitulé “Proclamation — Un avertissement à tous les chrétiens — La crise imminente du monde — Sa cause — Le devoir des chrétiens — L’issuec”. Comme il fallait s’y attendre, cette courageuse déclaration qui exposait les jugements prononcés par Dieu contre la chrétienté à cause de son apostasie, a suscité une réaction amère et hostile.

      LE MESSAGE DE 1924 MET EN ACCUSATION LE CLERGÉ

      Mais ce n’était là que le début. L’année suivante, un coup terrible fut porté, et cela à l’occasion de la troisième assemblée internationale de cette série qui eut lieu, cette fois, à Columbus, dans l’Ohio, pendant l’été de 1924. Du 20 au 28 juillet, environ 20 000 témoins assistèrent chaque jour à ce congrès et, le dernier dimanche, 35 000 personnes étaient présentes à la conférence publique dans le stade de l’université de l’État d’Ohio. On rapporte que des frères étaient venus d’Australie, de Suisse, d’Allemagne, de Pologne, de Scandinavie et de Grande-Bretagne, et il y en avait beaucoup qui s’étaient déplacés du Canada et de toutes les provinces des États-Unis. Comme l’année précédente, on utilisa des amplificateurs.

      LOÏS: Contre qui la résolution adoptée à cette assemblée était-​elle dirigée?

      JEAN: Celle-ci visait directement le clergé. Après avoir été adoptée par les congressistes, elle a été incorporée dans un tract intitulé “Acte d’accusation contre le clergé”, et qui portait en sous-titres “La civilisation condamnée — La cause de la crise mondiale — Les bénédictions du peuple viendront ensuite — La Postérité de la promesse contre la postérité du serpent”. Une fois de plus, des millions d’exemplaires de cette résolution ont été distribuésd. En voici quelques extraits; voudriez-​vous nous les lire, Loïs?

      LOÏS: [Elle lit]:

      Nous accusons formellement Satan d’avoir ourdi une conspiration en vue de maintenir les peuples dans l’ignorance des bénédictions dont le Seigneur a dessein de les combler en leur octroyant la vie, la liberté et le bonheur; et nous accusons également d’autres personnages, à savoir les prédicateurs dépourvus de foi, les exploiteurs sans conscience et les politiciens sans scrupules, de participer, volontairement ou non, à ladite conspiration.

      Nous reprochons, d’autre part, aux prédicateurs dépourvus de foi d’avoir formé des groupements ecclésiastiques, (...) et d’avoir constitué comme chefs de file de leurs troupeaux d’ouailles, de puissants hommes d’affaires et des politiciens de profession.

      Nous accusons et blâmons les membres du clergé d’avoir cédé aux diverses tentations auxquelles ils ont été soumis par Satan et de s’être posés en adversaires de la Parole de Dieu en adhérant à la conspiration précitée, dont ils ont poursuivi l’aboutissement en commettant les méfaits que voici:

      1) Ils ont exploité leur autorité spirituelle et, profitant des avantages de leur situation, ils ont pleinement satisfait leurs propres désirs, se sont érigés sur un piédestal et ont forfait à leur mission, en refusant de donner au peuple la nourriture spirituelle de la vérité divine.

      2) Affamés de la gloire de ce monde et en proie au désir de parader et de rechercher les louanges des hommes (...), ils se sont revêtus d’ornements fastueux, ils se sont couverts de joyaux et, en un mot, ils ont donné à leur piété une apparence ostentatoire, tout en reniant la Parole de Dieu et en contestant sa puissance.

      3) Se dérobant à leur devoir, ils se sont refusés à prêcher aux peuples le message du royaume du Messie et à attirer l’attention de leurs ouailles sur les marques évidentes de la seconde venue du Seigneur; ils n’admettent pas qu’il faille attendre l’époque fixée par le souverain Maître pour l’établissement de son royaume; (...) ils ont adhéré au principe de la Société des Nations et déclaré qu’elle était “l’expression politique du royaume de Dieu sur la terre”; ce faisant, ils ont rompu leur alliance avec le Seigneur Jésus-Christ et prouvé leur soumission au diable, qui est le dieu du male (...).

      Voilà des paroles extrêmement énergiques.

      JEAN: Assurément. D’autant qu’en 1924 les chefs religieux jouissaient auprès du peuple d’une faveur bien plus considérable qu’aujourd’hui. La résolution énonçait alors, en sept points, des doctrines bibliques de première importance telles que les témoins de Jéhovah les comprenaient à l’époque, et accusait les chefs de la chrétienté d’ignorer volontairement ces enseignements, de s’opposer à eux et de les cacher au peuple. C’était là un réquisitoire qui mettait à découvert l’influence meurtrière de la fausse religion et montrait que, non seulement la mort spirituelle de ces conducteurs était certaine, mais qu’elle avait déjà commencé après des siècles d’apostasie. C’est pourquoi ils méritaient bien d’être mis à nu.

      LOÏS: Comment le quatrième de ces actes d’accusation pourrait-​il être plus puissant que cette résolution?

      JEAN: En fait, il ne l’était pas. Bien que cet acte dénonçât les faux dirigeants du monde, cette proclamation était réellement, comme son titre l’indique, un “Message d’espérance”. Faut-​il poursuivre notre conversation ce soir ou voulez-​vous attendre jusqu’à la semaine prochaine?

      LOÏS: Si vous avez le temps, nous aimerions entendre parler des autres résolutions ce soir même. Je vais vous faire une tasse de café pendant que vous rassemblez vos notes.

      [Notes]

      a a Lumière, tome I (1930), pp. 112-117; Lumière, tome II (1930), pp. 20-70.

      b b wF 1924, pp. 107-111.

      c c wF juin 1924, pp. 108-110.

      d d Chapitre quatorze du présent ouvrage, pp. 93, 94.

      e e wF juin 1924, pp. 110, 111.

      f f w 1922, p. 390.

      g g Ibid., p. 324.

      h h w 1922, p. 98.

      i i wF nov. 1922, pp. 19, 20.

      j j wF oct. 1923, pp. 4, 5.

      k k w 1923, pp. 24, 50.

      l l wF déc. 1945, pp. 4, 5; wF janv. 1945, p. 12; wF 1946, pp. 331, 332.

      a m wF mars 1924, p. 68.

      b n w 1923, pp. 326, 327; wF 1939, pp. 142, 143.

      c o w 1923, p. 373.

      d p w 1924, pp. 259-264.

      e q Ibid.

      [Illustration, page 103]

      “LE JOUR”, VENDREDI 8 SEPTEMBRE 1922, ASSEMBLÉE DE CEDAR POINT.

  • Le Royaume de Dieu est élevé, une contrefaçon est démasquée
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 16

      Le Royaume de Dieu est élevé, une contrefaçon est démasquée

      JEAN: Maintenant que la responsabilité des dirigeants de ce monde venait d’être définie avec tant de clarté par ces trois cinglantes résolutions, un appel fut lancé à tous les hommes bien disposés pour les inviter à répondre à l’espérance du Royaume de Dieu établi en 1914.

      Cette invitation fut faite en 1925, année qui, par ailleurs, fut critique pour certains témoins de Jéhovah. Un grand nombre de chrétiens oints pensaient que les derniers membres du corps du Christ allaient connaître cette année-​là leur changement pour la gloire céleste.

      MARIE: [Elle l’interrompt]: Mais même les premiers disciples de Jésus ont espéré que cet événement aurait lieu à leur époque, n’est-​ce pas?

      JEAN: En effet, mais ils furent mis en garde contre une telle façon de comprendre les choses, et les frères reçurent en 1925 un avertissement analogue. La déclaration suivante fut publiée dans La Tour de Garde:

      Les chrétiens ne devraient pas tant chercher à connaître ce qui se passera durant cette année, que s’efforcer à faire joyeusement ce que le Seigneur voudrait qu’ils fassenta.

      L’article portait le titre significatif “Une mission pour les oints”. Comme nous l’avons vu, ces derniers avaient encore beaucoup de travail à accomplir.

      LOÏS: Est-​ce que certains frères ont quitté l’organisation à cause de cela?

      JEAN: Oui, il y a eu une épuration du haut en bas de l’organisation. Cette année-​là fut également marquée par l’arrivée d’un flot de nouvelles vérités spirituelles déversées sur le peuple de Jéhovah, vérités qui mirent à l’épreuve, plus profondément encore, le dévouement des chrétiens appelés au Royaume céleste. La révélation sublime selon laquelle le nom de Jéhovah doit occuper la place qui lui revient était d’une extrême importance. Puis, dans La Tour de Garde de juin 1925, parut l’article émouvant et dramatique “La naissance de la nation”. Il portait comme en-tête Révélation 12:5. Voudriez-​vous nous lire ce passage, Loïs, s’il vous plaît?

      LOÏS: [Elle lit]: “Et elle enfanta un fils mâle qui doit paître toutes les nations avec une verge de fer; et son enfant fut enlevé vers Dieu et vers son trône.” — Da.

      DEUX ORGANISATIONS, GUERRE DANS LE CIEL

      JEAN: Merci. Entre autres choses, cet article “La naissance de la nation” disait ceci:

      Quel a été le trait saillant du plan [dessein] divin durant tous les âges? D’un commun accord nous répondons tous: L’établissement du royaume pour lequel Jésus nous a enseigné à prier. Cela signifie la naissance de la nouvelle nation qui gouvernera et bénira toutes les familles de la terre. — Daniel 2:44.

      Quelle a été la puissance d’opposition qui a tenu le monde dans l’ignorance de cette glorieuse nouvelle nation et des bénédictions qu’elle va lui apporter? De nouveau les oints répondent à l’unanimité: Satan le diable, et son organisation.

      Ces deux points immuablement fixés, maintenant nous voyons par le témoignage de ce qui nous entoure que le vrai combat, c’est Dieu contre Satan, le règne de justice renversant celui du mal et des ténèbres et établissant à sa place le règne de vérité.

      Les nations répandirent leur courroux les unes sur les autres durant la Grande Guerre jusqu’à ce qu’elles fussent épuisées. Après 1918, l’organisation du prince de ce monde, financière, politique et ecclésiastique, particulièrement cette dernière, répudia ouvertement le Seigneur et son royaume. C’est alors que la colère de Dieu commença à se manifester contre les nations. Depuis lors la lutte a continué sur la terre. Auparavant le combat se livrait dans les cieux. (...)

      De 1878 à 1914, les oints de Sion vivaient dans l’espérance et l’attente patiente du royaume. Jusqu’à ce moment-​là Sion souffrait en quelque mesure. On pouvait bien dire: “Elle criait, étant en travail et dans les douleurs de l’enfantement.” “Nous aussi nous soupirons en nous-​mêmes, en attendant l’adoption, la rédemption de notre corps.” — Romains 8:23.

      En 1918 et 1919, Sion souffrit bien davantage, et elle pourrait avoir encore plus de souffrances à supporter.

      Remarquez comme les faits s’adaptent à la prophétie: “Avant d’éprouver les douleurs, elle a enfanté; avant que les souffrances vinssent, elle a donné naissance à un fils. Qui a jamais entendu pareille chose? Qui a jamais vu rien de semblable? Un pays peut-​il naître en un jour? Une nation est-​elle enfantée d’un seul coup? À peine en travail, Sion a enfanté ses fils!” (Ésaïe 66:7, 8). Remarquons ici que depuis 1874 jusqu’en 1918, il n’y eut que peu ou point de persécutions en Sion: qu’au commencement de l’année juive 1918, savoir à la fin de 1917, une grande tribulation vint sur les oints, sur Sion. Avant 1914, elle était en travail, attendant le moment de la délivrance, désirant ardemment l’établissement du royaume; mais les vraies souffrances vinrent plus tard. Voilà le premier grand signe apparaissant dans les cieux.

      Un autre grand signe ou merveille qui apparut aux oints depuis 1918 est “un grand dragon rouge”. Dragon est un des noms que Dieu donne au diable (Apocalypse 20:1-3): il signifie dévoreur. Un dragon rouge symboliserait un mouvement satanique pour détruire Sion ou ce à quoi Sion peut donner naissance, l’enfant mâle (Da), la nouvelle nation ou le nouveau gouvernement. C’est depuis 1918 que les oints du Seigneur de ce côté-​ci du voile comprirent pour la première fois que le dragon symbolise l’organisation du diable agissant comme un dévoreur, cherchant à dévorer la postérité de la promesse. L’organisation de Satan, visible et invisible, est le second grand signe ou merveille ici mentionné. (...)

      Micaël, qui est Christ le Seigneur, (...) garda le silence jusqu’à ce que son droit de régner fût venu. Le droit de Satan expira en 1914. “En ce temps-​là se lèvera Micaël, le grand chef, le défenseur des enfants de ton peuple; et ce sera une époque de détresse, telle qu’il n’y en a point eu depuis que les nations existent jusqu’à cette époque. En ce temps-​là, ceux de ton peuple qui seront trouvés inscrits dans le livre seront sauvés.” — Daniel 12:1.

      Alors le Seigneur Jésus se leva et prit en main son pouvoir. On pouvait s’attendre à ce que son premier travail soit de jeter le diable hors des cieux; et c’est alors que la lutte commença là-haut. Apocalypse 12:7-9 dit:

      “Et il y eut guerre dans le ciel. Michel et ses anges combattirent contre le dragon. Et le dragon et ses anges combattirent, mais ils ne furent pas les plus forts, et leur place ne fut plus trouvée dans le ciel. Et il fut précipité, le grand dragon, le serpent ancien, appelé le diable et Satan, celui qui séduit toute la terre, il fut précipité sur la terre, et ses anges furent précipités avec lui.”

      Ceci n’est pas imaginaire, ce fut une lutte réelle. Le dragon et sa famille officielle, les membres de son gouvernement invisible, combattirent, et cela rudement; mais ils furent vaincus et littéralement précipités hors des cieux.

      Il est tout à fait inconséquent de croire que Jésus, le Juste, prendrait son pouvoir pour régner dans les cieux et permettrait à Satan d’y rester. Il ne le fit pas. Satan et ses anges, sa famille officielle, ses cogouvernants invisibles, furent précipités sur la terre. Ce combat doit avoir commencé en 1914. Les Écritures n’indiquent pas sa duréeb.

      ON PRÉVOIT DE PLUS GRANDES PERSÉCUTIONS

      La Tour de Garde poursuivait alors son analyse des aspects chronologiques en rapport avec le chapitre douze de la prophétie de la Révélation 12, en citant des faits qui en prouvent l’accomplissement et que résumaient ces quelques paragraphes:

      En 1918, après que Satan fut revenu de son étourdissement, il se mit à persécuter les membres de l’Église sur la terre. En 1918 encore il fit emprisonner les membres de la Société et d’autres frères. Le 26 mars 1919 ceux-ci furent relâchés de la prison: l’Église (représentant la femme) s’enfuit dans le désert durant 1 260 jours littéraux. À partir du 27 mars 1919 au 8 septembre 1922 inclus, il y a exactement 1 260 jours, à la fin desquels le reste de l’Église sur la terre rédige une courageuse déclaration de fidélité au Roi et à son royaume et proclame sa résolution de commencer et de mener le combat contre l’empire de Satan jusqu’à ce qu’il soit banni de la terre.

      Ne faites pas erreur en considérant ce combat comme une chose légère ou de peu d’importance. Satan utilisera toute méthode concevable pour détruire le reste de Sion. (...)

      Souvenons-​nous que c’est la bataille du Seigneur contre le diable et ses forces. D’abord il a précipité Satan du ciel; maintenant lui et les siens doivent être bannis de la terre, afin qu’ils ne puissent plus décevoir les hommes. Nous n’avons rien à craindre, car nous sommes en sûreté à l’ombre de la main de Dieu. — Ésaïe 51:16.

      Quel privilège béni de combattre les forces des ténèbres lorsque nous savons qu’il ne peut nous arriver aucun mal si nous nous tenons fermes au Seigneur!

      La nouvelle nation est née. Sa gloire remplira toute la terre. Le royaume des cieux est là. Voici le jour de délivrance. Proclamez cette bonne nouvelle à tous les peuples de la terre. La victoire est pour notre Roi. Soyons fidèles jusqu’à la fin du combat, et nous nous chaufferons pour toujours au soleil de son amour où il y a une plénitude de joie et des délices pour l’éternitéc.

      On savait déjà depuis un certain temps avant la publication de cette étude que Satan possédait un empire ou organisation, mais ce n’est qu’à partir du jour où le sens de la prophétie du chapitre 12 de la Révélation fut donné dans cet article, que les frères discernèrent clairement l’existence de deux organisations distinctes et antagonistes. Pour la première fois aussi, il fut montré que la guerre qui avait éclaté dans le ciel au début de 1914 avait eu pour issue l’expulsion de Satan hors du ciel, et la réduction de son champ d’opération au seul domaine terrestre jusqu’à Harmaguédon. On apprit par la suite que Jéhovah a décidé de se faire un nom grand et durable à la bataille d’Harmaguédon, que ce combat n’est pas un conflit entre les éléments capitalistes et le prolétariat, comme on le pensait auparavant, et qu’elle ne devait être conduite ni par les partis politiques des hommes ni par les nations, mais par Dieu, et ceci contre toute l’organisation visible et invisible de Satan. On reconnut de plus que les serviteurs de Jéhovah sur la terre ne prendraient aucune part à cette guerre, mais que leur rôle était d’avertir toutes les personnes bien disposées de son approche, afin qu’elles puissent trouver un moyen d’y échapperd.

      “MESSAGE D’ESPÉRANCE”

      Il convenait donc que dans le courant de cette année, pendant laquelle un renouvellement aussi vaste s’était opéré dans la pensée de l’esclave fidèle et avisé, un message spécial soit envoyé aux personnes bien disposées, afin qu’elles joignent leurs louanges à celles qui montaient vers le Dieu très-haut, en s’associant à l’organisation de Jéhovah et en s’engageant ainsi sur une voie qui les conduirait à la vie éternelle sur la terre.

      Une assemblée générale a été tenue cette année-​là à Indianapolis, dans l’État d’Indiana, du 24 au 31 août, à laquelle assistèrent 10 000 congressistes. Le discours de frère Rutherford intitulé “Un appel à l’action” exposait les points principaux d’une résolution empreinte d’amour, adressée “À toutes les personnes de bonne volonté”; toute l’assistance se leva pour l’adopter. Le tract dans lequel elle a été incorporée par la suite s’appelait “Message d’espérance”. Il avait pour en-tête “Reconstruction du monde — un modèle pour servir de guide aux peuples”. Environ 50 millions d’exemplaires de ce tract furent répandus dans les pays de la chrétienté au cours des mois qui suivirente. Marie, tu voudras peut-être nous lire les passages que j’ai relevés dans cette résolution.

      MARIE: [Elle lit]:

      À TOUS LES PEUPLES DE BONNE VOLONTÉ: L’Association Internationale des Étudiants de la Bible, réunie en assemblée générale, adresse à tous son salut.

      Lorsque, dans le cours de leur évolution, les nations aboutissent à une situation désespérée, c’est le moment, pour les peuples, d’en rechercher les causes. (...) Depuis des siècles, l’homme est la victime de l’oppression, de la guerre, de la famine, de la maladie, de la douleur et de la mort. De tout temps, il a désiré la paix, la prospérité, la santé, la vie, la liberté et le bonheur. Les puissances mondiales, la science et la philosophie, le commerce et la religion, ont, tour à tour, proposé leurs méthodes pour le soulagement et la guérison des maux qui accablent l’humanité. (...)

      Intrigue, duplicité et tricherie sont de pratique courante dans les cercles politiques et dans les milieux commerciaux; quant aux milieux scientifiques et philosophiques, ils sont caractérisés par la vanité et la suffisance, tandis que les religionistes, tant catholiques que protestants, se font remarquer par leur présomption, leur arrogance et leur impiété. (...) Le catholicisme revendique et se réserve ce qui, proprement et exclusivement, concerne le Seigneur Dieu. (...)

      Conséquences: les peuples souffrent de la pression qu’exercent sur eux les profiteurs et leurs complices; en outre, ils ont perdu toute confiance en leurs dirigeants politiques et ne respectent plus guère les hommes d’église qui les ont induits en erreur. Pour avoir éclairé leur route aux lueurs jetées par ces flambeaux accouplés sous le signe de l’athéisme et de l’impiété, les peuples sont bientôt tombés au sein de l’obscurité la plus complète. (...)

      Ce déplorable état de choses a sa raison d’être dans le péché originel qui a fait déchoir l’homme de sa perfection première; il est dû également à l’influence de Satan, l’ennemi de Dieu et de toute justice, qui est le maître, le dieu invisible de ce monde mauvais (...). La plus formidable crise de tous les âges est sur le point de se déchaîner et de s’abattre sur l’humanité; le vieux monde touche à sa fin et le règne de Satan arrive à son terme. Comme Satan n’ignore rien de tout cela et qu’il sait que peu de jours lui sont encore comptés, il s’applique à submerger les peuples sous un véritable déluge de doctrines mensongères et décevantes et à éloigner définitivement de Jéhovah les pensées des hommes. (...)

      C’est pourquoi, au nom et dans l’esprit du Seigneur, nous levons, aujourd’hui et ici même, contre l’ennemi et pour le plus grand bien de l’humanité, l’étendard de la vérité et de la justice divines. Et ce geste, nous l’accomplissons en déclarant ceci: Jéhovah est le seul vrai Dieu, le Très-Haut, le Tout-Puissant (...); la Bible est la révélation de sa Parole de vérité; son Fils bien-aimé, Christ Jésus, est le Rédempteur et le Libérateur de l’humanité et, fidèle à sa promesse, il est venu pour gouverner et bénir les peuples (...). C’est avec confiance que nous lançons aux peuples notre appel les invitant à se rallier sous les plis de l’étendard de vérité ainsi déployé et à s’engager à sa suite dans la voie qui conduit à la vie et au bonheurf.

      Eh bien, c’était là une invitation stimulante que les oints faisaient aux personnes destinées à vivre sur la terre. Et cependant peu d’entre elles y ont répondu, n’est-​ce pas?

      JEAN: En effet. Ce n’était d’ailleurs pas le premier appel qui leur était lancé. Qui de vous, Thomas et Loïs, se souvient à quand il remonte?

      THOMAS: À la campagne “Des millions de personnes actuellement vivantes ne mourront jamais”, peut-être.

      JEAN: Exactement. Cet appel fut lancé en 1918, avant même que Jéhovah ne vienne dans son temple pour rendre un jugement sur ses oints, et il fut renouvelé dans la période de restauration du vrai culte entre les années 1919 et 1922, au cours de la “Campagne des Millions”. Mais hormis les oints, personne ou très peu d’hommes répondirent à l’invitation de prendre part à la diffusion de ces puissantes résolutions contre le monde de Satan. Cela met en évidence le fait que Jéhovah dirigeait ses témoins oints engendrés de l’esprit, car c’est spécifiquement à eux qu’il avait confié la mission de déraciner les fausses doctrines et de les renverser. Au cours de cette époque passionnante, les oints de Jéhovah étaient seuls, face à l’organisation tout entière de Satan.

      De 1922 à 1925, Jéhovah Dieu aida son peuple à attendre ou à endurer tandis qu’il continuait de rendre témoignage à son royaume à une échelle toujours plus vaste. Cette prédication eut pour résultat la venue au temple d’un grand nombre d’hommes que Jéhovah allait faire membres du reste consacré. Ce fait ressort du nombre sans cesse croissant de personnes qui assistèrent au repas du Seigneur et participèrent aux emblèmes: il y eut 32 661 participants en 1922, 42 000 en 1923, 62 696 en 1924 et 90 434 en 1925g.

      Il apparaît cependant qu’un certain nombre d’entre eux “n’attendirent” pas en compagnie du fidèle reste des disciples de Jésus. Lors de la Commémoration, le 27 mars 1926, le nombre des participants était descendu à 89 278h. L’année 1925 fut une année d’épreuve très sévère pour de nombreux membres du peuple de Dieu. Certains cessèrent d’attendre et suivirent le mondei. Ceux qui survécurent spirituellement à cette période critique purent vraiment se réjouir des bénédictions que Jéhovah leur réservait à partir du mois de mai 1926.

      ON ANNONCE LA FIN DE LA SOCIÉTÉ DES NATIONS

      LOÏS: C’était certainement l’époque où on allait adopter la cinquième résolution. Où eut lieu ce nouveau congrès?

      JEAN: En Angleterre, à Londres, du 25 au 30 mai, à l’Alexandra Palace. Mais la conférence publique du dimanche fut prononcée au Royal Albert Hallj. La résolution fut proposée aux congressistes le vendredi après-midi, à la suite d’un discours donné par le président de la Société sur le chapitre 49 de la prophétie d’Ésaïe 49, après quoi on annonça à l’auditoire la parution du nouveau livre “Délivrance”. Cette résolution avait pour titre “Témoignage aux dirigeants du monde”. Elle mettait en lumière la responsabilité que plaçait sur tous les dirigeants le fait que l’ensemble des événements de cette époque était une preuve de l’instauration du Royaume de Dieu dans les cieux en 1914. La cinquième clause de cette résolution contenait la déclaration selon laquelle, en dépit de ces preuves incontestables,

      financiers, politiciens et ecclésiastiques se mirent au contraire au travers de la volonté divine, car pour affermir leur position et continuer à pressurer les peuples, ils fondèrent la Société des Nations, et ils émettent cette prétention blasphématoire que cette institution est “l’expression politique du royaume de Dieu sur la terre”. Nous disons que Satan, leur père, fut l’instigateur de cette ligue, et qu’il fait un suprême effort pour détourner les hommes du vrai Dieu. Après sept ans d’efforts laborieux, il est notoire que la Société des Nations a fait fiasco; elle est virtuellement finiek.

      THOMAS: En déclarant cela, et en particulier dès 1926, la Société s’engageait hardiment.

      JEAN: Certes, mais le juge Rutherford était prêt à fournir des preuves de cette vérité, tirées tant des saintes Écritures que de la réalité. Le dimanche suivant, il prononça un discours magistral qui amplifiait le contenu de la résolution. Ce sujet était intitulé “Pourquoi les puissances du monde chancellent-​elles? — Le remède”. Il dit ceci dans son entrée en matière:

      Il me sera facile de prouver: 1) que tous les malheurs de l’humanité sont consécutifs au mépris de la loi de Dieu, 2) que tous les chefs des peuples qui se succédèrent à travers les âges subsistèrent par la fraude et le mensonge proférés au nom de la religion et au nom de Dieu, 3) que les clergés furent toujours les principaux agents de corruption, 4) que le temps est venu où le seul Dieu, le Créateur de l’univers, va se faire connaître à ses créatures, et sévir contre toute hypocrisie, 5) que dans ce but Dieu a donné à son Fils tous les pouvoirs et l’a établi Juge et Roi de toute la terre, 6) que le royaume ainsi établi par Dieu est le remède absolu à tous les maux de l’humanité; il n’y en aura jamais d’autre, 7) que les conducteurs des peuples devraient écouter avec bienveillance notre avertissementl.

      La Société des Nations fut identifiée non seulement à l’abomination qui cause la désolation, mais aussi au “huitième” roi dont parle Révélation 17:11, l’Empire britannique étant le septième “roi” et le principal support de la Société des Nations. Pour montrer que cet organisme dépendait de la Grande-Bretagne, frère Rutherford déclara: “Que la Grande-Bretagne se retire demain de la Société des Nations, et celle-ci s’écroulera immédiatement.” Pour conclure, il fit une description des bénédictions du Royaume de Dieu.

      Ce discours ardent et la résolution adoptée par les congressistes contenaient les nouvelles les plus importantes de tous les temps. Mais à part la page publicitaire que la Société avait achetée au Daily Newsa — ce quotidien comptant alors 800 000 lecteurs — et qui parut le lundi, la presse passa sous silence cette résolution. Des reproductions de cette page de journal furent distribuées, et la résolution fut répandue, sous forme de tract, tout autour de la terre en 50 millions d’exemplairesb. Nombre de citoyens britanniques devaient se souvenir pendant des années que la ville de Londres avait été dénoncée dans cette résolution comme “le siège de la bête” mentionné dans Révélation 16:10, bien que personne ne tînt compte de cet avertissement.

      Tout au début de cette même année 1926, une question de grand intérêt avait été posée au peuple de Dieu dans La Tour de Garde (angl.) du 1er janvier, dans l’article de fond “Qui honorera Jéhovah?”. Or, au congrès de Londres, on avait réservé le 29 mai comme “Jour de service”, et les centaines de congressistes qui arpentèrent les rues comme témoins de Jéhovah remirent 110 000 exemplaires de la nouvelle brochure “L’étendard pour les peuples” entre les mains du public. Le rapport publié dans La Tour de Garde sur l’assemblée termine son commentaire sur cet effort qui fut déployé à Londres pour rendre témoignage, par les paroles suivantes:

      Nulle assemblée générale n’eut un jour de service semblable à celui-​là. Les frères et sœurs étaient débordants de joie. Ils comprenaient qu’ils avaient fait de leur mieux pour obéir au commandement de Jéhovah: “C’est vous qui m’êtes témoins que je suis Dieuc.”

      Ils ne se doutaient pas de l’importance que ces mots devaient revêtir pour eux cinq années plus tard, ni du grand bonheur qui les attendait.

      [Notes]

      a a wF mars 1925, p. 71.

      b b wF juin 1925, pp. 119-121.

      c c wF juin 1925, p. 124.

      d d w 1925, pp. 115-120, 280, 375; wF fév. 1926, p. 71; wF 1930, p. 168; wF janv. 1945, pp. 11, 12; wF 1947, p. 138.

      e e w 1925, p. 358.

      f f wF 1939, pp. 268, 269.

      g g w 1922, pp. 200, 201; w 1923, p. 218; w 1924, p. 242; w 1925, p. 263. Dans ces chiffres qui totalisent le nombre d’assistants dans le monde entier, ne sont pas inclus les groupes de moins de vingt personnes, à l’exception de certains pays.

      h h w 1926, p. 270.

      i i “Que ta volonté soit faite sur la terre” (édition française de 1965), p. 336.

      j j w 1926, pp. 211-217; L’Âge d’Or (angl.), Vol. VII, 8 sept. 1926, pp. 780-791.

      k k wF oct. 1926, pp. 8, 9.

      l l Ibid., p. 9.

      a m Ibid., p. 10.

      b n Annuaire (angl.) 1927, p. 44; L’Âge d’Or (angl.), Vol. VII, 28 juil. 1926, pp. 691-695; voir aussi “Que ta volonté soit faite sur la terre” (édition française de 1965), pp. 211, 212.

      c o wF oct. 1926, p. 12.

  • La liberté annoncée aux hommes grâce à de nouvelles imprimeries
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 17

      La liberté annoncée aux hommes grâce à de nouvelles imprimeries

      JEAN: L’année 1927 a vraiment été une année de service. De plus, pendant toute la durée du congrès, on a insisté sur la nécessité de servir Dieu. Ce fut aussi au début de cette année-​là qu’en Amérique on commença à prêcher le dimanche matin et à présenter aux personnes des publications en échange d’une contribution. je vous en parlerai peut-être la semaine prochaine.

      C’est également en 1927 qu’on réalisa le plus grand progrès dans l’impression de manuels d’étude de la Bible, car l’imprimerie que la Société avait fait construire à cette fin au 117 Adams Street, à environ dix minutes de marche du Béthel, entra en fonction. On prit possession des lieux en février, et le 1er mars, tout était prêt. Le rapport annuel du président de la Société, publié dans l’Annuaire (angl.) de 1928, nous donne une idée de cette expansion, et j’aimerais vous en faire d’assez larges citations. Elles révèlent l’esprit de dévouement total qui animait ces frères qui avançaient du même pas que l’organisation.

      À propos, l’Annuaire (angl.) de 1927, qui renferme le rapport d’activité de l’année précédente, a été édité pour la première fois sous forme de livre cartonné. Jusqu’alors ce rapport était publié dans La Tour de Garde à la fin de l’année, et cela même après qu’on eut commencé en 1922 à le faire paraître sous forme de brochure. À partir de 1927, on l’imprima seulement sous forme de livre et d’une manière beaucoup plus détaillée. On y ajoutait désormais une série de textes et de commentaires pour chaque jour de l’année et pour les réunions de prières hebdomadaires. Écoutons la lecture de ce rapport édifiant sur les progrès réalisés dans l’impression des manuels d’étude de la Bible. Nous le trouvons dans l’Annuaire (angl.) de 1928.

      Le rapport de 1926 a mentionné le fait que la Société avait acheté un terrain et entrepris la construction d’une nouvelle imprimeriea. En février dernier, ce local était terminé et prêt à être utilisé. Les machines pour l’impression et la reliure ont été installées et le travail a commencé. Ce bâtiment couvre une superficie d’environ 900 mètres carrés et a sept étages. Il y a un monte-charge et un ascenseur pour les ouvriers, le local est bien éclairé et convenablement aéré. C’est un endroit idéal pour la production et l’expédition des livres et des brochures, et il convient parfaitement au travail effectué dans le bureau qui s’occupe de cet aspect de l’œuvre. Ce bâtiment et cet équipement sont une grande source de joie pour ceux qui ont travaillé au siège de l’œuvre pendant ces six dernières années.

      Les progrès réalisés par les frères dans l’impression et la reliure des livres au cours de ces dernières années sont merveilleux. Au début, nos frères ne connaissaient rien au fonctionnement de ces machines. Il a fallu qu’ils apprennent à s’en servir. Le fait suivant vous aidera à comparer ce qu’ils étaient capables de faire au départ, et ce qu’ils sont maintenant en mesure d’accomplir. Une grande presse avait été commandée en Allemagne pour la Société et expédié à Brooklynb. On avait dû faire venir d’Allemagne un mécanicien expérimenté pour procéder à l’installation de cette machine. Il a fallu deux mois à cet homme et à ses quelques aides pour faire ce travail et mettre la presse en marche. Deux ans plus tard, une machine exactement identique a été achetée en Allemagne et envoyée en Amérique. Cette fois, elle a été montée par un frère aidé de quelques autres, et cela en l’espace de trois semaines. Beaucoup de personnes s’émerveillent de voir ce que les frères sont capables de faire. Les gens du monde ne comprennent pas comment cela est possible, mais pour ceux qui se sont voués au Seigneur il n’y a pas de secret. (...)

      Les frères qui ont travaillé à l’érection et à la mise en œuvre des installations nécessaires à l’impression des livres et des brochures l’ont fait spontanément, avec un cœur pur, voué au Seigneur. Les résultats obtenus ont dépassé l’entendement des hommes du monde. Ces résultats devraient encourager, et ils encouragent tous ceux qui participent au service du Seigneur. D’ordinaire, les ouvriers qui font marcher ces machines doivent faire un apprentissage sous la surveillance d’une personne qui connaît le métier et ainsi se qualifier peu à peu, mais même dans ce cas ils ne sont pas animés du bon esprit qui pousse à produire le meilleur travail possible. Quand quelqu’un est entièrement voué au Seigneur, qu’il est désireux d’apprendre, qu’il met sa confiance dans le Seigneur et qu’il déploie tous ses efforts, il peut être certain que le Seigneur l’aidera. Les progrès réalisés par l’imprimerie de la Société dans l’impression de ses livres et de ses autres écrits en sont la preuve.

      Frère Martin est responsable de l’imprimerie et du bureau situé au 117 Adams Street, à Brooklyn, New York. Les travaux d’impression l’ont beaucoup intéressé dès leur début, et il a contribué à leur développement. Voici ce qu’il écrivit dans le rapport qu’il adressa au président de la Société à la fin de l’année fiscale:

      CHER FRÈRE RUTHERFORD: Grand fut le jour où le Seigneur mit dans ton cœur le désir de faire imprimer l’édition spéciale de L’Âge d’Or no 27, dans l’imprimerie du Seigneur et avec son aide! On a l’impression que cet événement remonte déjà à une époque lointaine. C’est que les choses vont tellement vite! Et cependant il n’y a que sept ans de cela. Que de merveilles n’ont pas été réalisées dans l’œuvre du Seigneur pendant ce temps!

      J’ai oublié le nombre exact de wagons de papier que cette édition spéciale de quatre millions d’exemplaires a nécessités, mais cela représenterait à coup sûr un train d’une belle longueur. Et tout cela est sorti de l’unique grande rotative que nous possédions alors, celle que l’on a surnommée “le vieux cuirassé”. Ce fut un ami pour nous tous que ce vieux cuirassé.

      Tu te souviendras que, lorsque tu as essayé pour la première fois d’acheter une grande rotative juste après la guerre, la réponse qu’on t’a d’abord faite était qu’il n’y en avait que quelques-unes dans tout le pays, et qu’elles étaient toutes en usage, de sorte qu’il n’y avait aucune chance d’en obtenir une avant de nombreux mois, ce qui nous sembla un délai trop long.

      Mais en temps voulu, le Seigneur nous a ouvert la voie, et la grande rotative est parvenue entre nos mains, des mains qui ignoraient tout de sa construction et de son fonctionnement. Mais le Seigneur sait comment aiguiser les facultés intellectuelles de ceux qui lui sont entièrement dévoués. Et on pourrait presque dire qu’en quelques jours, plus précisément en quelques semaines, nous avons été en mesure de faire vrombir la machine; et elle bourdonne encore, faisant un travail que même ses inventeurs ne l’auraient pas cru capable d’effectuer.

      L’atelier où nous avions mis le vieux cuirassé à l’œuvre représentait une surface très restreinte, je veux dire par rapport aux locaux dont nous disposons actuellement et à nos conceptions présentes. L’ensemble des opérations nécessaires à l’impression étaient effectuées dans un espace de 280 mètres carrés en tout, répartis sur trois étages; et l’équipe qui effectuait ce travail ne comptait que vingt frères. Ce fut seulement grâce à l’aide du Seigneur que tout ce qui a été fait a pu l’être. Avant cette édition spéciale, toutes nos publications étaient imprimées par des maisons du monde, et nous dépendions constamment d’elles.

      LE JOUR DES BROCHURES

      Ce fut un autre grand jour pour l’œuvre du Seigneur que celui où tu as voulu savoir s’il était possible d’imprimer nous-​mêmes nos brochures sur le vieux cuirassé. À première vue, cela paraissait tout à fait infaisable. De plus, les fabricants eux-​mêmes nous ont répondu que ce serait impossible. Jamais cela ne s’était fait, et c’était donc inutile d’essayer. Mais nous avons essayé, et tu en connais le résultat.

      En 1920, quand les jeunes frères ont commencé à faire des brochures sur le vieux cuirassé, ils ne réussissaient à en imprimer que mille en moyenne par jour, mais l’année suivante, ils atteignirent le chiffre de 3 000 par jour, en 1923 celui de 6 000, en 1926 ils en ont imprimé plus de 10 000 par jour, et maintenant ils sont parvenus à en sortir 15 000 dans la journée; ces brochures sont toujours imprimées sur la même presse. L’expérience et la bénédiction du Seigneur ont produit ces résultats.

      Comme tu le sais, toutes nos brochures sont agrafées. Avec notre première agrafeuse, deux ouvriers agrafaient 2 000 brochures par jour, quand l’imprimerie les leur fournissait. Maintenant, avec une agrafeuse améliorée qui agrafe deux exemplaires à la fois au lieu d’un, deux ouvriers expérimentés arrivent à sortir 25 000 brochures chacun dans la journée.

      On note un progrès semblable dans le pliage des brochures. Comme tu le sais, c’est nous qui avons inventé la plieuse, et elle est très efficace. Avec deux frères pour la manœuvrer, cette machine a remplacé le travail effectué par douze frères quand on pliait les brochures à la main. Au début, un frère capable arrivait à plier 10 000 brochures par jour; aujourd’hui, un frère entraîné à bien se servir de ses mains, de ses yeux et de ses muscles, plie 30 000 brochures sur cette même machine, ce qui est un résultat remarquable.

      LE JOUR DES LIVRES

      Mais le jour le plus important fut celui où tu as voulu savoir s’il y avait une raison quelconque qui nous empêchait d’imprimer et de relier tous nos livres. C’était là une idée surprenante, parce que cela signifiait qu’il nous faudrait ouvrir tout un atelier de typographie, de plaquage électrolytique, d’impression et de reliure, et utiliser plus d’une vingtaine de machines qui nous étaient peu familières, car nous ne savions même pas que la plupart d’entre elles existaient, sans compter la nécessité d’apprendre plus d’une douzaine de métiers. Cependant, il semblait que c’était là le meilleur moyen de faire face au problème du coût des livres, qui était si élevé à la suite de la guerre.

      Tu as alors pris un bail sur l’immeuble de cinq étages au 18 Concord Street (avec occupation de deux étages par des locataires), et le 1er mars 1922 nous avons emménagé. Tu nous as acheté ensuite un équipement complet de machines pour la typographie, l’impression et la reliure, dont la plupart étaient neuves et certaines d’occasion; et nous nous sommes mis à l’ouvrage.

      L’une des grandes maisons d’édition qui avait beaucoup travaillé pour nous entendit parler de ce que nous étions en train de faire et vint, en la personne de son directeur, nous rendre visite. Ce dernier inspecta toute cette machinerie et fit d’un ton doctoral la remarque suivante: “Vous voilà avec une imprimerie de premier ordre sur les bras, et personne qui sache comment la faire marcher. Dans six mois, tout cela ne sera plus qu’un tas de ferraille; et vous verrez que ceux qui doivent imprimer vos ouvrages sont ceux qui l’ont toujours fait et dont c’est le métier.”

      Ce raisonnement paraissait assez logique, mais il ne tenait pas compte du Seigneur qui a toujours été avec nous. Quand on mit en route le service de la reliure, Dieu nous envoya un frère qui avait passé toute sa vie à faire ce travail. C’était le moment où on avait le plus besoin de lui et il fut très utile. Avec son aide et grâce à l’esprit de Dieu opérant sur les frères qui faisaient des efforts pour apprendre, il ne fallut pas longtemps pour que nous imprimions nos livres.

      Au début, la production n’était pas élevée. De toute façon, on ne peut pas fabriquer des livres à toute vitesse. Cependant, dès l’année où nous avons commencé à relier nous-​mêmes nos ouvrages, nous avons atteint une moyenne de 2 000 exemplaires par jour, ce qui à l’époque nous paraissait un chiffre important. L’année suivante nous en faisions 3 000, et en 1924, 5 500. En 1926, nous les sortions au nombre de 8 000 par jour, et maintenant, avec notre nouvelle machinerie, nous en faisons de 10 000 à 12 000 dans la journée.

      Avec notre nouvelle rotative qui vient d’arriver d’Allemagne, nous serons en mesure de sortir journellement de 18 000 à 20 000 volumes cartonnés, sans avoir pour ainsi dire à augmenter notre personnel.

      Quand nos frères ont commencé à coudre les livres, ils en faisaient 500 dans une journée; ils ont maintenant acquis tant d’expérience que l’un d’eux en fait 3 000 dans le même temps. Une telle rapidité d’action nécessite une coordination très étroite du mouvement de l’œil et de la main, ainsi qu’une activité sans relâche du matin au soir. Il est impossible, à quelque prix que ce soit, de trouver dans le monde de la main-d’œuvre pour faire un tel travail. Souvent nos visiteurs s’émerveillent de voir la rapidité avec laquelle nos frères travaillent; et les gens du dehors se demandent quels salaires fabuleux ils peuvent bien recevoir pour accomplir une pareille tâche.

      LE JOUR DE L’IMPRIMERIE

      Le jour le plus grand de tous fut celui où tu as acheté ce terrain et où tu as commencé à établir les plans de l’imprimerie qui, de l’avis même de nos détracteurs, est l’une des plus belles installations du centre mondial de l’industrie de l’édition qu’est la ville de New York. Nous ne pouvons pas en dire moins de notre nouvelle imprimerie. Elle est tout ce qu’une telle installation devrait être.

      Les différents services sont parfaitement répartis dans l’immeuble, et le travail circule d’étage en étage et de haut en bas. Tout en haut sont les bureaux, comme il convient; en dessous viennent logiquement les services de linotypie et de composition; les plaques sont ensuite descendues à l’étage inférieur, le cinquième, où on fait l’impression; au quatrième on s’occupe du service postal et des brochures; le service de la reliure occupe le troisième étage, l’emmagasinage se fait au deuxième, l’expédition au premier, l’entrepôt du papier, le garage et les génératrices sont au rez-de-chaussée. On ne saurait faire mieux qu’une telle disposition.

      Malgré l’augmentation énorme de la production des livres et des brochures, notre équipe, je veux dire ceux qui s’occupent directement de la fabrication des ouvrages, n’est passée que de vingt à quatre-vingt-quinze frères. Ces changements sont dus à l’amélioration de l’outillage, à l’expérience et aux plus grandes facilités dont nous disposons; mais par-dessus tout, il y a eu la bénédiction du Seigneur, sans laquelle nos efforts eussent été de peu de conséquence.

      Une caractéristique de notre nouvelle installation a suscité l’admiration générale des éditeurs et d’autres gens, en ce que, lors de la construction de l’imprimerie, nous avons fait passer tous les conduits électriques et autres dans le sol, de sorte qu’on n’en voit aucun. Et lorsque, de temps à autre, on met en place une machine supplémentaire, il n’est pas nécessaire de faire une autre installation électrique. L’emplacement de ces nouvelles machines a été prévu lors de la construction du local, et toutes les dispositions ont été prises à l’avance.

      La seule fonction du monte-charge d’une capacité de trois tonnes, c’est de soulever les cargaisons de papier du rez-de-chaussée au cinquième étage, où se trouvent les presses. De là, le papier, en voie de devenir des livres et des brochures, subit, étage par étage, une série d’opérations, pour atterrir finalement à l’expédition.

      Le hall d’entrée du rez-de-chaussée et tout le dernier étage ont un “fini” des plus agréable à l’œil, égayant l’atmosphère pour le profit tant des travailleurs que des visiteurs. L’ascenseur de quatorze places suffit amplement à tous nos besoins et permet au personnel de quitter les lieux en quelques minutes. Il n’y a pas un immeuble mieux chauffé, mieux éclairé, ni mieux aéré dans toute la ville de New Yorkc.

      Frère Rutherford continue ainsi son rapport:

      Ce qui est dit ici de l’imprimerie de Brooklyn peut également l’être des autres installations de la Société à Magdebourg, en Allemagned, et à Berne, en Suissee. L’imprimerie de Magdebourg n’est pas aussi vaste que celle de Brooklyn, et celle de la Suisse l’est encore moins, mais chacune d’elles a fait un travail magnifique et proportionnel au nombre de frères employés et à l’outillage utilisé. Le Seigneur a fait reposer son esprit sur ces frères et il a béni leurs efforts, comme le montrent les rapports parvenus de ces différents paysf.

      AGRANDISSEMENT DU BÉTHEL

      THOMAS: N’avez-​vous pas dit que vous vous êtes aussi installés dans un Béthel plus spacieux?

      JEAN: Oui, mais toujours à la même adresse. Le Béthel a été reconstruit et élargi. Cependant ce n’étaient pas les premiers agrandissements que subissaient les locaux du siège central de l’œuvre. Souvenez-​vous qu’en 1909 la Société avait acquis en propriété un vieil immeuble en grès au 124 Columbia Heights, pour y installer les bureaux directeurs de l’œuvre et les chambres des frères. Puis en octobre de la même année, il s’est avéré nécessaire d’acheter l’immeuble contigu identique à l’autre, au 122 Columbia Heights. L’année suivante, en 1910, “il a fallu de nouveau agrandir, et on a décidé de rajouter cinq étages aux immeubles donnant sur la rue Furman et en contrebas de la rue Columbia Heights, de sorte que cette construction a maintenant huit étages de haut”. Le sixième étage de cette annexe correspondait au niveau du rez-de-chaussée des bâtiments situés sur la rue Columbia Heightsg.

      L’Annuaire (angl.) de 1928 fait état de l’agrandissement qui commença en 1926, disant:

      Il y a maintenant près de 200 frères et sœurs employés au Béthel de Brooklyn. Il est apparu clairement que les locaux étaient insuffisants pour servir tous les frères qui prennent part à l’œuvre. Aussi avons-​nous cherché un moyen pour les agrandir. En décembre 1926, nous avons acheté l’immeuble attenant au 124 Columbia Heights; tout au début de janvier, les trois bâtiments correspondant aux numéros 122, 124, et 126 ont été rasés, et la construction d’un nouvel immeuble a été entreprise. Elle est à présent quasiment achevée. Ce bâtiment comprend six étages, un rez-de-chaussée et deux sous-sols, et compte environ 80 chambres. Cet ensemble vient s’ajouter à l’immeuble situé à l’arrière de ces blocs. Nous installerons les bureaux directeurs de la Société tout en haut. L’adresse officielle reste néanmoins le 124 Columbia Heights. Ces locaux seront entièrement et exclusivement utilisés pour promouvoir notre œuvre, et nous espérons que cette habitation permettra à chacun de rendre un service plus efficace au Seigneurh.

      L’année suivante, un rapport plus détaillé sur le travail du Béthel a été rédigé. En voici des extraits:

      Le Béthel (...) comprend à présent 120 chambres à coucher avec le confort moderne, et il convient très bien pour loger ceux qui travaillent dans l’œuvre du Seigneur. Bien sûr, le Béthel n’est pas aménagé d’une manière luxueuse, mais c’est une maison agréable et confortable. La famille du Béthel compte environ 180 membres, dont la plupart sont de jeunes frères. Le but de cette disposition est de toujours maintenir une bonne équipe de travailleurs. Deux personnes partagent la même chambre, mais elles ont chacune leur lit. Il y a en outre des tables et des lampes pour l’étude individuelle.

      Il y a une grande salle de réunions où les frères peuvent se retrouver pour jouer de la musique ou bavarder, une bibliothèque où l’on peut étudier le soir dans la tranquillité, et des salles de musique qu’on utilise pour enseigner et pratiquer le chant ainsi que divers instruments, et pour la préparation des programmes radiophoniques. Ces pièces sont utilisées tous les jours à cette fin. Il y a d’autres pièces où des machines à écrire sont mises à la disposition des frères, ce qui leur permet de composer les discours qu’ils doivent prononcer à la radio ou ailleurs.

      Un intendant, dont le bureau se trouve situé au sous-sol, sous l’entrée, a la charge de superviser les affaires du Béthel, à la fois dans leur ordonnance générale et dans les détails. Chaque nouvel arrivant se présente à ce frère ou à son adjoint et doit se faire inscrire dans ses registres. Le but de cette formalité est de permettre à la direction de savoir qui est membre de la maison, quelle chambre lui a été attribuée et à quel service il est affecté. Cela est requis tant des invités que de ceux qui séjournent au Béthel d’une manière permanente. La tâche qui incombe à l’intendant comprend l’achat de la nourriture, la préparation des repas et le service aux tables, le nettoyage de la maison et la surveillance générale du travail qu’on y effectue. Un certain nombre d’aides qualifiés et bien organisés travaillent sous la direction de l’intendant. Tous étant voués au Seigneur, chacun accomplit son travail d’un cœur joyeux.

      LA VIE DE TOUS LES JOURS

      Il est nécessaire que la vie du Béthel soit bien ordonnée. Aucune autre façon de faire les choses ne saurait plaire au Seigneur. C’est la raison pour laquelle un règlement a été établi, qui régit la marche de toute la maison. Une liste imprimée de ces règles est remise à tout chrétien qui s’engage dans le service du Béthel, et il lui est demandé d’étudier ce règlement et de l’observer. À 6h.30 du matin, c’est la sonnerie pour le réveil. On s’attend à ce que les frères se lèvent immédiatement, prennent un bain et se préparent pour la journée de travail. À 7 heures, une nouvelle sonnerie retentit pour appeler tout le monde au petit déjeuner, et la famille du Béthel se réunit au complet dans la salle à manger. L’action de grâce est offerte par le président lui-​même lorsqu’il est là. En son absence, quelqu’un d’autre est désigné pour le remplacer.

      Cette action de grâce se fait de la manière suivante: Pour commencer on chante un cantique choisi à l’avance. Puis la prière est faite, soit par celui qui préside, soit par un autre frère désigné par lui. Ensuite, un membre de la famille demande la bénédiction sur la nourriture. Puis on sert le petit déjeuner, et pendant ce temps on lit le texte du jour qui est alors discuté librement par les membres de la famille, en particulier par les aînés de l’ecclésia. À la fin de la discussion, et après la lecture du commentaire contenu dans l’Annuaire, le président résume les pensées par quelques brèves paroles particulièrement appropriées au texte quotidieni. Puis les frères se lèvent et, avant de se séparer, écoutent la prière.

      À 8 heures du matin, tous les membres de la famille doivent être à leur tâche, qu’ils ont la responsabilité d’accomplir avec diligence. Entre autres, ils doivent faire la lessive, repasser, réparer les chaussures, préparer les repas, surveiller la cuisson des aliments, faire la vaisselle, nettoyer la salle à manger et s’occuper du ménage. Chacun accomplit fidèlement son travail, comme pour le Seigneur, parce que ce service est nécessaire à l’œuvre de Dieu. Tous ceux qui sont appelés à servir au Béthel doivent d’abord remplir un questionnaire et signer la déclaration selon laquelle ils sont pleinement voués au Seigneur et en complet accord avec la Société. Celle-ci s’attend à ce que tous les membres de la famille soient pleinement unis pour atteindre un but unique: la proclamation de l’évangile du Royaume de Dieu. Il ne faut pas longtemps pour se rendre compte que personne ne peut demeurer au Béthel s’il ne veut pas travailler.

      À midi, il y a une pause d’une heure pour le repas et la discussion de questions bibliques. N’importe quel membre de la famille, ou même un visiteur de passage, peut soulever une question biblique. Celui qui préside demande à plusieurs frères d’exprimer leurs pensées sur le problème posé et alors une discussion libre est ouverte, à laquelle tous peuvent prendre part. Pour terminer, le président résume la question en faisant une récapitulation des points qui ont été couverts. Le dîner se déroule de la même façon. En fait, on met à profit chaque repas en commun pour étudier la Bible, et c’est à cela que sert ce laps de temps. (...)

      Tous les lundis soirs nous étudions ensemble un article de fond de La Tour de Garde. Seuls les membres de la famille du Béthel peuvent y assister. L’étude est généralement conduite par le président de la Sociétéj.

      THOMAS: Eh bien, voilà un programme bien rempli! Ce n’est pas étonnant que de tels progrès aient été réalisés dans le domaine de l’impression, quand on considère l’intérêt manifesté par les frères pour leur travail.

      DE NOUVELLES PORTES S’OUVRENT

      LOÏS: Dans quelle ville le sixième congrès international s’est-​il déroulé?

      JEAN: À Toronto, au Canada, du 18 au 25 juillet 1927. Mais avant de discuter des caractéristiques de l’assemblée, il y a certains détails intéressants que j’aimerais vous citer.

      Le comité de l’organisation des congrès et le maire de Toronto désiraient que ce rassemblement ait lieu dans leur ville, mais la presse n’a pas tardé à montrer son hostilité à l’égard du projet et son intention de ne faire à l’événement qu’une publicité restreinte. Suite à une offre intéressante faite par le comité de l’organisation des congrès de Detroit, dans le Michigan, on a pris des mesures pour que l’assemblée se tienne dans cette ville. Mais il s’est présenté tant de difficultés que finalement nous avons pris la détermination d’organiser le congrès à Toronto, en dépit de l’opposition.

      La Société a alors décidé de publier son propre journal pour permettre aux congressistes et à ceux que cela intéressait d’avoir un rapport détaillé de l’assemblée. Les presses de la filiale canadienne ont imprimé cinq numéros de ce journal intitulé “Le Messager”, et plus de 20 000 exemplaires de chaque édition furent distribués, tandis que 100 000 exemplaires de la dernière édition appelée “souvenir” furent diffusés. En raison de l’attitude de la presse, nous avions résolu de ne pas faire de publicité payante. Par contre, la Société a imprimé 100 000 feuilles d’invitation que les frères ont remises avec enthousiasme aux citadins sur la voie publique.

      THOMAS: Ainsi vous avez fait votre publicité vous-​mêmes.

      JEAN: Exactement; par ailleurs, il s’est passé pendant le congrès un événement secondaire qui, si on le regarde à la lumière des années d’expansion qui suivirent, était chargé de sens. À l’auditoire de 15 000 personnes rassemblées le dernier dimanche pour la conférence publique, venait s’ajouter, par l’intermédiaire d’une chaîne internationale de stations radiophoniques, une foule invisible de gens. La radiodiffusion fut assurée en cette occasion par la Compagnie nationale de radiodiffusion (la N.B.C.) des États-Unis. C’est le juge Rutherford qui, par une habile démarche, obtint cette mesure en se présentant les 14 et 15 juin devant la Commission fédérale des télécommunications, en même temps que Monsieur Aylesworth, président de la Compagnie nationale de radiodiffusion.

      Frère Rutherford fit remarquer à M. Aylesworth qu’il avait donné un libre usage de la radio à certains financiers, à des hommes d’État et à des ecclésiastiques. Rutherford lui posa alors la question suivante: “Votre but est donc de permettre aux gens de recevoir le message des plus grands hommes de la finance, des hommes d’État les plus en vue et des ecclésiastiques les plus renommés du monde, n’est-​ce pas?” M. Aylesworth répondit par l’affirmative. Frère Rutherford lui posa une deuxième question: “Si vous étiez convaincu que le grand Dieu de l’univers allait prochainement mettre à exécution son dessein pour la bénédiction de toutes les familles et nations de la terre, afin de leur accorder la paix, la prospérité, la vie, la liberté et le bonheur, prendriez-​vous des dispositions pour annoncer cette nouvelle à la radio?” Il était difficile à M. Aylesworth de dire non, aussi répondit-​il oui. Puis il offrit de lui-​même de radiodiffuser une conférence du président de l’Association internationale des Étudiants de la Bible. Bien entendu, frère Rutherford a accepté tout de suite, de sorte que sa conférence publique a été retransmise par cinquante-trois stations, le plus grand réseau radiophonique du monde à l’époquek.

      LE SIXIÈME MESSAGE INVITE LES HOMMES À ABANDONNER LA CHRÉTIENTÉ

      Nous voici parvenus maintenant à la proclamation du sixième message. À la session publique du dimanche de l’assemblée de Toronto, les congressistes adoptèrent une résolution adressée “Aux peuples de la chrétienté”, résolution qui fut plus tard publiée dans une brochure portant le même titre que le discours de Rutherford: Liberté pour les peuples. On la diffusa lors d’une campagne spéciale au mois d’octobre suivantl.

      LOÏS: Contenait-​elle, elle aussi, un appel aux personnes bien disposées?

      JEAN: Oui, et elle portait contre la chrétienté la grave accusation d’offrir aux gens une fausse espérance. Voici les faits sur lesquels la résolution attirait l’attention des membres de la chrétienté:

      PRIMO: Dieu a fait naître d’un seul homme toutes les nations pour qu’elles habitassent sur l’étendue de la terre et il accorda à tous les peuples des droits égaux. (...)

      SECUNDO: Les principales nations de la terre prétendent être chrétiennes et forment, dans leur ensemble, la soi-disant “chrétienté” (...).

      TERTIO: Durant de longs siècles, les hommes ont joui de privilèges inégaux, par suite d’une répartition inéquitable. La multitude a produit les richesses du monde, mais elle a été injustement dépouillée du fruit de son travail. (...) La “chrétienté organisée” a fermé l’oreille aux requêtes et aux sollicitations du peuple implorant un adoucissement; mais les cris des opprimés sont parvenus jusqu’aux oreilles du Seigneur Jéhovah et le temps est venu pour lui d’accorder aux peuples délivrance et liberté.

      QUARTO: Jéhovah est le seul vrai Dieu, l’ami et le bienfaiteur de l’humanité. Il a élevé son bien-aimé Fils, Jésus-Christ, sur son trône, et il ordonne aux peuples de la terre de l’écouter et d’obéir au légitime souverain de la terre.

      QUINTO: Les rois et les grands de ce monde, c’est-à-dire ceux qui constituent l’alliance impie précitée, ont dûment été informés de l’intronisation du Roi par Dieu et de l’établissement de son règne; mais ils refusent d’y prêter attention, aussi tâtonnent-​ils dans les ténèbres. C’est pourquoi Dieu a décrété qu’une époque de détresse sans précédent viendrait sur le monde, époque durant laquelle le système soi-disant “chrétien” et toutes les ramifications de l’organisation satanique seront détruits. Jésus-Christ, le juste Roi, revêtu de toute autorité, assumera la domination des peuples et les bénira.

      SEXTO: Tout homme réfléchi doit se rendre compte que les désirs d’amélioration, de bien-être et de bénédiction ne pourront jamais être comblés par le système injuste, appelé “chrétienté”, et qu’il n’y a donc aucune raison de soutenir plus longtemps ce système hypocrite et oppresseur. En cette heure de perplexité, le Seigneur Jéhovah engage les peuples à délaisser, à abandonner pour toujours la soi-disant “chrétienté”, à s’en détourner complètement parce qu’elle est l’organisation du Diable et à ne la soutenir d’aucune manière (...)a.

      La résolution se termine alors par un appel aux habitants de la chrétienté, pour qu’ils servent Jéhovah d’un cœur dévoué et soient soumis à son Royaume désormais établi en accomplissement de l’espérance entretenue pendant des millénaires, tant par les Juifs que par les chrétiens.

      La résolution ainsi que la conférence publique intitulée “Liberté pour les peuples” furent publiées dans une brochure portant ce même titre. Ce fut la première résolution à être incorporée dans une brochure et distribuée à des millions d’exemplaires contre une contribution de 5 cents. Par ailleurs, le nouveau livre Création sortait des presses. Et le mois suivant, en novembre, la famille du Béthel s’installa dans le nouvel immeuble de six étages correspondant aux numéros 122 à 126 de la rue Columbia Heights. Autre chose encore: à l’assemblée de Toronto, le juge Rutherford avait exposé aux frères pèlerins son intention d’étendre leurs privilèges de service; orateurs itinérants, ils allaient être appelés à superviser et à stimuler les activités ministérielles du champ dans les congrégations. L’année 1927 a vraiment été spéciale.

      Et maintenant, Thomas, quel était, à votre avis, le but des résolutions dont nous avons parlé?

      THOMAS: Eh bien, il me semble que non seulement elles accusaient les dirigeants du monde d’ignorer volontairement Jéhovah, mais encore elles les avertissaient de la conséquence de leur ligne de conduite au cas où ils s’obstineraient à ne pas tenir compte des conseils et des avertissements de Jéhovah Dieu. J’ajouterai que dans ces résolutions, un appel était fait aux peuples du monde, pour qu’ils prennent position pour ou contre le Royaume de Dieu, né dans les cieux en 1914.

      SATAN LUI-​MÊME EST DÉMASQUÉ PAR LE SEPTIÈME MESSAGE

      JEAN: Exactement, et le dernier de ces messages dévastateurs cherchait encore plus à provoquer cette séparation des nations en deux catégories d’hommes. Il fut prononcé pendant le congrès de huit jours qui s’est déroulé du 30 juillet au 6 août 1928 à Detroit, dans le Michigan; le dernier jour de l’assemblée, une foule de 12 000 personnes adopta avec enthousiasme la résolution retentissante “Déclaration contre Satan et pour Jéhovahb”. Ce fut le point culminant du discours dynamique de Rutherford intitulé “Chef pour l’humanité”, et qui fut diffusé par la Société Watch Tower grâce à un relais radiophonique de 106 stations, jusqu’en Australie et en Nouvelle-Zélande.

      Dans ce discours, le président de la Société prouva à son auditoire et d’une manière irréfutable, sur la base de la Bible, ce qu’était la question de la souveraineté universelle et identifia Satan le Diable au plus grand adversaire de l’homme. En présentant cette terrible accusation contre notre grand ennemi, il affirma:

      Cette déclaration n’est point dirigée contre le monde ni contre les hommes qui occupent des postes officiels. Elle ne s’attaque point aux prédicateurs aveugles qui ont induit en erreur le peuple. Elle est dirigée contre l’ennemi commun de la création entière. Elle est dirigée contre l’ennemi qui pendant des siècles a diffamé le nom de Jéhovah Dieu et qui a apporté à l’homme des afflictions. Elle est dirigée contre Satan et ses alliés des ténèbres et du mal. Elle est faite pour témoigner que le règne de Satan doit sous peu arriver à sa fin et que Jéhovah, à cause de son nom et à cause du salut du peuple, établira un gouvernement juste afin que toutes les nations de la terre soient béniesc.

      Ces vérités essentielles furent incluses dans la déclaration contre Satan; voici la sixième d’entre elles:

      Parce que Satan ne veut pas céder la domination perverse qu’il exerce sur les nations et peuples de la terre, l’Éternel [Jéhovah] des armées avec son fonctionnaire exécutif, son Oint, Christ Jésus, activera la bataille contre Satan et contre toutes les puissances du mal, et désormais notre cri de guerre sera: L’ÉPÉE DE L’ÉTERNEL [JÉHOVAH] ET DE SON OINT. La grande bataille d’Armaguédon qui va bientôt commencer aura pour résultat la destruction entière de la puissance de Satan et la ruine complète de son organisation perverse. Jéhovah établira la justice sur terre par Christ, le nouveau chef, et affranchira l’humanité du mal et donnera des bénédictions éternelles à toutes les nations de la terred.

      LOÏS: Ce fut vraiment le point culminant de cette campagne de résolutions contre les ennemis de Dieu!

      MARIE: Il ne pouvait subsister aucun doute dans l’esprit des gens du monde, que ce soit chez les dirigeants ou dans la masse du peuple, sur la position des témoins de Jéhovah dans la question de la souveraineté universelle.

      JEAN: Le contexte de l’époque nous permet d’apprécier toute la signification de cette résolution. Les témoins de Jéhovah n’étaient pas encore conscients qu’une société d’un monde nouveau commençait à se former en la personne de ceux qui s’associaient à la Société Watch Tower. Cependant, la réalisation du dessein de Jéhovah Dieu faisait que, dès lors, le système que Satan avait mis au point et édifié au cours des six mille ans de l’histoire de l’homme était irréversiblement engagé sur la voie de la disparition totale, et qu’il était nécessaire qu’un nouveau système prenne son essor si la terre devait un jour être peuplée d’une humanité en harmonie avec Dieu.

      Les vingt années qui suivirent l’an 1919 se révélèrent être une période de changements violents et de controverses. À la suite de la défaite ignominieuse qu’il avait essuyée dans les cieux, Satan faisait un effort désespéré pour rétablir ses forces. La Société des Nations, le fascisme, le nazisme et le communisme sont des puissances qui ont vu le jour un an ou deux après la naissance de la société du monde nouveau, et qui, se développant selon leurs principes propres, cherchent toutes à jouer un rôle sur la scène mondiale.

      Les témoins de Jéhovah n’ont jamais douté de l’issue du combat. La raison en est que leur position a pour fondement la Parole de Dieu, et dès le jour où ils ont adopté cette série de résolutions hardies, entre 1922 et 1928, ils n’ont pas changé un instant d’attitude. La guerre entre la société de l’ancien monde et la société du monde nouveau était déclarée, et dans le jugement final que Jéhovah fit prononcer par la bouche de ses serviteurs, celui qui avait conçu la coalition impure du présent système de choses était lui-​même exposé au ridicule et à la honte publique. Le monde pouvait désormais voir Satan tel qu’il est, c’est-à-dire un apostat trompeur qui n’a que l’anéantissement à offrir à ceux qui sont assez stupides pour tomber dans son piège.

      Déjà la première décade de cette période critique était presque écoulée. À l’époque où fut publiée cette “Déclaration contre Satan et pour Jéhovah”, personne ne pouvait connaître avec exactitude l’avenir que réservaient les dix années suivantes. Mais que la fin fût ou non pour cette décade, les témoins de Jéhovah étaient certains que Jéhovah gagnerait la bataille. Les dix années qui suivirent l’adoption de cette série de résolutions cinglantes furent riches en activité et en épreuves sévères, mais aussi pleines de résultats encourageants pour les fidèles témoins de Jéhovah.

      [Notes]

      a a Annuaire (angl.) 1927, pp. 50, 51.

      b b Ibid., p. 48.

      c c Annuaire (angl.) 1928, pp. 37-43.

      d d Annuaire (angl.) 1928, pp. 92-96.

      e e Ibid., pp. 126-128.

      f f Ibid., p. 44.

      g g Le Messager (angl.), 12 août 1946, p. 14.

      h h Annuaire (angl.) 1928, p. 26.

      i i Plus tard on n’a plus chanté de cantique et on a pris l’habitude de faire la discussion biblique et la prière avant le petit déjeuner.

      j j Annuaire (angl.) 1929, pp. 26-29.

      k k wF 1927, pp. 249-254; Le Messager (angl.), 25 juil. 1927.

      l l Au total 1 898 796 brochures furent distribuées parmi les nations de la chrétienté. Annuaire (angl.) 1928, p. 31.

      a m wF 1928, pp. 3, 4.

      b n wF 1928, pp. 179-189; Le Messager (angl.), 6 août 1928; wF 1950, p. 86.

      c o wF 1928, p. 189.

      d p Ibid., p. 182.

  • Jéhovah identifie son dessein et son peuple
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 18

      Jéhovah identifie son dessein et son peuple

      LOÏS: Jean, vous nous avez parlé la semaine dernière des sept proclamations de jugement que les témoins de Jéhovah ont faites de 1922 à 1928, et vous nous avez montré que chacune d’elles a été diffusée sous forme de tract ou de brochure à des millions d’exemplaires. Mais vous ne nous avez pas dit s’il en a été de même de la “Déclaration contre Satan et pour Jéhovah”.

      JEAN: Ce discours et cette résolution ont effectivement été publiés en de nombreuses langues dans la brochure Le Bienfaiteur de l’homme (angl.), dont plus de 5 400 000 exemplaires ont été diffusés aux États-Unis et dans d’autres paysa. Elle a puissamment aidé à la défense du vrai culte.

      La mise en circulation des livres “Réconciliation” et “Gouvernement” à l’assemblée de Detroit, dans le Michigan, porta un nouveau coup au monde de Satan. Le second de ces ouvrages démontrait la faiblesse des systèmes politiques de ce monde et expliquait pourquoi Jéhovah avait prononcé sur eux une sentence de condamnation; en même temps, il soutenait le gouvernement théocratique de Jéhovah comme la véritable espérance des peuples. Cet ouvrage servit donc à atteindre une fois de plus le double but de l’œuvre de témoignage: la séparation des hommes, les uns pour la vie et les autres pour la mort.

      Jéhovah avait non seulement rétabli son peuple pour qu’il le loue, mais il l’avait rempli de courage, par la restauration de la vérité, et en lui accordant la compréhension de sa volonté, pour se tenir à la porte de ses ennemis et défendre le vrai culte. Plus de somnolence ou d’assoupissement dans les rangs de ces actifs guerriers! Plus de compromis avec les chefs religieux apostats et avec leurs adeptes! Ce temps était celui de l’action, et les témoins de Jéhovah avaient l’ardent désir de se donner tout entiers à l’œuvre.

      THOMAS: Dans la campagne qu’elle a menée, la Société a-​t-​elle fait un usage intensif de la radio? Vous avez dit qu’à plusieurs assemblées des relais radiophoniques ont été utilisés pour la retransmission des discours publics.

      JEAN: La radio a joué un rôle important dans le combat qui allait survenir après 1928. La Société a très tôt compris les possibilités qu’offrait un tel moyen de communication et, en 1922, elle avait acheté un terrain à Staten Island, dans la ville de New York, afin d’y construire sa propre station de radiodiffusion. Finalement, après quelques difficultés, le président de la Société a inauguré cet émetteur le 24 février 1924, en prononçant un important discours intitulé “Radio et prophétie divineb”. L’émetteur était enregistré par le gouvernement américain sous le nom de WBBR. Au début, il fonctionnait avec une puissance de 500 watts; trois ans plus tard, cette puissance a été doubléec. Pendant plus d’une trentaine d’années, cet émetteur a diffusé gratuitement ses programmes éducatifs sur tout le territoire de la ville de New York et de sa banlieue, ainsi que celui des États voisins du Connecticut et du New Jersey. Placé à cet endroit, ce fut une voix internationale qui toucha presque autant de personnes d’expression italienne qu’il y en avait dans toute la ville de Rome, plus encore de citoyens de souche irlandaise que Dublin, capitale de l’Irlande, ne comptait d’habitants, et plus de Juifs qu’il n’en existait en Palestine. Les studios ont finalement été installés dans le Béthel, situé au 124 Columbia Heights à Brooklyn, New York, et en 1948, avec l’autorisation du gouvernement américain, la puissance émettrice de la WBBR a été portée à 5 000 wattsd.

      Comme leurs prédécesseurs, les chrétiens du premier siècle, les témoins de Jéhovah étaient prêts à profiter des avantages de toute technique nouvelle capable de contribuer à une extension plus rapide de l’œuvre du Royaume. Les premiers chrétiens s’étaient vite rendu compte des avantages que présentait pour eux le codex, assemblage de pages manuscrites semblable à nos livres modernes; ils en ont préféré l’usage aux rouleaux peu pratiques utilisés jusqu’alorse. Ainsi, les témoins de Jéhovah ont compris qu’avec la radio il était possible d’atteindre un maximum de personnes dans un minimum de temps, et aux jours où ils étaient peu nombreux, ils l’ont fait valoir dans ce but.

      MARIE: Vous savez qu’en 1924, il y avait en moyenne aux États-Unis 1 064 témoins qui prêchaient toutes les semaines de maison en maison, diffusant livres et brochuresf. Il est vrai que le rapport de l’assistance à la Commémoration indiquait que, sur toute la terre, 65 105 personnes avaient accepté la vérité et, sans aucun doute, rendaient occasionnellement témoignage à leurs amis et connaissancesg. Cependant, la méthode du service organisé de maison en maison n’était encore appliquée qu’à une échelle limitée. Aussi la radio a-​t-​elle été un instrument très commode pour atteindre simultanément des milliers de gens.

      THOMAS: Avez-​vous dirigé des stations autres que la WBBR?

      JEAN: Oui; pendant un certain temps, la Société a employé six émetteurs qui lui appartenaienth. Elle avait aussi des contrats spéciaux avec deux autres stations qui mettaient à sa disposition toutes les heures réservées aux programmes religieuxi. La WBBR était bien entendu la station principale, mais la WORD à Batavia, dans l’Illinois, a aussi été très souvent mise à contribution.

      LE RÉSEAU DE LA TOUR DE GARDE

      THOMAS: Pourtant ce n’est pas avec la WBBR que vous avez commencé à vous servir de la radio, n’est-​ce pas?

      JEAN: Non, en effet. Bien que la radio en fût à ses débuts en 1924, le juge Rutherford en a fait usage pour la première fois deux ans avant la mise en fonction de la WBBR. Du Metropolitan Opera de Philadelphie, en Pennsylvanie, il a fait retransmettre le discours public du 16 avril 1922. Un compte rendu détaillé a été publié le lendemain dans le journal Record de Philadelphie. Il y était dit entre autres:

      La radio annonce la venue du millénium pour la terre. Discours du juge Rutherford, retransmis en direct du Metropolitan Opera. Grâce à plusieurs kilomètres de câbles téléphoniques Bell, le message a été porté jusqu’à (...) la station radiotéléphonique WGL, de la North Broad Streetj.

      Après ce modeste début, la radiodiffusion du message du Royaume a été étendue à l’Amérique du Nord et du Sud, à l’Europe, à l’Afrique et à l’Australie. Dans la décade qui suivit 1927, des centaines d’émetteurs ont été mis au service de la prédication. Nous avons déjà eu l’occasion de mentionner le réseau spécial de radiodiffusion commerciale de la NBC, qu’on avait mis à profit en 1927, lors de l’assemblée internationale de Toronto, au Canada. Le réseau Tour de Garde ou réseau “Blanc” a été mis sur pied en 1928, spécialement pour l’assemblée de Detroit, dans le Michigan; il a eu tant de succès que la Société a décidé d’établir, tant au Canada qu’aux États-Unis, un réseau de trente stations qui émettaient chaque semaine. On organisa un programme d’une heure qui fut diffusé à partir des studios Tour de Garde WBBR, établis à Staten Island, dans la ville de New York. Tous les dimanches, l’“Heure de la Tour de Garde” comportait un discours du juge Rutherford, précédé et suivi de musique jouée par l’orchestre de la Société. La première de ces émissions en direct a eu lieu le 18 novembre 1928, et il en a été ainsi jusqu’en 1930k.

      Si ces programmes se révélaient être un excellent moyen pour propager le message du Royaume et permettaient aux frères des États-Unis et même du Canada d’encourager le public à prendre l’écoute de cette Heure hebdomadaire de la Tour de Garde, ils accaparaient presque tout le temps de frère Rutherford, et, de ce fait, il ne pouvait ni voyager ni organiser des assemblées en divers endroits de la terre. Finalement, en 1931, il a été décidé que la Société remplacerait ces émissions en direct par des programmes enregistrés; c’est ainsi que 250 stations ont été prévues pour la radiodiffusion des discours que frère Rutherford enregistrait d’avance. L’enregistrement de ces allocutions pouvait se faire à l’heure qui convenait le mieux à frère Rutherford, et elles étaient diffusées au moment choisi par les studios, de sorte qu’il a été possible de mettre de plus en plus de stations au service de la bonne nouvelle du Royaumel.

      Ces discours, d’une durée de quinze minutes, ont connu un très grand succès. Non seulement cette disposition était pratique, mais elle était également plus économique, car la Société n’avait plus à louer les lignes téléphoniques nécessaires pour relier simultanément un grand nombre de stations. En 1932, ce service radiophonique qu’on appelait “la chaîne des disques” a été étendu à 340 stations, et en 1933 la Société en employait 408, ceci afin de faire entendre la bonne nouvelle sur les six continentsa.

      En 1933, ce service a atteint son apogée; en effet, les statistiques montrent que 23 783 discours bibliques différents ont ainsi été radiodiffusés. La plupart étaient des enregistrements de quinze minutesb. Mais à ce moment-​là, les difficultés ont vraiment commencé à surgir.

      THOMAS: Si ces conférences ressemblaient à celles qui ont été prononcées lors des sept assemblées de 1922 à 1928, je ne suis pas surpris que vous ayez eu des difficultés.

      JEAN: Oui, évidemment; les personnes bien disposées trouvaient un réconfort réel dans ces conférences. Mais en même temps, le juge Rutherford était convaincu que le moment était venu de mettre la religion apostate complètement à nu, afin de permettre à ceux qui avaient pour Dieu un amour véritable d’en sortir et de prendre position avant qu’Harmaguédon ne mette fin à ces faux systèmes.

      LOÏS: Oh, je me souviens que ma mère était choquée par ces conférences, et je me rappelle que dès que mon père voulait discuter avec elle, elle s’en allait. Il réussit à acquérir une très bonne connaissance de la Bible, et pourtant il n’allait jamais à l’église; ma mère ne pouvait réfuter ses arguments et elle en concevait une certaine colère.

      LA PROCLAMATION RÉGULIÈRE LE DIMANCHE SOULÈVE UNE NOUVELLE CONTROVERSE

      JEAN: Il y aurait encore beaucoup à dire à propos de notre campagne radiophonique, mais arrêtons-​nous d’abord sur quelques faits importants qu’il serait bien que vous connaissiez. En Amérique, la distribution de livres et de brochures en échange d’une contribution a commencé à se faire régulièrement tous les dimanches, dès le début de 1927c. Ce nouveau travail a suscité immédiatement certaines réactionsd. La lettre reproduite ci-dessous nous le confirme:

      CHER FRÈRE RUTHERFORD: Le 12 juin [1927], j’ai eu le privilège de desservir les frères de Plainfield, dans le New Jersey. En lieu et place de la réunion publique, il a paru préférable de faire une heure de proclamation de porte en porte.

      Immédiatement après l’allocution du matin, trente-cinq frères sont sortis dans le champ; aussi a-​t-​il été possible de placer 240 livres. Ce fut vraiment une heure de “rencontre publique”.

      À leur retour, les frères étaient tout joyeux, car chacun avait le sentiment d’avoir eu une part dans le témoignage public, qui fut excellent. Tous t’envoient leur amour et expriment le désir de faire connaître à toute la terre que Jéhovah est Dieu. Ton frère en Christ, N. H. KNORRe.

      L’auteur de cette lettre est depuis 1942 le troisième président de la Société. C’est à propos de ces sorties dans la prédication le dimanche que les ennemis de la bonne nouvelle ont commencé à susciter des difficultés.

      En 1928, à South Amboy, dans le New Jersey, quelques témoins de Jéhovah ont été arrêtés parce qu’ils proclamaient la bonne nouvelle le dimanche. Ce premier tir ouvert sur les témoins de Jéhovah a marqué le début d’un combat qui a duré une dizaine d’années, et souvent ils se sont référés à cette période comme à “la bataille du New Jersey”. Mais le front de l’opposition s’est bientôt étendu à presque toutes les parties de la terre.

      LOÏS: Est-​ce que ce sont les groupes protestants qui vous ont fait, comme auparavant, le plus d’opposition?

      JEAN: Ces mouvements nous étaient toujours hostiles, mais ceux qui nous ont fait la guerre à outrance, ce sont certaines cellules de l’“Action catholique”. La plupart de ces groupements ont été formés dans les années 20. Ils représentaient certains mouvements semi-religieux organisés dans différents pays pour répandre les idéologies sociales et politiques de l’Église catholique romaine. Plusieurs de ces groupes avaient commencé leur activité aux États-Unis en 1921. Mais avec les arrestations de 1928 et 1929, les témoins de Jéhovah prirent fermement position sur la question de l’obéissance aux gouvernements qui s’opposent aux ordres que Dieu a donnés.

      THOMAS: Voilà une question que je voulais examiner avec vous. Vous nous avez seulement parlé de l’attitude positive des témoins de Jéhovah vis-à-vis des gouvernements qui font partie du monde de Satan. Comment définissiez-​vous, à l’époque, votre position exacte à leur égard? J’ai parlé l’autre jour avec un homme qui critique les témoins de Jéhovah, parce que, bien que ne votant pas, ils ont recours aux tribunaux pour la défense de leurs droits. Comment expliquez-​vous cela?

      JEAN: Un homme ne doit pas nécessairement être inscrit comme électeur pour recourir aux tribunaux. Même un étranger peut bénéficier de ce droit. Les tribunaux sont essentiellement subventionnés par les impôts, et les témoins de Jéhovah paient les leurs. C’est pourquoi ils sont en droit de bénéficier de la protection légale garantie par le gouvernement, laquelle comprend également le secours de la police et des pompiers, institutions qui, elles aussi, sont entretenues avec l’argent des contribuables.

      Les apôtres des temps anciens ont profité de toutes les garanties que l’État romain offrait en vue de la protection des droits individuels. Paul a même porté son propre cas devant la Cour suprême de justice de Rome, c’est-à-dire devant César en personne. Paul se savait avant tout citoyen des cieux, cependant il usait tout de même de ses droits de citoyen romain; et s’il a agi ainsi, ce n’était pas pour en retirer un avantage personnel, mais pour l’avancement des intérêts de l’œuvre de Dieu. C’est pourquoi les témoins de Jéhovah ont adopté à ce moment-​là la même ligne de conduite. Paul a parlé de ses séjours en prison alors qu’il se trouvait à Rome, et des frères qui s’occupaient avec lui de la “défense et [de] l’établissement légal de la bonne nouvellef”.

      LOÏS: Pouvez-​vous nous rappeler la position doctrinale que les témoins de Jéhovah ont prise à cette époque?

      JEAN: Elle était fondée sur Romains 13:1, un texte d’ailleurs souvent mal employé et mal interprété par ceux qui veulent soumettre les hommes entièrement à l’autorité des gouvernements humains, quand la volonté de ceux-ci est en contradiction avec les commandements de Dieu.

      LOÏS: Je me souviens de ce passage. C’est celui qui dit qu’il faut être soumis aux autorités supérieures. Je vais vous le lire: “Que toute âme soit soumise aux autorités supérieures, car il n’y a pas d’autorité excepté par Dieu; les autorités existantes se tiennent placées dans leurs positions relatives par Dieu.”

      THOMAS: Cela donne tout à fait l’impression qu’il faudrait être entièrement soumis aux gouvernements de ce monde.

      LA SOUMISSION AUX AUTORITÉS SUPÉRIEURES

      JEAN: Eh bien, en août et en septembre 1929, La Tour de Garde a publié un article intitulé “Les autorités supérieures”. Cet article a paru en deux partiesg. Quelques citations vont nous permettre de voir de quelle manière ce point était compris par les témoins à cette époque cruciale.

      Il a été fait, sur ce treizième chapitre aux Romains 13, bien des commentaires tendant à prouver que les autorités des Gentils ou gouvernements de ce monde sont les “autorités qui existent”, et que ces gouvernements tiennent leur pouvoir de l’Éternel Dieu. Il est facile de voir que ce fut là le fondement de la doctrine du “droit divin des rois”, car l’apôtre Paul dit que toute autorité a été instituée de Dieu et que par conséquent l’enfant de Dieu doit y obéirh.

      Suivent de nombreux exemples de choses autorisées légalement dans certains pays et considérées comme illégales dans d’autres. Voici la question qui se pose alors: Dieu aurait-​il conféré un pouvoir ou une autorité différente à ces diverses nations? En résumant les traits particuliers de cet argument, l’article déclare:

      La loi fondamentale des États-Unis déclare que chacun est libre de pratiquer la religion qui lui plaît. Contrairement à cette loi, celle de quelques États défend de prêcher l’évangile en certains endroits ou en certaines circonstances, et ceux qui y dérogent sont arrêtés et punis. En Russie, la loi interdit la prédication de l’évangile sans permis spécial du gouvernement. Dieu a cependant ordonné à ses fils, par Jésus-Christ, de prêcher l’évangile à toutes les nations comme témoignage (Matthieu 24:14). L’enfant de Dieu doit-​il obéir à la loi des États-Unis, à celle de la Russie ou à celle de Dieu? Serait-​il possible que Dieu ait conféré aux différentes nations le droit et l’autorité de faire des lois contraires à sa volonté ou même contraires à la logique?

      Ne ressort-​il pas clairement de tout cela qu’appliquer les paroles de l’apôtre aux gouvernements de ce monde était une erreur? Lorsqu’il dit: “Les autorités qui existent ont été instituées de Dieu”, s’en référait-​il réellement aux nations de la terre? Ne serait-​il pas plus raisonnable d’admettre qu’il ne parle ici que des autorités de l’organisation de Dieu, et non de celles de l’organisation de Satani?

      D’autres versets bibliques et arguments étaient donnés ensuite pour soutenir cette conclusion.

      Cette nouvelle façon de concevoir la position des chrétiens à l’égard des gouvernements de ce monde a ranimé le zèle des témoins de Jéhovah et leur a permis de résister aux attaques qui, telles des vagues, ont déferlé sur eux lors des batailles juridiquesj. Cette attitude ferme des témoins de Jéhovah, décidés à ne se soumettre totalement qu’à Jéhovah et à Jésus-Christ, n’a fait qu’endurcir leurs adversaires dans leur opposition au Roi intronisé par Jéhovah pour diriger son gouvernement.

      THOMAS: À peu près tout ce que je me rappelle de l’année 1929, c’est qu’elle a vu le grand effondrement de la Bourse qui a entraîné l’une des plus graves crises mondiales.

      JEAN: Oui, effectivement. Les historiens modernes rendent cette crise responsable de plus de changements sociaux qu’on ne pourrait le penser. S’il est exact que les États-Unis ont connu d’autres crises économiques, celle-ci a réellement ébranlé la sécurité nationale et a démontré que les assises sur lesquelles est construite la société de ce monde n’ont aucune stabilité. Bien des étudiants de l’histoire moderne attribuent une part du succès de l’ascension politique d’Hitler à la situation créée en Europe par suite de cette dépression financière. En 1923, la tentative qu’il fit pour s’emparer du pouvoir lors de son “putsch de la brasserie” à Munich échoua, mais, grâce aux intrigues du catholicisme qui manœuvrait par l’intermédiaire de von Papen et à la faveur de l’atmosphère d’insécurité dans laquelle se trouvait le peuple à cette époque difficile, il devint chancelier d’Allemagne le 30 janvier 1933. Au début de juillet de cette année-​là, von Papen, promu au rang de vice-chancelier, négocia au nom d’Hitler un concordat avec le pape Pie XI. Le cardinal Pacelli qui, six ans plus tard, devait être couronné pape sous le nom de Pie XII, signa pour le Vaticank. En 1929, Mussolini avait établi un programme de coopération avec le Vatican, grâce au traité du Latran, qui fut signé par l’Église catholique romaine et ce nouveau gouvernement totalitairel.

      Tous ces faits confirmaient la dégradation de la situation mondiale et renforcèrent les témoins de Jéhovah dans leur détermination de servir Dieu comme Chef plutôt que les hommes. Ils ont en outre donné plus de poids au message que les témoins proclamaient aux peuples désemparés de ce monde. Entre 1931 et 1932, un changement marquant a été opéré à l’occasion de deux événements très importants pour l’évolution de la société du monde nouveau: le premier d’entre eux eut lieu lors d’une nouvelle assemblée des témoins de Jéhovah tenue à Columbus, dans l’Ohio, du 24 au 30 juillet 1931. Au cours de cette assemblée, 15 000 membres actifs de la Société ont résolu de porter le nouveau nom de “Témoins de Jéhovah”.

      LE NOUVEAU NOM ENTRAÎNE UNE RESPONSABILITÉ SUPPLÉMENTAIRE

      LOÏS: Avant 1931 vous ne portiez donc pas ce nom de témoins de Jéhovah. Comment vous appeliez-​vous auparavant?

      JEAN: Dans nos propres publications nous nous sommes désignés sous les noms de “l’Église”, les “Oints du Seigneur”, les “membres du corps de Christ”, les “frères” ou tout simplement les “chrétiens”, les “fidèles disciples du Christ”, les “Étudiants de la Bible”, les “Étudiants internationaux de la Bible” et d’autres appellations de cet ordrea. Il est certain que de telles expressions sont bibliques. Mais en général les gens de l’extérieur nous appelaient “les prédicateurs de l’aurore du millénium” ou, d’une façon plus péjorative, “les russellistes”. La résolution adoptée en 1931 attirait l’attention sur la confusion créée par cet état de choses et mettait en évidence la vraie position de ces chrétiens, disant:

      QUE (...) la Tour de Garde, Société de Bibles et de Tracts, l’Association internationale des Étudiants de la Bible et l’Association de la Tribune du peuple sont simplement des noms d’associations que nous soutenons et contrôlons, et dont nous nous servons, en tant que chrétiens, pour l’accomplissement de l’œuvre que nous avons entreprise par obéissance aux commandements de Dieu; que cependant aucun de ces noms ne peut s’attacher ni être justement appliqué à nous en tant que groupe de chrétiens, qui marchons sur les traces de notre Seigneur et Maître, Christ Jésus; que nous sommes des étudiants de la Bible, mais que, en tant que groupe de chrétiens constitués en association, nous ne consentons pas à être appelés du nom d’“Étudiants de la Bible”, ou de noms semblables, comme moyen d’identification de notre position devant le Seigneur; que, d’autre part, notre groupement refuse de porter le nom de quelque homme que ce soit.

      QUE, ayant été rachetés par le sang précieux de Jésus-Christ, notre Seigneur et Rédempteur, et ayant été justifiés et engendrés par Jéhovah Dieu et appelés à son Royaume, nous proclamons, sans hésiter, notre fidélité et notre obéissance absolues à Jéhovah Dieu et à son Royaume; que nous sommes des serviteurs de Jéhovah Dieu, chargés d’accomplir une œuvre en son nom, et que c’est par obéissance à son commandement que nous rendons témoignage à Jésus-Christ et faisons connaître aux hommes que Jéhovah est le Dieu tout-puissant et véritable. C’est pourquoi nous adoptons et porterons dorénavant joyeusement le nom que le Seigneur Dieu nous a donné de sa propre bouche et par lequel nous désirons être connus et appelés, c’est-à-dire le nom de “témoins de Jéhovah”. — Isaïe 43:10-12; 62:2, AC; Apocalypse 12:17b.

      Inutile de dire que cette résolution a été joyeusement accueillie par tous les assistants, et qu’au cours des semaines qui ont suivi, les membres du peuple de Jéhovah, rassemblés tout autour de la terre à l’occasion d’une cinquantaine de congrès, ont uni leurs voix pour adopter ce nom nouveau et remarquable.

      Afin que les dirigeants de ce monde soient dûment avertis de l’appellation par laquelle le peuple de Jéhovah allait désormais s’identifier, cette résolution, ainsi que le texte du discours donné par frère Rutherford à l’assemblée, furent publiés dans la brochure Le Royaume, l’Espérance du Monde. Une autre résolution adoptée à cette assemblée y était jointe. Elle accusait une nouvelle fois la chrétienté d’apostasier et de mépriser les conseils de Jéhovah. Cette brochure proclamait: “L’espérance du monde est le Royaume de Dieu; il n’y a point d’autre espérancec.” Cette année-​là, au cours du mois d’octobre, une campagne a été entreprise par les congrégations, afin que chaque chef religieux, chaque politicien, et chaque homme d’affaires important soit visité à son domicile et reçoive cette brochure. Rien qu’aux États-Unis et au Canada, 132 066 brochures ont été distribuées de cette manièred. En quelques mois, cette brochure a été répandue dans les foyers de cinq millions d’autres personnes réparties sur toute la surface de la terree.

      LOÏS: Cela a sans doute été l’une de vos plus grandes campagnes auprès des dirigeants et du peuple.

      JEAN: En effet, et il fallait qu’il en soit ainsi, car les témoins de Jéhovah devraient désormais être reconnus comme de véritables serviteurs de Dieu, voués à la proclamation de son nom et de son Royaume. Par là encore ils se sont séparés des gens du monde, qui ne reconnaissent pas le Roi intronisé dans les cieux et établi par la puissance de Jéhovah pour soumettre toutes les nations. De plus, dans les Écritures, le contexte où apparaît ce nom met encore l’accent sur l’issue du conflit qui oppose les véritables serviteurs de Dieu et ceux qui prétendent faussement le servir. Marie, voudrais-​tu nous faire la lecture d’Isaïe 43:8-10 (AC)?

      MARIE: [Elle lit]: “Fais sortir le peuple aveugle, qui a des yeux, et les sourds, qui ont des oreilles. Nations, assemblez-​vous toutes, et que les peuples se réunissent! Lequel d’entre eux a annoncé ces choses? Lequel nous a fait entendre des prédictions anciennes? Qu’ils produisent leurs témoins et qu’ils justifient leurs allégations; qu’on les écoute et qu’on dise: ‘C’est vrai!’ Vous êtes mes témoins, dit Jéhovah, et mon serviteur que j’ai choisi, afin que vous reconnaissiez et que vous croyiez, et que vous compreniez que c’est moi. Avant moi aucun Dieu n’a été formé et il n’y en aura point après moi”.

      LOÏS: Cela ne laisse guère subsister de doute quant à ce que Jéhovah exige de ceux qui portent son nom, ne trouvez-​vous pas?

      JEAN: Aucun. D’ailleurs, au cours de la période qui suivit la naissance de la société du monde nouveau et celle des sociétés ennemies qui concentraient leurs forces, un combat en vue d’exercer l’autorité allait s’engager, et les faits seraient présentés aux peuples, afin que chaque individu puisse discerner clairement laquelle de ces sociétés occupe une place dans les desseins de Jéhovah. Mais avant que ce combat ne débute pour de bon, Jéhovah a voulu réaliser au sein de son organisation un autre projet, dans le but de restaurer le sanctuaire dans la position qu’il doit occuper.

      PURIFICATION DU SANCTUAIRE DE JÉHOVAH

      Vous vous souvenez certainement qu’en 1926, à l’occasion de l’assemblée des témoins de Jéhovah à Londres, il avait été dit que la Société des Nations est la “bête” décrite dans Révélation 17:11, et qu’elle serait assurément détruite par la main de Jéhovahf. Cette affirmation a été signifiée à toutes les nations. Mais en ont-​elles seulement tenu compte? Non, elles n’ont pas rejeté l’abomination qui cause la désolation pour se tourner vers le Royaume de Dieu comme vers la seule espérance pour ce monde. En ignorant cette proclamation que Dieu faisait par l’intermédiaire de ses serviteurs terrestres, elles ont tourné le dos aux dispositions prises par Dieu pour leur salut, et ont ainsi ouvertement péché contre lui. Daniel avait été averti par l’ange de Jéhovah que les nations agiraient de cette manièreg.

      De son temps, Daniel avait prédit qu’après 2 300 jours, le sanctuaire de Dieu remporterait la victoire. Cet événement devait entraîner l’élimination du sein de l’assemblée de Dieu des “anciens électifs”, qui avaient été assignés à une fonction par voie démocratique. La Tour de Garde, dans les numéros de novembre et de décembre 1932 (éd. angl. du 15 août et du 1er septembre), contenait un article en deux parties intitulé “L’organisation de Jéhovah”. Cet article montrait clairement que le système des “anciens électifs” était une pratique impure empruntée au monde et en désaccord avec les principes du grand Théocrate, qui dirige son sanctuaire de haut en bas. En conclusion l’article présentait une résolution, accompagnée d’une recommandation, pour que toutes les congrégations l’adoptent. En voici un extrait:

      Qu’il soit par conséquent déclaré ici que nommer quelqu’un par votes à une charge d’ancien dans l’assemblée de Dieu n’est pas autorisé par les Écritures, et que désormais nous ne nommerons plus personne à cette charge. Tous les oints de Dieu sont des anciens dans le sens que les Écritures attribuent à ce terme; tous sont des serviteurs du Très-Haut.

      Pour que notre service se fasse avec ordre, nous voulons choisir divers membres de notre groupe que nous chargerons de certains devoirs, et parmi lesquels un directeur de service que nous proposerons au chef de l’administration, au directeur de la Société. Ce directeur de service fera partie de notre comité de service.

      Cette résolution a été adoptée par les congrégations des témoins de Jéhovah du monde entier, et dans un avis paru dans La Tour de Garde (angl.) du 15 octobre 1932, exactement à la fin de la période de temps fixée dans la prophétie de Daniel, Jéhovah révélait officiellement et par l’intermédiaire de son canal visible de communication que son sanctuaire avait été purifié et rétabli à sa juste place pour ce qui était de la suppression de ce procédé démocratique de l’élection des anciensh.

      THOMAS: Je comprends aisément que cette mesure allait apporter l’unité à votre organisation. Et ce fut là, il me semble, un progrès d’une grande portée.

      JEAN: Évidemment, cette mesure n’a pas rétabli complètement le fonctionnement théocratique de l’organisation de Jéhovah, telle qu’elle existait du temps des apôtres. Cette restauration complète restait encore à réaliser, et elle allait marquer la mise au point finale de la société du monde nouveau en tant qu’instrument pour la réalisation du dessein de Dieu envers son peuple. Et maintenant, plus que jamais, la faveur de Jéhovah reposait visiblement sur le canal qu’il s’était choisi plusieurs dizaines d’années auparavant. Depuis que le pasteur Russell avait, en 1878, pris fermement position pour le vrai culte, et au cours de toutes les années pendant lesquelles La Tour de Garde et ses éditeurs avaient continué la guerre contre les compromis et l’apostasie, il était devenu de plus en plus évident que ce groupe de chrétiens occupait une place remarquable dans les desseins divins. Après avoir été arrachés au pouvoir de la mort, en 1919, et poussés à prendre position avec courage et hardiesse contre Satan et pour Jéhovah, le rôle qu’ils avaient été appelés à jouer leur était désormais assuré, comme le montre le fait que le Souverain suprême plaçait sur eux son propre nom. Ainsi fortifiée, cette société de chrétiens et de chrétiennes était maintenant prête à se lancer dans une campagne telle que les serviteurs de Jéhovah n’en avaient jamais connue de semblable.

      [Notes]

      a a Annuaire (angl.) 1929, p. 65.

      b b w 1924, pp. 82, 358; w 1950, p. 268.

      c c wF 1948, p. 365.

      d d Ibid.

      e e Le christianisme sous presse (angl.) d’Edgar J. Goodspeed (1940), pp. 75-77.

      f f wF 1948, p. 378.

      g g wF mai 1924, p. 90.

      h h WBBR, Staten Island, New York; WORD, Batavia, Illinois (à partir de 1924); CHUC, Saskatoon, Saskatchewan, Canada (à partir de 1925); CKCY, Toronto, Ontario; CHCY, Edmonton, Alberta; CFYC, Vancouver, B.C. (ces trois dernières stations canadiennes ont été utilisées à partir de 1926). w 1925, p. 357; Annuaire (angl.) 1927, p. 41; Annuaire (angl.) 1928, pp. 32, 33. En 1928, le gouvernement du Canada refusa de renouveler l’autorisation de faire usage des quatre émetteurs que nous possédions dans ce pays. Annuaire (angl.) 1929, p. 35.

      i i KFWM, Oakland, Californie (à partir de 1925); WHK, Cleveland, Ohio (à partir de 1926). w 1925, p. 357; Annuaire (angl.) 1927, p. 41.

      j j w 1922, p. 180.

      k k Annuaire (angl.) 1930, pp. 34-39.

      l l Annuaire (angl.) 1932, pp. 47-51.

      a m C’est principalement grâce à l’activité déployée par le siège de la Société, que le message a touché des hommes d’Argentine, du Canada, de Chine, de Cuba, de France, d’Afrique du Sud, d’Estonie, d’Uruguay, d’Alaska, d’Hawaii, des Philippines et des États-Unis.

      b n Annuaire (angl.) 1934, pp. 60-64.

      c o w 1927, pp. 63, 233.

      d p Annuaire (angl.) 1929, p. 58.

      e q w 1927, p. 233.

      f r Philippiens 1:7.

      g s wF 1929, pp. 120-125, 131-137.

      h t Ibid., p. 120.

      i u Ibid., pp. 120, 121.

      j v Voir aussi w 1943, p. 298; wF 1946, p. 216.

      k w Le Vatican dans la politique mondiale (angl., 1948, Manhattan), pp. 165-170; Encyclopédie Columbia (angl), p. 1240.

      l x Encyclopédie Columbia (angl.) 1942, pp. 608, 1227; w 1941, p. 280; Encyclopédie américaine, Vol. VII, p. 464.

      a y wF oct. 1922, p. 10.

      b z Annuaire (angl.) 1932, pp. 22, 23.

      c aa wF 1931, p. 188.

      d bb Cette brochure fut remise à 88 009 prêtres, 19 103 hommes politiques, 22 869 hommes d’affaires et 2 085 chefs militaires. Bulletin (angl.) du 1er janv. 1932.

      e cc Annuaire (angl.) 1932, p. 36.

      f dd Voyez le chapitre 16, p. 111.

      g ee Daniel 8:13, 14.

      h ff “Que ta volonté soit faite sur la terre” (édition française de 1965), pp. 209-216.

      [Illustration, page 121]

      LA WBBR, STATEN ISLAND, NEW YORK, 1924.

  • La lutte pour la liberté de prêcher
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 19

      La lutte pour la liberté de prêcher

      THOMAS: Jean, vous nous avez dit que la prédication effectuée par la Société Watch Tower au moyen de la radio a été en grande partie la cause du combat livré au cours des années 1930, et qui a opposé les témoins de Jéhovah aux principales organisations religieuses. Qu’est-​il advenu de l’œuvre dans les pays soumis au fascisme et au nazisme?

      JEAN: Comme il fallait s’y attendre, la prédication de la bonne nouvelle s’est heurtée à une violente opposition en Italie et en Allemagne, pays dominés par le catholicisme. Le pasteur Russell avait fait sa première tournée de conférences en Europe en 1891, mais en Italie la vérité n’avait fait que peu de progrès depuis lors. En 1903 la Société avait pris des dispositions pour faire traduire et publier La Tour de Garde à Pinerolo (province de Turin), mais ce périodique n’était distribué que par l’intermédiaire d’une agence de presse. En 1905, le livre Le divin Plan des Âges fut traduit en italien, et le résultat en fut que, lors de sa seconde visite en Italie en 1912, le pasteur Russell trouva là-bas une congrégation d’une quarantaine de personnes qui se réunissaient dans un village non loin de Pinerolo.

      Cependant l’œuvre n’a progressé que lentement. Dans les premiers jours du fascisme, de 1922 à 1927, cinq pionniers quittèrent la Suisse pour ce territoire, mais une assemblée nationale tenue à Pinerolo en 1925 ne réunit que soixante-dix délégués venus d’Italie et de la Suisse italienne. Frère A. H. Macmillan, du bureau central de la Société, assista à ce congrès. Puis, en 1932, la Société ouvrit un dépôt de publications et se lança dans l’une de ses campagnes les plus actives. La brochure Le Royaume, l’Espérance du Monde fut imprimée sur place, et vingt proclamateurs capables venus de Suisse en distribuèrent 200 000 exemplaires dans vingt villes de l’Italie du Nord. C’est alors que les difficultés ont commencé. Le journal du cardinal Schuster, L’Italia, dénonça violemment cette activité, de sorte que la police fasciste fit irruption dans le bureau de la Société et le ferma en juillet 1932. La police a admis que c’était le clergé qui avait fait prendre ces mesures sévères contre cette diffusion de brochures bibliques, en contraignant le gouvernement fasciste à agir sur la base du Concordat signé en 1929 avec l’Église catholique.

      En Allemagne, cependant, l’œuvre avançait beaucoup plus vite. En fait, lors d’une campagne spéciale menée dans ce pays en 1933, il y eut presque autant de témoins actifs dans le champ qu’aux États-Unis. Cette campagne figure au nombre de celles que la Société a organisées au cours des années 30 et qu’on appelait “Les périodes de témoignage international”, lesquelles duraient huit jours. Elles représentaient un effort concerté des témoins de Jéhovah du monde entier pour démontrer leur unité, et cela en passant chacune de ces journées dans le champ, présentant le même message et offrant les mêmes publications.

      D’après les rapports que nous possédons sur cette campagne qu’on avait appelée “La période d’action de grâces du reste”, et qui s’est déroulée du 8 au 16 avril, nous étions 58 804 proclamateurs répartis dans soixante-dix-sept paysa. Une brochure intitulée “La Crise” a été distribuée. Aux États-Unis, 20 719 proclamateurs remirent un rapport, et en Allemagne, 19 268 témoins sortirent dans le champ. Les témoins allemands écoulèrent 2 271 630 publications, et ceux des États-Unis en placèrent 877 194.

      Mais il y avait une forte opposition catholique, et c’est à l’époque où fut déployée cette campagne qu’eut lieu la venue d’Hitler au pouvoir; cette opposition n’a d’ailleurs pas empêché que le témoignage soit donné à une grande échelle. On compte qu’en 1931 et 1932, il y avait un total de 2 335 procès en cours contre les témoins allemandsb; cependant entre 1919 et 1933, ils avaient distribué au peuple allemand 48 000 000 de livres et de brochures, et 77 000 000 d’exemplaires de l’édition allemande de L’Âge d’Orc.

      C’est alors que commença aux États-Unis la vraie bataille sur la question de l’utilisation de la radio. Le pape Pie XI avait fait de 1933 une “année sainte” qui devait ouvrir une ère d’activité catholique destinée à apporter la paix aux nations. En même temps, au printemps de 1933, les catholiques américains organisèrent une campagne nationale sous la direction de leurs cardinaux, de leurs évêques et de leurs prêtres pour “chasser Rutherford des ondes”. Ils avaient pour but d’intimider les propriétaires de stations de radio en les menaçant de boycottage, afin de les amener à refuser de signer des contrats avec les témoins pour la radiodiffusion de leurs conférences enregistrées. Souvenez-​vous qu’à l’époque, la Société faisait entendre sa voix dans le monde entier par l’intermédiaire de 408 stations émettricesd. En dépit des menaces, cependant, l’œuvre de témoignage par voie radiophonique continua de s’étendre, et la Société consacra des millions de dollars à cette forme de service, bien que l’Amérique se trouvât aux prises, de 1929 à 1935, avec sa grande crise économiquee.

      À la même époque, une méthode de service autre que la radiodiffusion commençait à se développer. On organisait des réunions publiques et privées où l’on faisait entendre des enregistrements sur des disques 33 tours. C’étaient les mêmes que ceux destinés aux stations de radio. En 1933, il y eut 4 646 réunions de ce genre qui groupèrent une assistance de 240 434 personnesf. De plus, on se servit de voitures munies de haut-parleurs pour sillonner les rues et faire entendre ces conférences publiques partout où il y avait du mondeg. Les années qui suivirent démontrèrent l’efficacité de cette méthode pour toucher le public.

      Portant alors à son point culminant “La période d’action de grâces du reste”, le président de la Société prononça le 23 avril, à la radio, son discours historique intitulé “L’année sainte et ses effets sur la paix et la prospérité”. Cette conférence exposait ouvertement la vanité des espérances que la Hiérarchie catholique romaine offrait aux gens, et dénonçait en elle une contrefaçon de la paix et de la prospérité promises par le Royaume de Dieu. Ce discours fut diffusé par cinquante-cinq stations radiophoniques.

      Deux mois plus tard, le 25 juin, des dispositions furent prises pour retransmettre l’enregistrement de cette conférence d’une heure dans 158 stations. Pour exciter la curiosité du public et préparer ce moment, on distribua dans le ministère de maison en maison cinq millions d’invitations imprimées sous la forme de feuilletsh. La réaction de la Hiérarchie fut immédiate, acerbe et très dure. Les catholiques intensifièrent leurs intimidations et certains directeurs de stations de radio leur cédèrent, refusant d’assurer la retransmission d’un programme quelconque de la Société Watch Tower.

      L’ŒUVRE INTERDITE EN ALLEMAGNE

      Pendant ce temps, en Allemagne, un acte manifeste du gouvernement amena le juge Rutherford à faire une visite précipitée dans ce pays. Avec Hitler comme dictateur depuis janvier 1933, l’opposition était devenue très forte. Au début d’avril, la police occupa la grande imprimerie de la Société et le Béthel à Magdebourg, la ferma et mit les scellés sur les presses. Au début, la filiale était installée à Barmen-Elberfeld, dans la Rhénanie. Mais en 1926, on avait décidé de rapprocher de Berlin les bureaux de la Société. On choisit Magdebourg, une grande ville située à environ soixante kilomètres au nord-ouest de Berlin, pour y établir le siège de la Société. On fit construire des bâtiments spacieux et bien conçus pour abriter une imprimerie de premier ordre et pour loger la famille du Béthel. La Société fut faussement accusée de subversion auprès du gouvernement d’Hitler, qui ferma la filiale, et pendant toute la durée de l’enquête les frères ne purent effectuer aucun travail. Comme il fut impossible de trouver des éléments réels pour soutenir l’accusation, la Société fut autorisée à reprendre possession de ses locaux le 28 avril. Cela permit aux frères du bureau central de terminer le rapport spécial pour le témoignage d’avril qu’ils avaient effectué avec un si grand zèle.

      Le juge Rutherford avait suivi avec beaucoup d’attention l’évolution de la situation en Allemagne, et il comprenait bien la conséquence qu’elle allait avoir pour l’œuvre de témoignage. Devant la gravité des événements, il se hâta de se rendre en Allemagne, accompagné de frère Knorr, pour voir ce qu’on pourrait faire. Le 25 juin, le jour même où l’on avait prévu la retransmission du discours “L’année sainte et ses effets sur la paix et la prospérité” au moyen de 158 stations radiophoniques des États-Unis, un rassemblement fut organisé à Berlin. Là, une Déclaration de Faits qu’on avait préparée fut présentée à un auditoire de 7 000 personnes, afin de protester contre le gouvernement d’Hitler au sujet de l’intervention arbitraire perpétrée à l’encontre de l’œuvre de témoignage effectuée par la Société; cette protestation fut adoptée à l’unanimité. La Déclaration fut envoyée à tous les hauts fonctionnaires du gouvernement, du président aux membres du conseil, et 2 500 000 exemplaires en furent distribués au public. Les représailles ne tardèrent pas. Trois jours plus tard, le 28 juin, les bureaux de la Société furent saisis et occupés et, par décret du gouvernement, l’imprimerie fut fermée. Cent quatre-vingts membres de la famille du Béthel reçurent l’ordre de quitter les lieux.

      On trouve un indice de la véritable origine de ces difficultés dans la déclaration suivante rédigée par un prêtre catholique de Berlin et publiée le 29 mai 1938 dans The German Way (La voie allemande):

      Il y a maintenant un pays où la secte des prétendus “Étudiants de la Bible” [témoins de Jéhovah] est proscrite. C’est l’Allemagne! Cette secte qui, pour un temps, avait pris un essor considérable en Allemagne, ne fut pas interdite par Brüning [chancelier du Reich allemand avant Hitler], bien que l’Église catholique lui ait demandé à plusieurs reprises de prendre cette mesure. Le “très catholique chancelier” Brüning s’était disculpé, invoquant qu’aucune loi ne lui permettait de dissoudre l’Association des Étudiants de la Bible.

      Lorsque Hitler prit le pouvoir et que l’épiscopat allemand lui eut formulé la même demande, le Führer répondit: “Ces Étudiants de la Bible sont des fauteurs de trouble; ils sont un obstacle à la vie normale du peuple allemand. Je les tiens pour des charlatans et ne tolérerai pas que les catholiques allemands soient souillés par ce “Juge” américain du nom de Rutherford. Je dissous la secte des Étudiants de la Bible en Allemagne et fais rentrer leurs biens dans la communauté du peuple allemand. Je ferai confisquer tous leurs écrits.” Bravo!

      Et dire que l’épiscopat américain, le cardinal Mundelein lui-​même, ne peuvent arriver à faire retirer des librairies des États-Unis les livres de Rutherford où l’Église catholique se trouve si violemment attaquée et calomniéei!

      La saisie des biens de la Société à Magdebourg était une violation flagrante du droit international sur la propriété, car ils appartenaient à une association américaine. Afin de rentrer en possession de ces biens, on fit appel au Département d’État des États-Unis pour protester contre les voies de fait dont le gouvernement allemand s’était rendu coupable à notre égard. Suite aux négociations alors entamées entre le Département d’État et l’Allemagne, le gouvernement allemand décida par décret de rendre à la Société ses biens, et il les remit aux frères.

      Mais le décret passé en juin et qui ordonnait la saisie de ces biens renfermait également une clause interdisant les activités de prédication promues par la Société. Cette interdiction ne fut pas levée; en outre, pendant la période de temps écoulée entre juin et octobre, la police gouvernementale avait pris et brûlé une grande quantité de livres, de brochures, de Bibles et d’autres ouvrages appartenant à la Société, d’une valeur globale de 25 000 dollars. Les réunions des témoins furent interdites, et la diffusion des publications stoppéej. Mais ceci n’arrêta pas pour autant les énergiques témoins allemands. Obéissant à la mission que Dieu leur avait confiée plutôt qu’aux ordres des hommes, ils continuèrent de faire une guerre sans relâche contre l’ennemi, jusque dans ses portes, et cela pendant toute la période du nazisme en Allemagne. L’article de fond intitulé “Ne les craignez point”, que publia La Tour de Garde du 15 février 1934, les aida grandement à demeurer intègres.

      UNE OFFENSIVE CONSTANTE

      THOMAS: La conférence où Rutherford dénonçait l’année sainte a-​t-​elle eu d’autres conséquences?

      JEAN: L’opposition devenait de plus en plus intense, surtout dans l’État du New Jersey. En juillet 1933, tandis que l’issue des pourparlers avec le gouvernement d’Hitler sur la saisie de nos biens en Allemagne était encore incertaine, le président de la Société décida d’organiser une réunion publique à Plainfield, dans le New Jersey, en raison de la persécution à laquelle on se heurtait dans cette région. Le sujet que Rutherford avait choisi de développer, à savoir “L’intolérance”, convenait très bien aux circonstances, car lors de ce rassemblement l’Église catholique eut recours à ses tactiques violentesk.

      Plainfield était le bastion du catholicisme dans le New Jersey. En raison du programme spécial prévu pour le dimanche 30 juillet, la Société loua les deux plus grands théâtres de Plainfield et les relia par fil direct. L’une de ces salles, aménagées pour servir de plaque tournante à toutes nos activités, devait nous permettre d’établir une chaîne de radiodiffusion avec, entre autres, le concours de la WBBR. La majorité des membres du service d’ordre et des placeurs avait été choisie parmi le personnel du Béthel de Brooklyn, et l’on nous a rapporté cet incident:

      On avait remis à tous ces placeurs un colis bien enveloppé et scellé, avec ordre de ne l’ouvrir que lorsqu’ils seraient invités à le faire. Peu de temps avant l’arrivée du juge Rutherford, plus de cinquante agents de police entrèrent pour “garder” les deux théâtres. Ils remarquèrent que tous les membres du service d’ordre avaient à la main un paquet identique, ce qui provoqua dans leurs rangs une inquiétude extrême. Un des agents demanda alors à l’un de ces frères ce qu’il avait dans son paquet. Le frère lui répondit qu’il n’en savait rien. L’agent, ne le croyant pas, lui ordonna d’ouvrir le colis. Mais le placeur refusa et lui fit part des instructions qu’il avait reçues relativement à ce paquet. L’agent s’en alla rapporter la chose à son supérieur, lequel revint avec lui vers le frère; lui-​même ordonna à ce dernier d’ouvrir le paquet, mais il se heurta de nouveau à un refus. Sur ce, l’officier ordonna à son subalterne de se saisir du paquet. L’autre obéit, tremblant de tous ses membres en emportant l’objet. Ils l’ouvrirent donc pour y découvrir, non une bombe, comme ils l’avaient supposé, mais seulement cinquante exemplaires inoffensifs de L’Âge d’Or où était imprimé le texte de la conférence que frère Rutherford allait prononcer l’après-midi. L’agent refit le colis, et d’un air penaud le rapporta au frère.

      À son arrivée au théâtre, frère Rutherford vit, à son grand étonnement, que la police s’était installée à l’entrée de la scène, face à l’auditoire. Et, en s’avançant vers le podium, il s’aperçut qu’elle avait mis en place deux mitrailleuses derrière les rideaux. Celles-ci étaient disposées de telle façon qu’il serait obligé de parler sous leurs canons, car ces armes étaient dirigées sur lui et sur l’auditoire. Le juge Rutherford en fut très irrité, mais ses protestations véhémentes ne firent pas bouger d’un pouce les policiers et leurs armes. On les avait avertis, dirent-​ils, qu’il allait y avoir une émeute, et ils étaient là pour maintenir l’ordre. Mais quelles qu’aient été leurs intentions réelles, la conférence fut prononcée sans incident et applaudie avec enthousiasme. La brochure Intolérance fut publiée par la suite et largement distribuée avec autant de succès.

      Les arrestations continuèrent. Au début, on ne tenait pas registre de leur nombre, mais il y en eut 268 aux États-Unis en 1933, 340 en 1934, 478 en 1935, et 1 149 en 1936l. Les proclamateurs du Royaume furent traînés devant les tribunaux et accusés de pratiquer la vente sans patente, de troubler la paix, de faire du colportage sans autorisation, de violer les lois du sabbat dominical, et on les mit dans la catégorie des quêteurs ou des marchands ambulants au lieu de voir en eux des ministres de l’Évangilea. Les tribunaux d’État représentaient le principal moyen dont nous disposions pour nous défendre contre de telles attaques, et comme la Constitution permettait aux témoins de Jéhovah de pratiquer leur religion en visitant les gens à leur domicile, ils menèrent le combat jusqu’au bout.

      La Société organisa au siège central un service juridique destiné à conseiller les frères de toutes les régions du pays, dans le but de les aider à faire face à cet assaut qui se manifestait. Le juge Rutherford était évidemment avocat, mais comme président de la Société il avait beaucoup trop à faire avec le travail d’administration et de rédaction, sans compter ses voyages, pour s’occuper lui-​même de ces problèmes. C’est pourquoi les frères qui exerçaient la profession d’avocat devinrent membres du personnel du bureau central, pour faire fonctionner ce nouveau service.

      Les qualifications de frère Rutherford lui permirent de diriger la rédaction des “Conseils pour les procès” (angl.), brochure que publia la Société, afin d’encourager les frères et de leur montrer comment présenter leur cas en justiceb. De plus, en leur faisant connaître leurs droits, cette brochure les incitait à poursuivre leur œuvre et les rendait à même de tenir ferme devant les fonctionnaires qui essayaient de les priver des droits que leur garantissait la loi. Un programme de formation fut prévu à cet effet dans les réunions de service où l’on faisait des représentations de procès. Les frères se succédaient à la barre pour se défendre sur la question de la liberté du culte. Cela les aida grandement, surtout ceux qui habitaient dans les points chauds du territoire, et leur permit en outre d’offrir une réponse aux personnes curieuses ou opposées qu’ils rencontraient dans le champ.

      THOMAS: Il me semble que si, sur le plan local, les fonctionnaires vous étaient hostiles au point de vous arrêter ou d’installer des mitrailleuses devant un auditoire lors d’une réunion publique, comme ce fut le cas à Plainfield, dans le New Jersey, vous n’aviez pas grand espoir de vous en tirer devant les tribunaux de première instance. En général l’opinion publique influence très fortement les décisions prises sur des questions de cet ordre. En tout cas, pour ma part, c’est ce que j’ai constaté.

      JEAN: C’est vrai; la plupart des procès qui ont eu lieu dans des cours inférieures ont été perdus par les témoins de Jéhovah. Mais dès le début, nous avons systématiquement fait appel. Si nous n’avions pas utilisé cette méthode, il y aurait eu une telle masse de jugements adverses prononcés contre nous, qu’il nous aurait été impossible de poursuivre l’œuvre de prédication. Ce fut une longue et dure bataille que celle qui fut menée devant les tribunaux. Mais les témoins de Jéhovah firent valoir leur position quant à la liberté des cultes, et celle-ci a protégé jusqu’à ce jour des personnes de toutes les confessions religieuses. Mais il y a encore beaucoup à dire au sujet de cette bataille juridique, et nous y reviendrons.

      L’ENNEMI VAINCU PAR LE NOMBRE

      À peu près à la même époque, nous avons trouvé un autre moyen pour effectuer la prédication dans les zones d’opposition violente. En 1933, la Société lança un appel à tous les frères des États-Unis, demandant des volontaires pour effectuer une prédication d’un type particulier. Une fois de plus les témoins de Jéhovah prenaient l’offensive. Les 12 600 proclamateurs qui s’engagèrent dans ce service étaient prêts à tout moment à partir en mission spéciale pour prêcher de maison en maison là où des difficultés avaient surgi ou étaient attendues. Dans ce cas-​là, il fallait employer des tactiques particulières pour prêcher dans des territoires où des frères avaient été arrêtés dans le service habituel de maison en maison. Dès que la nouvelle de telles arrestations parvenait aux bureaux du Béthel de Brooklyn, la Société faisait appel à la division la plus proche pour qu’elle se rende sur les lieux en mission spéciale.

      Aux États-Unis il y avait soixante-dix-huit de ces divisionsc. Chacune d’elles comptait de dix à deux cents voitures de cinq proclamateurs. Dès que le Béthel signalait une urgence et appelait une division à son poste, toutes les voitures se rendaient à un rendez-vous précis, généralement dans la campagne, à quelques kilomètres de la ville où la persécution avait sévi. Là, des instructions détaillées étaient données, et un territoire attribué à chaque groupe. Le territoire était divisé de telle manière que, lorsqu’une division passait à l’action, n’importe quel “point chaud” était couvert entièrement dans un temps de trente à soixante minutes.

      En cas d’arrestation, le frère ou la sœur devait composer un certain numéro de téléphone dès son arrivée au poste de police. Des avocats attendaient à l’autre bout du fil, prêts à venir à la rescousse avec l’argent de la caution. Pendant que la prédication était en train de se faire, un comité de frères rendait visite à la police pour lui fournir la liste complète des témoins qui visitaient les gens de leur territoire ce matin-​là. Et le temps que durait la visite, la prédication était quasiment terminée, dans la plupart des cas.

      Cette méthode nous permit de vaincre les adversaires par la force du nombre, de sorte que, quelle que fût la violence de l’opposition dans un territoire, la bonne nouvelle du Royaume toucha pratiquement chaque maison. La seule chose que l’ennemi pouvait faire dans de tels cas, c’était d’arrêter vingt ou trente frères d’un coup, ou autant que la prison du lieu pouvait en contenir, et de laisser agir les autres. Par contre, si la congrégation locale avait essayé de faire la même chose, la moitié des frères auraient été incarcérés, et cela pour une durée de dix à quatre-vingt-dix jours, et le territoire n’aurait pratiquement plus été visité. C’est ainsi qu’en usant de tous les moyens possibles, les témoins ont été à même de poursuivre l’œuvre de prédication face à l’opposition intense qu’ils rencontraient de toute part.

      [Notes]

      a a Bulletin (angl.), 1er juillet 1933.

      b b Annuaire (angl.) 1933, pp. 122, 123.

      c c Annuaire (angl.) 1934, p. 145.

      d d Ibid., pp. 60-64.

      e e Ibid., p. 63.

      f f Ibid., pp. 64-66.

      g g Bulletin (angl.), août 1935.

      h h Annuaire (angl.) 1934, pp. 60-64; L’Âge d’Or (angl.), 1933, Vol. XIV, pp. 530-536; Bulletin spécial (angl.), juin 1933.

      i i Face aux réalités (1938), pp. 60, 61.

      j j Annuaire (angl.) 1934, pp. 127-146.

      k k Ibid., p. 66.

      l l Annuaire (angl.) 1934, p. 53; Annuaire (angl.) 1935, p. 31; Annuaire (angl.) 1936, p. 65; Annuaire (angl.) 1937, p. 51.

      a m Annuaire (angl.) 1930, pp. 25-30.

      b n Annuaire (angl.) 1933, pp. 39-49.

      c o Annuaire (angl.) 1934, pp. 46, 49; Bulletin (angl.), mai 1933.

      [Illustration, page 132]

      “INTOLÉRANCE”, 1933.

      “Condamnation d’innocents” (Jér. 2:34; Jacq. 5:6)

  • La bataille des ondes ouvre la voie à une activité nouvelle
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 20

      La bataille des ondes ouvre la voie à une activité nouvelle

      JEAN: La position stratégique de la station de radio WBBR a permis d’utiliser un autre moyen de contrecarrer les méthodes illégales des fonctionnaires de la région du New Jersey. Il y avait au Béthel de Brooklyn un groupe d’acteurs entraînés à jouer pour la radio, et qu’on appelait le “Théâtre du Roi”. Ils étaient experts dans l’art de parler et de faire des représentations dramatiques devant un micro. C’est ainsi qu’au fil des années ils jouèrent les drames de Ruth, d’Esther, de Joseph et ses frères, etc., qui tous obtinrent du succès. Mais maintenant l’occasion se présentait de faire usage du “Théâtre du Roi” dans la bataille du New Jersey, pour venir en aide aux frères qui avaient été arrêtésa. On peut lire par exemple, dans le Bulletin spécial (angl.) de juin 1933, l’annonce suivante:

      Le drame “Défi à Jéhovah”, qui est la reconstitution exacte du procès récemment intenté à nos frères à Summit, dans le New Jersey, sera diffusé par les studios de la WBBR, le dimanche matin 18 juin.

      Voici la façon dont on s’y prenait: Quand s’ouvraient les séances des procès intentés aux proclamateurs engagés dans les rangs des divisions spéciales de prédicateurs, quelques témoins de Jéhovah sténographes assistaient aux débats pour en minuter le déroulement. Dans ces tribunaux locaux, nombre de juges étaient catholiques. Ils n’hésitaient pas en outre à manifester ouvertement leur prévention en pleine audience. Beaucoup d’entre eux utilisaient un langage grossier et laissaient même deviner l’identité de leurs alliés ecclésiastiques, lesquels s’efforçaient, quant à eux, de rester à l’arrière-plan et de dissimuler le rôle qu’ils jouaient dans l’opposition croissante exercée contre les témoins. Toutes ces sorties de mots piquants échangés dans le tribunal étaient relevées par les sténographes. Pendant ce temps, d’autres frères, mais cette fois-​là des acteurs expérimentés, assistaient à l’audience pour étudier la voix et les intonations du juge ainsi que les paroles enflées du procureur, et cela dans le but de reconstituer avec la plus grande exactitude possible la procédure tout entière.

      Quelques jours après la clôture du procès, le Théâtre du Roi était en mesure de reproduire sur les ondes ces scènes de tribunaux avec un remarquable réalisme jusque dans les moindres détails. Enfin, pour atteindre le résultat désiré, on faisait un effort spécial pour inviter toute la population du New Jersey à se mettre à l’écoute à l’heure fixée. L’expérience révéla au public stupéfait la perversion avec laquelle la justice était exercée dans ces villes catholiques de l’État du New Jersey. Avec le temps, les juges prirent peur devant cette publicité révélatrice qui les prenait pour cible ainsi que la police et les procureurs aveuglés, et nombre d’entre eux se montrèrent plus avisés quand ils eurent à juger des témoins de Jéhovah.

      TROIS PÉTITIONS DÉNONÇANT LA PARTIALITÉ

      Pendant cette bataille des ondes, les témoins mirent en œuvre un autre moyen d’action légale: le droit de pétitionner. Entre la fin de 1933 et le début de 1934, les témoins de Jéhovah ont fait circuler à l’échelle nationale une pétition adressée au Congrès des États-Unis à Washington, qui protestait avec vigueur contre les intimidations des catholiques et la menace qu’ils faisaient peser sur la liberté d’expression à la radio. Des semaines ont été consacrées à aller de porte en porte présenter des faits et le texte de la pétition au public. Au total 2 416 141 signatures furent recueillies.

      On prit alors des mesures pour faire enregistrer la pétition à Washington, le 24 janvier 1934. Nous avions classé les pétitions de façon qu’elles correspondent aux différents districts représentés au Congrès des États-Unis et qu’on puisse donc les remettre au sénateur ou au membre de cette assemblée responsable de ces régions. Nous avions des signatures qui intéressaient chacun des 435 représentants et des 96 sénateurs qui siégeaient dans les deux chambres du Congrès. Les listes furent emballées dans des cartons et transportées à Washington par l’un des grands camions de la Société. Là, des frères des environs avaient été invités à se tenir prêts pour la distribution. Nous avions su que la plupart des députés du Congrès passaient entre dix et onze heures à leurs bureaux pour prendre leur courrier avant de se rendre aux sessions de leurs chambres respectives qui commençaient à midi. On remit à chaque frère l’adresse d’un sénateur ou d’un représentant, on lui dit les paroles qu’il fallait prononcer pour introduire la pétition, et on lui donna une lettre à remettre avec la liste des noms contenus dans chaque carton. Par groupes et en voiture, les frères se rendirent aux deux bâtiments où se trouvaient les bureaux des sénateurs et des représentants du Congrès. En quelques minutes toutes les pétitions étaient distribuées.

      Le projet d’une loi destinée à faire obstacle à la pratique de la partialité, du boycottage et des autres méthodes violentes utilisées pour entraver la radiodiffusion des programmes d’intérêt public, avait été soumis au Congrès. Par son représentant, la Société présenta une quantité importante de preuves pour étoffer la pétition. Le Congrès des États-Unis vota alors une loi faisant passer le contrôle de toutes les communications à une nouvelle administration, la Commission fédérale des télécommunications. Cette commission comptait neuf membres, et elle allait superviser toutes les installations radiophoniques des États-Unis. Elle allait être appelée à promulguer les lois et le règlement auxquels serait soumis l’usage de la radio, et à préserver la liberté du culte sur les ondesb.

      THOMAS: Cela aurait dû grandement vous faciliter la tâche.

      JEAN: Pourtant, il n’en fut rien. Le 4 octobre 1934, le président de la Société Watch Tower se présenta en personne devant cette nouvelle commission fédérale à Washington, et lui soumit un rapport des faits, démontrant par des cas précis et des statistiques que les pressions catholiques avaient gravement porté atteinte à notre liberté du culte et à l’usage de la radio dans l’intérêt public. L’opposition que la Hiérarchie catholique romaine manifestait à l’égard du service de radiodiffusion assumé par les témoins de Jéhovah avait provoqué en 1934 une baisse considérable du nombre de nos émissions par rapport à l’année précédente. En 1934 nous avons donné 20 743 discours, mais cela correspondait à une diminution de 3 040 allocutions par rapport au maximum atteint en 1933c.

      Malgré la clarté de ce témoignage et de ces faits, la Commission fédérale des télécommunications ne fit pas grand-chose pour changer quoi que ce soit à la situation. Poursuivant son combat incessant pour la liberté d’expression et du culte, la Société organisa une seconde pétition dans tous les États-Unis. Adressée une nouvelle fois au Congrès, elle lui fut présentée en janvier 1935, avec un total de 2 284 128 signatures à l’appuid. L’année 1935 vit encore diminuer le nombre global de nos émissions radiophoniques; il y eut 2 536 conférences de moins qu’en 1934. Nous n’avons donc pu faire cette année-​là que 18 287 émissions.

      On décida alors d’organiser une assemblée nationale à Washington, du 30 mai au 3 juin 1935. Frère Rutherford devait parler devant la Commission fédérale des télécommunications le 3 juin; ainsi, en plus de la nécessité de pourvoir à la nourriture spirituelle dont les frères avaient besoin, il parut judicieux d’organiser ce congrès pour donner plus de poids à l’audition réservée à frère Rutherford. Plus de 20 000 personnes écoutèrent la conférence publique intitulée “Gouvernement”, qu’il prononça le dimanche 2 juin au Washington Auditorium, avec transmission radiophonique internationale et simultanée.

      Comme prévu, le jour suivant, le président de la Société soumit une lettre à la Commission fédérale des télécommunications pour demander instamment que d’autres mesures soient prises pour défendre la liberté d’expressione, mais la deuxième pétition présentée au Congrès et la lettre remise par le président de la Société demeurèrent toutes deux sans réponse.

      Au début de 1936, un prêtre catholique romain écrivit une lettre à une station de radio de Philadelphie, en Pennsylvanie. Bien qu’elle ne différât en rien, tant dans son but que par le ton, de centaines d’autres missives envoyées dans tous les États-Unis aux stations de radiodiffusion, cette lettre provoqua une chaîne d’événements et mérite de ce fait notre attention. En voici le contenu:

      Église Notre-Dame du Saint-Sacrement, Pères du Saint-Esprit, 714 N. Broad Street, Philadelphie, le 15 février 1936. À la station W.I.P., Gimbel Bros., Philada. Messieurs,

      En ma qualité de prêtre catholique et de pasteur de l’Église susnommée, au nom de mes paroissiens, je proteste contre le fait que vous assuriez la radiodiffusion du discours du juge Rutherford dimanche prochain, à 3 heures de l’après-midi, comme d’ailleurs à tout autre moment. Les raisons qui motivent cette protestation sont que le juge Rutherford attaque l’Église catholique, qu’il présente ses enseignements sous un faux jour, et suscite la haine religieuse et le fanatisme. Si vous permettez au juge Rutherford de parler dimanche après-midi, veuillez, je vous prie, solder mon compte, car je ne dépenserai plus un sou dans les magasins Gimbel Bros. Il serait surprenant que vous autorisiez une telle émission, car vous exposeriez par là un large pourcentage de vos clients à l’insulte directe et au ridicule. J’ose espérer que vous prendrez les mesures nécessaires. Avec mes respects, Révérend James J. Clarkef.

      Le cardinal Dennis Dougherty de Philadelphie, la plus grande autorité de l’Église catholique romaine de cette ville, donna son appui à la lettre de Clarke et menaça de “prendre des mesures supplémentaires et plus radicales” si la station Gimbel permettait au juge Rutherford de poursuivre ses émissions. Voici la lettre envoyée par son bureau à cet effet:

      BUREAU DE LA CHANCELLERIE, 1712 Summer Street, Philadelphie. Le 30 avril 1936. À CEUX QUE CELA PEUT INTÉRESSER:

      Ayant pris conseil de Son Éminence, le cardinal Dennis Dougherty, au sujet de la lettre du Rév. James J. Clarke, C. S. Sp., recteur de l’Église Notre-Dame du Saint-Sacrement à Philadelphie, il m’a fait part de son entière approbation, et que Son Éminence se joint à cette protestation; en outre, il prendrait des mesures supplémentaires et plus radicales si vous autorisiez le juge Rutherford à poursuivre ses émissions.

      Le cardinal Dennis Dougherty est archevêque de Philadelphie. [signé] J. Carroll McCormick, CHANCELIER de l’archevêché de Philadelphieg.

      Cette menace de boycottage et de “mesures supplémentaires et plus radicales” frappa les frères Gimbel à l’endroit sensible du nerf financier, et malgré dix années de bonnes relations avec les témoins de Jéhovah, ils succombèrent à ces tactiques brutales et cessèrent de diffuser les conférences publiques du juge Rutherford.

      Passant à la contre-attaque en rendant publique cette action arbitraire, le juge Rutherford et la Watch Tower Bible and Tract Society ouvrirent deux actions légales différentes, avec une demande de dommages et intérêts de 100 000 dollars dans chaque cas, contre Dennis Dougherty, James J. Clarke, J. Carroll McCormick et l’archevêché catholique romain de Philadelphieh. De plus, les témoins de Jéhovah firent circuler une pétition dans la région de Philadelphie, demandant que la station WIP organise un débat entre le juge Rutherford et un grand dignitaire catholique romain. La pétition appuyée par 119 558 signataires fut envoyée aux frères Gimbel le 1er septembre 1936, mais ils n’en tinrent pas compte. Les cinq journaux de Philadelphie refusèrent même de publier à nos frais une annonce ainsi conçue:

      Nous communiquons publiquement aux 119 558 signataires et en leur faveur l’avis selon lequel les avocats de la Watch Tower Bible and Tract Society ont présenté hier après-midi à Benedict Gimbel, Jr., président de la Compagnie de radiodiffusion de Pennsylvanie (station WIP), la PÉTITION reproduite ci-dessous et adressée à la station de radio Gimbel, la WIP, Philadelphie:

      Les auditeurs de votre chaîne, dont les signatures approuvent la présente requête, apprécient beaucoup et depuis longtemps vos émissions, y compris les discours du juge Rutherford dans le cadre des programmes Tour de Garde. Nous apprenons qu’en raison des véhémentes protestations que de hauts fonctionnaires de l’Église catholique romaine vous ont adressées, sous prétexte que le juge Rutherford ‘présente sous un faux jour les enseignements de cette Église et suscite la haine religieuse et le fanatisme’, la WIP refuse à présent de retransmettre ces allocutions.

      Un grand nombre de gens croient que le juge Rutherford ne présente sous un faux jour les croyances d’aucune organisation religieuse. Puisque les dignitaires de l’Église catholique trouvent à redire à ces discours, ne pourrait-​on pas organiser un débat public à propos de leurs doctrines? La WIP en assurerait la radiodiffusion avec, d’un côté, le juge Rutherford, et de l’autre, un haut représentant de l’Église catholique romaine. Il n’est rien qui ne serve davantage l’intérêt du public et qui lui soit plus nécessaire que de connaître ce que la Bible dit sur le salut de l’humanité, car là est bien la question en jeu. Cette question intéresse de très près tous les gens impartiaux. Nous vous faisons donc parvenir cette demande dans l’espoir que vous prendrez des dispositions pour que ce débat public ait lieu, et que la WIP continuera à assurer la radiodiffusion des discours du juge Rutherfordi.

      Après la pétition de Philadelphie, un troisième et dernier assaut fut lancé à l’échelle nationale pour protester contre l’inertie du gouvernement dans cette question essentielle de la liberté d’expression. Voici le texte de cette pétition:

      PÉTITION à la COMMISSION FÉDÉRALE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS et aux STATIONS DE RADIODIFFUSION des ÉTATS-UNIS

      La presse catholique romaine met opposition aux conférences radiodiffusées du juge Rutherford, parce que, prétend-​elle, il présente faussement les doctrines de l’Église catholique sur le salut du genre humain. Des millions de personnes ont la conviction qu’il ne présente pas faussement ces doctrines, et beaucoup d’autres ne savent pas exactement ce qu’il faut entendre par vérité.

      Le salut du genre humain étant de la plus haute importance pour tous, nous désirons pouvoir écouter un débat raisonnable et impartial sur la nature de la vérité à ce sujet, et comme par ailleurs une telle pétition a déjà été adressée à la station de radiodiffusion WIP à Philadelphie,

      NOUS VOUS DEMANDONS instamment, dans l’intérêt et pour le bien de la généralité, qu’une discussion publique ait lieu sur cette question, dans laquelle les partis opposés seront représentés d’un côté par un haut fonctionnaire de l’Église catholique romaine, et de l’autre par le juge Rutherford. Nous demandons que la COMMISSION FÉDÉRALE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS, conformément à l’article 303 (§ g) de la loi de 1934 sur les télécommunications, fasse usage de son autorité dans ce domaine “en encourageant un emploi plus étendu et plus efficace de la radio dans l’intérêt de la généralité”. En outre, nous formulons la demande que les stations de radiodiffusion des États-Unis transmettent ce débat à l’échelle nationale, avec la participation de la station régionale du territoire où habitent les personnes dont les signatures se trouvent ci-dessousj.

      Avec le temps, cette troisième pétition nationale reçut l’appui de 2 630 001 signataires, qui protestaient contre cette méthode antiaméricaine d’intimidation et de boycottage qui s’était ainsi étendue sur une si vaste échelle. La pétition fut présentée le 2 novembre 1936 à la Commission fédérale des télécommunications à Washingtonk. Une fois de plus la requête de millions de personnes fut passée sous silencel.

      UTILISATION DU MESSAGE ENREGISTRÉ DANS LE MINISTÈRE DE PORTE EN PORTE

      LOÏS: Il est surprenant qu’avec toutes ces pressions et ces étouffements des émissions radiophoniques, l’œuvre elle-​même n’ait pas subi de ralentissement.

      THOMAS: Mais tu te souviens, Loïs, que Jean a dit que la Société faisait déjà usage de disques dans les réunions publiques et privées pour enrayer cette opposition illégale de la Hiérarchie catholique romaine.

      JEAN: Je suis heureux que vous vous en souveniez, car le travail entrepris par la Société au moyen des disques s’est révélé plus efficace encore que celui effectué sur les ondes. En fait, les résultats de 1933 étaient si encourageants que l’année suivante la Société inaugura une nouvelle méthode de service: l’usage de phonographes portatifs et de sermons bibliques de courte durée, soit quatre minutes et demie, enregistrés sur des disques 78 toursa.

      Au début on ne s’en servait que dans l’activité des nouvelles visites. Mais leur efficacité fit qu’on étendit l’usage au porte à porte. Grâce à ces disques, on pouvait vraiment faire une présentation directe et efficace du message. Ils permettaient aux témoins de répondre aux questions que se posaient les gens, et comme les enregistrements étaient réalisés au siège de la Société, un message uniforme était proclamé dans le monde entier.

      Puis, en 1937, une décision historique relative à l’usage de la radio fut prise. Les témoins de Jéhovah se retirèrent volontairement de la radio.

      Cela ne voulait pas dire que la Société avait perdu la bataille des ondes, car souvent cette même année et par la suite encore, le président de la Société prononça d’importantes conférences publiques qui furent retransmises par toute une chaîne de stations radiophoniques. En fait, lors d’un congrès tenu par les témoins de Jéhovah cette année-​là à Columbus, dans l’Ohio, le discours que frère Rutherford prononça le samedi 18 septembre devant un auditoire de 25 000 personnes fut retransmis dans tous les États-Unis, et pratiquement dans toute l’Amérique du Nord, en Angleterre, en Europe et jusqu’en Australie. Le lendemain, sa conférence publique sur le thème “La sécurité” fut diffusée par 135 stations de radio aux États-Unis.

      Puis le dimanche d’après, le 26 septembre, le président de la Société donna une allocution intitulée “Le culte de Dieu”, qui fut diffusée par une chaîne nationale de 125 émetteurs. C’est dans ce discours que frère Rutherford exposa les raisons pour lesquelles la Société se retirait d’elle-​même de la voie des ondes. Son rapport annuel sur l’activité de service les explique en détail, et, parlant du programme de boycottage et d’intimidation poursuivi pendant dix années par la Hiérarchie catholique romaine et d’autres ecclésiastiques, il attire l’attention sur le fait que

      à la suite de ces machinations illicites, des pétitions portant la signature de millions de citoyens américains furent remises au Congrès (Sénat et Chambre ensemble) et à la Commission fédérale de la radio, demandant que soit interdite l’intervention des chefs religieux dans les programmes de la TOUR DE GARDE. Or, rien ne fut fait pour mettre un terme à cette persécution; au contraire, les fonctionnaires publics du gouvernement des États-Unis, certains propriétaires de stations de TSF et d’autres personnages s’étaient entendus et agissaient de concert en vue de mettre obstacle à la diffusion du message du Royaume. C’est ainsi que jusqu’à présent la radio a servi de mise à l’épreuve à certains propriétaires et gérants de stations radiophoniques, aux fonctionnaires du gouvernement des États-Unis et surtout aux membres du clergé; tous ont montré leur opposition au Royaume de Dieu et du Christ. Par cette épreuve, tous ces adversaires se sont révélés ennemis de Dieu et de son règne. La radio semble donc avoir pleinement servi le dessein de Dieu consistant à donner un avertissement aux habitants du pays, à provoquer un classement parmi eux, et à obliger ainsi les adversaires du Royaume de Dieu à se déclarer tels et à s’identifier comme membres de l’organisation de Satan, (...)b.

      À dater du 31 octobre 1937, la Société se retirerait de tous les contrats pour l’usage payant des installations radiophoniques. La WBBR continuerait de fonctionner, et si à l’avenir les stations de radio offraient à la Société l’usage gratuit d’un peu de leur temps, quelle qu’en soit la durée, l’organisation accepterait ce geste comme une preuve de bonne volonté et utiliserait ces moments pour répandre plus avant le message du Royaume. Ainsi prit fin la bataille des ondes.

      THOMAS: Est-​ce que les témoins de Jéhovah ont concentré leurs efforts à ce moment-​là sur l’emploi d’enregistrements aux réunions et aux portes?

      JEAN: En effet. Ils se mirent dès lors à dépenser leur temps, leur argent et leur énergie dans cette nouvelle forme de service avec le même zèle que dans les stations de radio. Le résultat en fut que ce travail effectué à l’aide du phonographe commença à se développer pleinement et à jouer un rôle important dans l’œuvre de prédication. En 1937, le nombre de personnes qui avaient entendu ces sermons enregistrés, soit dans les réunions publiques soit en privé, s’élevait à 10 368 569, et en 1938 il monta à 13 070 426. Cette année-​là nous avions à notre disposition 430 000 disques enregistrés en 16 langues, sans compter l’anglais, et 19 676 phonographesc. Les témoins commençaient à être bien armés dans cette nouvelle phase de la guerre pour la défense du vrai culte.

      THOMAS: Je suppose que vos ennemis ne vous ont pas laissé déployer cette activité sans résistance.

      JEAN: Bien entendu. Le nombre de ceux qui avaient répondu au message du Royaume de Dieu diffusé sur les ondes les avait suffisamment embarrassés. Mais maintenant ce même message entrait dans les foyers par l’intermédiaire du phonographe, ce qui permettait aux auditeurs des enregistrements de poser des questions aux témoins. Ils pouvaient ainsi recevoir des réponses basées sur la Bible. Il devenait clair qu’au lieu de constituer une retraite, la manœuvre des témoins de Jéhovah en abandonnant la voie des ondes était en réalité une attaque de flanc, qui semblait mettre dans l’embarras leurs ennemis religieux et leur infliger de lourdes pertes. La voix du phonographe, qui avait commencé à se faire faiblement entendre en 1933, provoquait maintenant des effets à tout rompre, de sorte que ces ennemis mortels réalisaient que leur plan destiné à étouffer la prédication sur les ondes avait été mis en échec.

      C’est alors que le 26 avril 1938, dans le Connecticut, la colère gronda sous forme de protestations. Un témoin de Jéhovah fut arrêté avec ses deux enfants mineurs, sous l’accusation de troubler la paix dans un quartier catholique en faisant entendre le disque “Ennemis” dans les foyers. Traduit devant les tribunaux du Connecticut suite à la plainte déposée par deux catholiques romains, le frère fut déclaré coupable. Cette décision soulevait la question suivante, non seulement pour le Connecticut, mais pour tous les États du pays: Les témoins de Jéhovah seraient-​ils autorisés à poursuivre ce programme d’éducation publique par ce moyen efficace? Il fallut attendre deux ans pour que cette question soit tranchéed; entre-temps la structure de la société du monde nouveau évolua considérablement.

      DÉBUT D’UN MINISTÈRE PLUS VASTE

      Pendant ce temps, un autre aspect de l’œuvre de prédication ordonnée par Jésus avait commencé à se développer. Nous avons déjà parlé en détail du service effectué de 1874 à 1914 pour le rassemblement des oints de Jéhovah. Il se poursuivit, quoique avec des résultats moindres, pendant toute la période où les témoins prêchèrent “revêtus de sacs”, de 1914 à 1918. Puis à la restauration du vrai culte en 1919, qui marqua aussi la naissance de la société du monde nouveau, l’appel aux futurs membres du Royaume et cohéritiers du Christ était toujours lancé. Bien que Jéhovah soit venu dans son temple en 1918 et ait commencé de juger la classe des oints, d’autres hommes devaient être amenés à en faire partie, car certains avaient été trouvés indignes et devaient être remplacés. Les faits montrent que cela a duré en particulier jusqu’en 1931, date à laquelle a commencé l’œuvre consistant à rassembler ceux qui s’identifient à la classe des “autres brebis” du Seigneur Jésus-Christ.

      Dès le début du ministère du pasteur Russell, on savait et on enseignait qu’en plus de ceux qui allaient recevoir la vie céleste comme cohéritiers du Christ, l’humanité dans son ensemble devait recouvrer la vie parfaite sur la terre. Mais pendant longtemps La Tour de Garde avait émis l’idée qu’un autre groupe obtiendrait finalement la faveur de Dieu et la vie spirituelle dans les cieux, toutefois dans une position secondaire par rapport au reste des cohéritiers du Christ. On disait que ces personnes constitueraient la “grande foule” dont il est parlé dans Révélation 7:9. Cependant, en 1935, au congrès de Washington, auquel les “Jonadabs” avaient été spécialement conviés par La Tour de Garde, de nombreuses preuves bibliques ont été offertes identifiant la grande multitude mentionnée dans Révélation 7:9 aux Jonadabs ou “brebis” mentionnées dans Matthieu 25:31-46. Dès 1923, on avait compris que ces brebis constituaient un groupe d’hommes auxquels Jéhovah donnerait l’espérance terrestre et qui devaient apparaître “au temps de la fin” du monde; en outre, on avait su en 1932 que cette classe avait été préfigurée dans le drame prophétique de Jéhu et de Jonadab, dans lequel le roi Jéhu représente Jésus-Christ et le reste de ses frères spirituels, et Jonadab la classe des hommes bien disposés approuvant la destruction par Jésus de la religion apostate, et qui hériteraient la vie sur la terre après Harmaguédon. Cela montrait clairement que la grande foule dont parle Révélation 7:9 ne pouvait pas du tout être une classe spirituelle de second ordre, mais qu’il s’agissait bien des “autres brebis” de ce “temps de la fin”e. Il va sans dire que cette identification provoqua une grande joie chez les milliers de congressistes et simplifia considérablement l’enseignement de la Bible et de sa doctrine.

      Pendant 1 900 ans la congrégation chrétienne s’était développée exclusivement autour de l’espérance céleste qui lui était réservée. Il est vrai que les campagnes de conférences publiques et le Photo-Drame de la Création avaient beaucoup contribué à susciter l’intérêt des hommes pour le dessein de Dieu consistant à restaurer des conditions de paix sur la terre en faveur de l’humanité, et la campagne “Des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais”, menée de 1918 à 1921, a été un pas vers le rassemblement de cette classe destinée un jour à peupler la terre. Mais on n’insistait pas sur la nécessité de les rechercher. Aussi La Tour de Garde continua-​t-​elle de fournir une nourriture essentiellement préparée pour le reste. Cependant, à partir de 1935, un changement s’amorça. La nourriture spirituelle offerte au peuple de Dieu devait satisfaire non seulement les besoins de ceux qui étaient engendrés de l’esprit, mais aussi de ceux dont les espérances étaient entièrement terrestres. Désormais le reste ne recherchait plus uniquement les brebis dispersées du peuple oint de Jéhovah; ces ministres devaient à présent s’employer à trouver les “autres brebis”. Ils devaient se préparer à faire entrer dans la bergerie du Christ les nombreuses “autres brebis” qui cherchent avec ardeur à connaître la volonté divine et qui sont prêtes à accomplir toutes les tâches qu’on leur confie.

      Cette nouvelle compréhension constitua une véritable épreuve pour certains chrétiens qui prétendaient appartenir au reste oint. Ils nourrissaient plus d’intérêt pour leur propre personne et pour leur salut individuel que pour l’accomplissement des desseins de Dieu, et ils se rebellèrent contre cette responsabilité accrue qui leur était donnée, au point que certains d’entre eux quittèrent la vérité, à l’exemple de quelques “anciens électifs”. La grande majorité des membres du reste, cependant, acceptèrent avec ferveur cette occasion de démontrer leur amour pour Jéhovah Dieu et pour leur “prochain” sur la terre, et ils se mirent à s’acquitter de cette mission de prédication plus vaste avec le zèle qui a caractérisé les serviteurs de Dieu au cours des siècles. Mais aussi surprenante qu’ait pu être cette révélation, il fallut presque dix ans avant que cette nouvelle campagne ne puisse s’effectuer avec une grande efficacité.

      [Notes]

      a a Bulletin spécial (angl.), juin 1933.

      b b Bulletin (angl.), mars 1934.

      c c Annuaire (angl.) 1935, pp. 36, 37.

      d d Annuaire (angl.) 1936, pp. 56, 57.

      e e Annuaire (angl.) 1936, pp. 56, 57.

      f f L’Âge d’Or (angl.), Vol. XVII, 15 juillet 1936, p. 649, reproduction de l’original.

      g g Ibid., p. 648, reproduction de l’original.

      h h L’Âge d’Or (angl.), Vol. XVII, 26 août 1936, pp. 739-752.

      i i L’Âge d’Or (angl.), Vol. XVII, 9 sept. 1936, pp. 781, 782; Vol. XVIII, 7 oct. 1936, pp. 10-13.

      j j L’Âge d’Or (angl.), Vol. XVII, 29 juil. 1936, pp. 675-677.

      k k L’Âge d’Or (angl.), Vol. XVIII, 13 janv. 1937, p. 232.

      l l Informateur (angl.), sept. 1936.

      a m Annuaire (angl.) 1935, p. 39.

      b n Annuaire (angl.) 1938, p. 48.

      c o Annuaire (angl.) 1939, pp. 59, 63, 64, 68.

      d p Cantwell contre Connecticut (1940), 310 U.S. 296.

      e q wF 1935, pp. 323-333, 339-348; Justification (angl.), Vol. III (1932), pp. 77-80; w 1942, p. 374.

  • L’ordre théocratique est établi peu avant la Seconde Guerre mondiale
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 21

      L’ordre théocratique est établi peu avant la Seconde Guerre mondiale

      THOMAS: Jean, avant de nous quitter ce soir, voulez-​vous nous dire comment l’œuvre progressait en Europe au cours de cette période?

      JEAN: En 1934, la Société dirigeait des filiales dans quarante-neuf pays répartis sur tous les continentsa. Ces bureaux étaient en étroit contact avec le siège de Brooklyn, et l’œuvre se développait conformément au modèle établi aux États-Unis. Mais en Europe, le catholicisme fasciste était en pleine expansion, créant des difficultés sans cesse croissantes dans toutes les formes de l’activité. Comme nous l’avons dit, en 1932 l’œuvre fut interdite en Italie, bien qu’une cinquantaine de témoins soient restés actifs dans ce pays. La police les pourchassait sans relâche, allant jusqu’à arrêter les personnes qui acceptaient des publicationsb, tandis qu’un certain nombre de frères italiens étaient eux-​mêmes jetés en prison par le gouvernement fasciste de Mussolini. L’œuvre se poursuivait aussi en Espagne, en dépit de la révolution fasciste qui dura de 1936 à 1939; toutefois, les progrès étaient lents, quoique au plus fort de la guerre civile les témoins espagnols aient placé 105 570 exemplaires de publications bibliquesc. Aussi loin qu’au Japon, l’œuvre subit des restrictions en 1933, et fut finalement interdite en 1939.

      Bien entendu, en Allemagne les témoins déployaient une plus grande activité, bien que, comme vous vous en souvenez, le gouvernement d’Hitler ait fait fermer les bureaux de la Société à Magdebourg et interdit aux témoins de Jéhovah toute activité relative aux réunions et à la diffusion de publications. Cela se passait en juin 1933. Quoique au mois d’octobre de la même année les locaux fussent rendus à la Société, qui les occupa, il lui était impossible de se servir du matériel, car les publications étaient toujours interdites. Cette situation dura jusqu’au déclenchement de la guerre en 1939, date à laquelle le gouvernement allemand reprit possession des bâtiments appartenant à la Société, et les employa au service de la guerre.

      UNE PROTESTATION EST ADRESSÉE AU GOUVERNEMENT D’HITLER

      Comme nous l’avons vu précédemment, frère Rutherford suivait de près le développement des événements en Allemagne, afin de voir ce qui pouvait être fait. Le 7 octobre 1934, on franchit avec hardiesse une étape décisive. En réponse à une lettre venant du siège de la Société et qui circula dans toutes les congrégations d’Allemagne, il fut demandé à tous les frères du pays de faire l’impossible pour se réunir simultanément ce jour-​là, afin d’adopter une résolution exprimant leur protestation. Les congrégations firent ce qui leur était demandé, et après avoir prié sincèrement Jéhovah, elles envoyèrent leur protestation sous forme de télégramme adressé aux membres du gouvernement d’Hitler à Berlin.

      La protestation stipulait que, contrairement à la loi de Dieu et en violation des droits accordés aux témoins de Jéhovah, le gouvernement d’Hitler leur avait interdit de se rassembler pour étudier la Parole de Dieu, pour l’adorer et le servir. Les témoins accusaient la loi d’Hitler d’être en contradiction flagrante avec celle de Dieu, aussi avisaient-​ils Hitler —

      que nous observerons, à tout prix, les commandements de Dieu, que nous nous réunirons pour étudier sa Parole, et que nous l’adorerons et le servirons comme il l’a prescrit. Si votre gouvernement ou les agents de votre gouvernement nous infligent de mauvais traitements, parce que nous obéissons à Dieu, notre sang reposera sur vos têtes, et vous devrez rendre des comptes à Dieu, le Tout-Puissantd.

      Après lui avoir donné l’assurance, à lui et à son gouvernement, qu’ils ne s’occupaient pas des affaires politiques, mais qu’ils étaient pleinement dévoués au Royaume de Dieu placé sous le Christ, et en lui certifiant qu’ils ne causeraient aucun mal ni dommage à personne par suite de leur travail, ils signèrent le télégramme ainsi: “Veuillez croire, Monsieur le Chancelier, à l’assurance de nos sentiments respectueux. Les témoins de Jéhovah à...”, en indiquant la ville où ils s’étaient réunis en tant que congrégation.

      Une fois de plus, l’unité des témoins de Jéhovah fut rendue manifeste dans le monde entier, car en ce même dimanche matin, avant d’aller dans le service du champ, les congrégations des témoins de Jéhovah de cinquante pays se rassemblèrent pour soutenir leurs frères allemands. Après avoir prié Jéhovah, chaque groupe adressa ce câblogramme de protestation à Hitler et à son gouvernement.

      Au gouvernement hitlérien, Berlin, Allemagne. Les mauvais traitements que vous infligez aux témoins de Jéhovah révoltent tous les honnêtes gens et déshonorent le nom de Jéhovah. Cessez les persécutions contre les témoins de Jéhovah, sans quoi Dieu vous détruira vous et votre parti.

      Ce câblogramme était signé “TÉMOINS DE JÉHOVAH” et portait le nom de la ville où la congrégation s’était réuniee.

      THOMAS: Cela a dû être un choc terrible pour le gouvernement d’Hitler. Quelle fut sa réaction?

      JEAN: La seule réponse tangible que les frères obtinrent alors fut un programme de persécution plus intensive. Depuis lors, la Société est entrée en possession d’un rapport fait sous serment, relatant ce qui s’est réellement passé suite à cette avalanche de protestations. Ce récit fut préparé par Karl R. A. Wittig et signé par-devant notaire, à Francfort-sur-le-Main, le 13 novembre 1947.

      DÉCLARATION — En ma qualité de plénipotentiaire du général Ludendorff, j’allai trouver, le 7 octobre 1934, sur ordre, le Dr Wilhelm Frick, ministre de l’Intérieur du Reich et de la Prusse, au Ministère de l’Intérieur à Berlin, Am Königsplatz 6, afin de recevoir des communications visant à inciter le général Ludendorff à renoncer à son attitude négative à l’égard du régime national-socialiste. Pendant mon entrevue avec le Dr Frick, Hitler apparut soudain et se joignit à la conversation. Lorsque nous en vînmes à parler des mesures prises par le régime national-socialiste contre l’Association internationale des Étudiants de la Bible [témoins de Jéhovah] en Allemagne, le Dr Frick présenta à Hitler un certain nombre de télégrammes de protestation, venus de l’étranger, contre les persécutions des Étudiants de la Bible dans le IIIe Reich, en disant: “Si les Étudiants de la Bible ne se mettent pas au pas, nous agirons contre eux par les pires moyens.” Sur ce, Hitler sauta sur ses pieds et, les poings serrés, hurla comme un hystérique: “Cette engeance sera exterminée en Allemagne!” Quatre ans après cet entretien, j’ai pu me rendre compte, pendant les sept années que dura ma seconde détention, — qui prit fin au moment où les alliés me délivrèrent, — dans l’enfer des camps de concentration de Sachsenhausen, Flossenbürg et Mauthausen, que l’explosion de colère d’Hitler n’était pas une vaine menace, car aucune catégorie de détenus n’a été exposée, dans les camps de concentration susmentionnés, au sadisme de la soldatesque SS comme le furent les Étudiants de la Bible; un sadisme caractérisé par une suite ininterrompue de tortures physiques et morales qu’aucune langue du monde ne saurait décriref.

      Au commencement même de ce temps de crise de 1933, La Tour de Garde du 15 février 1934, sous le titre “Ne craignez point!”, comportait un article de fond qui démontrait clairement, les Écritures à l’appui, quelle est la responsabilité qui repose sur les oints du reste de Jéhovah, en ce temps critique. L’article était basé sur le thème biblique de Matthieu 10:26, 27 qui dit, selon la version Segond: “Ne le craignez donc point; car il n’y a rien de caché qui ne doive être découvert, ni de secret qui ne doive être connu. Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-​le en plein jour; et ce qui vous est dit à l’oreille, prêchez-​le sur les toits.” L’article en question expliquait que les choses qui devaient être dites étaient celles que Jéhovah avait révélées en secret, ou dans l’obscurité comme “dans les ténèbres”.

      Ces vérités, que le monde n’a ni vues ni comprises, devaient donc être exposées ouvertement et sans crainte, pour servir d’avertissement aux ennemis, de sorte que les personnes bien disposées puissent les connaître. Cet article attirait l’attention sur la haine et la malveillance que les dirigeants des différentes nations manifestaient à l’égard des témoins de Jéhovah en les persécutant et en les arrêtant, et cela notamment depuis la venue du Seigneur dans son temple en 1918. L’inimitié farouche exprimée plus spécialement par l’Église catholique romaine fut dénoncée, y compris les fausses accusations qu’elle portait contre les témoins de Jéhovah, disant que c’étaient des communistes et des socialistes engagés dans des intrigues politiques visant à renverser tous les gouvernements terrestres actuels. Il fut également dit que les Écritures avaient annoncé que cette opposition provoquerait peut-être même la mort de certains fidèles serviteurs de Dieu.

      Comme nous l’avons déjà vu, la question litigieuse se pose nettement à chaque membre du “reste”, et il ne peut y avoir le moindre doute à son sujet. Chaque membre du “reste” doit l’envisager courageusement et avec assurance. (...) Si l’un des membres de la classe du temple, après avoir appris les grandes vérités qui doivent à présent être proclamées, les gardait tranquillement par devers lui en évitant de les proclamer, et si en même temps il adoptait une ligne de conduite qui, à son avis, pourrait le préserver des critiques des agents de l’ennemi, il renierait ainsi le Seigneur, (...) car il n’obéirait pas à ses commandements. (...) Ceux qui participeront avec Christ Jésus à la gloire de son royaume doivent être de véritables et de fidèles témoins du nom de Jéhovah et proclamer courageusement et joyeusement ce qu’ils ont appris de Dieu, dans le temple, et ainsi ils auront part à la justification de son saint nomg.

      LA QUESTION DU SALUT AU DRAPEAU EST SOULEVÉE

      En 1934, une autre question fut soulevée, laquelle accentua l’opposition, la transformant en une campagne de haine et de méchanceté des plus violentes. Celle-ci commença tout d’abord en 1932, en Allemagne, quand Hitler chercha à enrégimenter les hommes de l’Europe continentale en les obligeant à saluer le svastika. Cette question concernait la fidélité des témoins de Jéhovah envers le Souverain suprême, Jéhovah Dieu. Cette campagne s’étendit ensuite aux États-Unis et au Canada, où des patriotes zélés, ennemis des fidèles serviteurs de Jéhovah, saisirent cette occasion pour essayer de détruire les témoins. On organisa dans les écoles des cérémonies au cours desquelles il fallait saluer le drapeau, mais les enfants des témoins de Jéhovah refusèrent d’y participer à cause de leur conscience.

      Le lundi 3 juin 1935, dernière journée d’un congrès de cinq jours tenu à Washington, frère Rutherford présida une discussion par questions et réponses. Répondant à une question relative au salut au drapeau par les enfants dans les écoles, frère Rutherford déclara que c’était un acte d’infidélité envers Dieu que de saluer un emblème terrestre, en lui imputant le salut, et que lui-​même ne le ferait pas. Peu de temps après, le 20 septembre 1935, un incident se produisit; il fut relevé et publié dans tous les États-Unis. Il s’agissait du cas d’un jeune écolier américain, un témoin de Jéhovah, qui avait refusé de saluer le drapeau américainh. Les parents du garçon furent rendus responsables de ce refus. L’Associated Press contacta le président de la Watch Tower Bible and Tract Society au sujet d’une déclaration officielle qu’il avait faite relativement à la position des témoins de Jéhovah dans cette situation nouvellei. Il leur dit de revenir plus tard, car alors il serait prêt à leur faire une déclaration.

      Le 6 octobre 1935, il organisa un réseau de stations radiophoniques d’un bout à l’autre du pays et répondit à la nation dans son célèbre discours “Le salut au drapeau”. Cette conférence fut publiée dans une brochure de trente-deux pages intitulée “Loyauté” et diffusée à des millions d’exemplaires. Dans cette réponse biblique à la presse américaine, il fut souligné que les témoins de Jéhovah respectent le drapeau, mais que leurs relations avec Jéhovah et leurs obligations envers lui leur interdisent formellement de saluer une image ou représentation quelconque. Cela équivaudrait pour eux à un acte d’adoration contraire aux principes renfermés dans le deuxième des Dix Commandements rapporté dans Exode 20:4-6. En outre, il fut démontré que les parents chrétiens ont pour premier devoir d’enseigner leurs enfants et, puisque les conseils les plus importants sont contenus dans la Bible, les enfants doivent apprendre la vérité selon la compréhension qu’ont leurs parents de ce livre.

      THOMAS: Est-​ce que cette réponse apporta le calme?

      JEAN: Non, au contraire, l’opposition ne fit que croître. Avec le temps, des centaines puis des milliers de ces innocents enfants de témoins de Jéhovah furent impliqués dans cette controverse nationale. Mais ces jeunes chrétiens prouvèrent qu’ils aimaient Jéhovah et leurs parents, en prenant fermement position contre les moqueries et l’ostracisme de la majorité de leurs camarades d’école. Ce faisant, ils mirent à l’épreuve la qualité de l’enseignement biblique qu’ils avaient reçu chez eux par leurs parents. En demeurant fermes dans leur loyauté envers Jéhovah, ils marquèrent l’histoire et plongèrent dans la consternation le conseil le plus élevé de la nation.

      THOMAS: Voulez-​vous dire que cette question fut finalement examinée par la Cour suprême?

      JEAN: Exactement, mais plusieurs années plus tard. Le 6 novembre 1935, deux enfants refusèrent de saluer le drapeau et furent expulsés de l’école publique de Minersville, en Pennsylvaniej. Leur père ayant été arrêté, le cas fut présenté devant le tribunal fédéral du district qui se prononça en faveur des témoins de Jéhovah. Cette décision favorable fut contestée, mais la Cour d’appel de la circonscription nous fit remporter la victoire. Finalement, en 1940, la Cour suprême des États-Unis fut saisie de l’affaire, dont l’issue fut désastreuse; cette question fera l’objet d’un entretien ultérieurement.

      UNE CAMPAGNE BRITANNIQUE QUI REMPORTE UN VIF SUCCÈS

      En Grande-Bretagne l’œuvre progressait, mais lentement. En 1931, il y avait 365 congrégations, et environ 4 000 témoins étaient régulièrement actifs, dont 196 pionniers. Tous ensemble, ces témoins répandaient annuellement entre un million et demi et deux millions de livres et de brochuresk. En 1937, un appel spécial leur fut lancé, les invitant à se tenir éveillés; leur réponse fut encourageante. Juste avant que n’éclate la Seconde Guerre mondiale, le nombre des pionniers servant en Angleterre s’était élevé à près de 1 500, et environ 5 000 proclamateurs sortaient dans le service du champ.

      Comme dans les autres pays, l’opposition ne tarda pas à faire son apparition en Angleterre. Particulièrement au cours des années 1938 et 1939, les témoins furent l’objet, à plusieurs reprises, d’attaques des catholiques fascistes. Dans certains cas, des prêtres prirent la tête d’émeutes et assaillirent les témoins; dans d’autres, il y eut interruption des réunionsl.

      Citons pour preuve de l’opposition catholique ce qui se passa le 14 octobre 1938, lorsque le Catholic Herald de Londres publia ce jour-​là un article diffamatoire, disant qu’en sa qualité de président de la Société Tour de Garde le juge Rutherford accomplissait une œuvre subversive, allant à l’encontre des intérêts du peuple anglais. Frère Rutherford réagit promptement. Il donna l’ordre aux avocats de la Société en Angleterre d’intenter trois procès contre Catholic Herald de Londres, le premier au nom du juge Rutherford personnellement, le deuxième au nom du juge Rutherford en tant que président de la Société Tour de Garde, et le troisième au nom de la Société Tour de Garde en tant que société. Cette réaction inattendue obligea le Catholic Herald à capituler et à demander de toute urgence la conclusion d’un arrangement. Frère Rutherford accepta de retirer ses plaintes, à condition que le journal prenne à sa charge le coût des démarches entreprises jusque-​là, et qu’il publie en première page un démenti dicté par le juge Rutherford et entouré d’une bordure noire, afin que tout le monde puisse bien le voir. Sachant qu’il n’obtiendrait pas gain de cause auprès des tribunaux de Grande-Bretagne, le journal accepta promptement de publier cette rétractation, qui parut en première page de l’édition du 25 novembrea.

      En 1938, Londres fut également le centre d’une grande assemblée. En raison de la situation politique tendue sur le continent européen, le juge Rutherford passa six semaines à Londres avant le congrès, pour y recevoir les différents serviteurs de filiale d’Europe qui pouvaient encore voyager librement. Ainsi, l’unique congrès européen devait se tenir au Royal Albert Hall, la plus grande salle de Londres.

      À cette occasion, on tenta de nouveau une expérience. Les communications radiotéléphoniques s’étaient avérées très satisfaisantes au temps où la Société faisait de nombreuses émissions radiophoniques. On décida donc d’organiser cinquante congrès dans différents points du globe; ces assemblées seraient tenues simultanément et reliées directement par radio. Bien que rien de semblable n’ait encore été entrepris, même pas pour diffuser un message du roi d’Angleterre, le programme remporta un vif succès et deux importants discours furent ainsi transmis de Londres à quarante-neuf autres villes réparties en Angleterre, en Écosse, en Irlande, au Canada, aux États-Unis et en Australie.

      Le premier discours fut prononcé le samedi 10 septembre et il avait pour thème “Remplissez la terre”. Ce sujet frappant présentait des arguments bibliques prouvant que les survivants d’Harmaguédon, qui ont l’espérance de vivre sur la terre, auraient le privilège d’exécuter l’ordre de procréation donné pour la première fois à Adam et Ève en Éden. Le second discours, intitulé “Face aux réalités”, était un défi audacieux lancé au monde, afin qu’il prenne conscience de la gravité de la situation dans laquelle il se trouvait; cet exposé avertissait en outre les peuples démocratiques de l’imminente tentative du catholicisme fasciste pour s’emparer de la domination du mondeb.

      Avec le temps, 12 000 000 d’exemplaires de la conférence “Face aux réalités” ont été distribués sous forme de brochure, dans le monde entierc.

      Une nouvelle forme de service inaugurée en 1936 à Newark, dans le New Jersey, fit aussi son apparition à Londres. Non seulement des hommes-sandwiches annoncèrent la conférence “Face aux réalités”, mais encore entre chacun d’eux, d’autres témoins portaient des placards fixés sur des perches. Sur ces panneaux on pouvait lire alternativement “La Religion est un piège et une escroquerie” et “Servez Dieu et Christ, le Roi”. Les frères formèrent un défilé de neuf kilomètres environ et traversèrent les quartiers d’affaires de la ville, distribuant des feuilles d’invitation tout en annonçant la conférence. Cette forme de service particulière reçut le nom de “marche publicitaired”, et servit pendant un certain temps à annoncer les conférences publiques enregistrées, mais par la suite les témoins marchaient seuls ou par deux au lieu de former un défilé.

      L’AMÉRIQUE EST MISE EN GARDE CONTRE L’INVASION FASCISTE

      Le juge Rutherford était à ce point convaincu de l’imminence d’une guerre mondiale d’inspiration catholique, fasciste et nazie, qu’il décida de donner un autre avertissement puissant, plus particulièrement au public américain. De retour à New York, il prononça le 2 octobre 1938 le discours mordant et approprié “Fascisme ou liberté”, qui parut par la suite sous forme de brochure diffusée à des millions d’exemplaires. Il parla dans la ville de New York devant une assistance de 7 000 personnes, et fut entendu par un auditoire invisible grâce à une chaîne radiophonique de cinquante stations.

      Pour prouver que le but de l’Action catholique était de “détruire les libertés en Amérique”, le juge Rutherford cita, dans son discours, les lignes suivantes tirées d’une lettre écrite par un prêtre catholique romain, O’Brien, de Syracuse, New York, qui ont paru dans le journal L’Aurora:

      Ce pays nous appartient de plein droit. Pendant assez longtemps nous avons transigé sur maintes questions importantes. Nous demandons maintenant ce qui nous appartient et ce que nous avons la ferme volonté d’obtenir; (...) par des méthodes pacifiques et honnêtes si c’est possible ou, si besoin est, par la force et en mourant en combattant. (...) Nous voulons voir les nôtres dans le ministère et aux postes de commande du gouvernement. (...) Dès maintenant, les hérésies protestantes subiront le même traitement que les protestants hérétiques (...) par nos lois canoniques. (...) Nous sommes prêts pour 1940. (...) Toutes (...) les institutions (...) seront remplacées par d’autres ou surveillées par notre clergé (...)e.

      Le président de la Société avança d’autres preuves de ce genre, fournies par certains écrivains. Puis il exposa avec force détails un nombre d’incidents ayant abouti à des actes illégaux, attestant ainsi qu’il existait une complicité entre certains dirigeants et les représentants de l’Église catholique romaine, disant:

      Le 11 septembre dernier, je donnais, à Londres, une conférence qui était radiodiffusée dans de nombreux pays. En Amérique, plus de 100 stations assuraient le relais de cette conférence “FACE AUX RÉALITÉS”. Pour empêcher les gens d’écouter, l’Action catholique submergea la direction de ces stations de lettres de menaces. Effrayées, quelques-unes cédèrent au chantage. (...)

      À Chicago (...) on avait loué l’amphithéâtre de Navy Pier pour y tenir un congrès des témoins de Jéhovah. La préparation de ce congrès était déjà bien avancée lorsque l’envoyé du cardinal Mundelein vint demander aux autorités d’annuler le contrat de location et d’interdire la réunion. La municipalité s’inclina.

      À Rochester, New York, M. McFarlin avait loué la Salle des Fêtes aux témoins de Jéhovah pour qu’ils y tiennent leur congrès. Deux jours avant l’ouverture, le curé John Randall, sur l’ordre de son évêque, demanda au conseil municipal de reprendre la salle aux témoins de Jéhovah et d’empêcher leur réunion. La demande fut agréée et, pendant un jour, le hall fut effectivement fermé. Le tribunal en ayant été saisi fit ouvrir les portes.

      À Ottawa, Canada, un congrès avait également été prévu au Colisée. Dix jours après la signature du contrat de location, la direction du théâtre faisait connaître aux organisateurs que le Colisée ne leur était accordé qu’à la condition “de n’attaquer aucune église ou dénomination religieuse ni leurs représentants”.

      À Little Rock, dans l’Arkansas, le conseil municipal, à l’instigation de l’évêque catholique Morris et des Chevaliers de Colomb, empêcha les paisibles témoins de Jéhovah de se réunir dans le parc public, pour y écouter la conférence de Londres.

      À Colorado Springs, le clergé catholique et d’autres personnalités politiques signèrent une pétition accusant “Rutherford d’être contre le christianisme, contre le drapeau américain et tout ce que ces deux choses représentent”. Cette pétition invitait le poste [émetteur] de TSF de la ville à annuler son engagement d’assurer la retransmission et encourageait la presse à publier largement cette pétition.

      De nombreuses stations furent l’objet de menaces bruyantes. Voici, parmi toutes les lettres qui sont parvenues aux bureaux de la Tour de Garde, celle du directeur d’une station radiophonique: “Nous avons le regret de vous aviser que, en raison de la prédominance du catholicisme dans cette région, nous ne pouvons radiodiffuser votre conférence.” Bon nombre de stations reçurent des menaces de la part de prêtres catholiques, au cas où elles retransmettraient la conférence.

      À la Nouvelle-Orléans, on avait loué le Colisée pour y tenir un congrès et écouter le discours de Londres. À la demande du clergé catholique les portes furent fermées. Non seulement les témoins de Jéhovah ne purent se réunir, mais leurs publications furent saisies. Ils louèrent un second hall que l’Action catholique réussit également à faire fermer. Dans une troisième salle enfin, tandis qu’un orateur local traitait un sujet biblique, l’auditoire fut intimidé par une brigade d’agents de police commandée par un certain McNamara. Une quatrième salle fut louée. Là, pour empêcher les témoins de Jéhovah d’entendre la conférence de Londres, un autre détachement de policiers interdit l’installation de fils téléphoniques dans le bâtiment. Ils se rendirent au Jockey Club, en dehors de la ville. Sous la pression du haut clergé catholique, l’officier d’administration local s’opposa à la pose de fils téléphoniques et défendit de se servir du Jockey Club pour y tenir une réunion. On ne pouvait plus envisager qu’une réunion privée en plein air. Ce fut dans ces conditions que le dimanche 11 septembre, des chrétiens se rassemblèrent pour glorifier Dieu et écouter la conférence de Londres. Des appareils électriques avaient été installés. Avant l’arrivée des auditeurs, une brigade de police commandée par McNamara se trouvait sur le terrain. Au paroxysme de l’énervement, McNamara, homme de sac et de corde au service du clan catholique, s’avança et cria à l’auditoire: “Retournez chez vous!”; puis il dit à ses hommes: “Mes amis, quand la conférence commencera, empêchez-​la par tous les moyens, même en brisant les appareils si c’est nécessaire. Faites feu sur le premier qui fera le malin.” Dès le début du discours, McNamara coupa lui-​même les fils téléphoniques et dérégla les appareils tandis que les policiers alertés attendaient, le fusil à la main. Aussitôt après ce haut fait, cet exploit inégalable, le Journal l’Action catholique du Sud, dirigé par le “Très Révérend” Wynhoven, publiait les lignes suivantes: “Il est très heureux que, en dépit des efforts persévérants des témoins de Jéhovah, leur congrès de trois jours à la Nouvelle-Orléans n’ait pu avoir lieu. (...) Pratiquement, toutes les grandes salles de la ville leur ont été refusées. (...) Sans hésiter, le chef de la police et l’officier d’administration de Jefferson s’interposèrent énergiquement pour empêcher cette insulte à la ville de la Nouvelle-Orléans.” Le Tribunal fédéral est intervenu pour que pareille illégalité ne se reproduise pas aujourd’hui même. Mais, de cela, Wynhoven ne souffle mot. (...)f

      L’orateur a ensuite souligné que, lorsque de tels faits sont exposés au peuple pour l’éclairer, “la Hiérarchie crie: Mensonges! Bâillonnez ces gens-​là!” Il a alors demandé:

      Est-​ce mal agir que de dénoncer au peuple une bande d’aigrefins qui le vole? Non! Alors, pourquoi serait-​il mal de dénoncer une organisation religieuse qui fait la même chose? Jusqu’ici les Américains ont pu exprimer librement leur opinion sur les questions d’ordre social. Personne, en Amérique, ne voudrait porter la moindre atteinte à la personne du Président. Il n’empêche que bien des citoyens condamnent sa politique et qu’il n’est pas interdit de la critiquer par la presse ou par TSF. L’Église romaine est-​elle donc si sacrée qu’elle jouisse de prérogatives dont ne bénéficie pas le Président des États-Unis lui-​même? De quel droit Rome empêche-​t-​elle des Américains de prévenir leurs compatriotes contre leurs détrousseurs? Les consciences droites seront-​elles bâillonnées pendant que les escrocs de haut vol grignoteront les libertés humaines fondamentales? Et, avant tout, retirera-​t-​on aux masses ce privilège accordé par Dieu à ses créatures de se réunir et de l’adorer, lui, le Tout-Puissant? Supprimera-​t-​on la liberté de parler de son Royaume et de répondre à ses détracteursg?

      Ceci ne mit pas fin à l’opposition catholique fasciste en Amérique. Il restait encore à livrer une autre bataille célèbre au point culminant de cette phase de la guerre, quoique les hostilités violentes ne se soient pas relâchées pendant plusieurs années.

      FORMATION D’UNE ORGANISATION ENTIÈREMENT THÉOCRATIQUE

      Les vingt premières années de la société du monde nouveau prenaient maintenant fin. En 1918, Jéhovah était venu dans son temple avec son “messager de l’alliance”, Jésus-Christ. Une année plus tard naissait la société du monde nouveau. Quels événements ont marqué cette période pour ce qui est du développement de l’organisation théocratique?

      En 1919, nous avons non seulement assisté à la naissance de la société du monde nouveau, mais encore nous avons vu la première phase de l’établissement de l’ordre théocratique dans les congrégations, grâce à la nomination d’un directeur de service par le siège de Brooklynh. Cette nomination fut faite quand on entreprit le travail avec L’Âge d’Or. Ce premier pas vers une direction théocratique centralisée, accompagnée de l’effusion de l’esprit de Jéhovah, porta du fruit en son temps et stimula le nombre croissant de ces travailleurs sincères, occupés à déclarer avec force les jugements de Jéhovah entre les années 1922 et 1928. En vue de favoriser le développement d’une activité unifiée, la feuille d’instructions pour le service, imprimée par la Société et appelée Bulletini, parut tous les mois à partir de 1922 et fut remise aux “ouvriers d’ecclésia”, alors qu’en 1917, seuls les pionniers la recevaient. Cette feuille renfermait des témoignages préparés par la Société, et appelés “discussions”, que les frères étaient encouragés à apprendre par cœur et à utiliser dans le service du champ. Les nombreuses instructions qui ont ainsi été publiées au fil des années ont rendu possible une formation progressive dans les méthodes de prédication.

      Au cours de ces années, nous avons également noté la façon dont l’organisation s’est affermie. À partir de 1922, dans presque tous les rapports annuels, il était question du sujet organisationj. Puis en 1932, les “anciens électifs” se virent remplacer au sein de la congrégation par un groupe de frères mûrs, appelé “comité de service”, qui était élu par la congrégation pour aider le directeur de service local désigné par la Sociéték. Toutefois, ce ne fut pas avant 1938 que furent apportés les derniers changements en vue de l’établissement d’une organisation théocratique. En cette année-​là, La Tour de Garde publia l’article “Unité dans l’action”, qui fut suivi de deux autres traitant de l’organisationl. Le thème biblique était Ésaïe 60:17, suivant le texte paraphrasé de la version anglaise de Rotherham.

      MARIE: J’ai ce passage dans la version Segond, et voici ce que nous y lisons: “Au lieu de l’airain je ferai venir de l’or, au lieu du fer je ferai venir de l’argent, au lieu du bois, de l’airain, et au lieu des pierres, du fer; je ferai régner sur toi la paix, et dominer la justice.

      JEAN: Cette prophétie met l’accent sur l’amélioration promise à l’organisation de Dieu. Au cours de la période s’étendant des années 1920 au début des années 1930, le fonctionnement démocratique des congrégations ne favorisait pas la paix et l’unité. Au contraire, dans de nombreux cas, les personnalités jouaient un rôle important dans l’activité du groupe de service.

      L’étude approfondie que ces trois numéros de La Tour de Garde consacrèrent au fonctionnement de l’organisation de la congrégation chrétienne primitive apporta la preuve biblique que le pouvoir de nommer les surveillants et leurs aides reposait entre les mains du collège central, composé des douze apôtres et d’autres frères mûrs de la congrégation de Jérusalem. Conformément à ce modèle et à tous les passages bibliques relatifs à ce sujet, il devint évident que le pouvoir de nommer les serviteurs dans les congrégations de la société moderne des témoins de Jéhovah appartenait à juste titre au collège central de la classe de l’“esclave fidèle et avisé”, dirigé par Jésus-Christ depuis le temple de Jéhovah.

      En conséquence, il fut suggéré aux frères des congrégations du monde entier de prendre en considération la résolution proposée dans La Tour de Garde, et qui était semblable aux résolutions déjà adoptées et soumises au siège de la Société par les congrégations de Londres, de New York, de Chicago, de Los Angeles, et de nombreuses autres villes. Cette résolution était ainsi conçue:

      Nous, groupe du peuple de Dieu choisi pour porter son nom, de..........., reconnaissant que le gouvernement de Dieu est une pure théocratie, que Christ Jésus est dans le temple et que dans l’exercice de ses pleins pouvoirs il administre la partie visible de l’organisation de Jéhovah aussi bien que l’invisible, et que “LA SOCIÉTÉ” est son représentant terrestre, nous demandons à “La Société” de bien vouloir organiser notre groupe pour le service et de désigner ses serviteurs afin que nous puissions travailler dans la paix, la justice et la concorde d’un commun accord. Ci-joint la liste des frères qui nous paraissent d’esprit mûr et, partant, les mieux qualifiés pour remplir les divers postes de notre servicea.

      UN PROGRAMME DE CONSTRUCTION EN VUE

      Ainsi prenait fin le mode démocratique ou gouvernement presbytérien de l’Église, qui avait prévalu dans les congrégations pendant soixante ansb. La plupart des congrégations acceptèrent immédiatement cette résolution, et les quelques-unes qui ne le firent pas ont perdu depuis leur vision du Royaume et leurs privilèges de service. Parlant de cette période du développement de la théocratie parmi les témoins de Jéhovah des temps modernes, La Tour de Garde établit le rapport suivant entre le programme de construction élaboré par le roi Salomon et ce qui se passa au sein du peuple de Jéhovah après 1918:

      “Au bout de vingt ans, Salomon avait bâti les deux maisons; la maison de l’Éternel et la maison du roi.” (I Rois 9:10; II Chroniques 8:1). L’achèvement de ce programme spécial de construction englobait le temple, le palais royal et la maison des cèdres du Liban ou portique du jugement (et aussi la salle d’armes; II Chroniques 9:15, 16). Cet achèvement eut lieu dans la vingtième année des travaux du temple, (...) et cette “vingtième année” se termina, dans la réalisation de l’image, au commencement du printemps de 1938, correspondant ainsi à l’année [lunaire] 1937 qui prit fin avec le printemps de 1938 (...).

      Puis, après avoir exposé de nombreux faits relatifs aux jugements de Dieu exécutés au cours de cette période, et aux rapports existant entre le reste oint et les “autres brebis”, ses compagnons, comme l’avait alors souligné La Tour de Garde, l’article poursuivait en ces termes:

      L’Écriture sainte nous apprend que Salomon, après avoir mené à bonne fin son programme de construction de vingt ans, se mit en devoir d’en exécuter un autre s’étendant sur tout le pays (I Rois 9:10, 17-23; II Chroniques 8:1-10). Ce fut alors que la reine de Séba vint “des extrémités de la terre pour entendre la sagesse de Salomon”. (Matthieu 12:42; I Rois 10:1-10; II Chroniques 9:1-9, 12.) Ces faits suggèrent une question: Qu’apportera au peuple de Jéhovah l’avenir immédiat? Nous voulons attendre avec confiance — et nous verronsc.

      Ainsi prit fin, dans l’attente joyeuse de l’expansion mondiale, le programme de construction de la société théocratique de Jéhovah, programme qui s’était étendu sur vingt ans. Par l’intermédiaire de son Roi, Jéhovah devait ensuite établir l’ordre théocratique au sein de la société du monde nouveau formée par les témoins de Jéhovah. La conclusion satisfaisante prouve rétrospectivement que la main de Jéhovah reposait sur son peuple, guidant et dirigeant ses pas, et qu’il était contre les forces sataniques coalisées du fascisme, du nazisme et de l’Action catholique, qui non seulement n’avaient pas écouté le message de Jéhovah annonçant leur condamnation, mais encore s’étaient violemment opposées aux serviteurs de Dieu qui le proclamaient.

      À la fin de cette période de vingt ans, l’organisation de Jéhovah était unifiée dans le monde entier, complètement organisée et soumise au Roi Jésus-Christ; elle servait de symbole théocratique montrant que d’abondantes bénédictions découlent de l’attachement aux justes principes et au culte pur. Par contre, les nations s’acheminaient rapidement vers une seconde conflagration mondiale. Au lieu de la paix que ces nations du monde de Satan avaient annoncée avec tant de confiance par l’intermédiaire de la Société des Nations, contrefaçon et “expression politique du Royaume de Dieu sur la terre”, leur attitude hypocrite à l’égard de Dieu et entre elles les amena littéralement à transformer leurs socs de charrue en épées et leurs serpes en lances. Toutefois, nous arrêterons là notre discussion de ce sombre tableau, et la reprendrons la semaine prochaine.

      [Notes]

      a a Annuaire (angl.) 1935, p. 53.

      b b Ibid., p. 131; wF 1935, p. 236.

      c c Annuaire 1937, pp. 135-138.

      d d Annuaire (angl.) 1935, pp. 118, 119; wF 1935, pp. 253, 254.

      e e Annuaire (angl.) 1935, p. 119; wF 1935, p. 254.

      f f wF 1955, p. 356.

      g g wF 1934, pp. 51-59.

      h h L’Âge d’Or (angl.), Vol. XVI, 17 juil. 1935, pp. 653, 654; Annuaire (angl.) 1936, pp. 22-38.

      i i Loyalty (1935), pp. 16-25.

      j j Gobitis contre Autorités scolaires de Minersville, 24 F. Supp. 271 (18 juin 1938); 108 F. 2d 683 (10 nov 1939).

      k k Annuaire (angl.) 1932, pp. 94, 95.

      l l À Londres, Glasgow, Clydebank, Oldham, Newbridge, Hebburn-on-Tyne, Folkestone, Camberley, Leicester, Dundee, Ebbw Vale et Northwich. Consolation (angl.), Vol. XX, 31 mai 1939, pp. 26, 27; 28 juin 1939, pp. 3-7.

      a m Annuaire (angl.) 1940, p. 78.

      b n Consolation (angl.), Vol. XX, 5 oct. 1938, p. 18.

      c o Informateur (angl.), déc. 1938.

      d p L’Âge d’Or (angl.), Vol. XVIII, 18 nov. 1936; Informateur (angl.), mai et juin 1939.

      e q Fascisme ou Liberté (1939), p. 14; Consolation (angl.), Vol. XIX, 15 juin 1938, p. 14, reproduction de l’original.

      f r Fascisme ou Liberté (1939), pp. 19-22.

      g s Ibid., pp. 24, 25.

      h t En 1926, l’expression “directeur de l’œuvre locale” (wF fév. 1924, p. 50) fut changée en “directeur de service” (wF 1932, p. 184). En 1936, elle fut changée en “serviteur de groupe” (Informateur [angl.], juil. 1936; Informateur, janv. 1937) et en “serviteur d’assemblée” en 1959 (Notre ministère du Royaume, mai 1959).

      i u En octobre 1935, son nom fut changé en “Instructeur”, en juillet 1936 en “Informateur” et en septembre 1956 en “Notre ministère du Royaume”.

      j v w 1922, p. 389; wF déc.-janv. 1922/1923, pp. 37, 38, 40; wF mai 1924, p. 91.

      k w wF 1932, p. 184; Bulletin (angl.), nov. 1932.

      l x “Unité dans l’action”, wF 15 juil. 1938; “Organisation” (1e partie), wF 1er août 1938, (2e partie) wF 15 août 1938.

      a y wF 15 août 1938, pp. 246, 247.

      b z Voir Études des Écritures, Vol. VI, grand format, pp. 68-86.

      c aa wF 1938, pp. 250, 251, §§ 29-36.

  • La neutralité chrétienne pendant la Seconde Guerre mondiale
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 22

      La neutralité chrétienne pendant la Seconde Guerre mondiale

      THOMAS: Je suis bien heureux que vous ayez pu venir aujourd’hui au lieu de mercredi prochain, car ce dimanche nous disposons de tout l’après-midi; de plus, comme je vous l’ai dit au téléphone, Loïs et moi sommes avides de savoir ce qui s’est passé au cours de la Seconde Guerre mondiale. Compte tenu de ce que la Société endura pendant la Première Guerre mondiale, je ne m’explique pas comment vous avez survécu à la Seconde, et —

      LOÏS [Elle l’interrompt]: En outre, vous nous avez dit qu’un programme d’expansion mondiale suivit les vingt années au cours desquelles votre organisation se développa sur le plan théocratique. Cela a-​t-​il commencé durant la guerre? Autre chose encore. Vous nous avez parlé d’une sorte de combat ultime avec les catholiques fascistes en Amérique. Allez-​vous nous donner des détails sur ce sujet?

      THOMAS: D’après les paroles prononcées par le juge Rutherford dans son discours “Fascisme ou liberté”, ce pays a dû courir un plus grand danger de la part de la domination fasciste que beaucoup de personnes ne l’ont supposé. Mais j’aimerais savoir, Jean, quelle position la Société adopta en Europe au cours de la guerre. Comment les témoins de Jéhovah s’y prirent-​ils pour ne pas être anéantis par les dictateurs?

      JEAN: Eh bien, nous allons essayer de répondre cet après-midi au plus grand nombre de questions possible, bien que j’ignore jusqu’où cela nous mènera. Je dirai tout d’abord ceci: Certains éléments de notre programme d’expansion entrèrent immédiatement en vigueur, et cela même avant la fin de l’année 1938. Ils se développèrent d’une manière théocratique au cours de la guerre, bien qu’il fallût attendre la fin de celle-ci pour les rendre effectifs sur une grande échelle. Toutefois, nos techniques avancées de prédication étaient si bien établies à cette époque, et l’organisation avait acquis une telle maturité au cours de ces quelques années, que l’expansion se fit rapidement.

      L’organisation de la société du monde nouveau sur des bases entièrement théocratiques était venue à point nommé. Plus tard, j’aimerais décrire en détail certains aspects de l’organisation. Cette structure théocratique affermit sans aucun doute les témoins de Jéhovah qui devaient affronter de cruelles épreuves, lesquelles faisaient déjà partie de leur activité quotidienne. Citons pour exemple l’assaut catholique fasciste auquel Loïs a fait allusion précédemment, et qui pourrait presque être considéré comme l’accomplissement de l’avertissement donné par le juge Rutherford au peuple américain dans son discours “Fascisme ou liberté”. Au cours de l’été 1939, un groupe d’émeutiers fascistes sous la conduite de Charles E. Coughlin, prêtre catholique réputé pour ses émissions radiophoniques incendiaires, tenta de semer la confusion au sein d’une assemblée paisible des témoins de Jéhovah qui se tenait au Madison Square Garden, dans la ville de New York. Ce fut l’émeute la plus audacieuse jamais fomentée par l’Action catholique fasciste pour empêcher la proclamation publique de la bonne nouvelle; son but était de perturber le centre d’une importante chaîne de congrès devant se tenir en Amérique et ailleurs. Voici brièvement ce qui se passa:

      LES SUPPÔTS DE COUGHLIN MENACENT L’ASSEMBLÉE PRINCIPALE

      Une chaîne de congrès avait été prévue du 23 au 25 juin 1939. Le Madison Square Garden servait de centre à cette chaîne composée de vingt-huit autres congrès répartis en Australie, en Grande-Bretagne, à Hawaii et aux États-Unis. La grande publicité faite à New York pour annoncer la conférence publique intitulée “Gouvernement et paix” avait apporté la certitude que les groupes de l’Action catholique conjugueraient leurs efforts pour empêcher cette réunion. Compte tenu de cet avertissement, on envoya un grand renfort de police au Madison Square Garden, en vue de maintenir l’ordre au cas où des perturbateurs se manifesteraient. Mais écoutez plutôt ce rapport tiré de l’Annuaire:

      Plus de 18 000 personnes s’étaient rassemblées paisiblement au Madison Square Garden, afin de louer et d’adorer Jéhovah Dieu. Ces auditeurs étaient impatients de suivre le programme. La conférence publique commença à 16 heures précises, et quelque dix minutes plus tard, environ 500 nazis et catholiques romains, abusés et conduits par plusieurs prêtres, s’introduisirent dans le Madison Square Garden et occupèrent les sièges situés derrière l’estrade où se tenait l’orateur. La conférence durait depuis vingt minutes lorsque, sans raison valable, ces adversaires déclenchèrent une émeute par des huées, des sifflements, des cris de “Heil Hitler”, “Vive Franco” et “À mort Rutherford”. Ils montraient ainsi nettement qu’ils n’étaient pas venus en ce lieu dans un but louable, mais plutôt que la méchanceté les poussait à faire le mal, à perturber et à interrompre une assemblée tenue légalement par des chrétiens. (...) Pour ce faire, ils employèrent un langage vulgaire, des expressions injurieuses, des menaces, des malédictions et firent du tapage, attaquant nombre de placeurs qui essayaient de mettre fin au tumulte. Ces émeutiers ne parvinrent toutefois pas à interrompre la réunion, et le discours fut entièrement prononcé et enregistréa.

      Bien que les émeutiers aient échoué pour ce qui était d’interrompre la réunion, le tumulte fut nettement entendu par les 75 000 auditeurs dispersés dans le monde. Ce vacarme a également été enregistré sur des disques que des milliers de personnes dans le monde ont entendus depuis. Par leurs applaudissements répétés, les auditeurs donnèrent à l’orateur un puissant appui, tandis que d’un ton impérieux il continuait à parler au microphone pour maîtriser la tempête. La police ayant manqué à son devoir de préserver l’ordre, le 11 juillet 1939 le juge Rutherford écrivit une lettre au maire de la ville de New York, M. La Guardia; n’ayant pas obtenu de réponse, il fit publier cette lettre qui fut largement diffuséeb. Voici ce qu’elle disait entre autres:

      Environ vingt minutes après le début de la conférence et à un signal donné par l’un de ceux qui se trouvaient dans les tribunes, ce groupe de fanatiques sema la perturbation en criant à tue-tête, en hurlant et en vociférant des injures. Les placeurs firent appel à la police pour ramener l’ordre, mais l’officier en fonction répondit: “C’est votre affaire.” Cette déclaration fut faite alors que les agents étaient témoins des actes illicites des perturbateurs.

      Légalement responsables de la réunion, les placeurs se rendirent rapidement sur les lieux du tumulte et exigèrent que les perturbateurs cessent leur vacarme ou quittent l’assemblée. Au lieu d’obéir, ces catholiques fanatiques assaillirent violemment un certain nombre de placeurs et quelques-uns d’entre eux se défendirent. La police n’essaya même pas d’arrêter un seul de ceux qui violaient la loi en troublant cette assemblée légale, mais elle ne manqua pas de s’emparer de plusieurs placeurs qui avaient agi régulièrement dans l’exercice de leur fonction. Deux semaines se sont écoulées, et aucun des émeutiers n’a été arrêté pour avoir tenté d’interrompre une assemblée tenue conformément à la loi. Par contre, des citoyens respectueux des lois ont été arrêtés pour avoir fait ce que la police assermentée aurait dû faire et n’a pas faitc.

      Les 23 et 24 octobre 1939, le cas des trois placeurs accusés de voies de fait fut soumis à trois juges du Tribunal des Sessions spéciales de la ville de New York. Voici ce que révéla le rapport établi à l’occasion de ce jugement:

      Selon leur coutume (...) le combat de rues est l’une des techniques employées par ceux qui prétendent être partisans du “Père Coughlin”, membres du “Front chrétien” ou des “recruteurs chrétiens”, et qui sont en fait rattachés au “Bund” (ou mouvement) nazi et à d’autres partis extrémistes totalitaires, agissant sous le commandement direct de la hiérarchie catholique romaine. Il ne s’agit pas là d’une lutte ordinaire où deux hommes se fâchent, ont une altercation et se battent, non, cette coutume a plutôt été introduite en Allemagne nazie et employée particulièrement dans les pogromes ou soulèvements contre les Juifs. Leur tactique consiste à frapper quelqu’un ou à crier, comme si l’offenseur lui-​même avait été blessé, puis à appeler un agent compatissant et à accuser la véritable victime de voie de fait. (...)

      D’après les preuves circonstanciées exposées dans de nombreuses publications, les suppôts de Coughlin ont effectivement expérimenté cette méthode sur les Juifs de la ville de New York, au cours des mois passés. Ce même système fut perfectionné et utilisé au Madison Square Garden. Les témoins cités lors du jugement des trois placeurs mentionnés précédemment présentèrent nettement les faits à la cour. Ils dirent qu’un groupe composé de plusieurs centaines de partisans de Coughlin se mit en marche après avoir manifesté devant la station de radio WMCA, qui avait refusé de radiodiffuser les discours de Coughlin, (...) que ces émeutiers possédaient des exemplaires du périodique Social Justice, qu’ils brandissaient à la face des placeurs en disant: “Voilà ce qui vous attendd!”

      Les témoins à charge dressés contre les frères firent de si nombreuses déclarations contradictoires lors de ce jugement, que les trois juges (deux catholiques et un juif) non seulement disculpèrent les trois placeurs, mais encore les félicitèrent d’avoir fait preuve de la fermeté nécessaire contre les émeutiers, alors que la police de la ville manqua à son devoir de préserver l’ordree.

      UNE ASSEMBLÉE TENUE EN ANGLETERRE EST MENACÉE PAR LA IRA

      Les assemblées anglaises qui devaient retransmettre les discours de New York reçurent également un avertissement, annonçant qu’une action violente serait entreprise contre elles. Mais écoutez plutôt le rapport que rédigea le serviteur de la filiale de Londres, et qui fut publié dans l’Annuaire (angl.) de 1940. Voudrais-​tu le lire, Marie, s’il te plaît?

      MARIE [Elle lit]:

      Le samedi 24 juin, l’IRA (l’armée de la République irlandaise, mouvement terroriste catholique qui a déclenché une campagne d’attentats à la bombe dans

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