Le café : boisson de millions de gens
De notre correspondant au Brésil
LE CAFÉ, affirment ses amateurs, n’est pas une boisson à ingurgiter comme un verre d’eau. Il ne doit pas servir simplement à faire descendre les aliments. Le café, disent-ils, est une boisson qu’il convient de savourer. Pour prolonger le plaisir, on doit le boire à lentes gorgées, de façon que les bourgeons gustatifs aient le temps de s’en délecter. Les uns retirent le plus grand plaisir d’une tasse de café au saut du lit. Les autres la préfèrent après le repas. Nombreux sont ceux cependant qui aiment le café à n’importe quel moment, car il s’agit de la boisson préférée de millions de gens.
Le café s’est fait une renommée en relativement peu de temps. Son histoire en tant que boisson remonte à quelque 700 ans seulement ; elle est donc moitié moins longue que celle du thé, son concurrent. Mais comment en est-on venu à boire le café ?
Selon une légende, des bergers éthiopiens remarquèrent que des brebis et des boucs restaient éveillés toute la nuit après avoir mangé les feuilles d’un certain arbuste. Les bergers goûtèrent ces feuilles et les fruits de l’arbuste et finirent par en faire une boisson stimulante.
Des marchands et d’autres voyageurs venant d’Arabie rapportèrent chez eux quelques-unes de ces plantes qui poussaient en Éthiopie. Celles-ci réussirent bien dans leur nouveau milieu. C’est de cette émigration en Arabie que le café a reçu son nom officiel de Coffea arabica. Pendant environ deux cents ans, les Arabes gardèrent jalousement le secret du café. Finalement, d’autres peuples en ont eu connaissance, et vers le XVIIe siècle les Néerlandais cultivaient le caféier à Java puis, un peu plus tard, au Suriname, sur la côte septentrionale de l’Amérique du Sud.
Malgré sa popularité actuelle, le café ne fut pas accepté d’emblée comme boisson courante. On s’opposait à sa consommation pour des raisons d’ordre moral et religieux. Les musulmans étaient partagés sur la question de savoir s’il leur était permis de consommer ce breuvage excitant. En 1674, un groupe d’Anglaises demanda au gouvernement d’interdire une boisson qui, selon elles, débauchait les pères de famille. Néanmoins, la popularité du café ne cessait d’augmenter. Il finit par avoir la réputation d’être la boisson chaude préférée de nombreux habitants de presque tous les pays des régions froides ou tempérées.
Sa culture se répand
Pour connaître les succès complets, le café a dû trouver le climat chaud et humide le mieux adapté à sa culture. Le caféier exige de plus un sol sablonneux et riche, une altitude de plusieurs centaines de mètres et des températures de 15 à 30 degrés. Nous avons déjà vu que les Néerlandais ont introduit le café en Amérique du Sud. Comme les Arabes, ils essayèrent de garder le secret de sa culture.
Ce fut seulement en 1727 que Francisco de Mello Palheta transporta clandestinement au Brésil quelques jeunes caféiers de la Guyane française. Ni lui ni ses contemporains ne se doutaient que son acte allait avoir des conséquences d’une portée incalculable. En effet, aujourd’hui le Brésil produit environ le tiers de la récolte mondiale de café. Principal pays exportateur du monde, il produit trois fois plus de café que la Colombie, son concurrent le plus sérieux.
Le rapport annuel moyen d’un caféier brésilien est remarquable, car il est de un à trois kilos de drupes, tandis que celui des arbres d’autres pays varie entre 160 et 700 grammes. S’il y a une aussi grande différence, c’est parce que les caféiers brésiliens produisent deux ou trois récoltes par an.
Le caféier et ses fruits
Le caféier commence à porter des fruits lorsqu’il a trois ans et il continue de produire tous les ans pendant vingt-cinq à cinquante années.
Les drupes ressemblent tout d’abord à des olives vertes. Par la suite elles rougissent. À la maturité elles sont rouge foncé et luisantes, et font penser à des cerises. Quand le fruit est rouge, l’espace entre les graines et l’enveloppe extérieure contient une sorte de nectar délicieux. Il faut cueillir les “cerises” au bon moment, car si elles sont trop mûres elles tombent et s’abîment.
Dès que la cueillette commence, les ouvriers s’acharnent à la tâche depuis tôt le matin jusque tard le soir. Cela est nécessaire, car une forte pluie risquerait de ruiner la récolte.
Les drupes sont mises en sac et acheminées vers les séchoirs ou répandues sur un terrain plat où elles sèchent au soleil. Lorsque le temps est favorable, le séchage au soleil demande de trois à dix jours. Quand on peut les briser à la main, les drupes sont prêtes à passer dans les machines qui les décortiquent.
La classification du café
Beaucoup de gens sont déconcertés par les nombreuses sortes de café vendues dans le commerce, car il existe une grande variété de qualités, de mélanges et de prix, suivant la classification. Celle-ci est fondée sur la catégorie, la pureté, la grosseur du grain et le goût.
Pour déterminer la catégorie, les experts prennent des échantillons dans les différents sacs. Ils comptent alors le nombre de défauts dans un échantillon de 250 grammes et décident ainsi de sa qualité.
Ils attribuent à chaque défaut un certain nombre de points. Les défauts peuvent être de deux sortes : des impuretés telles que des cailloux ou des morceaux de brindilles, qui n’ont pas été enlevées lors du tri effectué à la machine ou à la main, et les imperfections des grains eux-mêmes dues à de mauvaises méthodes de culture.
Ensuite, c’est la dégustation. D’autres experts, capables de déterminer d’après son goût si le café est doux ou âpre, dégustent les échantillons. Ils n’avalent jamais la petite gorgée qu’ils prennent en bouche. Après l’avoir laissée quelques instants sur l’arrière de la langue, ils la crachent.
La plupart des marques bien connues ne diffèrent guère en ce qui concerne la catégorie des cafés composant le mélange. Et pourtant, chacune d’elles possède une caractéristique distinctive qui plaît à certaines personnes. Tel mélange, par exemple, contiendra du “Brésil” pour le corser et une variété plus suave pour rendre le goût plus délicat. Le mélangeur utilise ses matières comme l’artiste ses couleurs, afin de produire un mélange équilibré et agréable. En combinant divers goûts, arômes et couleurs, il essaie de produire un café d’un aspect agréable, d’un goût délicieux et d’un arôme exquis.
Certains cafés instantanés dans le commerce sont faits de grains bon marché, car lorsqu’ils sont moulus il est difficile de dire s’ils sont de qualité supérieure ou inférieure.
Quelques conseils utiles
En raison de ses propriétés excitantes, on interdit souvent le café aux personnes souffrant d’affections cardiaques ou qui sont de tempérament nerveux. Même les gens bien portants ne devraient pas oublier que le café a tendance à engendrer l’accoutumance. C’est pourquoi certains estiment qu’il est préférable de boire du café décaféiné.
Si vous aimez cette boisson, vous constaterez sans doute qu’il est avantageux d’acheter le café non moulu. Si possible, faites-le moudre devant vous. Non seulement vous vous assurerez ainsi de sa fraîcheur, mais vous risquerez moins d’acheter un café trafiqué, c’est-à-dire auquel on a ajouté d’autres ingrédients comme du maïs, des haricots, des arachides, du sable ou même du sang, pour n’en mentionner que quelques-uns.
Vous pouvez éprouver la pureté du café moulu de la façon suivante : jetez-en une pincée dans une tasse d’eau. Si le café est pur il flottera sur la surface de l’eau, puisqu’il absorbe ce liquide très lentement. S’il contient des substances étrangères il absorbera rapidement l’eau et tombera au fond de la tasse.
Bien protégé, le café torréfié garde son arôme de dix à vingt jours. S’il est exposé à l’air, qu’il soit torréfié ou vert, il perd son arôme, son goût et sa couleur. L’humidité lui donne un goût de moisi. C’est pourquoi il convient de garder le café dans un endroit sec et dans une boîte hermétiquement fermée.
Les utilisations multiples du café
On peut utiliser le café de nombreuses manières pour flatter le palais. Le café froid sucré et additionné d’une tranche de citron est très rafraîchissant. Par temps chaud, le café glacé et les glaces au moka connaissent une grande popularité. Bien des ménagères savent confectionner de délicieux gâteaux et crèmes au moka. Cependant, c’est toujours sous forme de boisson que le café (noir ou au lait) est le plus apprécié par des millions de gens dans le monde entier.
Les hommes de science essaient de trouver au café d’autres utilisations. Ils ont constaté que les cendres de café constituent un très bon engrais. On a également fabriqué à partir du café des désinfectants et des isolants pour murs, planchers et plafonds. Il est possible de retirer de la glycérine de l’huile de café. Cette huile peut aussi s’employer dans les peintures, les savons et quantités d’autres produits.
Le café a donc un nombre croissant d’applications, mais il est surtout apprécié comme boisson. Rien qu’en Amérique, on consomme plus de 500 millions de tasses de café par jour ! L’Américain moyen utilise près de sept kilos de café par an. Chaque année, les habitants des États-Unis emploient quelque 1 361 000 tonnes de café, quantité qui n’est pas de beaucoup supérieure à la production annuelle du Brésil. Dès lors, peut-on douter que le café soit la boisson de millions de gens ?