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  • Le peuple à l’histoire la plus ancienne
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 1

      Le peuple à l’histoire la plus ancienne

      LOÏS: Qui peut bien sonner chez nous ce soir, par un temps pareil? Tu ne vas pas me dire que nous avons de la visite?

      THOMAS: Peut-être bien! Et si c’était notre voisin Jean qui habite au bout de la rue? Tu sais, celui qui est témoin de Jéhovah. Par curiosité, je lui ai dit que sa croyance était bien différente de la nôtre. Il m’a promis de venir nous voir un de ces soirs avec sa femme pour répondre à toutes mes questions. Voilà qu’on sonne de nouveau. Je vais vite aller voir qui est à la porte.

      LOÏS: Oui, va répondre!

      THOMAS [Il ouvre la porte]: Ah! c’est vous, Jean? J’avais donc vu juste. Et votre femme Marie vous accompagne! Entrez vite et mettez-​vous à l’aise. Vous avez eu le courage de sortir par ce mauvais temps! C’est bien gentil de venir nous voir, Loïs et moi. Quand je vous ai parlé, je ne pensais pas que la chose soit urgente au point de vous faire déplacer par un soir pareil!

      JEAN: Mais justement, c’est que la chose est urgente, Thomas, à une époque où le monde est aussi détraqué que le temps de ce soir.

      LOÏS: Bonsoir Jean, bonsoir Marie. Donnez-​moi vos affaires. Je suis à vous dans un instant.

      JEAN ET MARIE: Merci bien. Vous êtes très aimable.

      THOMAS: Ah! qu’il fait bon être chez soi par ce mauvais temps. Je ne vais pas vous inviter à regarder la télévision, — j’espère que vous ne m’en voudrez pas, — mais puisque vous vous êtes donné la peine de venir nous voir ce soir, j’en profiterai pour vous poser le plus de questions possible. Et il est fort probable que ma femme Loïs elle aussi vous posera quelques questions. Vous savez qu’elle aime parler religion et qu’elle connaît bien la Bible.

      JEAN: C’est très bien! Nous sommes venus pour cela, Marie et moi. Alors, commençons tout de suite. Votre femme a sans doute lu dans sa Bible ce proverbe de Salomon: “Le conseil est une eau profonde dans le cœur humain, l’homme entendu n’a qu’à puiser.” C’est ce que dit Proverbes 20:5 (Jé).

      LOÏS: Voilà un verset encourageant. Il faut que je le note.

      THOMAS: Merci pour votre compliment indirect, Jean. Mais voyons si vraiment je suis un “homme entendu”, capable de puiser les faits précis dans votre puits d’information. Parmi tant de religions pratiquées dans notre pays, la vôtre porte à coup sûr un nom étrange: témoins de Jéhovah! Je ne connais aucun nom de religion qui lui ressemble. Pourquoi vous et ceux de votre religion vous appelez-​vous ainsi? Où avez-​vous pris ce nom? Le pasteur de Loïs lui a dit que vous autres témoins de Jéhovah n’étiez que des novices, une nouvelle secte sans base solide qui aurait été lancée dernièrement par quelque illuminé.

      LOÏS: C’est ce qu’il m’a dit, et avec quel mépris!

      JEAN: Ma foi, cela ne choque ni Marie ni moi. Nous avons entendu de telles remarques dans de nombreux milieux de la chrétienté. Mais savez-​vous que, contrairement à toutes ces affirmations, les témoins de Jéhovah forment le plus ancien groupement religieux d’adorateurs du vrai Dieu, et qu’ils sont le peuple dont l’histoire remonte plus loin que celle de n’importe quelle religion de la chrétienté ou du judaïsme?

      THOMAS: Dis donc, tu entends, Loïs? Il faudrait que ton pasteur assiste à cette conversation, ainsi que le rabbin qui habite au coin de la rue!

      LOÏS: Il faudra me fournir suffisamment de preuves, pour parvenir à me convaincre.

      JEAN: C’est avec votre Bible, Loïs, que je pense pouvoir vous prouver que mes dires s’appuient sur des faits bien établis. L’histoire des témoins de Jéhovah s’étend sur près de 6 000 ans, puisqu’elle commence déjà du vivant du premier homme, Adam. L’un de ses fils est déjà appelé témoin. Voulez-​vous nous lire Hébreux 11:4, Loïs? Vous possédez la version Segond, n’est-​ce pas?

      LOÏS: Oui. [Elle lit.] “C’est par la foi qu’Abel offrit à Dieu un sacrifice plus excellent que celui de Caïn; c’est par elle qu’il fut déclaré juste, Dieu approuvant ses offrandes; et c’est par elle qu’il parle encore, quoique mort.”

      JEAN: Merci. Vous vous rappelez que dans Genèse 4:10 Dieu dit que le sang d’Abel ‘criait de la terre jusqu’à lui’. Or Abel n’était que le premier d’une lignée ininterrompue de témoinsa. C’est Noé qui a fait survivre cette lignée au déluge, après avoir donné un avertissement à sa génération. Voulez-​vous lire Hébreux 11:7, s’il vous plaît?

      LOÏS [Elle lit]: “C’est par la foi que Noé, divinement averti des choses qu’on ne voyait pas encore, et saisi d’une crainte respectueuse, construisit une arche pour sauver sa famille; c’est par elle qu’il condamna le monde, et devint héritier de la justice qui s’obtient par la foi.” Était-​il témoin simplement parce qu’il a construit l’arche?

      JEAN: Non, pas du tout. Noé a aussi prêché. Lisez II Pierre 2:5, s’il vous plaît.

      LOÏS [Elle lit]: “Il n’a pas épargné l’ancien monde, mais (...) il a sauvé Noé, lui huitième, ce prédicateur de la justice, lorsqu’il fit venir le déluge sur un monde d’impies.” J’ignorais cela. Que prêchait-​il, la venue du déluge?

      JEAN: Oui, il a averti sa génération du jugement de Dieu qui allait venir. Tout au long de l’histoire biblique, Jéhovah a suscité des témoins chargés de donner un avertissement spécial en temps de jugement. Moïse a averti l’Égypte du jugement de Dieu qui allait venir sur Pharaon et les Égyptiens. Cela est relaté dans Hébreux 11:24-29. Par la suite, les Juifs charnels, l’ancienne nation d’Israël, étaient prophétiquement appelés témoins de Jéhovah, dans Ésaïe 43:10-12.

      LOÏS: J’ai déjà trouvé ce passage. [Elle lit.] “Vous êtes mes témoins, dit l’Éternel, vous, et mon serviteur que j’ai choisi, afin que vous le sachiez, que vous me croyiez et compreniez que c’est moi: Avant moi il n’a point été formé de Dieu, et après moi il n’y en aura point. C’est moi, moi qui suis l’Éternel, et hors de moi il n’y a point de sauveur. C’est moi qui ai annoncé, sauvé, prédit, ce n’est point parmi vous un dieu étranger; vous êtes mes témoins, dit l’Éternel, c’est moi qui suis Dieu.”

      JEAN: Dans la Bible de Crampon, édition de 1905, “l’Éternel” est rendu par “Jéhovah”, ce qui est en accord avec le texte hébreu original. Ils étaient donc des témoins de Jéhovah.

      LOÏS: Je comprends. Mais ici ce sont des Juifs qui sont appelés témoins de Jéhovah; quant à vous, vous prétendez être chrétiens, n’est-​ce pas?

      JEAN: Oui, mais Jésus était lui-​même membre de cette ancienne nation juive, et il était l’un des témoins de Jéhovah.

      LOÏS: La Bible en parle-​t-​elle?

      JEAN: C’est Jésus qui le dit lui-​même. Voulez-​vous lire Jean 18:37?

      LOÏS [Elle lit]: “Pilate lui dit: Tu es donc roi? Jésus répondit: Tu le dis, je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix.” Jésus a bel et bien dit qu’il rendait témoignage. C’est ce que vous vouliez souligner?

      JEAN: En effet. Jamais aucun témoin plus grand que Jésus n’a vécu sur la terre. Et c’est pourquoi l’un de ses apôtres appelle expressément Jésus un témoin.

      LOÏS: Vraiment? J’aimerais voir cela de mes yeux!

      JEAN: C’est facile. Lisez-​nous Apocalypse 1:5, s’il vous plaît.

      LOÏS [Elle lit]: “Et de la part de Jésus-Christ, le témoin fidèle (...).” Effectivement! Voulez-​vous dire par là que les disciples de Jésus étaient tous des témoins de Jéhovah?

      JEAN: Évidemment. De plus, les chrétiens sont instamment priés d’imiter tous ces anciens témoins qui les ont précédés, depuis Abel. Dans sa lettre aux Hébreux, dont vous avez lu un passage, Paul décrit toute une lignée de témoins. Outre Abel, Noé et Moïse, Paul en mentionne encore beaucoup d’autres dans tout le onzième chapitre de son épître aux Hébreux 11. Après quoi, dans Hébreux 12:1-3, il exhorte les chrétiens à prendre modèle sur la foi de ces hommes et à suivre leur exemple, particulièrement celui du Seigneur Jésus-Christ, le plus grand Témoin entre tous.

      LOÏS: J’ai trouvé Hébreux 12:1-3. [Elle lit.] “Nous donc aussi, puisque nous sommes environnés d’une si grande nuée de témoins, rejetons tout fardeau, et le péché qui nous enveloppe si facilement, et courons avec persévérance dans la carrière qui nous est ouverte, ayant les regards sur Jésus, le chef et le consommateur de la foi, qui, en vue de la joie qui lui était réservée, a souffert la croix, méprisé l’ignominie, et s’est assis à la droite du trône de Dieu. Considérez, en effet, celui qui a supporté contre sa personne une telle opposition de la part des pécheurs, afin que vous ne vous lassiez point, l’âme découragée.”

      JEAN: Cela signifie que tous les chrétiens qui formaient la congrégation du premier siècle étaient des témoins de Jéhovah, y compris l’apôtre Jean, Juif de naissance, qui a écrit la Révélation ou Apocalypse vers l’an 96 de notre ère. Il expose clairement ce fait dans les premiers versets du livre de la Révélation où, vous vous le rappelez, il identifie aussi Jésus au témoin fidèle de Jéhovah. Lisez maintenant Apocalypse 1:1, 2, s’il vous plaît.

      LOÏS [Elle lit]: “Révélation de Jésus-Christ que Dieu lui a donnée pour montrer à ses serviteurs les choses qui doivent arriver bientôt, et qu’il a fait connaître, par l’envoi de son ange, à son serviteur Jean, lequel a attesté la parole de Dieu et le témoignage de Jésus-Christ, tout ce qu’il a vu.”

      JEAN: Vous voyez par là que l’apôtre Jean ne faisait que répéter le témoignage de Jésus, témoignage que Jésus avait lui-​même reçu de Jéhovah Dieu. Tous deux étaient donc des témoins de Jéhovah.

      L’APOSTASIE VIENDRA AUPARAVANT

      LOÏS: N’empêche qu’un intervalle énorme nous sépare de ces premiers chrétiens.

      JEAN: C’est vrai. Et il faut préciser que dès le siècle suivant, soit au deuxième siècle, ceux qui se disaient chrétiens cessèrent de servir comme témoins de Jéhovah, ce qui a finalement permis à l’Église catholique romaine de se mettre en avant avec sa hiérarchie et ses prêtres, et de cacher Jéhovah et sa Parole écrite au peuple aveuglé. Même lorsque les protestants se sont détachés de l’Église catholique, ils ne sont pas devenus des témoins de Jéhovah pour autant, et ils n’ont pas rendu témoignage à la vérité de la Parole de Dieu comme Jésus-Christ et ceux qui l’ont précédé. Par conséquent, il a fallu que Jéhovah, en accomplissement de sa propre prophétie, suscite ses témoins en ces temps modernes, non pour former une nouvelle religion, mais pour en faire le point culminant dans la longue succession de témoins qu’il a eus à travers les millénaires, depuis Abel jusqu’à nos jours. En effet, entre dans le dessein de Jésus-Christ, lors de son retour, de diriger ces témoins de Jéhovah dans le témoignage final, avant d’en finir avec la chrétienté et avec l’ensemble de ce vieux monde impie.

      LOÏS: Mais comment est-​ce possible? Jésus n’a-​t-​il pas dit, en quittant la terre, qu’il serait avec ses disciples jusqu’à la fin du monde?

      JEAN: Si, il l’a dit. Nous trouvons cela dans Matthieu 28:20.

      LOÏS [Elle l’interrompt]: Pourquoi dites-​vous alors qu’il va revenir pour susciter des témoins en ces temps modernes?

      JEAN: Vous permettez que nous lisions d’abord le verset biblique? Marie, l’as-​tu trouvé?

      MARIE: Oui, je vais le lire dans les Écritures grecques chrétiennes — Traduction du monde nouveau. [Elle lit. Mt 28:20] “Voici, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la clôture du système de choses.”

      JEAN: Merci. Votre question, Loïs, concernant le moment et la raison du retour de Jésus, a troublé bien des étudiants de la Bible, depuis les apôtres. Quelques-uns des premiers chrétiens de Thessalonique enseignaient que le Christ était déjà revenu aux jours de Paul, mais celui-ci leur écrivit: “Que personne ne vous séduise en aucune manière, parce qu’il ne viendra pas à moins que l’apostasie ne vienne d’abord et que ne soit révélé l’homme d’iniquité, le fils de la destructionb.”

      THOMAS: Qui est cet “homme d’iniquité”?

      JEAN: Paul appliquait cette expression à la grande apostasie dont j’ai dit qu’elle se développerait et prospérerait avant que le Christ soit de nouveau présent. Dans la version Segond que vous avez en main, cette expression est rendue par l’“homme du péché”. À ce propos, j’aimerais vous lire quelque chose dans un livre que j’ai apporté et qui a été publié dans les premières années de la Watch Tower Bible & Tract Society.

      Ce livre, publié en anglais en 1889 déjà, explique que Paul était d’avis que le jour du Seigneur “pouvait venir sans être signalé par des démonstrations extérieures et au milieu de l’ignorance généralec”. Dans son argumentation, Paul montre encore que cette apostasie doit se produire avant le jour du Seigneur; c’est pourquoi le Royaume du Christ ne peut pas avoir été établi au temps où Jésus est monté au ciel.

      LOÏS: N’avez-​vous pas dit tout à l’heure que cette apostasie a commencé au deuxième siècle environ?

      JEAN: Oui. On peut même dire qu’elle avait déjà commencé du vivant des apôtres. Mais par la force de l’esprit saint, les apôtres étaient en mesure d’empêcher que la congrégation soit contaminée par l’apostasie. Une fois les apôtres morts, on a introduit de nombreuses fausses doctrines qui ont complètement changé le sens des Écritures et du dessein de Dieu. Cette apostasie s’est développée au cours de plusieurs siècles pour atteindre son paroxysme au IVe siècle, sous le règne de l’empereur romain Constantin. Notre livre nous donne le commentaire suivant sur ce point:

      Sous le règne de Constantin, l’opposition de l’empire au christianisme prit fin et fut remplacée par des faveurs; l’impérial pontifex maximus [le titre de Constantin en tant qu’empereur de Rome] devint le patron de celle qui, prétendant être l’Église de Christ, était, en réalité, l’Église apostate. L’empereur la prit par la main, l’aida à conquérir la popularité, le prestige et la haute situation qui lui permirent plus tard, lorsque le pouvoir impérial fut affaibli, d’élever ses propres représentants sur le trône religieux du monde, à la place de l’empereur, avec le titre de souverain suprême de la religion ou de pontifex maximus [titre que portent maintenant les papes]d.

      LES VRAIS CHRÉTIENS SOUTENUS PENDANT LE RÈGNE DU FAUX ROYAUME

      Tel était, en réalité, le commencement de l’Église catholique romaine, quoiqu’un grand nombre de ses pratiques actuelles aient été introduites plus tard encore. Voilà l’apostasie dont l’apôtre Paul a parlé en disant qu’elle devait se développer avant la seconde venue du Christ. Et il a souligné que l’une des raisons du retour du Christ serait de démasquer cette apostasie, et de l’anéantir. Maintenant, considérons ensemble comment le livre explique ce que Jésus voulait dire quand il déclarait qu’il serait auprès de ses vrais disciples, pendant tout ce temps-​là:

      Que personne ne pense que, même en ces temps corrompus, l’Église réelle de Christ ait jamais été éteinte ou abandonnée par le Seigneur. “Le Seigneur connaît ceux qui sont siens” à toute époque et dans n’importe quelle condition. Dieu permit que son blé se développât dans un champ rempli d’ivraie; comme de l’or, ils furent soumis à la flamme du creuset pour être purifiés, éprouvés et “rendus capables d’avoir part à l’héritage des saints dans la lumière”. Il est vrai que la carrière, les faits et gestes de la multitude de ceux qui s’intitulèrent chrétiens, au cours des siècles, occupent la place d’honneur dans les pages de l’Histoire. Cependant, il est certain qu’au milieu de toutes les séductions du mystère de l’iniquité et des persécutions, un petit nombre de disciples marchèrent fidèlement et restèrent dignes de leur haut appel. Il leur fut donné de se reposer et d’être inscrits par Dieu comme des héritiers de la couronne qui ne se flétrit point et qui leur est réservée dans les cieuxe.

      C’est ainsi que par la comparaison du “blé et de l’ivraie”, contenue dans Matthieu 13:24-30, 36-43, Jésus a indiqué que, lors de son retour, il rassemblerait de nouveau les fidèles qui seraient alors en vie, pour en faire des témoins de Jéhovah comme lui. C’est ce qu’il a fait en les séparant des faux chrétiens ou apostats, et en les plaçant au point culminant de la lignée des témoins de Jéhovah qui se sont succédé au cours de 6 000 ans.

      Entre-temps, les faux chrétiens ont montré qu’ils sont de faux témoins de Jéhovah en établissant leur propre contrefaçon du Royaume de Dieu. Remarquez ce que dit le livre:

      Les pages de l’Histoire démontrent indiscutablement que l’homme du péché, l’antichrist, prit naissance à Rome. (...) Un empire spirituel, [doit] prétendre gouverner les royaumes de la terre par son autorité spirituelle; il doit donc être, non seulement un adversaire, mais aussi une contrefaçon, une fausse représentation, une caricature du royaume de Christ; il doit prétendre être ce royaume et exercer l’autorité qui, au temps marqué par Dieu, sera donnée au véritable Christ, à l’Église glorifiée et complète sous la conduite du seul véritable Seigneur et Têtef.

      Ce faux royaume a pris naissance vers l’an 800 de notre ère, puis il est tombé en décadence vers 1800.

  • On commence à sortir de la confusion religieuse
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 2

      On commence à sortir de la confusion religieuse

      LOÏS: Si l’Église catholique prétendait régner dans le Royaume de Dieu pendant une période de mille ans, au cours du Moyen Âge, pourquoi ses adeptes devraient-​ils attendre une seconde venue du Christ?

      JEAN: Ils n’en attendaient pas. Mais quand la puissance de l’Église catholique a commencé à décliner vers 1800, il était tout à fait naturel que l’attention de quelques étudiants de la Bible se porte sur la seconde venue du Seigneur.

      LOÏS: Mais qu’en est-​il de la Réforme? Vous nous avez dit que les protestants ne sont pas non plus devenus des témoins de Jéhovah quand ils se sont détachés de l’Église catholique. Qu’est-​ce qui vous fait dire cela?

      JEAN: Eh bien, en réalité, la Réforme a commencé par une rébellion contre certaines autorités de l’Église catholique romaine, mais elle n’a pas tardé à se transformer en une grande dispute politique. Beaucoup de conducteurs protestants ont été aussi cruels dans la persécution de leurs adversaires religieux que l’avait été l’Église catholique par l’Inquisition. Jean Calvin, par exemple, a fait brûler vif Michel Servet qui s’était opposé à la doctrine de la trinité. Avant d’expirer, Servet a subi d’horribles souffrances, pendant près de cinq heures, alors que Calvin observait la scène depuis une fenêtrea. Bien plus, les Églises protestantes ont repris les mêmes enseignements apostats auxquels on avait cru pendant des siècles de règne papal. À eux seuls, ces faits suffisent à prouver qu’il ne s’agissait pas d’une vraie Réforme et que ces “réformateurs” n’étaient pas non plus des témoins de Jéhovah comme Jésus et ceux qui l’ont précédé.

      Cependant, Jésus avait lui-​même prédit que cette bonne nouvelle du Royaume de Dieu serait prêchée dans le monde entier pour servir de témoignage à toutes les nations, avant que vienne la fin. Cette prédication aurait été impossible pendant l’âge des ténèbres. L’administration politique et religieuse était alors si sévère qu’il fallait d’abord briser complètement les fers de la Hiérarchie catholique, pour qu’un mouvement quelconque puisse prendre de l’ampleur. Étant donné qu’à cette époque-​là il n’y avait pas moyen de revenir au vrai culte, les bouleversements que l’Histoire a connus pendant cette période de rajustement ont, en réalité, servi à préparer les conditions qui permettraient la prédication mondiale du Royaume de Dieu établi lors du retour du Christ.

      LES PENSÉES EXTRÉMISTES OBSCURCISSENT LA QUESTION DU ROYAUME

      De nombreuses restrictions ont été levées, ce qui a permis d’arriver à une plus grande liberté de pensée et d’action; cependant, une grande partie de ceux qui ont développé des idées libérales s’est laissé entraîner vers l’extrême gauche, ce qui a provoqué des conflits continuels entre les idéologies extrémistes. Ainsi, les gens ont été amenés à se concentrer sur des questions idéologiques bien plus que sur le litige principal qui oppose le Royaume de Jéhovah Dieu à la domination de Satan le Diable.

      Comme exemples de ce libéralisme porté vers la gauche, en 1848, Marx et Engels lançaient leur “Manifeste communiste”; et, en 1859, on publiait l’ouvrage radical de Darwin L’origine des espèces; cet ouvrage a fait époque dans les révolutions intellectuelle et scientifique qui s’opéraient alors simultanément. C’est également vers le même moment que les religions organisées ont senti faiblir leur position. Pour consolider la sienne, l’Église catholique a convoqué le Premier concile du Vatican en 1869-​70. À cette occasion, le pape a été déclaré infaillible, pour la première fois. Les organisations protestantes ont, elles aussi, fait un pas en arrière; et le clergé s’est mis à exercer une autorité encore plus grande sur les laïques. Ces tendances extrémistes ont eu pour effet qu’une ère d’impiété s’est peu à peu développée. La critique rationaliste de la Bible, l’évolutionnisme, le spiritisme, l’athéisme et l’incrédulité se sont tous mis à envahir la chrétienté, et nombreuses sont les Églises prétendues évangéliques qui ont même commencé à moderniser leurs enseignements en se laissant guider par les raisonnements scientifiques et intellectuels. Peu de temps après, en 1891, a été écrit le document qui devait servir de base à la philosophie sociale du catholicisme moderne, c’est-à-dire l’encyclique du pape Léon XIII appelée “Rerum novarum”.

      Mais tandis que les conducteurs religieux cherchaient à regagner une partie de leur puissance au détriment du peuple, les gouvernements gagnaient du terrain dans un autre sens. Les États-Unis, qui venaient de se remettre des effets de la guerre de Sécession, prenaient un tel essor qu’ils allaient bientôt devenir l’une des nations les plus puissantes que la terre ait jamais connues. Quant à la Grande-Bretagne, elle traversait son âge d’or comme Septième Puissance mondiale, annoncée dans la prophétie biblique, l’Empire britannique se trouvant alors, probablement, à l’apogée de sa puissance. Aussi voyait-​elle d’un mauvais œil la puissance grandissante de l’Allemagne qui venait de gagner la guerre franco-allemande de 1870 et qui commençait à se hisser au rang de grande puissance européenne.

      À côté de l’agitation et du réveil politiques et religieux, de grands progrès ont aussi été accomplis dans le domaine scientifique. L’invention de la machine à vapeur, la découverte de l’électricité, l’invention du téléphone et, par la suite, l’avènement de l’automobile, toutes ces choses ont amené, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, de grands changements dans la civilisation de l’Occident. Les nouvelles entreprises ont poussé comme des champignons. Nombre de nouvelles sociétés ont été créées avec la tâche d’organiser la production et la vente. Et une nouvelle classe de gens, qui au cours des siècles passés n’avaient eu que peu de richesses matérielles, étaient maintenant encouragés à placer leur argent, ce qui leur a permis de faire fortune. Le matérialisme, l’attrait de l’argent et la recherche du plaisir allaient de concert: tout cela aveuglait les gens quant aux forces qui se développaient pour atteindre leur point culminant en 1914. Toutes ces perspectives de choses meilleures semblaient si prometteuses qu’en général on ne se souciait guère du prix qu’elles coûteraient en fin de compte. On ne s’intéressait pas non plus au grand réveil spirituel qui accompagnait cet essor politique et commercial.

      LES PREMIÈRES VOIX INDIQUENT LE CHEMIN À SUIVRE

      Si en général les gens ont adopté cette attitude, il faut pourtant reconnaître qu’un vrai pas en avant a été franchi. La liberté de pensée et d’action était possible; et il est intéressant de relever qu’au moment où les libertés politiques se développaient en Europe, de nombreuses personnes ont commencé à se livrer à une étude sérieuse et analytique de la Bible. C’est l’étude commencée par William Miller, en 1816, qui a produit les plus grands effets. C’est lui qui a annoncé que le Christ Jésus reviendrait — visible et en chair — en 1843 ou 1844. Toutefois, son point de vue était complètement opposé au dessein de Dieu révélé dans la Bibleb.

      THOMAS: Miller était-​il alors seul à attendre le retour du Christ?

      JEAN: Non. Le théologien Bengel, luthérien allemand, avait fixé comme date 1836, tandis qu’en Angleterre, les Irvingites attendaient ce retour pour 1835 d’abord, puis 1838, 1864 et finalement 1866, pour ensuite y renoncer. À la même époque, le mouvement de Miller avait donné naissance à plusieurs groupements adventistes différents. D’autres encore, tels que le groupement d’Elliott et Cumming, portaient leurs regards sur 1866. Brewer et Decker prédisaient 1867, et Seiss était pour 1870. En Russie existait un groupement mennonite qui avançait la date de 1889c.

      LOÏS: Mais pourquoi y avait-​il tant d’idées différentes sur la date et la manière du retour du Christ?

      JEAN: Parce que les gens étaient encore soucieux de suivre les enseignements religieux traditionnels, au lieu de faire confiance à Jéhovah. Vous vous rappelez que les vraies doctrines de la Bible avaient été tellement déformées, au cours de la période d’apostasie, qu’il n’était pas possible d’arriver à une vision claire de la seconde présence du Christ, tant que ces doctrines n’étaient pas elles-​mêmes épurées. La prétendue Réforme n’avait pas procédé à cette épuration. C’est pourquoi, dans la première moitié du XIXe siècle, de nombreuses erreurs ont été commises quand on a cherché à déterminer la date du retour du Christ, car on se fiait uniquement à la chronologie. Cependant, le temps n’était pas encore venu où Dieu amènerait la restauration du vrai culte.

      MARIE: N’est-​il pas vrai, cependant, que même si la plupart attendaient la seconde présence du Christ pour le voir en chair et en os, quelques-uns croyaient que le Christ ne serait pas visible lors de cette seconde présence?

      JEAN: Oui, c’est exact. Par exemple George Storrs de Brooklyn, qui publiait un périodique intitulé “L’examinateur de la Bible” (The Bible Examiner), portait ses regards sur 1870. Quant à H. B. Rice, qui publiait “La dernière trompette” (The Last Trump), il avait ses regards fixés sur 1870 lui aussi, tandis qu’un troisième groupement — cette fois des adventistes déçus — attendait ce retour pour 1873 ou 1874. Ce groupement était dirigé par N. H. Barbour, de Rochester, dans l’État de New York, éditeur du “Messager du matin” (The Herald of the Morning)d.

      IL COMMENCE À FAIRE JOUR

      Puis, vers 1870, c’est un autre groupement qui fait enfin son apparition, celui dirigé par Charles Taze Russell, d’Allegheny, près de Pittsburgh, en Pennsylvanie. Lisons les paroles que Russell nous a laissées lui-​même:

      Notre narration commence en l’an 1868 quand le rédacteur [de la Zion’s Watch Tower], qui était depuis quelques années enfant consacré à Dieu, membre de l’Église congrégationaliste et de l’Association chrétienne de jeunes gens (la YMCA), venait d’être ébranlé dans sa foi à propos de nombreuses doctrines acceptées depuis longtemps.

      Élevé presbytérien, endoctriné selon le catéchisme, mais doué d’un esprit chercheur, je devins une proie facile de la logique apparente du rationalisme, dès que j’eus commencé à penser par moi-​même. Mais ce qui, au début, menaçait de causer le naufrage complet de ma foi en Dieu et en la Bible fut, grâce à la providence divine, surmonté pour de bon; seule ma confiance dans les croyances humaines et dans les systèmes de la fausse interprétation de la Bible se trouva briséee.

      Au cours des quelques mois suivants, Russell continue de réfléchir sur la religion. Incapable de l’accepter telle quelle, il n’est pourtant pas disposé à y renoncer. Il raconte encore:

      Un soir, comme par accident, j’entrai dans une salle poussiéreuse et mal éclairée d’Allegheny, où se tenaient des services religieux, à ce que l’on m’avait dit. C’était pour voir si la poignée de personnes qui s’y réunissaient avaient quelque chose de plus sensé à offrir que les croyances des grandes Églises. C’est là que, pour la première fois, j’entendis parler de quelques points de vue des adventistes; le prédicateur était M. Jonas Wendell (...).

      Bien que son exposé des Écritures ne fût pas tout à fait clair, et qu’il fût très loin des vérités qui font maintenant notre joie, il n’en fallut pas plus, sous la main de Dieu, pour rétablir ma foi chancelante en l’inspiration divine de la Bible et me montrer que les textes des apôtres et des prophètes forment un tout indissoluble.

      Cette réunion a eu pour effet de renouveler l’intérêt de Russell en la Bible et de lui en faire reprendre l’étude “avec plus de zèle et de soin que jamais auparavant”. Il poursuit son récit en ces termes:

      Je commençai bientôt à reconnaître que nous vivions quelque part près de la fin de l’âge évangélique et à proximité de l’époque où, selon la déclaration du Seigneur, ceux qui parmi ses enfants seraient sages et vigilants devaient parvenir à une connaissance claire de son Plan. À cette époque, moi-​même et quelques autres personnes de Pittsburgh et d’Allegheny, qui cherchaient la Vérité, formions une classe pour l’étude de la Biblef; la période allant de 1870 à 1875 fut donc un temps d’accroissement constant dans la grâce, dans la connaissance et dans l’amour de Dieu et de sa Parole. Nous en vînmes à entrevoir, dans une certaine mesure, comment l’amour de Dieu avait pris des dispositions pour toute l’humanité, comment tous les humains devront être réveillés de la tombe pour que le Plan de Dieu empreint d’amour soit porté à leur connaissance, et comment tous ceux qui pratiqueront la foi dans l’œuvre rédemptrice du Christ et qui feront preuve d’obéissance, en harmonie avec leur connaissance de la volonté de Dieu, pourront alors — grâce au mérite du Christ — être complètement réconciliés avec Dieu, afin qu’il leur soit accordé la vie éternelle. Voilà notre manière d’envisager l’œuvre de Rétablissement prédite dans Actes 3:21. (...)

      Cependant, à ce moment-​là, nous saisissions à peine les grandes lignes du Plan de Dieu, et nous étions en train de désapprendre les nombreuses erreurs si longtemps chéries, car le temps pour discerner clairement les petits détails n’était pas encore pleinement venu. (...)

      Ainsi s’écoulèrent les années 1868 à 1872. Celles qui suivirent jusqu’en 1876 furent des années d’accroissement continu dans la grâce et dans la connaissance pour cette poignée d’étudiants de la Bible avec lesquels je me réunissais à Allegheny. Nous progressâmes, et, de nos premières idées sommaires et vagues sur le Rétablissement, nous arrivâmes à une compréhension plus nette des détails; mais le temps voulu par Dieu pour une lumière claire n’était pas encore venu.

      C’est à cette époque-​là, d’après le récit, que ces étudiants de la Bible en sont venus à saisir la différence qu’il y a entre le Seigneur en tant que “l’homme qui s’est livré lui-​même” et le Seigneur qui reviendra comme créature spirituelle. Ils ont compris que les créatures spirituelles peuvent être présentes tout en restant invisibles aux humains. L’effet de cette compréhension avancée se trouve ainsi décrit:

      Nous étions navrés de l’erreur des adventistes qui attendaient le Christ dans la chair et enseignaient que le monde et son contenu, à l’exception d’eux-​mêmes, seraient consumés par le feu en 1873 ou 1874. Leurs fixations de dates, leurs déceptions et leurs idées sommaires sur le but de sa Venue et sa manière de revenir jetaient plus ou moins d’opprobre sur nous et sur tous ceux qui attendaient et proclamaient son Royaume tout proche.

      Ces vues erronées si largement partagées sur le but de l’Avènement du Christ et de sa manière de revenir m’amenèrent à écrire une brochure intitulée “Le but et la manière du retour du Seigneur” (The Object and Manner of the Lord’s Return), qui fut tirée à quelque 50 000 exemplairesg.

      Ainsi, après des siècles de ténèbres et de pleurs, la vraie lumière de la Parole de Dieu s’est remise à briller, et le message du retour du Christ, qui commençait à être annoncé avec tant de zèle, ressemblait au cri de joie que l’on pousse à l’aube d’une nouvelle journée. Commencé par cette publication significative Le but et la manière du retour du Seigneur, ce cri de joie allait prendre une telle ampleur qu’il finirait par ressembler au mugissement des flots.

      THOMAS: En somme, c’est de cette façon que les témoins de Jéhovah ont commencé à prêcher à l’échelle mondiale. On peut donc dire que l’activité déployée par votre groupement, dans les temps modernes, remonte à plus de quatre-vingt-dix ans, si j’ai bien compris. Cela fait plus que l’âge de la plupart des gens qui vivent à présent.

      JEAN: Oui, c’est cela. Pourtant, suivre la volonté divine tout au long d’une route signifie bien plus que d’emprunter la bonne direction. Rempli d’enthousiasme et de zèle pour l’œuvre à accomplir, Russell s’était élancé à toute allure, quand presque aussitôt il s’est trouvé arrêté par une bifurcation non signalée. Bien entendu, il savait qu’il ne pouvait pas emprunter les deux routes, car il était certain que l’une des deux conduirait au désastre. Russell savait qu’il aurait à prendre une décision, mais il ne pouvait guère prévoir quelle en serait la portée, ni de quelle manière cette décision allait servir de modèle à tout ce qui suivrait. Mais si j’aborde ce problème maintenant, nous en aurons pour toute la nuit. Si vous le voulez, nous reviendrons la semaine prochaine.

      THOMAS: Il le faut. D’autant plus que j’ai encore un tas de questions à vous poser.

      LOÏS: Moi aussi, j’aimerais que vous reveniez. La décision que Monsieur Russell a dû prendre m’intéresse beaucoup.

      [Notes]

      a a Qualifiés pour le ministère (1962), p. 309.

      b b The Life of William Miller (1875: Éditions de l’Association des adventistes du Septième Jour), pp. 362-374.

      c c The Small Sects in America, par E. T. Clark (éd. revue de 1949), pp. 33, 34. Encyclopédie catholique (angl.) [New York, 1910], “Irvingites”. Cyclopædia de McClintock & Strong (New York, 1882), “Millennium”; Bengel, John Albert”.

      d d w 1916, pp. 170, 171.

      e e Ibid.

      f f Le père du jeune Charles, J. L. Russell, était l’un des membres de ce premier groupe d’étude (w 1894, p. 175).

      g g w 1916, pp. 170, 171.

  • Charles Taze Russell prend une décision d’une grande portée
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 3

      Charles Taze Russell prend une décision d’une grande portée

      THOMAS: Jean, une pensée ne m’a pas quitté depuis votre dernière visite. Comment se fait-​il que, lorsqu’on lit quelque chose dans la Bible au sujet de Paul ou d’autres personnages bibliques, on n’éprouve aucune difficulté à accepter leur rôle et leur autorité, tandis que, de nos jours, on a tant de mal à croire qu’un homme ou une organisation quelconque puisse être employé par Dieu?

      JEAN: Il ne devrait pourtant y avoir aucune difficulté à cela, quand on se rend compte que les personnes, dont Dieu se sert comme témoins à un moment donné, ressemblent toujours à celles dont il s’est servi au cours des temps. Pensiez-​vous à quelque chose de précis, Thomas?

      THOMAS: Oui, bien sûr. La semaine dernière, vous nous avez montré que le besoin d’un monde libre s’était accru depuis les jours des apôtres. Cela n’a pas été difficile à comprendre. Mais qu’en est-​il de toutes les voix qui se sont mises à annoncer: ‘Tel est le chemin à suivre.’ Si Dieu envisageait vraiment de se servir de l’une de ces voix comme témoin, comment pourrions-​nous le savoir? Vous avez souligné de quelle manière C. T. Russell a joint sa voix à ceux qui annonçaient le retour du Seigneur, mais quelles raisons avons-​nous de nous arrêter à lui plutôt qu’aux autres hommes?

      JEAN: En voyant de nos jours à quel point cette œuvre a été bénie, nous pouvons dire qu’il y a bien plus de raisons que je ne pourrais vous en fournir en une soirée. Je suis sûr que vous en conviendrez au fur et à mesure que nous avancerons dans notre discussion. Et même en envisageant la chose à la manière des contemporains de Russell, nous pouvons dire qu’il y avait suffisamment de preuves pour ceux qui en demandaient. Au fait, nous abordons là le sujet dont nous voulions discuter ce soir.

      LOÏS: Vous pensez à la décision importante que Monsieur Russell a dû prendre à propos de la voie qu’il croyait devoir suivre?

      JEAN: C’est exact. Vous vous rappelez que la plupart de ces premiers groupements d’observateurs portaient un intérêt particulier aux calculs chronologiques. Quant à Russell, il envisageait la chose autrement. Il est vrai que, malgré son jeune âge, il abordait n’importe quel sujet avec le même esprit analytique exceptionnel. Il avait acquis la conviction que le but du retour du Christ était plus important que n’importe quelle date à fixer.

      LOÏS: À propos, Jean, à quel âge Monsieur Russell s’est-​il mis à étudier?

      THOMAS [Il l’interrompt]: C’est justement ce que je voulais vous demander. Ne pourrions-​nous pas interrompre un instant le récit des événements historiques, pour apprendre quelques détails essentiels sur Russell? Il me semble que cela nous permettrait de mieux connaître sa personne.

      LA JEUNESSE DE C. T. RUSSELL

      JEAN: Je veux bien. Disons tout de suite qu’il n’avait pas encore vingt ans quand il s’est mis à réfléchir sérieusement sur son éducation religieuse et à s’interroger sur les fondements de sa religion. Le mieux, c’est que je vous lise un extrait des premiers paragraphes de sa biographie, publiée dans la Préface de l’édition anglaise de son livre le plus répandu: Le divin Plan des Âges.

      Charles Taze Russell, connu dans le monde entier sous le nom de pasteur Russell, auteur, conférencier et ministre de l’Évangile, naquit à Pittsburgh, Pennsylvanie, le 16 février 1852; il mourut le 31 octobre 1916. Il était le fils de Joseph L. et Eliza Birney Russella, tous deux de souche écosso-irlandaise. Il fut instruit dans les écoles publiques et par des précepteursb.

      THOMAS: Ce devait être un jeune extrêmement réfléchi.

      JEAN: Oui, tout à fait. À la mort de sa mère, il avait neuf ans. Il passait donc beaucoup de temps auprès de son père, en dehors des heures de classe. Un jour, alors qu’il n’avait que douze ans, son père l’a trouvé dans le magasin, à deux heures du matin, absorbé dans l’étude d’une concordance, inconscient du temps écouléc. À l’âge de quinze ans, Russell est devenu l’associé de son père qu’il assistait dans son magasin de confection pour hommes. À vingt et quelques années, il avait aidé son père à étendre leur commerce à plusieurs magasins, et ils étaient en voie de créer une chaîne nationale de succursales, quand Russell a décidé de renoncer complètement aux affaires pour consacrer tout son temps au ministère. La vente de ses titres lui a rapporté plus de 250 000 dollarsd.

      THOMAS: Il devait pouvoir compter sur de grandes ressources personnelles et savoir ce qu’il voulait.

      JEAN: Il l’a prouvé sous de nombreux rapports. Alors qu’il était encore jeune homme, et avant de connaître la vérité sur les desseins divins, il sortait de nuit pour tracer à la craie des textes bibliques à des endroits bien en vue, de sorte que les ouvriers qui passaient par là soient avertis et sauvés des “tourments de l’enfer”. C’est avec autant de zèle qu’il a enseigné l’amour de Dieu, après avoir compris l’erreur de cette doctrine blasphématoire qu’est l’enfer de feu. Cela explique pourquoi il a placé dans l’œuvre de sa vie tout ce qu’il possédait. L’un de ses proches rapporte l’avoir entendu déclarer avec véhémence:

      Si la Bible enseignait que les peines éternelles sont le sort de tous, les saints exceptés, il faudrait les prêcher, oui, les crier sur les toits, chaque semaine, chaque jour, chaque heure; mais si elle ne les enseigne pas, il faut faire connaître ce fait pour effacer la tache odieuse qui déshonore le saint nom de Dieue.

      Dans les notes biographiques que je viens de vous lire, il y a encore d’autres pensées que j’aimerais mentionner.

      En 1879, le pasteur Russell épousa Maria Frances Ackley. Ils ne connurent pas le bonheur d’avoir des enfants. Dix-sept ans plus tard, les conjoints n’étaient plus d’accord sur la gestion de son journal, ce qui entraîna leur séparation. (...)

      Il ne fut pas le fondateur d’une nouvelle religion, et il n’éleva jamais une telle prétention. Il ranima les grandes vérités enseignées par Jésus et les apôtres, et il dirigea la lumière du vingtième siècle sur ces enseignements. Il ne prétendit nullement avoir reçu une révélation particulière de Dieu, mais il estimait que le temps marqué par Dieu pour la compréhension de la Bible était venu, et que, étant entièrement consacré au Seigneur et à son service, il lui était permis de la comprendre. Parce qu’il se consacrait au développement des fruits et des grâces du saint esprit, la promesse du Seigneur s’accomplissait en lui: “Car si ces choses sont en vous, et y sont avec abondance, elles ne vous laisseront point oisifs ni stériles pour la connaissance de notre Seigneur Jésus-Christ.” — II Pierre 1:5-8, Sgf.

      LOÏS: Mais qu’en est-​il de la décision que le pasteur Russell a été obligé de prendre, Jean? Vous avez dit qu’elle aurait pu complètement ruiner son œuvre.

      JEAN: C’est justement à cela que je pensais quand Thomas m’a demandé des preuves pour montrer que Dieu approuvait l’œuvre du pasteur Russell. À vrai dire, il s’agissait de plusieurs décisions qui se rapportaient toutes, en quelque sorte, à la chronologie. La voie empruntée par Russell allait prendre une signification particulière parce qu’elle le conduisait dans sa première grande épreuve, et que les résultats produits allaient avoir une grande portée.

      LES SIGNES DES TEMPS PRENNENT DE L’IMPORTANCE

      Vous vous souvenez que le groupe d’étude de Russell en était arrivé à comprendre que le Christ ne reviendrait pas dans la chair, tandis que la plupart des adventistes croyaient et enseignaient le contraire. Le pasteur Russell avait compris que Jésus, à son retour, serait aussi invisible que si un ange était venu.

      Puis, en 1876, alors qu’il se trouvait en voyage d’affaires à Philadelphie, le pasteur Russell est entré fortuitement en possession d’un exemplaire du périodique “Le messager du matin” (The Herald of the Morning). C’était N. H. Barbour, de Rochester, dans l’État de New York, qui publiait ce périodique, vous vous en souvenez. Russell était surpris et enchanté de constater qu’il y avait là un autre groupement qui attendait le retour invisible du Christ. Comme leurs points de vue se rapprochaient, il a poursuivi la lecture de cette publication, tout en se rendant compte qu’elle émanait des adventistes. Pourtant, jusque-​là il n’avait guère apprécié leurs doctrines. En fait, quelle que soit l’origine de ces connaissances, Russell cherchait à approfondir davantage l’enseignement de Dieu. Intéressé par la chronologie exposée dans ce périodique, il a immédiatement pris contact avec Barbour pour discuter de la chose en détail. Russell se déclarait prêt à prendre à sa charge les frais qu’entraînerait une telle entrevue avec lui.

      Il semble qu’un membre du groupement de Barbour soit entré en possession de la Diaglott de Benjamin Wilson, une traduction du “Nouveau Testament”. Dans Matthieu 24:27, 37, 39, cet homme avait remarqué que le mot coming (venue ou avènement) employé dans la version du roi Jacques était traduit par présence dans la Diaglott. Cette découverte ainsi que les calculs chronologiques avaient amené le groupement de Barbour à soutenir l’idée d’une présence invisible du Christ. Quant à Russell, il s’était d’abord intéressé au but du retour du Christ. Après avoir compris que ce retour devait être invisible, il a été amené à considérer sérieusement les signes des temps. Il était satisfait des preuves fournies par Barbour.

      Le pasteur Russell était un homme aux convictions positives, entièrement voué au Seigneur. Voici ce qu’il a écrit plus tard:

      Je compris aussitôt que les temps particuliers que nous vivions avaient une grande portée pour notre tâche et notre œuvre de disciples du Christ; de plus, puisque nous vivions au temps de la Moisson, le travail de la Moisson devait être fait, la Vérité présente étant la faucille avec laquelle le Seigneur voulait nous voir accomplir une œuvre de moisson partout parmi ses enfantsg.

      Telle est la conviction que Russell a partagée pendant toute sa vie de ministre chrétien.

      La rencontre entre Russell et Barbour a eu l’effet suivant: Le groupe d’étude de Pittsburgh s’est affilié à celui de Rochester. Pour permettre à Barbour d’imprimer de nouveau le message dans le périodique Le messager du matin, Russell prélevait sur ses fonds personnels. Ainsi, ils ont décidé que Barbour, imprimeur de son état, se chargerait de l’impression du périodique, tandis que Russell deviendrait co-rédacteur du Messager du matin et qu’il apporterait son aide financière à cette entreprise.

      Russell était alors enthousiasmé par l’idée d’un service accompli en harmonie avec ses connaissances de la volonté divine. Mais il n’était pas poussé par l’ambition personnelle. L’une des premières démarches qu’il a faites avec son important message le montre bien, tout en révélant l’une de ses premières déceptions. Permettez-​moi de vous lire ce commentaire:

      En 1877, Russell convoqua une assemblée générale de tous les pasteurs d’Allegheny et de Pittsburgh; il leur montra que, selon les Écritures, notre Seigneur était présent et il les adjura d’approfondir ce message puis de le proclamer. Tous les pasteurs de ces deux villes étaient présents et tous refusèrent de croire à ce message. Au cours de la même année, Russell se décida à abandonner son commerce et à consacrer tout son temps et toute sa fortune à l’œuvre que les Écritures indiquaient (...). Pour déterminer si sa ligne de conduite était en harmonie avec les Écritures, et aussi pour démontrer sa propre sincérité, Russell décida de mettre à l’épreuve l’approbation du Seigneur. Pour ce faire, il procéda comme suit: 1) il consacra sa vie à cette cause; 2) il engagea toute sa fortune pour faire progresser cette œuvre; 3) il refusa d’instituer des collectes dans les assemblées et lors des conférences; 4) il fit dépendre l’œuvre de contributions [entièrement] volontaires, non sollicitées, pour assurer la continuation du travail après l’épuisement de sa fortuneh.

      LOÏS: Jamais auparavant je n’ai entendu parler d’une chose semblable. Voulez-​vous dire que le pasteur Russell n’a jamais fait faire de collecte, et qu’il n’a jamais sollicité d’argent pendant toute sa vie? Il devait vraiment être un homme courageux et convaincu.

      JEAN: C’était un homme de foi, conscient du grand privilège qu’il avait de comprendre la volonté divine. Songez qu’il n’avait que vingt-cinq ans en 1877. Néanmoins, Russell n’a pas hésité, même lorsque tous les conducteurs religieux d’Allegheny et de Pittsburgh ont refusé de saisir la magnifique occasion qui leur était offerte de prendre part à l’œuvre de la moisson, laquelle, croyait-​il, venait de commencer. Sa foi a été largement récompensée.

      La même année, en 1877, avec la collaboration de Barbour, Russell a rédigé un livre intitulé “Les trois mondes ou le plan de la rédemption”. Rien de pareil n’avait jamais été publié avant cela. Pour la première fois, les explications sur les prophéties chronologiques étaient rattachées à l’œuvre de Rétablissementi. Déjà à ce moment-​là, on a reconnu que la période de la domination ininterrompue exercée par Satan sur la terre — appelée les “temps des Gentils” — toucherait à sa fin en 1914. Presque aussitôt, Russell s’est vu dans l’obligation de prendre une autre décision importante.

      UN PROBLÈME ÉPINEUX TROUVE SA SOLUTION

      LOÏS: La décision que le pasteur Russell était forcé de prendre concernait-​elle 1914?

      JEAN: Pas particulièrement. Elle concernait son association avec Barbour et son attachement à la vérité, telle qu’elle avait été révélée jusque-​là. À propos de cette épreuve, il est bon de se rappeler les paroles de Russell parues dans La Tour de Garde, sous l’en-tête de Luc 22:31 (Sg): “Satan vous a réclamés, pour vous cribler comme le froment.” Voici ce que dit Russell:

      Jusqu’alors tout s’était déroulé sans heurt. Nous avions été abondamment bénis dans la Vérité; quant à notre amour et notre fidélité, nous n’avions cependant pas subi d’épreuve particulière. Mais l’été de 1878, temps qui correspond à celui qui s’est écoulé entre la crucifixion de notre Seigneur et le moment où il a prononcé les paroles citées plus haut, marqua le début du criblage qui s’est poursuivi depuis et qui doit tôt ou tard éprouver quiconque accepte la lumière de la Vérité présente.

      “Ne soyez point surpris de l’incendie qui s’est allumé au milieu de vous pour vous éprouver, comme s’il vous arrivait quelque chose d’extraordinaire”, car “le feu même éprouvera ce qu’est l’ouvrage de chacun (...)”. [I Pierre 4:12; I Cor. 3:13, AC.]

      Le but de cette épreuve et de ce criblage est évidemment de faire un tri parmi tous ceux dont les désirs du cœur sont dénués de tout égoïsme et qui se sont entièrement consacrés au Seigneur, sans réserve; étant tellement désireux de voir s’accomplir la volonté du Seigneur et étant animés d’une si grande confiance en sa sagesse, en ses voies et en sa Parole, ils ne permettent pas que les sophismes d’autres hommes ou leurs propres plans ou pensées les éloignent de la Parole du Seigneur. Même lorsque, en ce temps de criblage, leur foi est mise à l’épreuve par les milliers qui tombent dans l’erreur à leur côté, ils seront fortifiés et ils augmenteront leur joie dans le Seigneur ainsi que leurs connaissances de ses plans. — Ps. 91:7j.

      Puis, le pasteur Russell expose un point de vue erroné que tous avaient partagé jusqu’à ce moment-​là. Sur la base de la déclaration que Paul a formulée dans I Corinthiens 15:51, 52, on s’attendait à voir “les saints en vie être enlevés subitement et miraculeusement avec leur corps, pour être désormais auprès du Seigneur pour toujours”. Comme on croyait que cela aurait lieu en 1878, certains ont été déçus parce que rien de visible ne s’est produit. Cependant, le pasteur Russell a été amené à réexaminer le passage biblique. Il a alors compris que leur “faute reposait sur le fait que l’on s’attendait à voir tous les saints en vie être changés en un instant et sans mourir, point de vue erroné que partageaient toutes les grandes Églises. Or, cette erreur, nous ne l’avions ni relevée ni écartée”. En soumettant ce texte à un nouvel examen, Russell a compris que la vraie signification des paroles de l’apôtre était que ceux qui allaient faire partie du corps du Christ et qui seraient encore en vie lors de la présence ou après le retour du Christ ne resteraient pas inconscients dans la tombe comme ceux qui avaient vécu avant le retour du Christ. Au contraire, à leur mort ils allaient être changés instantanément pour être présents auprès de lui. À vrai dire, le passage biblique lui avait livré une révélation importante que beaucoup de fondamentalistes n’ont pas encore comprise. Et Russell de conclure: “Ainsi, ce nouvel examen jeta une lumière accrue sur notre sentier et nous servit grandement d’encouragement, fournissant la preuve de ce que le Seigneur continuait lui-​même à conduire l’œuvre.”

      L’INTÉGRITÉ ENVERS LES PRINCIPES EST MISE À L’ÉPREUVE

      Mais pendant qu’il me fut donné d’avoir des vues plus claires et des espoirs plus vifs et que je m’efforçais assidûment d’aider autrui, le printemps de 1878 se révéla être tout, sauf une bénédiction pour M. Barbour et pour bien des personnes soumises à son influence. Ayant rejeté la solution claire et simple exposée plus haut, M. Barbour semblait nourrir le sentiment qu’il devait nécessairement élaborer quelque chose de nouveau pour détourner l’attention de la déception provoquée au sujet des saints en vie qui ne seraient pas enlevés. Mais hélas! qu’il est dangereux pour tout homme d’avoir un sentiment exagéré de ses responsabilités et de tenter de hâter la nouvelle lumière! À notre douloureuse surprise, M. Barbour écrivit peu après un article pour Le messager du matin, article dans lequel il rejetait la doctrine de la rédemption, reniant que la mort du Christ fût le prix de rachat payé pour Adam et sa descendance. Il affirmait que la mort de notre Seigneur ne pouvait pas plus servir de paiement pour le châtiment des péchés du genre humain que des parents terrestres ne considéreraient comme un règlement approprié pour un écart de conduite de leur enfant le fait de percer le corps d’une mouche avec une épingle pour la faire souffrir et mourir. J’étais étonné, car j’avais supposé que M. Barbour avait une compréhension claire de l’œuvre du Christ en tant que sacrifice propitiatoire pour nous (...). Ou j’avais attribué à M. Barbour des connaissances plus claires qu’il n’en avait jamais possédé, ou alors il enlevait délibérément sa robe de noce, la justice du Christ, pour la rejeter. Il ne restait qu’à tirer cette dernière conclusion, car M. Barbour déclara par la suite qu’il avait naguère reconnu la mort du Christ comme prix de rachat pour le genre humaink.

      THOMAS: Que voulait-​il dire par l’expression “robe de noce”?

      JEAN: Russell faisait allusion à la comparaison donnée par Jésus dans Matthieu 22:11-14. Cette parabole décrit un roi qui invite des convives au mariage de son fils. Les premiers invités ayant refusé de venir, le roi envoie ses esclaves dans les rues et les sentiers pour en rassembler d’autres. Mais au festin de mariage, il aperçoit un homme qui n’a pas revêtu le vêtement de circonstance, ce qui prouve un manque de reconnaissance. Le roi ordonne qu’il soit jeté dehors. Par cette parabole, Jésus montre que seules auront le droit de rester au sein de l’assemblée de ses élus les personnes qui se seront convenablement identifiées comme étant en complète union avec lui. En appliquant ainsi cette comparaison, Russell indiquait que Barbour, en rejetant les mérites du sacrifice rédempteur de Jésus, avait délibérément répudié son identité chrétienne. Pierre nous a mis en garde contre cette manière d’agir, en déclarant: “Il y eut aussi de faux prophètes parmi le peuple, comme il y aura de faux enseignants, parmi vous. Ceux-ci introduiront silencieusement des sectes destructrices et renieront même le propriétaire qui les a achetés, attirant sur eux-​mêmes une prompte destructionl.”

      MARIE: Le pasteur Russell n’avait alors que vingt-six ans, tandis que M. Barbour était beaucoup plus âgé. D’ailleurs, Le messager du matin était le périodique de M. Barbour en ce sens que c’était lui qui avait commencé à l’éditer. Mais c’est le pasteur Russell qui le finançait au moment où la division s’est produite. Il aurait donc facilement pu être influencé par la position de M. Barbour. Le pasteur Russell aurait pu hésiter à s’opposer à lui par crainte de perdre le terrain qu’ils avaient gagné ensemble.

      L’ACTION POSITIVE FAIT ÉCHOUER LE COMPROMIS

      JEAN: Mais malgré son jeune âge, il savait par l’étude de la Bible que le compromis est le commencement de l’apostasie, et qu’il serait fatal d’abandonner les principes et les vérités de Dieu pour des raisons d’opportunisme. Cette fois, l’intégrité de Russell envers la vérité allait subir sa première vraie épreuve. La voie qu’il choisit allait produire des effets immédiats et décisifs. Il rédigea aussitôt un article pour Le messager du matin, afin de dénoncer l’erreur. Pendant plusieurs mois, il fit paraître des articles analogues; il déclara alors:

      Il devint maintenant clair pour moi que le Seigneur ne me demanderait plus désormais de donner mon appui financier à une chose qui exercerait une influence contraire au principe fondamental de notre sainte religion, ni de m’associer à une telle cause. C’est pourquoi, après un effort prudent mais infructueux en vue de ramener l’égaré, je me retirai entièrement du Messager du matin et de toute association future avec M. Barbour. Mais il ne me semblait pas suffisant de m’être retiré pour démontrer ma loyauté ininterrompue envers notre Seigneur et Rédempteur (...). Je compris donc que selon la volonté du Seigneur il m’incombait de lancer un nouveau périodique dans lequel la bannière de la Croix serait tenue bien haut, la doctrine de la Rançon défendue et la bonne nouvelle de grandes joies proclamée aussi largement que possible.

      Agissant ainsi sous la conduite du Seigneur, je cessai de voyager, et en juillet 1879 sortit de presse le premier numéro de “La Tour de Garde et Messager de la présence de Christ” (THE WATCH TOWER AND HERALD OF CHRIST’S PRESENCE). Dès le début, ce périodique s’est fait le défenseur particulier de la Rançon; et, par la grâce de Dieu, nous espérons qu’il le sera jusqu’à la fina.

      On ne pouvait pas prévoir, à cette époque-​là, les lointains effets que produirait cette audacieuse prise de position pour la pure doctrine. Cependant, il est maintenant évident que si Russell avait accepté des compromis sur cette question vitale, son service pour Jéhovah n’aurait pas eu plus de valeur que les sacrifices d’animaux tarés offerts par les conducteurs de la chrétienté apostate. C’était là un temps de grandes décisions. Le temps était venu où le Christ Jésus, en qualité de représentant de Jéhovah, devait choisir le canal qui servirait à rassembler sa classe du “blé”.

      Ces vérités de la Parole de Dieu, Russell et ses proches ne les avaient apprises qu’à force d’études soigneuses et assidues. Ils les ont acceptées parce qu’ils étaient animés de l’honnête conviction que le temps était maintenant venu pour Jéhovah d’appeler “des ténèbres à son admirable lumière” tous les hommes qui désiraient sincèrement connaître et faire la volonté divine. La situation de Russell nous fait songer au passage biblique de Galates 2:4, 5. Loïs, voudriez-​vous nous le lire?

      LOÏS [Elle lit]: “Et cela, à cause des faux frères qui s’étaient furtivement introduits et glissés parmi nous, pour épier la liberté que nous avons en Jésus-Christ, avec l’intention de nous asservir. Nous ne leur cédâmes pas un instant et nous résistâmes à leurs exigences, afin que la vérité de l’Évangile fût maintenue parmi vous.” Ces paroles sont de Paul, n’est-​ce pas?

      JEAN: C’est juste. Lui aussi se trouvait en présence de nombreux problèmes analogues dans la congrégation primitive. Il ne s’est pas contenté de rester fermement attaché à la vérité de la Parole de Dieu, mais il a encore écrit de nombreux conseils encourageants pour nous qui vivons aujourd’hui. Aussi, tout comme Paul, Russell et ceux qui se sont joints à lui dès le début ont été grandement bénis pour leur fidélité.

      LA FIDÉLITÉ APPORTE DES BÉNÉDICTIONS ACCRUES

      Ces convictions, auxquelles s’est ajoutée l’expérience concluante faite avec Barbour et Le messager du matin, ont amené Russell à comprendre que si ce petit noyau de vrais chrétiens voulait maintenir son intégrité envers la volonté divine, il lui faudrait surveiller de près la publication de ces vérités, assurer la parution de son propre périodique ainsi que d’autres écrits, en restant séparé de tout autre groupement. En vérité, ces vrais chrétiens ont connu un début modeste. Mais cela nous rappelle le texte de Zacharie 4:10 (CT): “Car qui mépriserait le temps des petites choses?” Ces jours-​là, commençant en 1879, moment où le petit groupement de Pittsburgh s’est retrouvé seul pour travailler, étaient bel et bien des jours de “petites choses”.

      Le premier numéro du “Phare de la Tour de Sion, Messager de la présence de Christ” (Zion’s Watch Tower and Herald of Christ’s Presence), du 1er juillet 1879, se limitait à 6 000 exemplairesb. C. T. Russell en était le rédacteur, tandis que cinq autres étudiants de la Bible, ayant atteint la maturité, allaient régulièrement fournir des articles. Les premières paroles de ce nouveau périodique sont intéressantes à lire:

      Voici le premier numéro de la première année de “ZION’S WATCH TOWER”. Il ne sera pas inutile de faire connaître le but de sa parution. Que nous vivions “dans les derniers jours”, “le jour du Seigneur”, à “la fin” de l’âge de l’Évangile, et, par conséquent, à l’aurore du “nouvel” âge, ce sont là des faits que l’étudiant assidu de la Parole peut discerner, s’il est conduit par l’esprit; mais les signes extérieurs que le monde peut reconnaître rendent, eux aussi, le même témoignage, et nous désirons que la “famille de la foi” soit pleinement consciente de ce faitc.

      Dès le commencement, le périodique a rendu témoignage au nom de Jéhovah, car il est dédié à Jéhovah et aux intérêts de son Royaume. Dans son deuxième numéro, le périodique disait ce qui suit sous le titre “Désirez-​vous lire ‘La Tour de Garde de Sion’?”:

      “La Tour de Garde de Sion” a, nous le croyons, JÉHOVAH comme soutien, et tant qu’il en sera ainsi, elle ne demandera ni ne sollicitera jamais l’appui des hommes. Quand Celui qui dit: “Tout l’or et tout l’argent des montagnes sont à moi” ne daignera plus pourvoir aux fonds nécessaires, nous comprendrons que le moment est venu d’en suspendre la parutiond.

      Deux ans plus tard, le nom et l’identité de Jéhovah ont été traités. Dans le numéro de juillet 1882 a été publié un article de sept pages, intitulé “Écoute, Israël: Jéhovah, notre Dieu, est seul Jéhovah”. Cet article réfutait la doctrine de la “trinité”, soit l’enseignement d’“un seul Dieu en trois personnes”. En août 1882 a été posée la question de savoir s’il convenait d’appliquer le nom de “Jéhovah” au Père ou au Christ. Voici la réponse:

      C’est avec confiance que nous affirmons que dans les Écritures le nom de Jéhovah n’est jamais appliqué à nul autre qu’au Père. Que ceux qui prétendent le contraire produisent un texte et qu’ils démontrent que celui-ci s’applique à Jésus ou à quelqu’un d’autre que le Père. Voici comment on peut prouver la chose d’une manière concluante: Les écrivains du Nouveau Testament citent souvent l’Ancien Testament; citent-​ils une seule fois un passage où figure le mot Jéhovah pour l’appliquer à Jésus? Nous prétendons qu’ils ne le font pas. Au contraire, nous allons emprunter une citation parmi tant d’autres analogues où le mot est clairement appliqué, non à Jésus, mais au Père. Le Psaume 110:1 (Da) déclare: “L’Éternel (Jéhovah) a dit à mon Seigneur (adon — maître): Assieds-​toi”, etc. Lisez attentivement comment ce passage est appliqué par Jésus (Luc 20:41-44) et par Pierre (Actes 2:34-36, 33). À lui seul, ce texte suffit, tant que l’on ne nous aura pas répondu. Si quelqu’un arrive à le déformer, nous en aurons d’autres à sa dispositione.

      Ainsi, le pasteur Russell agissait et servait en qualité de témoin de Jéhovahf.

      SIGNES PERMETTANT D’IDENTIFIER LE CANAL CHOISI PAR DIEU

      Vous voyez donc, Thomas, que sous de nombreux rapports les preuves commençaient à s’accumuler. Elles montraient que de toutes les voix primitives qui s’étaient fait entendre, Jéhovah avait choisi la publication que nous appelons à présent La Tour de Garde, pour s’en servir comme canal par lequel il apporterait au monde une révélation de sa volonté. Et par les paroles révélées dans les colonnes de cette publication, Dieu commencerait à diviser la population de ce monde en deux classes: celle qui ferait la volonté divine et celle qui ne la ferait pas. Pour cette raison, 1879 a été un tournant dans l’œuvre. Ce petit groupement, dirigé par C. T. Russell, venait d’être éprouvé et reconnu apte à entreprendre la grande campagne préliminaire qui devait conduire au point culminant attendu pour 1914. Mais quelle œuvre cette petite troupe pouvait-​elle s’attendre à accomplir dans le monde entier, en moins de quarante ans? Même dans des conditions favorables, cette tâche devait paraître gigantesque. Néanmoins, ces hardis prédicateurs itinérants se sont mis en route, littéralement à pied, pour accomplir cette tâche, tout en sachant qu’ils auraient à faire face à l’opposition la plus acharnée. Quant au monceau de louanges qu’ils ont édifié au nom de Jéhovah en une quarantaine d’années, il ne pouvait être réalisé que de la façon annoncée dans Zacharie 4:6 (AC): “Ni par une armée, ni par la force, mais par mon Esprit, dit Jéhovah des armées.” Jéhovah seul pouvait ainsi nourrir et diriger son peuple.

      [Notes]

      a a J. L. Russell mourut en 1897, à l’âge de 84 ans, après avoir été un fidèle associé de son fils dans les activités de la Société (w 1er janv. 1898, p. 4).

      b b Études des Écritures (1886), tome I, Préface “Biographie”, p. 1 (éd. angl. 1926). Voir aussi w 1916, p. 356.

      c c Études des Écritures (1917), tome VII, p. 63 (2e éd.).

      d d A Great Battle in the Ecclesiastical Heavens (1915), par J. F. Rutherford, p. 16.

      e e Études des Écritures (1886), tome I, Préface “Biographie”, p. 18 (éd. angl. 1926).

      f f Ibid., pp. 1, 2.

      g g w 1916, p. 171.

      h h Études des Écritures (1917), tome VII, pp. 65, 66 (2e éd.).

      i i w 1916, p. 171.

      j j Ibid., p. 172.

      k k w 1916, p. 172.

      l l II Pierre 2:1.

      a m w 1916, pp. 172, 173. Le 1er janvier 1909, ce nom fut changé en “La Tour de Garde et Messager de la présence de Christ” (The Watch Tower and Herald of Christ’s Presence) [changement opéré en français en avril 1909]. (Voir explication dans wF août 1909, p. 16.) Puis, le 15 octobre 1931, il fut changé en The Watchtower and Herald of Christ’s Presence [en français, dès décembre 1931, seul le cliché change]; le 1er janvier 1939, le nom fut changé en The Watchtower and Herald of Christ’s Kingdom [en français, dès le 15 janvier 1939: La Tour de Garde et Messager du Royaume de Christ]; le 1er mars 1939, en The Watchtower Announcing Jehovah’s Kingdom [en français, dès le 15 mai 1939: La Tour de Garde, Annonciatrice du Royaume de Jéhovah; le 15 avril 1952, le périodique reçut en français son titre actuel: La Tour de Garde annonce le Royaume de Jéhovah]. À partir de son premier numéro jusqu’en décembre 1891, il paraissait une fois par mois; à partir du 1er janvier 1892, deux fois par mois (voir w 1891, p. 173) [En français, le premier numéro mensuel parut en octobre 1903, et le premier numéro bimensuel le 1er octobre 1933]. La périodicité des éditions en d’autres langues est variable.

      b n w août 1879, p. 2.

      c o w juillet 1879, p. 3.

      d p w août 1879, p. 2.

      e q w août 1882, pp. 2, 3.

      f r À la page 20 de l’ouvrage “Les trois mondes” (The Three Worlds, 1877), on rencontre le nom de Jéhovah au lieu de l’expression “le Seigneur” quand Sophonie 3:9 (American Standard Version) est cité: “Car alors je tournerai le peuple vers une langue pure, afin qu’ils puissent tous invoquer le nom de Jéhovah, pour le servir d’un commun accord.” Russell connaissait donc de bonne heure le nom divin.

  • Préparatifs pour la rentrée de la moisson
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 4

      Préparatifs pour la rentrée de la moisson

      LOÏS: Avant d’aller plus loin ce soir, Jean, j’aimerais que vous m’éclairiez sur un point: Où le pasteur Russell voulait-​il en venir? Les notes biographiques que vous nous avez lues disaient qu’il n’essayait pas de lancer une nouvelle religion, et c’est ce que vous nous avez dit vous-​même en expliquant le nom de témoins de Jéhovah. Si une nouvelle religion est vraiment née ou pas, ce n’est pas ce qui compte pour le moment. Le côté le plus significatif de son message, à mon avis, c’est que la présence du Christ était imminente; mais que demandait-​il aux gens de faire et, d’après lui, quels événements devaient se produire au retour de Jésus?

      JEAN: Tout d’abord, le pasteur Russell et ceux qui s’étaient joints à lui croyaient que la présence invisible du Christ, sous forme spirituelle, avait déjà commencé en 1874. Ils avaient compris que l’œuvre principale du Christ consistait, à cette époque-​là, à rassembler les siens, et à les affranchir des nombreux enseignements contradictoires concernant la volonté divine à leur égard. Ils croyaient que le but du retour du Christ était de les rassembler, de rétablir le vrai culte puis, en 1914, à la fin des “temps des Gentils”, de les faire entrer dans le Royaume de Dieu, tel un fiancé qui viendrait chercher sa fiancée. Cela signifiait que la première chose à faire, c’était de quitter la religion apostate de la chrétienté, d’apprendre à connaître la vérité pour ensuite la faire activement connaître à autrui.

      LES CONGRÉGATIONS NAISSENT

      THOMAS: Comment se sont-​ils organisés pour accomplir cette œuvre?

      JEAN: Ma foi, c’était un jour de petites choses; ils ont commencé avec peu. Néanmoins, ils s’efforçaient d’organiser immédiatement des congrégations partout où les gens montraient de l’intérêt pour le message. C’est dans cette intention que Russell et quelques-uns de ses proches se sont mis à rendre visite à ceux qui s’étaient abonnés à La Tour de Garde, pour les réunir en groupes d’étude. Au cours de ces deux premières années, 1879 et 1880, ils ont fondé une trentaine de congrégations dans les États de Pennsylvanie, New Jersey, New York, Massachusetts, Delaware, Ohio et Michigan. Puis, en 1880, le pasteur Russell a pris des dispositions pour visiter lui-​même ces trente congrégations, afin d’y passer au moins un jour dans chacune. Le programme qu’il présentait était intensif, puisque Russell dirigeait chaque jour au moins six heures d’étude dans chaque groupea.

      LOÏS: C’était là un programme d’étude bien chargé. Quel genre de réunions tenaient-​ils donc?

      JEAN: Bien entendu, lors de ces premières visites, le pasteur Russell prononçait des allocutions sur la Bible, et il répondait aux questions. Par la suite, pour prendre un exemple, la congrégation de Pittsburgh-Allegheny se réunissait régulièrement le dimanche après-midi, de 14h.30 à 16 heures. Cette réunion était surtout destinée au public, car on y présentait des exposés bibliques. Le mercredi, de 19h.30 à 21 heures, on se réunissait pour les “Cottage Meetings” (réunions dans les foyers). Plus tard, on les a nommées “réunions de prières, de louanges et de témoignages”, car les assistants se levaient pour prononcer une prière ou pour raconter des témoignages personnels se rapportant aux efforts qu’ils avaient accomplis et aux résultats obtenus dans la prédication chrétienne. On y chantait aussi des cantiques de louanges. Cette réunion du mercredi a été à l’origine de ce que les témoins de Jéhovah appellent à présent la réunion de service. Le vendredi soir, leur étude de la Bible se fondait sur des sujets traités dans leurs livres, ceux qui avaient paru jusque-​là. Ces études étaient appelées “Cercles de l’aurore”, parce que les premiers livres, publiés par la Société, étaient connus sous le nom de série de “L’aurore du Milléniumb”. Ils possédaient en outre un petit recueil de cantiques, appelé “Cantiques de l’Épousec”.

      LOÏS: Et la communion? Est-​ce qu’ils la célébraient?

      JEAN: Ils avaient rompu avec la coutume pratiquée dans les Églises de la chrétienté. Chez les catholiques, la “communion” ou “messe” peut être célébrée de nombreuses fois par an. Mais cela est tout à fait contraire aux Écritures. Puisque la disposition prise par Jésus devait servir de commémoration de sa mort, il convenait de célébrer cette commémoration le jour même où Jésus est mort, c’est-à-dire à la date exacte de la Pâque juive. Or celle-ci tombe le 14 abib ou nisan. Le mois juif de nisan commence avec la nouvelle lune la plus proche de l’équinoxe du printemps, observée en Palestined. En raison de sa nature, ces premiers étudiants de la Bible ont appelé cette fête le “souper anniversaire”, car pour eux il s’agissait de célébrer ce souper lors de l’anniversaire, et une seule fois par année. De nos jours, les témoins de Jéhovah l’appellent la Commémoration, ce qui indique la même chose; c’est une fête en souvenir de la mort du Christ. Nous la désignons aussi sous le nom de “repas du soir” du Seigneur, d’après les Écritures grecques chrétiennes — Traduction du monde nouveaue.

      Dans ces premières années, la congrégation de Pittsburgh était à la fois la plus grande et la plus ancienne. C’était là, en général, que se célébrait la Commémoration. Parmi les chrétiens qui vivaient dans d’autres parties des États-Unis, tous ceux qui le pouvaient se rendaient alors à Pittsburgh, une fois par an, pour cette célébration. Ils imitaient en quelque sorte les Juifs qui montaient jadis à Jérusalem pour célébrer la Pâque. Seules les petites congrégations célébraient la Commémoration séparément. Ce rassemblement à Pittsburgh répondait à un double but: d’une part, il leur permettait de célébrer la Commémoration ensemble, dans l’unité d’esprit et, d’autre part, il leur fournissait l’occasion de tenir un congrès de deux jours. De cette manière, ces premiers frères étaient consolidés sur le plan de l’esprit; ils croissaient dans l’unité en s’assemblant. Ils pouvaient se voir face à face, ce qui servait de stimulant, car à part cela, rien ne les unissait. En partageant la compagnie de leurs frères et en recevant la nourriture spirituelle ensemble, ils puisaient les forces nécessaires pour faire progresser plus rapidement cette œuvre naissantef.

      THOMAS: Vous avez dit qu’à part cela, rien ne les unissait. Que voulez-​vous dire par là?

      JEAN: Chaque congrégation accomplissait son service plus ou moins indépendamment, tout en prenant modèle sur la première congrégation de Pittsburgh. Or, sur le plan de l’organisation, ces congrégations n’étaient pas pour autant rattachées à celle de Pittsburgh. Il est vrai qu’elles assimilaient la même nourriture spirituelle, dispensée dans les colonnes de La Tour de Garde. C’était là un lien important, car ces membres provenaient de diverses organisations religieuses: ils avaient été catholiques, presbytériens, congrégationalistes, luthériens ou autres. Ainsi, l’étude de La Tour de Garde contribuait grandement à créer l’unité, quoique, dans une large mesure, ces membres aient apporté avec eux les pensées et les procédés suivis par les diverses Églises et sectes. Cela a eu pour effet que les premières congrégations des témoins de Jéhovah étaient régies par une sorte d’administration ecclésiastique calquée sur le style presbytérien et congrégationaliste. On appelait ces congrégations des “ecclésias”, d’après le mot grec qui signifie “congrégation”. Chacune avait à sa tête un comité de presbytres appelés les “aînés”, tout comme dans l’Église presbytérienne. Ces “aînés” étaient chaque fois élus d’une manière démocratique pour un an au maximum, comme dans l’Église congrégationaliste. Réunis en comité, ils désignaient les divers orateurs, déterminaient la matière à étudier, et ainsi de suite. C’était là une manière de procéder bien différente de celle suivie par les témoins de Jéhovah actuels.

      DES MILLIERS SONT ATTEINTS GRÂCE À LA DIFFUSION DES TRACTS

      LOÏS: Le pasteur Russell enseignait donc qu’il fallait étudier la Bible et participer à l’œuvre de la moisson. Comment s’y sont-​ils pris? J’entends les étudiants de la Bible, sans parler des aînés.

      JEAN: Au début, on distribuait surtout des tracts. Quant au pasteur Russell, il avait alors déjà liquidé ses affaires, et il consacrait la plus grande partie de son temps à écrire et à prêcher. Puis, à partir de 1880, le petit groupe de Pittsburgh, en tant que bureau central, s’est mis à publier des tracts. Après 1891, ces tracts numérotés qui s’intitulaient d’abord “Tracts des Étudiants de la Bible” (Bible Student’s Tracts) ont aussi été appelés “Cahier trimestriel de théologie ancienne” (Old Theology Quarterly). Remis gratuitement aux lecteurs de La Tour de Garde pour que ceux-ci les distribuent au public, ces tracts devaient servir à démasquer les erreurs contenues dans les doctrines enseignées par les Églisesg. On publiait aussi des feuilles d’un plus grand format comme éditions supplémentaires de La Tour de Garde. Ainsi, en 1881, avaient paru les deux brochures “Les figures du Tabernacle” (Tabernacle Teachings) et “Nourriture pour les chrétiens réfléchis” (Food for Thinking Christians). De nos jours, nous appellerions ces publications des livres brochés. Ainsi, la brochure Nourriture pour les chrétiens réfléchis a paru comme édition spéciale de La Tour de Garde pour le mois de septembre 1881. À la page 162 de l’édition de 1884, le passage suivant de cette brochure attirait l’attention du lecteur sur la Société et sur l’œuvre accomplie par celle-ci:

      Cette Société [Zion’s Watch Tower Tract Society] est organisée dans l’intention de répandre des publications semblables à cette brochure publiée par La Tour de Garde, périodique mensuel de huit pages. La présente brochure est un numéro de ce périodique, présentée dans un format plus pratique; ainsi, au cours des quatre dernières années, cette Société en a fait imprimer et diffuser, à ses frais, plus d’un million d’exemplaires gratuits.

      THOMAS: Comment ce petit groupement pouvait-​il répandre un million d’exemplaires de cette brochure?

      JEAN: C’est que de nombreux exemplaires en ont été distribués par les lecteurs de La Tour de Garde grâce à leurs contacts personnels. Mais on s’est également servi de deux autres méthodes peu courantes. En voici deux exemples décrits dans l’une des premières publications de la Société:

      Le directeur du principal journal de la ville de New York accepta d’envoyer à tous ses abonnés un exemplaire du tract [Nourriture pour les chrétiens réfléchis]; de même, plusieurs autres journaux de Chicago, de Boston, de Philadelphie et de New York nous aidèrent d’une façon analogue dans l’œuvre, ce dont nous les remercions sincèrementh.

      Et le pasteur Russell d’expliquer: “Nous ne citerons pas les noms des journaux simplement pour leur épargner l’ennui d’être sollicités par autrui. Ils disent n’avoir encore jamais accordé de tels privilèges à personne.” En outre, nous lisons au sujet de cette tâche d’envergure:

      (...) Faible en apparence au début, le travail avec les tracts a connu un essor si considérable que 1 200 000 exemplaires en ont été distribués, (...) il a fallu le concours de centaines d’hommes, de femmes et de garçons pour la préparation et la distribution des tracts, près de 500 garçons étant employés à les distribuer à Londres et quelque 300 à New York, ainsi qu’un nombre correspondant dans d’autres villes. Dans les plus grandes villes, la distribution se fit le dimanche, à la porte des églisesi.

      Afin d’encourager la distribution des tracts, deux des premiers compagnons de Russell ont été envoyés en Grande-Bretagne, en 1881. Dans leur rapport, ils racontent avoir distribué 100 000 brochures à Londres et 65 000 en Écosse, dans les villes de Glasgow, d’Édimbourg, de Dundee et d’Aberdeenj.

      LOÏS: De quoi parlait donc cette brochure?

      JEAN: Elle était doctrinale, bien entendu. Elle présentait un résumé de toutes les vérités que ces étudiants de la Bible avaient apprises et comprises jusqu’à l’année 1881. La brochure commençait sous forme de dialogue, et la discussion se poursuivait un peu comme chez vous, où nous discutons de l’histoire de la Société. Puis, après avoir réfuté quelques doctrines fondamentales enseignées par les grandes Églises, telles que l’immortalité de l’âme, la brochure poursuivait en expliquant de nombreux points du dessein divin des âges. À l’intention de la majorité des humains qui recevront la vie sur la terre, la brochure faisait ressortir ce qui suit:

      Ceux qui forment le reste de notre race et qui avancent maintenant en foule sur la route large de la mort doivent être rétablis, car leur culpabilité et leurs péchés seront rachetés et pardonnés. Comme, par la désobéissance d’un seul homme, tous ont été placés sur la route large et qu’ils ont été engloutis dans la mort, de même, par l’obéissance d’un seul (Christ), tous seront pardonnés et ramenés à la vie. Mais quand ils seront ramenés à “leur condition antérieure” — la perfection telle qu’elle existait à l’origine — ils n’auront pas la vie dans le même sens que l’obtiendra la famille divine. Leur part ne sera pas d’avoir la vie en eux-​mêmes, mais la vie qui leur est fournie. La race humaine restaurée vivra sans doute éternellement. Dieu lui fournira les moyens de continuer à vivre aussi longtemps qu’elle sera obéissante, et il nous est dit que cela sera pour l’éterniték.

      LA SOCIÉTÉ WATCH TOWER PREND CORPS

      THOMAS: Quelles dispositions ce groupement avait-​il prises pour imprimer les tracts et le périodique La Tour de Garde?

      JEAN: Au début, l’impression de ces écrits était presque entièrement assurée par des maisons d’édition commerciales. Notre premier bureau central se trouvait au 44, Federal Street, à Allegheny, en Pennsylvaniel. Russell avait compris que pour étendre la distribution des tracts et de La Tour de Garde, il faudrait accepter des contributions, et il serait alors nécessaire d’avoir une société sous une forme ou sous une autre. Ainsi, dans La Tour de Garde (angl.) d’avril 1881, on pouvait lire à la page 7, sous le titre “Watch Tower Tract Society”:

      Les proportions immenses que semble prendre le travail avec les tracts ont fait naître l’idée d’un effort conjugué dans ce sens; et cela a eu pour effet la création de cette Société. Les tracts sont très demandés. Plus de 900 000 pages sont déjà sorties des presses, et nous allons passer des contrats pour plusieurs millions de pages. Nous sommes confiants que le Seigneur prendra plaisir à se servir de ces tracts comme moyens permettant d’ouvrir les yeux aux aveugles face aux beautés de sa Parole, comme jadis il se servit même de boue et de salive pour ouvrir des yeux naturels.

      L’année d’après, Russell insérait ce qui suit dans les colonnes de La Tour de Garde concernant la Société:

      Cette Société a été organisée, il y a moins d’un an, pour le but indiqué par son nom. (...) Nous ne solliciterons jamais de dons. Ceux qui possèdent des biens de ce monde, et qui se sont entièrement consacrés, doivent simplement apprendre comment ils peuvent s’en servir. La destination des dons versés à ce fonds devrait être spécifiéea.

      En 1884, cette Société s’est constituée en corporation. C’est Russell lui-​même qui en a rédigé les statuts. À l’origine, la Société portait le nom de “Zion’s Watch Tower Tract Society”, mais aujourd’hui elle s’appelle “Watch Tower Bible and Tract Society of Pennsylvaniab”. Le but de cette Société est énoncé sous l’article deux des statuts:

      Le but pour lequel est constituée la corporation est la diffusion de vérités bibliques en différentes langues au moyen de la publication de tracts, de brochures, de journaux et d’autres écrits religieux, ainsi que par l’emploi de tout autre moyen légal que son conseil d’administration, dûment constitué, jugera opportun pour atteindre le but précité.

      Les statuts prévoyaient un conseil composé de sept directeurs, dont trois devaient remplir les fonctions de président, vice-président et secrétaire-trésorierc.

      Au bout de quelques années, leur premier bureau central étant devenu trop exigu, ils décidèrent de faire construire un immeuble pour eux seuls. Achevé en 1889d, cet immeuble abritait une salle de réunions pour 200 personnes environ. De nos jours, on pourrait la comparer à une Salle du Royaume des témoins de Jéhovah. Dans cet immeuble se trouvaient une petite salle pour l’imprimerie, un service d’expédition au sous-sol, ainsi que des appartements pour les membres de la famille qui travaillaient comme personnel dans ce bureau central. Des locaux étaient également réservés à la rédaction. Et du côté de la rue, il y avait un entrepôt et un magasin où des écrits étaient distribués au public. Cet immeuble, appelé “Maison de la Bible”, a servi de bureau central à la Société pendant vingt ans.

      Ainsi, le pasteur Russell n’a pas organisé la Société Watch Tower simplement pour recevoir des contributions et pour imprimer des écrits. Selon le but énoncé dans les statuts, la Société avait été organisée pour “la diffusion de vérités bibliques”. Or, pour atteindre ce but, il ne suffisait pas d’établir des congrégations pour l’étude, congrégations dont les membres distribueraient de temps en temps des tracts. En réalité, le pasteur Russell se proposait d’organiser tout cela sur une plus grande échelle. Mais de cela, je vous en parlerai la semaine prochaine.

      [Notes]

      a a w juin 1880, p. 8; w sept. 1880, p. 8; w nov. 1880, p. 8.

      b b w janv. 1881, p. 7; w avril 1881, p. 8; w 1897, p. 158.

      c c w sept. 1879, p. 4.

      d d w 1897, p. 86.

      e e I Corinthiens 11:25.

      f f w 1892, p. 114; voir “Congrès des croyants”, assistance: 400.

      g g w déc. 1880, p. 8; w janv. 1881, p. 3; w mars 1889, p. 7.

      h h w oct.-nov. 1881, p. 5.

      i i Ibid.

      j j w oct.-nov. 1881, p. 6.

      k k w sept. 1881, p. 144.

      l l Ce bureau central porta par la suite le numéro 40, Federal Street, et puis le 151, Robinson Street, la rue ayant changé de nom (w déc. 1884, p. 1; w mars 1887, p. 1).

      a m w janv.-fév. 1882, p. 2.

      b n Le 13 décembre 1884, le juge F. H. Collier de la Cour des Plaids Communs [tribunal civil] du Comté d’Allegheny, État de Pennsylvanie, accorda à la Société un statut légal dûment enregistré le 15 décembre 1884 (w janv. 1885, p. 1). Le nom qu’elle portait à l’origine fut changé, en 1896, par un amendement légal en “Watch Tower Bible and Tract Society” (statuts de la Watch Tower Bible and Tract Society, pp. 4, 5). Le 1er novembre 1955 furent enregistrés les amendements légalisant son titre intégral actuel. Voir aussi Études des Écritures (1886), tome I, Préface “Biographie”, p. 19 (éd. angl. 1926).

      c o Les premiers membres du bureau étaient C. T. Russell, le président; William I. Mann, le vice-président; Maria S. Russell, femme du pasteur Russell, la secrétaire-trésorière (Statuts de la Watch Tower Bible and Tract Society, pp. 1-3).

      d p Sis au 56 et 60, Arch Street, Allegheny, North Side, Pittsburgh; la rue ayant été renumérotée, leur adresse devenait alors le 610-614, Arch Street (w janv. 1890, p. 1; w 1900, pp. 260, 272, photo; voir aussi wF oct. 1903, p. 8). À l’origine, cette propriété appartenait légalement à la Tower Publishing Company [La Tour, Maison d’édition], affaire privée dirigée par C. T. Russell. En avril 1898, le droit de propriété sur ces biens immobiliers et les installations fut transféré à la corporation légale, la Watch Tower Bible and Tract Society, lorsque le conseil d’administration de la Société accepta comme donation le droit de propriété sur ces biens (w 1898, pp. 114, 369).

      [Illustrations, page 26]

      SCEAU DE LA SOCIÉTÉ, 1884.

      SCEAU DE LA SOCIÉTÉ, 1956.

      [Illustration, page 27]

      MAISON DE LA BIBLE, 1889.

  • La prédication de la bonne nouvelle, une mission confiée à tous
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 5

      La prédication de la bonne nouvelle, une mission confiée à tous

      LOÏS: Jean, la semaine dernière, vous nous avez raconté que les lecteurs de La Tour de Garde distribuaient des tracts. Cette œuvre était-​elle organisée, ou bien chacun la faisait-​il à sa manière?

      JEAN: Au début, chacun la faisait simplement à sa manière, mais les lecteurs recevaient l’encouragement et l’aide de la Société en développement. Dès le commencement, Russell avait compris qu’il était nécessaire que les chrétiens prennent une part active à la prédication de ce qu’ils avaient appris. La deuxième année de sa parution, La Tour de Garde lançait un émouvant appel sous le titre “Recherchons 1 000 prédicateurs”. Cet appel visait à encourager tous les lecteurs de La Tour de Garde qui pouvaient consacrer la moitié de leur temps, ou davantage, exclusivement à l’œuvre du Seigneur, à

      aller dans les villes, grandes et petites, selon vos possibilités, comme colporteurs ou évangélistes, à la recherche, en tous lieux, des chrétiens sincères et convaincus. Vous en trouverez beaucoup qui sont animés du zèle pour Dieu, mais pas selon la connaissance. Cherchez à leur faire connaître les richesses de la grâce de Notre Père et les beautés de sa Parole, en leur remettant des tracts; et comme marque d’une œuvre de bonté et d’amour à leur égard, efforcez-​vous de leur vendre “L’aurore du jour” ou de leur faire souscrire un abonnement à “La Tour de Garde” [ou, si quelqu’un manifeste de l’intérêt et qu’il soit trop pauvre pour les acheter, présentez-​les-​lui comme un don venant de Dieu].

      Étant donné que sans quelque revenu, peu de personnes seraient en mesure de se déplacer et de pourvoir à leur entretien, nous proposons de fournir aux colporteurs les TRACTS et LES AURORES DU JOUR gratuitement, et de leur permettre de recueillir des abonnements à LA TOUR DE GARDE et de se servir de l’argent obtenu grâce à ces sources, (...) pour couvrir les dépenses nécessairea.

      Le mois suivant, c’est-à-dire en mai 1881, on s’est référé aux paroles que nous venons de lire pour indiquer qu’il en était résulté de nombreuses réponses favorables. Or, ces paroles démontraient que le pasteur Russell avait bien compris que cette œuvre n’avait pas simplement pour but de faire connaître le dessein de Dieu. Elle était aussi destinée à faire partager à chaque chrétien la responsabilité de participer à la réalisation des desseins divins. Voyons ce que dit l’article:

      Certains semblent nous avoir mal compris et avoir cru que nous faisions appel à tout le monde, aussi bien à des représentants qu’à des vendeurs de livres; ils ont attiré l’attention de leurs amis sur cette œuvre, disant que c’était là une belle occasion de trouver un emploi, etc. C’était mal comprendre notre proposition. Nous cherchons des ouvriers (et tel est le désir du Seigneur) qui soient disposés à travailler pour un salaire céleste, bien plus que pour le prix d’un journal ou d’un livre, quelle qu’en soit la nécessité. Non, nous ne faisons appel qu’à ceux qui savent expliquer le journal, le livre et le plan, et qui, en se déplaçant, pourront prêcher en disant: “Repentez-​vous, car le royaume des cieux est proche.” (Mat. 3:2, Sg)b.

      LOÏS: N’empêche que le pasteur Russell était bien optimiste pour lancer un appel à 1 000 prédicateurs à plein temps. Y a-​t-​il eu beaucoup de réponses?

      JEAN: En ce temps-​là, on ne publiait pas souvent des rapports. Néanmoins, au cours de l’année 1885, il y a eu 300 colporteurs, comme on les appelait alors. C’est ce qui ressort du rapport rédigé par le secrétaire-trésorier de la Société pour le numéro de La Tour de Garde (angl.) de janvier 1886c. Le livre “Le divin Plan des Âges” a été publié en 1886, et on s’est mis à le distribuer en anglais. Les colporteurs — ou “pionniers”, comme nous les appelons maintenant — envoyaient leur rapport chaque semaine au bureau de Pittsburghd. Des années plus tard, quand les livres formaient une série de six volumes, les colporteurs n’emportaient pas toute la série de porte en porte comme le font les témoins de Jéhovah aujourd’hui. Ils emportaient simplement un “prospectus”, c’est-à-dire les couvertures de tous les livres, attachées ensemble pour former un dépliant qui s’étirait comme un accordéon. Pour faire un exposé sur chaque sujet traité dans ces livres, le témoin dépliait ce prospectus sur le bras allongé. Puis il prenait des commandes pour la série complète, car les livraisons ne s’effectuaient alors qu’une ou deux fois par mois. En général, les témoins travaillaient deux par deux pour livrer tous ces ouvrages commandés. Il n’était pas rare de voir un seul colporteur, ou “pionnier”, placer quatre à cinq cents livres en un mois.

      OINTS POUR PRÊCHER

      Ce premier appel pour trouver 1 000 prédicateurs ne se limitait toutefois pas à ceux qui pouvaient donner tout leur temps. Voici une autre pensée émise à l’époque:

      L’Église est la vigne de Dieu (...). Il existe une si grande variété de travaux que tous peuvent trouver à s’occuper: dans la parabole, tous ont été engagés. Si vous disposez d’une demi-heure ou d’une heure, de deux ou de trois heures, vous pouvez employer ce temps: et cela sera agréable au Seigneur de la moisson. Qui peut prévoir les bienfaits qui découleront d’une heure de service accompli sous la conduite de Dieue?

      La même année paraissait dans La Tour de Garde un article intitulé “Oints pour prêcher”, basé sur Ésaïe 61:1. Loïs, voudriez-​vous nous lire ce passage d’après la Bible de Crampon, édition de 1905?

      LOÏS: Avec plaisir. [Elle lit.] “L’esprit du Seigneur, de Jéhovah, est sur moi, parce que Jéhovah m’a oint pour porter la bonne nouvelle aux malheureux; il m’a envoyé pour panser ceux qui ont le cœur brisé, pour annoncer aux captifs la liberté et aux prisonniers le retour à la lumière; pour publier une année de grâce de Jéhovah et un jour de vengeance de notre Dieu.”

      JEAN: Le pasteur Russell commence l’article en expliquant que, selon Luc 4:18, Jésus a cité cette prophétie pour l’appliquer à lui-​même et à son œuvre. Puis il montre que la raison même de cette onction était de recevoir de Dieu l’autorisation de prêcher. Russell poursuit et attire l’attention sur la responsabilité qui incombe aux disciples de Jésus.

      L’onction par la force spirituelle qui vint d’abord sur la Tête [Jésus] allait et devait venir en temps voulu (à la Pentecôte), et elle vint effectivement sur l’Église qui est son corps. Or, l’onction qu’elle reçut alors demeure en elle (I Jean 2:27). Pourquoi l’Église fut-​elle ointe? La Parole répond: afin que, dans les temps présents, elle partage avec le Seigneur le déshonneur et le sacrifice et afin que, dans l’âge de gloire à venir, elle soit réunie à lui dans la gloire et la puissance. Il y a davantage: comme il fut “oint pour annoncer la bonne nouvelle”, de même nous, son corps, nous devons être oints pour annoncer, pour prêcher, le même évangile (...). QUI DOIT PRÊCHER? Nous répondons: Tous ceux qui reçoivent l’esprit d’onction et qui sont ainsi reconnus comme membres du corps du Christ (l’Oint). Il en est de chaque membre exactement comme de la Tête: “Il m’a oint pour annoncer la bonne nouvelle.” Nous possédons chacun des aptitudes et des dons différents, et aucun de nous n’est pareil à notre Tête, qui est parfaite; mais chacun est responsable de sa manière de prêcher et du temps qu’il peut consacrer à la prédication. Les uns savent prêcher à des multitudes, les autres à deux ou trois personnes; les uns savent prêcher de maison en maison, les autres peuvent placer un mot à propos; les uns peuvent distribuer des tracts, les autres peuvent prélever sur l’argent consacré dont ils ont l’intendance, pour aider autrui à prêcher. Les uns peuvent faire plusieurs de ces choses, les autres peuvent les faire toutes; or tous peuvent et devraient, par leur manière de vivre et leurs habitudes, prêcher la force de transformation qui émane de la bonne nouvelle, car nous sommes tous des épîtres vivantes, connues et lues de tous les hommes.

      Prêches-​tu, toi aussi? Nous croyons que nul ne fera partie du petit troupeau, à moins d’avoir été prédicateur. (...) En effet, nous avons été appelés à souffrir avec lui et à proclamer cette bonne nouvelle maintenant, afin qu’en temps voulu nous soyons glorifiés et que nous puissions accomplir les choses que nous prêchons maintenant. Nous n’avons pas été appelés, ni oints pour recevoir des honneurs et amasser des richesses, mais pour les dépenser et pour nous dépenser nous-​mêmes, ainsi que pour prêcher la bonne nouvelle. Déployons donc tout notre zèle pour affermir notre vocation et accomplir ce pour quoi nous avons été ointsf.

      MARIE: En nous rappelant que cette mise au point a eu lieu à peine deux ans après la parution du premier numéro de La Tour de Garde, nous comprenons combien l’œuvre à accomplir paraissait urgente au pasteur Russell.

      JEAN: Et en invitant autrui à prendre conscience de ses propres responsabilités, il était prêt à lui accorder son aide. Ceux qui lisaient La Tour de Garde savaient ce qu’il fallait dire. Désormais, le pasteur Russell allait les conseiller sur la manière de dire ces choses. C’est dans le même numéro de La Tour de Garde qui contenait l’appel à 1 000 prédicateurs qu’on pouvait lire ces conseils, sous le titre “Comment faut-​il enseigner?”:

      À ceux qui envisagent de sortir pour employer beaucoup ou peu de leur temps, nous disons: Il est de toute première importance non seulement d’enseigner ce qui est juste, mais surtout de présenter la vérité d’une manière et dans l’ordre appropriés. C’est là une règle de conduite qui s’applique à tout ce que nous entreprenons: si nous voulons récolter de bons fruits, il ne suffit pas de planter une bonne semence; il faut encore la planter au temps convenable, dans une terre préparée d’avance, et il faut s’occuper de la jeune plante jusqu’à ce qu’elle ait pris assez de force. De même, pour les humains, la semence doit être semée avec soin, dans la prière et avec sagesse, selon les paroles de notre Maître: “Soyez donc prudents comme les serpents, et simples comme les colombes.”

      Parlez d’abord du Rétablissement et des beautés du plan de Dieu qui se déploie; puis, montrez que tout cela nous attend et dépend du Roi et du Royaume à venir. Ensuite, quand votre interlocuteur ou lecteur en sera venu à aimer le Roi et à soupirer après son Royaume, il sera assez tôt d’exposer la manière de sa venue, c’est-à-dire d’expliquer que ce n’est pas l’homme Jésus, mais Jésus en tant qu’être spirituel qui reviendra, invisible, (...) et, en dernier lieu, parlez des “temps”, disant que nous vivons maintenant “aux jours du Fils de l’hommeg”.

      C’est grâce à de telles instructions sur la prédication que des centaines de témoins chrétiens ont peu à peu été instruits et formés à participer efficacement au service du champ.

      LA SÉRIE DE “L’AURORE DU MILLÉNIUM”

      THOMAS: Je pense qu’en quatre ans la distribution gratuite de plus d’un million d’exemplaires de la brochure Nourriture pour les chrétiens réfléchis aura énormément contribué à répandre le message. Mais à part les brochures, les tracts et La Tour de Garde, qu’est-​ce que Russell a écrit d’autre? Vous avez mentionné un certain nombre de livres. En était-​il aussi l’auteur?

      JEAN: Oui, de ceux dont nous avons lu des extraits. Son premier livre, Les trois mondes, Russell l’avait écrit en collaboration avec Barbour. Puis on avait distribué un autre livre appelé “L’aurore du jour”, écrit par J. H. Paton, l’un des premiers compagnons de Russell. Mais grâce à la lumière croissante de la vérité, on s’est rendu compte que ni l’un ni l’autre de ces deux livres ne convenaient plus à l’œuvre. Il a donc été décidé que Russell écrirait un certain nombre de livres qui formeraient la série appelée “L’aurore du Milléniumh”. Après maintes difficultés, le premier livre est sorti de presse en 1886 comme tome I de la série promise. C’est celui dont nous avons déjà parlé. Il s’appelait d’abord “Le Plan des Âges” et, plus tard, “Le divin Plan des Âges”. Il s’est avéré l’un des moyens les plus précieux utilisés jusque-​là par la Société pour la diffusion de la bonne nouvelle. Ainsi, six millions d’exemplaires en ont été distribués en une quarantaine d’années. Il a permis à des centaines de personnes sincères de sortir de la religion apostate et de se joindre à la société naissante des témoins de Jéhovah.

      Ce livre contenait une carte des âges qui ressemblait beaucoup à celle parue dans le livre Les trois mondes. C’était, en quelque sorte, le résumé de toutes les vérités comprises jusqu’en 1886, ainsi que celles parues dans Nourriture pour les chrétiens réfléchis et dans Les figures du Tabernacle. Il s’agissait d’un livre de 403 pages, écrit dans un style simple et courant, encore agréable à lire de nos jours; pourtant, à l’époque, la mode en était bien plus aux phrases de construction compliquée. Citons quelques-uns des seize chapitres pour donner une idée de l’espérance que le livre offrait au lecteur: “Une nuit de pleurs et un matin de joie”, “Démonstration de l’existence d’un Créateur souverainement intelligent”, “La venue de notre Seigneur, — son but, le rétablissement de toutes choses”, “La permission du mal et son rapport avec le plan de Dieu”.

      Puis, vers la fin du livre se trouve un chapitre intitulé “Le jour de Jéhovah”, qui garde toute sa signification même de nos jours. En voici un bref extrait:

      Le “jour de Jéhovah” est le nom de cette période durant laquelle le Royaume de Dieu, sous Christ, sera érigé graduellement (...), pendant que les royaumes de ce monde “passeront” et que le pouvoir et l’influence de Satan sur l’homme seront liés. Il est décrit partout comme un jour obscur, de trouble intense, de détresse et de perplexité parmi l’humanité. (...)

      Il semble (...) que quelques-uns des saints seront encore dans la chair, au moins durant une partie de ce temps. [Cela s’est avéré juste.] Leur position, toutefois, différera de celle des autres, non pas en ce qu’ils seront miraculeusement préservés (bien qu’il soit distinctement promis que le pain et l’eau leur sont assurés), mais, en ce qu’étant instruits de la Parole de Dieu, ils n’auront pas à endurer sans espoir la même anxiété et la même angoisse qui se répandront sur tout le monde. [Là encore, c’est exactement l’image des témoins de Jéhovah vivant en ces temps actuels, depuis la Première Guerre mondiale.] (...) Les afflictions de ce “jour de Jéhovah” offriront l’occasion exceptionnelle de prêcher la bonne nouvelle du salut à venir; et bienheureux sont ceux qui suivent les traces du Maître, qui sont comme le bon Samaritain, bandant les plaies et y versant de l’huile et du vin de joie et de consolationi.

      Bien que ces pensées aient été émises des dizaines d’années avant la Première Guerre mondiale, il est surprenant de constater avec quelle exactitude se sont finalement produits les événements qui avaient été prévus.

      LOÏS: Est-​ce que les autres livres de la série ont finalement été écrits?

      JEAN: Au cours des années, cinq autres livres l’ont encore été: en anglais, le tome II, Le Temps est proche, a été publié en 1889; le tome III, Que ton règne vienne, en 1891; le tome IV, La Bataille d’Harmaguédon, qui s’appelait à l’origine “Le jour de vengeance”, est sorti de presse en 1897; le tome V, La réconciliation entre Dieu et l’homme, en 1899; et enfin, le tome VI, La Nouvelle Création, en 1904.

      MARIE: Ces livres s’appelaient la série de “L’aurore du Millénium” jusqu’à la fin de 1904, quand on a décidé que le nom d’“Études des Écritures” montrerait plus clairement à quel usage étaient destinées ces publications, et comment elles seraient le plus utile au lecteur. À la même époque, on proposait aux colporteurs quatre manières différentes de présenter les livres au publicj. Voici ce que le pasteur Russell disait dans La Tour de Garde (angl.) du 15 juillet 1906:

      Et notre promesse de sortir la série complète ne s’est pas encore réalisée; car, bien que six tomes aient déjà paru, un septième sur l’Apocalypse et sur Ézéchiel est encore à venir; la parution en a été retardée par l’accroissement de l’œuvre en général, et cela, sans aucun doute, en accord avec le “temps voulu” du Seigneurk.

      LA BONNE NOUVELLE PARVIENT EN EUROPE

      THOMAS: Est-​ce que la distribution en Grande-Bretagne de la brochure Nourriture pour les chrétiens réfléchis, à laquelle vous avez fait allusion, était la première œuvre entreprise en dehors des États-Unis?

      JEAN: Oui, c’est exact, du moins d’après les rapports, et le Canada mis à part. Au bout de quelques années, de petits groupes ont pu être réunis en Grande-Bretagne pour l’étude de la Bible. En raison de l’intérêt croissant, il a été décidé en 1891 que Russell ferait son premier voyage à l’étranger en qualité de président de la Société. Il pourrait ainsi encourager cet intérêt et contribuer à étendre l’œuvre à l’extérieur des États-Unis et du Canada. Son voyage missionnaire allait durer deux mois. Russell et les personnes qui l’accompagnaient se sont embarqués à New York pour Belfast, en Irlande, où ils ont rencontré un premier groupe d’amis. De là, leur itinéraire les a conduits dans d’autres groupes et dans des lieux historiques, tels que Glasgow et Édimbourg, en Écosse. Son voyage l’a conduit en Russie, jusqu’en Turquie et en Égypte, d’où il a regagné l’Angleterre avant de reprendre le chemin de New Yorkl.

      Le compte rendu de ce voyage donne une image intéressante de l’œuvre de diffusion de la bonne nouvelle, alors en cours. Russell écrit:

      Nous ne constatons aucune facilité ni aucun empressement pour la vérité en Russie, (...) rien pour nous encourager à espérer une moisson quelconque en Italie, en Turquie, en Autriche ou en Allemagne. (...) Les Italiens ont si longtemps subi l’influence néfaste de la papauté que, tels les Français, ils avancent à grands pas vers l’incroyance déclarée (...). Mais la Norvège, la Suède, le Danemark, la Suisse et surtout l’Angleterre, l’Irlande et l’Écosse sont des champs mûrs qui attendent d’être moissonnésa.

      Selon les prévisions de Russell, c’est dans ces derniers pays que la vérité s’est librement répandue à partir de 1891. Ayant reconnu qu’il existait un urgent besoin en Angleterre, Russell a immédiatement fait établir à Londres un dépôt pour les publicationsb. D’ailleurs, c’est à Londres que la Société a ouvert, en 1900, sa première filiale située en dehors des États-Unisc.

      THOMAS: Qu’en est-​il des pays scandinaves et des autres pays dont la langue maternelle n’est pas l’anglais? Les écrits de la Société étaient-​ils disponibles dans leur langue?

      JEAN: Pas au début, car la Société ne publiait ses écrits qu’en anglais. Mais après le voyage de Russell à l’étranger, des dispositions ont été prises pour commencer à publier livres et brochures divers en allemand, en français, en suédois, en danois et norvégien, en polonais, en grec et par la suite en italien. Peu à peu, la bonne nouvelle allait donc parvenir à des régions plus éloignées du globe et atteindre les peuples d’autres nations et d’autres langues. En 1903, une filiale a été ouverte en Allemagned, et, l’année d’après, une autre en Australie où un premier témoin avait déjà été envoyé en 1903e.

      THOMAS: Quelle expansion votre œuvre avait-​elle enregistrée jusque-​là?

      JEAN: Un passage de La Tour de Garde (angl.) de janvier 1891, page 3, va nous éclairer un peu sur le nombre présumé de ceux qui s’étaient joints à l’œuvre en ce temps-​là.

      La diffusion mensuelle de la TOUR s’élève en moyenne à dix mille exemplaires environ, ce qui, d’après des estimations sûres, représenterait quinze mille lecteurs. À en juger d’après les lettres que nous recevons, nous estimons que parmi tous nos lecteurs, dispersés dans toutes les parties du globe, quatre mille environ sont entièrement consacrés au Seigneur et emploient leurs aptitudes à le louer de leur mieux. (...) Or, si 4 000 personnes vivant à présent sont fidèles et entièrement consacrées au Seigneur, c’est grâce aux progrès qu’elles ont faits au cours des dix dernières années, ce chiffre indiquerait une moyenne annuelle de 400 personnes pour les dix dernières années.

      En somme, cela représentait un accroissement annuel assez important pour ces premières années de l’œuvre.

      AFFERMISSEMENT DE L’ORGANISATION

      Cet accroissement a fait comprendre qu’il fallait affermir davantage l’organisation, et que ceux qui s’étaient joints à elle avaient besoin d’être fortifiés sur le plan spirituel par de grandes assemblées régulières. Nous avons déjà eu l’occasion de dire que de telles assemblées se tenaient depuis 1879 lors du repas du Seigneur. Mais en 1893, il a été jugé utile de tenir la première grande assemblée dans une autre ville que Pittsburgh. On a donc pris des mesures, en 1893, pour tenir une assemblée nationale à Chicago, dans l’Illinois, du 20 au 24 août, soit en même temps que l’Exposition universelle, aussi appelée Exposition colombienne. En raison de cette exposition, les chemins de fer accordaient des tarifs réduits aux voyageurs se rendant à Chicago. Les témoins ont saisi cette occasion pour assister à l’assemblée, puis, selon leur désir, pour rester quelques jours de plus afin de visiter l’Exposition universelle. Ce compte rendu est digne d’intérêt:

      L’assistance s’éleva à quelque 360 personnes (...). Après [la réunion de prières de chaque matin] fut prononcé un discours d’une heure et demie environ, puis la séance fut suspendue pour le déjeuner, après quoi, l’après-midi fut consacré, de 14h. à 17h., à répondre publiquement à des questions. Le dernier jour fut consacré à l’œuvre de colportage; et, le lendemain de la clôture de l’assemblée, quelques colporteurs [ou pionniers] expérimentés restèrent avec d’autres colporteurs qui obtenaient moins de succès, et avec les débutants, pour donner un cours de colportage en vue de les instruire et de leur expliquer aussi bien les bonnes que les mauvaises méthodes, manières et expressions (...) [environ 50 colporteurs y assistèrent]. L’Église baptiste du Calvaire de Chicago eut l’obligeance de nous accorder le droit d’utiliser son baptistère; en tout, 70 personnes symbolisèrent leur baptême dans la mort du Christ par l’immersion dans l’eau. Le nombre des frères et des sœurs était à peu près le même, et leur âge variait entre 17 et 70 ansf.

      Cependant, l’œuvre allait s’enrichir d’une nouvelle activité. En 1894, la Société introduisait un nouveau programme en vue d’affermir l’organisation et de resserrer les liens entre ses membres. À partir de cette année-​là, vingt représentants qualifiés de la Société Watch Tower quittaient Pittsburgh en fin de semaine, pour faire des discours publics et créer de nouvelles congrégations ou “ecclésias”g.

      À vrai dire, cette activité n’était pas tout à fait nouvelle. Vous vous souvenez que nous avons dit que Russell et quelques autres frères visitaient les premières congrégations. Or, c’est dans La Tour de Garde (angl.) de décembre 1879, page 8, que ces visites aux congrégations sont mentionnées pour la première fois, dans un article assez court, sous le titre “La prédication”. On y lisait:

      Presque tous les frères dont les noms figurent sur notre liste comprenant ceux qui écrivent régulièrement des articles, ainsi que le rédacteur et trois autres frères qui n’écrivent pas pour LA TOUR DE GARDE, mais qui sont en faveur de la vérité et en accord avec l’enseignement donné par ce périodique, prêchent la bonne nouvelle partout où le Seigneur de la Moisson ouvre la voie. Les demandes en vue d’obtenir leurs services peuvent être adressées à ce bureau.

      En 1897, cette activité a connu un plus grand essor grâce à l’“œuvre des frères pèlerins”. Pour cette année-​là, trois représentants à plein temps se sont vu confier la tâche de visiter les congrégations. Selon un itinéraire préétabli, ils se rendaient d’une congrégation à l’autre où ils passaient un jour ou deux à présider les réunions et à dispenser la nourriture spirituelle. Cette œuvre a été un réel bienfait pour les frères, puisque, sous de nombreux rapports, elle a contribué à créer l’union dans la manière de penser parmi les congrégations. De plus, elle servait à resserrer les liens entre les frères en leur permettant de mieux s’acquitter de leur responsabilité de prêcher. À part La Tour de Garde et la correspondance occasionnelle, les visites des frères pèlerins constituaient, pour ainsi dire, le seul lien qui rattachait les congrégations au bureau central de Pittsburghh. À mesure que les années passaient, le nombre des congrégations des étudiants de la Bible augmentait. Aussi la Société a-​t-​elle dû charger plus de frères pèlerins d’assumer ce service, afin de maintenir le contact avec l’organisation. En 1905, ils étaient vingt-cinqi à accomplir ce service, et en 1917, quatre-vingt-treizej.

      MARIE: Jean, il y a un instant, tu as mentionné le courrier que la Société recevait. Thomas et Loïs seraient peut-être heureux de savoir que des lettres étaient fréquemment publiées dans La Tour de Garde, si elles présentaient un intérêt général. J’en ai trouvé une qui est particulièrement intéressante. Permets-​tu que je la lise?

      JEAN: Certainement. Je suppose que tu penses à celle qui a été écrite en 1894 par un monsieur qui s’intéressait au message.

      MARIE: Oui, c’est celle-là. [Elle lit.]

      Messieurs, Vous trouverez ci-inclus un chèque de six dollars sur New York, somme contre laquelle je vous prie de m’envoyer ZION’S WATCH TOWER [Le Phare de la Tour de Sion] pendant un an et des exemplaires de MILLENNIAL DAWN [L’aurore du Millénium].

      Pour vous expliquer la commande de tant de livres, j’aimerais vous dire que deux jeunes dames [pionniers de la Watch Tower] ont passé à mon étude [d’avocat] pour me vendre ces ouvrages, il y a deux mois environ. J’étais très occupé quand elles m’ont présenté leur carte; mais voyant qu’elles vendaient des livres, j’ai acheté les trois volumes avec la pensée de leur venir ainsi en aide. Depuis, j’en ai conclu que ces dames m’ont apporté une “bonne nouvelle, sujet d’une grande joie”. J’ai emporté les livres chez moi et je n’y songeais plus guère quand, il y a quelques semaines, disposant d’un peu de loisir, je me suis mis à lire le premier volume. Il était si intéressant que je ne pouvais plus m’arrêter. Le résultat est que ma chère femme et moi-​même avons lu ces livres avec le plus vif intérêt. Nous considérons comme une grande grâce divine le fait d’avoir eu l’occasion d’entrer en leur possession. Ils sont vraiment un “guide” pour l’étude de la Bible. Les grandes vérités révélées dans les études présentées dans cette série ont tout simplement renversé nos aspirations terrestres. Reconnaissant, dans une certaine mesure tout au moins, la grande occasion qui nous est offerte de faire quelque chose pour le Christ, nous avons l’intention d’en profiter pour distribuer ces ouvrages, d’abord parmi nos proches parents et amis, ensuite parmi les pauvres qui désirent les lire et ne peuvent les acheter. C’est pour cette raison que nous désirons tous ces exemplaires en supplément. (...) Veuillez agréer, etc.k

      Cette lettre, c’est l’avocat J. F. Rutherford qui l’a signée en 1894.

      LOÏS: Oh, ça c’est intéressant! Ce devait être le juge Rutherford. Je me rappelle son nom du temps où j’étais encore fillette. Mon père aimait l’écouter parler à la radio, tandis que ma mère, elle, ne l’aimait pas. Ce que je vous dis là se passait longtemps après la rédaction de cette lettre.

      JEAN: Oui, c’est juste. Quant à Rutherford, il s’est voué à Jéhovah douze ans plus tard; et, en 1907, il a été nommé avocat de la Société au bureau central à Pittsburgh, soit à la “Maison de la Bible”. C’est lui qui est devenu le deuxième président de la Société après la mort du pasteur Russell.

      [Notes]

      a a w avril 1881, p. 7.

      b b w mai 1881, p. 8.

      c c w janv. 1886, p. 2.

      d d w 1892, p. 301.

      e e w avril 1881, p. 7.

      f f w juillet-​août 1881, pp. 1, 2.

      g g w avril 1881, p. 8.

      h h En 1904, cette série fut appelée “Études des Écritures” (w 1904, pp. 246, 274), nom qui fut adopté dans certaines éditions à partir d’octobre 1904 (w 1904, p. 306); à ce moment-​là, le tome I était appelé “Série I” (Ibid., p. 322). Cette habitude s’est surtout généralisée dès le début de 1906 (w 1906, p. 34 [voir aussi wF nov. 1920, p. 16]).

      i i Études des Écritures (1886), tome I, pp. 343, 379, 383 (éd. 1919); w 1911, pp. 320, 329.

      j j w 1904, pp. 246-248.

      k k w 1906, p. 236 [voir aussi wF déc. 1920, p. 25, note en bas de page].

      l l Lors de ce voyage, Russell visita les villes suivantes: Copenhague, au Danemark; Berlin et Leipzig, en Allemagne; Vienne, en Autriche; Kichinev, en Russie; Constantinople, en Turquie; Athènes, en Grèce; Jérusalem, en Palestine; Le Caire, en Égypte, où il alla voir les pyramides; Rome, en Italie; Berne, en Suisse; Paris, en France; Bruxelles, en Belgique; Amsterdam, en Hollande; ainsi que Londres et Liverpool, en Angleterre. Dans chacune de ces deux dernières villes, Russell parla à 150 personnes avant de rentrer à New York (w 1891, pp. 95, 148).

      a m Ibid. Quant aux observations personnelles faites par Russell sur les missions protestantes à l’étranger, voir w 1892, pp. 3-7; w 1891, p. 148.

      b n À la fin de 1891, au 62, Paternoster Row (w 1892, p. 2).

      c o Au 131, Gipsy Lane, Forest Gate, East London (w 1900, p. 146).

      d p w 1903, pp. 197, 454.

      e q Ibid., pp. 386, 455; w 1904, p. 82 [voir aussi wF août 1904, p. 60].

      f r w 1893, p. 280.

      g s w 1894, p. 393.

      h t w 1897, p. 309.

      i u w 1905, p. 375.

      j v w 1917, p. 374.

      k w w 1894, p. 127.

      [Illustration, page 30]

      “NOURRITURE POUR LES CHRÉTIENS RÉFLÉCHIS”, 1881.

      [Illustration, page 32]

      “L’AURORE DU MILLÉNIUM”.

  • On passe à l’offensive
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 6

      On passe à l’offensive

      THOMAS: À propos, Loïs, qu’est-​ce que ta mère pouvait bien reprocher au juge Rutherford, à part le fait qu’elle n’écoute personne sauf son pasteur?

      LOÏS: Voyons, Thomas, tu n’es pas gentil. Tu sais bien que maman n’est plus aussi intransigeante en ce qui concerne sa religion. N’empêche que le juge Rutherford était l’adversaire direct des Églises, n’est-​ce pas, Jean?

      JEAN: Oui, vous avez raison. Mais il faut vous rappeler qu’avant de devenir président de la Société Watch Tower, il avait pu voir en de nombreuses occasions combien était profonde et enracinée l’animosité que les autorités ecclésiastiques avaient manifestée contre la personne du pasteur Russell et la Société en général.

      LOÏS: Mais ne pensez-​vous pas que si le pasteur Russell s’était efforcé de collaborer avec les Églises, au lieu de les combattre, il aurait pu accomplir davantage?

      THOMAS: Qu’aurait-​il pu faire de plus, Loïs, si ce n’est un compromis? Or j’ai appris, au cours de nos entretiens, que c’était là une des épreuves qu’il allait subir et qui permettrait de voir s’il resterait fermement attaché à ses croyances, ou s’il suivrait la même voie apostate qu’avaient empruntée toutes les Églises. D’ailleurs, on ne s’imagine guère à quel point les vues de Russell étaient diamétralement opposées à celles des religions orthodoxes. C’est bien cela, Jean, n’est-​ce pas?

      JEAN: Oui, Thomas, c’est exact. Vous vous rappelez certainement, Loïs, que je vous ai raconté comment le pasteur Russell avait pris contact avec les pasteurs de Pittsburgh et d’Allegheny. Il leur avait exposé la compréhension biblique qu’il avait acquise sur la seconde présence du Christ, mais ceux-ci avaient refusé de l’accepter. Que lui restait-​il à faire? Il ne pouvait pourtant pas renoncer à ses vues simplement parce que les pasteurs s’y opposaient. Russell était persuadé que le moment de rentrer la moisson était venu. Or, si les pasteurs ne voulaient pas en parler aux “brebis” dont ils avaient la charge, il ne lui restait qu’à leur en parler lui-​même. C’est ce qu’il a fait avec toute l’énergie et l’ingéniosité dont il était capable.

      Il est vrai — et Russell l’a avoué lui-​même — que les adventistes avaient jeté un discrédit considérable sur la doctrine du retour du Christ par leurs vues extravagantes et leurs fixations de dates. Sous ce rapport, Russell était en désaccord complet avec les adventistes. Le résultat de son attitude, c’est qu’il a été invité à prendre la parole dans quelques Églises plus libérales. Pour montrer cependant combien il était impossible au pasteur Russell d’exposer aux gens tout ce qu’ils devaient savoir sans encourir la défaveur des autorités ecclésiastiques, j’aimerais vous raconter un incident que m’a rapporté l’un des premiers membres de la Société.

      Un dimanche matin, Russell avait été invité à prononcer un sermon dans l’un des temples d’une certaine ville de Pennsylvanie. Pendant l’office du matin, il a parlé des bénédictions du Royaume, décrivant les heureuses conditions qu’apporterait le règne millénaire du Christ. Tout le monde était enchanté de cette nouvelle et désirait en savoir plus long. Or, quelques auditeurs étaient paroissiens de l’autre temple de la ville. En raison de la bonne impression que ce sermon leur avait laissée, ils ont demandé aux deux pasteurs de prier Russell de venir le soir même prononcer un autre discours devant les membres des deux temples réunis. Tout le monde était d’accord. Puisque l’auditoire avait manifesté de l’intérêt pour le retour du Christ et les bénédictions qui accompagneraient sa présence, Russell jugeait que le moment était venu, au cours de la soirée, de traiter ce point plus en détail et de parler du temps où se produiraient ces chosesa. C’est ce qu’il a fait, en attirant l’attention sur 1914.

      Aussitôt après son discours, Russell s’est rendu dans le bureau du pasteur, derrière la chaire. Là les deux pasteurs l’attendaient pour le traiter méchamment de loup déguisé en brebis. Ils lui ont dit qu’il n’était rien d’autre qu’un adventiste qui avait parlé gentiment et avec douceur le matin, simplement pour pouvoir tous les réunir le soir et leur “bourrer le crâne” de propagande adventiste. Ils n’avaient rien à objecter contre son discours du matin où il avait parlé des bénédictions du Royaume de Dieu. Mais ils ajoutaient qu’après avoir réussi à réunir les meilleurs habitants de la ville pour le soir, il s’était montré sous son vrai jour d’adventiste. Russell était très jeune à l’époque. Il a raconté plus tard que les deux pasteurs l’ont insulté pendant de longues minutes, sans lui permettre de placer un mot. Alors, il a simplement demandé de l’aide dans une prière silencieuse. Il aurait voulu que le plancher s’ouvre sous ses pieds pour pouvoir disparaître.

      Juste à ce moment-​là, on frappe à la porte, et, avant que le pasteur ait pu dire: “Entrez”, ou: “Allez répondre”, un vieillard entre, appuyé sur une grosse canne, celle dont il s’était servi pour frapper à la porte. Il va droit vers son pasteur et le menace de sa canne, disant: “Voilà vingt ans que je vous paye un bon salaire, pour que vous instruisiez cette communauté. Mais le frère Russell m’en a appris plus long en deux discours que vous en vingt ans de service. Vous allez améliorer vos sermons et vous instruire auprès de Russell, sinon vous pourrez vous trouver une autre occupation.” Puis le vieillard s’approche de Russell et lui dit en le prenant par la main: “Que Dieu vous bénisse, frère Russell. Venez chez moi, car j’aimerais vous poser quelques questions.” C’est ainsi, d’après la personne qui m’a raconté cet incident, que le pasteur Russell a expliqué comment cette situation fâcheuse avait connu un dénouement vraiment heureux.

      Les déceptions répétées que Russell avait éprouvées auprès de tels chefs religieux l’avaient forcé à comprendre qu’il ferait mieux de consacrer son temps à leur troupeau, car si vraiment il se trouvait des soi-disant pasteurs disposés à se tourner vers la vérité, ils seraient peu nombreux.

      LOÏS: Cependant, pour être juste envers ces conducteurs responsables de diverses Églises, et qui n’étaient pas d’accord avec sa doctrine, ne pourrait-​on pas penser qu’ils avaient peut-être l’impression que leur devoir était de mettre en garde leur troupeau contre Russell?

      JEAN: Peut-être bien. Mais puisqu’ils occupaient la charge de surveillants, cela ne faisait qu’augmenter leur responsabilité. Jacques a averti les premiers chrétiens en leur disant que ceux qui enseignent recevront un jugement plus sévère à cause de leur responsabilité accrueb. Quelques-uns de ces chefs religieux ont essayé d’argumenter avec Russell en se servant de la Bible, mais ces discussions ont toujours eu une issue fâcheuse pour eux. Or, au lieu de faire comprendre à ces pasteurs quelle était leur vraie situation, ces discussions les ont aigris et forcés à prendre des mesures plus sévères contre Russell.

      Enfin, leur responsabilité s’est trouvée soulignée dès qu’on a pris l’habitude de calomnier Russell lui-​même, et qu’on a cherché à dénigrer sa fonction de pasteur. Voyez-​vous, en 1846, les responsables des grandes Églises protestantes avaient créé une sorte d’union de prédicateurs, appelée “Alliance évangélique”, qui ne reconnaissait l’ordination qu’aux sectes importantes possédant des écoles de théologie. Ceux qui ne faisaient pas partie de cette alliance n’étaient pas reconnus comme pasteurs accrédités; et s’ils s’efforçaient de prêcher, comme Russell par exemple, on les regardait avec mépris et on les ridiculisait publiquement. Ainsi, dans tous les domaines, Russell était lui-​même combattu par les hommes qu’il avait espéré aiderc.

      UN PARALLÈLE FRAPPANT

      LOÏS: Est-​ce que cela signifie forcément que les conducteurs religieux étaient aussi contre Dieu? Peut-être faisaient-​ils également le bien, mais à leur manière?

      JEAN: Ce n’était pas uniquement qu’ils s’opposaient à l’œuvre que les témoins de Jéhovah accomplissaient à cette époque-​là, Loïs. Il s’agissait de la manière dont ils s’y opposaient. La voie empruntée par le clergé atteste d’une façon indéniable que celui-ci était bel et bien au service de Satan. Permettez-​moi de vous citer un parallèle que le pasteur Russell avait lui-​même reconnu. Voici comment il s’est exprimé dans La Tour de Garde (angl.) de mai 1881. Il dit de la première présence du Christ Jésus qu’elle constitue le modèle de sa seconde présence. Il rappelle que Jésus a prêché à la nation d’Israël pendant trois ans et demi, période pendant laquelle la nation dans son ensemble a refusé de l’écouter. Cela a eu pour effet que Dieu a rejeté l’Israël selon la chair en tant que nation. Et pendant les trois ans et demi suivants, les Juifs ne pouvaient s’approcher de lui qu’individuellement. C’était là la dernière partie de la période de faveur accordée à Israël lors de la première présence du Messie.

      Croyant que Jésus glorifié était devenu invisiblement présent en 1874, Russell écrit alors:

      Quel serait donc ici le parallèle ou la signification de cette “ombre” prophétique? Nous répondons que pendant trois ans et demi, à partir de 1874, la proclamation de Jésus, l’Époux présent, fut faite à l’Église dans son ensemble, que l’esprit s’adressa à la prétendue Sion dans son ensemble, en disant: “Je te conseille d’acheter de moi de l’or éprouvé par le feu, (...) et des vêtements blancs (...). Moi, je reprends et je châtie tous ceux que j’aime. Aie donc du zèle, et repens-​toi. Voici, je me tiens à la porte, et je frappe.” (Apoc. 3:18, Sg).

      Mais le clergé ne tint aucun compte de sa présence et de son appel, selon ce que l’“ombre” avait indiqué (la plupart des “docteurs en théologie” s’y opposèrent, comme les “docteurs de la loi” l’avaient fait dans l’“ombre”). Après trois ans et demi (en 1878), il rejeta les grandes religions, ou les laissa désertes, comme il l’avait fait dans l’“ombre”, en disant: “Parce que (...) tu n’es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche.” (Apoc. 3:16, Sg). L’Église juive était le porte-parole de Dieu jusqu’au jour où elle fut “laissée déserte”: cependant, à partir de ce moment-​là, la vérité de Dieu allait passer par un autre canal. Il en va de même ici: L’Église de l’Évangile a été le canal de vérité reconnu par Dieu, ou son porte-parole, mais nous croyons qu’elle ne l’est plus. La vérité passera désormais par d’autres canaux.

      Depuis 1878 (et jamais auparavant), nous nous sommes sentis libres d’inviter les enfants de Dieu à sortir des Églises pour connaître la liberté, condition leur permettant de le servir librement et entièrement, ainsi que d’étudier sa Parole et d’être enseignés par celui qui dit: “Elle est tombée, Babylone (...)! Elle est devenue une habitation de démons, un repaire de tout esprit impur, un repaire de tout oiseau impur et odieux.” (Cette décadence des grandes religions, qui reçoivent en leur sein les corruptions de la terre, est en cours depuis quelque temps.) Et voici le message: “Et j’entendis du ciel une autre voix qui disait: Sortez du milieu d’elle, mon peuple, afin que vous ne participiez point à ses péchés, et que vous n’ayez point de part à ses fléaux.” (Apoc. 18:2-4, Sg)d.

      Pourquoi quelqu’un qui prétend servir Dieu combattrait-​il un message déclarant que le temps est venu pour le Messie d’être présent une seconde fois et d’apporter à l’humanité fidèle les bénédictions qu’il avait promises quand il était ici-bas? Ainsi donc, au lieu de s’opposer au pasteur Russell comme ils le faisaient, les conducteurs religieux auraient mieux fait d’adopter l’attitude conseillée par Gamaliel, l’honnête docteur de la Loi, qui avait pris la défense des disciples de Jésus. Devant le Sanhédrin, la cour suprême des Juifs, il déclara: “Ne vous mêlez pas de ces hommes, mais laissez-​les; (parce que, si ce projet ou cette œuvre vient des hommes, il sera renversé; mais s’il vient de Dieu, vous ne pourrez les renverser;) sinon, vous serez peut-être trouvés comme combattants contre Dieue.” Les chefs religieux du temps de Russell n’ont cependant pas tenu compte de ce sage conseil de Gamaliel. Quand le pasteur Russell allait vers eux en se déclarant serviteur de Jésus-Christ, et quand il s’efforçait d’attirer leur attention sur la même espérance que celle que les disciples de Jésus avaient prêchée, ils ne se contentaient pas de dire à leurs ouailles: “Ne prêtez aucune attention à ces hommes. Laissez-​les tranquilles. En temps voulu, on verra que leur œuvre ne vient pas vraiment de Dieu, mais qu’elle vient des hommes, et elle s’écroulera d’elle-​même.”

      Évidemment, ces ecclésiastiques ne pouvaient dire cela, à moins d’être disposés à reconnaître leur erreur et à suivre la volonté divine. Mais ils étaient trop orgueilleux. À cause de l’empressement avec lequel les meilleurs membres de leurs Églises acceptaient cette doctrine, ils ont adopté la même attitude que, d’après la Bible, les chefs religieux du temps de Jésus avaient eue en voyant le peuple écouter Jésus avec plaisir. Ces scribes et Pharisiens modernes ne se sont pas contentés de combattre l’œuvre de Russell; ils se sont aussi mis à le calomnier et à ridiculiser ses disciples. De plus, ils ont dressé des barrières contre l’œuvre, en faisant appel au gouvernement de César et en créant des difficultés judiciaires pour entraver les progrès de l’œuvre. Russell, pour sa part, a toujours offert aux gens la possibilité d’établir une comparaison impartiale et de faire leur propre choix.

      COMPARAISON DE LA NOURRITURE SPIRITUELLE SERVIE À DEUX TABLES

      Voici, à titre d’exemple, une rubrique qui a été ouverte dans La Tour de Garde (angl.) du 1er janvier 1892 et qui a été maintenue jusqu’en 1927f. Dans chaque numéro de La Tour de Garde, la Société suivait de près le programme de discussions bibliques auquel adhéraient les nombreuses Églises protestantes aux États-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne et dans plusieurs autres pays. Les Églises protestantes les plus importantes publiaient ce qu’elles appelaient les “Leçons internationales des écoles du dimanche”. Celles-ci étaient préparées par un pasteur congrégationaliste, F. N. Peloubet, et ses adjoints. Elles formaient un livre annuel dans lequel était tracé, pour chaque dimanche, le canevas d’une étude biblique à laquelle s’adonnaient ces Églises protestantes. Par exemple: le dimanche 19 janvier 1908, l’étude était fondée sur Jean 1:35-51. Le texte clé à considérer, appelé “texte d’or”, était un verset choisi dans ce passage. À la date citée comme exemple, le texte disait Jn 1:45: “Nous avons trouvé celui de qui Moïse a écrit dans la loi et dont les prophètes ont parlé, Jésus de Nazareth.” Les auteurs du livre donnaient ensuite aux maîtres des écoles du dimanche et aux ministres commentaires et suggestions divers concernant les points de ce verset qui pouvaient être discutés à la date prévue. Ce genre d’étude était très populaire et de nombreux groupements protestants s’en sont servis dans beaucoup de pays, pendant plus de cinquante ans.

      À partir de 1892, La Tour de Garde fournissait dans chaque numéro une étude d’après les vues de la Société sur chaque “texte d’or” des écoles du dimanche, choisi pour le mois suivant. Dans son numéro du 1er janvier 1908 (angl.), elle présentait un article intitulé “Trouver les joyaux du Seigneur”, servant de discussion pour le “texte d’or” du 19 janvier, fondé sur Jean 1:35-51. C’est le texte que nous avons choisi comme exemple. Ainsi, jusqu’en 1927, soit pendant plus de trente-cinq ans, les témoins de Jéhovah et un grand nombre de gens se disant chrétiens, surtout les protestants, étudiaient chaque dimanche la même matière biblique, mais à deux tables différentes. La Société Watch Tower l’étudiait selon sa connaissance avancée de la vérité, à la table du Seigneur. Elle reconnaissait que Jésus avait dit qu’il viendrait lui-​même pour nourrir son peuple s’il le trouvait fidèle et vigilant. Quant aux personnes que les témoins de Jéhovah rencontraient dans le champ, elles pouvaient comparer la nourriture dispensée à la table du Seigneur avec celle qui leur était servie dans leur Église. La Tour de Garde disait à propos de ces leçons de l’école du dimanche que c’étaient

      des pensées suggestives destinées à aider ceux de nos lecteurs qui assistent aux classes bibliques où l’on se sert de ces leçons; afin qu’ils soient en mesure d’amener d’autres personnes à la plénitude de l’Évangileg.

      Nombreuses étaient les personnes bien disposées qui, grâce à cette comparaison, avaient la possibilité de reconnaître combien était abondante la nourriture spirituelle servie à la vraie table de Jéhovah. La comparaison leur permettait d’accepter celle-ci et de refuser toute autre nourriture religieuse. Quant aux pasteurs protestants, ils avaient là un motif de se fâcher encore davantage.

      LOÏS: En effet, je n’ai aucun mal à m’imaginer la chose, d’autant plus que la comparaison directe faisait ressortir combien les vues des témoins de Jéhovah s’opposaient à celles des Églises.

      MARIE: Le but de tout cela n’était pas d’éveiller l’hostilité du clergé, mais d’aider les étudiants de la Bible à décider d’eux-​mêmes ce qu’ils voulaient croire. Étant donné que leur salut dépendait de leur propre conduite, il était indispensable qu’ils aient l’occasion de connaître la vérité et de se décider eux-​mêmes. On ne pouvait être plus impartial, ne trouvez-​vous pas?

      LA BONNE NOUVELLE PRÉSENTÉE DANS LES RUES

      JEAN: Quelques années plus tard, un appel a été lancé à tous les chrétiens qui assistaient aux réunions de la Société. On les invitait à entreprendre une distribution massive de 300 000 exemplaires de la nouvelle brochure La Bible et l’évolution. Celle-ci devait être remise gratuitement aux gens qui sortaient des temples, le dimanche.

      THOMAS: En somme, on pourrait dire qu’ils étaient des “piquets d’églises”.

      JEAN: Si vous voulez. Précisons, cependant, que ceux qui participaient alors à de telles campagnes en faveur du Royaume du Christ n’ont jamais cherché à empêcher les gens d’aller au culte.

      LOÏS: Mais on dirait qu’ils voulaient s’attirer des ennuis.

      JEAN: Nous n’envisagions pas la chose sous cet angle-​là. Même si nous allions au-devant des ennuis, nous savions que les gens devaient avoir l’occasion de prendre une décision. Pensez-​vous que le prophète Jérémie cherchait simplement à s’attirer des ennuis quand il a apporté son message aux Juifs religieux de Jérusalem?

      LOÏS: [Elle rit]: Bien sûr que non. Je pense que vous allez me dire que lui aussi était une “ombre” prophétique.

      JEAN: Voyons plutôt ce que la Bible dit de son œuvre. Voudriez-​vous nous lire Jérémie 7:2 (AC)?

      LOÏS [Elle lit]: “Tiens-​toi à la porte de la maison de Jéhovah, et là prononce cette parole et dis: Écoutez la parole de Jéhovah, vous tous, hommes de Juda, qui entrez par ces portes pour adorer Jéhovah.” Je crois que ce verset se passe de commentaires.

      JEAN: En voici un autre que nous devrions lire: Jérémie 11:6 (AC).

      LOÏS: Je l’ai trouvé. [Elle lit.] “Et Jéhovah me dit: Crie toutes ces paroles dans les villes de Juda et dans les rues de Jérusalem, en disant: Écoutez les paroles de cette alliance et mettez-​les en pratique.” Oui, je pense que c’est là un précédent auquel les témoins de Jéhovah peuvent se référer de nos jours pour faire de même. Comment ont-​ils accompli leur œuvre?

      JEAN: La Tour de Garde (angl.) du 15 avril 1899 l’a appelée “Service volontaire” et en a tracé le plan que voici:

      Le meilleur plan d’opération consiste, pour les amis qui s’engageront ainsi dans chaque ville ou village, à dresser un programme pour s’assurer qu’aucune église ne soit oubliée ni desservie deux fois. Pour les grandes églises, il faudra au moins deux ou trois amis, ce qui permet une distribution rapide et convenable à mesure que les gens sortent. En général, les résultats sont meilleurs si les distributeurs se tiennent à quelque distance de l’église, dans chaque direction que prennent les gensh.

      C’est avec enthousiasme que des milliers de volontaires ont entrepris ce travail aux États-Unis, au Canada et même en Europe. Au cours de la première année, 948 459 tracts ont été remis aux gens de cette manièrei. Cette activité s’est poursuivie pendant un certain nombre d’années, surtout le dimanche. Finalement elle a été élargie, et la distribution de tracts s’est aussi faite de maison en maison. Le dimanche matin, on glissait les tracts sous les portes. De nouveaux tracts étaient publiés deux ou trois fois dans l’année. Ils ont été distribués par millions à ceux qui revenaient du culte. De cette manière, les flots de vérité arrivaient jusqu’aux portes mêmes des églises et se déversaient dans les pâturages des bergers religieux.

      THOMAS: La réaction des pasteurs ne s’est certainement pas fait attendre.

      JEAN: En effet, leur réaction a été extrêmement hostile. À maintes reprises, les membres du clergé ont tenté de faire arrêter les proclamateurs qui distribuaient des tracts gratuits dans les rues. Aussi, de temps à autre, la Société a-​t-​elle dû donner des conseils juridiques aux proclamateurs à cause des fonctionnaires publics qui, sur les instances du clergé, cherchaient à “pratiquer des vexations sous le couvert de la loi”, en vue de décourager, d’entraver ou de supprimer complètement la distribution de tracts dans les ruesj.

      LOÏS: Je pense que cette activité a permis d’obtenir de bons résultats.

      JEAN: Oui, en effet. Toujours plus de personnes bien disposées parvenaient à la connaissance de la vérité et se séparaient de leur Église. Pour les aider dans ce pas et pour donner un témoignage supplémentaire à celui qui devait radier leur nom sur le registre de l’Église, la Société s’est mise, à partir de 1900, à imprimer des “lettres de démission”. Celles-ci portaient l’en-tête de la Société Watch Tower. Elles contenaient un témoignage approprié montrant que la personne qui signait la lettre avait augmenté sa connaissance des Écritures, non par une révélation, ni par des inspirations particulières ou des visions, mais grâce à l’étude approfondie et analytique de la Bible. Puis, après avoir exposé quelques doctrines simples qui s’opposaient aux fausses doctrines enseignées par l’Église, la lettre montrait que la personne avait elle-​même compris l’erreur.

      Ainsi, à mesure que ceux qui s’intéressaient au message se persuadaient de la vérité, leur responsabilité de se tenir à l’écart de ce monde se trouvait soulignée et, selon leur désir, ils pouvaient se servir de cette lettre. Cette manière de faire s’est maintenue pendant trente ans. Elle fournissait, d’une part, des arguments bibliques valables justifiant la position prise par ceux qui quittaient ainsi les différentes Églises et, d’autre part, elle divisait davantage ceux qui étaient pour le message du Royaume d’avec ceux qui s’y opposaientk.

      THOMAS: Il faut bien dire que l’œuvre ne s’est pas renversée d’elle-​même. S’il y a du vrai dans le principe que Gamaliel, docteur de la Loi, a invoqué pour la défense des premiers chrétiens, alors l’accroissement enregistré par votre organisation devrait donner à réfléchir aux gens.

      JEAN: Et l’œuvre n’en était alors qu’à ses débuts! Ainsi, vous avez vu quelles étaient les raisons de cette opposition qui avait amené bien des personnes à prendre la chose au sérieux.

      [Notes]

      a a w avril 1881, p. 8.

      b b Jacques 3:1.

      c c A Great Battle in the Ecclesiastical Heavens (1915), par J. F. Rutherford, pp. 7-10, “Unholy Alliance”.

      d d w mai 1881, p. 5.

      e e Actes 5:38, 39.

      f f w 1927, pp. 338, 347; à comparer avec w 1927, p. 354, § 1.

      g g w 1892, p. 13.

      h h w 1899, pp. 93, 94.

      i i w 1900, p. 373; w 1899, p. 226.

      j j w 1910, p. 236; w 1911, p. 461 [voir aussi wF avril 1911, p. 86].

      k k w 1900, p. 50; w 1908, p. 127.

  • Les racines de l’opposition sont mises à nu
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 7

      Les racines de l’opposition sont mises à nu

      THOMAS: La semaine dernière, vous nous avez dit, Jean, que les conducteurs religieux se sont efforcés de répondre à Russell sur le plan doctrinal. Comment s’y sont-​ils pris?

      JEAN: Il s’agissait d’un effort restreint, Thomas, qui n’a pas vraiment servi leurs intentions. À mesure que la distribution de milliers et de milliers de tracts et de brochures bibliques couvrait un territoire toujours plus vaste, dont le centre était Pittsburgh (en Pennsylvanie), l’opposition du clergé devenait de plus en plus évidente. Les chefs religieux éminents se sentaient obligés de réagir. Ils tenaient rigueur à quiconque ne reconnaissait pas à l’Alliance évangélique le droit de parler de la Bible avec autorité. Étant donné que Russell n’était pas sorti de l’une des écoles de théologie appartenant aux sectes importantes qui adhéraient à cette alliance, ces ecclésiastiques ridiculisaient Russell comme président de la Société Watch Tower, lui reniant surtout le droit d’être appelé “pasteur”. Pour forger et répandre des mensonges scandaleux sur Russell et les divergences qui le séparaient de sa femme, ils ont eu recours à certains journaux sans scrupules, tout disposés à leur servir d’instruments docilesa.

      Puis, le 10 mars 1903, l’alliance des pasteurs s’est efforcée de répondre aux explications que Russell donnait de la Bible, en choisissant un homme très cultivé et versé dans l’art de l’argumentation. Le débat public devait durer six jours. En réalité, il s’agissait là d’une nouvelle tentative visant à discréditer Russell et à le faire passer pour un “homme ignorant et sans instruction”. Quant à l’adversaire de Russell, un certain Dr E. L. Eaton, il était ministre de l’Église méthodiste épiscopale, North Avenue, Pittsburgh. En toute bonne foi, Russell a accepté cette offre dans les deux jours; et finalement, c’est à l’automne de la même année que les débats ont eu lieu au Carnegie Hall de Pittsburgh devant des auditoires qui battaient tous les records.

      Le premier point a été débattu le dimanche après-midi 18 octobre. Eaton affirmait que, d’après la Bible, la grâce divine est intervenue en faveur du salut depuis la chute de l’homme et qu’il n’y aura plus d’épreuve après la mort. Russell a réfuté cette affirmation avec les Écritures.

      Deuxième débat: Mardi soir 20 octobre. Russell affirmait que la Bible enseigne clairement que les âmes des morts sont inconscientes quand leurs corps reposent dans la tombe. Eaton a soutenu le contraire.

      Troisième débat: Jeudi soir 22 octobre. Eaton affirmait que, selon la Bible, tous ceux qui seront sauvés deviendront des créatures spirituelles qui iront au ciel après le jugement dernier. Russell a nié cela.

      Quatrième débat: Mardi soir 27 octobre. Affirmant que d’après la Bible seuls les “saints” de l’âge évangélique participeront à la “première résurrection”, Russell soutenait également que de vastes multitudes seraient sauvées lors de la résurrection suivante. Eaton n’était pas d’accord.

      Cinquième débat: Jeudi 29 octobre. Russell affirmait que, d’après la Bible, le but de la seconde venue du Christ et du Millénium était de bénir toutes les familles de la terre. Eaton n’a pas admis cette explication.

      Sixième et dernier débat: Dimanche 1er novembre. Eaton affirmait que, selon la Bible, le châtiment divin du péché, qui sera finalement infligé aux incorrigibles, consistera en de grandes et inconcevables souffrances, de durée éternelle. Russell a vigoureusement nié cette doctrine du feu de l’enferb.

      MARIE: Je me souviens d’une histoire intéressante racontée par des personnes qui ont assisté aux débats. Inutile de dire que tous les frères s’y sont rendus, ainsi que des milliers de méthodistes et des adeptes d’autres religions qui habitaient dans la région de Pittsburgh. Quelle n’a pas été la surprise de Russell à son arrivée dans la salle, le premier soir, en voyant que le Dr Eaton n’était pas seul, mais que plusieurs autres pasteurs éminents, qui avaient pris place au fond de l’estrade, formaient un comité! Eaton recevait fréquemment des billets de ces hommes-​là, ce qui lui a permis de tenir bon pendant tout le débat. Quant à Russell, il était seul à se défendre. Aussi pouvait-​on voir dans une publication, quelques années plus tard, un dessin humoristique représentant le pasteur Russell sous les traits de Daniel dans la fosse aux lions.

      LE “FEU DE L’ENFER” EST ÉTEINT

      LOÏS: Quel a été le résultat de ces débats?

      JEAN: Dans l’ensemble, Russell est sorti victorieux de chacun de ces six débats, et surtout du dernier sur l’enfer. On rapporte qu’un pasteur, ayant suivi le dernier débat et reconnu cette victoire, est allé dire à Russell: “Je suis content de vous voir arroser l’enfer pour en éteindre les flammesc.” Par la suite, de nombreux membres de la communauté d’Eaton sont devenus témoins de Jéhovah. Disons, en passant, qu’il y a encore de nos jours des frères âgés qui sont dans la vérité et qui étaient de ce nombre. Voilà une preuve éclatante du pouvoir de la vérité contre les fausses doctrines de l’apostasie.

      THOMAS: Je n’ai jamais pu comprendre comment certains peuvent accepter la doctrine de l’“enfer”. Il n’est pas raisonnable de croire qu’un Dieu — dont on dit qu’il est l’amour même — soit capable de créer un lieu pareil.

      LOÏS: Je n’y crois pas vraiment non plus. D’ailleurs, notre Église n’enseigne plus guère l’enfer. Je ne me rappelle pas y avoir entendu un seul sermon sur l’enfer depuis mon enfance.

      JEAN: C’est fort possible, Loïs. Mais ce changement dans les enseignements de l’Église n’a pas été uniquement provoqué par l’avènement des connaissances scientifiques. C’est bien plus comme ce ministre l’avait dit au pasteur Russell: par leur vaste campagne d’instruction biblique, les premiers étudiants de la Bible ont bel et bien éteint le feu de l’enfer, au sens figuré. Tout cela a suscité une telle colère chez certains éminents chefs religieux et chez certains évangélistes en vue, qu’ils ont souvent désigné ironiquement les premiers témoins sous le nom d’“anti-infernalistes”. À vrai dire, ce sobriquet donne une fausse idée sur les témoins de Jéhovah, car ils croient effectivement au “Schéol” de la Bible, traduit par “enfer”, mais ce mot ne signifie pas un lieu de tourments. La Bible révèle clairement que l’enfer est la tombe commune aux hommes, où vont les personnes décédées, pour y rester jusqu’à la résurrection.

      L’enfer a été l’un des thèmes dont le pasteur s’est énormément servi. Ainsi, parmi ses discours les plus populaires, on trouvait celui-ci: “Voyage en enfer, aller et retour”. Pendant les années 1905 à 1907, Russell a parcouru tous les États-Unis et le Canada en train spécial ou en automobile. Il prenait la parole devant une série d’assemblées d’un jour, au programme desquelles figurait cette conférence publique. Celle-ci a été prononcée devant des salles combles, dans presque chaque grande ville des deux paysd.

      Dans cet exposé remarquable, Russell faisait faire à son auditoire un voyage humoristique, piquant et imaginaire, jusqu’en enfer et retour. Les arguments irréfutables qu’il y exposait, et ceux que les étudiants de la Bible présentaient pendant toute cette période, ont laissé une impression durable chez beaucoup de personnes.

      Nombreuses sont les histoires intéressantes que l’on raconte de ce temps-​là sur la “voiture des congressistes” et le “train des congressistes”. À Oakland, en Californie, par exemple, les frères n’avaient pas pu trouver de salle assez grande pour la foule considérable qu’on attendait. Aussi le frère responsable des préparatifs a-​t-​il retenu la plus grande église méthodiste de la ville pour la conférence publique du dimanche après-midi. Les signataires du contrat ne connaissaient pas le titre de la conférence qui allait être donnée dans leur église. Selon l’habitude, la distribution des invitations s’est faite une ou deux semaines avant la conférence. C’est par milliers que les gens étaient invités à venir l’écouter. Une annonce payante paraissait en outre dans les journaux et sur de grandes affiches: “Venez écouter la conférence ‘Voyage en enfer, aller et retour’ par C. T. Russell, à l’église méthodiste d’Oakland.”

      Les “aînés” de cette Église étaient furieux et voulaient rompre le contrat sur-le-champ. Leur avocat les a avertis qu’ils pouvaient le rompre, mais que si Russell leur intentait un procès, ils devraient s’attendre à être condamnés à payer la somme qu’il exigerait. La meilleure des choses à faire, d’après leur avocat, c’était de donner l’ordre au portier de ne pas se présenter à l’heure prévue.

      Fidèle à son habitude, le pasteur Russell arrive une heure avant le début de la conférence. À sa grande surprise, beaucoup de gens se trouvent à l’extérieur de l’église. Comme il veut savoir ce qui se passe, les frères responsables s’empressent de lui expliquer qu’ils ne peuvent pas faire ouvrir l’église parce que le portier ne s’est pas présenté. Sur quoi, Russell leur demande: “Nous avons bien un contrat, n’est-​ce pas? Et un acompte a été versé?” Quand les frères répondent affirmativement, il leur dit: “Bon, légalement, cette église est notre propriété pour quelques heures. Si nous ne pouvons pas y entrer par la porte principale, que l’un des frères passe par le sous-sol et qu’il ouvre la porte aux gens.” C’est ce que les frères ont fait, et leur grande assemblée s’est déroulée avec succès dans l’église méthodiste d’Oakland.

      L’OPPOSITION NE RÉUSSIT PAS À ARRÊTER L’ACCROISSEMENT

      THOMAS: On peut dire que Russell était non seulement un homme courageux mais aussi plein de ressources.

      JEAN: En effet. Il ne se laissait pas facilement détourner de ce qu’il reconnaissait être une tâche venant de Dieu. Il était fermement convaincu que l’œuvre qu’il accomplissait était conforme à la volonté divine à l’égard de toutes les personnes honnêtes et chrétiennes. Aussi était-​il déterminé à s’acquitter de sa responsabilité en faisant appel à toutes ses capacités. Or toute l’opposition provoquée contre Russell et l’organisation ne pouvait arrêter sa progression. De nos jours, où nous avons l’habitude des méthodes et des avantages scientifiques avancés, il est difficile de se faire une idée du zèle et de l’activité dont ces premiers témoins ont fait preuve. Quoique peu nombreuse, cette troupe de témoins fidèles ne s’est laissé effrayer ni par l’opposition ni par la tâche immense à accomplir.

      L’œuvre s’étendait de plus en plus, et l’organisation prenait de l’extension. Peu avant les débats qui devaient opposer Eaton à Russell, en 1903, Russell a entrepris son deuxième voyage à travers l’Europe. À cette époque, il a établi une filiale de la Société en Allemagnee. L’année suivante, une filiale a été créée en Australief. Vers la même époque les semences de la vérité sont tombées dans une bonne terre, dans la lointaine Afrique du Sudg, au Japonh, et aux Antilles britanniques. À Kingston, à la Jamaïque, a été tenu un congrès auquel ont assisté 400 personnes, et 600 ont écouté la conférence publiquei. L’expansion s’est également poursuivie aux États-Unis. En 1908, il a été possible de tenir un congrès à Put-in-Bay, dans l’Ohio, du 29 août au 7 septembre. Selon les estimations, l’assistance aurait atteint 4 800 personnesj.

      On continuait à distribuer les écrits par millions d’exemplaires. Quant aux abonnés à La Tour de Garde, ils étaient alors au nombre de 30 000, dont des milliers participaient à l’œuvre consistant à porter les vérités bibliques à ceux qui désiraient ardemment connaître la Parole de Dieu. De plus, pour faire face à la demande croissante de vérités bibliques, pour répondre aux objections soulevées par le clergé de la chrétienté, et pour marcher de pair avec les flots de vérités à mesure que celles-ci se révélaient de façon progressive à ces sincères étudiants de la Bible, de nouveaux écrits sortaient continuellement de presse. Quant aux vérités qui, au début, n’avaient été comprises qu’en partie, elles étaient passées au crible et au creuset.

      THOMAS: Est-​ce qu’il n’y eut qu’un seul débat, celui entre Eaton et Russell?

      JEAN: Non. En 1908, le protestantisme a trouvé un autre défenseur pour sa cause en la personne de L. S. White, “aîné” des “Disciples du Christ” — l’un des plus grands groupements du sud des États-Unis. Misant sur la popularité grandissante de Russell et sa faculté d’attirer par ses discours des foules énormes, ce groupement proposait un débat public dans l’espoir que celui-ci apporterait un renouveau parmi les “Disciples du Christ”. Le pasteur Russell se méfiait cependant de leurs intentions. Aussi la Société a-​t-​elle discrètement convoqué un congrès de huit jours à Cincinnati, dans l’Ohio, qui devait avoir lieu en même temps que le débat. On avait compris que, sans cette précaution, la petite congrégation de Cincinnati serait surpassée en nombre par la nuée de “Disciples du Christ” qui allaient venir. Comme prévu, les six débats qui figuraient au programme ont eu lieu du 23 au 28 février 1908. Des milliers de personnes étaient là. Elles ont pu constater avec quelle aisance Russell a remporté la victoire. C’est qu’il était passé maître dans l’art des débatsk. Le journal Cincinnati Enquirer a publié des photos de Russell et de White, ainsi que le texte intégral des débatsl. Le succès obtenu par cette série de débats publics permet sans doute de mieux mesurer à quel point le mouvement religieux de White a échoué. En effet, alors que 2 100 personnes ont assisté à la dernière séance du congrès tenu par les étudiants de la Bible, le dimanche après-midi 1er mars, White pour sa part n’a pu réunir le même jour qu’un total de 31 personnes (lui-​même y compris) pour sa première réunion de renouveau religieux. D’autres adversaires ont encore voulu engager des débats, mais au dernier moment ils se sont désistésa.

      L’ENNEMI FRAPPE DEPUIS L’INTÉRIEUR

      LOÏS: Est-​il jamais arrivé au pasteur Russell d’avoir des difficultés avec quelqu’un faisant partie de l’organisation?

      JEAN: Si. Il a toujours existé des gens qui permettent à l’égoïsme, à l’orgueil et à l’ambition de voiler leur vision. Mais leur opposition servait simplement à mettre à l’épreuve la qualité et le degré d’intégrité du canal dont Dieu se sert. Vous vous rappelez comment, au début, Barbour avait créé des difficultés en s’opposant à la doctrine de la rédemption. Or, peu de temps après, l’un de ceux qui avaient survécu à cette épreuve est devenu la proie de la critique biblique, et il a essayé de se faire des adeptesb.

      Quant au criblage qui s’est produit peu après, il a démontré combien il est fatal de chercher à concurrencer le canal du Seigneur, même pour celui dont les intentions sont bonnes. À ce propos, écoutons Russell nous parler d’un autre collaborateur qui

      proposa de fonder un autre journal aligné sur LA TOUR DE GARDE, de republier certaines données faciles concernant le plan de Dieu et d’être une sorte de missionnaire donnant un enseignement primaire. Sachant qu’il avait une claire compréhension de la rançon, je lui souhaitai bonne chance, et j’envoyai un spécimen de son journal “L’astre du jour de Sion” (Zion’s Day Star) — qui a cessé de paraître il y a de nombreuses années — à nos quelque dix mille lecteurs (...). Or, au bout d’une année, cet homme avait totalement sombré dans l’incroyancec.

      Ensuite, d’autres semences de rébellion prenaient racine dans l’organisation, peu après 1890. Certains collaborateurs en vue s’opposaient au pasteur Russell pour tenter d’avoir la haute main sur la Société. Peu de temps après le congrès de Chicago, Illinois, en 1893, ces conspirateurs se préparaient à faire exploser leur “bombe”, laquelle, du moins ils l’espéraient, ruinerait la popularité de Russell et l’achèverait comme président de la Société. Cette tentative a causé beaucoup de soucis et de chagrin au pasteur Russell. Mais quand tous les faits ont été connus au grand jour, il a été réhabilité, tandis que ceux qui avaient comploté contre lui ont rapidement été perdus de vue, et l’œuvre s’est poursuivie sans euxd.

      Voilà qu’autre chose est venu se greffer là-dessus. Depuis plusieurs années, Mme Russell était directrice et membre du bureau de la Société. Elle servait en qualité de secrétaire et de trésorière. De plus, elle était co-rédactrice de La Tour de Garde, et elle écrivait régulièrement des articles pour les colonnes de ce périodique. Au moment où se tramait le complot dont nous venons de parler, Mme Russell visitait un certain nombre de congrégations pour y prendre la parole en faveur de son mari. Comme c’était une femme brillante et instruite, on lui réservait partout un bon accueil; à tel point, en fait, qu’elle a voulu en tirer profit pour mieux asseoir sa position et pouvoir décider de ce qui devait être publié dans La Tour de Garde. Cette ambition allait causer sa perte. En effet, elle présente une ressemblance frappante avec celle de Marie, sœur de Moïse, qui s’était révoltée contre son frère, le chef d’Israël, et avait cherché à jouer un rôle important dans la natione. Quand Mme Russell a constaté qu’aucun de ses articles ne serait publié tant qu’il ne s’accorderait pas avec les vues bibliques exprimées dans La Tour de Garde, elle a été fort troublée. Finalement, sa rancune croissante l’a amenée à rompre toutes relations avec la Société et avec son mari. Cette rupture a obligé Russell à procurer un foyer séparé à sa femme; il dut en outre lui verser une pension.

      Des années plus tard, soit en 1906, après un procès fait dans les formes, la séparation a été déclarée légale, et le tribunal a condamné Russell à verser à sa femme une indemnité de plusieurs milliers de dollars. En raison de certaines déclarations faites au cours de ce procès, les adversaires du pasteur Russell ont cherché depuis à faire passer ce dernier pour un homme immoral qui n’aurait pas été qualifié pour le poste qu’il occupait alors dans le domaine religieux. Pourtant, la feuille d’audience montre clairement que de telles accusations sont fausses. Dans un récit publié plus tard, il est dit à ce propos:

      Que Mme Russell elle-​même ne croyait pas et n’a jamais cru que son mari se fût rendu coupable d’une conduite immorale, cela ressort de la feuille d’audience [du tribunal] sur laquelle est inscrite cette affaire. D’après cette feuille (à la page 10), c’est son propre avocat-conseil qui posa à Mme Russell cette question: “Voulez-​vous dire que votre mari est coupable d’adultère?” Réponse: “Nonf.”

      LOÏS: Ce dut être un temps d’épreuve très pénible pour le pasteur Russell.

      MARIE: Effectivement. Mais il était conscient de ce qui en résulterait pour lui personnellement et de ce que ses ennemis chercheraient à en dire dans la presse. Voici l’attitude qu’il a toujours adoptée: pour être serviteur de Dieu, il ne pourrait jamais abandonner les principes divins, ni la ligne de conduite tracée dans les Écritures. Aussi a-​t-​il fait la seule chose qui lui restait à faire dans ces circonstances.

      UNE ÉPREUVE PAREILLE AU “CRIBLAGE DU BLÉ”

      JEAN: Au dire des contemporains du pasteur Russell encore en vie aujourd’hui, qui l’ont connu de près et qui ont eu des contacts personnels avec lui, ils n’ont jamais connu homme plus intransigeant pour ce qui est des principes. Le récit de sa vie leur donne raison. Il plaçait sa foi en Jéhovah Dieu, et il a maintenu cette attitude dès le début. Voilà pourquoi sa position était justifiée.

      De temps en temps, d’autres hommes ont tenté d’usurper le poste occupé par le pasteur Russell, mais ils ont tous échoué. Voici ce que Russell a dit plus tard en commentant ces tentatives:

      Depuis des années, jour et nuit, nous mettons les chers frères en garde contre les épreuves qui se produiront au temps de la moisson et qui viendront sûrement de ce côté-​là, et nous les avertissons que la loyauté suprême envers Dieu, sa Parole et sa providence se manifestant dans l’Église, mettrait à l’épreuve notre amour pour les frères. Il est sûr, également, que nous avons longtemps averti les chers amis que même si nous attirions leur attention sur les vérités antérieures, ils devraient les revêtir telle une armure, sinon ils ne seraient pas prêts lorsque l’Adversaire lancerait ses attaques.

      Il fallait bien s’attendre à ce que notre rusé Adversaire tentât d’empêcher le peuple de Dieu de revêtir et de s’attacher l’armure complète de Dieu. Plus encore, il cherche à implanter des préjugés contre les instruments mêmes que Dieu fournit pour protéger les “pieds” du Christ, en ce mauvais jour. — Psaume 91:11, 12.

      De différents côtés, il a été porté à notre connaissance que les conducteurs de classes d’étude exigeaient que l’on ne se référât pas aux publications de LA TOUR DE GARDE pendant les réunions, mais uniquement à la Bible. Cela paraissait loyal envers la Parole de Dieu, mais il n’en est rien. Les efforts de ces instructeurs tendaient uniquement à les interposer entre le peuple de Dieu et la lumière divine répandue sur la Parole de Dieu.

      Rappelons-​nous que Satan se tient derrière une telle manœuvre! Il se fait passer pour un ange de lumière et un défenseur de la Bible; aussi a-​t-​il réussi à aveugler des millions de personnes qui possèdent la Bible et qui la lisent régulièrement dans les cercles bibliques! Pourquoi donc serait-​il plus déloyal envers la Bible de consulter les publications de LA TOUR DE GARDE concernant la signification d’un verset des Écritures que de consulter le conducteur de la classe d’étude ou un membre quelconque de la classe? (...)

      D’autre part, nous tenons à avertir tous les frères que Satan cherchera sûrement à leur faire adopter une attitude contraire: celle d’apprendre, tel un perroquet, à répondre aux questions béréennesg en lisant ce qui est imprimé, sans comprendre. Les questions devraient d’abord être discutées librement par tous, et puis, avant de passer à la question suivante, on devrait considérer, discuter et comprendre la réponse fournie par l’AURORE. N’oubliez jamais que la Bible est notre fondement, et que même si nos guides bibliques viennent de Dieu, ce ne sont que des “guides”; il ne faut pas qu’ils remplacent la Bibleh.

      Voilà une nouvelle preuve que l’homme tombe facilement dans les extrêmes. C’est bien pourquoi les Écritures ne cessent d’exhorter le chrétien à faire preuve d’équilibre dans tous ses efforts. Pour conclure son exposé sur les résultats de ces épreuves, Russell déclare:

      Dans l’ensemble, le “criblage comme le blé” semble produire un effet de respect mêlé de crainte chez ceux qui ont gardé une vue claire des choses, en les rendant plus circonspects, en les rapprochant tant du Seigneur que les uns des autres. L’effet semble contraire chez les autres. Ils ont l’air contents de “s’éloigner”, impatients qu’ils sont de provoquer des divisions et de se vanter de leur “liberté”. Ne tolérant pas qu’une minorité l’emporte sur eux, ils réprouvent la majorité en la traitant méchamment d’“esclaves” vivant dans la “servitude babylonienne”, etc.

      Or il semblerait que presque chaque cas de déviation doctrinale et d’aveuglement ait été précédé, plus ou moins, d’un empoisonnement de l’esprit par la calomnie, la médisance et les mauvais soupçons. C’est par de telles racines d’amertume, qui ne tardent pas à se développer, que l’Adversaire ouvre la voie à l’erreur, dans presque chaque cas. (...)

      Ayez l’œil sur ceux qui causent les divisions et les occasions de chute par des choses qui ne sont pas selon la doctrine que vous avez apprise, et évitez-​les (Rom. 16:17, 18). Ne rendez point mal pour mal, ou injure pour injure; mais quand vous pensez à eux et quand vous parlez d’eux, faites preuve d’un amour compatissant, et faites de même pour tous les hommes que l’Adversaire a troublés (II Cor. 4:4)i.

      LOÏS: Comment ne pas éprouver de plus en plus de respect pour l’attitude du pasteur Russell à mesure que l’on interroge les faits? Nul ne peut nier qu’il a travaillé dans des conditions extrêmement pénibles; or il est certain que les résultats de son travail parlent en sa faveur. Je suis sûre qu’à sa place beaucoup d’autres hommes auraient penché d’un côté ou de l’autre, sous la pression.

      JEAN: Mais il ne faudrait pas non plus oublier, Loïs, que le pasteur Russell n’a jamais attribué à l’une de ses qualités le moindre résultat provenant de son travail. Il a toujours reconnu que sa force lui venait de Dieu, qui le guidait. Et lorsqu’on a réuni toutes les preuves, nulle autre conclusion n’est possible.

      [Notes]

      a a A Great Battle in the Ecclesiastical Heavens (1915), par J. F. Rutherford, pp. 7-10, “Unholy Alliance”.

      b b w 1903, p. 391; pour le texte intégral de chacun des six débats, voir la Pisttburgh Gazette, édition spéciale, 2 nov. 1903.

      c c A Great Battle in the Ecclesiastical Heavens (1915), par J. F. Rutherford, p. 10.

      d d w 1905, p. 224; w 1907, p. 112.

      e e w 1903, p. 197.

      f f w 1904, p. 82 [voir aussi wF août 1904, p. 60].

      g g w 1907, pp. 54-56.

      h h w 1907, pp. 215, 216.

      i i w 1905, p. 326.

      j j w 1908, p. 275.

      k k Idid., pp. 19, 70.

      l l Cincinnati Enquirer, 15 août 1908.

      a m w 1908, pp. 8, 18.

      b n w 1916, pp. 173, 174.

      c o w 1916, p. 175.

      d p w 1894, pp. 163-174.

      e q Nombres 12:1-15.

      f r A Great Battle in the Ecclesiastical Heavens (1915), par J. F. Rutherford, pp. 16-19; voir aussi w 1906, pp. 211-227.

      g s Ce nom dérive des premiers chrétiens de Bérée, connus pour leur méthode d’étude (Voir Actes 17:11). Il fut d’abord appliqué aux études spéciales de la Bible, sujet par sujet, destinées à la considération analytique en groupe (w 1902, p. 159; wF 1913, p. 82 “Avis”, et wF 1914, p. 16); par la suite, ce nom fut appliqué aux questions établies pour l’étude en groupe de La Tour de Garde (w 1922, pp. 146, 159; wF nov. 1922, p. 19).

      h t w 1909, p. 371.

      i u Ibid., p. 372.

  • Une activité intense, en attendant 1914
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 8

      Une activité intense, en attendant 1914

      LOÏS: Les divisions qui se sont produites dans l’organisation et l’opposition qu’on a soulevée contre Russell ont-​elles sérieusement porté atteinte à l’œuvre, Jean?

      JEAN: Non, pas au point de la compromettre. En fait, le pasteur Russell disait que de telles épreuves servaient à rapprocher les survivants. Ceux qui se sont détachés de l’organisation, à un moment donné, étaient d’ailleurs peu nombreux. Quant à Russell et à ses collaborateurs, ils avaient de quoi être occupés.

      Pendant les dix premières années de ce nouveau siècle, Russell était entièrement absorbé par l’organisation grandissante et par la proximité de 1914. Il savait que ce que représentait la Jérusalem d’avant 607 avant notre ère serait ‘foulé par les nations jusqu’à ce que les temps fixés des nations soient accomplis’. Telle était la prophétie de Jésus dans Luc 21:24. Russell savait que ce temps de la domination ininterrompue — exercée par les nations de Satan — devait prendre fin en 1914. Or, depuis 1877, les témoins de Jéhovah des temps modernes proclamaient énergiquement que cette période des temps des Gentils, longue de 2 520 ans, toucherait bientôt à sa fina.

      En prévision de cet événement, Russell s’est mis à préparer et à mener une campagne générale à l’échelle mondiale. Celle-ci devait servir de témoignage final aux nations, leur faisant savoir que les quelques années qui leur restaient avant 1914 seraient leur dernière chance de faire la paix avec Dieu, avant qu’il intervienne pour les juger.

      Russell avait tout de suite compris que, malgré ses trois étages, la maison de la Bible d’Allegheny-Pittsburgh, qui avait servi de siège à la Société pendant vingt ans, allait devenir trop petite pour servir désormais de centre à une œuvre internationale en plein essor. Aussi, en 1908, la Société a-​t-​elle envoyé plusieurs de ses représentants à New York, et parmi eux son conseiller juridique, J. F. Rutherfordb. Ils avaient pour tâche d’acquérir deux immeubles que Russell avait repérés naguère, et d’y établir le nouveau bureau central.

      Ils ont donc acheté l’ancien presbytère de Henry Ward Beecher, sis au 124 Columbia Heights à Brooklyn. Après quelques transformations, cette maison en grès, haute de trois étages, allait servir de demeure aux trente membres du personnel employé au siège de la Société. Quant à l’ancien cabinet de travail de Beecher, il servirait de bureau au pasteur Russell.

      THOMAS: Ce Henry Ward Beecher, prédicateur de Brooklyn, n’était-​il pas célèbre à l’époque pour ses sermons contre l’esclavage?

      JEAN: Oui, c’est cela. Il prêchait du haut de la chaire de l’église congrégationaliste de Plymouth, toute proche, dont il était le pasteurc. On raconte aussi qu’Abraham Lincoln figurait parmi les personnalités qui, au cours des années 1860, rendaient visite à Beecher dans sa résidence de Columbia Heights.

      La Société a également acquis l’ancien “Béthel de Plymouth”, foyer missionnaire tout proche, dont l’Église de Plymouth s’était servie pendant longtempsd. Après quelques transformations, la Société a inauguré son nouveau bureau central, le 31 janvier 1909, en présence de 350 personnes. Au premier étage de ce Béthel de Plymouth rénové, on avait aménagé une salle de réunion pour 800 personnes. Pour la repeindre, on avait choisi un vert olive tendre, et pour décorer les murs, quelques textes bibliques avaient été inscrits avec goût et art. Au rez-de-chaussée, on avait installé les bureaux de la Société, tandis qu’au sous-sol une petite presse permettait d’imprimer des feuilles de petit format. Il s’y trouvait aussi un service d’expédition. Un avis paru dans La Tour de Garde disait au sujet de ces deux immeubles:

      Cette nouvelle demeure, nous l’appellerons “Béthel”, tandis que le nouveau bureau et la salle de conférences seront appelés “Le Tabernacle de Brooklyn”; ces noms remplaceront celui de “Maison de la Biblee”.

      Les immeubles que la Société possédait à Pittsburgh ont alors été vendus. Quant à la campagne accélérée de prédication de cette période importante de l’œuvre, elle pouvait maintenant entrer dans sa dernière phase. Quoique vaste et pratique, ce bureau central agrandi est devenu insuffisant au bout de deux ans. Aussi a-​t-​il fallu, en 1911, construire de nouveaux logements spacieux sur l’arrière du Béthel, logements qui donnaient sur la rue Furman et les quais de Brooklynf.

      UN NOUVEL INSTRUMENT LÉGAL EST CRÉÉ

      Afin qu’ils puissent devenir propriétaires de leurs biens immobiliers dans l’État de New York, les témoins ont jugé utile de créer un nouvel organisme, car la Watch Tower Bible and Tract Society of Pennsylvania était sujette à certaines restrictions légales. Une requête ayant été présentée en bonne et due forme, le juge Isaac N. Miller de la Cour suprême de New York rendait, le 23 février 1909, une ordonnance qui reconnaissait le statut légal de la People’s Pulpit Association [Association de la Tribune du peupleg]. Voici les buts énoncés dans les statuts:

      Les buts de l’association sont: charitables, bienveillants, scientifiques, historiques, littéraires et religieux; l’édification morale et mentale des hommes et des femmes, la diffusion de vérités bibliques en différentes langues au moyen de la publication de tracts, de brochures, de journaux et d’autres écrits religieux, ainsi que l’œuvre missionnaireh.

      THOMAS: Comment faites-​vous pour coordonner les activités de ces deux organismes, Jean?

      JEAN: Voici une citation parue dans La Tour de Garde de 1914 qui va peut-être vous éclairer:

      Dans l’intérêt de nos nombreux lecteurs, nous expliquerons que la WATCH TOWER BIBLE AND TRACT SOCIETY [de Pennsylvanie] gère, en sa qualité d’organisation mère, toutes les affaires touchant l’œuvre chrétienne à laquelle sont rattachés le périodique LA TOUR DE GARDE et son rédacteur. Or, tout le travail accompli directement ou indirectement au moyen de l’ASSOCIATION INTERNATIONALE DES ÉTUDIANTS DE LA BIBLE et de l’ASSOCIATION DE LA TRIBUNE DU PEUPLE fait partie de l’œuvre accomplie par la WATCH TOWER BIBLE AND TRACT SOCIETY.

      Je vous ai déjà expliqué, Thomas, que l’Association de la tribune du peuple était le groupement constitué à New York en 1909, tandis que l’Association internationale des Étudiants de la Bible, mentionnée dans la citation, était le groupement constitué en Grande-Bretagne en 1914. Bien que cette association britannique ait notamment été créée pour diriger l’œuvre en Grande-Bretagne, elle possédait aussi une adresse auprès du siège de la Société, à Brooklyn. Voici ce que l’article de La Tour de Garde disait encore:

      Le rédacteur de LA TOUR DE GARDE est le président de ces trois sociétés. Toute responsabilité financière se rapportant à l’œuvre procède de la WATCH TOWER BIBLE AND TRACT SOCIETY [de Pennsylvanie]. C’est d’elle que les autres Sociétés et toutes les filiales de l’œuvre reçoivent leur appui financier. (...)

      Nous avons dû procéder à une répartition du travail du fait que les statuts de la société mère, établis conformément aux lois en vigueur dans l’État de Pennsylvanie, ne lui permettent pas de posséder des biens dans l’État de New York; aussi a-​t-​il fallu organiser une société auxiliaire afin de pouvoir posséder des biens-fonds à New York. Il en va de même pour la Grande-Bretagne où les lois empêchent les sociétés étrangères d’avoir le droit de propriété sur des biens-fonds. Cela a rendu nécessaire la création de l’ASSOCIATION INTERNATIONALE DES ÉTUDIANTS DE LA BIBLE régie par des statuts conformes aux lois anglaises. Il arrive donc que nous employions tantôt l’une, tantôt l’autre appellation dans les différentes branches de l’œuvre; pourtant, en fin de compte, elles veulent toutes dire la WATCH TOWER BIBLE AND TRACT SOCIETY [de Pennsylvanie], à laquelle devraient être versés tous les donsi.

      THOMAS: Est-​ce que vous ne vous servez que de ces trois organismes?

      JEAN: Non, car la Société a créé depuis un certain nombre d’organismes dans différents pays du monde, lesquels travaillent tous sous la direction de l’organisation mère de Pennsylvanie. Or, celle-ci n’est à son tour qu’un instrument légal pour les témoins de Jéhovah du monde entier, qui eux-​mêmes ne constituent pas une personne juridique.

      UNE CAMPAGNE INTENSIVE S’ENGAGE

      Les témoins de Jéhovah n’ont jamais cessé de mener des campagnes intensives. Néanmoins, ce sont les années 1909 à 1914 qui ont marqué le point culminant aussi bien de l’activité déployée par ces premiers témoins des temps modernes que des résultats obtenus. En mettant à contribution les moyens dont ils pouvaient disposer, tous se sont dépensés à fond pour donner un témoignage mondial: les frères du bureau central travaillaient jour et nuit; ils étaient secondés par les frères pèlerins et les colporteurs, ainsi que par les ouvriers qui participaient au service volontaire en donnant gratuitement de leurs heures de loisir.

      À partir de 1909, la Société s’est mise à publier une nouvelle série de tracts intitulés d’abord “La Tribune du Peuple”, puis “Journal pour Tous” et enfin “L’Étudiant de la Bible”. Chaque mois paraissait un nouveau numéro qui contenait une nouvelle salve puissante tirée contre le protestantisme, la fausse religion et l’apostasie. Les illustrations et les caricatures en augmentaient l’effet. C’est par millions que l’on distribuait ces publications en les glissant sous les portes des foyers, en les remettant à ceux qui sortaient des églises, et aussi grâce aux contacts personnels. Les efforts déployés par la Société en vue de donner un témoignage aussi vaste que possible ne se limitaient nullement à la distribution de tracts. Les colporteurs distribuaient à eux seuls plusieurs millions de brochures et de livres.

      MARIE: Et c’est à la même époque que les frères ont organisé un service de presse international auprès des journaux qui accordaient une place importante aux sermons du pasteur Russell. Chaque semaine, on les adressait à quelque 3 000 journaux des États-Unis, du Canada et d’Europe.

      JEAN: Ce service de presse se composait de quatre membres du Béthel qui faisaient partie du personnel du bureau central. Chaque semaine, où qu’il se soit trouvé, le pasteur Russell envoyait un nouveau sermon à ce service installé au Béthel. De là, les quatre frères télégraphiaient aux journaux le sermon qui devait remplir près de deux colonnes. Comme le public ne possédait pas encore la radio, la presse constituait le meilleur moyen d’atteindre les gens. Aussi a-​t-​il été possible, grâce à ce service, d’augmenter considérablement la prédication orale aux portes et aux réunions publiques. On évalue à dix millions les personnes qui, chaque semaine, pouvaient ainsi lire les sermons du pasteur Russell.

      THOMAS: La Société devait-​elle payer pour faire paraître ces sermons, ou les journaux versaient-​ils des droits d’auteur à Russell?

      JEAN: Les journaux s’engageaient à publier les sermons gratuitement, et la Société se chargeait des frais de télégraphej.

      Mais l’activité de ce service de presse n’était pas du tout censée remplacer la prédication individuelle qu’accomplissaient les témoins de Jéhovah. Une vaste campagne de réunions publiques allait rendre encore plus efficace l’activité intensifiée de cette période. On l’a appelée l’“œuvre pour la formation de nouvelles ecclésias”, et c’est en 1911 qu’elle a commencék. Rien qu’en cette première année, 12 113 conférences publiques et semi-publiques ont été prononcées. De cette façon, on élargissait le service des conférences publiques que le pasteur Russell avait autrefois entrepris lui-​même. Pour accomplir cette tâche, il a fallu le concours de cinquante-huit ministres itinérants spéciaux que la Société chargeait d’une tournée de conférences, selon un itinéraire préétabli.

      On ne se contentait pas de donner des discours, pour ensuite oublier ceux qui étaient venus les écouter. Au contraire, on s’approchait des personnes qui avaient manifesté de l’intérêt, pour leur demander leurs nom et adresse, après quoi on les visitait chez elles dans l’intention de les rassembler pour créer une nouvelle congrégation. Les colporteurs ou pionniers aidaient à organiser ces congrégations, ce qui a permis de créer de nombreuses nouvelles “ecclésias”. En 1914, il en existait 1 200 dans les différentes parties du monde. Pour ce qui est des autres chiffres se rapportant à l’accroissement, il faut dire que les rapports sur ceux qui assistaient à la Commémoration étaient incomplets; en 1915, le rapport partiel mentionne le nombre de 15 430 assistants, tandis que les statistiques indiquent que la diffusion de La Tour de Garde s’élevait à 55 000 exemplairesl.

      Il est compréhensible qu’on ait aussi sollicité Russell à venir plus souvent parler lui-​même, à mesure que l’intérêt allait croissant. Chaque année, il se rendait en Europe, et ses voyages à travers l’Amérique du Nord se faisaient plus nombreux et plus longs également. Pour s’acquitter de ses engagements d’orateur, il s’était naguère fait accompagner par quelques personnes en se servant d’un wagon spécial appelé “voiture des congressistes”. Désormais, il fallait organiser des groupes plus grands et se servir d’un train spécial appelé “train des congressistes”, dont l’un a transporté une fois 240 personnes qui accompagnaient Russell. Il fallait alors plusieurs wagons pour le transport de ces “groupes de congressistes” qui se rendaient d’une grande ville à une autre, selon un horaire établi d’avancea.

      Dès leur arrivée dans la ville prévue, toutes les personnes du groupe allaient annoncer la conférence publique en distribuant des invitations. Ensuite, elles assistaient elles-​mêmes à la conférence pour y accueillir ceux qui venaient l’écouter et pour demander aux personnes manifestant de l’intérêt leurs nom et adresse. Partout où c’était possible, les frères rendaient visite à ces personnes, et ils établissaient des congrégations. Ce travail puissamment concerté a produit des résultats durables.

      MARIE: Nombreux sont les récits intéressants qui ont été rapportés au sujet des problèmes rencontrés par ces frères. Ainsi, on raconte qu’un jour frère Russell et sa suite se trouvaient dans le train qui traversait l’État du Wisconsin, et que les cheminots à bord du train avaient oublié de décrocher le wagon spécial de Russell dans une gare où le train ne s’arrêtait pas d’habitude. Leur train a donc traversé à toute allure la ville où devait avoir lieu la conférence publique; et ce n’est qu’une heure plus tard qu’il s’est arrêté à Milwaukee. Vous concevez dans quel état d’énervement se trouvaient les frères qui n’avaient pu descendre au bon endroit. Immédiatement, ils ont demandé au chef de gare de faire atteler une locomotive au wagon spécial pour les ramener dans la ville où frère Russell était censé prendre la parole. Ils y sont arrivés tout juste assez tôt pour tenir la conférence publique.

      JEAN: Le pasteur Russell et ses collaborateurs n’ignoraient pas le passage de Matthieu 24:14, qui dit: “Cette bonne nouvelle du royaume sera prêchée par la terre habitée tout entière en témoignage à toutes les nations; et alors la fin viendra.” Même s’ils ne savaient pas de quelle manière cette prédication pourrait être achevée pour 1914, les témoins ont intensifié encore davantage leur programme. Une campagne de conférences publiques s’est alors organisée sur le plan mondial, et le passage biblique que nous venons de lire apparaissait sur certaines affiches.

      Dans le cadre de cette campagne allant de décembre 1911 à mars 1912, le pasteur Russell a fait le tour du monde à la tête d’un comité de sept hommes, pour répandre les semences de la vérité, lesquelles, à la longue, ont amené de nouveaux groupes de chrétiens oints à une activité féconde, dans de vastes territoires du globe. Les frères de ce comité s’attachaient surtout à étudier les missions étrangères de la chrétienté et à donner des discours sur place. Leur voyage les a conduits vers l’ouest, à Hawaii, au Japon, en Chine, puis à travers l’Asie méridionale jusqu’en Afrique et enfin en Europe, d’où ils ont regagné New Yorkb. C’était vraiment un long voyage qui avait pour but de ceindre la terre d’un message d’avertissement concernant l’approche de la fin des temps des Gentils, en 1914.

      LE PHOTO-DRAME DE LA CRÉATION

      Ensuite, le pasteur Russell a élaboré un projet audacieux mais bien conçu, d’ordre éducatif, très en avance sur son temps. Le cinéma commençait alors à être connu du public. Ayant compris que c’était là un moyen efficace pour atteindre des foules de gens en un temps relativement court, Russell s’est mis à préparer le “Photo-Drame de la Création”. Cette œuvre a été entreprise en 1912, dans l’espoir que tout serait prêt pour cette campagne générale avant 1914. Le titre avait une valeur descriptive, car cette œuvre dépeignait les desseins de Dieu à l’égard de la terre et du genre humain, à partir de l’aménagement de la terre comme demeure de l’homme jusqu’à la fin du règne millénaire, point culminant des desseins divins. Tout ce projet se composait de clichés ainsi que de projections animées synchronisées avec des disques de phonographe sur lesquels étaient enregistrées des causeries et de la musique. La Société faisait ainsi œuvre de pionnier dans le domaine du film sonore et, en s’embarquant dans cette affaire, elle était pleinement confiante en son succès. Les résultats obtenus, grâce aux efforts ingénieux déployés dans ce domaine, montraient que l’esprit de Dieu reposait sur toute cette entreprise.

      La tâche étant bien plus grande que Russell ne l’avait prévue, le “Photo-Drame” n’était pas prêt pour la fin de 1912, car il a fallu deux années entières pour passer du projet à la première représentation, et le tout a coûté 300 000 dollars à la Sociétéc. Voici la description que La Tour de Garde de 1914 donnait du “Photo-Drame”:

      Il est naturel que nos lecteurs s’intéressent vivement au PHOTO-DRAME DE LA CRÉATION. Au cours de ces deux dernières années, vous avez tous plus ou moins entendu dire qu’il était en préparation. Le travail a été beaucoup plus pénible que nous ne l’avions pensé. Tous ceux qui ont vu le “Photo-Drame” admettent qu’il est très beau. Un pasteur, qui venait d’en voir deux parties, déclara: “Je n’ai vu que la moitié du PHOTO-DRAME DE LA CRÉATION, mais il m’en a appris plus long sur la Bible que mes trois années d’études à la faculté de théologie.” (...)

      Or, il [le Drame] contient tout ce qui entre dans la création terrestre: les animaux, l’homme, les expériences vécues par le genre humain au cours des six mille ans écoulés et ce que le Messie accomplira dans son Royaume de mille ans. Le tout se compose de quatre parties, soit quatre spectacles [de deux heures chacun] agrémentés d’une musique appropriée, etc.

      La première partie nous mène d’une nébuleuse à la création du monde, puis au déluge, pour se terminer au temps d’Abraham.

      La deuxième partie va de la délivrance d’Israël en Égypte à son séjour dans le désert, etc., jusqu’à l’époque des rois et au temps d’Élisée, le prophète.

      La troisième partie reprend le récit depuis le temps de Daniel jusqu’au temps où le Logos fut fait chair lors de la naissance de Jésus. Elle montre Jésus enfant, puis adulte, son baptême, son ministère, ses miracles, sa crucifixion, sa mort et sa résurrection.

      La quatrième partie commence à la Pentecôte et retrace les expériences vécues par l’Église au cours des dix-neuf siècles écoulés jusqu’à nos jours, et mille ans au-delà jusqu’à la glorieuse consommationd.

      LOÏS: Ce devait être un projet remarquable, étant donné que l’industrie cinématographique n’en était alors qu’à ses débuts.

      MARIE: En effet, et il nous arrive, dans notre ministère de porte en porte, de rencontrer des personnes qui se souviennent d’avoir vu le Photo-Drame.

      JEAN: Mais en raison de sa longueur et des détails qu’il a fallu mettre au point, celui-ci n’a pas pu être présenté avant 1914. Nous vous parlerons plus tard des représentations qui en ont été données. Or, à mesure que s’approchait le temps annoncé depuis longtemps, le service et la certitude de voir se réaliser les événements prévus constituaient la première préoccupation des témoins de Jéhovah.

      SÉRIEUSES MISES EN GARDE CONTRE LES CONJECTURES

      THOMAS: Vous nous avez dit, il y a un instant, que le pasteur Russell n’était pas très sûr de ce qui devait se produire en 1914. Était-​ce l’attitude générale qui prévalait alors parmi les témoins?

      JEAN: Sans aucun doute, nombreux étaient ceux qui pendant cette période s’empressaient d’émettre leur avis personnel sur les événements qui allaient se produire. Certains ont fait dire à La Tour de Garde des choses qu’elle n’a jamais dites et, quoique Russell se soit trouvé dans la nécessité d’attirer l’attention sur la certitude qu’il fallait s’attendre à un grand changement à la fin des “temps des Gentils”, il a pourtant encouragé ses lecteurs à garder leur esprit libre, surtout en ce qui concernait le facteur temps. Pour prouver ce point, nous pourrions lire un certain nombre d’extraits d’articles parus dans La Tour de Garde au fil des années. Ainsi, en 1885 déjà, Russell écrivait dans La Tour de Garde:

      De gros nuages menaçants s’amoncellent au-dessus du vieux monde. Il semble qu’une grande guerre européenne soit une éventualité à envisager dans un proche avenir.

      Suit une description plutôt sombre de la situation mondiale, et l’article conclut en ces termes:

      Pour ce qui est de ces prétendus royaumes de Dieu et de leurs armées, on adresse des prières à Dieu au nom de celui qui ordonne paix et bonne volonté envers les hommes, et qui s’annonce lui-​même comme celui qui libérera les captifs et qui proclamera l’amour, la paix et la liberté sur la terre entière à tous ceux pour la liberté desquels il est mort.

      Grâce soit rendue à Dieu de ce que l’affranchissement est proclamé; les chaînes théologiques et politiques commencent à se briser, et la création gémissante doit sous peu être rendue à la véritable liberté des fils de Dieu, sous la domination d’Emmanuele.

      En 1893, La Tour de Garde déclarait:

      Une grande tempête est imminente. Quoique l’on ne sache pas exactement quand elle éclatera, il semble raisonnable de supposer qu’elle se situe à douze ou quatorze ans tout au plusf.

      En 1894, le même périodique déclarait:

      Quelques années de plus en finiront avec le présent ordre de choses, et alors le monde châtié se tiendra face à face avec les conditions réelles du Royaume de Dieu établi. Et pourtant, l’Église doit achever sa course dans le court laps de temps qui resteg.

      Une autre déclaration, publiée au cours de la même année, est significative:

      “Comme les douleurs de l’enfantement surprennent la femme enceinte”, voilà la description inspirée du jour de détresse de quarante ans qui marque le commencement de l’âge millénaire. La panique de 1873, qui a affecté le monde entier, était le premier spasme, et depuis lors, à intervalles irréguliers, la terre a connu d’autres douleurs de l’enfantement. En ce moment même, nous nous trouvons ici aux États-Unis au beau milieu de l’une de ces convulsions de la création gémissanteh.

      En 1912, pour prévenir toute conjecture extravagante et personnelle concernant l’année 1914, Russell a fait retentir l’avertissement spécial que voici:

      Il est sans doute permis d’avoir de légères différences d’opinions sur ce sujet, et il nous faut laisser la plus grande latitude les uns aux autres. La suzeraineté des Gentils peut se terminer en octobre 1914 ou en octobre 1915. Et la période de lutte intense et d’anarchie “telle qu’il n’y en a point eu depuis que les nations existent” peut marquer la fin définitive des temps des Gentils, ou le début du règne du Messie.

      Mais nous rappelons une fois de plus à nos lecteurs que nous n’avons rien prophétisé concernant les temps des Gentils qui prendraient fin en un temps de détresse, ni concernant la glorieuse époque qui succéderait à cette catastrophe. Nous avons simplement attiré l’attention sur ce que disent les Écritures en exprimant nos vues quant à leur signification et en demandant à nos lecteurs de juger, chacun pour soi, ce qu’elles signifient. Ces prophéties gardent encore le même sens pour nous. (...) Il se peut que certains fassent cependant des déclarations positives de ce qu’ils savent, et de ce qu’ils ne savent pas; nous ne nous laissons jamais aller à cela; mais nous déclarons simplement que nous croyons ceci ou cela pour telles ou telles raisonsi.

      Ces premiers observateurs avaient donc de quoi être certains que bien des choses allaient se produire dès 1914. Même si leur compréhension sur la manière dont ces prophéties allaient s’accomplir exactement n’était pas absolument nette, les preuves augmentaient sans cesse, montrant que ce devait être une date marquée dans l’histoire de la terre.

      Dans le monde entier, on créait une situation tendue en attisant les rivalités nationales; et, pour leur campagne fébrile, les dirigeants politiques et commerciaux se lançaient dans une course aux armements effrénée qui avait l’entier appui du clergé de tous les pays. L’Allemagne et la France amassaient un énorme potentiel de guerre, tandis que la Grande-Bretagne et les États-Unis se fortifiaient également. Les dernières découvertes scientifiques, telles que la machine à vapeur, le moteur à explosion et l’électricité, ont toutes été mises à contribution pour la guerre, car les meilleurs cerveaux scientifiques du monde mettaient tout en œuvre afin de créer des armes encore plus perfectionnées pour la destruction massive. Les masses humaines se faisaient rassembler dans les camps de la guerre. Satan, le maître de ce monde, rassemblait ses forces pour la fin, laquelle, il le savait, viendrait en 1914.

      En ce XXe siècle toutefois, la débâcle mondiale des nations, qui paraissait inévitable, était simplement la preuve de ce qu’une guerre beaucoup plus significative devait commencer cette année-​là. Il ne s’agissait pas, dans ce différend de la plus haute importance, de savoir si la domination monarchique l’emporterait sur la domination démocratique. Le calendrier des desseins divins indiquait que le moment était venu de régler la question de la domination universelle. Quant aux témoins de Jéhovah, il ne leur était pas donné, à cette époque-​là, de comprendre ce que ce conflit allait apporter comme résultats immédiats ni quelle tournure les événements allaient prendre pour accomplir la volonté divine. Pendant quarante ans, ils avaient été chargés d’en annoncer la proximité. Tous leurs efforts zélés avaient tendu vers ce même but. Maintenant que le moment était venu, ils n’allaient pas se croiser les bras et attendre la suite des événements. Des flots ininterrompus d’écrits sur le Royaume continuaient à atteindre toutes les parties du globe, depuis le nouveau siège de Brooklyn.

      Sur l’autre rive de l’East River, face au bureau central de la Société, se dressait la masse imposante des gratte-ciel du quartier financier de New York. Ces gratte-ciel, qui étaient alors les plus hauts du monde, symbolisaient pour bien des gens la force et la puissance du plus grand empire de la terre. Par leurs dimensions, ceux-ci dépassaient de loin les modestes immeubles de la Société Watch Tower, à Brooklyn. Mais nul ne pouvait alors savoir ce que Jéhovah réservait à cette petite troupe de témoins qu’il avait rassemblés des quatre coins de la terre; et personne ne pouvait prévoir non plus comment cette voix relativement faible, qui émanait des modestes bureaux de la Société, arriverait un jour à remplir la terre avec tant de force et de puissance que les fondements mêmes du monde de Satan en seraient ébranlés.

      [Notes]

      a a w oct.-nov. 1881, p. 3.

      b b w 1919, p. 58.

      c c Webster’s Biographical Dictionary, p. 125; History of Kings County (New York, 1884: Munsell & Co.), pp. 1021, 1022.

      d d Construit en 1868 au 13-17 Hicks Street, cet immeuble a été démoli depuis. Quant à l’église de Plymouth, fondée en 1849, elle se trouve encore à Orange Street, près de Hicks, à deux pâtés de maisons du 124 Columbia Heights.

      e e w 1909, pp. 67, 68.

      f f w 1917, p. 53.

      g g Les statuts ayant été soumis aux autorités, cette association fut dûment enregistrée, le 4 mars 1909. Le 6 février 1939, son nom fut légalement changé en Watchtower Bible and Tract Society, Inc., et le 16 janvier 1956 en son nom actuel: Watchtower Bible and Tract Society of New York, Inc.

      h h Statuts de la Watchtower Bible and Tract Society, Inc., pp. 1, 5, 6, 11.

      i i w 1914, p. 371. Voir aussi “L’histoire et les actions de notre Société”, w 1917, pp. 327-330 [ainsi que wF avril 1927, pp. 106, 107].

      j j Sermons du pasteur Russell (angl.) [1917; IBSA], pp. 3, 4; w 1909 p. 269; w 1916, p. 388; w 1912, p. 26 [voir aussi wF 1910 p. 80; wF 1916, p. 26].

      k k w 1911, pp. 453, 454.

      l l w 1915, pp. 127, 372.

      a m w 1909, pp. 183, 196, 259, 298; w 1913, p. 218.

      b n Les voyageurs firent escale dans les villes suivantes: à Honolulu dans les îles Hawaii; à Yokohama, à Tokyo, à Kobe et à Nagasaki au Japon; à Changhaï et à Hong-Kong en Chine; à Manille dans les Philippines; à Singapour et à Penang dans les Straits Settlements [Établissements des Détroits]; à Colombo dans l’île de Ceylan; à Trivandrum, à Kottarakara, à Nagercoil, à Puram, à Madras, à Vizagapatam, à Calcutta, à Bénarès, à Lucknow et à Bombay en Inde; à Aden en Arabie; au Caire et à Alexandrie en Égypte; au Pirée, à Athènes, à Corinthe et à Patras en Grèce; à Brindisi et à Rome en Italie; à Paris; ensuite à Londres, et le voyage se termina à New York (w 1911, p. 434). Compte rendu détaillé et photos dans w 1912, pp. 123-138, ainsi que dans Souvenir Notes 1912, pp. 7-287.

      c o w 1914, p. 375.

      d p w 1914, pp. 105, 106, 371.

      e q w fév. 1885, p. 1.

      f r w 1893, p. 194.

      g s w 1894, p. 56.

      h t Ibid., p. 162.

      i u w 1912, p. 377.

      [Illustrations, page 48]

      TABERNACLE DE BROOKLYN, 1909.

      BÉTHEL, 122-124 COLUMBIA HEIGHTS, 1911.

  • “Fin de tous les royaumes en 1914”
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 9

      “Fin de tous les royaumes en 1914”

      THOMAS: Je suppose que les témoins de Jéhovah devaient enfin se sentir dans leur élément quand a commence l’année 1914 et que la Première Guerre mondiale a éclaté. Est-​ce juste?

      JEAN: Pas tout à fait. Au début de 1914, les conducteurs religieux et d’autres gens ont énormément ridiculisé Russell et la Société Watch Tower, car, pendant les tout premiers mois, les nations gentiles n’avaient encore rien subi de ce que les témoins de Jéhovah attendaient.

      MARIE: Bien entendu, ces railleries n’ont pas arrêté l’œuvre de témoignage, car la Société attendait la fin pour l’automne de cette année-​là. Janvier avait vu l’achèvement du Photo-Drame de la Création; puis en avril, douze exemplaires en avaient été expédiés dans trente et une villes. Il ressort des rapports que plus de 35 000 personnes venaient alors chaque jour voir, écouter et admirer cette production exceptionnellea.

      JEAN: C’est exact. Mais comme l’année avançait sans que rien de grave se soit produit malgré la grande tension qui pesait sur l’Europe, on ridiculisait de plus en plus le message du Royaume. Un grand changement allait pourtant intervenir au moment où nation après nation et royaume après royaume furent précipités dans le conflit que l’on appelle maintenant la Première Guerre mondiale. À la veille de la guerre, l’Europe était en proie à de vives inquiétudes. Mais surtout à partir du 27 juillet, et jusqu’en août de la même année, le monde allait connaître une période de bouleversements surprenants. Maintenant que la guerre et les malheurs s’abattaient sur les nations, l’œuvre des témoins de Jéhovah passait au premier plan, d’autant plus que ceux-ci annonçaient et attendaient ce temps de détresse.

      Ainsi, un article paru dans “Le monde” (The World), l’un des principaux journaux de New York, reflète bien la réaction de la presse. Dans son supplément dominical, ce journal titrait en gros caractères: “Fin de tous les royaumes en 1914”. Voici un extrait de cet article important:

      D’après les calculs des “Étudiants internationaux de la Bible” dirigés par le Rév. Russell, voici venu le “temps de détresse” dont parle le prophète Daniel, l’année 1914, prédite (dans le livre “Le Temps est proche”, dont quatre millions d’exemplaires ont été vendus) comme étant la date de l’effondrement des royaumes de la terre.

      L’effroyable guerre qui vient d’éclater en Europe accomplit une prophétie extraordinaire. Il y a un quart de siècle, les “Étudiants internationaux de la Bible”, mieux connus sous le nom d’“Auroristes du millénium”, se sont mis à proclamer au monde, par la voix de prédicateurs et par la presse, que le Jour de la Colère prophétisé dans la Bible poindrait en 1914. “Attention à 1914!”, tel a été le cri des centaines d’évangélistes itinérants qui, représentant cette croyance singulière, ont parcouru le pays dans tous les sens pour publier la doctrine selon laquelle “le Royaume de Dieu est proche”. (...)

      Même si des millions de gens ont dû écouter ces évangélistes, (...) et bien que leur propagande ait été menée au moyen de publications religieuses et par un service de presse séculier comprenant des centaines de journaux à travers le pays, ainsi que par des conférences, des débats, des classes d’étude, et même par des projections animées, l’homme moyen ignore l’existence d’un mouvement tel que l’“Aurore du millénium”. (...)

      Le Rév. Charles T. Russell est l’homme qui avance cette interprétation des Écritures depuis 1874. (...) “En présence de ces fortes preuves de la Bible, écrivit le Rév. Russell en 1889, nous considérons comme une vérité bien établie que la fin des royaumes de ce monde et l’entier établissement du Royaume de Dieu auront lieu en 1914.” (...)

      Mais dire que la détresse doit atteindre son point culminant en 1914, voilà qui est étrange. Pour une raison bien curieuse — peut-être parce que le Rév. Russell écrit d’une manière très posée, dans un style de mathématicien réfléchi plutôt que dans celui d’un harangueur fougueux — le monde n’a en général guère daigné tenir compte de lui. Quant aux Étudiants qui se réunissent au “Tabernacle de Brooklyn”, ils disent qu’il fallait s’y attendre, que le monde n’écoute jamais les avertissements divins et ne les écoutera jamais, jusqu’à ce que le jour de détresse soit passé. (...)

      Et voilà qu’en 1914 vient la guerre, la guerre que tout le monde redoutait, mais dont tout le monde pensait qu’elle ne se produirait pas, en fin de compte. Le Rév. Russell ne déclare pas: “Je vous l’avais bien dit”, et il ne révise pas les prophéties pour les adapter au cours de l’Histoire. Lui et ses Étudiants se contentent d’attendre, d’attendre jusqu’en octobre qu’ils estiment être la fin réelle de 1914b.

      THOMAS: Je pense que tout le monde n’aura pas accepté cette prophétie, pas même après le début de la guerre mondiale.

      JEAN: Non. Mais ce temps de grande détresse, Jésus l’avait prédit pour les derniers jours. De plus, les Écritures montraient que, malgré toutes les preuves apportées par Jésus pour marquer le début du temps de la fin, de nombreuses gens n’accepteraient pas ces preuves. Pierre, par exemple, a déclaré: “Dans les derniers jours il y aura des railleurs avec leurs railleries, avançant selon leurs propres désirs et disant: ‘Où est sa présence promise? En effet, depuis le jour où nos pères se sont endormis dans la mort, toutes choses continuent exactement comme depuis le début de la créationc.’”

      LA PRÉDICATION DE LA BONNE NOUVELLE SE POURSUIT

      LOÏS: Ce devait être une époque de sentiments mélangés.

      JEAN: En effet, et il se produisait alors beaucoup de choses que les témoins eux-​mêmes n’arrivaient pas encore à comprendre. Avant 1914, ils s’étaient servis d’arguments bibliques pendant quarante ans pour attirer l’attention des gens sur cette date importanted. Et maintenant que les faits s’accumulaient comme autant de preuves confirmant les conclusions que les témoins avaient pu tirer grâce à l’étude de la Bible, ceux-ci étaient certains que le 1er octobre 1914 allait marquer la fin légale des 2 520 ans pendant lesquels Jéhovah avait toléré que les nations gentiles s’arrogent la souveraineté sur la terre; ils avaient acquis la certitude que, légalement, la “fin de toutes les nations” était arrivée en 1914e! Or, tandis que les témoins avaient la joie de voir s’accomplir les conditions prédites dans la Bible, les souffrances et les tribulations qui s’abattaient sur le monde ne les réjouissaient guère; quant aux persécutions qu’ils subissaient de la part des adversaires du Royaume de Dieu, elles n’étaient pas faites non plus pour les rendre heureux, ni pour leur faciliter la tâche.

      Il ne fallait certes pas attendre du clergé de la chrétienté qu’il accepte les preuves de la fin légale de toutes les nations. Bien au contraire, les membres du clergé se sont tellement laissé absorber par les problèmes du jour et laissé entraîner dans les efforts de guerre déployés par les nations, qu’ils n’avaient aucune patience ni sympathie pour quiconque plaçait sa confiance en Dieu qui, dans sa puissance, trancherait la question de la domination mondiale. Dans chaque pays, les Églises soutenaient le gouvernement détenteur du pouvoir. Or, les Églises ont adopté cette attitude sans tenir compte du fait que, dans ce conflit, ceux qui avaient la même foi mais qui vivaient dans un autre pays allaient ainsi se trouver dans le camp adverse; et ceux qui normalement passaient pour des frères chrétiens s’affrontaient à présent sur le champ de bataille.

      THOMAS: Quelle a été l’attitude des témoins de Jéhovah face à la guerre?

      JEAN: Ils refusaient d’y prendre part. En raison des prophéties qui concernaient ce temps de détresse, les témoins ne pouvaient ni ne voulaient se rallier aux prétentions contradictoires faites par les ecclésiastiques des deux camps du conflit qui, les uns et les autres, se disaient soutenus par Dieu.

      Les témoins savaient fort bien ce qui se passait en Europe, puisque le juge Rutherford s’y trouvait en personne le jour où la guerre avait éclaté. Car, depuis qu’il était devenu conseiller juridique de la Société, il parcourait les États-Unis en qualité de conférencier biblique. Ainsi, il parlait dans bien des lycées et universités, sur demande spéciale, faisant salles combles aux États-Unis et en Europe. En 1913, accompagné de sa femme, il a visité l’Égypte et la Palestine, puis l’Allemagne — où il a pris la parole devant 18 000 personnes au total — et encore la Suissef.

      En 1914, le juge Rutherford a effectué un nouveau voyage en Europe à la place du pasteur Russell dont la santé déclinait et qui, en raison de la situation mondiale troublée, ne voulait pas quitter les États-Unis. En cette qualité, Rutherford était occupé à donner des conférences bibliques en Allemagne, à peine quelques jours avant le début de la Première Guerre mondiale. Il se trouvait à bord d’un bateau se rendant de Hambourg en Angleterre le jour où celle-ci a déclaré la guerre à l’Allemagne; ainsi, Rutherford a été un témoin oculaire de la tourmente qui a éclaté cette année-​là. Il n’a pas regagné les États-Unis sur-le-champ, mais il est resté en Angleterre jusqu’en septembre 1914, car il pensait avoir la possibilité de mieux voir ce qui surviendrait lors de l’achèvement des temps des Gentils. Après avoir passé les premiers mois de la guerre auprès des témoins anglais, il est rentré aux États-Unis.

      Alors que la guerre s’étendait de plus en plus en Europe, mais encore sans la participation des États-Unis, d’autres affaires concernant l’œuvre de témoignage allaient retenir l’attention des champions de la véritable liberté. En 1915, le pasteur Russell a été mis au défi pour un nouveau débat, cette fois par J. H. Troy, qui représentait le clergé baptiste de la Californie du Sud. Mais pour des raisons de santé, le pasteur Russell a dû se faire remplacer par J. F. Rutherford. Ayant été élevé baptiste, Rutherford ne s’est pas fait prier. Il est parti pour Los Angeles, en Californie, où devaient avoir lieu les divers débatsg. On y a dénombré une assistance totale de 12 000 personnes et estimé à 10 000 celles qui s’en sont retournées faute de place.

      Un incident, survenu à cette occasion, donne un aperçu de l’esprit juridique de J. F. Rutherford, qui était très perspicace. Plusieurs jours avant les débats, Rutherford s’était mis d’accord avec Troy pour que chaque partie dépose une caution de 1 000 dollars, ce qui devait les engager à ne pas parler de personnes en particulier. Les débats porteraient donc uniquement sur des sujets bibliques. Puis cet engagement a été signé par les deux parties.

      Or quelques jours plus tard il était clair, d’après les communiqués que Troy remettait aux journaux, qu’il entendait s’en prendre à certaines personnes et qu’il se réjouissait surtout de calomnier le pasteur Russell. Quant à Rutherford, il attendait le premier débat pour réagir. Trois minutes avant de commencer, il a prié Troy et ses “aides”, qui se tenaient dans la salle, de le rejoindre dans une pièce attenante. Là, Rutherford s’est adressé à Troy: “Vous vous souvenez que nous nous sommes engagés, par une caution de 1 000 dollars, à ne pas parler de personnes en particulier. Or, à en juger d’après les interviews que vous avez accordées à la presse, vous avez l’intention d’attaquer le pasteur Russell du haut de l’estrade. Certes, vous êtes libre de choisir cette voie, mais si vous essayez, vous perdrez votre caution.” Tout à fait désemparé, Troy a demandé: “Ne puis-​je même pas le mentionner?” À quoi Rutherford a répondu par un “non” catégorique. Pris au dépourvu dans sa tentative de profiter de cette occasion pour calomnier Russell, il ne restait plus à Troy que des sujets qui ne convenaient pas à la circonstance. Aussi, lors du débat d’ouverture, s’est-​il trouvé aux prises avec de grandes difficultés pendant assez longtemps.

      Toute cette série de débats a permis à Rutherford de remporter une victoire éclatante. Voici ce qu’il rapporte dans son compte rendu:

      Quand le débat s’est terminé hier soir, un certain nombre de personnes sont venues me trouver, dont plusieurs pour me dire: “J’ai été baptiste pendant des années, mais c’est ici que l’on m’a ouvert les yeux. Vous m’avez apporté la lumière.” Un assez grand nombre de cartes d’adhésion étaient rendues chaque soirh.

      LE PHOTO-DRAME ACCLAMÉ PAR LES UNS ET COMBATTU PAR LES AUTRES

      LOÏS: Qu’est-​il advenu du Photo-Drame de la Création que vous nous avez décrit? Marie, n’avez-​vous pas dit tout à l’heure que l’on avait commencé à le présenter au public dès janvier 1914?

      MARIE: C’est exact. Puis, en juillet, il est arrivé en Grande-Bretagne; en septembre, les représentations ont commencé sur le continent européen, soit en Allemagne, en Suisse, en Finlande, en Suède et au Danemark; et quand en octobre on l’a montré en Australie et en Nouvelle-Zélande, le Photo-Drame avait déjà fait la moitié du tour du monde.

      De nos jours, où les enregistrements de sons et de superproductions de Hollywood sont chose courante, on a de la peine à comprendre combien c’était là une entreprise inouïe. L’une des difficultés auxquelles on s’est heurté était de se procurer les belles images d’art illustrant l’histoire du monde dès l’aube de la création jusqu’à nos jours, et même jusque dans l’avenir. On a adopté, puis adapté au thème du Drame, tout ce que l’on a pu trouver, mais avant de fabriquer les clichés stéréoscopiques, il a fallu peindre des centaines d’images et de croquis inédits. Ces clichés étaient d’ailleurs magnifiquement coloriés à la main, dont certains même à Paris ou à Londres. Voici ce que raconte Russell:

      Dans sa bonté, Dieu nous a voilé les yeux quant à la somme de travail qu’exigerait le DRAME. Si nous avions pu prévoir combien de temps, d’argent et de patience sa mise en chantier allait nous coûter, nous ne l’aurions jamais entrepris. Or, nous ne savions pas non plus d’avance quel grand succès serait réservé au DRAMEi.

      Du fait que ces exemplaires du Photo-Drame ont été préparés avant que la Première Guerre mondiale n’éclate en Europe, des représentations ont pu avoir lieu un peu partout sur le continent européen et apporter du réconfort à bien des peuples angoissésj. La Société en a fabriqué au moins vingt reproductions complètes en quatre parties chacune, ce qui a permis de desservir quatre-vingts villes par jour. Rien qu’en 1914, ces projections ont entraîné pour les congrégations locales entre 150 000 et 200 000 dollars de dépenses.

      Un autre ensemble, appelé Eurêka-Drame, a encore été mis à la disposition des congrégations. Il comprenait simplement les clichés, la musique et les discours enregistrés sur disques pour le Photo-Drame. Même sans film, l’Eurêka-Drame a remporté d’immenses succès dans les régions moins peupléesk.

      LOÏS: J’aurais bien aimé voir le Photo-Drame. Comme vous nous l’avez décrit, Marie, rien d’étonnant qu’il ait été très couru!

      THOMAS: Je pense que les chefs religieux n’auront guère trouvé à redire au Photo-Drame. Est-​ce exact, Jean?

      JEAN: Au contraire. Certains lui ont opposé une vive résistance. Dans maints endroits, tout a été tenté pour empêcher qu’il soit présenté. D’autres chefs religieux s’élevaient contre les représentations qui se faisaient le dimanche, prétextant que les salles de spectacle étaient alors fermées aux films. Un incident de ce genre s’est produit, entre autres, dans l’Idaho où la Cour suprême de l’État a donné gain de cause à la Société; et ainsi, les représentations ont continué le dimanchel.

      J’ai demandé à Marie de rechercher des récits qui parlent de l’opposition faite au Photo-Drame. En as-​tu trouvé un que tu pourrais nous lire, Marie?

      MARIE: Oui, j’en ai un. On le trouve dans la brochure Une grande bataille dans les cieux ecclésiastiques (angl.), rédigée par le juge Rutherford:

      La scène se situe à Laurel, dans le Mississippi. M. Nicholson, conférencier responsable, avait loué l’Opéra auprès de M. Taylor, le propriétaire, pour y présenter le Photo-Drame. Tous deux se trouvaient devant l’Opéra et faisaient des préparatifs pour la publicité. M. Taylor se réjouissait de ce qu’un si beau spectacle allait être donné dans sa maison et s’en félicitait, lorsque vint à passer le premier pasteur de l’Église méthodiste de l’endroit surnommé le “grand chef de l’Union des pasteurs”.

      En apprenant ce qui se préparait, il devint furieux, brandit le poing sous le nez de M. Nicholson et le menaça à grands cris: “Essayez seulement de montrer ces choses-​là dans notre ville, et vous aurez sur les bras le plus dur combat que vous n’ayez jamais vu; vous feriez mieux de quitter la ville et de décamper au plus vite!” M. Nicholson ne se laissa pas intimider par cette menace, mais il poursuivit les préparatifs en vue de la représentation. Réunis aussitôt en séance extraordinaire, tous les membres de l’Union des pasteurs s’engagèrent à faire campagne contre le pasteur Russell et le “Drame”, à l’exception du pasteur épiscopalien qui se prononça résolument pour la tolérance religieuse et le respect humain. L’Union des pasteurs vota des résolutions contre le “Drame” et le pasteur Russell, elle lança ensuite un appel au maire de la ville et au chef de la police et leur demanda instamment de prévenir M. Nicholson, le responsable du “Drame”, qu’il ne devait pas présenter son spectacle dans la ville.

      Puis, l’Union des pasteurs fit pression sur la Compagnie d’électricité et décida les propriétaires à couper le courant électrique et à refuser d’en fournir pour la projection du “Drame”. Il restait à soumettre M. Taylor, le propriétaire de l’Opéra. L’influence de l’Union fut telle, que M. Taylor arracha lui-​même les affiches qui, sur ses ordres, avaient été placées sur les divers panneaux. Là-dessus, le responsable du Photo-Drame se rendit auprès du juge Beavours, le procureur de la ville, pour demander son intervention. C’était un “homme de loi de la vieille école”, prêt à combattre pour le droit. Il avisa immédiatement la Compagnie d’électricité et les fonctionnaires de la ville qu’il allait porter l’affaire devant le tribunal pour obtenir un arrêt qui les empêcherait de faire un usage illégal de leur pouvoir.

      Cette démarche effraya les fonctionnaires de la ville et la Compagnie d’électricité. Les pasteurs jetèrent du lest et décidèrent que, désormais, ils ne chercheraient plus à empêcher la présentation du Photo-Drame. Le maire fit dire à M. Nicholson: “Vous pouvez continuer, mais surtout ne vous en prenez pas à nous, ni aux pasteurs.” Ces messieurs appréhendaient la réaction du public qui irait voir les projections et apprendrait alors combien celles-ci avaient été dénigrées. Les gens vinrent et furent enchantés. Certains déclarèrent: “Nous ne comprenons pas pourquoi les pasteurs s’y sont opposésa!”

      THOMAS: On dirait que vous avez eu bien des ennuis pendant ces années-​là! Pensez-​vous que l’opposition était pire qu’avant 1914?

      JEAN: En effet. L’œuvre a atteint son point culminant en 1914. Mais en raison de l’opposition croissante, des railleries et de la dislocation de l’œuvre mondiale, l’activité de prédication des témoins a connu un fléchissement graduel en 1915 et en 1916b.

      Le temps de la fin venait de commencer pour les nations de ce monde. Mais le peuple de Jéhovah n’était pas tout à fait préparé à occuper la place qui lui revenait, ni à accomplir l’œuvre que Jéhovah lui réservait. Les témoins allaient en outre subir de nombreuses épreuves qu’ils n’avaient pu prévoir. Ils se trouvaient au seuil d’un temps de deuil et d’opprobre.

      [Notes]

      a a w 1914, p. 106.

      b b The World de New York, 30 août 1914, supplément dominical, pp. 4, 17.

      c c II Pierre 3:3, 4.

      d d w 1914, p. 371.

      e e wF 1952, pp. 259, 260.

      f f w 1913, p. 319.

      g g En avril 1915, au “Trinity Auditorium” pendant quatre soirées. w 1915, p. 143; pour le texte intégral des débats, voir la Tribune de Los Angeles, du 22 au 24 et du 26 avril 1915.

      h h w 1915, p. 143.

      i i w 1914, p. 372.

      j j Ibid., p. 142.

      k k w 1914, p. 373.

      l l État contre Morris (23 février 1916), 28 Idaho 599; 155 P. 296.

      a m A Great Battle in the Ecclesiastical Heavens (1915), par J. F. Rutherford, pp. 12, 13.

      b n w 1915, p. 371.

      [Illustration, page 57]

      MATÉRIEL DE PROJECTION DU PHOTO-DRAME ET DE L’EURÊKA-DRAME.

  • Fortifiés pour persévérer et endurer
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 10

      Fortifiés pour persévérer et endurer

      LOÏS: Quand le temps de deuil a-​t-​il commencé pour les témoins?

      JEAN: En 1914. C’était là un temps d’opprobre, d’épreuves et de déceptions. Mais Jéhovah n’éprouve jamais son peuple au-delà de ses forces; c’est la raison pour laquelle, à plusieurs reprises, La Tour de Garde a encouragé et exhorté les frères à persévérer avec patience. Ainsi, dans La Tour de Garde (angl.) du 1er janvier 1914, le pasteur Russell a mis en parallèle la situation où se trouvaient les premiers disciples de Jésus et celle des chrétiens qui allaient entrer dans l’année significative de 1914. Voici ce qu’il a dit:

      Nous savons que, de ce côté-​là, le peuple de Dieu a connu des déceptions. (...) Alors que l’Église [primitive] subissait ses premières persécutions, on croyait que ceux qui souffraient ne tarderaient pas à entrer dans la gloire. On pensait que le Royaume était proche. Parmi ceux qui furent déçus, certains continuèrent à attendre, à espérer et à prier. D’autres organisèrent le grand système papal, et ils déclarèrent que l’Église devait connaître la gloire maintenant (...).

      Nous ne pouvons lire les signes des temps avec la même certitude absolue que les données doctrinales, car, dans les Écritures, le temps n’est pas aussi nettement énoncé que les doctrines fondamentales. Nous marchons encore par la foi et non par la vue. Pourtant, nous ne sommes pas sans foi ni incroyants, mais nous croyons et nous attendons. Si, par la suite, il devait s’avérer que l’Église n’a pas été glorifiée d’ici octobre 1914, nous tâcherons de nous contenter de la volonté du Seigneur, quelle qu’elle soit. (...) Nous croyons que la chronologie est une bénédiction. Si elle devait nous réveiller (...) plus tôt le matin que nous ne nous serions éveillés autrement, tant mieux! Ce sont ceux qui demeurent éveillés qui obtiendront la bénédiction. (...)

      Si, dans sa providence, le Seigneur faisait venir ce temps vingt-cinq ans plus tard, alors la volonté du Seigneur serait également la nôtre. Cela ne changerait rien aux faits que le Fils de Dieu fut envoyé par le Père, qu’il est le rédempteur de notre espèce, que c’est lui qui est mort pour nos péchés, que c’est lui qui choisit l’Église pour en faire son Épouse, et que la chose qui doit encore venir, c’est l’établissement du glorieux Royaume placé entre les mains de ce grand Médiateur, qui (...) bénira toutes les familles de la terre. Ces faits restent les mêmesa.

      En mai, le pasteur Russell s’est de nouveau référé aux prophéties dont on attendait l’accomplissement. Une fois de plus, il a mis ses lecteurs en garde contre le caractère incertain des prophéties chronologiques. Citons encore La Tour de Garde:

      Le Seigneur déclare par le prophète David (Psaume 149:5-9, Da): “Que les saints se réjouissent de la gloire, qu’ils exultent avec chant de triomphe sur leurs lits! Les louanges de Dieu sont dans leur bouche, et une épée à deux tranchants dans leur main, pour exécuter la vengeance contre les nations, (...) pour exécuter contre eux le jugement qui est écrit. Cette gloire est pour tous ses saints.” Jusqu’ici nous n’avions pas mis en doute que cette description de la gloire des saints s’applique à ceux qui se trouvent de l’autre côté du voile, après l’accomplissement de la première résurrection. [Il entend après que ceux-ci auront accédé au ciel.] Mais un examen approfondi de ces paroles nous prévient de ne pas être trop sûrs de nous-​mêmes quant à une telle supposition. Nous suggérons comme une simple possibilité qu’un temps puisse venir où une partie des saints se trouvera dans la gloire, de l’autre côté du voile, alors que ceux qui sont encore dans la chair, de ce côté-​ci du voile, entreront pleinement dans la joie de leur Seigneur et dans la participation de son œuvre. (...)

      Mais le mot lits signifierait ici, en harmonie avec l’emploi qui en est fait ailleurs dans la Bible, un repos de la foi, c’est-à-dire que ces saints se trouvaient au repos au milieu de conditions adverses. (...)

      De plus, alors que, d’après la prophétie, les louanges de Dieu sont dans leur bouche, ils tiennent dans leur main une épée à deux tranchants. Ici, comme ailleurs, cette “épée à deux tranchants” est évidemment la Parole de Dieu. Nous avons de la peine à nous figurer que les saints de l’autre côté du voile se servent de la Parole de Dieu. Cela semble indiquer, au contraire, que les saints décrits dans le passage biblique se trouvent de ce côté-​ci du voile et se servent de l’épée de l’esprit, qui est la Parole de Dieu, tout en faisant retentir les louanges de Dieu pour ôter de son nom le déshonneur dont il a été entaché par l’ignorance, la superstition et les croyances de l’âge des ténèbresb.

      L’ŒUVRE DIVINE SE POURSUIVRA PROGRESSIVEMENT

      Au début de l’année suivante, Russell s’est de nouveau référé au Psaume 149, en ces termes:

      L’expression “pour exécuter contre eux le jugement qui est écrit” (...) paraît indiquer que les saints, de ce côté-​ci du voile, ont une mission à remplir à l’égard du jugement qui va être exécuté sur les nations. Quelle est la portée exacte de ce texte à ce sujet, nous ne le savons pas encore. Rien, dans ce passage, ne s’oppose à la pensée d’après laquelle l’œuvre proprement dite du Royaume du Seigneur a commencé à s’accomplir; l’ébranlement des nations actuelles est, croyons-​nous, dirigé par le Royaume. (...)

      Nous estimons que, jour après jour, nous devons examiner les preuves qui s’ajoutent successivement, nous permettant de voir que les temps des nations sont expirés et que l’œuvre du Royaume de Dieu a commencé. (...) Dans le grand jour actuel du Seigneur, tout ce qui est ébranlable sera ébranlé jusqu’à sa ruine complète; car rien de ce qui est inique et indigne d’exister ne subsistera. C’est Dieu lui-​même qui est l’auteur de l’ébranlement généralc.

      Dans La Tour de Garde (angl.) du 1er novembre 1914, Russell insiste une fois de plus sur la patience. Il écrit:

      Notre Seigneur nous fait voir qu’à sa seconde venue tous ses serviteurs qui auront le cœur bien disposé entendront quand il frappera à la porte; s’ils lui ouvrent immédiatement, il entrera et soupera avec eux. (...)

      Lorsque parut l’année 1875, est-​ce que tout fut accompli dans l’espace de 24 heures? Évidemment pas. Tous les véritables chrétiens s’éveillèrent-​ils à la même minute? Ne se sont-​ils pas plutôt éveillés tout au long de la moisson? Quelques-uns d’entre nous se sont même éveillés depuis peu de temps; (...)d.

      Puis, après avoir passé en revue les nombreux événements qui ont marqué la période de quarante ans de moisson qui a précédé 1914, Russell poursuit:

      Nous n’entrerons pas dans de plus amples détails, nous désirons simplement faire voir que ces prophéties ne se sont pas accomplies soudainement, mais graduellement, qu’elles commencèrent à une époque marquée et que leur accomplissement était certain. Que devons-​nous penser du futur si on tient compte des enseignements du passé? (...)

      Devons-​nous penser que le Seigneur allait paraître à l’instant précis où les temps des nations étaient expirés? Certes pas. La Bible nous dit que “Jésus apparaîtra (...) au milieu d’une flamme de feu”. Combien de temps s’écoulera-​t-​il exactement après la période ci-dessus mentionnée jusqu’au moment où Christ se révélera au milieu d’une flamme de feu, nous ne le savons pas. (...)

      L’œuvre de la moisson pendant la présence (parousia) de notre Seigneur s’est poursuivie progressivement jusqu’à aujourd’hui pendant quarante ans; si maintenant le temps de la fin [doit se dérouler] peu à peu, quelle doit être la durée de la période pendant laquelle les institutions actuelles seront abolies et le présent ordre de choses condamné et détruit pour faire place au règne de la justice? D’après ce que nous venons de voir, nous pensons que cette période de transition durera un bon nombre d’annéese.

      Enfin, dans l’édition anglaise du 15 décembre 1914, le pasteur Russell cite I Thessaloniciens 5:4, 5, et y ajoute les commentaires encourageants que voici:

      Dieu a promis qu’il donnerait, à ses vrais enfants, la lumière au temps marqué, et que ceux-ci auraient la joie de comprendre son Plan au moment propice. (...) Même si le temps où nous serons changés n’arrivait pas d’ici dix ans, que devrions-​nous demander de plus? Ne sommes-​nous pas un peuple béni et bienheureux? Notre Dieu n’est-​il pas fidèle? Si quelqu’un connaît quelque chose de mieux, qu’il l’accepte. Si jamais quelqu’un d’entre vous trouvait quelque chose de mieux, nous espérons qu’il ne manquerait pas de nous le faire savoir. Nous, nous ne connaissons rien de mieux, ni rien qui vaille la moitié de ce que nous avons trouvé dans la Parole de Dieuf.

      DU TRAVAIL POUR TOUS

      Le pasteur Russell ne se contentait pas d’exhorter les frères à persévérer avec patience, mais il les encourageait également à rester actifs dans le service divin et à s’acquitter assidûment de la tâche qui leur incombait. Au début de 1915, il écrit dans La Tour de Garde:

      Quelques enfants de Dieu croient que la porte est fermée, qu’il n’est plus possible de servir le Seigneur, aussi, ils négligent son œuvre. Nous n’avons pas de temps à perdre en nous imaginant que la porte est fermée. Il y a des gens qui cherchent la vérité et qui sont dans l’obscurité. Aucune époque n’a été comparable à ce temps-​ci: jamais autant de personnes n’ont été disposées à entendre le bon message. Pendant les quarante ans du temps de la moisson, on n’a jamais eu des occasions de proclamer la vérité comme maintenant. La formidable guerre actuelle et les signes significatifs des temps réveillent les gens et ces derniers commencent à s’informer de ces choses. Les enfants du Seigneur doivent donc être très vigilants et faire tout leur possible pour accomplir la tâche qu’ils ont devant euxg.

      Sans cesse encouragés, les témoins de Jéhovah avaient alors toute raison de rester inébranlables et de porter leurs regards pleins d’assurance vers les années à venir. C’est ce que beaucoup d’entre eux ont d’ailleurs fait. Cependant, l’opposition déjà croissante allait encore s’intensifier. Même si c’était là un temps de grandes épreuves, ceux qui étaient vigilants et désireux de faire la volonté divine ne manquaient pas d’encouragements pour rester fermes et inébranlables en prévision des bénédictions encore en réserve.

      Le pasteur Russell était lui-​même persuadé que le peuple de Dieu allait au-devant d’une grande œuvre. Ceux de ses proches collaborateurs encore en vie se plaisent à raconter combien son regard perspicace pénétrait l’avenir. Russell leur disait de se tenir prêts à recevoir ceux qui viendraient grossir les rangs. Pour consolider l’organisation, il a lui-​même procédé à certains changements et en a recommandé d’autres pour quand il ne serait plus là. Il savait que le jour viendrait où tous les frères ne pourraient plus se réunir en une seule congrégation à Brooklyn, mais où ils se réuniraient alors en de nombreuses congrégations dans tous les quartiers de New York. En revanche, Russell ne se doutait guère par où il faudrait encore passer avant que ne puisse s’accomplir la grande œuvre qu’il avait prévue.

      Alors que l’année 1915 touchait à sa fin et que commençait 1916, il sentait qu’il ne lui restait plus beaucoup de temps à consacrer à son ministère personnel auprès du troupeau de Dieu. Sa santé déclinait rapidement, et il lui était de plus en plus difficile de s’acquitter des nombreuses tâches qui le sollicitaient de toutes parts. Mais il ne s’inclinait pas. Presque tout seul, il avait pu tenir tête au monde religieux de la chrétienté, grâce à la vigueur de son caractère et à la fermeté de sa foi chrétienne. C’est surtout au début de son ministère que ces qualités lui ont permis, avec l’aide de l’esprit de Dieu, de résister à toutes les influences corruptrices venues du sein de l’organisation. Et à présent, ces mêmes qualités le soutenaient et l’empêchaient de s’écarter, au terme de sa vie, du service de Jéhovah qui lui était si cher.

      En automne 1916, sa santé était devenue extrêmement précaire. Russell tenait néanmoins à effectuer la tournée de conférences prévue en Californie et dans le littoral du Pacifique. Avec son compagnon, il a quitté New York le lundi 16 octobre pour se rendre à Chicago en passant par le Canada et la ville de Detroit. Puis, tous deux ont traversé le Kansas pour descendre jusqu’au Texas. À plusieurs occasions, le secrétaire et compagnon de voyage de Russell a dû prendre la parole à sa place. Enfin, le mardi soir 24 octobre, à San Antonio, au Texas, le pasteur Russell a prononcé sa dernière conférence publique. Par trois fois, il a été obligé de quitter l’estrade pendant quelques instants et de laisser à son secrétaire le soin de continuer.

      DÉCÈS DE CHARLES TAZE RUSSELL

      C’est à Los Angeles, en Californie, qu’il a pris la parole pour la dernière fois, le 29 octobre 1916, pour parler aux frères. Il était alors si faible qu’il a été obligé de prononcer son discours assis. Se rendant compte que sa santé ne lui permettrait pas d’aller plus loin, il s’est décidé à annuler ses autres engagements et à rentrer au Béthel de Brooklyn aussi vite que possible. Il devait toutefois mourir en route à Pampa, au Texas, le mardi 31 octobreh.

      Voici l’avis annonçant sa mort, tel qu’il a paru dans La Tour de Garde (angl.) du 15 novembre 1916:

      La mort subite du pasteur Charles Taze Russell, rédacteur de LA TOUR DE GARDE, a causé une profonde émotion chez les nombreux amis qu’il comptait dans le monde entier. Les centaines de lettres et de télégrammes reçus prouvent combien étaient grands l’amour et l’estime qu’on lui rendait. Tous expriment le vif désir de contribuer à la poursuite de la grande cause qu’il avait défendue pendant tant d’années.

      Frère Russell quitta Brooklyn le soir du 16 octobre pour remplir des engagements dans l’Ouest et le Sud-Ouest, mais, pour cause de maladie, il fut obligé de reprendre le chemin du retour avant la date prévue.

      Il décéda à Pampa, au Texas, à bord du train de Santa-Fé. Frère Menta Sturgeon, qui l’avait accompagné dans ce voyage en qualité de secrétaire, télégraphia cette nouvelle au siège central de la WATCH TOWER BIBLE AND TRACT SOCIETY à Brooklyn, et ajouta: “Il mourut en héros.”

      Son corps fut exposé le samedi au Béthel et au “Temple” pendant toute la journée du dimanche.

      L’après-midi à 14 heures, le service funèbre fut célébré pour la congrégation, tandis que le soir un service eut lieu pour le public.

      Vers minuit, son corps fut transféré à Allegheny, en Pennsylvanie, pour être exposé au Carnegie Hall où, le lundi après-midi à 14 heures, un service funèbre fut célébré par la congrégation de Pittsburgh, dont frère Russell avait été pasteur titulaire pendant de nombreuses années.

      Selon son vœu, l’enterrement eut lieu dans les cimetières réunis de Rosemont, à Allegheny, dans la parcelle appartenant à la famille du Béthel.

      Nous sommes heureux à la pensée que, au lieu de dormir dans la mort, comme les saints du passé, il est du nombre de ceux dont il est dit que “leurs œuvres les suivent”. Il a rencontré notre bien-aimé Seigneur dans les airs, celui qu’il a tant aimé au point de donner sa vie fidèlement dans son servicei.

      Ainsi a pris fin la longue carrière de ce ministre chrétien vraiment dynamique et fidèle. Peu d’hommes ont connu les privilèges de service dont a joui le pasteur Russell et dont il ne s’est pourtant jamais attribué le mérite. Quant aux témoins de Jéhovah, ils n’honorent pas non plus sa personne, mais ils reconnaissent que son service fidèle et sa vie intègre à travers toutes sortes d’épreuves fournissent un récit encourageant que tout le monde ferait bien de considérer. En sa qualité de premier président de la Watch Tower Bible and Tract Society, C. T. Russell a été au service des témoins de Jéhovah pendant trente-deux ans. On dit qu’il a parcouru presque deux millions de kilomètres en tant que conférencier et qu’il a prononcé plus de 30 000 sermons. Ses livres comptent plus de 50 000 pages au total. Certains mois, il dictait jusqu’à mille lettres. Il dirigeait lui-​même chaque service d’une œuvre d’évangélisation mondiale qui employait 700 prédicateurs. Enfin, il a élaboré le Drame biblique le plus extraordinaire que l’on ait jamais vuj.

      LOÏS: Vraiment, il est étonnant qu’un seul prédicateur et éditeur ait pu accomplir tant de choses. Il n’est pas difficile de comprendre qu’il se soit épuisé dans une œuvre aussi astreignante. Voilà un homme digne d’admiration. J’imagine que sa mort a dû laisser un grand vide dans l’organisation.

      JEAN: En effet, sa perte a été durement ressentie pendant quelque temps. Hors du service funèbre, plusieurs de ses proches amis et collaborateurs ont souligné combien cette perte était grande. Voici l’hommage que J. F. Rutherford a rendu à Russell, dans son discours funèbre:

      Homme de cœur entièrement dévoué au Seigneur, ayant une constitution robuste et un cerveau fertile, il consacra toutes ses forces à prêcher aux hommes le grand message du Royaume du Messie et les bénédictions que celui-ci apportera au mondek.

      UNE DESCRIPTION IMPARTIALE

      Les hommes de la chrétienté n’approuvaient pas cet hommage rendu au pasteur Russell. Certains de ses ennemis l’ont haï après sa mort presque autant que de son vivant. Ils ont été si implacables dans leurs attaques contre lui que son nom est encore entaché de préjugés. Néanmoins, les faits sont là pour parler en sa faveur. C’est ce qui ressort de cette description impartiale rédigée quarante ans après sa mort:

      Il y a de quoi s’étonner qu’aucune histoire de Pittsburgh n’ait jamais mentionné le nom de Charles Taze Russell, car aucun homme de cette ville, pas même Andrew Carnegie, n’a exercé une influence aussi puissante que la sienne. (...)

      Il a fondé le seul grand mouvement religieux qui ait fait son apparition dans le district de Pittsburgh au cours des cent dernières années, mouvement qui a atteint une portée mondiale et qui, dans de nombreux pays, représente encore l’une des organisations religieuses au plus fort accroissement. (...)

      Le pasteur Russell, (...) un nom aussi sincèrement aimé et aussi implacablement haï comme il n’y en a guère dans l’histoire des États-Unis.

      Pendant des années, ce nom a fait l’objet des controverses les plus acharnées qui aient jamais divisé le monde chrétien, et ces controverses persistent encore, quoique son nom ne revienne plus si souvent dans les discussions. (...)

      Tout au long de sa vie, il avait dit à ses disciples de ne voir en lui qu’un des leurs, guidé par Dieu. Et il leur enseigna si bien cela que son œuvre passa entre les mains d’autres hommes sans marquer à peine un temps d’arrêt. Quant à la maison d’édition fondée par le pasteur Russell, elle ne publia jamais de biographie de luil.

      LOÏS: Le fait que le monde cherche à ignorer le nom de Russell parle peut-être en sa faveur. Tous les serviteurs de Dieu des temps anciens semblent avoir eu bien peu d’importance aux yeux du monde, et pourtant leurs œuvres subsistent. Certes, le pasteur Russell ne semble pas échapper à la règle. Mais n’avez-​vous vraiment jamais publié de biographie de lui?

      JEAN: Non. Voyez-​vous, les témoins de Jéhovah admirent les qualités que le pasteur Russell possédait en tant qu’homme, mais lui rendre honneur serait lui attribuer également le mérite du succès de l’œuvre. Or, pour eux, c’est l’esprit divin qui guide et qui dirige le peuple de Dieu.

      Cette attitude a été une pierre d’achoppement pour certains. Car ce sont précisément les qualités que Russell possédait, et que beaucoup de membres de l’organisation admiraient alors tellement, qui allaient devenir une véritable épreuve pour eux, au point de les faire échouer dans leur persévérance et de leur faire chercher l’occasion de se dresser contre le successeur de Russell, c’est-à-dire contre le nouveau président de la Société Watch Tower, J. F. Rutherford, et contre la Société elle-​même.

      [Notes]

      a a w 1914, p. 4.

      b b w 1914, p. 135.

      c c wF 1915, p. 29.

      d d Ibid., p. 11.

      e e Ibid., p. 12.

      f f w 1914, p. 377.

      g g wF 1915, p. 31.

      h h w 1916, pp. 360-366.

      i i w 1916, p. 338 [voir aussi wF 1916, p. 82].

      j j Études des Écritures, tome VII, p. 69; voir aussi Press de Pittsburgh, Pennsylvanie, 23 août 1953, supplément, p. 6. Voir les articles biographiques dans w 1917, pp. 131-136, 323-326; wF 1917, pp. 34, 39, 40; Journal pour Tous, 24 décembre 1916.

      k k w 1916, p. 373. Pour le compte rendu publié le 6 janvier 1917 dans la presse de Pittsburgh, sous le titre “Le juge Joseph F. Rutherford succède au pasteur Russell”, voir la réimpression spéciale de l’édition commémorative de La Tour de Garde (angl.) du 1er décembre 1916, pp. 383, 384.

      l l Where Else but Pittsburgh!, par George Swetnam (Pittsburgh, 1958: Davis & Warde, Inc.), pp. 110, 116.

      [Illustrations, page 63]

      CHARLES T. RUSSELL EN 1906.

      JOSEPH F. RUTHERFORD EN 1915.

  • Un changement d’administration: une épreuve pour les serviteurs de Dieu
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 11

      Un changement d’administration: une épreuve pour les serviteurs de Dieu

      THOMAS: Est-​ce que J. F. Rutherford a immédiatement succédé au pasteur Russell comme président de la Société?

      JEAN: Non, pas tout de suite, Thomas. Pour permettre à l’œuvre de se poursuivre pendant les mois de novembre et de décembre 1916, on a d’abord institué un comité exécutif de trois membres. Cette administration transitoire, chargée de gérer les affaires de la Société, se composait du vice-président Ritchie, du secrétaire-trésorier Van Amburgh et du conseiller juridique Rutherforda.

      Cette façon d’agir traduisait bien l’incertitude qui régnait dans l’esprit même de ceux qui formaient alors le collège central des témoins de Jéhovah. Elle présageait en outre les années de crise que le peuple de Dieu allait traverser à cause de certains éléments hostiles et égoïstes qui, en provoquant des pressions au sein de l’organisation, amèneraient le jugement divin et la purification. C’est ainsi que Satan, qui se tient toujours aux aguets pour disloquer l’organisation du peuple de Dieu et pour entraver la proclamation de la bonne nouvelle du Royaume, s’est empressé de susciter un esprit de rébellion chez certains éléments travaillant au bureau central de l’organisation, à Brooklynb. Tous ces agissements étaient des preuves de la période critique de deuil et d’opprobre qui devait mettre en péril l’existence même de l’organisation. Les témoins de Jéhovah savaient qu’ils allaient au-devant d’un temps de détresse. Mais, dans sa miséricorde, Jéhovah leur a voilé les yeux quant à l’ampleur des tribulations que la maison de Dieu aurait à subir pendant ce temps critique de jugement.

      L’assemblée générale suivante de notre Société était fixée au 6 janvier 1917. Elle avait pour tâche d’élire, cette année-​là, son nouveau président en remplacement de C. T. Russell. Cette assemblée réunissait 600 personnes qui disposaient, elles-​mêmes ou par procuration, d’environ 150 000 voix.

      THOMAS: Que fallait-​il faire, Jean, pour se procurer le droit de voter à cette assemblée générale?

      JEAN: En ce temps-​là, il suffisait de verser dix dollars à la Société pour avoir droit à une voix. Si, jadis, le pasteur Russell avait pu disposer de 25 000 voix à la plupart des assemblées générales de la Société, c’est parce qu’il avait versé, de son vivant, environ 250 000 dollars. Mais, conformément à la loi, toutes ses voix se sont éteintes le jour de sa mort. Pour revenir aux 150 000 voix qui allaient être émises par l’assemblée générale de 1917, on peut dire que leurs détenteurs avaient, un jour ou l’autre, versé 1 500 000 dollars à la Société pour son œuvre de prédication. En 1944 cependant, lorsque cette façon de voter a été amendée, on a supprimé la possibilité d’acquérir des voix par des dons versés à la Sociétéc. À présent, chaque votant ne dispose plus que d’une seule voix.

      Or, à l’assemblée historique de 1917, J. F. Rutherford a été élu président à l’unanimité. W. E. Van Amburgh a été élu secrétaire-trésorier et A. N. Pierson, originaire du Connecticut, a été élu vice-présidentd. Le lendemain, un dimanche, le nouveau président a pris la parole devant 1 500 personnes venues assister, à Pittsburgh, à une réunion spéciale organisée pour la circonstance. Voilà comment Rutherford a commencé d’administrer notre Société dont il devait assumer la gestion pendant vingt-cinq ans.

      THOMAS: Pendant que nous y sommes, ne pourriez-​vous pas nous décrire un peu plus longuement la personne de Rutherford?

      LES ORIGINES DE J. F. RUTHERFORD

      JEAN: Mais certainement. Joseph Franklin Rutherforde est né de parents baptistes, le 8 novembre 1869, dans une ferme à Morgan County, dans le Missouri. Il avait seize ans quand son père a bien voulu le laisser entreprendre des études de droit, mais à condition qu’il subvienne à ses propres besoins. Étant agriculteur, son père n’avait pas les moyens de lui payer des études. Il lui a également demandé de trouver et de payer lui-​même quelqu’un qui ferait le travail à sa place. Son père pensait qu’il n’arriverait pas à se tirer d’affaire, et qu’il serait bel et bien obligé de devenir agriculteur à son tour. Décidé comme il l’était, le jeune Rutherford a cependant cherché à obtenir sur parole un prêt lui permettant de payer à la fois ses études et la personne qu’il avait engagée pour le remplacer à la ferme.

      Ainsi donc, Rutherford a réussi à payer toutes ses études lui-​même. Il a aussi appris la sténographie, dont il s’est servi jusqu’à sa mort avec une grande maîtrise. Vers la fin de sa vie, il notait rapidement en sténo les nombreuses pensées qui lui venaient à l’esprit pour La Tour de Garde et les transcrivait par la suite. En plus de ses études, il était déjà devenu sténographe près un tribunal. Cette occupation lui a permis de payer ses derniers cours. Tout en prenant les débats en sténo, il acquérait de l’expérience pratique et poursuivait ses études de droit.

      Celles-ci terminées, il a fait un stage de deux ans dans le cabinet du juge E. L. Edwards. Puis, à l’âge de vingt ans, il a été nommé rapporteur officiel près les tribunaux de la Quatorzième Circonscription judiciaire du Missouri. À vingt-deux ans, il a été admis au barreau du Missouri et a ouvert une étude d’avocat à Boonville, dans le Missouri. Il a été alors avocat plaidant de la Maison Draffen et Wright. Par la suite, il a rempli pendant quatre ans les fonctions de procureur général de Boonville, puis celles de juge spécial de cette même Quatorzième Circonscription judiciaire du Missouri. En cette qualité, il lui est arrivé de siéger comme juge suppléant dans nombre de procès en remplacement du juge régulier, lorsque celui-ci tombait maladef.

      Ainsi, le juge Rutherford a exercé le droit dans l’État du Missouri pendant quinze ans. Son étude d’avocat donnait satisfaction et il était même admis, comme avocat spécial, à plaider devant la Cour suprême des États-Unis, à Washington. En 1894, il est entré en contact avec des représentants de la Société Watch Tower.

      LOÏS [Elle l’interrompt]: Si mes souvenirs sont exacts, Marie nous a lu la lettre qu’il a écrite à la Sociétég.

      JEAN: C’est juste. Et douze ans plus tard, soit en 1906, Rutherford a voué sa vie à Jéhovah Dieu. Il devenait ainsi, en plus d’avocat, ministre chrétien ordonné.

      Nommé avocat de la Société Watch Tower en 1907, Rutherford allait désormais plaider les affaires du bureau central de Pittsburgh. Parallèlement, il parcourait le pays pour donner des conférences publiques comme n’importe quel frère pèlerin représentant la Sociétéh. En 1909, quand la Société a transféré son bureau central à New York, c’est lui qui a eu la tâche de négocier ce transfert; vous vous en souvenez certainement. À cet effet, il a postulé et obtenu son admission au barreau de l’État de New York. Le 24 mai de la même année, Rutherford a été admis, en cette nouvelle qualité, à plaider devant la Cour suprême des États-Unis.

      LE NOUVEAU PRÉSIDENT RELANCE L’ŒUVRE

      THOMAS: Une fois devenu président de votre Société, qu’est-​ce que Rutherford a entrepris pour relancer l’œuvre?

      JEAN: Rutherford était de ceux qui se mettent immédiatement à l’ouvrage. Il était pleinement d’accord avec Russell qui avait toujours préconisé que les témoins ne devaient jamais manquer de besogne et que l’œuvre de prédication formait la partie essentielle de leur activité chrétienne. C’est d’ailleurs pourquoi il a aussitôt réorganisé le bureau central de la Société Watch Tower, à Brooklyn, et qu’il s’est mis à réanimer l’œuvre du champ qui était en régressioni.

      Les changements qu’il y a apportés et les programmes qu’il a établis correspondaient tout à fait à ceux que Russell avait amorcés de son vivant. Le nombre des représentants itinérants de la Société, appelés “frères pèlerins”, est passé de 69 à 93. À l’époque, ceux-ci avaient pour tâche de visiter et d’affermir plus d’un millier de congrégations. Leur activité était d’autant plus nécessaire que les témoins de Jéhovah vivaient alors un temps de grandes épreuves et qu’il fallait les aider à garder un esprit optimiste pour reconnaître la valeur des occasions de service futures. Une autre possibilité d’exhorter les frères consistait à les encourager à distribuer gratuitement les tracts de la Société devant les églises certains dimanches, et par des visites régulières de maison en maison. Rien qu’en 1917, il a été distribué 28 665 000 exemplaires gratuits d’un nouveau journal mensuel de quatre pages, intitulé “L’Étudiant de la Bible” (The Bible Students Monthly).

      Une autre activité, entreprise par le pasteur Russell et appelée “l’œuvre pastorale”, avait aussi besoin d’être élargie et intensifiée. Du vivant de Russell, celle-ci se limitait à quelque 500 congrégations qui avaient élu Russell comme leur pasteur. Dans une circulaire adressée à ces groupements, il avait décrit cette activité comme une “œuvre importante permettant de rester en contact avec les personnes qui ont laissé leur adresse lors des conférences publiques et des représentations du Photo-Drame, ou qui figurent sur les listes dressées par les colporteurs, etc.”.

      Voici comment il fallait procéder: L’exécution de l’œuvre pastorale étant confiée spécialement aux sœurs, chaque congrégation devait élire démocratiquement un comité de deux membres, soit une présidente et une secrétaire-caissière. Il fallait partager la ville en parties de territoire et les attribuer à chaque sœur qui s’engageait à rendre visite aux personnes dont on avait relevé le nom. Le but de ces visites était de prêter des livres aux personnes qui montraient de l’intérêt, et qui désiraient les lire et les étudier. D’autres moyens encore permettaient d’encourager les gens à faire des progrès grâce à une meilleure connaissance de la vérité. On notait soigneusement sur les rapports l’intérêt rencontré, en spécifiant si la personne allait assister à l’une des conférences sur le Divin plan des âges, et d’autres renseignements. Pour aider les sœurs, on leur montrait diverses façons de se présenter aux portes. On leur donnait aussi des suggestions sur la manière de vaincre les préjugés et de se procurer les noms d’autres personnes encore qui pourraient s’intéresser au message. En concluant la visite, la sœur faisait savoir à son interlocuteur qu’une conférence sur le Divin plan des âges allait être donnée dans le quartier. On encourageait les personnes qui manifestaient de l’intérêt à venir écouter la conférence. Une fois qu’elles étaient venues, on les revisitait dans l’intention de commencer une étude dans le premier volume des Études des Écrituresj.

      THOMAS: Avant que vous passiez à autre chose, j’aimerais savoir ce qu’il faut entendre par “conférence sur le Divin plan des âges”. Vous avez mentionné cette expression à plusieurs reprises.

      JEAN: Il s’agissait d’une série de discours publics au cours desquels on expliquait un tableau élaboré par la Société. Celui-ci représentait graphiquement certains événements chronologiques et les “âges” ou grandes étapes du “plan de Dieu”, c’est-à-dire des desseins divins à l’égard de l’humanité. Les demi-cercles représentaient les “âges”, tandis que les lignes horizontales superposées indiquaient les degrés ou positions relatives que diverses classes occupent devant Jéhovah. On dressait ce tableau (ou “carte des âges”) devant le public, et l’orateur en expliquait les différents points, baguette en main. Même si la matière était ardue et quelque peu technique, la plupart des frères arrivaient fort bien à l’expliquer. Et, chose essentielle, ces discours contribuaient largement à intéresser les gens aux grands desseins de Jéhovah, tels que nous pouvions alors les comprendre.

      Tout à l’heure, j’ai eu l’occasion de vous dire que l’œuvre pastorale a été élargie et intensifiée après la mort de Russell. On encourageait désormais toutes les congrégations à prendre part à cette activiték. De plus, le nombre des colporteurs ou pionniers a été porté de 373 à 461. Pour seconder ces pionniers dans leur activité, la Société s’est mise, au début de 1917, à publier chaque mois des instructions de service tout spécialement à leur intention. Ces instructions, qui émanaient du bureau central, figuraient sur un double feuillet appelé “Le bulletinl”. Puis, dans le cadre de cette campagne de rajeunissement, on a tenu plusieurs réunions régionales qui devaient servir, elles aussi, à encourager les frères à poursuivre l’œuvre et à ne pas se lasser de faire le bien.

      THOMAS: On peut dire que Rutherford avait là un programme salutaire. Mais où en était le programme des réunions publiques sur lequel Russell avait insisté peu avant 1914?

      JEAN: Rutherford l’estimait indispensable pour l’organisation. Aussi a-​t-​il pris des dispositions pour que toujours plus d’orateurs qualifiés puissent représenter la Société devant le grand public. Ce résultat devait être atteint grâce à une disposition nouvelle: les questions VDM. Ces initiales viennent du latin Verbi Dei Minister et signifient “ministre de la Parole de Dieua”.

      Il s’agissait, en l’occurrence, d’un questionnaire accessible à tous les hommes faisant partie de la congrégation, que l’on voulait encourager et aider à mieux se qualifier dans le service grâce à la connaissance exacte des desseins divins. En répondant à ces questions imprimées, il fallait obtenir au moins 85 points sur 100 pour se qualifier comme orateur et être reconnu apte à prendre la parole sur les différentes matières. La Société autorisait les frères qui avaient réussi cet examen à la représenter, soit pour prononcer les conférences publiques sur le Divin plan des âges dans le cadre de la congrégation locale, soit pour s’adresser au grand public.

      Le questionnaire comportait vingt-deux questions bibliques pertinentes dont voici la première: “Quelle fut la première création de Dieu?” La question clé portait sur la rançon. Il était essentiel de savoir ce que le Christ accomplirait à la fin du règne millénaire. Ces questions donnaient un aperçu de toutes les doctrines révélées jusque-​là. Certaines se rapportaient au passé et à la conduite du candidat, à sa conversion, à son offrande, à son baptême et à l’étendue de ses connaissances acquises par l’étude de la Bible au moyen des écrits de la Société.

      ON DISCERNE LE SERVITEUR FIDÈLE

      THOMAS: Tout à l’heure, Jean, vous nous avez parlé de difficultés qui avaient surgi au bureau même de Brooklyn. D’après vous, elles présageaient que le peuple de Dieu allait connaître une grave période de jugement. Or, cette opposition interne se dressait-​elle surtout contre Rutherford ou plutôt contre le programme de service qu’il venait d’élaborer?

      JEAN: Il fallait plutôt en chercher la cause profonde dans le changement d’administration. Certains avaient beau dire que le désaccord provenait du choix des personnes, en réalité tout tournait autour de leur ambition. C’est que Rutherford était un homme tout autre que Russell. Certes Russell avait été énergique, positif et tourné vers le progrès; néanmoins il avait toujours été aimable, chaleureux et plein de tact dans ses relations avec tous ceux qui étaient dans l’organisation. Le juge Rutherford était d’une nature différente. Il était chaleureux et bon envers ses collaborateurs, mais il pouvait aussi être brusque et direct. Tout ce qui lui était arrivé dans sa jeunesse et sa carrière d’avocat et de juge avait fait de lui un homme qui s’attaquait immédiatement au fond du problème, ce qui n’a pas manqué de blesser certains frères qui avaient affaire avec lui. Nombreux étaient ceux qui avaient vu Russell jouer un rôle important dès le début de l’œuvre. Pour eux, il était plus que le simple représentant de l’organisation; ils l’admiraient en tant qu’homme. Cela n’avait pas échappé à Rutherford. Mais pour lui, le président de la Société ne devait être que l’instrument chargé d’assurer le maintien de l’organisation tout entière dans la position de serviteur de Dieu. D’après lui, il incombait au président de veiller à ce que ce serviteur soit équipé pour effectuer l’œuvre que Dieu lui a confiée.

      THOMAS: Quelle avait été l’opinion de Russell sur ce point?

      JEAN: Russell avait reconnu qu’une certaine responsabilité reposait sur tous les chrétiens qui disaient faire partie du corps du Christ et qui s’attendaient à rejoindre le Christ au ciel. Pour ce qui est de l’organisation elle-​même, en 1881 déjà Russell avait compris que le “serviteur” dont Dieu avait dit qu’il le choisirait pour lui confier l’œuvre à effectuer se composait du corps tout entier des disciples oints de Jésus-Christ. Voici ce qu’il a écrit dans La Tour de Garde de cette année-​là:

      Nous croyons que chaque membre de ce corps du Christ est engagé, soit directement ou indirectement, dans cette œuvre bénie qui consiste à donner la nourriture au temps convenable à la famille de la foi. “Quel est donc le serviteur fidèle et prudent, que son maître a établi sur ses gens, pour leur donner la nourriture au temps convenable?” N’est-​ce pas ce “petit troupeau” de serviteurs consacrés qui accomplissent fidèlement leur vœu de consécration, — le corps du Christ, — et n’est-​ce pas tout le corps qui, individuellement et collectivement, dispense la nourriture au temps convenable à toute la maison de la foi, aux nombreux croyants?

      Heureux ce serviteur (tout le corps du Christ), que son maître, à son arrivée (grec, élthôn), trouvera faisant ainsi! “Je vous le dis en vérité, il l’établira sur tous ses biens.” Il héritera toutes ces chosesb.

      Avec le temps, cet enseignement s’est perdu et toute l’attention s’est portée, peu à peu, sur un seul hommec. La plupart des frères pensaient alors que le pasteur Russell était le “serviteur fidèle et prudent” dont parle Matthieu 24:45-47. Or cette idée allait susciter d’énormes difficultés pendant plusieurs années. Certains persistaient tellement à croire que Russell avait été ce “serviteur” que leur attitude tenait, au fond, du culte de la créature. À les entendre, toutes les vérités que Dieu désirait révéler à son peuple, il les avait révélées à Russell. Maintenant que ce “serviteur” était mort, il ne restait plus rien à révéler. En raison de cette attitude, Rutherford a été amené à extirper de l’organisation toute trace du culte de la personnalité. Voilà pourquoi, entre autres, il n’a pas cherché à obtenir la faveur des hommes; mais comme il avait observé quelle voie certains avaient choisie dans le passé, il se méfiait de ceux qui, à ses yeux, s’efforçaient de gagner ses bonnes grâces. C’est ce qui explique son attitude franche et directe dans tous ses contacts avec ses collaborateurs.

      Peu après l’élection de Rutherford comme président, il apparaissait que, dans l’organisation même, certains n’approuvaient pas ce choix. Quelques-uns estimaient, en effet, que ce poste aurait dû leur revenir à eux. Aussi ne se sont-​ils pas gênés pour chercher à évincer Rutherford, dans l’intention bien arrêtée de prendre en main les rênes de l’organisation. C’est au début de 1917, donc à peine quelques mois après l’élection de Rutherford, que cette idée a pris corps.

      LA GRAINE DE RÉBELLION EST SEMÉE

      THOMAS: S’agissait-​il d’une sorte de conspiration ou plutôt d’une controverse où chacun défendait ses propres intérêts?

      JEAN: D’abord, la semence de rébellion semblait germer chez un seul homme, mais elle s’est vite répandue et a fini par devenir une véritable conspiration. Voici de quelle façon tout a commencé.

      Quand la Première Guerre mondiale a éclaté, le pasteur Russell s’est rendu compte que la Société ferait bien d’envoyer en Angleterre un membre du bureau central pour y affermir les frères. Il avait eu l’intention d’y envoyer P. S. L. Johnson, d’origine juive, qui avait quitté le judaïsme pour se faire pasteur luthérien avant de connaître la vérité. Homme très capable, Johnson avait servi la Société en qualité d’orateur. Mais ses brillantes qualités devaient finalement provoquer sa chute.

      Du moment que Russell en avait émis le vœu, le comité transitoire qui gérait la Société avant l’élection de Rutherford a envoyé Johnson en Angleterre pour assumer la tâche prévue. Toutefois, dès son arrivée à Londres, celui-ci s’est arrogé des droits que la Société ne lui avait nullement conférés. Il s’est opposé à la ligne de conduite que suivait la Société, ainsi qu’au serviteur de filiale du bureau de Londres. Dans les discours qu’il prononçait devant les frères anglais, il se faisait passer pour le successeur du pasteur Russell et affirmait que le manteau du pasteur Russell était tombé sur lui, Johnson, tout comme le manteau du prophète Élie était tombé sur Élisée.

      Au cours des semaines qui ont suivi, il a tenté de faire passer sous son contrôle personnel toute l’œuvre en Grande-Bretagne et de s’imposer comme premier personnage parmi les frères du pays. Alors qu’il n’en avait nullement le droit, il a essayé de renvoyer certains membres de la famille du Béthel de Londres. La confusion était devenue si grande et l’œuvre se trouvait disloquée à tel point que le serviteur de la filiale s’est vu contraint de s’en plaindre à frère Rutherford, président de la Société. Celui-ci a immédiatement nommé une commission composée de plusieurs frères aînés domiciliés à Londres, mais qui ne faisaient pas partie du personnel du Béthel. Ces frères devaient entendre les faits et envoyer directement à Rutherford un rapport sur cette affaire. Cette commission s’est donc réunie. Après avoir dûment considéré les faits, elle a exprimé l’avis qu’il vaudrait mieux rappeler Johnson en Amérique, et cela pour le bien de l’œuvre en Angleterre.

      Tenant compte de cette suggestion, frère Rutherford a informé Johnson qu’il devait regagner les États-Unis. Or, Johnson a refusé tout net. Il s’est mis à écrire des lettres et à envoyer de coûteux câblogrammes dans lesquels il critiquait les frères de la commission et les accusait de parti pris au cours de leurs délibérations. Puis, par d’autres moyens encore, il a cherché à justifier la voie qu’il avait empruntée. Pour se rendre indispensable en Angleterre, il s’est servi de certains papiers que la Société lui avait fournis pour lui faciliter l’entrée en Angleterre. Enfin, il a fait bloquer les fonds de la Société, déposés dans une banque de Londres. Il a même fallu, par la suite, intenter un procès pour que la Société puisse de nouveau se servir de cet argent.

      Mais Johnson ne pouvait pas persister indéfiniment dans cette voie. Pour finir, il a dû regagner New York, où il a tout essayé pour persuader Rutherford de le renvoyer en Angleterre, car il espérait encore y reprendre ses fonctions avec de plus grandes attributions. Le jour où frère Rutherford a refusé, Johnson a cherché de l’appui auprès du conseil d’administration. Quatre membres ont finalement pris parti pour lui dans ce différend, en faisant passer frère Rutherford pour un homme qui n’avait pas l’étoffe pour être président de la Société. Or, comme le conseil d’administration ne comptait que sept membres, il fallait s’attendre à ce que la majorité du conseil s’oppose dès lors au président Rutherford, au vice-président Pierson et au secrétaire-trésorier Van Amburgh. Dans ce différend, il y avait donc d’un côté les membres du bureau de la Société, tandis que de l’autre côté s’étaient groupés les administrateurs qui cherchaient à évincer le président pour prendre en main les rênes de l’organisation.

      THOMAS: Comment pensaient-​ils arriver à leurs fins?

      JEAN: Leur intention était de subordonner le président au conseil d’administration, c’est-à-dire de faire de lui un personnage secondaire, réduit au rôle de simple conseiller. Pareille mesure ne pouvait être prise sans modifier certaines prescriptions internes, ni sans porter gravement atteinte aux statuts mêmes de la Société. Et dans ce cas, il fallait s’attendre à de graves ennuis.

      Tout au long de l’administration du pasteur Russell, le président et les autres membres du bureau étaient seuls à décider des nouvelles publications. Jamais on n’avait réuni le conseil d’administration pour le consulter à ce sujet. En assumant la nouvelle administration, frère Rutherford s’en est tenu à cette même ligne de conduite. Avec le temps, les trois membres du bureau ont donc décidé de publier le “septième volume” que l’on attendait depuis bien des années, et que Russell avait espéré écrire lui-​même avant sa mort. Ils ont pris les dispositions nécessaires pour que deux frères du bureau central, C. J. Woodworth et G. H. Fisher, puissent le compiler. La première partie de ce livre devait être un commentaire sur l’Apocalypse, tandis que la seconde serait un commentaire sur Ézéchiel. Les deux co-rédacteurs avaient pour tâche de rassembler, d’après les écrits laissés par Russell, tout ce qui avait été publié sur ces deux livres de la Bible. Le fruit de cette compilation devait paraître sous le titre “Le mystère accompli”, soit comme septième volume des Études des Écrituresd. Celui-ci contenait donc en grande partie les pensées et les commentaires que le pasteur Russell avait émis de son vivant.

      LA PARUTION DU “MYSTÈRE ACCOMPLI” PRODUIT L’EFFET D’UNE BOMBE

      C’est le 17 juillet 1917, à midi, que frère Rutherford a annoncé la parution de ce livre à toute la famille du Béthel, réunie dans la salle à manger. Respectant la coutume introduite par frère Russell, il a offert à chacun un exemplaire de ce nouveau livre. Celui-ci a produit l’effet d’une bombe. Complètement pris au dépourvu, les membres opposants du conseil d’administration ont immédiatement saisi cette occasion pour provoquer une controverse de cinq heures, portant sur la gestion des affaires de la Société.

      LOÏS: Mais que pouvaient-​ils bien objecter, puisque Russell avait espéré écrire lui-​même un septième volume? N’avez-​vous pas dit qu’il s’agissait d’une compilation faite d’après les écrits de Russell? Il me semble que leur argument n’avait guère de valeur.

      JEAN: En effet, ils n’avaient aucun motif valable pour s’y opposer, car Russell avait lui-​même déclaré: “Dès que j’en trouverai la clé, j’écrirai le septième volume; et si le Seigneur donne la clé à quelqu’un d’autre, que celui-là l’écrivee.” Si ces quatre membres s’opposaient à cette initiative, c’est parce qu’ils n’avaient pas été consultés. Mais maintenant le livre était là; il venait de paraître. Dans le débat de cinq heures qui s’en est suivi, les quatre administrateurs hostiles ont eu l’appui de Johnson. En présence de tout le personnel du Béthel, chacun s’est mis à exposer ouvertement ses griefs. Cette controverse a montré qu’un certain nombre de membres de la famille du Béthel éprouvaient de la sympathie pour ceux qui s’opposaient à l’administration de frère Rutherford. Si cette opposition persistait, elle risquait de paralyser le fonctionnement même du Béthel. Aussi frère Rutherford a-​t-​il pris les mesures qui s’imposaientf.

      L’apôtre Paul dit clairement qu’il faut prendre garde à ceux qui causent des divisions et les éviter. En vertu de ce principe biblique clair et net, Rutherford a jugé nécessaire de demander à ces membres mécontents de rentrer dans l’ordre, ou de s’en aller. Ceux-ci pensaient qu’il n’y aurait pas moyen de les remplacer. Toutefois, alors que Russell était encore en vie, Rutherford, en sa qualité de conseiller juridique, lui avait déjà fait remarquer que la nomination de ces membres du conseil ne répondait pas aux prescriptions légales. Il lui avait dit qu’il ne suffisait pas de désigner un nouveau frère au poste d’administrateur chaque fois qu’un membre du conseil d’administration mourait, mais que cette nomination, pour être valable d’après les statuts de la Société inscrite en Pennsylvanie, devait être approuvée et confirmée par un vote régulier émis par l’assemblée générale convoquée à Pittsburgh à la clôture de l’exercice annuel. Mais Russell avait omis de le faire. Cela revenait à dire que seuls les trois membres du bureau, élus régulièrement chaque année par l’assemblée générale à Pittsburgh, étaient des membres du conseil dûment constitué. Quant aux quatre opposants, ils étaient simplement des mandataires de Russell dont la nomination n’avait jamais été confirmée par une élection. Aux termes des statuts et de la loi, ceux-ci n’étaient donc pas membres du conseil.

      Ce point, Rutherford s’est gardé de le soulever immédiatement, car, tout au long de cette période de difficultés, il espérait que ces membres cesseraient leur opposition et finiraient par rentrer dans le rang. Dès qu’il est devenu évident que ceux-ci ne céderaient pas, Rutherford a jugé le moment venu de les destituer en faisant valoir les prescriptions légales. Furieux d’avoir été expulsés du conseil d’administration, les opposants ont demandé l’assistance juridique d’un avocat pour empêcher Rutherford de désigner quatre nouveaux membres du conseil. Toutefois, leur avocat n’a pu que confirmer le bien-fondé de la mesure prise par Rutherford en leur expliquant que, d’après la loi, ils n’avaient jamais été membres du conseil d’administration et que, de ce fait, Rutherford était entièrement dans son droit, comme président de la Société, en refusant de les considérer comme tels. De son côté, Rutherford a immédiatement confié à quatre autres frères les postes devenus vacants, en attendant que ces nominations soient entérinées par l’assemblée générale suivante, tenue en 1918.

      Néanmoins, frère Rutherford n’a pas congédié purement et simplement les membres destitués. Il leur a offert des postes importants comme frères pèlerins, mais ils ont refusé et ont quitté le Béthel de leur propre chef. Malheureusement, et il fallait s’y attendre, ce n’est pas en quittant leur service au bureau central qu’ils se sont réconciliés avec l’organisation de Jéhovah. Au contraire, ils se sont mis à faire connaître leur opposition en dehors du Béthel au moyen d’une vaste campagne de conférences et de lettres qui a couvert les États-Unis, le Canada et l’Europe. Le résultat, c’est que, dès l’été de 1917, il y avait dans le monde entier de nombreuses congrégations divisées en deux clans. Comme un grand nombre de frères avaient alors sombré dans l’assoupissement spirituel, ils devenaient la proie facile des paroles flatteuses de ces opposants. Ne voulant pas coopérer à la prédication de la bonne nouvelle du Royaume, ils ont refusé de se laisser réveiller par l’esprit nouveau qui émanait à cette époque-​là de l’œuvre réanimée. Les États-Unis d’Amérique venaient d’entrer dans la Première Guerre mondiale. L’opposition croissante du clergé et l’hostilité du public devaient encore aider les opposants, aux idées négatives, à se faire écouter par les frères qui ne discernaient pas clairement où se trouvait l’organisation de Dieu. Leur participation à l’œuvre se faisait de plus en plus rare et, pour finir, eux aussi prenaient rang parmi les adversairesg.

      UN DERNIER EFFORT DÉSESPÉRÉ EST TENTÉ POUR S’EMPARER DE LA DIRECTION

      Cependant, les clans des adversaires n’étaient pas endormis au point de s’abstenir de toute activité. Ils déployaient un zèle extrême en vue de s’emparer du contrôle des congrégations locales, dans l’intention d’évincer ceux qui cherchaient sincèrement à faire progresser la volonté divine en poursuivant l’activité de prédication. Comme il est prédit dans les Écritures, ceux-là ne prenaient pas intérêt à nourrir les brebis du Seigneur selon la nourriture servie à la table de Jéhovah, mais s’occupaient activement à battre et à calomnier leurs compagnons. Tout cela s’est produit au cours de l’été de 1917. Alors s’est creusé le fossé qui, désormais, allait nettement séparer les opposants de ceux qui, pour servir Jéhovah, se conformaient aux dispositions que frère Russell avait appliquées tout au long de son administration et que frère Rutherford renforçait à présent.

      Dès les premiers mois de 1917, la Société avait annoncé qu’une grande assemblée aurait lieu à Boston, en août de la même année. Les dissidents se figuraient qu’ils arriveraient à faire passer cette assemblée sous leur contrôle, mais frère Rutherford était décidé à ne pas se laisser faire. Pour prévenir, à cette occasion, toute initiative de leur part, Rutherford, en tant que président de la Société, a lui-​même assuré la présidence de cette grande assemblée, et cela en permanence. Pour lui, c’était là le meilleur moyen de contrôler chaque session. Quant aux opposants, ils n’étaient pas autorisés à prendre la parole. Ces précautions ont eu pour résultat que cette grande assemblée a été une entière réussite, toute à la louange de Jéhovah. Ceux qui avaient cherché à interrompre l’œuvre du Royaume venaient de subir un échec complet.

      Mais ces adversaires ambitieux pensaient déjà à leur prochaine tentative. Ils chercheraient à avoir la haute main sur l’assemblée générale ordinaire de la Société, convoquée pour le 5 janvier 1918 à Pittsburgh. Celle-ci serait appelée à confirmer, par un vote, la nomination des quatre nouveaux administrateurs que frère Rutherford avait désignés en remplacement des dissidents. Rutherford savait que cette assemblée générale était la toute dernière tentative désespérée qui restait aux dissidents pour mettre la main sur la Société. Il était à peu près certain que la majorité de cette assemblée n’approuverait pas une telle initiative. Cette élection étant du ressort de l’assemblée générale de la Watch Tower Bible and Tract Society, légalement constituée, seuls les membres ayant le droit de vote allaient pouvoir s’exprimer. Mais alors, la grande majorité des frères ne pourraient pas se prononcer sur cette affaire.

      Toutefois, pour permettre à tous les serviteurs voués de Jéhovah de se prononcer, La Tour de Garde (angl.) du 1er novembre 1917 suggérait qu’il faudrait procéder à un référendum dans chaque congrégation localeh. Le 15 décembre, le bureau central avait déjà reçu les résultats de 813 congrégations. Sur 11 421 voix, 10 869 confirmaient Rutherford dans sa fonction de président. Ce référendum ne laissait subsister aucun doute. L’immense majorité des frères actifs dans le champ soutenaient bel et bien frère Rutherford et son administration. De plus, cette consultation officieuse avait démontré que l’on préférait tous les membres fidèles du conseil d’administration, remanié en juillet 1917, aux cinq qui avaient fomenté la rébellioni.

      Dans l’ensemble, le vote des frères traduisait l’attitude que l’assemblée générale ordinaire allait adopter. Rutherford et les autres administrateurs ont tous été légalement réélus, tandis qu’aucun des opposants n’a réussi à entrer dans le conseil d’administrationj.

      À ce moment-​là, le désaccord était devenu si complet que la réconciliation n’était plus possible. À la suite de la défaite subie à l’assemblée générale ordinaire de la Société, en janvier 1918, les dissidents ont formé leur propre organisation dirigée par ce qu’ils appelaient le “Comité des septk”. Au moment de la Commémoration, le 26 mars 1918, la scission était vraiment achevée, car les dissidents ont préféré célébrer la mort du Christ en dehors des congrégations fidèles de la Société.

      LOÏS: Leur organisation a-​t-​elle atteint une certaine importance?

      JEAN: Bien au contraire. Ceux qui formaient l’opposition sont restés unis à peine quelques mois. Lors d’une assemblée tenue en été de 1918, d’autres divergences devaient amener une nouvelle scission dans leurs rangs. Johnson a alors emprunté une voie différente de celle des quatre autres dissidents. Mais chaque clan gardait ses adeptes. Pour organiser son propre groupe dissident, Johnson s’est établi à Philadelphie d’où il dirigeait son mouvement, jusqu’à sa mort, avec le titre de “souverain sacrificateur de la terre”. D’autres dissensions allaient dès lors amener encore des scissions. Pour finir, le groupe primitif qui s’était séparé de la Société en ce temps critique de jugement s’est désintégré à tel point qu’il a donné naissance à plusieurs sectes schismatiques.

      LOÏS: Étaient-​ils nombreux, ceux qui se sont alors séparés de la Société?

      JEAN: Il serait difficile de connaître leur nombre exact. On peut néanmoins s’en faire une idée grâce aux rapports partiels reçus par la Société. Autrefois, celle-ci publiait un rapport partiel de l’assistance dénombrée à la Commémoration dans le monde entier. Diverses congrégations envoyaient leur rapport au bureau. Or, en raison des difficultés qui avaient marqué l’année 1918, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’organisation, les chiffres concernant l’assistance n’ont pas été recueillis. En 1917, le rapport partiel de la Commémoration, célébrée le 5 avril, mentionnait une assistance de 21 274 personnes, et c’était là le nombre de ceux qui avaient quelque lien avec la Société. Pour la Commémoration célébrée le 13 avril 1919, le rapport partiel, qui ne comprenait pas tous les pays étrangers, n’indiquait, en revanche, qu’une assistance de 17 961 personnes. Quoique incomplets, ces chiffres montrent clairement que le nombre de ceux qui avaient cessé de marcher de pair avec leurs fidèles compagnons était de loin inférieur à 4 000l.

      Quant à ceux qui remplissaient fidèlement leurs privilèges de service, ils ont reçu de l’ouvrage, et c’était là ce que Jésus avait prédit dans sa prophétie. Ainsi, fidèles à l’œuvre commencée par le pasteur Russell des dizaines d’années auparavant, ces serviteurs de Dieu avaient mis toute leur énergie à distribuer Le mystère accompli au cours des derniers mois de 1917 et au début de 1918. À peine sept mois après que la nouvelle administration avait commencé à fonctionner, la Société passait commande de 850 000 exemplaires de ce livre auprès des imprimeurs qui travaillaient pour elle. On pouvait lire dans La Tour de Garde de 1917: “La vente du septième volume n’a été égalée, pour le même laps de temps, par aucun autre livre connu, la Bible exceptéea.”

      Ce livre allait pourtant devenir une pomme de discorde. D’un côté, il y avait ceux qui, dans leur assoupissement spirituel, refusaient de coopérer à l’avancement de l’œuvre du Royaume et, de l’autre côté, se tenaient les faux chefs spirituels du peuple, c’est-à-dire le clergé de la chrétienté. Ce livre dévoilait de façon cinglante le rôle joué par ces faux bergers.

      La rébellion partie du sein même de l’organisation avait été douloureuse à supporter. Pourtant, elle n’était rien en comparaison de ce que l’organisation aurait encore à subir de la part des ennemis du dehors. La haine que Satan nourrissait, depuis de longs siècles, contre l’organisation divine, semblait à présent se déchaîner d’un seul coup. En quelques mois, par un effort résolu, le Diable croyait pouvoir faire disparaître de la terre toute trace rappelant le témoignage du Royaume. Sans la miséricorde et l’amour loyal de Jéhovah, les quelques mois qui vont suivre auraient pu porter un coup fatal à la Société Watch Tower.

      [Notes]

      a a w 1917, p. 372.

      b b wF 1916, pp. 91-94; wF 1917, p. 27.

      c c w 1944, p. 334; wF mai 1924, p. 91; wF 1946, p. 30.

      d d w 1917, p. 22; New York Times, 7 janv. 1917, 1e partie, p. 9; wF 1917, p. 34.

      e e Webster’s Biographical Dictionary, 1943, p. 1295.

      f f An Encyclopedia of Religion, par Vergilius Ferm (1945), p. 674; New York Times, 7 janv. 1917, 1e partie, p. 9.

      g g w 1894, p. 127.

      h h w 1919, p. 58.

      i i w 1917, pp. 371-375 [voir aussi wF 1917, pp. 85-87].

      j j w 1916, pp. 331, 332; wF 1917, p. 58.

      k k w 1917, p. 166.

      l l Ibid., p. 220. [Le premier extrait du Bulletin parut, en français, dans wF sept. 1923, p. 144. À partir de septembre 1925, le Bulletin fut publié séparément comme supplément mensuel de La Tour de Garde.] En novembre 1935, son nom fut changé en “L’Instructeur”. En août 1936, on l’appela “Informateur” et, en septembre 1956, “Notre ministère du Royaume”.

      a m wF 1916, pp. 94, 95; wF 1917, pp. 54-56; wF 1918, pp. 37, 38.

      b n w oct.-nov. 1881, p. 5.

      c o La Bataille d’Harmaguédon (1897), 2e éd., pp. 327, 328; Le mystère accompli (1917), pp. 63, 141, 276; The Finished Mystery (1917), pp. 416-423; w 1916, p. 377; w 1917, pp. 323, 324; w 1919, p. 103; wF juillet-​août 1924, pp. 119, 120.

      d p w 1917, p. 372. Seule la première partie du septième volume a paru en français.

      e q w 1917, p. 226.

      f r Harvest Siftings, 1er août 1917, pp. 1-24.

      g s w 1918, p. 79; wF 1918, pp. 38, 39.

      h t w 1917, p. 330.

      i u Ibid., p. 375 [voir aussi wF juin 1920, p. 97].

      j v w 1918, p. 23 [voir aussi wF 1918, p. 10].

      k w Un périodique d’opposition: The Herald of Christ’s Kingdom, 1er juillet 1919, p. 197.

      l x w 1917, p. 157 [voir aussi wF 1917, p. 26]; w 1919, p. 151.

      a y w 1917, p. 373 [voir aussi Études des Écritures (1917), tome VII, Notice, p. 407 (IIe éd. fr.)].

      [Schéma, page 67]

      (Voir la publication)

      LA “CARTE DES ÂGES”, FRONTISPICE DU “PLAN DES ÂGES”, TOME I DES “ÉTUDES DES ÉCRITURES”.

  • Livrés à la captivité
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 12

      Livrés à la captivité

      THOMAS: La semaine dernière, Jean, vous avez fait mention d’un effort déployé par l’ensemble de vos ennemis pour annihiler l’œuvre des témoins de Jéhovah. Que s’est-​il passé?

      JEAN: L’œuvre fut pour ainsi dire stoppée, Thomas. Naturellement, certains témoins purent poursuivre leur activité de prédication, à titre individuel, au cours de cette époque critique; mais il y eut un moment d’inactivité sur le plan de l’organisation. Les événements qui précédèrent cette période devaient atteindre leur point culminant après la rébellion observée au siège de la Société, à Brooklyn, en été 1917.

      Pour parachever l’année 1917, le 30 décembre avait été choisi pour inaugurer, grâce au service volontaire du dimanche, la diffusion massive (10 000 000 d’exemplaires) d’un nouveau tract mensuel de quatre pages intitulé L’Étudiant de la Bible. Cette édition avait pour titre “La chute de Babylone — Pourquoi la chrétienté doit souffrir à présent — L’issue finalea”. Elle contenait des extraits du Mystère accompli faisant allusion au clergé d’une manière des plus directes. Le même jour, et sur le même sujet, aux fins de soutenir cette campagne, on prononça une conférence annoncée à grand renfort de publicitéb.

      Ce tract se révéla être l’une des éditions mensuelles les plus efficaces qui aient été répandues par millions depuis 1910. Il démontrait que les organisations religieuses, catholique et protestante, étaient unies pour former la Babylone moderne qui doit bientôt sombrer dans l’oubli. Au verso de ce tract figurait un croquis représentant un rempart ou muraille en train de s’écrouler. Les blocs tombaient, les uns après les autres; ils portaient les inscriptions suivantes: “Protestantisme”, “Croyances”, “Théorie des tourments éternels”, “Doctrine de la trinité”, “Le mal n’existe pas”, “Ni la douleur”, “Ni la mort”, “Ni le Diable”, “Succession apostolique”, “La fin justifie les moyens”, “Baptême des nouveau-nés”, “La confession”, “Le purgatoire”, “Vente des indulgences”, et bien d’autres encore. La chute de ces pierres représentait l’échec de ces fausses doctrines incapables de dispenser une nourriture spirituelle solide.

      THOMAS: Le clergé n’a pas dû accepter de bon gré pareil traitement!

      JEAN: En effet. Il fut tellement courroucé par cette dénonciation virulente qu’il s’empara de certaines déclarations parues dans Le mystère accompli, alors largement répandu, dans le but précis de mettre fin à la Société. On prétendit que ces déclarations étaient de nature à engendrer la sédition. Bien que le Canada et les autres pays fussent déjà en guerre depuis 1914, ce livre avait été rédigé et devait être diffusé avant même que les États-Unis ne soient entrés en guerre le 6 avril 1917. L’ouvrage en question parut en juillet 1917.

      Depuis l’automne de 1914, les témoins de Jéhovah prêchaient dans le deuil et l’opprobre, comme cela avait été prédit dans Révélation 11:3. L’opposition des chefs religieux avait été sévère, mais après la distribution du tract La chute de Babylone, elle était devenue violente. Non seulement ces dirigeants de la chrétienté voulaient faire disparaître la Société, mais encore, à l’exemple de la hiérarchie juive du temps de Jésus, ils désiraient que l’État accomplisse le côté sordide du travail à leur place. Le 12 février 1918 vit le déclenchement de la réaction gouvernementale contre la Société, le Canada étant en tête. À cette date, l’activité de la Société Watch Tower fut interdite. Une dépêche parue dans les journaux de l’époque disait entre autres:

      Le Secrétaire d’État, s’autorisant des prescriptions sur la censure, a publié des ordres interdisant la possession au Canada d’un certain nombre de publications, parmi lesquelles figure le livre publié par l’Association internationale des Étudiants de la Bible, intitulé “ÉTUDES DES ÉCRITURES — Le mystère accompli”, généralement reconnu comme la publication posthume du pasteur Russell. De même, la diffusion de l’Étudiant de la Bible, publié également par cette Association, est interdite au Canada. La possession de l’un quelconque de ces livres prohibés expose son possesseur à une amende n’excédant pas 5 000 dollars et à cinq ans de prisonc.

      Plus tard, la Tribune de Winnipeg (Canada), après avoir mentionné l’ordre d’interdiction rapporté ci-dessus, déclara:

      On accuse ces publications de contenir des déclarations séditieuses et contre la guerre. C’est le Rév. Charles G. Paterson, pasteur de l’Église St-Étienne, qui, il y a quelques semaines, dénonça, du haut de la chaire, des extraits de l’un des récents numéros de l’Étudiant de la Bible. Par la suite, le procureur général Johnson envoya chercher un exemplaire de la publication chez le Rév. Paterson. On croit que l’ordre de la censure en est le résultat directd.

      CONSPIRATION CONTRE LA VÉRITÉ SUSCITÉE PAR LE CLERGÉ

      THOMAS: Il semble bien que le clergé canadien ait été à l’origine de cette interdiction.

      JEAN: Cela ne laisse aucun doute. Une série de manœuvres inspirées par le clergé fut mise en branle. Elles avaient pour but de contraindre les gouvernements respectifs des États-Unis et du Canada à écraser la Société Watch Tower et ses collaborateurs.

      THOMAS: Que fit le gouvernement des États-Unis? Il n’interdit tout de même pas la Société à son tour, n’est-​ce pas?

      JEAN: Non, mais suite aux opérations entreprises au Canada, et toujours en ce mois de février, le commencement de la conspiration internationale devint manifeste. Le service du contre-espionnage de l’armée des États-Unis à New York perquisitionna au siège de la Société. On avait accusé celle-ci de sédition, la suspectant d’entretenir des relations avec l’ennemi allemand. C’était là un chef d’accusation très grave, puisque, à cette époque, les États-Unis étaient en guerre contre l’Allemagne et les Empires centraux. On avait formulé une déclaration mensongère, en rapportant au gouvernement des États-Unis que le Béthel de Brooklyn servait de centre de transmission pour les messages destinés au gouvernement allemand.

      LOÏS: Comment cela? Par un réseau international d’“espionnage”?

      JEAN: Non. L’accusation était bien plus ridicule. En 1918, voyez-​vous, quatre bonnes années avant les transmissions radiophoniques, les communications par fil et le service du télégraphe avaient été étendus au monde occidental dans sa totalité; or, dès avant 1915, on avait expérimenté les communications sans fil. Ce procédé ne s’était pas avéré efficace, les messages codés ne pouvant être transmis qu’à une faible distance. En 1915, frère Russell s’était vu offrir un petit récepteur sans fil. Bien que pour sa part il n’y ait trouvé guère d’intérêt, d’autres membres du Béthel, en revanche, avaient posé une petite antenne sur le toit de l’immeuble afin de capter des messages, sans grand succès toutefois. En 1918, cet appareil récepteur fut confiné dans un réduit. Aucun message n’avait jamais été émis à partir du Béthel. En 1918, lorsque deux membres du service de contre-espionnage vinrent inspecter le Béthel, on les conduisit sur le toit afin de leur faire voir l’ancien emplacement du récepteur sans fil. Puis les frères leur montrèrent l’instrument lui-​même, tout emballé. Ils permirent volontiers à ces hommes d’emporter le récepteur et d’ôter l’antenne. Il était bien évident que l’ensemble n’avait pas servi depuis longtempse.

      La phase suivante se produisit le dimanche 24 février 1918, lorsque frère Rutherford prononça pour la première fois le discours qui, par la suite, devait avoir pour titre “Des millions actuellement vivants ne mourront jamais”. Cela se passait à Los Angeles, en Californief. Le jeudi d’après, soit le 28 février, des agents du gouvernement firent irruption dans la grande salle de réunions et dans les locaux de la congrégation de Los Angeles et confisquèrent les publications de la Société. Suite à leur appel sous les drapeaux, plus de vingt témoins étaient déjà détenus dans certains camps et certaines prisons militairesg.

      CONTRE-ATTAQUE MENÉE PAR LES “NOUVELLES DU ROYAUME”

      LOÏS: La Société ne pouvait-​elle rien faire pour démasquer le véritable responsable de cet état de choses?

      JEAN: En fait, le 15 mars 1918, la Société décida de riposter à l’attaque du clergé en révélant la pression exercée par celui-ci, pression qui se faisait maintenant sentir de tous les côtés. On décida de publier un nouvel ouvrage intitulé Nouvelles du Royaume (No 1). L’Étudiant de la Bible ne paraissait plus; aussi proposa-​t-​on ce nouvel écrit adapté aux événements du moment pour susciter de l’indignation auprès du public, tant aux États-Unis qu’au Canada et en Angleterre.

      La diffusion de ce nouveau tract commença à New York le 15 mars 1918. Son en-tête faisait paraître, entre autres, le texte “Le Royaume des cieux s’est approché”, ainsi que la référence de Matthieu 3:2. Sur la partie gauche du tract figuraient dans un cadre les mots “Édité pour faire progresser la connaissance chrétienne” et “Enseignez toutes les nations”. À droite, on pouvait lire: “Consacré aux principes de la tolérance religieuse et à la liberté chrétienne”. Le titre s’étalait sur six colonnes; il s’intitulait “Intolérance religieuse — Les disciples du pasteur Russell persécutés parce qu’ils annoncent la vérité au peuple — La manière dont les Étudiants de la Bible sont traités rappelle l’‘âge des ténèbres’”. Un verset biblique venait ensuite, imprimé en caractères plus petits: “Un esclave n’est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi.” Puis étaient exposés les faits relatifs à la persécution et à l’interdiction de l’œuvre qui avaient commencé au Canada. Ce tract démasquait le clergé, déclaré responsable de vouloir détruire les témoins dans ce paysh. Il présentait également un rapport sur la persécution endurée par les témoins en Allemagne.

      LOÏS: Puisque les témoins étaient aussi persécutés en Allemagne, les gens auraient dû comprendre que vous n’étiez pas proallemands.

      JEAN: Beaucoup le savaient bien. Mais il faut vous souvenir, Loïs, que les sentiments s’exaltent vite, et que les témoins de Jéhovah constituaient une minorité impopulaire. Pourtant, à propos du service militaire aux États-Unis, les témoins avaient formulé la déclaration suivante:

      Nous reconnaissons, dans le gouvernement des États-Unis, une institution politique et économique qui, de par sa loi fondamentale, détient le pouvoir et l’autorité de déclarer la guerre et d’enrôler ses citoyens pour accomplir un service militaire. Nous ne sommes pas qualifiés pour faire obstacle à la conscription ou à la guerre de quelque manière que ce soit. Le fait que certains de nos membres aient cherché à tirer profit de la protection offerte par la loi a servi de prétexte à une autre vague de persécution.

      Le No 1 des Nouvelles du Royaume exposait également le point de vue des étudiants de la Bible vis-à-vis de la guerre. Il présentait en outre un compte rendu sur le récepteur que le gouvernement avait fait enlever du Béthel et sur les recherches infructueuses entreprises au siège de la Société. Cet imprimé donnait en conclusion un rapport sur le septième volume, Le mystère accompli, ainsi que sur l’opinion du clergé à son sujet. La quasi-totalité de la dernière page de ce tract était consacrée à une annonce qui encourageait les habitants de la ville de New York à assister à une conférence présentée le 24 mars. Cette annonce était ainsi rédigée: “‘Le monde a pris fin! Des millions d’hommes actuellement vivants peuvent ne jamais mourir!’ — Discours public de Me J. F. Rutherford, membre du barreau de l’État de New York.” Ce discours, celui-là même que frère Rutherford avait prononcé pour la première fois à Los Angeles au mois de février de la même année, attira une assistance de 3 000 personnesi. Il suscita un grand intérêt parmi le public et se révéla être le premier enseignement dispensé publiquement à une grande foule de personnes invitée à sortir de la Babylone moderne avec la perspective d’acquérir la vie éternelle. Nombreux furent ceux qui tinrent compte de cet avertissement à cette époque.

      Vous vous souvenez que la parution du Mystère accompli en juillet 1917 avait provoqué une scission parmi les membres du Béthel, scission qui s’était étendue à un grand nombre de congrégations. Malgré cela, les oints restés fidèles poursuivirent leur activité et, plus tard, Rutherford rapporta qu’au cours de l’année 1918, 7 000 témoins avaient pris part à la diffusion du Mystère accomplij. D’autres avaient distribué des tracts et des invitations à domicile et avaient rendu un témoignage verbal.

      LOÏS: Ces témoins devaient vraiment posséder une conviction profonde pour s’ériger ouvertement contre les systèmes religieux populaires, étant donné la vive opposition dont ils faisaient l’objet.

      JEAN: Il leur fallait du courage et la foi pour répandre ces Nouvelles du Royaume par tout le pays. La colère des chefs religieux s’était déjà exercée contre la Société Watch Tower; à présent, toute autre manifestation de la part des témoins devait obligatoirement attirer une intensification de la persécution du clergé. Mais les témoins comprenaient que les gens devaient connaître les faits pour assurer leur propre protection. Chacun avait son rôle à jouer dans le dessein de Dieu. Ainsi, même s’il était impossible de faire cesser les attaques du clergé contre la Société, il s’avérait nécessaire de le dénoncer.

      LA CONTRE-OFFENSIVE PREND DE L’AMPLEUR

      La célébration annuelle du repas du Seigneur pour 1918 était passée, et le 15 avril était arrivé. Le même jour a paru le tract Nouvelles du Royaume (No 2). Il contenait un message encore plus puissant contre la conspiration politico-religieuse qui avait pour but la destruction de la Société. L’audacieux en-tête disait: “Le mystère accompli et la raison de son interdiction. — Le clergé y est pour quelque chose.” Ce journal dévoilait l’action du clergé qui encourageait les instances gouvernementales à harceler la Société, à procéder à des arrestations, à s’élever contre Le mystère accompli et à pousser les frères à supprimer certaines pages du livre, ce qui constituait en réalité un compromis. Ce journal expliquait pourquoi le clergé s’opposait aux témoins avec une telle virulence et dépeignait la nature réelle de leur action: l’intolérance religieuse. Cette édition des Nouvelles du Royaume répétait ce qu’était la position adoptée par les témoins à propos de la guerre et expliquait leur croyance sur ce qui constituait à leurs yeux la vraie Église. Démontrant la portée internationale de cette conspiration, les Nouvelles du Royaume (No 2) publiaient la citation d’un journal de Copenhague, au Danemark, qui approuvait la persécution des témoins allemands par le clergé. On y lisait:

      Avertissement contre la secte du millénium. Le Consistoire de Kiel (Holstein, Allemagne) attire l’attention des prêtres (luthériens) sur l’activité déployée par la secte du millénium qui s’intitule “Watch Tower Bible and Tract Society” et aussi “Association des Étudiants de la Bible”. Le ministère de la Guerre de l’Empire nous a récemment demandé de surveiller étroitement les activités de cette secte, activités qui consistent à vendre les écrits de son fondateur décédé il y a peu de temps, le pasteur Russell de Brooklyn, en Amérique du Nord, au moyen d’une propagande incessante soutenue par l’argent américain. Le Consistoire attire donc l’attention des prêtres sur cette secte et leur demande d’agir contre elle et de rapporter au Consistoire leurs observations sur ses activités dangereuses.

      Cette fois, les frères sont allés encore plus loin dans leurs efforts pour neutraliser l’influence du clergé. En relation avec la distribution de ce numéro des Nouvelles du Royaume, ils firent circuler une pétition adressée à Wilson, président des États-Unis.

      Nous, les Américains soussignés, estimons que toute intervention du clergé dans l’étude biblique indépendante est un acte d’intolérance non chrétien et contraire à l’esprit de l’Amérique, et que toute tentative pour unir l’Église et l’État est une erreur fondamentale. Dans l’intérêt de la liberté religieuse et de la liberté tout court, nous protestons solennellement contre la suppression du Mystère accompli et prions le Gouvernement de lever toutes les restrictions concernant son utilisation, de sorte qu’il soit permis aux gens, sans molestation ou ingérence de la part de qui que ce soit, d’acheter, de vendre, de posséder et de lire ce guide bibliquek.

      Tandis que l’ennemi se préparait à frapper le coup décisif dans l’espoir de faire taire les témoins pour toujours, la Société publiait, le 1er mai 1918, le troisième numéro des Nouvelles du Royaume. Celui-ci portait cet en-tête significatif: “Deux grandes batailles font rage — Chute de l’autocratie certaine — La stratégie satanique vouée à l’échec — La naissance de l’antichrist”. Ce tract traitait surtout de la Postérité promise qui se dresse contre la postérité de Satan. Décrivant l’antichrist depuis sa naissance jusqu’aux agissements actuels des membres apostats du clergé tant protestant que catholique, ce tract révélait que ces agents du Diable étaient prêts à détruire le reste de la postérité du Christ, les oints qui suivaient les traces de Jésus.

      Dans un compte rendu qu’il rédigea des années plus tard, le juge Rutherford rapporta les déclarations que lui avait faites le général James Franklin Bell, commandant de Camp Upton, Long Island, New York. Bell parla à Rutherford d’une conférence d’ecclésiastiques qui s’était tenue en 1917 à Philadelphie, en Pennsylvanie. Ces ecclésiastiques avaient constitué un comité chargé de se rendre à Washington dans le but de proposer un amendement à la loi contre l’espionnage. Si celui-ci avait été entériné, toute infraction à ladite loi aurait fait l’objet d’une comparution devant un tribunal militaire avec, pour sentence, la peine de mort. Puis, d’un ton chargé de ressentiment, Bell dit à Rutherford: “Ce projet de loi n’est pas passé, car Wilson s’y est opposé, mais nous savons comment vous atteindre, et nous nous y emploieronsl!”

      ARRESTATION DES RESPONSABLES DE LA SOCIÉTÉ

      LOÏS: C’était là une menace ouverte, n’est-​ce pas?

      JEAN: Oui, et pas des moindres. Quelques jours seulement après la parution du troisième numéro des Nouvelles du Royaume, le tribunal du district est de New York lança des mandats d’arrêt contre les huit principaux serviteurs de la Société, au Béthel. Il s’agissait de J. F. Rutherford, de W. E. Van Amburgh, de A. H. Macmillan, de R. J. Martin, de C. J. Woodworth, de G. H. Fisher, de F. H. Robison et de G. DeCecca. Cela se passa le 7 mai 1918. Ce jour-​là prirent fin les quarante-deux mois ou 1 260 jours de Révélation 11:2, 3. Cette période au cours de laquelle le témoignage s’est pour ainsi dire poursuivi alors que les témoins étaient revêtus de “sacs”, symboles de deuil, a commencé au cours de la première quinzaine du mois de novembre 1914. Trois ans et demi après, l’œuvre de témoignage était tuée par la “bête sauvage” symbolique de Satan, prédite dans Révélation 11:7. Le lendemain, soit le 8 mai, les mandats furent signifiés aux accusés par un huissier nommé Power, puis les huit hommes furent traduits devant le tribunal fédéral que présidait le juge Garvin. Ils étaient accusésa

      de conspirer illégalement et traîtreusement, de se liguer, de comploter et de s’entendre avec diverses autres personnes, inconnues desdits membres du jury d’accusation, pour commettre un certain crime contre les États-Unis d’Amérique, à savoir: le crime d’avoir provoqué illégalement, traîtreusement et volontairement l’insubordination, la déloyauté et le refus d’obéissance aux forces navale et militaire des États-Unis d’Amérique quand ces derniers étaient en guerre (...) au moyen de sollicitations personnelles, de lettres, de discours publics, en distribuant et en faisant circuler parmi le public un certain livre appelé “Volume VII. Études des Écritures. Le mystère accompli”, et en distribuant et faisant circuler parmi le public dans tous les États-Unis certains articles imprimés dans des tracts appelés “L’Étudiant de la Bible”, “La Tour de Garde”, “Nouvelles du Royaume” et d’autre pamphlets non désignésb.

      Se faisant l’interprète des sentiments de tout le clergé devant la tournure qu’allaient prendre les événements, le périodique catholique de Brooklyn The Tablet a publié, le 11 mai, cette sinistre prophétie: “Nouvelles du Royaume répandu partout — Il se peut que certains aillent en prison.”

      THOMAS: Cette manchette donnait l’impression que la distribution des Nouvelles du Royaume les avait quelque peu indisposés.

      JEAN: L’article catholique poursuit ainsi:

      Joseph F. Rutherford et quelques-uns de ses collègues devront probablement passer leurs mois d’été dans une villa où ils seront à l’abri de la populace qui les insulte en leur demandant d’acheter des “liberty bonds” [obligations d’un emprunt de guerre]. (...) Il est très intéressant de noter que Rutherford, et tous ceux de son espèce qui se font un plaisir d’entrer dans des convulsions contre l’Église [catholique], sont toujours poursuivis par les agents du gouvernement. Il semble que l’anti-catholicisme et l’antiaméricanisme vont de pair.

      Quoi qu’il en soit, le procès était fixé au lundi 3 juin. Le juge Garvin, tout d’abord désigné pour s’occuper de l’affaire, était partial et demanda à être excusé. L’affaire fut automatiquement confiée au juge Chatfield qui fut lui aussi écarté. Finalement le gouvernement fit venir du Vermont le juge Harlan B. Howec. Le procès dura quinze jours, et l’on recueillit un grand nombre de témoignages. L’on démontra plus tard que le procès renfermait plus de 125 vices de forme, dont seulement quelques-uns auraient suffi à la Cour d’appel pour condamner toute la procédure comme étant arbitraired.

      CONDAMNÉS À QUATRE-VINGTS ANS

      Souvenez-​vous que c’étaient les années de guerre. Les fanfares jouaient et des soldats défilaient dans les rues près de Borough Hall, à Brooklyn. L’opinion publique accordait ses suffrages à tout ce qui soutenait l’effort de guerre. Il n’y a rien d’étonnant à ce que le procès intenté contre les “Étudiants de la Bible”, taxés de sédition et objets de la controverse, ait fortement attiré l’attention. Finalement, le jeudi 20 juin, le jury rendit un verdict de culpabilité. Le 21 juin, tout au début de l’après-midi, sept d’entre les frères furent condamnés à une peine d’emprisonnement de quatre-vingts ans, vingt années pour quatre chefs d’accusation différents, avec confusion des peines. Les frères devaient purger leur peine au pénitencier fédéral d’Atlanta, en Georgie (États-Unis)e. Plus tard, Giovanni DeCecca fut condamné à dix ans pour les quatre mêmes chefs d’accusation.

      En condamnant les sept responsables de la Société, le juge qui prononça la sentence déclara:

      En temps normal, toute personne qui prêche une religion exerce une influence considérable, mais si elle est sincère, elle est d’autant plus efficace.

      Commentant ces événements, le New York Post du 21 juin 1918 dit dans son éditorial:

      Après avoir prononcé ces paroles, le juge H. B. Howe, du tribunal de district des États-Unis, à Brooklyn, condamna à vingt ans de prison chacun les membres de cette religion qui comparaissaient devant lui. Il déclara qu’il s’avérait nécessaire de faire un exemple de ces gens qui enseignaient sincèrement cette religion, lesquels, à l’instar des Mennonites, des Quakers et de nombreuses autres sectes, interdisent le port des armes. Ils s’étaient rendus coupables d’avoir poussé des hommes à suivre ce qu’ils pensaient être la doctrine du Seigneur et d’appliquer à la lettre le commandement qui stipule: “Tu ne tueras point.” Le jury n’avait donc d’autre alternative que de les reconnaître coupables d’avoir violé les statuts du pays, quelle que soit leur attitude, correcte ou non, vis-à-vis de la morale et de la loi religieuse. Nous avons la conviction que ceux qui se chargent d’enseigner une religion retiendront l’opinion de ce juge selon laquelle prôner une religion, exception faite de celle qui est en parfaite harmonie avec la loi, est un crime grave, encore aggravé si, tout en étant ministre de l’Évangile, il vous arrive en plus d’être sincère. Il ne fait pas de doute que les condamnations prononcées par le juge Howe ont été très sévères; elles le sont deux fois plus que celles infligées par le Kaiser aux socialistes qui ont tenté de renverser son régime inique, et sont trois fois plus fortes que toutes celles qu’ont encourues les régicidesf.

      Dans son compte rendu de leur condamnation, le New York Tribune du 22 juin 1918 rapporta ce qui suit:

      Joseph F. Rutherford et six autres “Russellistes”, convaincus d’avoir violé la loi sur l’espionnage, furent condamnés hier, par le juge Howe, à vingt ans d’emprisonnement au pénitencier d’Atlanta. “C’est le plus heureux jour de ma vie”, a déclaré M. Rutherford sur le chemin conduisant du tribunal à la prison; “subir un châtiment terrestre pour sa croyance religieuse est l’un des plus grands privilèges qu’un homme puisse avoir”. Les familles et les amis intimes des accusés se sont livrés à la plus étrange des démonstrations qu’on ait jamais vues au bureau du greffier du tribunal fédéral de Brooklyn, aussitôt après que les prisonniers eurent été amenés dans la salle du jury d’accusation. Tout le groupe fit résonner le vieux bâtiment des accents de “Béni soit le lien qui unit”. “C’est bien la volonté de Dieu”, se disaient-​ils, et leurs visages rayonnaient presque. “Un jour le monde connaîtra ce que tout cela signifie. En attendant, soyons reconnaissants envers Dieu pour sa grâce qui nous a soutenus à travers nos épreuves, et attendons avec joie le Grand Jour qui doit venir.”

      À deux reprises, les frères condamnés ont essayé d’obtenir leur mise en liberté provisoire sous caution; celle-ci leur a été refusée, d’abord par le juge Howe et, plus tard, par le juge Martin T. Manton. Pendant que ces démarches étaient faites, les frères étaient emprisonnés à Brooklyn. Le 3 juillet, la veille de leur transfert à la prison fédérale d’Atlanta, frère Rutherford a écrit une lettre aux frères chargés de la direction des affaires du Béthel. Ses paroles d’encouragement étaient complétées par l’avertissement suivant:

      On nous a fait connaître que sept personnes qui s’étaient opposées à la Société et à son œuvre au cours de l’année dernière assistaient au jugement, et qu’elles prêtèrent leur aide à nos persécuteurs. Nous vous mettons en garde, bien-aimés, contre les efforts subtils de certaines d’entre elles pour vous flatter servilement maintenant, afin d’essayer de mettre la main sur la sociétég.

      Un incident marquant du procès fut l’accusation du témoin William F. Hudgings, taxé d’outrage à magistrat. À la barre, Hudgings témoigna qu’en aucune occasion il n’avait surpris deux des défendeurs en train d’écrire, sur quoi la cour qualifia son témoignage de mensonger et le condamna à six mois de prison.

      THOMAS: Ce traitement me paraît nettement arbitraire!

      JEAN: N’est-​ce pas? Mais finalement, une ordonnance d’habeas corpus fut rendue par la Cour suprême des États-Unis et Hudgings fut libéré sous caution. En octroyant la demande de l’ordonnance d’habeas corpus, le premier président White, selon ce qu’en dit le New York Evening Sun, qualifia d’“outrageux” l’emprisonnement de William Hudgings. Ce journal déclarait:

      Aujourd’hui, à Brooklyn, sur ordre du premier président White de la Cour suprême des États-Unis, William F. Hudgings, secrétaire de la Watch Tower Bible Student’s Society, emprisonné pour outrage à la cour depuis le 11 juin, a été relâché sous caution. White qualifia l’incarcération de Hudgings d’“outrageuse, déloyale et injustifiée”.

      Ceci ne constitue qu’un exemple du tort causé par le juge de cette cour durant le procès, sans parler du parti pris dont il a fait montreh.

      ON CONTINUE À PERSÉCUTER LES CHRÉTIENS

      LOÏS: Cette période d’épreuve a dû être sévère pour les témoins de Jéhovah. Quel traitement ont-​ils subi dans le reste du pays?

      JEAN: La persécution était intense. Peu après les événements rapportés plus haut, au début de 1919, on publia un tract intitulé “L’affaire de l’Association internationale des Étudiants de la Bible”. Nous lui avons déjà emprunté plusieurs citations. Ce tract fournit un rapport détaillé de l’opposition manifestée tant par le clergé que par les laïcs: La fausse accusation de sédition lancée contre les frères, la campagne des Nouvelles du Royaume que nous venons de considérer et, pour finir, la persécution endurée par les témoins de Jéhovah dans tous les États-Unis. Un traitement analogue était réservé aux témoins au Canada, aussi bien qu’ailleurs, y compris en Allemagne. Voici le rapport de quelques atrocités qui ont été commises:

      Partout dans le pays, les Étudiants internationaux de la Bible ont souffert la persécution en raison de leur fidélité au Seigneur et de leur zèle à faire connaître les bénédictions que le Royaume doit dispenser à l’humanité. Dans une ville de l’État de l’Oregon, le maire et deux ecclésiastiques organisèrent un attroupement, chassèrent de la ville l’un des conférenciers de l’Association et le suivirent jusqu’à la ville voisine. Le conférencier parvint à s’échapper, mais les émeutiers s’emparèrent de son compagnon et l’enduisirent de graisse et de goudron.

      Dans l’État de Washington, un étudiant de la Bible fut condamné à trois ans d’emprisonnement pour avoir envoyé par la poste un exemplaire du MYSTÈRE ACCOMPLI. À Globe, dans l’Arizona, deux hommes furent chassés de la ville, finalement rattrapés et jetés en prison parce qu’ils possédaient des exemplaires du MYSTÈRE ACCOMPLI. À San Bernardino, en Californie, trois hommes et une femme (chargés de répandre ces livres) furent arrêtés et condamnés à trois ans de prison parce qu’ils vendaient LE MYSTÈRE ACCOMPLI, simple commentaire de la Bible, et ce après que les pages litigieuses avaient été enlevées. À Oklahoma City, des colporteurs furent enduits de goudron, couverts de plumes et battus à coups de gourdin. Dans l’Arkansas, une dame fut arrêtée et jetée dans une prison sordide où elle resta quelques jours. Dans ce même État, un homme et sa femme furent emprisonnés pendant des journées entières, sans même qu’aucune accusation ait été prononcée à leur encontre. Dans d’autres lieux, certains furent conduits de nuit à des cours d’eau, plongés dans l’eau glacée, et tout dans leur habitation fut détruit. Dans le Colorado, un homme portant l’uniforme d’un officier dispersa des gens réunis pour une étude paisible de la Bible. À Wheeling, en Virginie occidentale, des fonctionnaires menacèrent d’emprisonner des étudiants de la Bible s’ils ne leur remettaient pas tous leurs livres de la série ÉTUDES DES ÉCRITURES.

      À Los Angeles, des ecclésiastiques se vantèrent de faire arrêter les étudiants de la Bible et de les garder en captivité. Certains de ces membres du clergé rendirent visite aux propriétaires d’appartements, les incitant à expulser les locataires qui étaient membres de l’Association internationale des Étudiants de la Bible. Dans cette même ville, on s’en prit au siège des Étudiants de la Bible et l’on y saisit et enleva toutes leurs publications, y compris les Bibles et recueils de cantiques. Vingt-six étudiants furent arrêtés pour avoir détenu LE MYSTÈRE ACCOMPLI et les NOUVELLES DU ROYAUME; ils durent dépenser beaucoup d’argent et consacrer un temps considérable pour assurer leur défense devant le tribunal. Le procès amena le renvoi du jury et ces hommes sont encore en ce moment sous caution, dans l’attente d’un second jugement. À Portland, dans l’Oregon, un étudiant de la Bible fut arrêté et tenu captif pendant vingt-quatre heures. L’affaire fut rayée du rôle par le Commissaire des États-Unis en raison de son caractère manifestement outrageux.

      Un évangéliste de renom déclara: “Voilà trente ans que nous essayons d’avoir raison de ces Russellistes et, à présent, nous y sommes parvenus.”

      L’Institut biblique de Los Angeles, dirigé par le Dr Torrey, a persévéré dans la persécution des Étudiants internationaux de la Bible, tant du haut de la chaire que par l’usage de pamphletsi.

      Voici quelques autres cas extraits d’un rapport détaillé relatant la persécution sévère que les témoins endurèrent au cours de cette période:

      Le 30 avril 1918, à Mammoth Spring, dans l’Arkansas, la foule s’en prit à Madame Minna B. Franke, qui fut contrainte de solder des marchandises d’une valeur de 10 000 dollars en un seul jour, et de quitter la ville. À Garfield, dans l’État de Washington, Donald Main et Monsieur Ish furent mis en prison et menacés de mort. À Minerva, dans l’Ohio, S. H. Griffin fut d’abord emprisonné puis relâché; le ministre local lui fit ensuite un sermon d’un quart d’heure, après quoi les émeutiers le frappèrent à coups répétés, l’injurièrent, lui donnèrent des coups de pied, le piétinèrent, le menacèrent de le pendre et de le noyer, le chassèrent de la ville, lui crachèrent dessus, le firent tomber à plusieurs reprises, le piquèrent avec un parapluie, le suivirent sur la distance de neuf kilomètres les séparant de Malvern (Ohio), l’arrêtèrent de nouveau, l’emprisonnèrent à Carrollton et, pour finir, deux personnalités courageuses et fidèles, après avoir examiné ses publications, le ramenèrent chez lui en disant: “Nous ne trouvons pas de faute en cet homme.” (...)

      Le 14 mars 1918, à Pomona, en Californie, J. Eagleston fut confiné dans un cachot où il resta pendant quinze jours; durant quatre jours il n’eut ni lit ni matelas, et presque pas de couvertures ni de nourriture. Lorsque le jury désapprouva ce traitement, à cinq voix contre sept, le juge déclara en pleine audience: “S’il n’est pas de loi pour régler de tels cas, ce sera le peuple américain, s’il le faut, qui sera souverain en la matière.” Qu’est-​ce que ce juge voulait donc que fasse le peuple américain?

      Le 17 avril 1918, à Shawnee, dans l’Oklahoma, G. N. Fenn, George M. Brown, L. S. Rogers, W. F. Glass, E. T. Grier et J. T. Tull furent emprisonnés. Au cours du procès, l’avocat général déclara: “Je me moque de votre Bible; vous devriez aller en enfer, les reins brisés; vous devriez être pendus.” Lorsque G. F. Wilson, d’Oklahoma City, tenta d’intervenir pour défendre les accusés, il fut également arrêté. Chacun fut condamné à 55 dollars d’amende et aux dépens; le délit était d’avoir répandu des ouvrages protestants. Le juge incita les gens à fomenter une émeute après le procès, mais la tentative des agitateurs échoua. (...)

      En juin 1918, à Roanoke, en Virginie, C. W. Morris fut emprisonné pendant trois mois pour avoir “strictement adhéré à la secte du pasteur Russell” et on l’avertit que si, après sa libération, il prêchait sa doctrine, le traitement qu’il endurerait serait bien pis. Conformément à cette menace, Alex H. Macmillan fut arrêté par le maire dans la même ville, le 15 février 1920, sans justification ni accusation aucune, à l’heure prévue où il devait prononcer le discours public intitulé “La seconde venue du Christ est proche; des millions actuellement vivants ne mourront jamais”. (...)

      Le 30 avril 1918, à Brownstown, dans l’Indiana, Curtis Plummer fut menacé par des émeutiers comprenant le shérif du comté et certains hommes d’affaires. (...)

      Le 5 juin 1918, à Indianapolis, dans l’Indiana, William Darby, après trente-deux ans et demi de bons et loyaux services comme facteur, fut licencié par J. C. Koons, premier assistant du ministre des postes et télécommunications, pour le seul crime d’être chrétien; aucun autre détail ne lui fut fourni. À Fontanelle, dans l’Iowa, Etta Van Wagenen fut expulsée de force de la ville par un banquier et un anarchiste en chapeau haut de forme. Par voie de conséquence, des hommes portant l’uniforme d’officiers de l’armée des États-Unis s’efforcèrent, en vain, d’obliger son employeur à la licencier. À Fort Cobb, dans l’Oklahoma, A. L. Tucker fut chassé de sa ville, sans un sou vaillant, par un groupe de dix hommes, dont son propre banquier chez lequel il avait des fonds en dépôt. Il fut obligé de quitter le comté et de vendre sa propriété à perte.

      En mars 1918, à Shattuck, dans l’Oklahoma, J. B. Siebenlist, Américain de naissance, fut emprisonné sans motif pendant trois jours; il fut privé de nourriture, à l’exception de trois morceaux de pain de seigle avariés; la foule le tira de prison, lui ôta ses vêtements, l’enduisit de goudron chaud et le fouetta avec un fouet terminé par un fil de fer; voici son délit: s’être adressé au dépôt aux fins de retirer un paquet de publications protestantes. Le 22 avril 1918, à Wynnewood, dans l’Oklahoma, Claud Watson fut d’abord emprisonné puis relaxé à dessein entre les mains d’agitateurs composés de prédicateurs, d’hommes d’affaires et de quelques autres, qui le battirent, le firent fouetter par un Noir et, lorsqu’il eut en partie recouvré ses esprits, le fouettèrent de nouveau. Ensuite, ils l’enduisirent de goudron et le recouvrirent de plumes, lui frottant la tête et le crâne avec du goudron. Le 29 avril 1918, à Walnut Ridge, dans l’Arkansas, W. B. Duncan, âgé de 61 ans, Edward French, Charles Franke, un certain Monsieur Griffin et Madame D. Van Hoesen furent emprisonnés. La foule fit irruption dans la prison et, utilisant le langage le plus vil et le plus obscène qui soit, fouetta ces gens, les recouvrit de goudron puis de plumes et les chassa de la ville. Les émeutiers obligèrent Duncan à parcourir à pied les quarante-deux kilomètres qui le séparaient de son domicile, et il faillit en mourir. Griffin fut pratiquement rendu aveugle et, quelques mois plus tard, il devait mourir des suites de ces événementsj.

      LA CAPTIVITÉ BABYLONIENNE COMMENCE

      LOÏS: On a du mal à imaginer que des chrétiens ont été traités de la sorte à notre époque, et tout particulièrement aux États-Unis.

      JEAN: D’autres rapports consignés dans les fichiers du Béthel de New York révèlent que des frères furent traînés hors de la ville parce qu’ils refusaient d’acheter des obligations d’emprunt de guerre, et ils furent traités de façon honteuse. Certains furent harcelés dans les rues et on leur cracha dessus; d’autres furent enduits de goudron et recouverts de plumes, traités de toutes les manières possibles. Tous ces événements se sont produits au printemps et en été, en 1918. En vérité, on ‘leur fit la guerre’ par l’entremise de la pression politique pour les vaincre et pour les tuer.

      THOMAS: Le juge Rutherford et ses associés étant emprisonnés, qu’est-​il advenu du siège de la Société?

      JEAN: Un comité exécutif fut désigné pour diriger la Société. La tâche principale des cinq frères nommés consistait à servir de comité de rédaction, chargé de maintenir la parution de La Tour de Gardek, car les frères de partout avaient bien besoin de l’encouragement qu’elle pourrait dispenser pendant cette période d’opposition intense. Pendant tout ce temps, aucune édition de La Tour de Garde n’a manqué de paraître.

      Les frères devaient faire face à de nombreux problèmes, tels que la pénurie de papier et de charbon, indispensables à l’activité du bureau. Grande était l’animosité contre la Société à Brooklyn. Le patriotisme était exalté au plus haut point; tous les témoins étaient considérés comme des traîtres. Il apparaissait impossible de continuer à tout diriger à partir du Béthel de Brooklyn. Prenant toutes ces choses en considération, le comité de cinq membres décida, après avoir consulté les autres frères, de vendre le Tabernacle de Brooklyn et de fermer le Béthel. Une telle décision sous-entendait l’abandon du siège de Brooklyn en été 1918 et le retour à Pittsburgh, dans un bureau sis aux Federal et Reliance Streetsl.

      C’est ainsi qu’en été 1918, la voix jusque-​là ferme et forte des témoins de Jéhovah et de son Royaume fut réduite au silence. Leur œuvre fut tuée, figurément parlant, et une inactivité semblable à la mort fut le lot de ce groupe de chrétiens jadis si actifs. Exilés, comme ils l’étaient, du siège de Brooklyn depuis le 26 août 1918, ils étaient fermement tenus en esclavage par leurs vainqueurs babyloniens. Figurément parlant du moins, l’œuvre était morte.

      [Notes]

      a a w 1917, pp. 354, 374.

      b b w 1918, p. 18.

      c c w 1918, p. 77.

      d d Ibid.

      e e w 1918, p. 77; w 1919, p. 117; Nouvelles du Royaume (angl.), No 1.

      f f w 1924, p. 358.

      g g w 1918, p. 24.

      h h w 1918, p. 82.

      i i Ibid., p. 110.

      j j w 1919, p. 281.

      k k Nouvelles du Royaume (angl.), No 2, p. 2.

      l l Consolation (angl.) 23 août 1939, p. 5. Pour preuve que le procureur des États-Unis était décidé à poursuivre la Société en se servant de la législation, voir le Congressional Record (Vol. 56, 6e partie, sénat, 24 avril 1918, p. 5542; 4 mai 1918, pp. 6051, 6052.

      a m Tombant sous le coup de la loi sur l’espionnage, décrétée le 15 juin 1917; strictement mesure de guerre (w 1918, p. 171).

      b n Rutherford contre les États-Unis (angl.), 14 mai 1919, 258 F. 855, transcription du compte rendu, Vol. 1, p. 12.

      c o w 1918, p. 178.

      d p L’affaire de l’Association internationale des Étudiants de la Bible (angl.), p. 4.

      e q w 1918, p. 194.

      f r L’affaire de l’Association internationale des Étudiants de la Bible (angl.), p. 4.

      g s w 1919, p. 58.

      h t L’affaire de l’Association internationale des Étudiants de la Bible (angl.), p. 4.

      i u Ibid., p. 4.

      j v L’Âge d’Or (angl.), 1920, pp. 713-715.

      k w w 1918, pp. 242, 255.

      l x Ibid., p. 290.

      [Illustration, page 75]

      L’ÉTUDIANT DE LA BIBLE, VOL. 9, No 9, “LA CHUTE DE BABYLONE”, HAUT DE LA PAGE 4.

  • La délivrance de la captivité babylonienne
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 13

      La délivrance de la captivité babylonienne

      LOÏS: Durant toute cette semaine, j’ai songé aux persécutions qu’ont endurées les témoins en 1918. Ce dut être quelque chose de terrible, et qui a éprouvé la foi de ceux qui, à cette époque, étaient liés à la Société.

      JEAN: C’est vrai, mais comme le déclare Matthieu 24:13, “celui qui aura enduré jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé”. Chaque fois que Jéhovah permet une épreuve, il pourvoit toujours au moyen d’en sortir. Beaucoup ont fait montre d’endurance. L’œuvre ne fut pas tuée définitivement et, pendant la période où les responsables de la Société étaient emprisonnés, la voix de La Tour de Garde se faisait encore entendre, quoique faiblement.

      On n’accomplit que peu de travail au cours de cet emprisonnement. On tint quelques petites assemblées, sans toutefois déployer d’effort spécial pour y inviter le public. Ces rassemblements tendaient principalement à fortifier ceux qui marchaient encore sur le sentier de la vérité et à maintenir l’œuvre au mieux des possibilités. Comme nous l’avons vu la semaine dernière, quelques colporteurs fidèles étaient encore actifs, bien que nombre d’entre eux aient été arrêtés.

      C’est alors que, brusquement, la Première Guerre mondiale prit fin, le 11 novembre 1918. La cessation des hostilités suscita un nouvel espoir chez les frères, bien que le juge Rutherford et ses associés fussent encore détenus au pénitencier d’Atlanta. Les frères avaient maintenant une très bonne raison pour commencer une campagne active tendant à les libérer. Vint janvier 1919 et, avec ce mois-​là, la réunion annuelle du conseil d’administration de la Société Watch Tower. Le 4 janvier, à Pittsburgh, fut organisée une assemblée ayant un double objectif: d’une part, examiner les dispositions qui pourraient être prises pour réveiller les frères sur le plan spirituel et, d’autre part, procéder à l’élection des responsables.

      THOMAS: Le juge Rutherford se trouvait alors en prison. Quelles mesures allaient donc pouvoir être prises pour tenir une réunion de ce genre?

      JEAN: Beaucoup avaient cette question présente à l’esprit, et en particulier frère Rutherford lui-​même. Tous les frères emprisonnés étaient restés actifs. Bien qu’on leur eût dit, dès leur entrée en prison, qu’ils ne pourraient pas prêcher, ils conduisaient régulièrement des études bibliques au bout de quelques mois, chaque frère dirigeant sa propre étude. Ces études avaient lieu le dimanche, et environ une centaine de détenus y assistaienta. Mais frère Rutherford était inquiet au sujet des résultats de la réunion du conseil d’administration. L’un de ses compagnons de captivité, frère A. H. Macmillan [qui vivait encore lorsque le présent ouvrage a été présenté en langue anglaise, en 1959] a souvent fait état de la crainte qu’avait frère Rutherford de voir, une fois les responsables de la Société emprisonnés, les adversaires de l’organisation parvenir, d’une façon ou d’une autre, à prendre le contrôle de l’œuvre et à réduire à néant les efforts déployés durant des années pour édifier la Société.

      UN SIGNE DE CONFIANCE

      LOÏS: Que s’est-​il passé à cette réunion?

      JEAN: Deux jours avant la réunion proprement dite, on tint une assemblée générale à laquelle assistèrent plus de 1 000 frères venus des États-Unis et du Canada. Le matin du 4 janvier, le vice-président C. H. Anderson prit la parole et présenta une résolution, laquelle fut adoptée à l’unanimité par tous les assistants. Cette résolution avait pour thème

      la confiance dans l’intégrité de ces huit défenseurs et dans leur loyauté envers le gouvernement et le peuple des États-Unis, aussi bien qu’envers le Seigneur, ainsi que notre entière confiance que le jugement sera infirmé et qu’ils seront totalement disculpés lorsque tous les faits auront été reconsidérés, avec impartialité, par la Cour d’appelb.

      En raison de l’absence du président et du secrétaire-trésorier de la Société, on posa quelques questions sur l’aspect légal de la situation. Certains étaient d’avis de surseoir à l’élection et d’attendre six mois. D’autres émettaient l’opinion qu’une telle attitude de la part des membres risquerait d’être interprétée par le public comme un désaveu des frères. Une longue discussion s’ensuivit, discussion au cours de laquelle un frère définit ce qui semblait être l’opinion de la majorité. Il déclara:

      Je crois que le plus grand plaisir que nous puissions faire à notre cher frère Rutherford serait de le réélire comme président de la Watch Tower Bible and Tract Society. Je ne pense pas qu’il subsiste le moindre doute dans l’esprit du public quant à la position que nous adoptons à cet égard. Si, sur le plan technique, nos frères ont violé la loi qu’ils ne comprenaient pas, nous savons que leurs motifs étaient bons. Et, devant le Dieu tout-puissant, ils n’ont pas davantage violé la loi divine que la loi humaine. Nous ferions preuve de la plus grande confiance en réélisant frère Rutherford comme président de l’Association. Je n’ai rien d’un juriste, mais lorsqu’on s’attache à l’aspect légal de la situation, je sais ce qu’est la loi de la loyauté. La loyauté, voilà ce que Dieu exige. Je ne puis imaginer plus grand témoignage de confiance que celui consistant à procéder à des élections aux fins de réélire frère Rutherford comme présidentc.

      Après une pause, on rejeta la motion qui tendait à reporter l’élection à six mois. Il paraissait évident que la grande majorité des assistants étaient partisans d’une élection, et il ne subsistait pas le moindre doute quant à la réélection de Rutherford à la fonction de président.

      L’élection eut donc lieu, et frère Rutherford fut élu président, frère C. A. Wise, vice-président, et W. E. Van Amburgh, secrétaire-trésorierd. Aucun de ceux qui avaient attaqué la Société en 1917 et 1918 n’obtinrent de voix dans les débats.

      Le mois suivant, certains journaux agitèrent l’opinion en faveur de la libération de Rutherford et de ses associése. Les témoins écrivirent des milliers de lettres aux journaux, éditeurs, membres du Congrès, sénateurs et gouverneurs, les priant instamment d’agir en faveur des responsables de la Société. Nombre de ceux qui avaient été sollicités se prononcèrent pour la libération et indiquèrent qu’ils feraient leur possible en ce sensf.

      L’effort suivant en faveur de ces frères consistait en une pétition à l’échelle nationale, pétition que l’on fit circuler en mars 1919. En peu de temps, on recueillit 700 000 signaturesg. Par son entremise, on demandait au gouvernement des États-Unis de rendre justice à ces hommes accusés faussement et emprisonnés. Cette manifestation publique constituait la preuve de la résurrection des témoins et de leur vitalité. En son temps, ce fut la plus grande pétition organisée jusque-​là, et, bien qu’elle n’ait jamais été présentée au gouvernement, elle servit à rendre un puissant témoignageh.

      LES RESPONSABLES DE LA SOCIÉTÉ SONT RELAXÉS ET JUSTIFIÉS

      THOMAS: Mais après tout le travail que représentait l’obtention de 700 000 signatures, comment s’expliquer le fait que la pétition n’ait pas été soumise au gouvernement?

      JEAN: Ce ne fut pas nécessaire. Le gouvernement avait déjà pris des mesures pour libérer les huit frères. À ce propos, il est intéressant de noter que Harlan B. Howe, juge du district fédéral, qui avait été le premier à refuser les cautions après la condamnation des frères, avait télégraphié au procureur général Gregory à Washington, le 2 mars 1919, “recommandant la commutation immédiate” des peines des huit hommes. Gregory avait envoyé un télégramme à Howe, l’invitant à faire lui-​même cette démarchei. Ils tentaient cette manœuvre parce que les frères avaient interjeté appel, et ni le procureur général ni Howe ne désiraient que cette affaire soit portée à l’attention des juridictions supérieures. Souvenez-​vous que les responsables de la Société étaient incarcérés alors qu’ils étaient en instance d’appel, et ce uniquement parce que Howe et Manton avaient refusé leur cautionnement. Cependant, cette manœuvre de Howe échoua et, le 21 marsj, Louis D. Brandeis, juge à la Cour suprême des États-Unis, ordonna la mise en liberté sous caution des huit frères, précisant que leur affaire viendrait en appel le 14 avril.

      Les frères étaient aussitôt élargis. Le mardi 25 mars, ils quittaient le centre pénitentiaire d’Atlanta et prenaient le train pour Brooklyn où ils devaient arriver le lendemain. C’est là que, le 26 mars 1919, les autorités fédérales les libérèrent contre une caution de 10 000 dollars chacun, sous réserve d’un jugement ultérieurk. Je vous laisse à penser la joie des frères de Brooklyn qui avaient été avisés de cette libération et qui étaient présents pour accueillir leurs frères de retour. Bien que le siège de la Société ait été transféré à Pittsburgh, les frères loyaux envers l’œuvre avaient prévu, à New York, un grand banquet qui eut lieu au Béthel. Certains de ceux qui y prirent part racontent qu’il n’y avait même pas de sièges en nombre suffisant, mais cet inconvénient ne refroidit pas pour autant les esprits ni n’amoindrit l’enthousiasme avec lequel furent écoutés les commentaires des frères libérés. Aussitôt après cette joyeuse rencontre, frère Rutherford et ses compagnons partirent pour Pittsburgh, où les frères du Béthel leur avaient préparé une réception tout aussi joyeuse.

      THOMAS: Puisque les frères étaient en liberté sous caution, cela signifie que leur affaire n’était pas encore classée. Qu’en est-​il résulté en définitive?

      JEAN: Leur affaire fut évoquée le 14 avril 1919, devant la Cour d’appel du deuxième district fédéral de New York. Le 14 mai 1919, cette juridiction cassait la décision rendue l’été précédent, décision qui reposait sur des convictions erronées. En renvoyant l’affaire pour un second jugement, le juge Ward déclara:

      Dans cette affaire, les défendeurs n’ont pas bénéficié du jugement modéré et impartial auquel ils auraient pu prétendre; c’est pour cette raison que le jugement précédent est cassél.

      Cela revenait à dire que les frères étaient libres, sous réserve que le gouvernement ne décide de reprendre les poursuites. Toutefois, la guerre était terminée et les frères savaient, preuves à l’appui, que leur condamnation s’avérait impossible. De fait, l’année suivante, le 5 mai 1920, les huit hommes furent définitivement disculpés du jugement illégal lorsque, sur l’ordre du procureur général, le procureur du gouvernement annonça, en audience publique à Brooklyn, l’abandon des poursuites. Les accusations furent retirées après motion de nolle prosequia.

      La presse prit bonne note de ce revirement. Le Brooklyn Eagle du 15 mai 1919 publia le compte rendu suivant:

      Le verdict prononcé contre les Russellistes annulé en appel; “Le jugement était injuste”. Les juges Ward, Rogers et Manton de la Cour d’appel pour le district fédéral de New York ont annulé aujourd’hui les condamnations des chefs du russellisme, qui furent déclarés coupables, en juin dernier, devant le juge Harlan B. Howe de Vermont, siégeant à Brooklyn, d’avoir comploté pour entraver la conscription, nuire à l’enrôlement et fomenter l’insurrection et l’insubordination parmi les forces armées de la nation.

      Le jugement considère que l’attitude du juge Howe fut injuste dans sa manière de traiter [trois] des témoins. (...) Puisque la décision soutient la légitimité des prétentions russellistes selon laquelle leur organisation, qui interdit à ses membres de tuer, leur confère le droit à l’exemption du service armé, il n’est guère probable que les responsables de ce mouvement passent de nouveau en jugement. (...)

      Le juge Martin T. Manton ne partagea pas l’opinion de la majorité, opinion que transcrivit le juge Henry G. Wardb.

      Le vote contraire du juge Manton n’était pas tellement surprenant car, le 1er juillet 1918, cet éminent catholique avait refusé la caution de Rutherford et de ses associés, sans raison apparente. C’est ce qui explique les neuf mois d’emprisonnement injustifié qu’ils durent subir, alors que leur appel était en suspens. Un tel refus de mise en liberté sous caution était

      en contradiction formelle avec un arrêt rendu par la Cour suprême des États-Unis, dont voici un extrait: “Les statuts des États-Unis sont fondés sur la théorie selon laquelle toute personne accusée d’un crime ne devra subir un emprisonnement ou une punition qu’après avoir été reconnue coupable par le tribunal qui juge en dernier ressort; elle pourra être autorisée à verser une caution, non seulement après son arrestation et avant le jugement, mais encore après condamnation et instance de recours pour cause d’erreur.” — Hudson contre Parker, 156 U.S. 277c.

      Bien que, par la suite, Manton ait été nommé “chevalier de l’Ordre de saint Grégoire le Grand” par le pape Pie XI, son mépris de la justice fut finalement rendu manifeste lorsque, le 3 juin 1939, il fut condamné à la peine maximum de deux ans de prison ainsi qu’au paiement d’une amende de 10 000 dollars, pour avoir mésusé honteusement de ses hautes fonctions de juge fédéral et s’être laissé corrompre en acceptant 186 000 dollars pour six jugementsd.

      THOMAS: L’annulation de leur décision voulait donc dire que le juge Rutherford était mis hors de cause ainsi que ses compagnons. Est-​ce bien cela? Il y a quelque temps, j’ai lu un ouvrage catholique qui traitait le juge Rutherford d’“ancien forçat”.

      JEAN: Pareille accusation est absolument fausse. Le verdict rendu par la cour le 14 mai 1919 établissait que Rutherford et ses associés avaient été emprisonnés suite à une condamnation illégale; mais il s’est avéré que Rutherford n’était pas un ancien forçat puisqu’il a plaidé plus tard devant la Cour suprême des États-Unis. Cela lui aurait été impossible s’il avait eu un casier judiciaire chargé. Ou bien ceux qui profèrent de telles accusations sont totalement ignorants des faits, ou bien ils s’efforcent de ruiner, de propos délibéré, la réputation de frère Rutherford.

      UNE ÉPREUVE CONCLUANTE RANIME L’ACTIVITÉ

      LOÏS: Que firent les frères après leur libération?

      JEAN: L’une des premières tâches qu’ils entreprirent consista à remettre en mouvement les rouages de l’organisation. Ce ne fut pas chose facile. L’œuvre était tombée pour ainsi dire au point mort. Le Tabernacle de Brooklyn avait été vendu, le Béthel de Brooklyn était en mauvais état et pratiquement dépourvu de mobilier; les frères de Pittsburgh ne disposaient que de peu d’argent, le siège était devenu trop petit pour permettre l’expansion de l’œuvre et les conditions n’étaient pas favorables à l’imprimerie, nombre de clichés servant à imprimer les livres ayant été détruits. Les perspectives étaient sombres. Mais les frères étaient animés d’un zèle nouveau. Ils étaient libres maintenant, et l’avenir présentait quelque espoir.

      Certes, frère Rutherford ignorait quelle ligne de conduite il lui convenait d’adopter. C’est la raison pour laquelle il décida de faire une tentative en Californie. Il s’était rendu dans l’ouest des États-Unis peu après sa sortie de prison, d’une part parce que sa famille s’y trouvait, et d’autre part pour raison de santé. Il avait contracté une affection pulmonaire au cours de son séjour en prison, et il devait en souffrir pour le restant de ses jours. Pour connaître l’ampleur de l’intérêt que le message du Royaume serait susceptible de provoquer, il organisa une réunion publique au Clune’s Auditorium de Los Angeles, le dimanche 4 mai 1919. Usant de la publicité intensive de la presse, il avait promis d’exposer les raisons pour lesquelles les responsables de la Société avaient fait l’objet d’une condamnation illégale. La réunion obtint un grand succès. Le discours intitulé “L’espoir pour l’humanité en détresse” fut accueilli avec enthousiasme.

      D’après la réaction de son auditoire, frère Rutherford acquit la conviction que l’œuvre n’était pas terminée et qu’il y avait encore beaucoup à faire. Il prit aussitôt des dispositions pour qu’une assemblée ait lieu à Cedar Point (Ohio) en automne. Il envisagea également la possibilité de rétablir à Brooklyn, New York, le siège de la Société.

      Voici un incident digne d’intérêt que relata plus tard C. A. Wise, le vice-président. Frère Rutherford lui avait donné pour instruction de se rendre à Brooklyn pour tenter d’y louer un local destiné à l’imprimerie et d’examiner les mesures à prendre pour rouvrir le Béthel. Frère Rutherford lui avait dit: “Va voir si la volonté du Seigneur est que nous retournions à Brooklyn.” Frère Wise lui dit: “Comment saurai-​je si la volonté du Seigneur est que nous y retournions ou non?” Et frère Rutherford de répondre: “C’est la pénurie de charbon qui, en 1918, nous a contraints de quitter Brooklyn pour Pittsburgh. Que le charbon serve d’épreuve! Va passer commande.” N’ignorant pas que le charbon était encore rationné à New York à la fin de la guerre, frère Wise ajouta: “À ton avis, combien de tonnes dois-​je en commander pour la tentative que nous faisons?” “Eh bien, dit Rutherford, pour que l’épreuve soit concluante, commandes-​en cinq cents tonnes.”

      Rempli de doutes, en raison du manque de charbon, frère Wise se rendit à New York, formula sa demande auprès des autorités et, à son vif étonnement, reçut un bon lui permettant d’obtenir cinq cents tonnes de charbon. Il téléphona aussitôt la nouvelle à frère Rutherford. Cet élément garantissait le fonctionnement de la Société pendant un certain nombre d’années. Un problème se posait cependant: où entreposer le charbon? Il s’avéra nécessaire de convertir une grande partie des sous-sols en soute à charbon. Pour les frères, il ne faisait aucun doute que le temps était venu de retourner à Brooklyn et d’y remettre l’œuvre en mouvement. C’est ce qu’ils firent le 1er octobre 1919e.

      LOÏS: L’idée de tenir une assemblée à Cedar Point, dans l’Ohio, fut-​elle aussi heureuse que celle de retourner à Brooklyn?

      JOYEUSE RÉUNION À CEDAR POINT

      JEAN: Certes, ce devait être une occasion particulièrement heureuse! Il est évident que des doutes subsistaient quant aux résultats de cette assemblée, du moins en ce qui concernait l’assistance, car les frères avaient perdu tout contact avec les témoins dispersés en Amérique. Nous pouvons sans peine imaginer ce que fut leur joie lorsqu’ils virent plus de 6 000 frères venus du Canada et des États-Unis. En fait, cette réunion rassemblait les membres du reste qui avaient subi la persécution rigoureuse de l’époque, et qui s’étaient trouvés dispersés. Leur foi était ferme, et certains avaient dépensé jusqu’à leur dernier centime pour assister à cette assemblée inoubliable de Cedar Point, du 1er au 7 septembre 1919. Mais ils n’étaient pas seuls à faire montre de zèle, puisque 200 nouvelles recrues pour la guerre du vrai culte symbolisèrent le don de leur personne par l’immersion dans l’eau. Il y avait une assistance de 7 500 personnes au discours publicf.

      Nombreux furent les témoignages de gratitude envers Jéhovah, qui avait fortifié son peuple au cours de la période de crise qu’il venait de vivre. On eut aussi la preuve que les frères avaient conscience de la responsabilité qui leur incombait: prêcher à la face du monde la bonne nouvelle du Royaume de Dieu. Dans un discours qui parut dans La Tour de Garde sous le titre “Annoncez le Royaume”, frère Rutherford souligna cette responsabilité. Voici un extrait de sa déclaration:

      Obéissant au commandement de notre Maître et reconnaissant notre privilège et notre devoir consistant à faire la guerre aux bastions de l’erreur qui tiennent depuis si longtemps les peuples en esclavage, notre vocation était, et est encore, l’annonce de la venue du glorieux Royaume messianique. Alors que nous nous efforcions de remplir fidèlement notre alliance, soudain une tempête terrible s’est déchaînée sur nos têtes et, comme des brebis, le peuple du Seigneur s’est vu, soit dispersé, soit refoulé. Les attaques venant de l’ennemi furent à tel point sans pitié que nombre de brebis du Seigneur en furent comme stupéfaites et restèrent dans l’expectative, attendant et priant que le Seigneur leur fasse connaître sa volonté. En raison de leur fidélité au Seigneur, les étudiants de la Bible ont enduré des tribulations de toutes parts, et l’intensité de celles-ci fut telle que, pour un temps, leur sentiment se fit l’écho de celui du prophète Jérémie qui déclara: “Je suis chaque jour un objet de risée; tous se moquent de moi. Car chaque fois que je parle, j’ai à crier, j’annonce violence et dévastation, et la parole de Yahweh finit par me couvrir de honte et de moqueries, chaque jour. Je disais: ‘Je ne ferai plus mention de lui, je ne parlerai plus en son nomg.’” Mais en dépit de leur découragement momentané, les disciples fidèles du Maître avaient le désir ardent de proclamer le message du Royaume et, à l’exemple de Jérémie, ils disaient: “Il y a dans mon cœur comme un feu dévorant qui est renfermé dans mes os. Je m’efforce de le contenir, et je ne le puis. Car j’apprends les mauvais propos de plusieurs, l’épouvante qui règne à l’entourh.”

      Lorsqu’il raisonne sérieusement, le chrétien se pose naturellement la question: Pourquoi suis-​je sur terre? Et la réponse qui s’impose est la suivante: Dans sa bonté, le Seigneur a fait de moi son ambassadeur pour porter au monde le message divin de la réconciliation, et mon privilège et devoir consiste à annoncer ce messagei.

      UN NOUVEL INSTRUMENT EST PUBLIÉ

      Frère Rutherford déclara ensuite qu’au cours de la guerre qui venait de se livrer contre la vérité, les clichés originaux utilisés pour imprimer la Tribune du Peuple et l’Étudiant de la Bible avaient été détruits avec les archives de la Société. Il dit aussi qu’en raison des nouvelles ordonnances qui étaient sur le point d’être adoptées, il y aurait dans de nombreuses communautés des difficultés pour distribuer des journaux, excepté aux abonnés. Il révéla alors ce qui suit:

      En cherchant diligemment et dans la prière à connaître la volonté du Seigneur, il nous est venu à l’esprit de faire paraître un journal destiné à porter le message d’actualité; cette publication sera présentée de façon à ce que les gens la recherchent et la lisent. Nous nous sommes souvenus qu’à une certaine occasion, frère Russell avait envisagé de publier un périodique susceptible de réunir ces conditions; nous avons pensé que le moment était venu pour que celui-ci voie le jour. Le résultat, c’est que, par la providence du Seigneur, nous avons élaboré un nouveau périodique qui paraîtra sous le nom de “L’ÂGE D’OR”j.

      Depuis lors, ce périodique s’est avéré efficace et utile pour dévoiler la fausse adoration et les œuvres des ténèbres commises par les dirigeants de ce monde; il a également été une source de réconfort et d’espoir pour tous les peuples. La première édition parut le 1er octobre 1919k. Les frères accueillirent ce périodique avec un réel enthousiasme; il les stimula encore davantage dans leur désir de reprendre l’œuvre et d’activer la tâche que Dieu leur avait confiée.

      THOMAS: Puisque les clichés employés dans l’imprimerie avaient été détruits, comment pouvaient-​ils se remettre à l’ouvrage et mener leur œuvre à bonne fin?

      JEAN: Il va de soi que les frères continuaient à imprimer La Tour de Garde, et, désormais, L’Âge d’Or paraissait également. De plus, un grand nombre d’exemplaires du Mystère accompli, imprimés avant l’emprisonnement des frères, étaient également disponibles pour la diffusion. Ainsi, le 21 juin 1920, une édition du Mystère accompli, du format de La Tour de Garde, était prête à être distribuée. Cette édition, connue sous le sigle “ZG”, avait été imprimée avant que les États-Unis ne soient entrés en guerre et elle avait été stockée par les frères alors que la diffusion du livre se trouvait restreintel. En en réorganisant la diffusion, La Tour de Garde déclarait:

      En 1917, et au début de 1918, Le mystère accompli était largement répandu. La guerre servit de prétexte pour en interrompre la diffusion. (...) À présent, la guerre est finie, (...) et il n’y a ni raison ni prétexte pour empêcher que ne soit répandu de nouveau Le mystère accompli. (...)

      Il ne devrait y avoir désormais aucune objection légale à la diffusion de n’importe lequel des sept volumes. Toutefois, la Société estime qu’il est plus approprié d’employer en premier lieu l’édition du format de LA TOUR DE GARDE, qui revient moins cher, et des dispositions sont prises pour que la vente et la diffusion de cette édition commence le 21 juin prochain; les classes ont d’ailleurs été informées de cela. L’édition sera cédée pour 20 cents l’exemplairea.

      Dès lors, une tâche immense attendait les frères. Nombre d’entre eux possédaient des exemplaires de l’Étudiant de la Bible et des Nouvelles du Royaume, mais tous étaient encouragés à mettre au premier plan l’œuvre de diffusion du “ZG”.

      LOÏS: Que signifient les initiales “ZG”?

      JEAN: “Z” était le sigle utilisé à l’origine pour représenter La Tour de Garde de Sion (en angl. Zion’s Watch Tower). La lettre “G” indique le septième volume des Études des Écritures. Les ouvrages de cette série étaient successivement désignés par les sept premières lettres de l’alphabet. “ZG” représentait tout simplement le Mystère accompli ou septième volume imprimé en tant qu’édition spéciale de La Tour de Garde du 1er mars 1918b.

      Lorsque les frères se rendirent à Brooklyn en 1919, ils purent acquérir un local dans l’avenue Myrtle où ils installèrent une grande rotative d’occasion qu’ils avaient achetée. Les frères de l’imprimerie l’appelaient le “vieux cuirassé” et la Société l’utilisa pendant des années pour imprimer des millions d’exemplaires de La Tour de Garde, de L’Âge d’Or ainsi que des brochures. Plus tard, je vous en dirai plus long sur le vieux cuirassé.

      Le service de colporteur ou de pionnier fut ranimé à son tour en 1919; 150 membres étaient actifs au printemps et, en automne, 507 étaient engagés dans le service à plein temps. Le service de pèlerin reprit également, et quatre-vingt-six représentants spéciaux furent envoyés de congrégation en congrégation pour rassembler ceux qui avaient été dispersés suite à la guerre et à la persécution, et pour stimuler le nouvel enthousiasme en établissant un contact étroit avec le siège de l’organisationc. Les années de tempête et de crise avaient été surmontées avec succès, et les frères étaient dès lors en voie d’accomplir de nouveaux exploits pour la défense du vrai culte.

      [Notes]

      a a w 1919, p. 116; Consolation (angl.), 23 août 1939, p. 8

      b b w 1919, p. 23.

      c c Rapport souvenir de l’assemblée des Étudiants de la Bible (angl.), Pittsburgh, 2-5 janv. 1919, p. 37.

      d d w 1919, pp. 23, 24.

      e e National Labor Tribune, Pittsburg, 20 fév. 1919.

      f f w 1919, p. 101.

      g g w 1920, p. 162; w 1919, p. 93.

      h h w 1919, p. 194.

      i i w 1919, p. 117; Consolation (angl.), 6 sept. 1939, pp. 5, 6.

      j j w 1919, p. 98.

      k k Ibid., p. 118; w 1925, p. 71.

      l l Rutherford contre les États-Unis, 258 F. 855, 863.

      a m w 1920, p. 162.

      b n w 1919, p. 162; Consolation (angl.), 6 sept. 1939, pp. 6, 7.

      c o L’affaire de l’Association internationale des Étudiants de la Bible (angl.), p. 4.

      d p Consolation (angl.), 9 août 1939, pp. 3-6; New York Times des 21 janv. 1929 et 18 nov. 1946, p. 23, col. 3.

      e q w 1919, p. 283.

      f r Ibid., pp. 291-297.

      g s Jérémie 20:7-9 (CT).

      h t Jérémie 20:9, 10.

      i u w 1919, p. 280.

      j v Ibid. Publié tous les quinze jours. Ce journal prit le nom de “Consolation” avec l’édition du 6 octobre 1937, puis fut remplacé par Réveillez-vous!, journal bimensuel, avec l’édition du 22 août 1946.

      k w w 1919, pp. 298, 318.

      l x w 1918, p. 290.

      a y w 1920, pp. 187, 198, 199.

      b z w 1905, p. 73.

      c aa w 1919, pp. 371-373.

      [Illustration, page 89]

      1er octobre 1919, Vol. 1, no 1.

      [Illustrations, page 90]

      “ZG”.

      “LE VIEUX CUIRASSÉ”.

  • Réorganisés en vue du service actif
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 14

      Réorganisés en vue du service actif

      JEAN: Quand la libération de la Société en vue d’une extension de l’œuvre de prédication après la Première Guerre mondiale eut commencé, les frères prirent rapidement conscience qu’eux aussi avaient été tenus par de nombreux liens dans la servitude spirituelle. L’organisation ne s’était pas encore purifiée d’un nombre important de doctrines et de pratiques erronées. Celles-ci ne furent pas toutes identifiées d’un seul coup, mais, à mesure que les années passèrent, la puissance de l’emprise babylonienne qui avait tenu les frères captifs au cours de cette époque leur apparut avec clarté. La compréhension de l’époque les avait amenés à voir dans les gouvernements politiques de la terre les “autorités supérieures” que Dieu a ordonnées, selon Romains 13:1; il en avait résulté la crainte de l’homme, en particulier des pouvoirs civilsa.

      Par ailleurs, de nombreux témoins attachaient une grande importance au prétendu “développement du caractère”, car ils attribuaient à leur mérite personnel des vertus salvatricesb, et le culte de la créature était pratiqué dans une large mesure au sein de l’organisationc. De plus, on continuait de célébrer des fêtes païennes, telles que la Noëld, et même d’utiliser le symbole de la croix en signe de dévotion chrétiennee. Quant au nom de Jéhovah, bien qu’on en fît usage de temps à autre, on ne tentait rien pour le sortir de l’ombre et amener à la lumière sa véritable signification. L’organisation était encore gouvernée sur la base de la congrégation localef. En d’autres termes, c’était une époque où chacun faisait ce qui lui semblait bon, et cet ensemble de dispositions se résumait en une association mal coordonnée et privée de la direction théocratique. De 1870 à 1918, le renouvellement de la pensée avait été si remarquable dans nombre de domaines, que l’étreinte de ces tentacules corrompues que sont les pratiques et les conceptions fausses héritées des traditions païennes absorbées par la chrétienté avait échappé, pour ainsi dire sournoisement, à l’attention des frères.

      Mais dès l’année 1919 s’ouvrit une perspective nouvelle, glorieuse. Dans l’effort qu’ils déployaient pour obtenir le pardon de Jéhovah et retrouver sa faveur, qu’ils comprenaient avoir temporairement perdue, ces serviteurs voués se mirent à faire état de leurs fautes et à confesser publiquement leur erreur. Ils se repentirent de leur ligne de conduite passée, exprimèrent le désir de modifier leurs voies et demandèrent à Jéhovah de leur faire grâce. Ils reconnurent qu’en supprimant les pages 247 à 253 du livre Le mystère accompli afin de plaire à ses censeurs, ils avaient fait un compromisg. Nous en trouvons un autre dans La Tour de Garde (angl.) du 1er juin 1918.

      En accord avec la résolution adoptée par le congrès le 2 avril, et la proclamation lancée le 11 mai par le président des États-Unis, nous suggérons que partout le peuple du Seigneur fasse du 30 mai un jour consacré à la prière et aux supplicationsh.

      Les phrases qui faisaient suite à cet avis ne manifestaient pas la véritable neutralité chrétienne; et si on parlait, dans ces lignes, de l’espoir de voir Dieu répandre ses bénédictions sur l’humanité par le rétablissement de toutes choses, comme il l’a promis, il n’en est pas moins vrai que les paroles sur lesquelles finissait cet appel ont pu laisser un doute dans l’esprit d’un grand nombre d’hommes qui n’avaient pas une connaissance exacte de la nature strictement biblique de leur responsabilité. Voici ces paroles:

      Que Dieu soit loué et remercié pour la promesse qu’il a faite d’assurer à la guerre une issue victorieuse, d’anéantir l’oppression exercée par l’autocratie, de libérer les captifs (Ésaïe 61:1) et de faire du monde un lieu de sécurité pour les gens du peuple — toutes ces bénédictions étant assurées par la Parole de Dieu au peuple de ce pays et au genre humain du monde entieri!

      Enfin, le fait que les témoins prirent part à des entreprises de caractère non religieux est une indication de plus qu’ils ne comprenaient pas l’obligation qui incombe au chrétien de se dévouer à la cause exclusive de Dieuj.

      APPELÉS À AGIR COURAGEUSEMENT

      Le discours que le président de la Société prononça au congrès de septembre 1919 sur le sujet stimulant intitulé “Heureux ceux qui ne craignent pas” est une preuve concrète de leur détermination d’avancer dans une voie de droiture et d’offensive malgré l’opposition soutenue de l’adversaire. Ce discours fut publié la même année dans La Tour de Garde, dans un article en deux parties. Voici ce que dit l’un des derniers paragraphes:

      Résumant les pensées des parties I et II de ce sujet, nous trouvons que Dieu préordonna un petit troupeau qui se développa pendant l’âge de l’Évangile et auquel il lui plaît de donner le Royaume. Nous trouvons que Dieu en a développé les membres à travers l’âge de l’Évangile et particulièrement dans la période de la moisson de cet âge; qu’il les a enseignés par des figures, des types et des illustrations, aussi bien que par la Parole et que la classe à laquelle il se propose de donner ce grand et merveilleux prix est celle de ceux dont la foi et la confiance en lui sont absolues et qui sont sans crainte de l’homme ou des institutions humaines et dont l’amour est parfait. Considérant donc la situation de l’église à la lumière des Écritures et à la lumière des événements qui se sont passés durant l’année écoulée et sachant que c’est par beaucoup de tribulations que la classe du Royaume doit y entrer, que chacun de ceux qui sont maintenant dans la lice pour le prix du haut appel ceigne les reins de son entendement et soit sobre en attendant le commandement du Seigneur, le Prince de notre salut. Qu’il soit prêt en tout temps, désireux et anxieux d’obéir à ce commandement au prix de la réputation, du renom, des richesses et même de la viek.

      LOÏS: Cela nécessitait une foi réelle, n’est-​ce pas, après la période que ces témoins venaient de traverser?

      JEAN: Certes, et l’organisation qui se réveillait s’en trouva réanimée. Leur travail revêtit une signification nouvelle, et d’autres raisons leur étaient données de maintenir leur intégrité et de soutenir fermement la pure adoration. Cette époque de rafraîchissement amena un changement de condition spirituelle.

      THOMAS: Il me semble que la diffusion, après la guerre, du Mystère accompli ou “ZG”, à laquelle vous avez fait allusion, allait exiger du courage. Si j’avais subi les mêmes traitements qui furent infligés à certains témoins pour avoir distribué quelques exemplaires de ce livre, je ne suis pas sûr que j’aurais eu un désir très vif de commencer une vaste campagne avec le même ouvrage.

      JEAN: Pourtant cet effort fut couronné d’un immense succès; les frères firent preuve de courage, bien que le gouvernement ait condamné le livre publiquementl. Mais ils manifestèrent à d’autres reprises encore cette force d’âme. En 1920, la Société imprima un numéro spécial de L’Âge d’Or; il était tellement virulent que certains frères refusèrent de prendre part à sa diffusiona. Les témoins en parlaient comme du “GA No 27”, d’après le sigle du journal et le numéro de l’édition.

      Mais l’œuvre ne subit de forte opposition qu’à une échelle très limitée pendant les années 1919 à 1922. En fait, il s’avéra que cette époque d’après-guerre fut pour les serviteurs de Dieu celle du rétablissement. Jéhovah protégeait son peuple et le préparait en vue d’une campagne formidable qui devait s’ouvrir en 1922. La conclusion de l’article “Heureux ceux qui ne craignent pas” laissait prévoir cette offensive. L’avant-dernier paragraphe de cet article dit:

      Cette petite troupe de chrétiens livre la plus grande bataille de tous les temps. Il n’y en aura jamais une autre semblable! Le grand Dieu de l’univers l’a préparée et rangée; le grand Rédempteur, le Roi des rois et Seigneur des seigneurs est le Prince et le Conducteur de cette petite troupe. Nous savons qu’il est absolument certain de la victoire et à cause de cela nous savons qu’après avoir été appelés et choisis pour courir dans la lice, si nous continuons à être fidèles, sans crainte, étant mus par l’amour dans toutes nos actions, le servant loyalement en toute occasion jusqu’à la fin, nous serons victorieux avec lui et nous entendrons l’approbation du Père: “C’est bien, bon et fidèle serviteur.” Ne craignons donc pas, car “le Dieu d’éternité est notre refuge et sous ses bras paternels est une retraiteb”.

      Déjà dans ce même numéro du 15 août 1919 de La Tour de Garde (angl.), à la page suivante, paraissait un article intitulé “Occasions de servir”.

      Reconnaissant que ces perspectives de service s’offraient à eux, les serviteurs de Jéhovah réorganisèrent leurs forces pour réaliser un double plan d’action comprenant premièrement “l’annonce de la chute de Babylone, et la proclamation de jugements adverses contre cette même puissance inique”, et deuxièmement “le rétablissement de la vérité et du peuple du Seigneur, en accomplissement d’une figure prophétique: la restauration du culte au temple et la reconstruction de la ville” de Jérusalem par Esdras et Néhémie, suite à la captivité du peuple d’Israël à Babylonec. Cela signifiait qu’on s’apprêtait non seulement à effectuer un nouveau rassemblement de chrétiens dans le Seigneur pour la vie éternelle, mais aussi à identifier ceux qui persistaient dans leur refus de considérer la bonne nouvelle du Royaume comme une doctrine de salut, pour leur propre destruction.

      APPARITION DE NOUVELLES SOCIÉTÉS POLITIQUES APRÈS LA GUERRE

      Tandis que Dieu fortifiait son peuple et le rassemblait en une société vouée aux intérêts de son nouvel ordre de choses, les gouvernements du système de choses satanique renforçaient leur structure, et l’on assista au développement de nouvelles organisations politiques. Toutes, sans exception, se mirent en opposition avec les représentants du nouvel ordre de Jéhovah réunis en une société en pleine expansion.

      En janvier 1918 déjà, dans les affres de la Première Guerre mondiale, le président des États-Unis, Woodrow Wilson, avait proposé la formation de la Société des Nations. Vous vous souvenez qu’au lendemain de cet événement, le mois suivant, le président de la Société Watch Tower, parlant au nom des témoins de Jéhovah, lança ce message sensationnel: “Le monde a pris fin — Des millions d’hommes actuellement vivants peuvent ne jamais mourir”. Au début du mois suivant, les principaux responsables de l’œuvre furent arrêtés pour avoir annoncé le Royaume de Dieu comme seul et unique espoir de l’humanité. La question se posait donc aux Églises les plus importantes de la chrétienté en Amérique de savoir quel instrument ceux qui professaient le christianisme devaient choisir: le Royaume de Dieu ou la Société des Nations.

      La Première Guerre mondiale prit fin en novembre 1918 avec la victoire des puissances démocratiques alliées, mais frère Rutherford, ainsi que ses compagnons de service, étaient toujours en prison. La conférence pour la paix devait s’ouvrir en janvier 1919 à Paris. Les principales Églises américaines de la chrétienté firent connaître leur option, mais elles créèrent une confusion entre les deux termes du choix qui s’imposait, pour faire un compromis. Le 12 décembre 1918, les membres du comité exécutif du Conseil fédéral des Églises du Christ en Amérique tinrent leur assemblée annuelle et signifièrent leur adhésion au projet du président Wilson pour la formation de la Société des Nations en une Déclaration qui contient ces affirmations remarquablesd:

      La crise de la guerre qui a ébranlé la terre tout entière est passée, mais c’est maintenant une crise mondiale qui est ouverte. (...) Le temps est venu d’organiser le monde pour la vérité et le droit, pour la justice et l’humanité. À cette fin, nous recommandons instamment la création d’une Société des Nations libres lors de la prochaine conférence pour la paix. Une telle société n’est pas seulement un moyen d’action politique; elle est plutôt l’expression politique du Royaume de Dieu sur la terre. (...) Si une nouvelle terre où la justice habitera ne sort pas de la victoire, ceux qui sont morts en héros auront sacrifié leur vie pour rien. L’Église a beaucoup à prodiguer et beaucoup à gagner. Elle peut donner à cette organisation une ratification puissante en investissant ce nouvel ordre international d’une part de la gloire prophétique du Royaume de Dieu. (...) L’Église peut donner un esprit de bonne volonté, sans lequel aucune Société des Nations ne peut subsister. (...) La Société des Nations a ses fondements dans l’Évangile. Comme l’Évangile, son but est “paix sur la terre, bonne volonté envers les hommes”. L’appel qu’elle lance est comme l’Évangile: universel. (...) Nous en appelons à tous les chrétiens, à tous ceux qui croient en Dieu, et à tous les amis de l’homme, pour qu’ils travaillent et prient de toute leur âme, afin que, des cendres de la vieille civilisation, puissent s’élever les belles structures d’un monde nouveau, fondé sur l’idéal de justice, de coopération, de fraternité et d’entraide promu par le Christ.

      Une délégation spéciale qui réunissait le président du Conseil fédéral et d’autres chefs ecclésiastiques fut désignée pour transmettre cette Déclaration à la conférence de la paix à Paris, en 1919. Un document fait état de ce que cette commission d’autorités religieuses communiqua effectivement cette Déclaration à des représentants du gouvernement français à Parise.

      THOMAS: Quelles sont les autres sociétés politiques dont vous avez parlé? Le communisme est-​il de leur nombre?

      JEAN: En effet. Suite à la révolution de 1917, le communisme, ou bolchevisme comme on l’appelait alors, commença à étendre sa puissance en Russie. Mais, à la même époque, on vit apparaître un autre pouvoir dans le jeu des forces politiques. Souvenez-​vous que la restauration du culte pur dans le dernier quart du dix-neuvième siècle avait fait suite à une vague d’activité révolutionnaire au sein de l’organisation terrestre de Satan. Cependant, tout au long des quelque quarante années au cours desquelles le peuple de Jéhovah avait annoncé que la domination gentile prendrait fin en 1914, l’Empire germanique ne cessa de recevoir de nouvelles forces. Il s’en fallut de peu que l’empereur Guillaume ne parvienne à lui rendre toute son ancienne puissance, mais il perdit la guerre et fut envoyé en exil.

      L’Allemagne cependant recouvra son pouvoir au cours des années qui suivirent la guerre. En mai 1919, Adolf Hitler devint membre du parti nazi dans la ville allemande de Munich. Le mouvement nazi mit plus de temps à s’emparer du pouvoir que le fascisme italien qui, ayant pris naissance en 1919, devait, dès 1922, servir d’instrument à Benito Mussolini pour contrôler l’Italie. Tandis que la Société des Nations était présentée aux peuples comme le seul espoir de paix et qu’elle était acclamée par le clergé de la chrétienté, ce furent le nazisme et le fascisme, soutenus par la Rome papale, qui, au cours des années suivantes, allaient menacer l’existence de la société des témoins de Jéhovah dans sa croissance.

      Ces deux mouvements politiques apparus la même année se lancèrent ensemble à la conquête du pouvoir, et tandis que la société des témoins, fondée sur le culte pur de Jéhovah, s’étendait et adoucissait l’attitude des peuples envers Dieu et sa Parole, la coalition nazie-​fasciste-​catholique influença beaucoup les hommes dans la direction contraire pour les amener à s’endurcir et à manifester ouvertement de l’hostilité contre Dieu et ses véritables serviteurs. C’est également ce que fit le bolchevisme ou communisme.

      Pour préparer ses témoins à cette attaque à outrance qu’ils allaient subir sous peu, Jéhovah leur traça, de 1919 à 1922, un programme d’entraînement et de développement spirituel que l’avenir rendait indispensable.

      THOMAS: C’est donc la raison pour laquelle vous avez parlé de l’importance de cette période (1919 à 1922) à la fois pour les témoins de Jéhovah et pour leurs adversaires. Elle marquait en quelque sorte le développement de deux organisations antagonistes.

      JEAN: C’est exact, et ce fut un temps de grands changements pour les témoins de Jéhovah.

      ON COMMENCE À APPRÉCIER L’ORGANISATION THÉOCRATIQUE

      C’est en automne de l’année 1919 que l’œuvre prit un nouveau départ, avec la première édition du périodique L’Âge d’Or. La création de ce journal avait été annoncée le vendredi 5 septembre de cette même année, lors du congrès de Cedar Point, à l’issue d’un discours intitulé “Aux compagnons de travail”, que prononça le président de la Société alors en fonction, frère Rutherford.

      Le peuple de Dieu ne savait pas alors le grand rôle que ce nouvel instrument, L’Âge d’Or, allait jouer dans la mise à nu de l’alliance impure nazie-​fasciste-​catholique. Dans les années qui suivirent, nombreux et puissants furent les coups que ce journal courageux devait assener à cette coalition par le moyen d’articles et de caricatures.

      THOMAS: Vous voulez dire que l’organisation publia le même genre d’écrits que le GA No 27? La Société prit-​elle des dispositions particulières pour assurer la diffusion de ce numéro spécial?

      JEAN: Oui. On fit un gros effort pour atteindre le plus grand nombre possible de personnes. Environ quatre millions d’exemplaires furent tirés et on les distribua soit gratuitement, soit contre une contribution volontaire de dix cents. Les frères les répandirent non seulement de maison en maison, mais ils les donnèrent à leurs amis et à tous ceux dont ils faisaient occasionnellement la connaissance.

      Mais en temps normal le travail de prédication par le moyen de L’Âge d’Or s’effectuait d’une manière différente. Comme le soulignait une brochure publiée en 1919 par la Société Watch Tower,

      la diffusion de L’ÂGE D’OR s’inscrit dans le cadre de la prédication du royaume de maison en maison, et son but est de proclamer le jour de la vengeance de notre Dieu et de réconforter ceux qui se lamentent. Outre cette campagne, il faut laisser un exemplaire de L’ÂGE D’OR dans chaque foyer, que l’abonnement soit accepté ou refusé. (...) Les ouvriers d’ecclésia se procureront leurs périodiques auprès du Directeurf.

      THOMAS: Ce responsable était-​il élu par les congrégations comme c’était auparavant le cas pour les aînés?

      JEAN: Non. La Société demanda aux congrégations qui désiraient participer à cette nouvelle forme de service inaugurée en 1919 de se faire inscrire. Dès réception de ces demandes, les frères du bureau central choisirent théocratiquement, dans chacune de ces congrégations, un frère pour représenter la Société dans cette fonction, et qu’on allait appeler “directeur”. Personne ne pouvait être désigné à ce poste par voie d’élection, d’année en année, à l’échelle locale. Cela signifiait que, pour la première fois, l’autorité était enlevée aux congrégations qui s’administraient démocratiquement par l’intermédiaire des “anciens électifs”, et il était clair que la direction de l’œuvre passait sous le contrôle international de la Société. Ce contrôle était limité, bien sûr, mais c’est par cette disposition que l’organisation théocratique visible commença de fonctionner. Le directeur devait agir de concert avec le groupe des aînés élus de façon démocratique qui, pour leur part, continuaient de présider de la manière habituelle aux études de congrégation et aux conférences.

      THOMAS: J’incline à penser que cette modification n’a pas dû plaire beaucoup à certains de ces aînés.

      JEAN: Ceux qui n’avaient pas l’esprit de progressivité et qui ne voyaient pas l’œuvre à accomplir opposèrent une certaine résistance à ce renouvellement. Certains tenaient absolument à vivre comme par le passé, à en rester à l’époque du pasteur Russell où les frères le considéraient en général comme le seul canal des lumières bibliques. On a pensé jusqu’en 1927, et on disait dans les publications, que “ce serviteur” dont parle Matthieu 24:45 était Russellg. Jéhovah, cependant, allait continuer de se servir de la Société Watch Tower pendant cette période de la restauration du vrai culte, tout comme il l’avait fait pour publier des vérités bibliques aux jours de frère Russell. Les frères reçurent un avertissement leur enjoignant de ne pas accepter d’interprétations privées ou de suivre aveuglément de prétendus guides que leur position personnelle intéressait plus que l’extension de l’œuvre du Royaume de Dieu. Il leur fallait éviter de chercher à plaire aux hommesh. À cette époque donc, la Société Watch Tower arrêtait là le contrôle de sa juridiction sur les affaires principales des congrégations localesi.

      L’année suivante, la Société commença à inviter certains anciens électifs à abandonner l’idée qu’ils constituaient un “conseil de directeurs” à l’échelle de la congrégation locale et qu’ils avaient le droit de prendre des mesures indépendamment d’elle, sans qu’elle le leur accorde par vote. Le canal dirigeant de Dieu fit en cela un effort pour clarifier la position des aînés dans la congrégationj. Il lança également un appel à l’unité mondiale. On conseilla aux chrétiens de Grande-Bretagne d’utiliser les mêmes méthodes dont on se servait en Amérique pour effectuer l’œuvre du Royaumek.

      La réaction des frères devant ce nouveau programme d’activité démontra leur bonne attitude d’esprit. En 1920, on commença à insister sur la responsabilité qui incombe au chrétien de prêcher la bonne nouvelle, en demandant à tous les témoins qui prenaient part à ce travail de remettre chaque semaine un rapport de leur activité de prédication. Avant 1918, seuls les colporteurs, c’est-à-dire les pionniers, rendaient compte de leur activité. On attribua aux congrégations des territoires précis pour le travail du champ. D’après le premier rapport annuel, il y eut, en 1920, 8 052 “ouvriers d’ecclésia” et 350 pionniersl. Les statistiques de 1922 indiquent qu’en Amérique, sur 1 200 congrégations, 980 étaient déjà complètement réorganisées pour le service du champ, avec un effectif de 8 801 “ouvriers d’ecclésia”, c’est-à-dire de frères qui plaçaient des publications, livres, brochures ou périodiques, en échange d’une contribution par l’acquéreura.

      RÉORGANISATION DES FILIALES

      THOMAS: Après la guerre, comment l’accroissement de l’œuvre s’effectuait-​il en dehors des États-Unis?

      JEAN: À cette époque, le Canada cessa de soumettre les publications de la Société à la censure. Cette mesure devint réalité le 1er janvier 1920, et elle permit aux étudiants de la Bible de se lancer aux côtés de leurs frères américains dans une campagne énergique pour l’extension de la pure adoration dans leur territoireb. Par ailleurs, les bureaux de la filiale furent transférés à Torontoc.

      Le 12 août 1920, frère Rutherford et un petit groupe de ses collaborateurs quittèrent New York par bateau à destination de l’Europe, où une série d’assemblées devaient avoir lieu à Londres, à Glasgow et dans d’autres villes de Grande-Bretagne qui manifestaient beaucoup d’intérêt pour le message. Puis frère Rutherford, accompagné de quelques frères, alla jusqu’en Égypte et en Palestine. Il rendit visite à d’autres filiales encore et à des groupes d’étudiants de la Bible, fortifiant l’œuvre dans tous ces territoiresd. Pendant ces assemblées, ainsi qu’aux congrès tenus plus tard en Amérique, il fut démontré à l’auditoire, par le moyen des Écritures, qu’une œuvre nouvelle commençait et qu’une campagne aux dimensions plus grandes encore était en cours.

      À l’issue de ce voyage d’inspection, le président de la Société écrivit dans son rapport annuel:

      La Première Guerre mondiale a gêné dans une très large mesure la libre coopération entre le Béthel de Brooklyn et les bureaux des différentes filiales dans le monde; et la grande persécution de 1918 en Amérique a interrompu presque tous ces contacts. Nous avons cependant le plaisir d’annoncer que, depuis lors, cette unité d’action et d’esprit qui était nôtre est à présent rétablie, et que l’œuvre dans les territoires étrangers progresse à la gloire du Seigneur et pour l’édification de son peuple. Aucun représentant du bureau central n’avait pu rendre visite aux filiales d’Europe de 1914 à la présente année, quand, pour répondre à la demande expresse des frères de l’étranger et sur l’avis du comité des directeurs, le président de la Société se rendit en Europe. (...)

      La guerre mondiale a largement désorganisé l’œuvre en Europe centrale; mais nous sommes heureux de pouvoir dire que maintenant elle avance à grands pas. La visite du président de la Société a été mise à profit pour réorganiser le travail sur une base plus efficace. Suite aux conversations qu’il a eues avec des frères de quelques-uns de ces pays, nous avons pensé que la création d’un bureau central européen était la mesure la plus favorable aux intérêts de l’œuvre dans cette partie du monde, et la décision a donc été appliquée. Ce bureau s’appellera le Bureau Central Européen de la Société Watch Tower. Ce siège se trouve pour le moment à Zurich, en Suisse; mais nous attendons son prochain transfert à Berne. Ce bureau supervisera l’œuvre en Suisse, en France, en Belgique, en Hollande, en Allemagne, en Autriche, et en Italie. (...)

      Certains frères, qui se sont voués complètement au service de la vérité, ont mis sur pied une imprimerie en Suisse et l’ont entièrement équipée de bonnes presses et de séries de caractères en de nombreux idiomes; la Société se trouve là en possession d’un avantage rare pour éditer ses publications dans les langues parlées en Europe. La filiale de Suisse prépare en ce moment l’impression d’un certain nombre d’ouvrages pour ces pays. D’autre part, pendant la récente visite du président en Europe, des livres ont été commandés pour la Grande-Bretagne, les pays scandinaves et la Suisse, et nous avons à l’heure actuelle 550 000 exemplaires du livre “Des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais”, qui sont déjà prêts ou en voie de l’êtree.

      Frère Rutherford révéla également dans ce rapport que l’œuvre progressait en Syrie et que la Société faisait des projets pour envoyer des témoins dans la vallée du Nil pour prêcher aux chrétiens de langue arabe. Il mentionna également la création d’une filiale en Palestine, à Ramallah, localité d’où l’on aperçoit Jérusalemf.

      L’accroissement se poursuivit en 1921. Le rapport annuel faisait état de l’existence de dix-huit filiales, dont le bureau central pour l’Europe qui desservait sept pays. Ces filiales s’étendaient en étoile à partir de l’Europe jusqu’aux confins du monde: l’Afrique du Sud, l’Inde, l’Australie, la Corée, le Canada, l’Amérique du Sud. Pour s’occuper de l’œuvre en Amérique du Sud, la Société avait installé ses bureaux sur l’île de la Trinité. Elle avait également organisé douze filiales dites domestiques aux États-Unis, pour s’occuper des minorités nationales dans leur langue d’origineg.

      Voici un fait intéressant qui nous vient de Pologne:

      L’œuvre progresse et se développe rapidement. Les “ecclésias” se fortifient et le nombre des frères augmente régulièrement. À Varsovie, chaque dimanche matin, environ 700 personnes sont présentes à la réunion. Récemment un des frères polonais a été arrêté à Cracovie parce qu’il prêchait la vérité. Entre autres choses, il fut accusé de calomnie contre le pape. Il s’est défendu lui-​même devant la cour, sur la base de la Bible, et le juge l’a acquitté en déclarant de la tribune que sa défense avait été complète et que les Écritures l’autorisaient à dire les choses qu’il avait dites. Cet événement a augmenté l’intérêt de la population pour la vérité, et a amené les gens à chercher le pourquoi de cette persécutionh.

      DE NOUVEAUX LIVRES, UNE NOUVELLE ŒUVRE DE PRÉDICATION

      Tout cet accroissement signifiait un surcroît de travail pour les frères du bureau central de Brooklyn. De plus, la Société avait décidé d’imprimer elle-​même, pour la première fois, une partie de ses ouvrages. Le Tabernacle de Brooklyn ayant été vendu lors de l’incarcération des frères, on choisit un terrain industriel dans l’avenue Myrtle à Brooklyn, pour y établir une imprimerie. D’autre part, le nombre des membres de la famille du Béthel fut porté à 107, en vue de la publication à des millions d’exemplaires du numéro spécial de L’Âge d’Or (angl.) du 29 septembre 1920, qui correspondait au numéro 27.

      Ainsi un pas en avant fut réalisé au début de 1920 quand, pour la première fois, La Tour de Garde sortit des presses de la Société. C’était le numéro du 1er février 1920. Puis ce fut le tour de L’Âge d’Or, avec le numéro du 14 avrili. Cette année-​là, la Société tira plus de 4 000 000 d’exemplaires de L’Âge d’Or qui nécessitèrent assez de papier pour remplir trente-huit wagonsj. Mais ce n’est là qu’une partie de ce que la Société imprima en cette seule année. L’expansion était rapide. En 1922, il fallut un plus grand local pour l’imprimerie, qui fut transférée dans un bâtiment de cinq étages, au 18 Concord Street, toujours à Brooklyn. C’est de ce local que la Société sortit pour la première fois ses livres reliés. Mais aux alentours de 1926, cet immeuble était de nouveau trop petit. Cette fois la Société décida de construire ses locaux en fonction de ses besoins. On acheta un terrain, et un grand édifice moderne de sept étages fut érigé au 117 Adams Street, à Brooklyn, à dix minutes de marche du Béthelk, lequel fut également reconstruit et agrandi à la même époquel. Mais je ne veux pas empiéter sur mon histoire. Je vous raconterai cela plus en détail par la suite.

      LOÏS: Les frères ont-​ils continué de se servir des livres du pasteur Russell?

      JEAN: Après que les frères eurent largement distribué le septième volume, on continua de les encourager à utiliser les Études des Écritures. Cette diffusion s’effectua dès lors dans le cadre d’une nouvelle phase de l’œuvre dite la “Campagne des Millions”. Elle consistait en une série de conférences publiques qui avait débuté le 25 septembre 1920, et avait pour but d’attirer l’attention de millions de personnes. Elle avait pour thème principal le discours publié vers la fin de 1920 dans le livre Des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais, conférence que frère Rutherford avait prononcée pour la première fois le 24 février 1918, en Californie, et qui avait produit des résultats si sensationnelsa. L’ouvrage en question fut également traduit et publié en danois et norvégien, en finnois, en suédois, en français, en allemand, en néerlandais, en yiddish, en grec, en arabe, en russe, en polonais, en malayalam et en birman. Cette campagne fit une forte impression, comme en témoigne ce fait cité dans le rapport annuel de 1920. Nous lisons:

      Au cours de quatre réunions publiques présidées par frère Rutherford dans une petite partie de l’Europe, 5 050 exemplaires de ce livre ont été vendus. Cela nous donne une idée de l’avidité avec laquelle les gens cherchent la vérité. Jamais un tel intérêt n’a été manifesté jusqu’alors en Allemagne. De grandes foules viennent à la vérité; et si l’opposition monte, la vérité aussi se lèveb.

      Cette campagne dura deux ans. Tandis qu’on répandait le livre Millions qui avait 128 pages, on fit également usage dans toutes les villes importantes de grands panneaux publicitaires et de banderoles sur lesquels on lisait: “Des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais”. On utilisa aussi la publicité dans les journaux. La campagne fut si étendue que ce slogan devint presque un dicton, et que beaucoup de gens s’en souviennent encore aujourd’hui.

      Les méthodes de prédication étaient légèrement différentes de celles de “l’œuvre pastorale” de l’époque précédente, en ce qu’au lieu de prêter les livres aux gens, on les leur plaçait en échange d’une contribution, afin de les inciter à les lire et à s’intéresser ensuite aux Études des Écritures.

      En 1921, cependant, il sembla que le moment était venu de produire un nouveau livre, ce qui fut fait. Le 1er décembre 1921, on commença à expédier des cartons renfermant un guide biblique écrit par J. F. Rutherford, La Harpe de Dieu, qui devint un manuel d’étude extrêmement populaire et qui aida pendant nombre d’années les personnes bien disposées à acquérir la connaissance des desseins de Dieu. La Tour de Garde lança à ses lecteurs l’invitation de lire cet ouvrage dès qu’il paraîtrait, disant:

      “La Harpe de Dieu” en est le titre; ce livre expose d’une manière méthodique l’essentiel de l’ensemble des desseins de Dieu, dans les chapitres suivants: La Création, La Justice manifestée, La Promesse abrahamique, La Naissance de Jésus, La Rançon, La Résurrection, Le Mystère révélé, Le Retour de notre Seigneur, La Glorification de l’Église, Le Rétablissement; ce sont là en quelque sorte dix cordes de la Harpe de Dieu, la Bible.

      Ce livre n’est pas destiné essentiellement aux enfants, mais c’est un manuel pour débutants. Chaque chapitre est suivi de questions, ce qui facilite l’étude de l’ouvrage et la rend utile, que le lecteur soit jeune ou âgé. Ces centaines de questions récapitulatives offrent un moyen commode d’étudier soit individuellement, soit en groupe. “La Harpe de Dieu” compte onze chapitres, trois cent quatre-vingt-quatre pages, six cent vingt-quatre paragraphes, et plus de sept cents citations des Écrituresc.

      En fait, on avait écrit ce livre dans le but d’en faire un manuel d’étude biblique, et en plus des questions qu’on y avait insérées, on offrait aux gens un cours complet d’instruction par correspondance contre une contribution couvrant seulement les frais d’impression et d’envoi par la poste. Cette offre parut d’abord dans le numéro du 4 janvier 1922 de L’Âge d’Or, tandis qu’une nouvelle édition de “La Harpe de Dieu” sortait de presse.

      L’occasion est maintenant offerte à tous ceux qui désirent étudier la Bible d’une manière systématique de le faire grâce à ce cours rapide mais cependant complet. Cette étude par correspondance se fait à l’aide d’un manuel de 384 pages intitulé “La Harpe de Dieu”, dont ce journal a annoncé récemment la parution.

      Chacun de ses onze chapitres est suivi d’une longue liste de questions (il y en a souvent plusieurs pour un seul paragraphe) conçues de manière à permettre même au lecteur le plus humble, non seulement de saisir la pensée, mais aussi d’en comprendre l’importance et de la retenir.

      Le bureau central de l’Association des Étudiants de la Bible enverra à chaque acquéreur de “La Harpe de Dieu”, à intervalles réguliers, un total de douze questionnaires, et ceci afin de l’aider et de l’encourager dans son étude.

      Cette édition a été réalisée à partir des mêmes clichés que ceux de l’édition de luxe précédemment annoncée. La seule différence qu’on y remarque, c’est que les marges sont moins larges et le papier plus fin, de sorte que le livre est facilement transportable soit dans la poche, soit dans un sac à main, ce qui permet au lecteur de tirer profit des minutes passées à voyager en train ou en autobus. Le livre est bien relié et sa couverture est en toile.

      Le prix du volume a été fixé à 68 cents pour ceux qui le commandent par la poste, et il comporte douze leçons. Cette étude par correspondance est du plus grand intérêt pour les enseignants de l’École du dimanche, pour les conducteurs de classes bibliques, et pour tous les étudiants de la Bibled.

      Les congrégations locales ou classes d’étude s’occupaient, elles aussi, d’envoyer des questionnaires. Les frères qui prêchaient de porte en porte offraient aux personnes à la fois le livre et le cours, et, chaque semaine, ils postaient les listes individuelles de questions. Une congrégation moyenne pouvait placer de 400 à 500 questionnaires par semaine dans ce service. On utilisa cette méthode pendant un certain nombre d’années.

      La Harpe de Dieu devint un ouvrage très populaire. C’est la première fois qu’on faisait quelque chose de nouveau depuis les Études des Écritures en sept volumes. Au fil des années on ajouta d’autres manuels à cette série de livres: Délivrance, en 1926, Création, en 1927, Réconciliation et Gouvernement en 1928. En 1927, la Société commença à publier le Yearbook (Annuaire) et elle a continué jusqu’à ce jour. Maintenant que la Société était en mesure de le faire, elle imprimait elle-​même ses livres; ainsi, au lieu de les offrir pour 50 ou 75 cents l’exemplaire, elle pouvait abaisser le prix jusqu’à 25 cents. Ce dernier prix fut en vigueur pendant de nombreuses années. Ce fut en 1919 que la Société décida de faire une réimpression complète de toutes les Tours de Garde publiées depuis quarante ans, de juillet 1879 au 15 juin 1919. Chaque collection représentait une série de sept volumes; ainsi la possibilité était offerte aux nouveaux frères de se procurer cette précieuse documentation pour une somme équivalant au tiers du prix initial de l’abonnemente.

      SUIVONS LES PROGRÈS DE LA LUMIÈRE CROISSANTE

      THOMAS: Vous avez mentionné le fait que certains pensaient que le pasteur Russell ne pouvait avoir de successeur, et que quelques-uns se sont opposés à la publication du Mystère accompli. Quel fut leur sentiment quand le juge Rutherford écrivit cette série de nouveaux livres?

      JEAN: Seul un petit nombre trouva à redire à cela. Cependant, la grande majorité des frères comprirent que ce flot de nouvelles publications arrivait au moment opportun, et ils en reconnurent la grande valeur. Malgré tout, il y a toujours certains chrétiens qui, comme nous l’avons dit, veulent vivre comme par le passé et manquent de maintenir cet esprit de progressivité qu’il faut posséder pour suivre la lumière de la vérité qui s’accroît au temps présent. L’œuvre de Jéhovah avance continuellement, et dans ces années de formation de 1919 à 1922, les frères avaient été préparés en vue d’une activité qui allait exiger d’eux toute la force spirituelle qu’ils seraient susceptibles d’acquérir. Cela signifiait qu’ils recevaient une nourriture spirituelle nouvelle, adaptée aux temps dans lesquels ils se trouvaient aussi bien qu’au besoin du public.

      Même frère Russell avait reconnu la réalité d’une telle nécessité. Prenez note de ce qu’il déclare dans La Tour de Garde (angl.) du 15 juillet 1906:

      Certains de ceux qui possèdent un exemplaire du livre Les Trois Mondes ou l’ancienne édition de L’Aurore du Jour voudraient peut-être savoir ce que je pense à présent de ces ouvrages — c’est-à-dire si je pense que ce sont là des livres qu’on peut encore prêter à ceux qui cherchent la vérité. À ceci je réponds: Certainement pas; la raison en est que les points de vue que ces écrits contiennent sur la vérité de Dieu sont dépourvus de maturité, et sont très inférieurs à la vision que nous avons à présent de son merveilleux dessein. (...) Le Seigneur m’a montré qu’il y a une grande responsabilité à assumer le rôle d’enseignant, et à faire circuler ne fût-​ce qu’un livre ou un écrit. Je ne recommande même plus l’étude de l’ouvrage Nourriture pour chrétiens réfléchis (que l’on ne réimprime plus) pour la raison que ce livre est moins systématique et par conséquent moins clair que nos publications ultérieuresf.

      Ainsi, bien que la Société n’ait jamais changé de point de vue sur les vérités fondamentales, nous avons assisté à la réalisation de la prophétie selon laquelle l’éclat de la lumière spirituelle deviendrait de plus en plus vif jusqu’à ce que le jour parfait soit établig. Ceux qui ont marché de pair avec elle ont continué de recevoir journellement de nouvelles forces pour réaliser cette œuvre de progrès qu’est la prédication de cette bonne nouvelle du Royaume.

      Après avoir appliqué le verset de Matthieu 24:14 à la prédication de l’évangile du Royaume à l’échelle mondiale, La Tour de Garde (angl.) de janvier 1921, dans son article de fond intitulé “L’Évangile du Royaume”, met en évidence la vérité suivante:

      Remarquons qu’il ne dit pas que l’évangile qui sera alors prêché sera le même que celui qui a été prêché aux humbles pendant tout l’âge de l’Évangile. De quel évangile voulait-​il donc parler? Le mot évangile signifie bonne nouvelle. Dans ce texte, la bonne nouvelle dont il est question est celle de la fin de l’ancien ordre de choses et de l’instauration du royaume du Messie. (...)

      Il est bon d’observer que, dans l’ordre indiqué, ce message doit être annoncé pendant l’intervalle compris entre la grande guerre mondiale et la “grande tribulation” mentionnée par le Maître dans Matthieu 24:21, 22. (...) Le moment semble donc opportun pour déclarer cette bonne nouvelle au loin comme dans la chrétienté.

      C’est par ce stimulant appel à l’action qui figurait sous le titre “Tous à l’œuvre” que s’ouvrit la “Campagne des Millions” qui, au cours des années préparatoires de 1919 à 1922, allait avoir des résultats sensationnels. Non seulement la nouvelle nourriture spirituelle affermissait les frères dans l’adoration pure à présent rétablie, mais elle les aidait à accomplir énergiquement cette tâche sérieuse qu’est le témoignage du Royaume. Ces mesures préliminaires ont fortifié les frères et les ont équipés pour la campagne qui devait commencer en 1922, et qui allait revêtir une grande significationh.

      [Notes]

      a a Études des Écritures, tome I (1886) (édition française de 1904), p. 278.

      b b w 1916, pp. 155-157; wF juil. 1926, pp. 151-155.

      c c w 1916, pp. 356-370.

      d d w 1919, p. 31; w 1946, p. 361.

      e e w 1906, p. 274; wF déc. 1919, p. 22.

      f f w 1913, p. 381.

      g g w 1918, p. 77.

      h h w 1918, p. 174.

      i i Ibid. Voir aussi w 1918, p. 78.

      j j w 1900, p. 64; w 1911, p. 178; w 1920, p. 226.

      k k wF mai 1920, p. 84.

      l l w 1920, p. 244.

      a m Ibid., p. 374.

      b n wF mai 1920, p. 84.

      c o w 1922, p. 270.

      d p Voyez le Bulletin du Conseil fédéral (angl.), tome II, No 1, et celui de janv. 1919, pp. 12-14.

      e q Voir le rapport annuel (angl.) du Conseil fédéral des Églises du Christ en Amérique pour l’année civile 1919, p. 11.

      f r To Whom the Work Is Entrusted (1919, brochure de la Société Watch Tower).

      g s wF juin 1927, pp. 134, 135.

      h t wF juil. 1920, p. 109.

      i u wF juin 1920, p. 100.

      j v wF fév. 1922, p. 59; wF nov. 1922, p. 22.

      k w w 1921, p. 343.

      l x w 1920, p. 372.

      a y w 1922, p. 389.

      b z w 1920, p. 36.

      c aa Ibid., p. 374.

      d bb Ibid., pp. 242, 307-311.

      e cc w 1920, pp. 373, 375.

      f dd Ibid., pp. 375, 376.

      g ee w 1921, pp. 372-379.

      h ff Ibid., p. 377.

      i gg L’Âge d’Or (angl.) du 14 avril 1920, couverture, à comparer avec la couverture de l’édition du 31 mars 1920.

      j hh w 1920, p. 371; w 1921, p. 371.

      k ii w 1922, p. 98; Annuaire (angl.) 1928, p. 42; Le Messager (angl.), 12 août 1946, p. 15.

      l jj Annuaire (angl.) 1928, pp. 25-28, 37-44.

      a kk w 1920, pp. 127, 258.

      b ll w 1920, pp. 375, 376.

      c mm w 1921, p. 351.

      d nn L’Âge d’Or (angl.), 4 janv. 1922, dernière page.

      e oo w 1919, p. 258.

      f pp w 1906, p. 236.

      g qq Proverbes 4:18.

      h rr wF janv. 1921, pp. 38, 39; wF 1947, p. 27.

      [Illustration, page 98]

      L’IMPRIMERIE AU 18 CONCORD STREET EN 1922.

      [Illustration, page 99]

      LES PREMIERS LIVRES DE RUTHERFORD.

  • Proclamation du courroux de Jéhovah contre les dirigeants
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 15

      Proclamation du courroux de Jéhovah contre les dirigeants

      LOÏS: Jean, vous deviez nous parler ce soir de cette énergique campagne ouverte en 1922. Je voudrais vous demander si elle offrait quelque similitude avec la “Campagne des Millions” ou la diffusion du “ZG”.

      JEAN: Non, elle a principalement gravité autour d’un ensemble de sept assemblées internationales, bien que d’autres formes de l’activité théocratique accomplies pendant cette période lui ajoutent importance et intérêt. Pendant sept ans, c’est-à-dire de 1922 à 1928, l’annonce du Royaume alla de l’avant et on assista à l’énoncé des décisions judiciaires de Dieua. Du 5 au 13 septembre 1922, un congrès international eut lieu de nouveau à Cedar Point, dans l’Ohio. Pour la seconde fois également, la force agissante de Jéhovah qui animait son peuple organisé lui conféra autorité et puissance pour accomplir sa tâche, lourde de responsabilitéb.

      L’assemblée se déroula dès le premier jour dans une atmosphère d’expectative, et l’on attendait fiévreusement la session prévue pour le vendredi, dont on avait dit à l’avance que ce serait “le Jour”, et cela à juste titre. Pour susciter encore plus l’intérêt, on avait disposé autour des pelouses des enseignes frappées des lettres “A D V”, et tout le monde essayait d’en deviner la signification.

      Ce fut réellement un festin d’abondantes vérités nouvelles et stimulantes qui fut offert au peuple de Jéhovah en cette occasion. Dans le but de mettre ce thème en relief, frère Rutherford prononça un discours historique sur “Le Royaume”. Il déclara:

      Pourquoi le Roi est-​il venu? Pour établir son royaume [celui de Dieu] et prendre son règne. Mais il avait une œuvre à faire avant de commencer son règne, une œuvre de préparation. Puisque les membres de son corps doivent lui être associés dans son règne, ils doivent être rassemblés et préparés pour le commencement de ce règne. (...)

      Le Seigneur savait naturellement d’avance que Satan ne céderait pas pacifiquement les royaumes de la terre. Il savait qu’il surviendrait un grand conflit et il dut par conséquent se préparer à ce conflit. (...) Les temps des nations se terminèrent (...) [en] 1914 et immédiatement après éclata la guerre mondiale; depuis ce jour-​là, l’angoisse régna sur la terre et la détresse parmi les nations. Ce fut un temps de ténèbres, d’obscurité et de souffrance croissantes. Les faits physiques montrent donc clairement que le jour de préparation date de 1874 et que (...) le jour de préparation prit fin en 1914 et qu’en 1918 environ le Seigneur vint dans son temple. L’arrivée au temple eut pour but le jugement, parce que le jugement doit commencer par la maison de Dieu (I Pierre 4:17). Le jugement devait s’opérer sur la vraie Église et sur le système nominal. (...)

      Avant l’année 1878, l’église nominale s’était puissamment développée sur la terre. En 1878 la faveur de Dieu se retira des systèmes nominaux. À partir de cette époque frère Russell et ceux qui s’étaient placés de son côté allèrent à travers le pays, (...) s’efforçant de ramener les cœurs de la chrétienté à une foi simple envers Dieu. L’église nominale n’y prêta point attention. En 1914, ces systèmes se vantaient de leur pouvoir et influence, disant: “Nous sommes riches et n’avons besoin de rien.” Lors de la déclaration de la guerre mondiale, la chrétienté nominale éleva sa voix en faveur de la guerre. (...)

      Le grand ouragan de la guerre mondiale s’apaisa, le combat cessa pour un temps et les nations s’assemblèrent aux fins d’empêcher un autre déchaînement. La chrétienté nominale, ses nobles, ses ministres, ses hommes puissants, ne désirent-​ils pas tirer maintenant une leçon de la guerre et considérer quelles en furent les suites à la lumière de la prophétie accomplie qui montre que le Seigneur est présent et que son royaume est proche? Ils manquèrent d’en tirer une leçon. — Ils étaient enivrés du pouvoir et des richesses acquises durant la guerre. (...)

      En janvier 1919, avant que la Société des nations ne fût définitivement instituée, le conseil fédéral publia effrontément l’énoncé blasphématoire suivant: (...)c.

      Le juge Rutherford cita alors la déclaration que nous avons lue dans le chapitre précédent, dans laquelle ces ecclésiastiques avaient salué la Société des Nations comme “l’expression politique du Royaume de Dieu sur la terred”. Il poursuivit:

      Ainsi ils nient la venue du Seigneur et de son royaume pour bénir l’humanité, et se joignent ouvertement aux plans du diable, essayant ensuite d’une façon blasphématoire d’offrir cela au Seigneur. (...)

      Qui ira pour le Seigneur Jésus et Jéhovah? Qui maintenant, ayant ses lèvres purifiées, portera volontairement le message? (...)

      Le prophète de l’Éternel répond: “Qu’on fasse sortir le peuple aveugle, qui a des yeux, et les sourds, qui ont des oreilles. Que toutes les nations se rassemblent, et que les peuples se réunissent. Qui d’entre eux a annoncé ces choses? Lesquels nous ont fait entendre les premières prédictions? Qu’ils produisent leurs témoins et établissent leur droit; qu’on écoute et qu’on dise: C’est vrai! Vous êtes mes témoins, dit l’Éternel [Jéhovah], vous, et mon serviteur que j’ai choisi, afin que vous le sachiez, que vous me croyiez et compreniez que c’est moi. Avant moi il n’a point été formé de Dieu et après moi il n’y en aura point. C’est moi, moi qui suis l’Éternel, et hors de moi il n’y a point de sauveur. C’est moi qui ai annoncé, sauvé, prédit, ce n’est point parmi vous un dieu étranger; vous êtes mes témoins, dit l’Éternel [Jéhovah], c’est moi qui suis Dieu.” — Ésaïe 43:8-12.

      Ainsi nous voyons que les membres de la classe du temple sont clairement désignés comme étant les témoins du Seigneur dans ce temps, pour apporter un message de consolation au peuple, pour lui annoncer que le royaume des cieux est là et que des millions actuellement vivants ne mourront jamais. Nous voyons que Dieu désire que son nom soit loué; que les peuples connaissent qu’il est l’Éternel; que Dieu se propose d’avoir sur la terre, dans ce temps de détresse, un peuple, séparé et distinct de tous les autres, comme ses témoins qui proclament hardiment le message: “Le royaume des cieux est proche!” (...)

      Le croyez-​vous? Croyez-​vous que le Roi de gloire est présent et qu’il l’est depuis 1874? Croyez-​vous que durant ce temps il a conduit son œuvre de moisson et qu’il a eu un serviteur fidèle et prudent par le moyen duquel il la dirigeait et procurait la nourriture à la maison de la foi? Croyez-​vous que le Seigneur est maintenant dans son temple, jugeant les nations de la terre? Croyez-​vous que le Roi de gloire a commencé son règne?

      S’il en est ainsi, retournez au champ, ô vous, fils du Dieu très-haut! Revêtez votre armure! Soyez sobres, vigilants, actifs, vaillants! Soyez de fidèles et véritables témoins du Seigneur. Marchez de l’avant dans le combat jusqu’à ce que Babylone soit devenue un désert. Répandez le message en tous lieux. Le monde doit connaître que Jéhovah est Dieu et que Jésus-Christ est le Roi des rois et Seigneur des seigneurs. Ceci est le jour de tous les jours. Voici, le Roi règne! Vous êtes ses hérauts. C’est pourquoi: Annoncez, annoncez, annoncez le Roi et son royaumee!

      THOMAS: Je suppose que les lettres “A D V” inscrites sur les enseignes, dont vous avez parlé, étaient l’abréviation de la forme verbale anglaise “advertise” qui veut dire “annoncez”.

      JEAN: C’est exact. Une autre chose encore suscita l’intérêt de l’auditoire et aida les frères à fixer leur esprit sur l’importance du message: ce fut une grande banderole de onze mètres de long en trois couleurs. Elle avait été réalisée par l’artiste qui était au service de la Société. On l’avait suspendue au-dessus du podium où se trouvait l’orateur, et on l’avait roulée de telle façon qu’il serait impossible de la lire avant le “moment psychologique”. Quand frère Rutherford parvint à la conclusion de son puissant discours invitant ses auditeurs à annoncer le Royaume, on coupa les attaches qui retenaient la banderole, et elle se déploya, révélant son message à l’auditoire: “Annoncez le Roi et le Royaume!” Au centre de cette banderole figurait un grand portrait de Jésus.

      LOÏS: Cela a sûrement dû être un moment saisissant, et je m’aperçois que le juge Rutherford a parlé avec insistance et à plusieurs reprises sur la nécessité d’être des témoins pour le Seigneur.

      JEAN: Mais l’assemblée devait encore atteindre un point culminant le dimanche. À la fin de la conférence publique, une résolution fut adoptée avec enthousiasme par un auditoire de 18 000 personnes. Par la suite, 35 millions d’exemplaires de ce cinglant réquisitoire furent imprimés et distribués dans toute la chrétientéf. Voici quelques-unes de ses déclarations essentielles:

      Les Étudiants internationaux de la Bible, réunis en assemblée générale, considèrent comme un devoir et un privilège d’adresser le présent message aux nations de la terre (...). Nous appuyant sur la Parole de Dieu et sur son plan providentiel en faveur de l’humanité par le Christ Jésus, nous, ses témoins, acceptons et certifions ce qui suit: (...)

      4. Que Satan, qui depuis longtemps a été le dieu de ce monde, a dupé les hommes d’État, les financiers et le clergé en les amenant à croire que, par la fondation d’organismes internationaux et d’autres combinaisons similaires, ils parviendraient à satisfaire les aspirations de toutes les nations;

      5. Que toute l’organisation actuelle du monde forme la partie visible de l’empire de Satan et que cet empire doit maintenant tomber devant le Roi de gloire qui s’est mis en marche;

      6. Que toutes les conférences internationales, tous les accords, y compris l’alliance de la Société des Nations et toutes les autres conventions de cet ordre, doivent aboutir à un échec, parce que Dieu l’a décrété;

      7. Que tous les efforts tentés par les Églises, leurs clergés, leurs dirigeants et leurs alliés, en vue de sauver, de rétablir l’ordre de choses sur la terre, et d’amener la paix et la prospérité, sont voués à un échec inévitable, pour la raison qu’ils ne représentent en rien le royaume du Messie (...).

      Suivaient d’autres paragraphes qui exposaient la déloyauté que le clergé avait manifestée en participant à la guerre et en répudiant le Royaume de Dieu par l’annonce effrontée qu’il avait faite au monde, selon laquelle la Société des Nations était ce Royaume ou son expression politiqueg.

      Ces vérités froides, dures, fondées sans détour sur la Parole de Dieu et sur les faits qui pour tous étaient évidents, furent comme une colère destructrice venue de Dieu, provoquant la mort spirituelle du monde de Satan tout entier. Ces vérités montraient que les membres de la classe d’hommes qui dirige la terre sur les plans religieux, politique et commercial, ainsi que toutes les personnalités les plus en vue dans ce système de choses et les espérances récemment conçues qu’ils présentaient au monde, étaient à présent dans un état de désolation et comme entièrement consumés par le feu. Elles portaient l’attention des hommes sur la lèpre spirituelle qui, graduellement, a tué le clergé de la chrétienté depuis le jour où il a adopté la Société des Nations en 1919, et sur le fait que tous ceux qui soutiennent ces dirigeants auront part au malaise mental et spirituel auquel le monde serait désormais soumis.

      LES SERVITEURS DE JÉHOVAH RÉPONDENT À L’APPEL DU ROYAUME

      THOMAS: Ce discours a dû réellement stimuler l’œuvre de prédication.

      JEAN: Bien entendu. D’ailleurs, lors de cette assemblée, on avait réservé une journée pour la proclamation de la bonne nouvelle, et le rapport indique que de nombreux groupes de témoins saisirent cette occasion de magnifier le nom de Jéhovah et de faire connaître son dessein.

      En octobre 1922, la Société imprima des sermons sous forme de cartes de témoignage, comme on les appela au début, et cette disposition facilita le travail des frères qui passaient de maison en maison pour offrir des publications bibliques. Le “Bulletin”, ou feuille d’instructions relatives au service, qui commença à paraître mensuellement après le mois d’octobre 1922, encourageait tous les frères, en leur qualité de “vaillants guerriers”, à apprendre ces témoignages par cœur, afin d’unifier dans le monde entier le message du Royaume. En 1922, il devint nécessaire de transférer l’imprimerie de la Société au 18 Concord Streeth. La Société fut alors en mesure de faire face à une demande de publications sans cesse croissante, grâce aux quatre étages qu’elle occupait dans ce bâtiment qui en comptait cinq, plus un rez-de-chaussée. Mais les années passant, elle utilisa les deux autres et transforma le local de l’avenue Myrtle en entrepôt pour les publications et le papier. C’est en 1922 également que, pour la première fois, l’on organisa dans les congrégations des études en groupe de La Tour de Garde, et que l’on imprima à la fin des articles des listes de questions pour aider les frères à en faire l’analysei.

      Puis, en 1923, on réalisa de nouveaux progrès dans l’œuvre. À partir du 1er mai, on commença à réserver le premier mardi de chaque mois comme “jour de service”, afin de permettre aux “ouvriers d’ecclésia” d’aller dans le champ sous la conduite du directeur local nommé par la Société. À l’époque on appelait cela “vendre de la littératurej”. Toujours en 1923, la Société commença à réserver plusieurs dimanches de l’année pour rendre ces jours-​là un “témoignage universel”, et ceci afin d’encourager les frères du monde entier, en tenant simultanément des réunions publiques, à conjuguer leurs efforts. Tous furent invités à faire de la publicité pour la conférence intitulée “Des millions de personnes actuellement vivantes ne mourront jamaisk”. Pour servir de stimulant à cette œuvre, et pour donner plus de courage encore aux frères, des dispositions furent prises, à partir de ce moment-​là, pour que l’on consacre la moitié du programme des réunions de prières, organisées dans les congrégations chaque mercredi soir, à la relation de rapports de prédication.

      LE DEUXIÈME MESSAGE ÉTABLIT UNE DIVISION

      Par l’intermédiaire de son organisation, Jéhovah avait donc fait maintenant une déclaration nette sur ce à quoi les hommes des nations pouvaient s’attendre. À partir de cette année-​là, et dès que ce retentissant défi eut été lancé aux peuples de la terre, la culpabilité des chefs politiques allait devenir de plus en plus grande. Mais les témoins de Jéhovah ne comptaient pas sur ces faux bâtisseurs du monde pour établir la paix. Ils savaient que les dirigeants n’accepteraient pas la voie de Jéhovah. Aussi regardèrent-​ils vers leur Roi, Jésus-Christ, et continuèrent-​ils de suivre ses directives pour accomplir leur double mission: prononcer les jugements de Dieu et édifier en ayant l’avenir en vue.

      L’été 1923, la condamnation de Jéhovah fut entendue dans un nouveau message. Cela eut lieu à l’assemblée de Los Angeles, en Californie, du 18 au 26 août. Par un discours biblique remarquable, le président de la Société démontra pour la première fois, sur la base des Écritures, que dans sa parabole des brebis et des boucs, Jésus s’était servi des brebis pour désigner une classe de personnes bien disposées qui vivent actuellement sur la terre, avant le règne millénaire du Christ, et qui pratiquent maintenant le bien à l’égard des frères spirituels du Christ. Ce discours était d’ailleurs intitulé “Les brebis et les boucsl”. L’orateur déclara:

      Les brebis représentent tous les peuples des nations, non engendrés de l’Esprit, mais bien disposés pour la justice, qui mentalement reconnaissent Jésus-Christ comme le Seigneur, qui espèrent et attendent un temps meilleur sous son règne. Les boucs représentent ces classes qui prétendent être des chrétiens, mais qui ne reconnaissent pas Christ comme le grand Rédempteur et Roi des humains et veulent que l’actuel et mauvais ordre de choses sur cette terre soit le royaume de Christa.

      Une fois de plus, le point crucial de l’assemblée fut le discours public prononcé par le juge Rutherford. Une foule de 30 000 auditeurs, massés à l’intérieur comme à l’extérieur du Colisée de Los Angeles et écoutant avec la plus grande attention, se levèrent avec enthousiasme pour adopter cette autre résolution historique. Pour la seconde fois, Dieu allait déverser sa colère sur la chrétienté. J’ai relevé dans le texte ces quelques citations qui méritent particulièrement notre attention. Voudriez-​vous les lire, Thomas?

      THOMAS: [Il lit]:

      Nous soutenons et déclarons que Jésus-Christ donna une armature de pureté à l’Église primitive qu’il fonda et qui eut mission de le représenter sur terre; que les hommes égoïstes et ambitieux, qui préférèrent les honneurs et la gloire de ce monde aux marques de la confiance divine, contribuèrent par la suite à l’épanouissement de doctrines mensongères, destructrices de la foi en Dieu et négatrices de sa Parole; et que, par voie de conséquence, on peut, à l’époque actuelle, constater l’existence, au sein des diverses églises confessionnelles, de deux catégories générales d’individus:

      PREMIÈRE CATÉGORIE: ceux qui prétendent être chrétiens, mais qui ne croient pas que la Bible est la Parole de vérité, d’inspiration divine (...).

      DEUXIÈME CATÉGORIE: cette multitude de gens qui proclament, eux aussi, qu’ils sont chrétiens et qui sont effectivement, en vertu de leurs croyances, attachés aux doctrines fondamentales du christianisme (...).

      La première catégorie, ci-dessus mentionnée, est constituée des éléments suivants: les égoïstes, les cupides, les fanfarons, les ingrats, les impies, les cruels, les contempteurs de tous ceux qui s’efforcent d’être bons, enthousiastes et idéalistes et qui, pratiquant la piété sous une certaine forme, n’admettent pas, néanmoins, la puissance de ses effets; qui, enfin, calomnient, discréditent et persécutent ceux qui, de toute l’ardeur de leur foi, s’évertuent à ressembler au Seigneur. (...) Lorsqu’ils proclament qu’ils sont, eux, les représentants de notre Seigneur, ils le discréditent en ceci:

      1) Qu’ils ont délaissé la Parole de Dieu, démenti la chute de l’homme et renié le Seigneur Jésus, dont le sang a racheté l’humanité. (...)

      2) Qu’ils ont fait usage des dénominations de “chrétien” et de “religion chrétienne” comme de masques derrière lesquels ils dissimulaient leur esprit d’injustice (...).

      3) Qu’alors qu’ils se donnaient comme les représentants du Prince de la Paix, ils ont en réalité préparé la guerre, en la préconisant ouvertement, en y encourageant les hommes et en s’en instituant les défenseurs (...).

      4) Poursuivant l’accomplissement de leurs desseins égoïstes, propageant leurs doctrines insultantes pour Dieu, imprégnées de ce qu’on appelle la haute critique et de théories évolutionnistes, ils en ont saturé les écoles, les collèges, les séminaires et les universités (...).

      5) Ils ont traité avec mépris les enseignements de vérité de Jésus et des apôtres, ils ont éparpillé le troupeau de Dieu (...).

      6) Ils ont haï la lumière et les porte-flambeaux (...).

      7) Ils ont délibérément répudié et rejeté les enseignements de Jésus et des apôtres qui ont trait à la seconde venue du Seigneur et à l’établissement du Royaume de Dieu (...).

      En outre, nous soutenons et déclarons que, parmi les hommes dépeints comme faisant partie de la deuxième catégorie, il en est une grande quantité qui, appartenant à l’une ou à l’autre des confessions religieuses catholique et protestante, (...) ont placé leur espoir dans le royaume de notre Seigneur Jésus-Christ et dans les bénédictions qui sont attachées à son instauration; aussi, l’Éternel leur a-​t-​il accordé son amourb.

      LOÏS: Cela établit certainement une nette séparation entre les brebis et les boucs, n’est-​ce pas? A-​t-​on diffusé aussi cette résolution?

      JEAN: Bien sûr! On en a distribué plus de 45 millions d’exemplaires aux États-Unis et dans d’autres pays, sous la forme d’un tract intitulé “Proclamation — Un avertissement à tous les chrétiens — La crise imminente du monde — Sa cause — Le devoir des chrétiens — L’issuec”. Comme il fallait s’y attendre, cette courageuse déclaration qui exposait les jugements prononcés par Dieu contre la chrétienté à cause de son apostasie, a suscité une réaction amère et hostile.

      LE MESSAGE DE 1924 MET EN ACCUSATION LE CLERGÉ

      Mais ce n’était là que le début. L’année suivante, un coup terrible fut porté, et cela à l’occasion de la troisième assemblée internationale de cette série qui eut lieu, cette fois, à Columbus, dans l’Ohio, pendant l’été de 1924. Du 20 au 28 juillet, environ 20 000 témoins assistèrent chaque jour à ce congrès et, le dernier dimanche, 35 000 personnes étaient présentes à la conférence publique dans le stade de l’université de l’État d’Ohio. On rapporte que des frères étaient venus d’Australie, de Suisse, d’Allemagne, de Pologne, de Scandinavie et de Grande-Bretagne, et il y en avait beaucoup qui s’étaient déplacés du Canada et de toutes les provinces des États-Unis. Comme l’année précédente, on utilisa des amplificateurs.

      LOÏS: Contre qui la résolution adoptée à cette assemblée était-​elle dirigée?

      JEAN: Celle-ci visait directement le clergé. Après avoir été adoptée par les congressistes, elle a été incorporée dans un tract intitulé “Acte d’accusation contre le clergé”, et qui portait en sous-titres “La civilisation condamnée — La cause de la crise mondiale — Les bénédictions du peuple viendront ensuite — La Postérité de la promesse contre la postérité du serpent”. Une fois de plus, des millions d’exemplaires de cette résolution ont été distribuésd. En voici quelques extraits; voudriez-​vous nous les lire, Loïs?

      LOÏS: [Elle lit]:

      Nous accusons formellement Satan d’avoir ourdi une conspiration en vue de maintenir les peuples dans l’ignorance des bénédictions dont le Seigneur a dessein de les combler en leur octroyant la vie, la liberté et le bonheur; et nous accusons également d’autres personnages, à savoir les prédicateurs dépourvus de foi, les exploiteurs sans conscience et les politiciens sans scrupules, de participer, volontairement ou non, à ladite conspiration.

      Nous reprochons, d’autre part, aux prédicateurs dépourvus de foi d’avoir formé des groupements ecclésiastiques, (...) et d’avoir constitué comme chefs de file de leurs troupeaux d’ouailles, de puissants hommes d’affaires et des politiciens de profession.

      Nous accusons et blâmons les membres du clergé d’avoir cédé aux diverses tentations auxquelles ils ont été soumis par Satan et de s’être posés en adversaires de la Parole de Dieu en adhérant à la conspiration précitée, dont ils ont poursuivi l’aboutissement en commettant les méfaits que voici:

      1) Ils ont exploité leur autorité spirituelle et, profitant des avantages de leur situation, ils ont pleinement satisfait leurs propres désirs, se sont érigés sur un piédestal et ont forfait à leur mission, en refusant de donner au peuple la nourriture spirituelle de la vérité divine.

      2) Affamés de la gloire de ce monde et en proie au désir de parader et de rechercher les louanges des hommes (...), ils se sont revêtus d’ornements fastueux, ils se sont couverts de joyaux et, en un mot, ils ont donné à leur piété une apparence ostentatoire, tout en reniant la Parole de Dieu et en contestant sa puissance.

      3) Se dérobant à leur devoir, ils se sont refusés à prêcher aux peuples le message du royaume du Messie et à attirer l’attention de leurs ouailles sur les marques évidentes de la seconde venue du Seigneur; ils n’admettent pas qu’il faille attendre l’époque fixée par le souverain Maître pour l’établissement de son royaume; (...) ils ont adhéré au principe de la Société des Nations et déclaré qu’elle était “l’expression politique du royaume de Dieu sur la terre”; ce faisant, ils ont rompu leur alliance avec le Seigneur Jésus-Christ et prouvé leur soumission au diable, qui est le dieu du male (...).

      Voilà des paroles extrêmement énergiques.

      JEAN: Assurément. D’autant qu’en 1924 les chefs religieux jouissaient auprès du peuple d’une faveur bien plus considérable qu’aujourd’hui. La résolution énonçait alors, en sept points, des doctrines bibliques de première importance telles que les témoins de Jéhovah les comprenaient à l’époque, et accusait les chefs de la chrétienté d’ignorer volontairement ces enseignements, de s’opposer à eux et de les cacher au peuple. C’était là un réquisitoire qui mettait à découvert l’influence meurtrière de la fausse religion et montrait que, non seulement la mort spirituelle de ces conducteurs était certaine, mais qu’elle avait déjà commencé après des siècles d’apostasie. C’est pourquoi ils méritaient bien d’être mis à nu.

      LOÏS: Comment le quatrième de ces actes d’accusation pourrait-​il être plus puissant que cette résolution?

      JEAN: En fait, il ne l’était pas. Bien que cet acte dénonçât les faux dirigeants du monde, cette proclamation était réellement, comme son titre l’indique, un “Message d’espérance”. Faut-​il poursuivre notre conversation ce soir ou voulez-​vous attendre jusqu’à la semaine prochaine?

      LOÏS: Si vous avez le temps, nous aimerions entendre parler des autres résolutions ce soir même. Je vais vous faire une tasse de café pendant que vous rassemblez vos notes.

      [Notes]

      a a Lumière, tome I (1930), pp. 112-117; Lumière, tome II (1930), pp. 20-70.

      b b wF 1924, pp. 107-111.

      c c wF juin 1924, pp. 108-110.

      d d Chapitre quatorze du présent ouvrage, pp. 93, 94.

      e e wF juin 1924, pp. 110, 111.

      f f w 1922, p. 390.

      g g Ibid., p. 324.

      h h w 1922, p. 98.

      i i wF nov. 1922, pp. 19, 20.

      j j wF oct. 1923, pp. 4, 5.

      k k w 1923, pp. 24, 50.

      l l wF déc. 1945, pp. 4, 5; wF janv. 1945, p. 12; wF 1946, pp. 331, 332.

      a m wF mars 1924, p. 68.

      b n w 1923, pp. 326, 327; wF 1939, pp. 142, 143.

      c o w 1923, p. 373.

      d p w 1924, pp. 259-264.

      e q Ibid.

      [Illustration, page 103]

      “LE JOUR”, VENDREDI 8 SEPTEMBRE 1922, ASSEMBLÉE DE CEDAR POINT.

  • Le Royaume de Dieu est élevé, une contrefaçon est démasquée
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 16

      Le Royaume de Dieu est élevé, une contrefaçon est démasquée

      JEAN: Maintenant que la responsabilité des dirigeants de ce monde venait d’être définie avec tant de clarté par ces trois cinglantes résolutions, un appel fut lancé à tous les hommes bien disposés pour les inviter à répondre à l’espérance du Royaume de Dieu établi en 1914.

      Cette invitation fut faite en 1925, année qui, par ailleurs, fut critique pour certains témoins de Jéhovah. Un grand nombre de chrétiens oints pensaient que les derniers membres du corps du Christ allaient connaître cette année-​là leur changement pour la gloire céleste.

      MARIE: [Elle l’interrompt]: Mais même les premiers disciples de Jésus ont espéré que cet événement aurait lieu à leur époque, n’est-​ce pas?

      JEAN: En effet, mais ils furent mis en garde contre une telle façon de comprendre les choses, et les frères reçurent en 1925 un avertissement analogue. La déclaration suivante fut publiée dans La Tour de Garde:

      Les chrétiens ne devraient pas tant chercher à connaître ce qui se passera durant cette année, que s’efforcer à faire joyeusement ce que le Seigneur voudrait qu’ils fassenta.

      L’article portait le titre significatif “Une mission pour les oints”. Comme nous l’avons vu, ces derniers avaient encore beaucoup de travail à accomplir.

      LOÏS: Est-​ce que certains frères ont quitté l’organisation à cause de cela?

      JEAN: Oui, il y a eu une épuration du haut en bas de l’organisation. Cette année-​là fut également marquée par l’arrivée d’un flot de nouvelles vérités spirituelles déversées sur le peuple de Jéhovah, vérités qui mirent à l’épreuve, plus profondément encore, le dévouement des chrétiens appelés au Royaume céleste. La révélation sublime selon laquelle le nom de Jéhovah doit occuper la place qui lui revient était d’une extrême importance. Puis, dans La Tour de Garde de juin 1925, parut l’article émouvant et dramatique “La naissance de la nation”. Il portait comme en-tête Révélation 12:5. Voudriez-​vous nous lire ce passage, Loïs, s’il vous plaît?

      LOÏS: [Elle lit]: “Et elle enfanta un fils mâle qui doit paître toutes les nations avec une verge de fer; et son enfant fut enlevé vers Dieu et vers son trône.” — Da.

      DEUX ORGANISATIONS, GUERRE DANS LE CIEL

      JEAN: Merci. Entre autres choses, cet article “La naissance de la nation” disait ceci:

      Quel a été le trait saillant du plan [dessein] divin durant tous les âges? D’un commun accord nous répondons tous: L’établissement du royaume pour lequel Jésus nous a enseigné à prier. Cela signifie la naissance de la nouvelle nation qui gouvernera et bénira toutes les familles de la terre. — Daniel 2:44.

      Quelle a été la puissance d’opposition qui a tenu le monde dans l’ignorance de cette glorieuse nouvelle nation et des bénédictions qu’elle va lui apporter? De nouveau les oints répondent à l’unanimité: Satan le diable, et son organisation.

      Ces deux points immuablement fixés, maintenant nous voyons par le témoignage de ce qui nous entoure que le vrai combat, c’est Dieu contre Satan, le règne de justice renversant celui du mal et des ténèbres et établissant à sa place le règne de vérité.

      Les nations répandirent leur courroux les unes sur les autres durant la Grande Guerre jusqu’à ce qu’elles fussent épuisées. Après 1918, l’organisation du prince de ce monde, financière, politique et ecclésiastique, particulièrement cette dernière, répudia ouvertement le Seigneur et son royaume. C’est alors que la colère de Dieu commença à se manifester contre les nations. Depuis lors la lutte a continué sur la terre. Auparavant le combat se livrait dans les cieux. (...)

      De 1878 à 1914, les oints de Sion vivaient dans l’espérance et l’attente patiente du royaume. Jusqu’à ce moment-​là Sion souffrait en quelque mesure. On pouvait bien dire: “Elle criait, étant en travail et dans les douleurs de l’enfantement.” “Nous aussi nous soupirons en nous-​mêmes, en attendant l’adoption, la rédemption de notre corps.” — Romains 8:23.

      En 1918 et 1919, Sion souffrit bien davantage, et elle pourrait avoir encore plus de souffrances à supporter.

      Remarquez comme les faits s’adaptent à la prophétie: “Avant d’éprouver les douleurs, elle a enfanté; avant que les souffrances vinssent, elle a donné naissance à un fils. Qui a jamais entendu pareille chose? Qui a jamais vu rien de semblable? Un pays peut-​il naître en un jour? Une nation est-​elle enfantée d’un seul coup? À peine en travail, Sion a enfanté ses fils!” (Ésaïe 66:7, 8). Remarquons ici que depuis 1874 jusqu’en 1918, il n’y eut que peu ou point de persécutions en Sion: qu’au commencement de l’année juive 1918, savoir à la fin de 1917, une grande tribulation vint sur les oints, sur Sion. Avant 1914, elle était en travail, attendant le moment de la délivrance, désirant ardemment l’établissement du royaume; mais les vraies souffrances vinrent plus tard. Voilà le premier grand signe apparaissant dans les cieux.

      Un autre grand signe ou merveille qui apparut aux oints depuis 1918 est “un grand dragon rouge”. Dragon est un des noms que Dieu donne au diable (Apocalypse 20:1-3): il signifie dévoreur. Un dragon rouge symboliserait un mouvement satanique pour détruire Sion ou ce à quoi Sion peut donner naissance, l’enfant mâle (Da), la nouvelle nation ou le nouveau gouvernement. C’est depuis 1918 que les oints du Seigneur de ce côté-​ci du voile comprirent pour la première fois que le dragon symbolise l’organisation du diable agissant comme un dévoreur, cherchant à dévorer la postérité de la promesse. L’organisation de Satan, visible et invisible, est le second grand signe ou merveille ici mentionné. (...)

      Micaël, qui est Christ le Seigneur, (...) garda le silence jusqu’à ce que son droit de régner fût venu. Le droit de Satan expira en 1914. “En ce temps-​là se lèvera Micaël, le grand chef, le défenseur des enfants de ton peuple; et ce sera une époque de détresse, telle qu’il n’y en a point eu depuis que les nations existent jusqu’à cette époque. En ce temps-​là, ceux de ton peuple qui seront trouvés inscrits dans le livre seront sauvés.” — Daniel 12:1.

      Alors le Seigneur Jésus se leva et prit en main son pouvoir. On pouvait s’attendre à ce que son premier travail soit de jeter le diable hors des cieux; et c’est alors que la lutte commença là-haut. Apocalypse 12:7-9 dit:

      “Et il y eut guerre dans le ciel. Michel et ses anges combattirent contre le dragon. Et le dragon et ses anges combattirent, mais ils ne furent pas les plus forts, et leur place ne fut plus trouvée dans le ciel. Et il fut précipité, le grand dragon, le serpent ancien, appelé le diable et Satan, celui qui séduit toute la terre, il fut précipité sur la terre, et ses anges furent précipités avec lui.”

      Ceci n’est pas imaginaire, ce fut une lutte réelle. Le dragon et sa famille officielle, les membres de son gouvernement invisible, combattirent, et cela rudement; mais ils furent vaincus et littéralement précipités hors des cieux.

      Il est tout à fait inconséquent de croire que Jésus, le Juste, prendrait son pouvoir pour régner dans les cieux et permettrait à Satan d’y rester. Il ne le fit pas. Satan et ses anges, sa famille officielle, ses cogouvernants invisibles, furent précipités sur la terre. Ce combat doit avoir commencé en 1914. Les Écritures n’indiquent pas sa duréeb.

      ON PRÉVOIT DE PLUS GRANDES PERSÉCUTIONS

      La Tour de Garde poursuivait alors son analyse des aspects chronologiques en rapport avec le chapitre douze de la prophétie de la Révélation 12, en citant des faits qui en prouvent l’accomplissement et que résumaient ces quelques paragraphes:

      En 1918, après que Satan fut revenu de son étourdissement, il se mit à persécuter les membres de l’Église sur la terre. En 1918 encore il fit emprisonner les membres de la Société et d’autres frères. Le 26 mars 1919 ceux-ci furent relâchés de la prison: l’Église (représentant la femme) s’enfuit dans le désert durant 1 260 jours littéraux. À partir du 27 mars 1919 au 8 septembre 1922 inclus, il y a exactement 1 260 jours, à la fin desquels le reste de l’Église sur la terre rédige une courageuse déclaration de fidélité au Roi et à son royaume et proclame sa résolution de commencer et de mener le combat contre l’empire de Satan jusqu’à ce qu’il soit banni de la terre.

      Ne faites pas erreur en considérant ce combat comme une chose légère ou de peu d’importance. Satan utilisera toute méthode concevable pour détruire le reste de Sion. (...)

      Souvenons-​nous que c’est la bataille du Seigneur contre le diable et ses forces. D’abord il a précipité Satan du ciel; maintenant lui et les siens doivent être bannis de la terre, afin qu’ils ne puissent plus décevoir les hommes. Nous n’avons rien à craindre, car nous sommes en sûreté à l’ombre de la main de Dieu. — Ésaïe 51:16.

      Quel privilège béni de combattre les forces des ténèbres lorsque nous savons qu’il ne peut nous arriver aucun mal si nous nous tenons fermes au Seigneur!

      La nouvelle nation est née. Sa gloire remplira toute la terre. Le royaume des cieux est là. Voici le jour de délivrance. Proclamez cette bonne nouvelle à tous les peuples de la terre. La victoire est pour notre Roi. Soyons fidèles jusqu’à la fin du combat, et nous nous chaufferons pour toujours au soleil de son amour où il y a une plénitude de joie et des délices pour l’éternitéc.

      On savait déjà depuis un certain temps avant la publication de cette étude que Satan possédait un empire ou organisation, mais ce n’est qu’à partir du jour où le sens de la prophétie du chapitre 12 de la Révélation fut donné dans cet article, que les frères discernèrent clairement l’existence de deux organisations distinctes et antagonistes. Pour la première fois aussi, il fut montré que la guerre qui avait éclaté dans le ciel au début de 1914 avait eu pour issue l’expulsion de Satan hors du ciel, et la réduction de son champ d’opération au seul domaine terrestre jusqu’à Harmaguédon. On apprit par la suite que Jéhovah a décidé de se faire un nom grand et durable à la bataille d’Harmaguédon, que ce combat n’est pas un conflit entre les éléments capitalistes et le prolétariat, comme on le pensait auparavant, et qu’elle ne devait être conduite ni par les partis politiques des hommes ni par les nations, mais par Dieu, et ceci contre toute l’organisation visible et invisible de Satan. On reconnut de plus que les serviteurs de Jéhovah sur la terre ne prendraient aucune part à cette guerre, mais que leur rôle était d’avertir toutes les personnes bien disposées de son approche, afin qu’elles puissent trouver un moyen d’y échapperd.

      “MESSAGE D’ESPÉRANCE”

      Il convenait donc que dans le courant de cette année, pendant laquelle un renouvellement aussi vaste s’était opéré dans la pensée de l’esclave fidèle et avisé, un message spécial soit envoyé aux personnes bien disposées, afin qu’elles joignent leurs louanges à celles qui montaient vers le Dieu très-haut, en s’associant à l’organisation de Jéhovah et en s’engageant ainsi sur une voie qui les conduirait à la vie éternelle sur la terre.

      Une assemblée générale a été tenue cette année-​là à Indianapolis, dans l’État d’Indiana, du 24 au 31 août, à laquelle assistèrent 10 000 congressistes. Le discours de frère Rutherford intitulé “Un appel à l’action” exposait les points principaux d’une résolution empreinte d’amour, adressée “À toutes les personnes de bonne volonté”; toute l’assistance se leva pour l’adopter. Le tract dans lequel elle a été incorporée par la suite s’appelait “Message d’espérance”. Il avait pour en-tête “Reconstruction du monde — un modèle pour servir de guide aux peuples”. Environ 50 millions d’exemplaires de ce tract furent répandus dans les pays de la chrétienté au cours des mois qui suivirente. Marie, tu voudras peut-être nous lire les passages que j’ai relevés dans cette résolution.

      MARIE: [Elle lit]:

      À TOUS LES PEUPLES DE BONNE VOLONTÉ: L’Association Internationale des Étudiants de la Bible, réunie en assemblée générale, adresse à tous son salut.

      Lorsque, dans le cours de leur évolution, les nations aboutissent à une situation désespérée, c’est le moment, pour les peuples, d’en rechercher les causes. (...) Depuis des siècles, l’homme est la victime de l’oppression, de la guerre, de la famine, de la maladie, de la douleur et de la mort. De tout temps, il a désiré la paix, la prospérité, la santé, la vie, la liberté et le bonheur. Les puissances mondiales, la science et la philosophie, le commerce et la religion, ont, tour à tour, proposé leurs méthodes pour le soulagement et la guérison des maux qui accablent l’humanité. (...)

      Intrigue, duplicité et tricherie sont de pratique courante dans les cercles politiques et dans les milieux commerciaux; quant aux milieux scientifiques et philosophiques, ils sont caractérisés par la vanité et la suffisance, tandis que les religionistes, tant catholiques que protestants, se font remarquer par leur présomption, leur arrogance et leur impiété. (...) Le catholicisme revendique et se réserve ce qui, proprement et exclusivement, concerne le Seigneur Dieu. (...)

      Conséquences: les peuples souffrent de la pression qu’exercent sur eux les profiteurs et leurs complices; en outre, ils ont perdu toute confiance en leurs dirigeants politiques et ne respectent plus guère les hommes d’église qui les ont induits en erreur. Pour avoir éclairé leur route aux lueurs jetées par ces flambeaux accouplés sous le signe de l’athéisme et de l’impiété, les peuples sont bientôt tombés au sein de l’obscurité la plus complète. (...)

      Ce déplorable état de choses a sa raison d’être dans le péché originel qui a fait déchoir l’homme de sa perfection première; il est dû également à l’influence de Satan, l’ennemi de Dieu et de toute justice, qui est le maître, le dieu invisible de ce monde mauvais (...). La plus formidable crise de tous les âges est sur le point de se déchaîner et de s’abattre sur l’humanité; le vieux monde touche à sa fin et le règne de Satan arrive à son terme. Comme Satan n’ignore rien de tout cela et qu’il sait que peu de jours lui sont encore comptés, il s’applique à submerger les peuples sous un véritable déluge de doctrines mensongères et décevantes et à éloigner définitivement de Jéhovah les pensées des hommes. (...)

      C’est pourquoi, au nom et dans l’esprit du Seigneur, nous levons, aujourd’hui et ici même, contre l’ennemi et pour le plus grand bien de l’humanité, l’étendard de la vérité et de la justice divines. Et ce geste, nous l’accomplissons en déclarant ceci: Jéhovah est le seul vrai Dieu, le Très-Haut, le Tout-Puissant (...); la Bible est la révélation de sa Parole de vérité; son Fils bien-aimé, Christ Jésus, est le Rédempteur et le Libérateur de l’humanité et, fidèle à sa promesse, il est venu pour gouverner et bénir les peuples (...). C’est avec confiance que nous lançons aux peuples notre appel les invitant à se rallier sous les plis de l’étendard de vérité ainsi déployé et à s’engager à sa suite dans la voie qui conduit à la vie et au bonheurf.

      Eh bien, c’était là une invitation stimulante que les oints faisaient aux personnes destinées à vivre sur la terre. Et cependant peu d’entre elles y ont répondu, n’est-​ce pas?

      JEAN: En effet. Ce n’était d’ailleurs pas le premier appel qui leur était lancé. Qui de vous, Thomas et Loïs, se souvient à quand il remonte?

      THOMAS: À la campagne “Des millions de personnes actuellement vivantes ne mourront jamais”, peut-être.

      JEAN: Exactement. Cet appel fut lancé en 1918, avant même que Jéhovah ne vienne dans son temple pour rendre un jugement sur ses oints, et il fut renouvelé dans la période de restauration du vrai culte entre les années 1919 et 1922, au cours de la “Campagne des Millions”. Mais hormis les oints, personne ou très peu d’hommes répondirent à l’invitation de prendre part à la diffusion de ces puissantes résolutions contre le monde de Satan. Cela met en évidence le fait que Jéhovah dirigeait ses témoins oints engendrés de l’esprit, car c’est spécifiquement à eux qu’il avait confié la mission de déraciner les fausses doctrines et de les renverser. Au cours de cette époque passionnante, les oints de Jéhovah étaient seuls, face à l’organisation tout entière de Satan.

      De 1922 à 1925, Jéhovah Dieu aida son peuple à attendre ou à endurer tandis qu’il continuait de rendre témoignage à son royaume à une échelle toujours plus vaste. Cette prédication eut pour résultat la venue au temple d’un grand nombre d’hommes que Jéhovah allait faire membres du reste consacré. Ce fait ressort du nombre sans cesse croissant de personnes qui assistèrent au repas du Seigneur et participèrent aux emblèmes: il y eut 32 661 participants en 1922, 42 000 en 1923, 62 696 en 1924 et 90 434 en 1925g.

      Il apparaît cependant qu’un certain nombre d’entre eux “n’attendirent” pas en compagnie du fidèle reste des disciples de Jésus. Lors de la Commémoration, le 27 mars 1926, le nombre des participants était descendu à 89 278h. L’année 1925 fut une année d’épreuve très sévère pour de nombreux membres du peuple de Dieu. Certains cessèrent d’attendre et suivirent le mondei. Ceux qui survécurent spirituellement à cette période critique purent vraiment se réjouir des bénédictions que Jéhovah leur réservait à partir du mois de mai 1926.

      ON ANNONCE LA FIN DE LA SOCIÉTÉ DES NATIONS

      LOÏS: C’était certainement l’époque où on allait adopter la cinquième résolution. Où eut lieu ce nouveau congrès?

      JEAN: En Angleterre, à Londres, du 25 au 30 mai, à l’Alexandra Palace. Mais la conférence publique du dimanche fut prononcée au Royal Albert Hallj. La résolution fut proposée aux congressistes le vendredi après-midi, à la suite d’un discours donné par le président de la Société sur le chapitre 49 de la prophétie d’Ésaïe 49, après quoi on annonça à l’auditoire la parution du nouveau livre “Délivrance”. Cette résolution avait pour titre “Témoignage aux dirigeants du monde”. Elle mettait en lumière la responsabilité que plaçait sur tous les dirigeants le fait que l’ensemble des événements de cette époque était une preuve de l’instauration du Royaume de Dieu dans les cieux en 1914. La cinquième clause de cette résolution contenait la déclaration selon laquelle, en dépit de ces preuves incontestables,

      financiers, politiciens et ecclésiastiques se mirent au contraire au travers de la volonté divine, car pour affermir leur position et continuer à pressurer les peuples, ils fondèrent la Société des Nations, et ils émettent cette prétention blasphématoire que cette institution est “l’expression politique du royaume de Dieu sur la terre”. Nous disons que Satan, leur père, fut l’instigateur de cette ligue, et qu’il fait un suprême effort pour détourner les hommes du vrai Dieu. Après sept ans d’efforts laborieux, il est notoire que la Société des Nations a fait fiasco; elle est virtuellement finiek.

      THOMAS: En déclarant cela, et en particulier dès 1926, la Société s’engageait hardiment.

      JEAN: Certes, mais le juge Rutherford était prêt à fournir des preuves de cette vérité, tirées tant des saintes Écritures que de la réalité. Le dimanche suivant, il prononça un discours magistral qui amplifiait le contenu de la résolution. Ce sujet était intitulé “Pourquoi les puissances du monde chancellent-​elles? — Le remède”. Il dit ceci dans son entrée en matière:

      Il me sera facile de prouver: 1) que tous les malheurs de l’humanité sont consécutifs au mépris de la loi de Dieu, 2) que tous les chefs des peuples qui se succédèrent à travers les âges subsistèrent par la fraude et le mensonge proférés au nom de la religion et au nom de Dieu, 3) que les clergés furent toujours les principaux agents de corruption, 4) que le temps est venu où le seul Dieu, le Créateur de l’univers, va se faire connaître à ses créatures, et sévir contre toute hypocrisie, 5) que dans ce but Dieu a donné à son Fils tous les pouvoirs et l’a établi Juge et Roi de toute la terre, 6) que le royaume ainsi établi par Dieu est le remède absolu à tous les maux de l’humanité; il n’y en aura jamais d’autre, 7) que les conducteurs des peuples devraient écouter avec bienveillance notre avertissementl.

      La Société des Nations fut identifiée non seulement à l’abomination qui cause la désolation, mais aussi au “huitième” roi dont parle Révélation 17:11, l’Empire britannique étant le septième “roi” et le principal support de la Société des Nations. Pour montrer que cet organisme dépendait de la Grande-Bretagne, frère Rutherford déclara: “Que la Grande-Bretagne se retire demain de la Société des Nations, et celle-ci s’écroulera immédiatement.” Pour conclure, il fit une description des bénédictions du Royaume de Dieu.

      Ce discours ardent et la résolution adoptée par les congressistes contenaient les nouvelles les plus importantes de tous les temps. Mais à part la page publicitaire que la Société avait achetée au Daily Newsa — ce quotidien comptant alors 800 000 lecteurs — et qui parut le lundi, la presse passa sous silence cette résolution. Des reproductions de cette page de journal furent distribuées, et la résolution fut répandue, sous forme de tract, tout autour de la terre en 50 millions d’exemplairesb. Nombre de citoyens britanniques devaient se souvenir pendant des années que la ville de Londres avait été dénoncée dans cette résolution comme “le siège de la bête” mentionné dans Révélation 16:10, bien que personne ne tînt compte de cet avertissement.

      Tout au début de cette même année 1926, une question de grand intérêt avait été posée au peuple de Dieu dans La Tour de Garde (angl.) du 1er janvier, dans l’article de fond “Qui honorera Jéhovah?”. Or, au congrès de Londres, on avait réservé le 29 mai comme “Jour de service”, et les centaines de congressistes qui arpentèrent les rues comme témoins de Jéhovah remirent 110 000 exemplaires de la nouvelle brochure “L’étendard pour les peuples” entre les mains du public. Le rapport publié dans La Tour de Garde sur l’assemblée termine son commentaire sur cet effort qui fut déployé à Londres pour rendre témoignage, par les paroles suivantes:

      Nulle assemblée générale n’eut un jour de service semblable à celui-​là. Les frères et sœurs étaient débordants de joie. Ils comprenaient qu’ils avaient fait de leur mieux pour obéir au commandement de Jéhovah: “C’est vous qui m’êtes témoins que je suis Dieuc.”

      Ils ne se doutaient pas de l’importance que ces mots devaient revêtir pour eux cinq années plus tard, ni du grand bonheur qui les attendait.

      [Notes]

      a a wF mars 1925, p. 71.

      b b wF juin 1925, pp. 119-121.

      c c wF juin 1925, p. 124.

      d d w 1925, pp. 115-120, 280, 375; wF fév. 1926, p. 71; wF 1930, p. 168; wF janv. 1945, pp. 11, 12; wF 1947, p. 138.

      e e w 1925, p. 358.

      f f wF 1939, pp. 268, 269.

      g g w 1922, pp. 200, 201; w 1923, p. 218; w 1924, p. 242; w 1925, p. 263. Dans ces chiffres qui totalisent le nombre d’assistants dans le monde entier, ne sont pas inclus les groupes de moins de vingt personnes, à l’exception de certains pays.

      h h w 1926, p. 270.

      i i “Que ta volonté soit faite sur la terre” (édition française de 1965), p. 336.

      j j w 1926, pp. 211-217; L’Âge d’Or (angl.), Vol. VII, 8 sept. 1926, pp. 780-791.

      k k wF oct. 1926, pp. 8, 9.

      l l Ibid., p. 9.

      a m Ibid., p. 10.

      b n Annuaire (angl.) 1927, p. 44; L’Âge d’Or (angl.), Vol. VII, 28 juil. 1926, pp. 691-695; voir aussi “Que ta volonté soit faite sur la terre” (édition française de 1965), pp. 211, 212.

      c o wF oct. 1926, p. 12.

  • La liberté annoncée aux hommes grâce à de nouvelles imprimeries
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 17

      La liberté annoncée aux hommes grâce à de nouvelles imprimeries

      JEAN: L’année 1927 a vraiment été une année de service. De plus, pendant toute la durée du congrès, on a insisté sur la nécessité de servir Dieu. Ce fut aussi au début de cette année-​là qu’en Amérique on commença à prêcher le dimanche matin et à présenter aux personnes des publications en échange d’une contribution. je vous en parlerai peut-être la semaine prochaine.

      C’est également en 1927 qu’on réalisa le plus grand progrès dans l’impression de manuels d’étude de la Bible, car l’imprimerie que la Société avait fait construire à cette fin au 117 Adams Street, à environ dix minutes de marche du Béthel, entra en fonction. On prit possession des lieux en février, et le 1er mars, tout était prêt. Le rapport annuel du président de la Société, publié dans l’Annuaire (angl.) de 1928, nous donne une idée de cette expansion, et j’aimerais vous en faire d’assez larges citations. Elles révèlent l’esprit de dévouement total qui animait ces frères qui avançaient du même pas que l’organisation.

      À propos, l’Annuaire (angl.) de 1927, qui renferme le rapport d’activité de l’année précédente, a été édité pour la première fois sous forme de livre cartonné. Jusqu’alors ce rapport était publié dans La Tour de Garde à la fin de l’année, et cela même après qu’on eut commencé en 1922 à le faire paraître sous forme de brochure. À partir de 1927, on l’imprima seulement sous forme de livre et d’une manière beaucoup plus détaillée. On y ajoutait désormais une série de textes et de commentaires pour chaque jour de l’année et pour les réunions de prières hebdomadaires. Écoutons la lecture de ce rapport édifiant sur les progrès réalisés dans l’impression des manuels d’étude de la Bible. Nous le trouvons dans l’Annuaire (angl.) de 1928.

      Le rapport de 1926 a mentionné le fait que la Société avait acheté un terrain et entrepris la construction d’une nouvelle imprimeriea. En février dernier, ce local était terminé et prêt à être utilisé. Les machines pour l’impression et la reliure ont été installées et le travail a commencé. Ce bâtiment couvre une superficie d’environ 900 mètres carrés et a sept étages. Il y a un monte-charge et un ascenseur pour les ouvriers, le local est bien éclairé et convenablement aéré. C’est un endroit idéal pour la production et l’expédition des livres et des brochures, et il convient parfaitement au travail effectué dans le bureau qui s’occupe de cet aspect de l’œuvre. Ce bâtiment et cet équipement sont une grande source de joie pour ceux qui ont travaillé au siège de l’œuvre pendant ces six dernières années.

      Les progrès réalisés par les frères dans l’impression et la reliure des livres au cours de ces dernières années sont merveilleux. Au début, nos frères ne connaissaient rien au fonctionnement de ces machines. Il a fallu qu’ils apprennent à s’en servir. Le fait suivant vous aidera à comparer ce qu’ils étaient capables de faire au départ, et ce qu’ils sont maintenant en mesure d’accomplir. Une grande presse avait été commandée en Allemagne pour la Société et expédié à Brooklynb. On avait dû faire venir d’Allemagne un mécanicien expérimenté pour procéder à l’installation de cette machine. Il a fallu deux mois à cet homme et à ses quelques aides pour faire ce travail et mettre la presse en marche. Deux ans plus tard, une machine exactement identique a été achetée en Allemagne et envoyée en Amérique. Cette fois, elle a été montée par un frère aidé de quelques autres, et cela en l’espace de trois semaines. Beaucoup de personnes s’émerveillent de voir ce que les frères sont capables de faire. Les gens du monde ne comprennent pas comment cela est possible, mais pour ceux qui se sont voués au Seigneur il n’y a pas de secret. (...)

      Les frères qui ont travaillé à l’érection et à la mise en œuvre des installations nécessaires à l’impression des livres et des brochures l’ont fait spontanément, avec un cœur pur, voué au Seigneur. Les résultats obtenus ont dépassé l’entendement des hommes du monde. Ces résultats devraient encourager, et ils encouragent tous ceux qui participent au service du Seigneur. D’ordinaire, les ouvriers qui font marcher ces machines doivent faire un apprentissage sous la surveillance d’une personne qui connaît le métier et ainsi se qualifier peu à peu, mais même dans ce cas ils ne sont pas animés du bon esprit qui pousse à produire le meilleur travail possible. Quand quelqu’un est entièrement voué au Seigneur, qu’il est désireux d’apprendre, qu’il met sa confiance dans le Seigneur et qu’il déploie tous ses efforts, il peut être certain que le Seigneur l’aidera. Les progrès réalisés par l’imprimerie de la Société dans l’impression de ses livres et de ses autres écrits en sont la preuve.

      Frère Martin est responsable de l’imprimerie et du bureau situé au 117 Adams Street, à Brooklyn, New York. Les travaux d’impression l’ont beaucoup intéressé dès leur début, et il a contribué à leur développement. Voici ce qu’il écrivit dans le rapport qu’il adressa au président de la Société à la fin de l’année fiscale:

      CHER FRÈRE RUTHERFORD: Grand fut le jour où le Seigneur mit dans ton cœur le désir de faire imprimer l’édition spéciale de L’Âge d’Or no 27, dans l’imprimerie du Seigneur et avec son aide! On a l’impression que cet événement remonte déjà à une époque lointaine. C’est que les choses vont tellement vite! Et cependant il n’y a que sept ans de cela. Que de merveilles n’ont pas été réalisées dans l’œuvre du Seigneur pendant ce temps!

      J’ai oublié le nombre exact de wagons de papier que cette édition spéciale de quatre millions d’exemplaires a nécessités, mais cela représenterait à coup sûr un train d’une belle longueur. Et tout cela est sorti de l’unique grande rotative que nous possédions alors, celle que l’on a surnommée “le vieux cuirassé”. Ce fut un ami pour nous tous que ce vieux cuirassé.

      Tu te souviendras que, lorsque tu as essayé pour la première fois d’acheter une grande rotative juste après la guerre, la réponse qu’on t’a d’abord faite était qu’il n’y en avait que quelques-unes dans tout le pays, et qu’elles étaient toutes en usage, de sorte qu’il n’y avait aucune chance d’en obtenir une avant de nombreux mois, ce qui nous sembla un délai trop long.

      Mais en temps voulu, le Seigneur nous a ouvert la voie, et la grande rotative est parvenue entre nos mains, des mains qui ignoraient tout de sa construction et de son fonctionnement. Mais le Seigneur sait comment aiguiser les facultés intellectuelles de ceux qui lui sont entièrement dévoués. Et on pourrait presque dire qu’en quelques jours, plus précisément en quelques semaines, nous avons été en mesure de faire vrombir la machine; et elle bourdonne encore, faisant un travail que même ses inventeurs ne l’auraient pas cru capable d’effectuer.

      L’atelier où nous avions mis le vieux cuirassé à l’œuvre représentait une surface très restreinte, je veux dire par rapport aux locaux dont nous disposons actuellement et à nos conceptions présentes. L’ensemble des opérations nécessaires à l’impression étaient effectuées dans un espace de 280 mètres carrés en tout, répartis sur trois étages; et l’équipe qui effectuait ce travail ne comptait que vingt frères. Ce fut seulement grâce à l’aide du Seigneur que tout ce qui a été fait a pu l’être. Avant cette édition spéciale, toutes nos publications étaient imprimées par des maisons du monde, et nous dépendions constamment d’elles.

      LE JOUR DES BROCHURES

      Ce fut un autre grand jour pour l’œuvre du Seigneur que celui où tu as voulu savoir s’il était possible d’imprimer nous-​mêmes nos brochures sur le vieux cuirassé. À première vue, cela paraissait tout à fait infaisable. De plus, les fabricants eux-​mêmes nous ont répondu que ce serait impossible. Jamais cela ne s’était fait, et c’était donc inutile d’essayer. Mais nous avons essayé, et tu en connais le résultat.

      En 1920, quand les jeunes frères ont commencé à faire des brochures sur le vieux cuirassé, ils ne réussissaient à en imprimer que mille en moyenne par jour, mais l’année suivante, ils atteignirent le chiffre de 3 000 par jour, en 1923 celui de 6 000, en 1926 ils en ont imprimé plus de 10 000 par jour, et maintenant ils sont parvenus à en sortir 15 000 dans la journée; ces brochures sont toujours imprimées sur la même presse. L’expérience et la bénédiction du Seigneur ont produit ces résultats.

      Comme tu le sais, toutes nos brochures sont agrafées. Avec notre première agrafeuse, deux ouvriers agrafaient 2 000 brochures par jour, quand l’imprimerie les leur fournissait. Maintenant, avec une agrafeuse améliorée qui agrafe deux exemplaires à la fois au lieu d’un, deux ouvriers expérimentés arrivent à sortir 25 000 brochures chacun dans la journée.

      On note un progrès semblable dans le pliage des brochures. Comme tu le sais, c’est nous qui avons inventé la plieuse, et elle est très efficace. Avec deux frères pour la manœuvrer, cette machine a remplacé le travail effectué par douze frères quand on pliait les brochures à la main. Au début, un frère capable arrivait à plier 10 000 brochures par jour; aujourd’hui, un frère entraîné à bien se servir de ses mains, de ses yeux et de ses muscles, plie 30 000 brochures sur cette même machine, ce qui est un résultat remarquable.

      LE JOUR DES LIVRES

      Mais le jour le plus important fut celui où tu as voulu savoir s’il y avait une raison quelconque qui nous empêchait d’imprimer et de relier tous nos livres. C’était là une idée surprenante, parce que cela signifiait qu’il nous faudrait ouvrir tout un atelier de typographie, de plaquage électrolytique, d’impression et de reliure, et utiliser plus d’une vingtaine de machines qui nous étaient peu familières, car nous ne savions même pas que la plupart d’entre elles existaient, sans compter la nécessité d’apprendre plus d’une douzaine de métiers. Cependant, il semblait que c’était là le meilleur moyen de faire face au problème du coût des livres, qui était si élevé à la suite de la guerre.

      Tu as alors pris un bail sur l’immeuble de cinq étages au 18 Concord Street (avec occupation de deux étages par des locataires), et le 1er mars 1922 nous avons emménagé. Tu nous as acheté ensuite un équipement complet de machines pour la typographie, l’impression et la reliure, dont la plupart étaient neuves et certaines d’occasion; et nous nous sommes mis à l’ouvrage.

      L’une des grandes maisons d’édition qui avait beaucoup travaillé pour nous entendit parler de ce que nous étions en train de faire et vint, en la personne de son directeur, nous rendre visite. Ce dernier inspecta toute cette machinerie et fit d’un ton doctoral la remarque suivante: “Vous voilà avec une imprimerie de premier ordre sur les bras, et personne qui sache comment la faire marcher. Dans six mois, tout cela ne sera plus qu’un tas de ferraille; et vous verrez que ceux qui doivent imprimer vos ouvrages sont ceux qui l’ont toujours fait et dont c’est le métier.”

      Ce raisonnement paraissait assez logique, mais il ne tenait pas compte du Seigneur qui a toujours été avec nous. Quand on mit en route le service de la reliure, Dieu nous envoya un frère qui avait passé toute sa vie à faire ce travail. C’était le moment où on avait le plus besoin de lui et il fut très utile. Avec son aide et grâce à l’esprit de Dieu opérant sur les frères qui faisaient des efforts pour apprendre, il ne fallut pas longtemps pour que nous imprimions nos livres.

      Au début, la production n’était pas élevée. De toute façon, on ne peut pas fabriquer des livres à toute vitesse. Cependant, dès l’année où nous avons commencé à relier nous-​mêmes nos ouvrages, nous avons atteint une moyenne de 2 000 exemplaires par jour, ce qui à l’époque nous paraissait un chiffre important. L’année suivante nous en faisions 3 000, et en 1924, 5 500. En 1926, nous les sortions au nombre de 8 000 par jour, et maintenant, avec notre nouvelle machinerie, nous en faisons de 10 000 à 12 000 dans la journée.

      Avec notre nouvelle rotative qui vient d’arriver d’Allemagne, nous serons en mesure de sortir journellement de 18 000 à 20 000 volumes cartonnés, sans avoir pour ainsi dire à augmenter notre personnel.

      Quand nos frères ont commencé à coudre les livres, ils en faisaient 500 dans une journée; ils ont maintenant acquis tant d’expérience que l’un d’eux en fait 3 000 dans le même temps. Une telle rapidité d’action nécessite une coordination très étroite du mouvement de l’œil et de la main, ainsi qu’une activité sans relâche du matin au soir. Il est impossible, à quelque prix que ce soit, de trouver dans le monde de la main-d’œuvre pour faire un tel travail. Souvent nos visiteurs s’émerveillent de voir la rapidité avec laquelle nos frères travaillent; et les gens du dehors se demandent quels salaires fabuleux ils peuvent bien recevoir pour accomplir une pareille tâche.

      LE JOUR DE L’IMPRIMERIE

      Le jour le plus grand de tous fut celui où tu as acheté ce terrain et où tu as commencé à établir les plans de l’imprimerie qui, de l’avis même de nos détracteurs, est l’une des plus belles installations du centre mondial de l’industrie de l’édition qu’est la ville de New York. Nous ne pouvons pas en dire moins de notre nouvelle imprimerie. Elle est tout ce qu’une telle installation devrait être.

      Les différents services sont parfaitement répartis dans l’immeuble, et le travail circule d’étage en étage et de haut en bas. Tout en haut sont les bureaux, comme il convient; en dessous viennent logiquement les services de linotypie et de composition; les plaques sont ensuite descendues à l’étage inférieur, le cinquième, où on fait l’impression; au quatrième on s’occupe du service postal et des brochures; le service de la reliure occupe le troisième étage, l’emmagasinage se fait au deuxième, l’expédition au premier, l’entrepôt du papier, le garage et les génératrices sont au rez-de-chaussée. On ne saurait faire mieux qu’une telle disposition.

      Malgré l’augmentation énorme de la production des livres et des brochures, notre équipe, je veux dire ceux qui s’occupent directement de la fabrication des ouvrages, n’est passée que de vingt à quatre-vingt-quinze frères. Ces changements sont dus à l’amélioration de l’outillage, à l’expérience et aux plus grandes facilités dont nous disposons; mais par-dessus tout, il y a eu la bénédiction du Seigneur, sans laquelle nos efforts eussent été de peu de conséquence.

      Une caractéristique de notre nouvelle installation a suscité l’admiration générale des éditeurs et d’autres gens, en ce que, lors de la construction de l’imprimerie, nous avons fait passer tous les conduits électriques et autres dans le sol, de sorte qu’on n’en voit aucun. Et lorsque, de temps à autre, on met en place une machine supplémentaire, il n’est pas nécessaire de faire une autre installation électrique. L’emplacement de ces nouvelles machines a été prévu lors de la construction du local, et toutes les dispositions ont été prises à l’avance.

      La seule fonction du monte-charge d’une capacité de trois tonnes, c’est de soulever les cargaisons de papier du rez-de-chaussée au cinquième étage, où se trouvent les presses. De là, le papier, en voie de devenir des livres et des brochures, subit, étage par étage, une série d’opérations, pour atterrir finalement à l’expédition.

      Le hall d’entrée du rez-de-chaussée et tout le dernier étage ont un “fini” des plus agréable à l’œil, égayant l’atmosphère pour le profit tant des travailleurs que des visiteurs. L’ascenseur de quatorze places suffit amplement à tous nos besoins et permet au personnel de quitter les lieux en quelques minutes. Il n’y a pas un immeuble mieux chauffé, mieux éclairé, ni mieux aéré dans toute la ville de New Yorkc.

      Frère Rutherford continue ainsi son rapport:

      Ce qui est dit ici de l’imprimerie de Brooklyn peut également l’être des autres installations de la Société à Magdebourg, en Allemagned, et à Berne, en Suissee. L’imprimerie de Magdebourg n’est pas aussi vaste que celle de Brooklyn, et celle de la Suisse l’est encore moins, mais chacune d’elles a fait un travail magnifique et proportionnel au nombre de frères employés et à l’outillage utilisé. Le Seigneur a fait reposer son esprit sur ces frères et il a béni leurs efforts, comme le montrent les rapports parvenus de ces différents paysf.

      AGRANDISSEMENT DU BÉTHEL

      THOMAS: N’avez-​vous pas dit que vous vous êtes aussi installés dans un Béthel plus spacieux?

      JEAN: Oui, mais toujours à la même adresse. Le Béthel a été reconstruit et élargi. Cependant ce n’étaient pas les premiers agrandissements que subissaient les locaux du siège central de l’œuvre. Souvenez-​vous qu’en 1909 la Société avait acquis en propriété un vieil immeuble en grès au 124 Columbia Heights, pour y installer les bureaux directeurs de l’œuvre et les chambres des frères. Puis en octobre de la même année, il s’est avéré nécessaire d’acheter l’immeuble contigu identique à l’autre, au 122 Columbia Heights. L’année suivante, en 1910, “il a fallu de nouveau agrandir, et on a décidé de rajouter cinq étages aux immeubles donnant sur la rue Furman et en contrebas de la rue Columbia Heights, de sorte que cette construction a maintenant huit étages de haut”. Le sixième étage de cette annexe correspondait au niveau du rez-de-chaussée des bâtiments situés sur la rue Columbia Heightsg.

      L’Annuaire (angl.) de 1928 fait état de l’agrandissement qui commença en 1926, disant:

      Il y a maintenant près de 200 frères et sœurs employés au Béthel de Brooklyn. Il est apparu clairement que les locaux étaient insuffisants pour servir tous les frères qui prennent part à l’œuvre. Aussi avons-​nous cherché un moyen pour les agrandir. En décembre 1926, nous avons acheté l’immeuble attenant au 124 Columbia Heights; tout au début de janvier, les trois bâtiments correspondant aux numéros 122, 124, et 126 ont été rasés, et la construction d’un nouvel immeuble a été entreprise. Elle est à présent quasiment achevée. Ce bâtiment comprend six étages, un rez-de-chaussée et deux sous-sols, et compte environ 80 chambres. Cet ensemble vient s’ajouter à l’immeuble situé à l’arrière de ces blocs. Nous installerons les bureaux directeurs de la Société tout en haut. L’adresse officielle reste néanmoins le 124 Columbia Heights. Ces locaux seront entièrement et exclusivement utilisés pour promouvoir notre œuvre, et nous espérons que cette habitation permettra à chacun de rendre un service plus efficace au Seigneurh.

      L’année suivante, un rapport plus détaillé sur le travail du Béthel a été rédigé. En voici des extraits:

      Le Béthel (...) comprend à présent 120 chambres à coucher avec le confort moderne, et il convient très bien pour loger ceux qui travaillent dans l’œuvre du Seigneur. Bien sûr, le Béthel n’est pas aménagé d’une manière luxueuse, mais c’est une maison agréable et confortable. La famille du Béthel compte environ 180 membres, dont la plupart sont de jeunes frères. Le but de cette disposition est de toujours maintenir une bonne équipe de travailleurs. Deux personnes partagent la même chambre, mais elles ont chacune leur lit. Il y a en outre des tables et des lampes pour l’étude individuelle.

      Il y a une grande salle de réunions où les frères peuvent se retrouver pour jouer de la musique ou bavarder, une bibliothèque où l’on peut étudier le soir dans la tranquillité, et des salles de musique qu’on utilise pour enseigner et pratiquer le chant ainsi que divers instruments, et pour la préparation des programmes radiophoniques. Ces pièces sont utilisées tous les jours à cette fin. Il y a d’autres pièces où des machines à écrire sont mises à la disposition des frères, ce qui leur permet de composer les discours qu’ils doivent prononcer à la radio ou ailleurs.

      Un intendant, dont le bureau se trouve situé au sous-sol, sous l’entrée, a la charge de superviser les affaires du Béthel, à la fois dans leur ordonnance générale et dans les détails. Chaque nouvel arrivant se présente à ce frère ou à son adjoint et doit se faire inscrire dans ses registres. Le but de cette formalité est de permettre à la direction de savoir qui est membre de la maison, quelle chambre lui a été attribuée et à quel service il est affecté. Cela est requis tant des invités que de ceux qui séjournent au Béthel d’une manière permanente. La tâche qui incombe à l’intendant comprend l’achat de la nourriture, la préparation des repas et le service aux tables, le nettoyage de la maison et la surveillance générale du travail qu’on y effectue. Un certain nombre d’aides qualifiés et bien organisés travaillent sous la direction de l’intendant. Tous étant voués au Seigneur, chacun accomplit son travail d’un cœur joyeux.

      LA VIE DE TOUS LES JOURS

      Il est nécessaire que la vie du Béthel soit bien ordonnée. Aucune autre façon de faire les choses ne saurait plaire au Seigneur. C’est la raison pour laquelle un règlement a été établi, qui régit la marche de toute la maison. Une liste imprimée de ces règles est remise à tout chrétien qui s’engage dans le service du Béthel, et il lui est demandé d’étudier ce règlement et de l’observer. À 6h.30 du matin, c’est la sonnerie pour le réveil. On s’attend à ce que les frères se lèvent immédiatement, prennent un bain et se préparent pour la journée de travail. À 7 heures, une nouvelle sonnerie retentit pour appeler tout le monde au petit déjeuner, et la famille du Béthel se réunit au complet dans la salle à manger. L’action de grâce est offerte par le président lui-​même lorsqu’il est là. En son absence, quelqu’un d’autre est désigné pour le remplacer.

      Cette action de grâce se fait de la manière suivante: Pour commencer on chante un cantique choisi à l’avance. Puis la prière est faite, soit par celui qui préside, soit par un autre frère désigné par lui. Ensuite, un membre de la famille demande la bénédiction sur la nourriture. Puis on sert le petit déjeuner, et pendant ce temps on lit le texte du jour qui est alors discuté librement par les membres de la famille, en particulier par les aînés de l’ecclésia. À la fin de la discussion, et après la lecture du commentaire contenu dans l’Annuaire, le président résume les pensées par quelques brèves paroles particulièrement appropriées au texte quotidieni. Puis les frères se lèvent et, avant de se séparer, écoutent la prière.

      À 8 heures du matin, tous les membres de la famille doivent être à leur tâche, qu’ils ont la responsabilité d’accomplir avec diligence. Entre autres, ils doivent faire la lessive, repasser, réparer les chaussures, préparer les repas, surveiller la cuisson des aliments, faire la vaisselle, nettoyer la salle à manger et s’occuper du ménage. Chacun accomplit fidèlement son travail, comme pour le Seigneur, parce que ce service est nécessaire à l’œuvre de Dieu. Tous ceux qui sont appelés à servir au Béthel doivent d’abord remplir un questionnaire et signer la déclaration selon laquelle ils sont pleinement voués au Seigneur et en complet accord avec la Société. Celle-ci s’attend à ce que tous les membres de la famille soient pleinement unis pour atteindre un but unique: la proclamation de l’évangile du Royaume de Dieu. Il ne faut pas longtemps pour se rendre compte que personne ne peut demeurer au Béthel s’il ne veut pas travailler.

      À midi, il y a une pause d’une heure pour le repas et la discussion de questions bibliques. N’importe quel membre de la famille, ou même un visiteur de passage, peut soulever une question biblique. Celui qui préside demande à plusieurs frères d’exprimer leurs pensées sur le problème posé et alors une discussion libre est ouverte, à laquelle tous peuvent prendre part. Pour terminer, le président résume la question en faisant une récapitulation des points qui ont été couverts. Le dîner se déroule de la même façon. En fait, on met à profit chaque repas en commun pour étudier la Bible, et c’est à cela que sert ce laps de temps. (...)

      Tous les lundis soirs nous étudions ensemble un article de fond de La Tour de Garde. Seuls les membres de la famille du Béthel peuvent y assister. L’étude est généralement conduite par le président de la Sociétéj.

      THOMAS: Eh bien, voilà un programme bien rempli! Ce n’est pas étonnant que de tels progrès aient été réalisés dans le domaine de l’impression, quand on considère l’intérêt manifesté par les frères pour leur travail.

      DE NOUVELLES PORTES S’OUVRENT

      LOÏS: Dans quelle ville le sixième congrès international s’est-​il déroulé?

      JEAN: À Toronto, au Canada, du 18 au 25 juillet 1927. Mais avant de discuter des caractéristiques de l’assemblée, il y a certains détails intéressants que j’aimerais vous citer.

      Le comité de l’organisation des congrès et le maire de Toronto désiraient que ce rassemblement ait lieu dans leur ville, mais la presse n’a pas tardé à montrer son hostilité à l’égard du projet et son intention de ne faire à l’événement qu’une publicité restreinte. Suite à une offre intéressante faite par le comité de l’organisation des congrès de Detroit, dans le Michigan, on a pris des mesures pour que l’assemblée se tienne dans cette ville. Mais il s’est présenté tant de difficultés que finalement nous avons pris la détermination d’organiser le congrès à Toronto, en dépit de l’opposition.

      La Société a alors décidé de publier son propre journal pour permettre aux congressistes et à ceux que cela intéressait d’avoir un rapport détaillé de l’assemblée. Les presses de la filiale canadienne ont imprimé cinq numéros de ce journal intitulé “Le Messager”, et plus de 20 000 exemplaires de chaque édition furent distribués, tandis que 100 000 exemplaires de la dernière édition appelée “souvenir” furent diffusés. En raison de l’attitude de la presse, nous avions résolu de ne pas faire de publicité payante. Par contre, la Société a imprimé 100 000 feuilles d’invitation que les frères ont remises avec enthousiasme aux citadins sur la voie publique.

      THOMAS: Ainsi vous avez fait votre publicité vous-​mêmes.

      JEAN: Exactement; par ailleurs, il s’est passé pendant le congrès un événement secondaire qui, si on le regarde à la lumière des années d’expansion qui suivirent, était chargé de sens. À l’auditoire de 15 000 personnes rassemblées le dernier dimanche pour la conférence publique, venait s’ajouter, par l’intermédiaire d’une chaîne internationale de stations radiophoniques, une foule invisible de gens. La radiodiffusion fut assurée en cette occasion par la Compagnie nationale de radiodiffusion (la N.B.C.) des États-Unis. C’est le juge Rutherford qui, par une habile démarche, obtint cette mesure en se présentant les 14 et 15 juin devant la Commission fédérale des télécommunications, en même temps que Monsieur Aylesworth, président de la Compagnie nationale de radiodiffusion.

      Frère Rutherford fit remarquer à M. Aylesworth qu’il avait donné un libre usage de la radio à certains financiers, à des hommes d’État et à des ecclésiastiques. Rutherford lui posa alors la question suivante: “Votre but est donc de permettre aux gens de recevoir le message des plus grands hommes de la finance, des hommes d’État les plus en vue et des ecclésiastiques les plus renommés du monde, n’est-​ce pas?” M. Aylesworth répondit par l’affirmative. Frère Rutherford lui posa une deuxième question: “Si vous étiez convaincu que le grand Dieu de l’univers allait prochainement mettre à exécution son dessein pour la bénédiction de toutes les familles et nations de la terre, afin de leur accorder la paix, la prospérité, la vie, la liberté et le bonheur, prendriez-​vous des dispositions pour annoncer cette nouvelle à la radio?” Il était difficile à M. Aylesworth de dire non, aussi répondit-​il oui. Puis il offrit de lui-​même de radiodiffuser une conférence du président de l’Association internationale des Étudiants de la Bible. Bien entendu, frère Rutherford a accepté tout de suite, de sorte que sa conférence publique a été retransmise par cinquante-trois stations, le plus grand réseau radiophonique du monde à l’époquek.

      LE SIXIÈME MESSAGE INVITE LES HOMMES À ABANDONNER LA CHRÉTIENTÉ

      Nous voici parvenus maintenant à la proclamation du sixième message. À la session publique du dimanche de l’assemblée de Toronto, les congressistes adoptèrent une résolution adressée “Aux peuples de la chrétienté”, résolution qui fut plus tard publiée dans une brochure portant le même titre que le discours de Rutherford: Liberté pour les peuples. On la diffusa lors d’une campagne spéciale au mois d’octobre suivantl.

      LOÏS: Contenait-​elle, elle aussi, un appel aux personnes bien disposées?

      JEAN: Oui, et elle portait contre la chrétienté la grave accusation d’offrir aux gens une fausse espérance. Voici les faits sur lesquels la résolution attirait l’attention des membres de la chrétienté:

      PRIMO: Dieu a fait naître d’un seul homme toutes les nations pour qu’elles habitassent sur l’étendue de la terre et il accorda à tous les peuples des droits égaux. (...)

      SECUNDO: Les principales nations de la terre prétendent être chrétiennes et forment, dans leur ensemble, la soi-disant “chrétienté” (...).

      TERTIO: Durant de longs siècles, les hommes ont joui de privilèges inégaux, par suite d’une répartition inéquitable. La multitude a produit les richesses du monde, mais elle a été injustement dépouillée du fruit de son travail. (...) La “chrétienté organisée” a fermé l’oreille aux requêtes et aux sollicitations du peuple implorant un adoucissement; mais les cris des opprimés sont parvenus jusqu’aux oreilles du Seigneur Jéhovah et le temps est venu pour lui d’accorder aux peuples délivrance et liberté.

      QUARTO: Jéhovah est le seul vrai Dieu, l’ami et le bienfaiteur de l’humanité. Il a élevé son bien-aimé Fils, Jésus-Christ, sur son trône, et il ordonne aux peuples de la terre de l’écouter et d’obéir au légitime souverain de la terre.

      QUINTO: Les rois et les grands de ce monde, c’est-à-dire ceux qui constituent l’alliance impie précitée, ont dûment été informés de l’intronisation du Roi par Dieu et de l’établissement de son règne; mais ils refusent d’y prêter attention, aussi tâtonnent-​ils dans les ténèbres. C’est pourquoi Dieu a décrété qu’une époque de détresse sans précédent viendrait sur le monde, époque durant laquelle le système soi-disant “chrétien” et toutes les ramifications de l’organisation satanique seront détruits. Jésus-Christ, le juste Roi, revêtu de toute autorité, assumera la domination des peuples et les bénira.

      SEXTO: Tout homme réfléchi doit se rendre compte que les désirs d’amélioration, de bien-être et de bénédiction ne pourront jamais être comblés par le système injuste, appelé “chrétienté”, et qu’il n’y a donc aucune raison de soutenir plus longtemps ce système hypocrite et oppresseur. En cette heure de perplexité, le Seigneur Jéhovah engage les peuples à délaisser, à abandonner pour toujours la soi-disant “chrétienté”, à s’en détourner complètement parce qu’elle est l’organisation du Diable et à ne la soutenir d’aucune manière (...)a.

      La résolution se termine alors par un appel aux habitants de la chrétienté, pour qu’ils servent Jéhovah d’un cœur dévoué et soient soumis à son Royaume désormais établi en accomplissement de l’espérance entretenue pendant des millénaires, tant par les Juifs que par les chrétiens.

      La résolution ainsi que la conférence publique intitulée “Liberté pour les peuples” furent publiées dans une brochure portant ce même titre. Ce fut la première résolution à être incorporée dans une brochure et distribuée à des millions d’exemplaires contre une contribution de 5 cents. Par ailleurs, le nouveau livre Création sortait des presses. Et le mois suivant, en novembre, la famille du Béthel s’installa dans le nouvel immeuble de six étages correspondant aux numéros 122 à 126 de la rue Columbia Heights. Autre chose encore: à l’assemblée de Toronto, le juge Rutherford avait exposé aux frères pèlerins son intention d’étendre leurs privilèges de service; orateurs itinérants, ils allaient être appelés à superviser et à stimuler les activités ministérielles du champ dans les congrégations. L’année 1927 a vraiment été spéciale.

      Et maintenant, Thomas, quel était, à votre avis, le but des résolutions dont nous avons parlé?

      THOMAS: Eh bien, il me semble que non seulement elles accusaient les dirigeants du monde d’ignorer volontairement Jéhovah, mais encore elles les avertissaient de la conséquence de leur ligne de conduite au cas où ils s’obstineraient à ne pas tenir compte des conseils et des avertissements de Jéhovah Dieu. J’ajouterai que dans ces résolutions, un appel était fait aux peuples du monde, pour qu’ils prennent position pour ou contre le Royaume de Dieu, né dans les cieux en 1914.

      SATAN LUI-​MÊME EST DÉMASQUÉ PAR LE SEPTIÈME MESSAGE

      JEAN: Exactement, et le dernier de ces messages dévastateurs cherchait encore plus à provoquer cette séparation des nations en deux catégories d’hommes. Il fut prononcé pendant le congrès de huit jours qui s’est déroulé du 30 juillet au 6 août 1928 à Detroit, dans le Michigan; le dernier jour de l’assemblée, une foule de 12 000 personnes adopta avec enthousiasme la résolution retentissante “Déclaration contre Satan et pour Jéhovahb”. Ce fut le point culminant du discours dynamique de Rutherford intitulé “Chef pour l’humanité”, et qui fut diffusé par la Société Watch Tower grâce à un relais radiophonique de 106 stations, jusqu’en Australie et en Nouvelle-Zélande.

      Dans ce discours, le président de la Société prouva à son auditoire et d’une manière irréfutable, sur la base de la Bible, ce qu’était la question de la souveraineté universelle et identifia Satan le Diable au plus grand adversaire de l’homme. En présentant cette terrible accusation contre notre grand ennemi, il affirma:

      Cette déclaration n’est point dirigée contre le monde ni contre les hommes qui occupent des postes officiels. Elle ne s’attaque point aux prédicateurs aveugles qui ont induit en erreur le peuple. Elle est dirigée contre l’ennemi commun de la création entière. Elle est dirigée contre l’ennemi qui pendant des siècles a diffamé le nom de Jéhovah Dieu et qui a apporté à l’homme des afflictions. Elle est dirigée contre Satan et ses alliés des ténèbres et du mal. Elle est faite pour témoigner que le règne de Satan doit sous peu arriver à sa fin et que Jéhovah, à cause de son nom et à cause du salut du peuple, établira un gouvernement juste afin que toutes les nations de la terre soient béniesc.

      Ces vérités essentielles furent incluses dans la déclaration contre Satan; voici la sixième d’entre elles:

      Parce que Satan ne veut pas céder la domination perverse qu’il exerce sur les nations et peuples de la terre, l’Éternel [Jéhovah] des armées avec son fonctionnaire exécutif, son Oint, Christ Jésus, activera la bataille contre Satan et contre toutes les puissances du mal, et désormais notre cri de guerre sera: L’ÉPÉE DE L’ÉTERNEL [JÉHOVAH] ET DE SON OINT. La grande bataille d’Armaguédon qui va bientôt commencer aura pour résultat la destruction entière de la puissance de Satan et la ruine complète de son organisation perverse. Jéhovah établira la justice sur terre par Christ, le nouveau chef, et affranchira l’humanité du mal et donnera des bénédictions éternelles à toutes les nations de la terred.

      LOÏS: Ce fut vraiment le point culminant de cette campagne de résolutions contre les ennemis de Dieu!

      MARIE: Il ne pouvait subsister aucun doute dans l’esprit des gens du monde, que ce soit chez les dirigeants ou dans la masse du peuple, sur la position des témoins de Jéhovah dans la question de la souveraineté universelle.

      JEAN: Le contexte de l’époque nous permet d’apprécier toute la signification de cette résolution. Les témoins de Jéhovah n’étaient pas encore conscients qu’une société d’un monde nouveau commençait à se former en la personne de ceux qui s’associaient à la Société Watch Tower. Cependant, la réalisation du dessein de Jéhovah Dieu faisait que, dès lors, le système que Satan avait mis au point et édifié au cours des six mille ans de l’histoire de l’homme était irréversiblement engagé sur la voie de la disparition totale, et qu’il était nécessaire qu’un nouveau système prenne son essor si la terre devait un jour être peuplée d’une humanité en harmonie avec Dieu.

      Les vingt années qui suivirent l’an 1919 se révélèrent être une période de changements violents et de controverses. À la suite de la défaite ignominieuse qu’il avait essuyée dans les cieux, Satan faisait un effort désespéré pour rétablir ses forces. La Société des Nations, le fascisme, le nazisme et le communisme sont des puissances qui ont vu le jour un an ou deux après la naissance de la société du monde nouveau, et qui, se développant selon leurs principes propres, cherchent toutes à jouer un rôle sur la scène mondiale.

      Les témoins de Jéhovah n’ont jamais douté de l’issue du combat. La raison en est que leur position a pour fondement la Parole de Dieu, et dès le jour où ils ont adopté cette série de résolutions hardies, entre 1922 et 1928, ils n’ont pas changé un instant d’attitude. La guerre entre la société de l’ancien monde et la société du monde nouveau était déclarée, et dans le jugement final que Jéhovah fit prononcer par la bouche de ses serviteurs, celui qui avait conçu la coalition impure du présent système de choses était lui-​même exposé au ridicule et à la honte publique. Le monde pouvait désormais voir Satan tel qu’il est, c’est-à-dire un apostat trompeur qui n’a que l’anéantissement à offrir à ceux qui sont assez stupides pour tomber dans son piège.

      Déjà la première décade de cette période critique était presque écoulée. À l’époque où fut publiée cette “Déclaration contre Satan et pour Jéhovah”, personne ne pouvait connaître avec exactitude l’avenir que réservaient les dix années suivantes. Mais que la fin fût ou non pour cette décade, les témoins de Jéhovah étaient certains que Jéhovah gagnerait la bataille. Les dix années qui suivirent l’adoption de cette série de résolutions cinglantes furent riches en activité et en épreuves sévères, mais aussi pleines de résultats encourageants pour les fidèles témoins de Jéhovah.

      [Notes]

      a a Annuaire (angl.) 1927, pp. 50, 51.

      b b Ibid., p. 48.

      c c Annuaire (angl.) 1928, pp. 37-43.

      d d Annuaire (angl.) 1928, pp. 92-96.

      e e Ibid., pp. 126-128.

      f f Ibid., p. 44.

      g g Le Messager (angl.), 12 août 1946, p. 14.

      h h Annuaire (angl.) 1928, p. 26.

      i i Plus tard on n’a plus chanté de cantique et on a pris l’habitude de faire la discussion biblique et la prière avant le petit déjeuner.

      j j Annuaire (angl.) 1929, pp. 26-29.

      k k wF 1927, pp. 249-254; Le Messager (angl.), 25 juil. 1927.

      l l Au total 1 898 796 brochures furent distribuées parmi les nations de la chrétienté. Annuaire (angl.) 1928, p. 31.

      a m wF 1928, pp. 3, 4.

      b n wF 1928, pp. 179-189; Le Messager (angl.), 6 août 1928; wF 1950, p. 86.

      c o wF 1928, p. 189.

      d p Ibid., p. 182.

  • Jéhovah identifie son dessein et son peuple
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 18

      Jéhovah identifie son dessein et son peuple

      LOÏS: Jean, vous nous avez parlé la semaine dernière des sept proclamations de jugement que les témoins de Jéhovah ont faites de 1922 à 1928, et vous nous avez montré que chacune d’elles a été diffusée sous forme de tract ou de brochure à des millions d’exemplaires. Mais vous ne nous avez pas dit s’il en a été de même de la “Déclaration contre Satan et pour Jéhovah”.

      JEAN: Ce discours et cette résolution ont effectivement été publiés en de nombreuses langues dans la brochure Le Bienfaiteur de l’homme (angl.), dont plus de 5 400 000 exemplaires ont été diffusés aux États-Unis et dans d’autres paysa. Elle a puissamment aidé à la défense du vrai culte.

      La mise en circulation des livres “Réconciliation” et “Gouvernement” à l’assemblée de Detroit, dans le Michigan, porta un nouveau coup au monde de Satan. Le second de ces ouvrages démontrait la faiblesse des systèmes politiques de ce monde et expliquait pourquoi Jéhovah avait prononcé sur eux une sentence de condamnation; en même temps, il soutenait le gouvernement théocratique de Jéhovah comme la véritable espérance des peuples. Cet ouvrage servit donc à atteindre une fois de plus le double but de l’œuvre de témoignage: la séparation des hommes, les uns pour la vie et les autres pour la mort.

      Jéhovah avait non seulement rétabli son peuple pour qu’il le loue, mais il l’avait rempli de courage, par la restauration de la vérité, et en lui accordant la compréhension de sa volonté, pour se tenir à la porte de ses ennemis et défendre le vrai culte. Plus de somnolence ou d’assoupissement dans les rangs de ces actifs guerriers! Plus de compromis avec les chefs religieux apostats et avec leurs adeptes! Ce temps était celui de l’action, et les témoins de Jéhovah avaient l’ardent désir de se donner tout entiers à l’œuvre.

      THOMAS: Dans la campagne qu’elle a menée, la Société a-​t-​elle fait un usage intensif de la radio? Vous avez dit qu’à plusieurs assemblées des relais radiophoniques ont été utilisés pour la retransmission des discours publics.

      JEAN: La radio a joué un rôle important dans le combat qui allait survenir après 1928. La Société a très tôt compris les possibilités qu’offrait un tel moyen de communication et, en 1922, elle avait acheté un terrain à Staten Island, dans la ville de New York, afin d’y construire sa propre station de radiodiffusion. Finalement, après quelques difficultés, le président de la Société a inauguré cet émetteur le 24 février 1924, en prononçant un important discours intitulé “Radio et prophétie divineb”. L’émetteur était enregistré par le gouvernement américain sous le nom de WBBR. Au début, il fonctionnait avec une puissance de 500 watts; trois ans plus tard, cette puissance a été doubléec. Pendant plus d’une trentaine d’années, cet émetteur a diffusé gratuitement ses programmes éducatifs sur tout le territoire de la ville de New York et de sa banlieue, ainsi que celui des États voisins du Connecticut et du New Jersey. Placé à cet endroit, ce fut une voix internationale qui toucha presque autant de personnes d’expression italienne qu’il y en avait dans toute la ville de Rome, plus encore de citoyens de souche irlandaise que Dublin, capitale de l’Irlande, ne comptait d’habitants, et plus de Juifs qu’il n’en existait en Palestine. Les studios ont finalement été installés dans le Béthel, situé au 124 Columbia Heights à Brooklyn, New York, et en 1948, avec l’autorisation du gouvernement américain, la puissance émettrice de la WBBR a été portée à 5 000 wattsd.

      Comme leurs prédécesseurs, les chrétiens du premier siècle, les témoins de Jéhovah étaient prêts à profiter des avantages de toute technique nouvelle capable de contribuer à une extension plus rapide de l’œuvre du Royaume. Les premiers chrétiens s’étaient vite rendu compte des avantages que présentait pour eux le codex, assemblage de pages manuscrites semblable à nos livres modernes; ils en ont préféré l’usage aux rouleaux peu pratiques utilisés jusqu’alorse. Ainsi, les témoins de Jéhovah ont compris qu’avec la radio il était possible d’atteindre un maximum de personnes dans un minimum de temps, et aux jours où ils étaient peu nombreux, ils l’ont fait valoir dans ce but.

      MARIE: Vous savez qu’en 1924, il y avait en moyenne aux États-Unis 1 064 témoins qui prêchaient toutes les semaines de maison en maison, diffusant livres et brochuresf. Il est vrai que le rapport de l’assistance à la Commémoration indiquait que, sur toute la terre, 65 105 personnes avaient accepté la vérité et, sans aucun doute, rendaient occasionnellement témoignage à leurs amis et connaissancesg. Cependant, la méthode du service organisé de maison en maison n’était encore appliquée qu’à une échelle limitée. Aussi la radio a-​t-​elle été un instrument très commode pour atteindre simultanément des milliers de gens.

      THOMAS: Avez-​vous dirigé des stations autres que la WBBR?

      JEAN: Oui; pendant un certain temps, la Société a employé six émetteurs qui lui appartenaienth. Elle avait aussi des contrats spéciaux avec deux autres stations qui mettaient à sa disposition toutes les heures réservées aux programmes religieuxi. La WBBR était bien entendu la station principale, mais la WORD à Batavia, dans l’Illinois, a aussi été très souvent mise à contribution.

      LE RÉSEAU DE LA TOUR DE GARDE

      THOMAS: Pourtant ce n’est pas avec la WBBR que vous avez commencé à vous servir de la radio, n’est-​ce pas?

      JEAN: Non, en effet. Bien que la radio en fût à ses débuts en 1924, le juge Rutherford en a fait usage pour la première fois deux ans avant la mise en fonction de la WBBR. Du Metropolitan Opera de Philadelphie, en Pennsylvanie, il a fait retransmettre le discours public du 16 avril 1922. Un compte rendu détaillé a été publié le lendemain dans le journal Record de Philadelphie. Il y était dit entre autres:

      La radio annonce la venue du millénium pour la terre. Discours du juge Rutherford, retransmis en direct du Metropolitan Opera. Grâce à plusieurs kilomètres de câbles téléphoniques Bell, le message a été porté jusqu’à (...) la station radiotéléphonique WGL, de la North Broad Streetj.

      Après ce modeste début, la radiodiffusion du message du Royaume a été étendue à l’Amérique du Nord et du Sud, à l’Europe, à l’Afrique et à l’Australie. Dans la décade qui suivit 1927, des centaines d’émetteurs ont été mis au service de la prédication. Nous avons déjà eu l’occasion de mentionner le réseau spécial de radiodiffusion commerciale de la NBC, qu’on avait mis à profit en 1927, lors de l’assemblée internationale de Toronto, au Canada. Le réseau Tour de Garde ou réseau “Blanc” a été mis sur pied en 1928, spécialement pour l’assemblée de Detroit, dans le Michigan; il a eu tant de succès que la Société a décidé d’établir, tant au Canada qu’aux États-Unis, un réseau de trente stations qui émettaient chaque semaine. On organisa un programme d’une heure qui fut diffusé à partir des studios Tour de Garde WBBR, établis à Staten Island, dans la ville de New York. Tous les dimanches, l’“Heure de la Tour de Garde” comportait un discours du juge Rutherford, précédé et suivi de musique jouée par l’orchestre de la Société. La première de ces émissions en direct a eu lieu le 18 novembre 1928, et il en a été ainsi jusqu’en 1930k.

      Si ces programmes se révélaient être un excellent moyen pour propager le message du Royaume et permettaient aux frères des États-Unis et même du Canada d’encourager le public à prendre l’écoute de cette Heure hebdomadaire de la Tour de Garde, ils accaparaient presque tout le temps de frère Rutherford, et, de ce fait, il ne pouvait ni voyager ni organiser des assemblées en divers endroits de la terre. Finalement, en 1931, il a été décidé que la Société remplacerait ces émissions en direct par des programmes enregistrés; c’est ainsi que 250 stations ont été prévues pour la radiodiffusion des discours que frère Rutherford enregistrait d’avance. L’enregistrement de ces allocutions pouvait se faire à l’heure qui convenait le mieux à frère Rutherford, et elles étaient diffusées au moment choisi par les studios, de sorte qu’il a été possible de mettre de plus en plus de stations au service de la bonne nouvelle du Royaumel.

      Ces discours, d’une durée de quinze minutes, ont connu un très grand succès. Non seulement cette disposition était pratique, mais elle était également plus économique, car la Société n’avait plus à louer les lignes téléphoniques nécessaires pour relier simultanément un grand nombre de stations. En 1932, ce service radiophonique qu’on appelait “la chaîne des disques” a été étendu à 340 stations, et en 1933 la Société en employait 408, ceci afin de faire entendre la bonne nouvelle sur les six continentsa.

      En 1933, ce service a atteint son apogée; en effet, les statistiques montrent que 23 783 discours bibliques différents ont ainsi été radiodiffusés. La plupart étaient des enregistrements de quinze minutesb. Mais à ce moment-​là, les difficultés ont vraiment commencé à surgir.

      THOMAS: Si ces conférences ressemblaient à celles qui ont été prononcées lors des sept assemblées de 1922 à 1928, je ne suis pas surpris que vous ayez eu des difficultés.

      JEAN: Oui, évidemment; les personnes bien disposées trouvaient un réconfort réel dans ces conférences. Mais en même temps, le juge Rutherford était convaincu que le moment était venu de mettre la religion apostate complètement à nu, afin de permettre à ceux qui avaient pour Dieu un amour véritable d’en sortir et de prendre position avant qu’Harmaguédon ne mette fin à ces faux systèmes.

      LOÏS: Oh, je me souviens que ma mère était choquée par ces conférences, et je me rappelle que dès que mon père voulait discuter avec elle, elle s’en allait. Il réussit à acquérir une très bonne connaissance de la Bible, et pourtant il n’allait jamais à l’église; ma mère ne pouvait réfuter ses arguments et elle en concevait une certaine colère.

      LA PROCLAMATION RÉGULIÈRE LE DIMANCHE SOULÈVE UNE NOUVELLE CONTROVERSE

      JEAN: Il y aurait encore beaucoup à dire à propos de notre campagne radiophonique, mais arrêtons-​nous d’abord sur quelques faits importants qu’il serait bien que vous connaissiez. En Amérique, la distribution de livres et de brochures en échange d’une contribution a commencé à se faire régulièrement tous les dimanches, dès le début de 1927c. Ce nouveau travail a suscité immédiatement certaines réactionsd. La lettre reproduite ci-dessous nous le confirme:

      CHER FRÈRE RUTHERFORD: Le 12 juin [1927], j’ai eu le privilège de desservir les frères de Plainfield, dans le New Jersey. En lieu et place de la réunion publique, il a paru préférable de faire une heure de proclamation de porte en porte.

      Immédiatement après l’allocution du matin, trente-cinq frères sont sortis dans le champ; aussi a-​t-​il été possible de placer 240 livres. Ce fut vraiment une heure de “rencontre publique”.

      À leur retour, les frères étaient tout joyeux, car chacun avait le sentiment d’avoir eu une part dans le témoignage public, qui fut excellent. Tous t’envoient leur amour et expriment le désir de faire connaître à toute la terre que Jéhovah est Dieu. Ton frère en Christ, N. H. KNORRe.

      L’auteur de cette lettre est depuis 1942 le troisième président de la Société. C’est à propos de ces sorties dans la prédication le dimanche que les ennemis de la bonne nouvelle ont commencé à susciter des difficultés.

      En 1928, à South Amboy, dans le New Jersey, quelques témoins de Jéhovah ont été arrêtés parce qu’ils proclamaient la bonne nouvelle le dimanche. Ce premier tir ouvert sur les témoins de Jéhovah a marqué le début d’un combat qui a duré une dizaine d’années, et souvent ils se sont référés à cette période comme à “la bataille du New Jersey”. Mais le front de l’opposition s’est bientôt étendu à presque toutes les parties de la terre.

      LOÏS: Est-​ce que ce sont les groupes protestants qui vous ont fait, comme auparavant, le plus d’opposition?

      JEAN: Ces mouvements nous étaient toujours hostiles, mais ceux qui nous ont fait la guerre à outrance, ce sont certaines cellules de l’“Action catholique”. La plupart de ces groupements ont été formés dans les années 20. Ils représentaient certains mouvements semi-religieux organisés dans différents pays pour répandre les idéologies sociales et politiques de l’Église catholique romaine. Plusieurs de ces groupes avaient commencé leur activité aux États-Unis en 1921. Mais avec les arrestations de 1928 et 1929, les témoins de Jéhovah prirent fermement position sur la question de l’obéissance aux gouvernements qui s’opposent aux ordres que Dieu a donnés.

      THOMAS: Voilà une question que je voulais examiner avec vous. Vous nous avez seulement parlé de l’attitude positive des témoins de Jéhovah vis-à-vis des gouvernements qui font partie du monde de Satan. Comment définissiez-​vous, à l’époque, votre position exacte à leur égard? J’ai parlé l’autre jour avec un homme qui critique les témoins de Jéhovah, parce que, bien que ne votant pas, ils ont recours aux tribunaux pour la défense de leurs droits. Comment expliquez-​vous cela?

      JEAN: Un homme ne doit pas nécessairement être inscrit comme électeur pour recourir aux tribunaux. Même un étranger peut bénéficier de ce droit. Les tribunaux sont essentiellement subventionnés par les impôts, et les témoins de Jéhovah paient les leurs. C’est pourquoi ils sont en droit de bénéficier de la protection légale garantie par le gouvernement, laquelle comprend également le secours de la police et des pompiers, institutions qui, elles aussi, sont entretenues avec l’argent des contribuables.

      Les apôtres des temps anciens ont profité de toutes les garanties que l’État romain offrait en vue de la protection des droits individuels. Paul a même porté son propre cas devant la Cour suprême de justice de Rome, c’est-à-dire devant César en personne. Paul se savait avant tout citoyen des cieux, cependant il usait tout de même de ses droits de citoyen romain; et s’il a agi ainsi, ce n’était pas pour en retirer un avantage personnel, mais pour l’avancement des intérêts de l’œuvre de Dieu. C’est pourquoi les témoins de Jéhovah ont adopté à ce moment-​là la même ligne de conduite. Paul a parlé de ses séjours en prison alors qu’il se trouvait à Rome, et des frères qui s’occupaient avec lui de la “défense et [de] l’établissement légal de la bonne nouvellef”.

      LOÏS: Pouvez-​vous nous rappeler la position doctrinale que les témoins de Jéhovah ont prise à cette époque?

      JEAN: Elle était fondée sur Romains 13:1, un texte d’ailleurs souvent mal employé et mal interprété par ceux qui veulent soumettre les hommes entièrement à l’autorité des gouvernements humains, quand la volonté de ceux-ci est en contradiction avec les commandements de Dieu.

      LOÏS: Je me souviens de ce passage. C’est celui qui dit qu’il faut être soumis aux autorités supérieures. Je vais vous le lire: “Que toute âme soit soumise aux autorités supérieures, car il n’y a pas d’autorité excepté par Dieu; les autorités existantes se tiennent placées dans leurs positions relatives par Dieu.”

      THOMAS: Cela donne tout à fait l’impression qu’il faudrait être entièrement soumis aux gouvernements de ce monde.

      LA SOUMISSION AUX AUTORITÉS SUPÉRIEURES

      JEAN: Eh bien, en août et en septembre 1929, La Tour de Garde a publié un article intitulé “Les autorités supérieures”. Cet article a paru en deux partiesg. Quelques citations vont nous permettre de voir de quelle manière ce point était compris par les témoins à cette époque cruciale.

      Il a été fait, sur ce treizième chapitre aux Romains 13, bien des commentaires tendant à prouver que les autorités des Gentils ou gouvernements de ce monde sont les “autorités qui existent”, et que ces gouvernements tiennent leur pouvoir de l’Éternel Dieu. Il est facile de voir que ce fut là le fondement de la doctrine du “droit divin des rois”, car l’apôtre Paul dit que toute autorité a été instituée de Dieu et que par conséquent l’enfant de Dieu doit y obéirh.

      Suivent de nombreux exemples de choses autorisées légalement dans certains pays et considérées comme illégales dans d’autres. Voici la question qui se pose alors: Dieu aurait-​il conféré un pouvoir ou une autorité différente à ces diverses nations? En résumant les traits particuliers de cet argument, l’article déclare:

      La loi fondamentale des États-Unis déclare que chacun est libre de pratiquer la religion qui lui plaît. Contrairement à cette loi, celle de quelques États défend de prêcher l’évangile en certains endroits ou en certaines circonstances, et ceux qui y dérogent sont arrêtés et punis. En Russie, la loi interdit la prédication de l’évangile sans permis spécial du gouvernement. Dieu a cependant ordonné à ses fils, par Jésus-Christ, de prêcher l’évangile à toutes les nations comme témoignage (Matthieu 24:14). L’enfant de Dieu doit-​il obéir à la loi des États-Unis, à celle de la Russie ou à celle de Dieu? Serait-​il possible que Dieu ait conféré aux différentes nations le droit et l’autorité de faire des lois contraires à sa volonté ou même contraires à la logique?

      Ne ressort-​il pas clairement de tout cela qu’appliquer les paroles de l’apôtre aux gouvernements de ce monde était une erreur? Lorsqu’il dit: “Les autorités qui existent ont été instituées de Dieu”, s’en référait-​il réellement aux nations de la terre? Ne serait-​il pas plus raisonnable d’admettre qu’il ne parle ici que des autorités de l’organisation de Dieu, et non de celles de l’organisation de Satani?

      D’autres versets bibliques et arguments étaient donnés ensuite pour soutenir cette conclusion.

      Cette nouvelle façon de concevoir la position des chrétiens à l’égard des gouvernements de ce monde a ranimé le zèle des témoins de Jéhovah et leur a permis de résister aux attaques qui, telles des vagues, ont déferlé sur eux lors des batailles juridiquesj. Cette attitude ferme des témoins de Jéhovah, décidés à ne se soumettre totalement qu’à Jéhovah et à Jésus-Christ, n’a fait qu’endurcir leurs adversaires dans leur opposition au Roi intronisé par Jéhovah pour diriger son gouvernement.

      THOMAS: À peu près tout ce que je me rappelle de l’année 1929, c’est qu’elle a vu le grand effondrement de la Bourse qui a entraîné l’une des plus graves crises mondiales.

      JEAN: Oui, effectivement. Les historiens modernes rendent cette crise responsable de plus de changements sociaux qu’on ne pourrait le penser. S’il est exact que les États-Unis ont connu d’autres crises économiques, celle-ci a réellement ébranlé la sécurité nationale et a démontré que les assises sur lesquelles est construite la société de ce monde n’ont aucune stabilité. Bien des étudiants de l’histoire moderne attribuent une part du succès de l’ascension politique d’Hitler à la situation créée en Europe par suite de cette dépression financière. En 1923, la tentative qu’il fit pour s’emparer du pouvoir lors de son “putsch de la brasserie” à Munich échoua, mais, grâce aux intrigues du catholicisme qui manœuvrait par l’intermédiaire de von Papen et à la faveur de l’atmosphère d’insécurité dans laquelle se trouvait le peuple à cette époque difficile, il devint chancelier d’Allemagne le 30 janvier 1933. Au début de juillet de cette année-​là, von Papen, promu au rang de vice-chancelier, négocia au nom d’Hitler un concordat avec le pape Pie XI. Le cardinal Pacelli qui, six ans plus tard, devait être couronné pape sous le nom de Pie XII, signa pour le Vaticank. En 1929, Mussolini avait établi un programme de coopération avec le Vatican, grâce au traité du Latran, qui fut signé par l’Église catholique romaine et ce nouveau gouvernement totalitairel.

      Tous ces faits confirmaient la dégradation de la situation mondiale et renforcèrent les témoins de Jéhovah dans leur détermination de servir Dieu comme Chef plutôt que les hommes. Ils ont en outre donné plus de poids au message que les témoins proclamaient aux peuples désemparés de ce monde. Entre 1931 et 1932, un changement marquant a été opéré à l’occasion de deux événements très importants pour l’évolution de la société du monde nouveau: le premier d’entre eux eut lieu lors d’une nouvelle assemblée des témoins de Jéhovah tenue à Columbus, dans l’Ohio, du 24 au 30 juillet 1931. Au cours de cette assemblée, 15 000 membres actifs de la Société ont résolu de porter le nouveau nom de “Témoins de Jéhovah”.

      LE NOUVEAU NOM ENTRAÎNE UNE RESPONSABILITÉ SUPPLÉMENTAIRE

      LOÏS: Avant 1931 vous ne portiez donc pas ce nom de témoins de Jéhovah. Comment vous appeliez-​vous auparavant?

      JEAN: Dans nos propres publications nous nous sommes désignés sous les noms de “l’Église”, les “Oints du Seigneur”, les “membres du corps de Christ”, les “frères” ou tout simplement les “chrétiens”, les “fidèles disciples du Christ”, les “Étudiants de la Bible”, les “Étudiants internationaux de la Bible” et d’autres appellations de cet ordrea. Il est certain que de telles expressions sont bibliques. Mais en général les gens de l’extérieur nous appelaient “les prédicateurs de l’aurore du millénium” ou, d’une façon plus péjorative, “les russellistes”. La résolution adoptée en 1931 attirait l’attention sur la confusion créée par cet état de choses et mettait en évidence la vraie position de ces chrétiens, disant:

      QUE (...) la Tour de Garde, Société de Bibles et de Tracts, l’Association internationale des Étudiants de la Bible et l’Association de la Tribune du peuple sont simplement des noms d’associations que nous soutenons et contrôlons, et dont nous nous servons, en tant que chrétiens, pour l’accomplissement de l’œuvre que nous avons entreprise par obéissance aux commandements de Dieu; que cependant aucun de ces noms ne peut s’attacher ni être justement appliqué à nous en tant que groupe de chrétiens, qui marchons sur les traces de notre Seigneur et Maître, Christ Jésus; que nous sommes des étudiants de la Bible, mais que, en tant que groupe de chrétiens constitués en association, nous ne consentons pas à être appelés du nom d’“Étudiants de la Bible”, ou de noms semblables, comme moyen d’identification de notre position devant le Seigneur; que, d’autre part, notre groupement refuse de porter le nom de quelque homme que ce soit.

      QUE, ayant été rachetés par le sang précieux de Jésus-Christ, notre Seigneur et Rédempteur, et ayant été justifiés et engendrés par Jéhovah Dieu et appelés à son Royaume, nous proclamons, sans hésiter, notre fidélité et notre obéissance absolues à Jéhovah Dieu et à son Royaume; que nous sommes des serviteurs de Jéhovah Dieu, chargés d’accomplir une œuvre en son nom, et que c’est par obéissance à son commandement que nous rendons témoignage à Jésus-Christ et faisons connaître aux hommes que Jéhovah est le Dieu tout-puissant et véritable. C’est pourquoi nous adoptons et porterons dorénavant joyeusement le nom que le Seigneur Dieu nous a donné de sa propre bouche et par lequel nous désirons être connus et appelés, c’est-à-dire le nom de “témoins de Jéhovah”. — Isaïe 43:10-12; 62:2, AC; Apocalypse 12:17b.

      Inutile de dire que cette résolution a été joyeusement accueillie par tous les assistants, et qu’au cours des semaines qui ont suivi, les membres du peuple de Jéhovah, rassemblés tout autour de la terre à l’occasion d’une cinquantaine de congrès, ont uni leurs voix pour adopter ce nom nouveau et remarquable.

      Afin que les dirigeants de ce monde soient dûment avertis de l’appellation par laquelle le peuple de Jéhovah allait désormais s’identifier, cette résolution, ainsi que le texte du discours donné par frère Rutherford à l’assemblée, furent publiés dans la brochure Le Royaume, l’Espérance du Monde. Une autre résolution adoptée à cette assemblée y était jointe. Elle accusait une nouvelle fois la chrétienté d’apostasier et de mépriser les conseils de Jéhovah. Cette brochure proclamait: “L’espérance du monde est le Royaume de Dieu; il n’y a point d’autre espérancec.” Cette année-​là, au cours du mois d’octobre, une campagne a été entreprise par les congrégations, afin que chaque chef religieux, chaque politicien, et chaque homme d’affaires important soit visité à son domicile et reçoive cette brochure. Rien qu’aux États-Unis et au Canada, 132 066 brochures ont été distribuées de cette manièred. En quelques mois, cette brochure a été répandue dans les foyers de cinq millions d’autres personnes réparties sur toute la surface de la terree.

      LOÏS: Cela a sans doute été l’une de vos plus grandes campagnes auprès des dirigeants et du peuple.

      JEAN: En effet, et il fallait qu’il en soit ainsi, car les témoins de Jéhovah devraient désormais être reconnus comme de véritables serviteurs de Dieu, voués à la proclamation de son nom et de son Royaume. Par là encore ils se sont séparés des gens du monde, qui ne reconnaissent pas le Roi intronisé dans les cieux et établi par la puissance de Jéhovah pour soumettre toutes les nations. De plus, dans les Écritures, le contexte où apparaît ce nom met encore l’accent sur l’issue du conflit qui oppose les véritables serviteurs de Dieu et ceux qui prétendent faussement le servir. Marie, voudrais-​tu nous faire la lecture d’Isaïe 43:8-10 (AC)?

      MARIE: [Elle lit]: “Fais sortir le peuple aveugle, qui a des yeux, et les sourds, qui ont des oreilles. Nations, assemblez-​vous toutes, et que les peuples se réunissent! Lequel d’entre eux a annoncé ces choses? Lequel nous a fait entendre des prédictions anciennes? Qu’ils produisent leurs témoins et qu’ils justifient leurs allégations; qu’on les écoute et qu’on dise: ‘C’est vrai!’ Vous êtes mes témoins, dit Jéhovah, et mon serviteur que j’ai choisi, afin que vous reconnaissiez et que vous croyiez, et que vous compreniez que c’est moi. Avant moi aucun Dieu n’a été formé et il n’y en aura point après moi”.

      LOÏS: Cela ne laisse guère subsister de doute quant à ce que Jéhovah exige de ceux qui portent son nom, ne trouvez-​vous pas?

      JEAN: Aucun. D’ailleurs, au cours de la période qui suivit la naissance de la société du monde nouveau et celle des sociétés ennemies qui concentraient leurs forces, un combat en vue d’exercer l’autorité allait s’engager, et les faits seraient présentés aux peuples, afin que chaque individu puisse discerner clairement laquelle de ces sociétés occupe une place dans les desseins de Jéhovah. Mais avant que ce combat ne débute pour de bon, Jéhovah a voulu réaliser au sein de son organisation un autre projet, dans le but de restaurer le sanctuaire dans la position qu’il doit occuper.

      PURIFICATION DU SANCTUAIRE DE JÉHOVAH

      Vous vous souvenez certainement qu’en 1926, à l’occasion de l’assemblée des témoins de Jéhovah à Londres, il avait été dit que la Société des Nations est la “bête” décrite dans Révélation 17:11, et qu’elle serait assurément détruite par la main de Jéhovahf. Cette affirmation a été signifiée à toutes les nations. Mais en ont-​elles seulement tenu compte? Non, elles n’ont pas rejeté l’abomination qui cause la désolation pour se tourner vers le Royaume de Dieu comme vers la seule espérance pour ce monde. En ignorant cette proclamation que Dieu faisait par l’intermédiaire de ses serviteurs terrestres, elles ont tourné le dos aux dispositions prises par Dieu pour leur salut, et ont ainsi ouvertement péché contre lui. Daniel avait été averti par l’ange de Jéhovah que les nations agiraient de cette manièreg.

      De son temps, Daniel avait prédit qu’après 2 300 jours, le sanctuaire de Dieu remporterait la victoire. Cet événement devait entraîner l’élimination du sein de l’assemblée de Dieu des “anciens électifs”, qui avaient été assignés à une fonction par voie démocratique. La Tour de Garde, dans les numéros de novembre et de décembre 1932 (éd. angl. du 15 août et du 1er septembre), contenait un article en deux parties intitulé “L’organisation de Jéhovah”. Cet article montrait clairement que le système des “anciens électifs” était une pratique impure empruntée au monde et en désaccord avec les principes du grand Théocrate, qui dirige son sanctuaire de haut en bas. En conclusion l’article présentait une résolution, accompagnée d’une recommandation, pour que toutes les congrégations l’adoptent. En voici un extrait:

      Qu’il soit par conséquent déclaré ici que nommer quelqu’un par votes à une charge d’ancien dans l’assemblée de Dieu n’est pas autorisé par les Écritures, et que désormais nous ne nommerons plus personne à cette charge. Tous les oints de Dieu sont des anciens dans le sens que les Écritures attribuent à ce terme; tous sont des serviteurs du Très-Haut.

      Pour que notre service se fasse avec ordre, nous voulons choisir divers membres de notre groupe que nous chargerons de certains devoirs, et parmi lesquels un directeur de service que nous proposerons au chef de l’administration, au directeur de la Société. Ce directeur de service fera partie de notre comité de service.

      Cette résolution a été adoptée par les congrégations des témoins de Jéhovah du monde entier, et dans un avis paru dans La Tour de Garde (angl.) du 15 octobre 1932, exactement à la fin de la période de temps fixée dans la prophétie de Daniel, Jéhovah révélait officiellement et par l’intermédiaire de son canal visible de communication que son sanctuaire avait été purifié et rétabli à sa juste place pour ce qui était de la suppression de ce procédé démocratique de l’élection des anciensh.

      THOMAS: Je comprends aisément que cette mesure allait apporter l’unité à votre organisation. Et ce fut là, il me semble, un progrès d’une grande portée.

      JEAN: Évidemment, cette mesure n’a pas rétabli complètement le fonctionnement théocratique de l’organisation de Jéhovah, telle qu’elle existait du temps des apôtres. Cette restauration complète restait encore à réaliser, et elle allait marquer la mise au point finale de la société du monde nouveau en tant qu’instrument pour la réalisation du dessein de Dieu envers son peuple. Et maintenant, plus que jamais, la faveur de Jéhovah reposait visiblement sur le canal qu’il s’était choisi plusieurs dizaines d’années auparavant. Depuis que le pasteur Russell avait, en 1878, pris fermement position pour le vrai culte, et au cours de toutes les années pendant lesquelles La Tour de Garde et ses éditeurs avaient continué la guerre contre les compromis et l’apostasie, il était devenu de plus en plus évident que ce groupe de chrétiens occupait une place remarquable dans les desseins divins. Après avoir été arrachés au pouvoir de la mort, en 1919, et poussés à prendre position avec courage et hardiesse contre Satan et pour Jéhovah, le rôle qu’ils avaient été appelés à jouer leur était désormais assuré, comme le montre le fait que le Souverain suprême plaçait sur eux son propre nom. Ainsi fortifiée, cette société de chrétiens et de chrétiennes était maintenant prête à se lancer dans une campagne telle que les serviteurs de Jéhovah n’en avaient jamais connue de semblable.

      [Notes]

      a a Annuaire (angl.) 1929, p. 65.

      b b w 1924, pp. 82, 358; w 1950, p. 268.

      c c wF 1948, p. 365.

      d d Ibid.

      e e Le christianisme sous presse (angl.) d’Edgar J. Goodspeed (1940), pp. 75-77.

      f f wF 1948, p. 378.

      g g wF mai 1924, p. 90.

      h h WBBR, Staten Island, New York; WORD, Batavia, Illinois (à partir de 1924); CHUC, Saskatoon, Saskatchewan, Canada (à partir de 1925); CKCY, Toronto, Ontario; CHCY, Edmonton, Alberta; CFYC, Vancouver, B.C. (ces trois dernières stations canadiennes ont été utilisées à partir de 1926). w 1925, p. 357; Annuaire (angl.) 1927, p. 41; Annuaire (angl.) 1928, pp. 32, 33. En 1928, le gouvernement du Canada refusa de renouveler l’autorisation de faire usage des quatre émetteurs que nous possédions dans ce pays. Annuaire (angl.) 1929, p. 35.

      i i KFWM, Oakland, Californie (à partir de 1925); WHK, Cleveland, Ohio (à partir de 1926). w 1925, p. 357; Annuaire (angl.) 1927, p. 41.

      j j w 1922, p. 180.

      k k Annuaire (angl.) 1930, pp. 34-39.

      l l Annuaire (angl.) 1932, pp. 47-51.

      a m C’est principalement grâce à l’activité déployée par le siège de la Société, que le message a touché des hommes d’Argentine, du Canada, de Chine, de Cuba, de France, d’Afrique du Sud, d’Estonie, d’Uruguay, d’Alaska, d’Hawaii, des Philippines et des États-Unis.

      b n Annuaire (angl.) 1934, pp. 60-64.

      c o w 1927, pp. 63, 233.

      d p Annuaire (angl.) 1929, p. 58.

      e q w 1927, p. 233.

      f r Philippiens 1:7.

      g s wF 1929, pp. 120-125, 131-137.

      h t Ibid., p. 120.

      i u Ibid., pp. 120, 121.

      j v Voir aussi w 1943, p. 298; wF 1946, p. 216.

      k w Le Vatican dans la politique mondiale (angl., 1948, Manhattan), pp. 165-170; Encyclopédie Columbia (angl), p. 1240.

      l x Encyclopédie Columbia (angl.) 1942, pp. 608, 1227; w 1941, p. 280; Encyclopédie américaine, Vol. VII, p. 464.

      a y wF oct. 1922, p. 10.

      b z Annuaire (angl.) 1932, pp. 22, 23.

      c aa wF 1931, p. 188.

      d bb Cette brochure fut remise à 88 009 prêtres, 19 103 hommes politiques, 22 869 hommes d’affaires et 2 085 chefs militaires. Bulletin (angl.) du 1er janv. 1932.

      e cc Annuaire (angl.) 1932, p. 36.

      f dd Voyez le chapitre 16, p. 111.

      g ee Daniel 8:13, 14.

      h ff “Que ta volonté soit faite sur la terre” (édition française de 1965), pp. 209-216.

      [Illustration, page 121]

      LA WBBR, STATEN ISLAND, NEW YORK, 1924.

  • La lutte pour la liberté de prêcher
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 19

      La lutte pour la liberté de prêcher

      THOMAS: Jean, vous nous avez dit que la prédication effectuée par la Société Watch Tower au moyen de la radio a été en grande partie la cause du combat livré au cours des années 1930, et qui a opposé les témoins de Jéhovah aux principales organisations religieuses. Qu’est-​il advenu de l’œuvre dans les pays soumis au fascisme et au nazisme?

      JEAN: Comme il fallait s’y attendre, la prédication de la bonne nouvelle s’est heurtée à une violente opposition en Italie et en Allemagne, pays dominés par le catholicisme. Le pasteur Russell avait fait sa première tournée de conférences en Europe en 1891, mais en Italie la vérité n’avait fait que peu de progrès depuis lors. En 1903 la Société avait pris des dispositions pour faire traduire et publier La Tour de Garde à Pinerolo (province de Turin), mais ce périodique n’était distribué que par l’intermédiaire d’une agence de presse. En 1905, le livre Le divin Plan des Âges fut traduit en italien, et le résultat en fut que, lors de sa seconde visite en Italie en 1912, le pasteur Russell trouva là-bas une congrégation d’une quarantaine de personnes qui se réunissaient dans un village non loin de Pinerolo.

      Cependant l’œuvre n’a progressé que lentement. Dans les premiers jours du fascisme, de 1922 à 1927, cinq pionniers quittèrent la Suisse pour ce territoire, mais une assemblée nationale tenue à Pinerolo en 1925 ne réunit que soixante-dix délégués venus d’Italie et de la Suisse italienne. Frère A. H. Macmillan, du bureau central de la Société, assista à ce congrès. Puis, en 1932, la Société ouvrit un dépôt de publications et se lança dans l’une de ses campagnes les plus actives. La brochure Le Royaume, l’Espérance du Monde fut imprimée sur place, et vingt proclamateurs capables venus de Suisse en distribuèrent 200 000 exemplaires dans vingt villes de l’Italie du Nord. C’est alors que les difficultés ont commencé. Le journal du cardinal Schuster, L’Italia, dénonça violemment cette activité, de sorte que la police fasciste fit irruption dans le bureau de la Société et le ferma en juillet 1932. La police a admis que c’était le clergé qui avait fait prendre ces mesures sévères contre cette diffusion de brochures bibliques, en contraignant le gouvernement fasciste à agir sur la base du Concordat signé en 1929 avec l’Église catholique.

      En Allemagne, cependant, l’œuvre avançait beaucoup plus vite. En fait, lors d’une campagne spéciale menée dans ce pays en 1933, il y eut presque autant de témoins actifs dans le champ qu’aux États-Unis. Cette campagne figure au nombre de celles que la Société a organisées au cours des années 30 et qu’on appelait “Les périodes de témoignage international”, lesquelles duraient huit jours. Elles représentaient un effort concerté des témoins de Jéhovah du monde entier pour démontrer leur unité, et cela en passant chacune de ces journées dans le champ, présentant le même message et offrant les mêmes publications.

      D’après les rapports que nous possédons sur cette campagne qu’on avait appelée “La période d’action de grâces du reste”, et qui s’est déroulée du 8 au 16 avril, nous étions 58 804 proclamateurs répartis dans soixante-dix-sept paysa. Une brochure intitulée “La Crise” a été distribuée. Aux États-Unis, 20 719 proclamateurs remirent un rapport, et en Allemagne, 19 268 témoins sortirent dans le champ. Les témoins allemands écoulèrent 2 271 630 publications, et ceux des États-Unis en placèrent 877 194.

      Mais il y avait une forte opposition catholique, et c’est à l’époque où fut déployée cette campagne qu’eut lieu la venue d’Hitler au pouvoir; cette opposition n’a d’ailleurs pas empêché que le témoignage soit donné à une grande échelle. On compte qu’en 1931 et 1932, il y avait un total de 2 335 procès en cours contre les témoins allemandsb; cependant entre 1919 et 1933, ils avaient distribué au peuple allemand 48 000 000 de livres et de brochures, et 77 000 000 d’exemplaires de l’édition allemande de L’Âge d’Orc.

      C’est alors que commença aux États-Unis la vraie bataille sur la question de l’utilisation de la radio. Le pape Pie XI avait fait de 1933 une “année sainte” qui devait ouvrir une ère d’activité catholique destinée à apporter la paix aux nations. En même temps, au printemps de 1933, les catholiques américains organisèrent une campagne nationale sous la direction de leurs cardinaux, de leurs évêques et de leurs prêtres pour “chasser Rutherford des ondes”. Ils avaient pour but d’intimider les propriétaires de stations de radio en les menaçant de boycottage, afin de les amener à refuser de signer des contrats avec les témoins pour la radiodiffusion de leurs conférences enregistrées. Souvenez-​vous qu’à l’époque, la Société faisait entendre sa voix dans le monde entier par l’intermédiaire de 408 stations émettricesd. En dépit des menaces, cependant, l’œuvre de témoignage par voie radiophonique continua de s’étendre, et la Société consacra des millions de dollars à cette forme de service, bien que l’Amérique se trouvât aux prises, de 1929 à 1935, avec sa grande crise économiquee.

      À la même époque, une méthode de service autre que la radiodiffusion commençait à se développer. On organisait des réunions publiques et privées où l’on faisait entendre des enregistrements sur des disques 33 tours. C’étaient les mêmes que ceux destinés aux stations de radio. En 1933, il y eut 4 646 réunions de ce genre qui groupèrent une assistance de 240 434 personnesf. De plus, on se servit de voitures munies de haut-parleurs pour sillonner les rues et faire entendre ces conférences publiques partout où il y avait du mondeg. Les années qui suivirent démontrèrent l’efficacité de cette méthode pour toucher le public.

      Portant alors à son point culminant “La période d’action de grâces du reste”, le président de la Société prononça le 23 avril, à la radio, son discours historique intitulé “L’année sainte et ses effets sur la paix et la prospérité”. Cette conférence exposait ouvertement la vanité des espérances que la Hiérarchie catholique romaine offrait aux gens, et dénonçait en elle une contrefaçon de la paix et de la prospérité promises par le Royaume de Dieu. Ce discours fut diffusé par cinquante-cinq stations radiophoniques.

      Deux mois plus tard, le 25 juin, des dispositions furent prises pour retransmettre l’enregistrement de cette conférence d’une heure dans 158 stations. Pour exciter la curiosité du public et préparer ce moment, on distribua dans le ministère de maison en maison cinq millions d’invitations imprimées sous la forme de feuilletsh. La réaction de la Hiérarchie fut immédiate, acerbe et très dure. Les catholiques intensifièrent leurs intimidations et certains directeurs de stations de radio leur cédèrent, refusant d’assurer la retransmission d’un programme quelconque de la Société Watch Tower.

      L’ŒUVRE INTERDITE EN ALLEMAGNE

      Pendant ce temps, en Allemagne, un acte manifeste du gouvernement amena le juge Rutherford à faire une visite précipitée dans ce pays. Avec Hitler comme dictateur depuis janvier 1933, l’opposition était devenue très forte. Au début d’avril, la police occupa la grande imprimerie de la Société et le Béthel à Magdebourg, la ferma et mit les scellés sur les presses. Au début, la filiale était installée à Barmen-Elberfeld, dans la Rhénanie. Mais en 1926, on avait décidé de rapprocher de Berlin les bureaux de la Société. On choisit Magdebourg, une grande ville située à environ soixante kilomètres au nord-ouest de Berlin, pour y établir le siège de la Société. On fit construire des bâtiments spacieux et bien conçus pour abriter une imprimerie de premier ordre et pour loger la famille du Béthel. La Société fut faussement accusée de subversion auprès du gouvernement d’Hitler, qui ferma la filiale, et pendant toute la durée de l’enquête les frères ne purent effectuer aucun travail. Comme il fut impossible de trouver des éléments réels pour soutenir l’accusation, la Société fut autorisée à reprendre possession de ses locaux le 28 avril. Cela permit aux frères du bureau central de terminer le rapport spécial pour le témoignage d’avril qu’ils avaient effectué avec un si grand zèle.

      Le juge Rutherford avait suivi avec beaucoup d’attention l’évolution de la situation en Allemagne, et il comprenait bien la conséquence qu’elle allait avoir pour l’œuvre de témoignage. Devant la gravité des événements, il se hâta de se rendre en Allemagne, accompagné de frère Knorr, pour voir ce qu’on pourrait faire. Le 25 juin, le jour même où l’on avait prévu la retransmission du discours “L’année sainte et ses effets sur la paix et la prospérité” au moyen de 158 stations radiophoniques des États-Unis, un rassemblement fut organisé à Berlin. Là, une Déclaration de Faits qu’on avait préparée fut présentée à un auditoire de 7 000 personnes, afin de protester contre le gouvernement d’Hitler au sujet de l’intervention arbitraire perpétrée à l’encontre de l’œuvre de témoignage effectuée par la Société; cette protestation fut adoptée à l’unanimité. La Déclaration fut envoyée à tous les hauts fonctionnaires du gouvernement, du président aux membres du conseil, et 2 500 000 exemplaires en furent distribués au public. Les représailles ne tardèrent pas. Trois jours plus tard, le 28 juin, les bureaux de la Société furent saisis et occupés et, par décret du gouvernement, l’imprimerie fut fermée. Cent quatre-vingts membres de la famille du Béthel reçurent l’ordre de quitter les lieux.

      On trouve un indice de la véritable origine de ces difficultés dans la déclaration suivante rédigée par un prêtre catholique de Berlin et publiée le 29 mai 1938 dans The German Way (La voie allemande):

      Il y a maintenant un pays où la secte des prétendus “Étudiants de la Bible” [témoins de Jéhovah] est proscrite. C’est l’Allemagne! Cette secte qui, pour un temps, avait pris un essor considérable en Allemagne, ne fut pas interdite par Brüning [chancelier du Reich allemand avant Hitler], bien que l’Église catholique lui ait demandé à plusieurs reprises de prendre cette mesure. Le “très catholique chancelier” Brüning s’était disculpé, invoquant qu’aucune loi ne lui permettait de dissoudre l’Association des Étudiants de la Bible.

      Lorsque Hitler prit le pouvoir et que l’épiscopat allemand lui eut formulé la même demande, le Führer répondit: “Ces Étudiants de la Bible sont des fauteurs de trouble; ils sont un obstacle à la vie normale du peuple allemand. Je les tiens pour des charlatans et ne tolérerai pas que les catholiques allemands soient souillés par ce “Juge” américain du nom de Rutherford. Je dissous la secte des Étudiants de la Bible en Allemagne et fais rentrer leurs biens dans la communauté du peuple allemand. Je ferai confisquer tous leurs écrits.” Bravo!

      Et dire que l’épiscopat américain, le cardinal Mundelein lui-​même, ne peuvent arriver à faire retirer des librairies des États-Unis les livres de Rutherford où l’Église catholique se trouve si violemment attaquée et calomniéei!

      La saisie des biens de la Société à Magdebourg était une violation flagrante du droit international sur la propriété, car ils appartenaient à une association américaine. Afin de rentrer en possession de ces biens, on fit appel au Département d’État des États-Unis pour protester contre les voies de fait dont le gouvernement allemand s’était rendu coupable à notre égard. Suite aux négociations alors entamées entre le Département d’État et l’Allemagne, le gouvernement allemand décida par décret de rendre à la Société ses biens, et il les remit aux frères.

      Mais le décret passé en juin et qui ordonnait la saisie de ces biens renfermait également une clause interdisant les activités de prédication promues par la Société. Cette interdiction ne fut pas levée; en outre, pendant la période de temps écoulée entre juin et octobre, la police gouvernementale avait pris et brûlé une grande quantité de livres, de brochures, de Bibles et d’autres ouvrages appartenant à la Société, d’une valeur globale de 25 000 dollars. Les réunions des témoins furent interdites, et la diffusion des publications stoppéej. Mais ceci n’arrêta pas pour autant les énergiques témoins allemands. Obéissant à la mission que Dieu leur avait confiée plutôt qu’aux ordres des hommes, ils continuèrent de faire une guerre sans relâche contre l’ennemi, jusque dans ses portes, et cela pendant toute la période du nazisme en Allemagne. L’article de fond intitulé “Ne les craignez point”, que publia La Tour de Garde du 15 février 1934, les aida grandement à demeurer intègres.

      UNE OFFENSIVE CONSTANTE

      THOMAS: La conférence où Rutherford dénonçait l’année sainte a-​t-​elle eu d’autres conséquences?

      JEAN: L’opposition devenait de plus en plus intense, surtout dans l’État du New Jersey. En juillet 1933, tandis que l’issue des pourparlers avec le gouvernement d’Hitler sur la saisie de nos biens en Allemagne était encore incertaine, le président de la Société décida d’organiser une réunion publique à Plainfield, dans le New Jersey, en raison de la persécution à laquelle on se heurtait dans cette région. Le sujet que Rutherford avait choisi de développer, à savoir “L’intolérance”, convenait très bien aux circonstances, car lors de ce rassemblement l’Église catholique eut recours à ses tactiques violentesk.

      Plainfield était le bastion du catholicisme dans le New Jersey. En raison du programme spécial prévu pour le dimanche 30 juillet, la Société loua les deux plus grands théâtres de Plainfield et les relia par fil direct. L’une de ces salles, aménagées pour servir de plaque tournante à toutes nos activités, devait nous permettre d’établir une chaîne de radiodiffusion avec, entre autres, le concours de la WBBR. La majorité des membres du service d’ordre et des placeurs avait été choisie parmi le personnel du Béthel de Brooklyn, et l’on nous a rapporté cet incident:

      On avait remis à tous ces placeurs un colis bien enveloppé et scellé, avec ordre de ne l’ouvrir que lorsqu’ils seraient invités à le faire. Peu de temps avant l’arrivée du juge Rutherford, plus de cinquante agents de police entrèrent pour “garder” les deux théâtres. Ils remarquèrent que tous les membres du service d’ordre avaient à la main un paquet identique, ce qui provoqua dans leurs rangs une inquiétude extrême. Un des agents demanda alors à l’un de ces frères ce qu’il avait dans son paquet. Le frère lui répondit qu’il n’en savait rien. L’agent, ne le croyant pas, lui ordonna d’ouvrir le colis. Mais le placeur refusa et lui fit part des instructions qu’il avait reçues relativement à ce paquet. L’agent s’en alla rapporter la chose à son supérieur, lequel revint avec lui vers le frère; lui-​même ordonna à ce dernier d’ouvrir le paquet, mais il se heurta de nouveau à un refus. Sur ce, l’officier ordonna à son subalterne de se saisir du paquet. L’autre obéit, tremblant de tous ses membres en emportant l’objet. Ils l’ouvrirent donc pour y découvrir, non une bombe, comme ils l’avaient supposé, mais seulement cinquante exemplaires inoffensifs de L’Âge d’Or où était imprimé le texte de la conférence que frère Rutherford allait prononcer l’après-midi. L’agent refit le colis, et d’un air penaud le rapporta au frère.

      À son arrivée au théâtre, frère Rutherford vit, à son grand étonnement, que la police s’était installée à l’entrée de la scène, face à l’auditoire. Et, en s’avançant vers le podium, il s’aperçut qu’elle avait mis en place deux mitrailleuses derrière les rideaux. Celles-ci étaient disposées de telle façon qu’il serait obligé de parler sous leurs canons, car ces armes étaient dirigées sur lui et sur l’auditoire. Le juge Rutherford en fut très irrité, mais ses protestations véhémentes ne firent pas bouger d’un pouce les policiers et leurs armes. On les avait avertis, dirent-​ils, qu’il allait y avoir une émeute, et ils étaient là pour maintenir l’ordre. Mais quelles qu’aient été leurs intentions réelles, la conférence fut prononcée sans incident et applaudie avec enthousiasme. La brochure Intolérance fut publiée par la suite et largement distribuée avec autant de succès.

      Les arrestations continuèrent. Au début, on ne tenait pas registre de leur nombre, mais il y en eut 268 aux États-Unis en 1933, 340 en 1934, 478 en 1935, et 1 149 en 1936l. Les proclamateurs du Royaume furent traînés devant les tribunaux et accusés de pratiquer la vente sans patente, de troubler la paix, de faire du colportage sans autorisation, de violer les lois du sabbat dominical, et on les mit dans la catégorie des quêteurs ou des marchands ambulants au lieu de voir en eux des ministres de l’Évangilea. Les tribunaux d’État représentaient le principal moyen dont nous disposions pour nous défendre contre de telles attaques, et comme la Constitution permettait aux témoins de Jéhovah de pratiquer leur religion en visitant les gens à leur domicile, ils menèrent le combat jusqu’au bout.

      La Société organisa au siège central un service juridique destiné à conseiller les frères de toutes les régions du pays, dans le but de les aider à faire face à cet assaut qui se manifestait. Le juge Rutherford était évidemment avocat, mais comme président de la Société il avait beaucoup trop à faire avec le travail d’administration et de rédaction, sans compter ses voyages, pour s’occuper lui-​même de ces problèmes. C’est pourquoi les frères qui exerçaient la profession d’avocat devinrent membres du personnel du bureau central, pour faire fonctionner ce nouveau service.

      Les qualifications de frère Rutherford lui permirent de diriger la rédaction des “Conseils pour les procès” (angl.), brochure que publia la Société, afin d’encourager les frères et de leur montrer comment présenter leur cas en justiceb. De plus, en leur faisant connaître leurs droits, cette brochure les incitait à poursuivre leur œuvre et les rendait à même de tenir ferme devant les fonctionnaires qui essayaient de les priver des droits que leur garantissait la loi. Un programme de formation fut prévu à cet effet dans les réunions de service où l’on faisait des représentations de procès. Les frères se succédaient à la barre pour se défendre sur la question de la liberté du culte. Cela les aida grandement, surtout ceux qui habitaient dans les points chauds du territoire, et leur permit en outre d’offrir une réponse aux personnes curieuses ou opposées qu’ils rencontraient dans le champ.

      THOMAS: Il me semble que si, sur le plan local, les fonctionnaires vous étaient hostiles au point de vous arrêter ou d’installer des mitrailleuses devant un auditoire lors d’une réunion publique, comme ce fut le cas à Plainfield, dans le New Jersey, vous n’aviez pas grand espoir de vous en tirer devant les tribunaux de première instance. En général l’opinion publique influence très fortement les décisions prises sur des questions de cet ordre. En tout cas, pour ma part, c’est ce que j’ai constaté.

      JEAN: C’est vrai; la plupart des procès qui ont eu lieu dans des cours inférieures ont été perdus par les témoins de Jéhovah. Mais dès le début, nous avons systématiquement fait appel. Si nous n’avions pas utilisé cette méthode, il y aurait eu une telle masse de jugements adverses prononcés contre nous, qu’il nous aurait été impossible de poursuivre l’œuvre de prédication. Ce fut une longue et dure bataille que celle qui fut menée devant les tribunaux. Mais les témoins de Jéhovah firent valoir leur position quant à la liberté des cultes, et celle-ci a protégé jusqu’à ce jour des personnes de toutes les confessions religieuses. Mais il y a encore beaucoup à dire au sujet de cette bataille juridique, et nous y reviendrons.

      L’ENNEMI VAINCU PAR LE NOMBRE

      À peu près à la même époque, nous avons trouvé un autre moyen pour effectuer la prédication dans les zones d’opposition violente. En 1933, la Société lança un appel à tous les frères des États-Unis, demandant des volontaires pour effectuer une prédication d’un type particulier. Une fois de plus les témoins de Jéhovah prenaient l’offensive. Les 12 600 proclamateurs qui s’engagèrent dans ce service étaient prêts à tout moment à partir en mission spéciale pour prêcher de maison en maison là où des difficultés avaient surgi ou étaient attendues. Dans ce cas-​là, il fallait employer des tactiques particulières pour prêcher dans des territoires où des frères avaient été arrêtés dans le service habituel de maison en maison. Dès que la nouvelle de telles arrestations parvenait aux bureaux du Béthel de Brooklyn, la Société faisait appel à la division la plus proche pour qu’elle se rende sur les lieux en mission spéciale.

      Aux États-Unis il y avait soixante-dix-huit de ces divisionsc. Chacune d’elles comptait de dix à deux cents voitures de cinq proclamateurs. Dès que le Béthel signalait une urgence et appelait une division à son poste, toutes les voitures se rendaient à un rendez-vous précis, généralement dans la campagne, à quelques kilomètres de la ville où la persécution avait sévi. Là, des instructions détaillées étaient données, et un territoire attribué à chaque groupe. Le territoire était divisé de telle manière que, lorsqu’une division passait à l’action, n’importe quel “point chaud” était couvert entièrement dans un temps de trente à soixante minutes.

      En cas d’arrestation, le frère ou la sœur devait composer un certain numéro de téléphone dès son arrivée au poste de police. Des avocats attendaient à l’autre bout du fil, prêts à venir à la rescousse avec l’argent de la caution. Pendant que la prédication était en train de se faire, un comité de frères rendait visite à la police pour lui fournir la liste complète des témoins qui visitaient les gens de leur territoire ce matin-​là. Et le temps que durait la visite, la prédication était quasiment terminée, dans la plupart des cas.

      Cette méthode nous permit de vaincre les adversaires par la force du nombre, de sorte que, quelle que fût la violence de l’opposition dans un territoire, la bonne nouvelle du Royaume toucha pratiquement chaque maison. La seule chose que l’ennemi pouvait faire dans de tels cas, c’était d’arrêter vingt ou trente frères d’un coup, ou autant que la prison du lieu pouvait en contenir, et de laisser agir les autres. Par contre, si la congrégation locale avait essayé de faire la même chose, la moitié des frères auraient été incarcérés, et cela pour une durée de dix à quatre-vingt-dix jours, et le territoire n’aurait pratiquement plus été visité. C’est ainsi qu’en usant de tous les moyens possibles, les témoins ont été à même de poursuivre l’œuvre de prédication face à l’opposition intense qu’ils rencontraient de toute part.

      [Notes]

      a a Bulletin (angl.), 1er juillet 1933.

      b b Annuaire (angl.) 1933, pp. 122, 123.

      c c Annuaire (angl.) 1934, p. 145.

      d d Ibid., pp. 60-64.

      e e Ibid., p. 63.

      f f Ibid., pp. 64-66.

      g g Bulletin (angl.), août 1935.

      h h Annuaire (angl.) 1934, pp. 60-64; L’Âge d’Or (angl.), 1933, Vol. XIV, pp. 530-536; Bulletin spécial (angl.), juin 1933.

      i i Face aux réalités (1938), pp. 60, 61.

      j j Annuaire (angl.) 1934, pp. 127-146.

      k k Ibid., p. 66.

      l l Annuaire (angl.) 1934, p. 53; Annuaire (angl.) 1935, p. 31; Annuaire (angl.) 1936, p. 65; Annuaire (angl.) 1937, p. 51.

      a m Annuaire (angl.) 1930, pp. 25-30.

      b n Annuaire (angl.) 1933, pp. 39-49.

      c o Annuaire (angl.) 1934, pp. 46, 49; Bulletin (angl.), mai 1933.

      [Illustration, page 132]

      “INTOLÉRANCE”, 1933.

      “Condamnation d’innocents” (Jér. 2:34; Jacq. 5:6)

  • La bataille des ondes ouvre la voie à une activité nouvelle
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 20

      La bataille des ondes ouvre la voie à une activité nouvelle

      JEAN: La position stratégique de la station de radio WBBR a permis d’utiliser un autre moyen de contrecarrer les méthodes illégales des fonctionnaires de la région du New Jersey. Il y avait au Béthel de Brooklyn un groupe d’acteurs entraînés à jouer pour la radio, et qu’on appelait le “Théâtre du Roi”. Ils étaient experts dans l’art de parler et de faire des représentations dramatiques devant un micro. C’est ainsi qu’au fil des années ils jouèrent les drames de Ruth, d’Esther, de Joseph et ses frères, etc., qui tous obtinrent du succès. Mais maintenant l’occasion se présentait de faire usage du “Théâtre du Roi” dans la bataille du New Jersey, pour venir en aide aux frères qui avaient été arrêtésa. On peut lire par exemple, dans le Bulletin spécial (angl.) de juin 1933, l’annonce suivante:

      Le drame “Défi à Jéhovah”, qui est la reconstitution exacte du procès récemment intenté à nos frères à Summit, dans le New Jersey, sera diffusé par les studios de la WBBR, le dimanche matin 18 juin.

      Voici la façon dont on s’y prenait: Quand s’ouvraient les séances des procès intentés aux proclamateurs engagés dans les rangs des divisions spéciales de prédicateurs, quelques témoins de Jéhovah sténographes assistaient aux débats pour en minuter le déroulement. Dans ces tribunaux locaux, nombre de juges étaient catholiques. Ils n’hésitaient pas en outre à manifester ouvertement leur prévention en pleine audience. Beaucoup d’entre eux utilisaient un langage grossier et laissaient même deviner l’identité de leurs alliés ecclésiastiques, lesquels s’efforçaient, quant à eux, de rester à l’arrière-plan et de dissimuler le rôle qu’ils jouaient dans l’opposition croissante exercée contre les témoins. Toutes ces sorties de mots piquants échangés dans le tribunal étaient relevées par les sténographes. Pendant ce temps, d’autres frères, mais cette fois-​là des acteurs expérimentés, assistaient à l’audience pour étudier la voix et les intonations du juge ainsi que les paroles enflées du procureur, et cela dans le but de reconstituer avec la plus grande exactitude possible la procédure tout entière.

      Quelques jours après la clôture du procès, le Théâtre du Roi était en mesure de reproduire sur les ondes ces scènes de tribunaux avec un remarquable réalisme jusque dans les moindres détails. Enfin, pour atteindre le résultat désiré, on faisait un effort spécial pour inviter toute la population du New Jersey à se mettre à l’écoute à l’heure fixée. L’expérience révéla au public stupéfait la perversion avec laquelle la justice était exercée dans ces villes catholiques de l’État du New Jersey. Avec le temps, les juges prirent peur devant cette publicité révélatrice qui les prenait pour cible ainsi que la police et les procureurs aveuglés, et nombre d’entre eux se montrèrent plus avisés quand ils eurent à juger des témoins de Jéhovah.

      TROIS PÉTITIONS DÉNONÇANT LA PARTIALITÉ

      Pendant cette bataille des ondes, les témoins mirent en œuvre un autre moyen d’action légale: le droit de pétitionner. Entre la fin de 1933 et le début de 1934, les témoins de Jéhovah ont fait circuler à l’échelle nationale une pétition adressée au Congrès des États-Unis à Washington, qui protestait avec vigueur contre les intimidations des catholiques et la menace qu’ils faisaient peser sur la liberté d’expression à la radio. Des semaines ont été consacrées à aller de porte en porte présenter des faits et le texte de la pétition au public. Au total 2 416 141 signatures furent recueillies.

      On prit alors des mesures pour faire enregistrer la pétition à Washington, le 24 janvier 1934. Nous avions classé les pétitions de façon qu’elles correspondent aux différents districts représentés au Congrès des États-Unis et qu’on puisse donc les remettre au sénateur ou au membre de cette assemblée responsable de ces régions. Nous avions des signatures qui intéressaient chacun des 435 représentants et des 96 sénateurs qui siégeaient dans les deux chambres du Congrès. Les listes furent emballées dans des cartons et transportées à Washington par l’un des grands camions de la Société. Là, des frères des environs avaient été invités à se tenir prêts pour la distribution. Nous avions su que la plupart des députés du Congrès passaient entre dix et onze heures à leurs bureaux pour prendre leur courrier avant de se rendre aux sessions de leurs chambres respectives qui commençaient à midi. On remit à chaque frère l’adresse d’un sénateur ou d’un représentant, on lui dit les paroles qu’il fallait prononcer pour introduire la pétition, et on lui donna une lettre à remettre avec la liste des noms contenus dans chaque carton. Par groupes et en voiture, les frères se rendirent aux deux bâtiments où se trouvaient les bureaux des sénateurs et des représentants du Congrès. En quelques minutes toutes les pétitions étaient distribuées.

      Le projet d’une loi destinée à faire obstacle à la pratique de la partialité, du boycottage et des autres méthodes violentes utilisées pour entraver la radiodiffusion des programmes d’intérêt public, avait été soumis au Congrès. Par son représentant, la Société présenta une quantité importante de preuves pour étoffer la pétition. Le Congrès des États-Unis vota alors une loi faisant passer le contrôle de toutes les communications à une nouvelle administration, la Commission fédérale des télécommunications. Cette commission comptait neuf membres, et elle allait superviser toutes les installations radiophoniques des États-Unis. Elle allait être appelée à promulguer les lois et le règlement auxquels serait soumis l’usage de la radio, et à préserver la liberté du culte sur les ondesb.

      THOMAS: Cela aurait dû grandement vous faciliter la tâche.

      JEAN: Pourtant, il n’en fut rien. Le 4 octobre 1934, le président de la Société Watch Tower se présenta en personne devant cette nouvelle commission fédérale à Washington, et lui soumit un rapport des faits, démontrant par des cas précis et des statistiques que les pressions catholiques avaient gravement porté atteinte à notre liberté du culte et à l’usage de la radio dans l’intérêt public. L’opposition que la Hiérarchie catholique romaine manifestait à l’égard du service de radiodiffusion assumé par les témoins de Jéhovah avait provoqué en 1934 une baisse considérable du nombre de nos émissions par rapport à l’année précédente. En 1934 nous avons donné 20 743 discours, mais cela correspondait à une diminution de 3 040 allocutions par rapport au maximum atteint en 1933c.

      Malgré la clarté de ce témoignage et de ces faits, la Commission fédérale des télécommunications ne fit pas grand-chose pour changer quoi que ce soit à la situation. Poursuivant son combat incessant pour la liberté d’expression et du culte, la Société organisa une seconde pétition dans tous les États-Unis. Adressée une nouvelle fois au Congrès, elle lui fut présentée en janvier 1935, avec un total de 2 284 128 signatures à l’appuid. L’année 1935 vit encore diminuer le nombre global de nos émissions radiophoniques; il y eut 2 536 conférences de moins qu’en 1934. Nous n’avons donc pu faire cette année-​là que 18 287 émissions.

      On décida alors d’organiser une assemblée nationale à Washington, du 30 mai au 3 juin 1935. Frère Rutherford devait parler devant la Commission fédérale des télécommunications le 3 juin; ainsi, en plus de la nécessité de pourvoir à la nourriture spirituelle dont les frères avaient besoin, il parut judicieux d’organiser ce congrès pour donner plus de poids à l’audition réservée à frère Rutherford. Plus de 20 000 personnes écoutèrent la conférence publique intitulée “Gouvernement”, qu’il prononça le dimanche 2 juin au Washington Auditorium, avec transmission radiophonique internationale et simultanée.

      Comme prévu, le jour suivant, le président de la Société soumit une lettre à la Commission fédérale des télécommunications pour demander instamment que d’autres mesures soient prises pour défendre la liberté d’expressione, mais la deuxième pétition présentée au Congrès et la lettre remise par le président de la Société demeurèrent toutes deux sans réponse.

      Au début de 1936, un prêtre catholique romain écrivit une lettre à une station de radio de Philadelphie, en Pennsylvanie. Bien qu’elle ne différât en rien, tant dans son but que par le ton, de centaines d’autres missives envoyées dans tous les États-Unis aux stations de radiodiffusion, cette lettre provoqua une chaîne d’événements et mérite de ce fait notre attention. En voici le contenu:

      Église Notre-Dame du Saint-Sacrement, Pères du Saint-Esprit, 714 N. Broad Street, Philadelphie, le 15 février 1936. À la station W.I.P., Gimbel Bros., Philada. Messieurs,

      En ma qualité de prêtre catholique et de pasteur de l’Église susnommée, au nom de mes paroissiens, je proteste contre le fait que vous assuriez la radiodiffusion du discours du juge Rutherford dimanche prochain, à 3 heures de l’après-midi, comme d’ailleurs à tout autre moment. Les raisons qui motivent cette protestation sont que le juge Rutherford attaque l’Église catholique, qu’il présente ses enseignements sous un faux jour, et suscite la haine religieuse et le fanatisme. Si vous permettez au juge Rutherford de parler dimanche après-midi, veuillez, je vous prie, solder mon compte, car je ne dépenserai plus un sou dans les magasins Gimbel Bros. Il serait surprenant que vous autorisiez une telle émission, car vous exposeriez par là un large pourcentage de vos clients à l’insulte directe et au ridicule. J’ose espérer que vous prendrez les mesures nécessaires. Avec mes respects, Révérend James J. Clarkef.

      Le cardinal Dennis Dougherty de Philadelphie, la plus grande autorité de l’Église catholique romaine de cette ville, donna son appui à la lettre de Clarke et menaça de “prendre des mesures supplémentaires et plus radicales” si la station Gimbel permettait au juge Rutherford de poursuivre ses émissions. Voici la lettre envoyée par son bureau à cet effet:

      BUREAU DE LA CHANCELLERIE, 1712 Summer Street, Philadelphie. Le 30 avril 1936. À CEUX QUE CELA PEUT INTÉRESSER:

      Ayant pris conseil de Son Éminence, le cardinal Dennis Dougherty, au sujet de la lettre du Rév. James J. Clarke, C. S. Sp., recteur de l’Église Notre-Dame du Saint-Sacrement à Philadelphie, il m’a fait part de son entière approbation, et que Son Éminence se joint à cette protestation; en outre, il prendrait des mesures supplémentaires et plus radicales si vous autorisiez le juge Rutherford à poursuivre ses émissions.

      Le cardinal Dennis Dougherty est archevêque de Philadelphie. [signé] J. Carroll McCormick, CHANCELIER de l’archevêché de Philadelphieg.

      Cette menace de boycottage et de “mesures supplémentaires et plus radicales” frappa les frères Gimbel à l’endroit sensible du nerf financier, et malgré dix années de bonnes relations avec les témoins de Jéhovah, ils succombèrent à ces tactiques brutales et cessèrent de diffuser les conférences publiques du juge Rutherford.

      Passant à la contre-attaque en rendant publique cette action arbitraire, le juge Rutherford et la Watch Tower Bible and Tract Society ouvrirent deux actions légales différentes, avec une demande de dommages et intérêts de 100 000 dollars dans chaque cas, contre Dennis Dougherty, James J. Clarke, J. Carroll McCormick et l’archevêché catholique romain de Philadelphieh. De plus, les témoins de Jéhovah firent circuler une pétition dans la région de Philadelphie, demandant que la station WIP organise un débat entre le juge Rutherford et un grand dignitaire catholique romain. La pétition appuyée par 119 558 signataires fut envoyée aux frères Gimbel le 1er septembre 1936, mais ils n’en tinrent pas compte. Les cinq journaux de Philadelphie refusèrent même de publier à nos frais une annonce ainsi conçue:

      Nous communiquons publiquement aux 119 558 signataires et en leur faveur l’avis selon lequel les avocats de la Watch Tower Bible and Tract Society ont présenté hier après-midi à Benedict Gimbel, Jr., président de la Compagnie de radiodiffusion de Pennsylvanie (station WIP), la PÉTITION reproduite ci-dessous et adressée à la station de radio Gimbel, la WIP, Philadelphie:

      Les auditeurs de votre chaîne, dont les signatures approuvent la présente requête, apprécient beaucoup et depuis longtemps vos émissions, y compris les discours du juge Rutherford dans le cadre des programmes Tour de Garde. Nous apprenons qu’en raison des véhémentes protestations que de hauts fonctionnaires de l’Église catholique romaine vous ont adressées, sous prétexte que le juge Rutherford ‘présente sous un faux jour les enseignements de cette Église et suscite la haine religieuse et le fanatisme’, la WIP refuse à présent de retransmettre ces allocutions.

      Un grand nombre de gens croient que le juge Rutherford ne présente sous un faux jour les croyances d’aucune organisation religieuse. Puisque les dignitaires de l’Église catholique trouvent à redire à ces discours, ne pourrait-​on pas organiser un débat public à propos de leurs doctrines? La WIP en assurerait la radiodiffusion avec, d’un côté, le juge Rutherford, et de l’autre, un haut représentant de l’Église catholique romaine. Il n’est rien qui ne serve davantage l’intérêt du public et qui lui soit plus nécessaire que de connaître ce que la Bible dit sur le salut de l’humanité, car là est bien la question en jeu. Cette question intéresse de très près tous les gens impartiaux. Nous vous faisons donc parvenir cette demande dans l’espoir que vous prendrez des dispositions pour que ce débat public ait lieu, et que la WIP continuera à assurer la radiodiffusion des discours du juge Rutherfordi.

      Après la pétition de Philadelphie, un troisième et dernier assaut fut lancé à l’échelle nationale pour protester contre l’inertie du gouvernement dans cette question essentielle de la liberté d’expression. Voici le texte de cette pétition:

      PÉTITION à la COMMISSION FÉDÉRALE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS et aux STATIONS DE RADIODIFFUSION des ÉTATS-UNIS

      La presse catholique romaine met opposition aux conférences radiodiffusées du juge Rutherford, parce que, prétend-​elle, il présente faussement les doctrines de l’Église catholique sur le salut du genre humain. Des millions de personnes ont la conviction qu’il ne présente pas faussement ces doctrines, et beaucoup d’autres ne savent pas exactement ce qu’il faut entendre par vérité.

      Le salut du genre humain étant de la plus haute importance pour tous, nous désirons pouvoir écouter un débat raisonnable et impartial sur la nature de la vérité à ce sujet, et comme par ailleurs une telle pétition a déjà été adressée à la station de radiodiffusion WIP à Philadelphie,

      NOUS VOUS DEMANDONS instamment, dans l’intérêt et pour le bien de la généralité, qu’une discussion publique ait lieu sur cette question, dans laquelle les partis opposés seront représentés d’un côté par un haut fonctionnaire de l’Église catholique romaine, et de l’autre par le juge Rutherford. Nous demandons que la COMMISSION FÉDÉRALE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS, conformément à l’article 303 (§ g) de la loi de 1934 sur les télécommunications, fasse usage de son autorité dans ce domaine “en encourageant un emploi plus étendu et plus efficace de la radio dans l’intérêt de la généralité”. En outre, nous formulons la demande que les stations de radiodiffusion des États-Unis transmettent ce débat à l’échelle nationale, avec la participation de la station régionale du territoire où habitent les personnes dont les signatures se trouvent ci-dessousj.

      Avec le temps, cette troisième pétition nationale reçut l’appui de 2 630 001 signataires, qui protestaient contre cette méthode antiaméricaine d’intimidation et de boycottage qui s’était ainsi étendue sur une si vaste échelle. La pétition fut présentée le 2 novembre 1936 à la Commission fédérale des télécommunications à Washingtonk. Une fois de plus la requête de millions de personnes fut passée sous silencel.

      UTILISATION DU MESSAGE ENREGISTRÉ DANS LE MINISTÈRE DE PORTE EN PORTE

      LOÏS: Il est surprenant qu’avec toutes ces pressions et ces étouffements des émissions radiophoniques, l’œuvre elle-​même n’ait pas subi de ralentissement.

      THOMAS: Mais tu te souviens, Loïs, que Jean a dit que la Société faisait déjà usage de disques dans les réunions publiques et privées pour enrayer cette opposition illégale de la Hiérarchie catholique romaine.

      JEAN: Je suis heureux que vous vous en souveniez, car le travail entrepris par la Société au moyen des disques s’est révélé plus efficace encore que celui effectué sur les ondes. En fait, les résultats de 1933 étaient si encourageants que l’année suivante la Société inaugura une nouvelle méthode de service: l’usage de phonographes portatifs et de sermons bibliques de courte durée, soit quatre minutes et demie, enregistrés sur des disques 78 toursa.

      Au début on ne s’en servait que dans l’activité des nouvelles visites. Mais leur efficacité fit qu’on étendit l’usage au porte à porte. Grâce à ces disques, on pouvait vraiment faire une présentation directe et efficace du message. Ils permettaient aux témoins de répondre aux questions que se posaient les gens, et comme les enregistrements étaient réalisés au siège de la Société, un message uniforme était proclamé dans le monde entier.

      Puis, en 1937, une décision historique relative à l’usage de la radio fut prise. Les témoins de Jéhovah se retirèrent volontairement de la radio.

      Cela ne voulait pas dire que la Société avait perdu la bataille des ondes, car souvent cette même année et par la suite encore, le président de la Société prononça d’importantes conférences publiques qui furent retransmises par toute une chaîne de stations radiophoniques. En fait, lors d’un congrès tenu par les témoins de Jéhovah cette année-​là à Columbus, dans l’Ohio, le discours que frère Rutherford prononça le samedi 18 septembre devant un auditoire de 25 000 personnes fut retransmis dans tous les États-Unis, et pratiquement dans toute l’Amérique du Nord, en Angleterre, en Europe et jusqu’en Australie. Le lendemain, sa conférence publique sur le thème “La sécurité” fut diffusée par 135 stations de radio aux États-Unis.

      Puis le dimanche d’après, le 26 septembre, le président de la Société donna une allocution intitulée “Le culte de Dieu”, qui fut diffusée par une chaîne nationale de 125 émetteurs. C’est dans ce discours que frère Rutherford exposa les raisons pour lesquelles la Société se retirait d’elle-​même de la voie des ondes. Son rapport annuel sur l’activité de service les explique en détail, et, parlant du programme de boycottage et d’intimidation poursuivi pendant dix années par la Hiérarchie catholique romaine et d’autres ecclésiastiques, il attire l’attention sur le fait que

      à la suite de ces machinations illicites, des pétitions portant la signature de millions de citoyens américains furent remises au Congrès (Sénat et Chambre ensemble) et à la Commission fédérale de la radio, demandant que soit interdite l’intervention des chefs religieux dans les programmes de la TOUR DE GARDE. Or, rien ne fut fait pour mettre un terme à cette persécution; au contraire, les fonctionnaires publics du gouvernement des États-Unis, certains propriétaires de stations de TSF et d’autres personnages s’étaient entendus et agissaient de concert en vue de mettre obstacle à la diffusion du message du Royaume. C’est ainsi que jusqu’à présent la radio a servi de mise à l’épreuve à certains propriétaires et gérants de stations radiophoniques, aux fonctionnaires du gouvernement des États-Unis et surtout aux membres du clergé; tous ont montré leur opposition au Royaume de Dieu et du Christ. Par cette épreuve, tous ces adversaires se sont révélés ennemis de Dieu et de son règne. La radio semble donc avoir pleinement servi le dessein de Dieu consistant à donner un avertissement aux habitants du pays, à provoquer un classement parmi eux, et à obliger ainsi les adversaires du Royaume de Dieu à se déclarer tels et à s’identifier comme membres de l’organisation de Satan, (...)b.

      À dater du 31 octobre 1937, la Société se retirerait de tous les contrats pour l’usage payant des installations radiophoniques. La WBBR continuerait de fonctionner, et si à l’avenir les stations de radio offraient à la Société l’usage gratuit d’un peu de leur temps, quelle qu’en soit la durée, l’organisation accepterait ce geste comme une preuve de bonne volonté et utiliserait ces moments pour répandre plus avant le message du Royaume. Ainsi prit fin la bataille des ondes.

      THOMAS: Est-​ce que les témoins de Jéhovah ont concentré leurs efforts à ce moment-​là sur l’emploi d’enregistrements aux réunions et aux portes?

      JEAN: En effet. Ils se mirent dès lors à dépenser leur temps, leur argent et leur énergie dans cette nouvelle forme de service avec le même zèle que dans les stations de radio. Le résultat en fut que ce travail effectué à l’aide du phonographe commença à se développer pleinement et à jouer un rôle important dans l’œuvre de prédication. En 1937, le nombre de personnes qui avaient entendu ces sermons enregistrés, soit dans les réunions publiques soit en privé, s’élevait à 10 368 569, et en 1938 il monta à 13 070 426. Cette année-​là nous avions à notre disposition 430 000 disques enregistrés en 16 langues, sans compter l’anglais, et 19 676 phonographesc. Les témoins commençaient à être bien armés dans cette nouvelle phase de la guerre pour la défense du vrai culte.

      THOMAS: Je suppose que vos ennemis ne vous ont pas laissé déployer cette activité sans résistance.

      JEAN: Bien entendu. Le nombre de ceux qui avaient répondu au message du Royaume de Dieu diffusé sur les ondes les avait suffisamment embarrassés. Mais maintenant ce même message entrait dans les foyers par l’intermédiaire du phonographe, ce qui permettait aux auditeurs des enregistrements de poser des questions aux témoins. Ils pouvaient ainsi recevoir des réponses basées sur la Bible. Il devenait clair qu’au lieu de constituer une retraite, la manœuvre des témoins de Jéhovah en abandonnant la voie des ondes était en réalité une attaque de flanc, qui semblait mettre dans l’embarras leurs ennemis religieux et leur infliger de lourdes pertes. La voix du phonographe, qui avait commencé à se faire faiblement entendre en 1933, provoquait maintenant des effets à tout rompre, de sorte que ces ennemis mortels réalisaient que leur plan destiné à étouffer la prédication sur les ondes avait été mis en échec.

      C’est alors que le 26 avril 1938, dans le Connecticut, la colère gronda sous forme de protestations. Un témoin de Jéhovah fut arrêté avec ses deux enfants mineurs, sous l’accusation de troubler la paix dans un quartier catholique en faisant entendre le disque “Ennemis” dans les foyers. Traduit devant les tribunaux du Connecticut suite à la plainte déposée par deux catholiques romains, le frère fut déclaré coupable. Cette décision soulevait la question suivante, non seulement pour le Connecticut, mais pour tous les États du pays: Les témoins de Jéhovah seraient-​ils autorisés à poursuivre ce programme d’éducation publique par ce moyen efficace? Il fallut attendre deux ans pour que cette question soit tranchéed; entre-temps la structure de la société du monde nouveau évolua considérablement.

      DÉBUT D’UN MINISTÈRE PLUS VASTE

      Pendant ce temps, un autre aspect de l’œuvre de prédication ordonnée par Jésus avait commencé à se développer. Nous avons déjà parlé en détail du service effectué de 1874 à 1914 pour le rassemblement des oints de Jéhovah. Il se poursuivit, quoique avec des résultats moindres, pendant toute la période où les témoins prêchèrent “revêtus de sacs”, de 1914 à 1918. Puis à la restauration du vrai culte en 1919, qui marqua aussi la naissance de la société du monde nouveau, l’appel aux futurs membres du Royaume et cohéritiers du Christ était toujours lancé. Bien que Jéhovah soit venu dans son temple en 1918 et ait commencé de juger la classe des oints, d’autres hommes devaient être amenés à en faire partie, car certains avaient été trouvés indignes et devaient être remplacés. Les faits montrent que cela a duré en particulier jusqu’en 1931, date à laquelle a commencé l’œuvre consistant à rassembler ceux qui s’identifient à la classe des “autres brebis” du Seigneur Jésus-Christ.

      Dès le début du ministère du pasteur Russell, on savait et on enseignait qu’en plus de ceux qui allaient recevoir la vie céleste comme cohéritiers du Christ, l’humanité dans son ensemble devait recouvrer la vie parfaite sur la terre. Mais pendant longtemps La Tour de Garde avait émis l’idée qu’un autre groupe obtiendrait finalement la faveur de Dieu et la vie spirituelle dans les cieux, toutefois dans une position secondaire par rapport au reste des cohéritiers du Christ. On disait que ces personnes constitueraient la “grande foule” dont il est parlé dans Révélation 7:9. Cependant, en 1935, au congrès de Washington, auquel les “Jonadabs” avaient été spécialement conviés par La Tour de Garde, de nombreuses preuves bibliques ont été offertes identifiant la grande multitude mentionnée dans Révélation 7:9 aux Jonadabs ou “brebis” mentionnées dans Matthieu 25:31-46. Dès 1923, on avait compris que ces brebis constituaient un groupe d’hommes auxquels Jéhovah donnerait l’espérance terrestre et qui devaient apparaître “au temps de la fin” du monde; en outre, on avait su en 1932 que cette classe avait été préfigurée dans le drame prophétique de Jéhu et de Jonadab, dans lequel le roi Jéhu représente Jésus-Christ et le reste de ses frères spirituels, et Jonadab la classe des hommes bien disposés approuvant la destruction par Jésus de la religion apostate, et qui hériteraient la vie sur la terre après Harmaguédon. Cela montrait clairement que la grande foule dont parle Révélation 7:9 ne pouvait pas du tout être une classe spirituelle de second ordre, mais qu’il s’agissait bien des “autres brebis” de ce “temps de la fin”e. Il va sans dire que cette identification provoqua une grande joie chez les milliers de congressistes et simplifia considérablement l’enseignement de la Bible et de sa doctrine.

      Pendant 1 900 ans la congrégation chrétienne s’était développée exclusivement autour de l’espérance céleste qui lui était réservée. Il est vrai que les campagnes de conférences publiques et le Photo-Drame de la Création avaient beaucoup contribué à susciter l’intérêt des hommes pour le dessein de Dieu consistant à restaurer des conditions de paix sur la terre en faveur de l’humanité, et la campagne “Des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais”, menée de 1918 à 1921, a été un pas vers le rassemblement de cette classe destinée un jour à peupler la terre. Mais on n’insistait pas sur la nécessité de les rechercher. Aussi La Tour de Garde continua-​t-​elle de fournir une nourriture essentiellement préparée pour le reste. Cependant, à partir de 1935, un changement s’amorça. La nourriture spirituelle offerte au peuple de Dieu devait satisfaire non seulement les besoins de ceux qui étaient engendrés de l’esprit, mais aussi de ceux dont les espérances étaient entièrement terrestres. Désormais le reste ne recherchait plus uniquement les brebis dispersées du peuple oint de Jéhovah; ces ministres devaient à présent s’employer à trouver les “autres brebis”. Ils devaient se préparer à faire entrer dans la bergerie du Christ les nombreuses “autres brebis” qui cherchent avec ardeur à connaître la volonté divine et qui sont prêtes à accomplir toutes les tâches qu’on leur confie.

      Cette nouvelle compréhension constitua une véritable épreuve pour certains chrétiens qui prétendaient appartenir au reste oint. Ils nourrissaient plus d’intérêt pour leur propre personne et pour leur salut individuel que pour l’accomplissement des desseins de Dieu, et ils se rebellèrent contre cette responsabilité accrue qui leur était donnée, au point que certains d’entre eux quittèrent la vérité, à l’exemple de quelques “anciens électifs”. La grande majorité des membres du reste, cependant, acceptèrent avec ferveur cette occasion de démontrer leur amour pour Jéhovah Dieu et pour leur “prochain” sur la terre, et ils se mirent à s’acquitter de cette mission de prédication plus vaste avec le zèle qui a caractérisé les serviteurs de Dieu au cours des siècles. Mais aussi surprenante qu’ait pu être cette révélation, il fallut presque dix ans avant que cette nouvelle campagne ne puisse s’effectuer avec une grande efficacité.

      [Notes]

      a a Bulletin spécial (angl.), juin 1933.

      b b Bulletin (angl.), mars 1934.

      c c Annuaire (angl.) 1935, pp. 36, 37.

      d d Annuaire (angl.) 1936, pp. 56, 57.

      e e Annuaire (angl.) 1936, pp. 56, 57.

      f f L’Âge d’Or (angl.), Vol. XVII, 15 juillet 1936, p. 649, reproduction de l’original.

      g g Ibid., p. 648, reproduction de l’original.

      h h L’Âge d’Or (angl.), Vol. XVII, 26 août 1936, pp. 739-752.

      i i L’Âge d’Or (angl.), Vol. XVII, 9 sept. 1936, pp. 781, 782; Vol. XVIII, 7 oct. 1936, pp. 10-13.

      j j L’Âge d’Or (angl.), Vol. XVII, 29 juil. 1936, pp. 675-677.

      k k L’Âge d’Or (angl.), Vol. XVIII, 13 janv. 1937, p. 232.

      l l Informateur (angl.), sept. 1936.

      a m Annuaire (angl.) 1935, p. 39.

      b n Annuaire (angl.) 1938, p. 48.

      c o Annuaire (angl.) 1939, pp. 59, 63, 64, 68.

      d p Cantwell contre Connecticut (1940), 310 U.S. 296.

      e q wF 1935, pp. 323-333, 339-348; Justification (angl.), Vol. III (1932), pp. 77-80; w 1942, p. 374.

  • L’ordre théocratique est établi peu avant la Seconde Guerre mondiale
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 21

      L’ordre théocratique est établi peu avant la Seconde Guerre mondiale

      THOMAS: Jean, avant de nous quitter ce soir, voulez-​vous nous dire comment l’œuvre progressait en Europe au cours de cette période?

      JEAN: En 1934, la Société dirigeait des filiales dans quarante-neuf pays répartis sur tous les continentsa. Ces bureaux étaient en étroit contact avec le siège de Brooklyn, et l’œuvre se développait conformément au modèle établi aux États-Unis. Mais en Europe, le catholicisme fasciste était en pleine expansion, créant des difficultés sans cesse croissantes dans toutes les formes de l’activité. Comme nous l’avons dit, en 1932 l’œuvre fut interdite en Italie, bien qu’une cinquantaine de témoins soient restés actifs dans ce pays. La police les pourchassait sans relâche, allant jusqu’à arrêter les personnes qui acceptaient des publicationsb, tandis qu’un certain nombre de frères italiens étaient eux-​mêmes jetés en prison par le gouvernement fasciste de Mussolini. L’œuvre se poursuivait aussi en Espagne, en dépit de la révolution fasciste qui dura de 1936 à 1939; toutefois, les progrès étaient lents, quoique au plus fort de la guerre civile les témoins espagnols aient placé 105 570 exemplaires de publications bibliquesc. Aussi loin qu’au Japon, l’œuvre subit des restrictions en 1933, et fut finalement interdite en 1939.

      Bien entendu, en Allemagne les témoins déployaient une plus grande activité, bien que, comme vous vous en souvenez, le gouvernement d’Hitler ait fait fermer les bureaux de la Société à Magdebourg et interdit aux témoins de Jéhovah toute activité relative aux réunions et à la diffusion de publications. Cela se passait en juin 1933. Quoique au mois d’octobre de la même année les locaux fussent rendus à la Société, qui les occupa, il lui était impossible de se servir du matériel, car les publications étaient toujours interdites. Cette situation dura jusqu’au déclenchement de la guerre en 1939, date à laquelle le gouvernement allemand reprit possession des bâtiments appartenant à la Société, et les employa au service de la guerre.

      UNE PROTESTATION EST ADRESSÉE AU GOUVERNEMENT D’HITLER

      Comme nous l’avons vu précédemment, frère Rutherford suivait de près le développement des événements en Allemagne, afin de voir ce qui pouvait être fait. Le 7 octobre 1934, on franchit avec hardiesse une étape décisive. En réponse à une lettre venant du siège de la Société et qui circula dans toutes les congrégations d’Allemagne, il fut demandé à tous les frères du pays de faire l’impossible pour se réunir simultanément ce jour-​là, afin d’adopter une résolution exprimant leur protestation. Les congrégations firent ce qui leur était demandé, et après avoir prié sincèrement Jéhovah, elles envoyèrent leur protestation sous forme de télégramme adressé aux membres du gouvernement d’Hitler à Berlin.

      La protestation stipulait que, contrairement à la loi de Dieu et en violation des droits accordés aux témoins de Jéhovah, le gouvernement d’Hitler leur avait interdit de se rassembler pour étudier la Parole de Dieu, pour l’adorer et le servir. Les témoins accusaient la loi d’Hitler d’être en contradiction flagrante avec celle de Dieu, aussi avisaient-​ils Hitler —

      que nous observerons, à tout prix, les commandements de Dieu, que nous nous réunirons pour étudier sa Parole, et que nous l’adorerons et le servirons comme il l’a prescrit. Si votre gouvernement ou les agents de votre gouvernement nous infligent de mauvais traitements, parce que nous obéissons à Dieu, notre sang reposera sur vos têtes, et vous devrez rendre des comptes à Dieu, le Tout-Puissantd.

      Après lui avoir donné l’assurance, à lui et à son gouvernement, qu’ils ne s’occupaient pas des affaires politiques, mais qu’ils étaient pleinement dévoués au Royaume de Dieu placé sous le Christ, et en lui certifiant qu’ils ne causeraient aucun mal ni dommage à personne par suite de leur travail, ils signèrent le télégramme ainsi: “Veuillez croire, Monsieur le Chancelier, à l’assurance de nos sentiments respectueux. Les témoins de Jéhovah à...”, en indiquant la ville où ils s’étaient réunis en tant que congrégation.

      Une fois de plus, l’unité des témoins de Jéhovah fut rendue manifeste dans le monde entier, car en ce même dimanche matin, avant d’aller dans le service du champ, les congrégations des témoins de Jéhovah de cinquante pays se rassemblèrent pour soutenir leurs frères allemands. Après avoir prié Jéhovah, chaque groupe adressa ce câblogramme de protestation à Hitler et à son gouvernement.

      Au gouvernement hitlérien, Berlin, Allemagne. Les mauvais traitements que vous infligez aux témoins de Jéhovah révoltent tous les honnêtes gens et déshonorent le nom de Jéhovah. Cessez les persécutions contre les témoins de Jéhovah, sans quoi Dieu vous détruira vous et votre parti.

      Ce câblogramme était signé “TÉMOINS DE JÉHOVAH” et portait le nom de la ville où la congrégation s’était réuniee.

      THOMAS: Cela a dû être un choc terrible pour le gouvernement d’Hitler. Quelle fut sa réaction?

      JEAN: La seule réponse tangible que les frères obtinrent alors fut un programme de persécution plus intensive. Depuis lors, la Société est entrée en possession d’un rapport fait sous serment, relatant ce qui s’est réellement passé suite à cette avalanche de protestations. Ce récit fut préparé par Karl R. A. Wittig et signé par-devant notaire, à Francfort-sur-le-Main, le 13 novembre 1947.

      DÉCLARATION — En ma qualité de plénipotentiaire du général Ludendorff, j’allai trouver, le 7 octobre 1934, sur ordre, le Dr Wilhelm Frick, ministre de l’Intérieur du Reich et de la Prusse, au Ministère de l’Intérieur à Berlin, Am Königsplatz 6, afin de recevoir des communications visant à inciter le général Ludendorff à renoncer à son attitude négative à l’égard du régime national-socialiste. Pendant mon entrevue avec le Dr Frick, Hitler apparut soudain et se joignit à la conversation. Lorsque nous en vînmes à parler des mesures prises par le régime national-socialiste contre l’Association internationale des Étudiants de la Bible [témoins de Jéhovah] en Allemagne, le Dr Frick présenta à Hitler un certain nombre de télégrammes de protestation, venus de l’étranger, contre les persécutions des Étudiants de la Bible dans le IIIe Reich, en disant: “Si les Étudiants de la Bible ne se mettent pas au pas, nous agirons contre eux par les pires moyens.” Sur ce, Hitler sauta sur ses pieds et, les poings serrés, hurla comme un hystérique: “Cette engeance sera exterminée en Allemagne!” Quatre ans après cet entretien, j’ai pu me rendre compte, pendant les sept années que dura ma seconde détention, — qui prit fin au moment où les alliés me délivrèrent, — dans l’enfer des camps de concentration de Sachsenhausen, Flossenbürg et Mauthausen, que l’explosion de colère d’Hitler n’était pas une vaine menace, car aucune catégorie de détenus n’a été exposée, dans les camps de concentration susmentionnés, au sadisme de la soldatesque SS comme le furent les Étudiants de la Bible; un sadisme caractérisé par une suite ininterrompue de tortures physiques et morales qu’aucune langue du monde ne saurait décriref.

      Au commencement même de ce temps de crise de 1933, La Tour de Garde du 15 février 1934, sous le titre “Ne craignez point!”, comportait un article de fond qui démontrait clairement, les Écritures à l’appui, quelle est la responsabilité qui repose sur les oints du reste de Jéhovah, en ce temps critique. L’article était basé sur le thème biblique de Matthieu 10:26, 27 qui dit, selon la version Segond: “Ne le craignez donc point; car il n’y a rien de caché qui ne doive être découvert, ni de secret qui ne doive être connu. Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-​le en plein jour; et ce qui vous est dit à l’oreille, prêchez-​le sur les toits.” L’article en question expliquait que les choses qui devaient être dites étaient celles que Jéhovah avait révélées en secret, ou dans l’obscurité comme “dans les ténèbres”.

      Ces vérités, que le monde n’a ni vues ni comprises, devaient donc être exposées ouvertement et sans crainte, pour servir d’avertissement aux ennemis, de sorte que les personnes bien disposées puissent les connaître. Cet article attirait l’attention sur la haine et la malveillance que les dirigeants des différentes nations manifestaient à l’égard des témoins de Jéhovah en les persécutant et en les arrêtant, et cela notamment depuis la venue du Seigneur dans son temple en 1918. L’inimitié farouche exprimée plus spécialement par l’Église catholique romaine fut dénoncée, y compris les fausses accusations qu’elle portait contre les témoins de Jéhovah, disant que c’étaient des communistes et des socialistes engagés dans des intrigues politiques visant à renverser tous les gouvernements terrestres actuels. Il fut également dit que les Écritures avaient annoncé que cette opposition provoquerait peut-être même la mort de certains fidèles serviteurs de Dieu.

      Comme nous l’avons déjà vu, la question litigieuse se pose nettement à chaque membre du “reste”, et il ne peut y avoir le moindre doute à son sujet. Chaque membre du “reste” doit l’envisager courageusement et avec assurance. (...) Si l’un des membres de la classe du temple, après avoir appris les grandes vérités qui doivent à présent être proclamées, les gardait tranquillement par devers lui en évitant de les proclamer, et si en même temps il adoptait une ligne de conduite qui, à son avis, pourrait le préserver des critiques des agents de l’ennemi, il renierait ainsi le Seigneur, (...) car il n’obéirait pas à ses commandements. (...) Ceux qui participeront avec Christ Jésus à la gloire de son royaume doivent être de véritables et de fidèles témoins du nom de Jéhovah et proclamer courageusement et joyeusement ce qu’ils ont appris de Dieu, dans le temple, et ainsi ils auront part à la justification de son saint nomg.

      LA QUESTION DU SALUT AU DRAPEAU EST SOULEVÉE

      En 1934, une autre question fut soulevée, laquelle accentua l’opposition, la transformant en une campagne de haine et de méchanceté des plus violentes. Celle-ci commença tout d’abord en 1932, en Allemagne, quand Hitler chercha à enrégimenter les hommes de l’Europe continentale en les obligeant à saluer le svastika. Cette question concernait la fidélité des témoins de Jéhovah envers le Souverain suprême, Jéhovah Dieu. Cette campagne s’étendit ensuite aux États-Unis et au Canada, où des patriotes zélés, ennemis des fidèles serviteurs de Jéhovah, saisirent cette occasion pour essayer de détruire les témoins. On organisa dans les écoles des cérémonies au cours desquelles il fallait saluer le drapeau, mais les enfants des témoins de Jéhovah refusèrent d’y participer à cause de leur conscience.

      Le lundi 3 juin 1935, dernière journée d’un congrès de cinq jours tenu à Washington, frère Rutherford présida une discussion par questions et réponses. Répondant à une question relative au salut au drapeau par les enfants dans les écoles, frère Rutherford déclara que c’était un acte d’infidélité envers Dieu que de saluer un emblème terrestre, en lui imputant le salut, et que lui-​même ne le ferait pas. Peu de temps après, le 20 septembre 1935, un incident se produisit; il fut relevé et publié dans tous les États-Unis. Il s’agissait du cas d’un jeune écolier américain, un témoin de Jéhovah, qui avait refusé de saluer le drapeau américainh. Les parents du garçon furent rendus responsables de ce refus. L’Associated Press contacta le président de la Watch Tower Bible and Tract Society au sujet d’une déclaration officielle qu’il avait faite relativement à la position des témoins de Jéhovah dans cette situation nouvellei. Il leur dit de revenir plus tard, car alors il serait prêt à leur faire une déclaration.

      Le 6 octobre 1935, il organisa un réseau de stations radiophoniques d’un bout à l’autre du pays et répondit à la nation dans son célèbre discours “Le salut au drapeau”. Cette conférence fut publiée dans une brochure de trente-deux pages intitulée “Loyauté” et diffusée à des millions d’exemplaires. Dans cette réponse biblique à la presse américaine, il fut souligné que les témoins de Jéhovah respectent le drapeau, mais que leurs relations avec Jéhovah et leurs obligations envers lui leur interdisent formellement de saluer une image ou représentation quelconque. Cela équivaudrait pour eux à un acte d’adoration contraire aux principes renfermés dans le deuxième des Dix Commandements rapporté dans Exode 20:4-6. En outre, il fut démontré que les parents chrétiens ont pour premier devoir d’enseigner leurs enfants et, puisque les conseils les plus importants sont contenus dans la Bible, les enfants doivent apprendre la vérité selon la compréhension qu’ont leurs parents de ce livre.

      THOMAS: Est-​ce que cette réponse apporta le calme?

      JEAN: Non, au contraire, l’opposition ne fit que croître. Avec le temps, des centaines puis des milliers de ces innocents enfants de témoins de Jéhovah furent impliqués dans cette controverse nationale. Mais ces jeunes chrétiens prouvèrent qu’ils aimaient Jéhovah et leurs parents, en prenant fermement position contre les moqueries et l’ostracisme de la majorité de leurs camarades d’école. Ce faisant, ils mirent à l’épreuve la qualité de l’enseignement biblique qu’ils avaient reçu chez eux par leurs parents. En demeurant fermes dans leur loyauté envers Jéhovah, ils marquèrent l’histoire et plongèrent dans la consternation le conseil le plus élevé de la nation.

      THOMAS: Voulez-​vous dire que cette question fut finalement examinée par la Cour suprême?

      JEAN: Exactement, mais plusieurs années plus tard. Le 6 novembre 1935, deux enfants refusèrent de saluer le drapeau et furent expulsés de l’école publique de Minersville, en Pennsylvaniej. Leur père ayant été arrêté, le cas fut présenté devant le tribunal fédéral du district qui se prononça en faveur des témoins de Jéhovah. Cette décision favorable fut contestée, mais la Cour d’appel de la circonscription nous fit remporter la victoire. Finalement, en 1940, la Cour suprême des États-Unis fut saisie de l’affaire, dont l’issue fut désastreuse; cette question fera l’objet d’un entretien ultérieurement.

      UNE CAMPAGNE BRITANNIQUE QUI REMPORTE UN VIF SUCCÈS

      En Grande-Bretagne l’œuvre progressait, mais lentement. En 1931, il y avait 365 congrégations, et environ 4 000 témoins étaient régulièrement actifs, dont 196 pionniers. Tous ensemble, ces témoins répandaient annuellement entre un million et demi et deux millions de livres et de brochuresk. En 1937, un appel spécial leur fut lancé, les invitant à se tenir éveillés; leur réponse fut encourageante. Juste avant que n’éclate la Seconde Guerre mondiale, le nombre des pionniers servant en Angleterre s’était élevé à près de 1 500, et environ 5 000 proclamateurs sortaient dans le service du champ.

      Comme dans les autres pays, l’opposition ne tarda pas à faire son apparition en Angleterre. Particulièrement au cours des années 1938 et 1939, les témoins furent l’objet, à plusieurs reprises, d’attaques des catholiques fascistes. Dans certains cas, des prêtres prirent la tête d’émeutes et assaillirent les témoins; dans d’autres, il y eut interruption des réunionsl.

      Citons pour preuve de l’opposition catholique ce qui se passa le 14 octobre 1938, lorsque le Catholic Herald de Londres publia ce jour-​là un article diffamatoire, disant qu’en sa qualité de président de la Société Tour de Garde le juge Rutherford accomplissait une œuvre subversive, allant à l’encontre des intérêts du peuple anglais. Frère Rutherford réagit promptement. Il donna l’ordre aux avocats de la Société en Angleterre d’intenter trois procès contre Catholic Herald de Londres, le premier au nom du juge Rutherford personnellement, le deuxième au nom du juge Rutherford en tant que président de la Société Tour de Garde, et le troisième au nom de la Société Tour de Garde en tant que société. Cette réaction inattendue obligea le Catholic Herald à capituler et à demander de toute urgence la conclusion d’un arrangement. Frère Rutherford accepta de retirer ses plaintes, à condition que le journal prenne à sa charge le coût des démarches entreprises jusque-​là, et qu’il publie en première page un démenti dicté par le juge Rutherford et entouré d’une bordure noire, afin que tout le monde puisse bien le voir. Sachant qu’il n’obtiendrait pas gain de cause auprès des tribunaux de Grande-Bretagne, le journal accepta promptement de publier cette rétractation, qui parut en première page de l’édition du 25 novembrea.

      En 1938, Londres fut également le centre d’une grande assemblée. En raison de la situation politique tendue sur le continent européen, le juge Rutherford passa six semaines à Londres avant le congrès, pour y recevoir les différents serviteurs de filiale d’Europe qui pouvaient encore voyager librement. Ainsi, l’unique congrès européen devait se tenir au Royal Albert Hall, la plus grande salle de Londres.

      À cette occasion, on tenta de nouveau une expérience. Les communications radiotéléphoniques s’étaient avérées très satisfaisantes au temps où la Société faisait de nombreuses émissions radiophoniques. On décida donc d’organiser cinquante congrès dans différents points du globe; ces assemblées seraient tenues simultanément et reliées directement par radio. Bien que rien de semblable n’ait encore été entrepris, même pas pour diffuser un message du roi d’Angleterre, le programme remporta un vif succès et deux importants discours furent ainsi transmis de Londres à quarante-neuf autres villes réparties en Angleterre, en Écosse, en Irlande, au Canada, aux États-Unis et en Australie.

      Le premier discours fut prononcé le samedi 10 septembre et il avait pour thème “Remplissez la terre”. Ce sujet frappant présentait des arguments bibliques prouvant que les survivants d’Harmaguédon, qui ont l’espérance de vivre sur la terre, auraient le privilège d’exécuter l’ordre de procréation donné pour la première fois à Adam et Ève en Éden. Le second discours, intitulé “Face aux réalités”, était un défi audacieux lancé au monde, afin qu’il prenne conscience de la gravité de la situation dans laquelle il se trouvait; cet exposé avertissait en outre les peuples démocratiques de l’imminente tentative du catholicisme fasciste pour s’emparer de la domination du mondeb.

      Avec le temps, 12 000 000 d’exemplaires de la conférence “Face aux réalités” ont été distribués sous forme de brochure, dans le monde entierc.

      Une nouvelle forme de service inaugurée en 1936 à Newark, dans le New Jersey, fit aussi son apparition à Londres. Non seulement des hommes-sandwiches annoncèrent la conférence “Face aux réalités”, mais encore entre chacun d’eux, d’autres témoins portaient des placards fixés sur des perches. Sur ces panneaux on pouvait lire alternativement “La Religion est un piège et une escroquerie” et “Servez Dieu et Christ, le Roi”. Les frères formèrent un défilé de neuf kilomètres environ et traversèrent les quartiers d’affaires de la ville, distribuant des feuilles d’invitation tout en annonçant la conférence. Cette forme de service particulière reçut le nom de “marche publicitaired”, et servit pendant un certain temps à annoncer les conférences publiques enregistrées, mais par la suite les témoins marchaient seuls ou par deux au lieu de former un défilé.

      L’AMÉRIQUE EST MISE EN GARDE CONTRE L’INVASION FASCISTE

      Le juge Rutherford était à ce point convaincu de l’imminence d’une guerre mondiale d’inspiration catholique, fasciste et nazie, qu’il décida de donner un autre avertissement puissant, plus particulièrement au public américain. De retour à New York, il prononça le 2 octobre 1938 le discours mordant et approprié “Fascisme ou liberté”, qui parut par la suite sous forme de brochure diffusée à des millions d’exemplaires. Il parla dans la ville de New York devant une assistance de 7 000 personnes, et fut entendu par un auditoire invisible grâce à une chaîne radiophonique de cinquante stations.

      Pour prouver que le but de l’Action catholique était de “détruire les libertés en Amérique”, le juge Rutherford cita, dans son discours, les lignes suivantes tirées d’une lettre écrite par un prêtre catholique romain, O’Brien, de Syracuse, New York, qui ont paru dans le journal L’Aurora:

      Ce pays nous appartient de plein droit. Pendant assez longtemps nous avons transigé sur maintes questions importantes. Nous demandons maintenant ce qui nous appartient et ce que nous avons la ferme volonté d’obtenir; (...) par des méthodes pacifiques et honnêtes si c’est possible ou, si besoin est, par la force et en mourant en combattant. (...) Nous voulons voir les nôtres dans le ministère et aux postes de commande du gouvernement. (...) Dès maintenant, les hérésies protestantes subiront le même traitement que les protestants hérétiques (...) par nos lois canoniques. (...) Nous sommes prêts pour 1940. (...) Toutes (...) les institutions (...) seront remplacées par d’autres ou surveillées par notre clergé (...)e.

      Le président de la Société avança d’autres preuves de ce genre, fournies par certains écrivains. Puis il exposa avec force détails un nombre d’incidents ayant abouti à des actes illégaux, attestant ainsi qu’il existait une complicité entre certains dirigeants et les représentants de l’Église catholique romaine, disant:

      Le 11 septembre dernier, je donnais, à Londres, une conférence qui était radiodiffusée dans de nombreux pays. En Amérique, plus de 100 stations assuraient le relais de cette conférence “FACE AUX RÉALITÉS”. Pour empêcher les gens d’écouter, l’Action catholique submergea la direction de ces stations de lettres de menaces. Effrayées, quelques-unes cédèrent au chantage. (...)

      À Chicago (...) on avait loué l’amphithéâtre de Navy Pier pour y tenir un congrès des témoins de Jéhovah. La préparation de ce congrès était déjà bien avancée lorsque l’envoyé du cardinal Mundelein vint demander aux autorités d’annuler le contrat de location et d’interdire la réunion. La municipalité s’inclina.

      À Rochester, New York, M. McFarlin avait loué la Salle des Fêtes aux témoins de Jéhovah pour qu’ils y tiennent leur congrès. Deux jours avant l’ouverture, le curé John Randall, sur l’ordre de son évêque, demanda au conseil municipal de reprendre la salle aux témoins de Jéhovah et d’empêcher leur réunion. La demande fut agréée et, pendant un jour, le hall fut effectivement fermé. Le tribunal en ayant été saisi fit ouvrir les portes.

      À Ottawa, Canada, un congrès avait également été prévu au Colisée. Dix jours après la signature du contrat de location, la direction du théâtre faisait connaître aux organisateurs que le Colisée ne leur était accordé qu’à la condition “de n’attaquer aucune église ou dénomination religieuse ni leurs représentants”.

      À Little Rock, dans l’Arkansas, le conseil municipal, à l’instigation de l’évêque catholique Morris et des Chevaliers de Colomb, empêcha les paisibles témoins de Jéhovah de se réunir dans le parc public, pour y écouter la conférence de Londres.

      À Colorado Springs, le clergé catholique et d’autres personnalités politiques signèrent une pétition accusant “Rutherford d’être contre le christianisme, contre le drapeau américain et tout ce que ces deux choses représentent”. Cette pétition invitait le poste [émetteur] de TSF de la ville à annuler son engagement d’assurer la retransmission et encourageait la presse à publier largement cette pétition.

      De nombreuses stations furent l’objet de menaces bruyantes. Voici, parmi toutes les lettres qui sont parvenues aux bureaux de la Tour de Garde, celle du directeur d’une station radiophonique: “Nous avons le regret de vous aviser que, en raison de la prédominance du catholicisme dans cette région, nous ne pouvons radiodiffuser votre conférence.” Bon nombre de stations reçurent des menaces de la part de prêtres catholiques, au cas où elles retransmettraient la conférence.

      À la Nouvelle-Orléans, on avait loué le Colisée pour y tenir un congrès et écouter le discours de Londres. À la demande du clergé catholique les portes furent fermées. Non seulement les témoins de Jéhovah ne purent se réunir, mais leurs publications furent saisies. Ils louèrent un second hall que l’Action catholique réussit également à faire fermer. Dans une troisième salle enfin, tandis qu’un orateur local traitait un sujet biblique, l’auditoire fut intimidé par une brigade d’agents de police commandée par un certain McNamara. Une quatrième salle fut louée. Là, pour empêcher les témoins de Jéhovah d’entendre la conférence de Londres, un autre détachement de policiers interdit l’installation de fils téléphoniques dans le bâtiment. Ils se rendirent au Jockey Club, en dehors de la ville. Sous la pression du haut clergé catholique, l’officier d’administration local s’opposa à la pose de fils téléphoniques et défendit de se servir du Jockey Club pour y tenir une réunion. On ne pouvait plus envisager qu’une réunion privée en plein air. Ce fut dans ces conditions que le dimanche 11 septembre, des chrétiens se rassemblèrent pour glorifier Dieu et écouter la conférence de Londres. Des appareils électriques avaient été installés. Avant l’arrivée des auditeurs, une brigade de police commandée par McNamara se trouvait sur le terrain. Au paroxysme de l’énervement, McNamara, homme de sac et de corde au service du clan catholique, s’avança et cria à l’auditoire: “Retournez chez vous!”; puis il dit à ses hommes: “Mes amis, quand la conférence commencera, empêchez-​la par tous les moyens, même en brisant les appareils si c’est nécessaire. Faites feu sur le premier qui fera le malin.” Dès le début du discours, McNamara coupa lui-​même les fils téléphoniques et dérégla les appareils tandis que les policiers alertés attendaient, le fusil à la main. Aussitôt après ce haut fait, cet exploit inégalable, le Journal l’Action catholique du Sud, dirigé par le “Très Révérend” Wynhoven, publiait les lignes suivantes: “Il est très heureux que, en dépit des efforts persévérants des témoins de Jéhovah, leur congrès de trois jours à la Nouvelle-Orléans n’ait pu avoir lieu. (...) Pratiquement, toutes les grandes salles de la ville leur ont été refusées. (...) Sans hésiter, le chef de la police et l’officier d’administration de Jefferson s’interposèrent énergiquement pour empêcher cette insulte à la ville de la Nouvelle-Orléans.” Le Tribunal fédéral est intervenu pour que pareille illégalité ne se reproduise pas aujourd’hui même. Mais, de cela, Wynhoven ne souffle mot. (...)f

      L’orateur a ensuite souligné que, lorsque de tels faits sont exposés au peuple pour l’éclairer, “la Hiérarchie crie: Mensonges! Bâillonnez ces gens-​là!” Il a alors demandé:

      Est-​ce mal agir que de dénoncer au peuple une bande d’aigrefins qui le vole? Non! Alors, pourquoi serait-​il mal de dénoncer une organisation religieuse qui fait la même chose? Jusqu’ici les Américains ont pu exprimer librement leur opinion sur les questions d’ordre social. Personne, en Amérique, ne voudrait porter la moindre atteinte à la personne du Président. Il n’empêche que bien des citoyens condamnent sa politique et qu’il n’est pas interdit de la critiquer par la presse ou par TSF. L’Église romaine est-​elle donc si sacrée qu’elle jouisse de prérogatives dont ne bénéficie pas le Président des États-Unis lui-​même? De quel droit Rome empêche-​t-​elle des Américains de prévenir leurs compatriotes contre leurs détrousseurs? Les consciences droites seront-​elles bâillonnées pendant que les escrocs de haut vol grignoteront les libertés humaines fondamentales? Et, avant tout, retirera-​t-​on aux masses ce privilège accordé par Dieu à ses créatures de se réunir et de l’adorer, lui, le Tout-Puissant? Supprimera-​t-​on la liberté de parler de son Royaume et de répondre à ses détracteursg?

      Ceci ne mit pas fin à l’opposition catholique fasciste en Amérique. Il restait encore à livrer une autre bataille célèbre au point culminant de cette phase de la guerre, quoique les hostilités violentes ne se soient pas relâchées pendant plusieurs années.

      FORMATION D’UNE ORGANISATION ENTIÈREMENT THÉOCRATIQUE

      Les vingt premières années de la société du monde nouveau prenaient maintenant fin. En 1918, Jéhovah était venu dans son temple avec son “messager de l’alliance”, Jésus-Christ. Une année plus tard naissait la société du monde nouveau. Quels événements ont marqué cette période pour ce qui est du développement de l’organisation théocratique?

      En 1919, nous avons non seulement assisté à la naissance de la société du monde nouveau, mais encore nous avons vu la première phase de l’établissement de l’ordre théocratique dans les congrégations, grâce à la nomination d’un directeur de service par le siège de Brooklynh. Cette nomination fut faite quand on entreprit le travail avec L’Âge d’Or. Ce premier pas vers une direction théocratique centralisée, accompagnée de l’effusion de l’esprit de Jéhovah, porta du fruit en son temps et stimula le nombre croissant de ces travailleurs sincères, occupés à déclarer avec force les jugements de Jéhovah entre les années 1922 et 1928. En vue de favoriser le développement d’une activité unifiée, la feuille d’instructions pour le service, imprimée par la Société et appelée Bulletini, parut tous les mois à partir de 1922 et fut remise aux “ouvriers d’ecclésia”, alors qu’en 1917, seuls les pionniers la recevaient. Cette feuille renfermait des témoignages préparés par la Société, et appelés “discussions”, que les frères étaient encouragés à apprendre par cœur et à utiliser dans le service du champ. Les nombreuses instructions qui ont ainsi été publiées au fil des années ont rendu possible une formation progressive dans les méthodes de prédication.

      Au cours de ces années, nous avons également noté la façon dont l’organisation s’est affermie. À partir de 1922, dans presque tous les rapports annuels, il était question du sujet organisationj. Puis en 1932, les “anciens électifs” se virent remplacer au sein de la congrégation par un groupe de frères mûrs, appelé “comité de service”, qui était élu par la congrégation pour aider le directeur de service local désigné par la Sociéték. Toutefois, ce ne fut pas avant 1938 que furent apportés les derniers changements en vue de l’établissement d’une organisation théocratique. En cette année-​là, La Tour de Garde publia l’article “Unité dans l’action”, qui fut suivi de deux autres traitant de l’organisationl. Le thème biblique était Ésaïe 60:17, suivant le texte paraphrasé de la version anglaise de Rotherham.

      MARIE: J’ai ce passage dans la version Segond, et voici ce que nous y lisons: “Au lieu de l’airain je ferai venir de l’or, au lieu du fer je ferai venir de l’argent, au lieu du bois, de l’airain, et au lieu des pierres, du fer; je ferai régner sur toi la paix, et dominer la justice.

      JEAN: Cette prophétie met l’accent sur l’amélioration promise à l’organisation de Dieu. Au cours de la période s’étendant des années 1920 au début des années 1930, le fonctionnement démocratique des congrégations ne favorisait pas la paix et l’unité. Au contraire, dans de nombreux cas, les personnalités jouaient un rôle important dans l’activité du groupe de service.

      L’étude approfondie que ces trois numéros de La Tour de Garde consacrèrent au fonctionnement de l’organisation de la congrégation chrétienne primitive apporta la preuve biblique que le pouvoir de nommer les surveillants et leurs aides reposait entre les mains du collège central, composé des douze apôtres et d’autres frères mûrs de la congrégation de Jérusalem. Conformément à ce modèle et à tous les passages bibliques relatifs à ce sujet, il devint évident que le pouvoir de nommer les serviteurs dans les congrégations de la société moderne des témoins de Jéhovah appartenait à juste titre au collège central de la classe de l’“esclave fidèle et avisé”, dirigé par Jésus-Christ depuis le temple de Jéhovah.

      En conséquence, il fut suggéré aux frères des congrégations du monde entier de prendre en considération la résolution proposée dans La Tour de Garde, et qui était semblable aux résolutions déjà adoptées et soumises au siège de la Société par les congrégations de Londres, de New York, de Chicago, de Los Angeles, et de nombreuses autres villes. Cette résolution était ainsi conçue:

      Nous, groupe du peuple de Dieu choisi pour porter son nom, de..........., reconnaissant que le gouvernement de Dieu est une pure théocratie, que Christ Jésus est dans le temple et que dans l’exercice de ses pleins pouvoirs il administre la partie visible de l’organisation de Jéhovah aussi bien que l’invisible, et que “LA SOCIÉTÉ” est son représentant terrestre, nous demandons à “La Société” de bien vouloir organiser notre groupe pour le service et de désigner ses serviteurs afin que nous puissions travailler dans la paix, la justice et la concorde d’un commun accord. Ci-joint la liste des frères qui nous paraissent d’esprit mûr et, partant, les mieux qualifiés pour remplir les divers postes de notre servicea.

      UN PROGRAMME DE CONSTRUCTION EN VUE

      Ainsi prenait fin le mode démocratique ou gouvernement presbytérien de l’Église, qui avait prévalu dans les congrégations pendant soixante ansb. La plupart des congrégations acceptèrent immédiatement cette résolution, et les quelques-unes qui ne le firent pas ont perdu depuis leur vision du Royaume et leurs privilèges de service. Parlant de cette période du développement de la théocratie parmi les témoins de Jéhovah des temps modernes, La Tour de Garde établit le rapport suivant entre le programme de construction élaboré par le roi Salomon et ce qui se passa au sein du peuple de Jéhovah après 1918:

      “Au bout de vingt ans, Salomon avait bâti les deux maisons; la maison de l’Éternel et la maison du roi.” (I Rois 9:10; II Chroniques 8:1). L’achèvement de ce programme spécial de construction englobait le temple, le palais royal et la maison des cèdres du Liban ou portique du jugement (et aussi la salle d’armes; II Chroniques 9:15, 16). Cet achèvement eut lieu dans la vingtième année des travaux du temple, (...) et cette “vingtième année” se termina, dans la réalisation de l’image, au commencement du printemps de 1938, correspondant ainsi à l’année [lunaire] 1937 qui prit fin avec le printemps de 1938 (...).

      Puis, après avoir exposé de nombreux faits relatifs aux jugements de Dieu exécutés au cours de cette période, et aux rapports existant entre le reste oint et les “autres brebis”, ses compagnons, comme l’avait alors souligné La Tour de Garde, l’article poursuivait en ces termes:

      L’Écriture sainte nous apprend que Salomon, après avoir mené à bonne fin son programme de construction de vingt ans, se mit en devoir d’en exécuter un autre s’étendant sur tout le pays (I Rois 9:10, 17-23; II Chroniques 8:1-10). Ce fut alors que la reine de Séba vint “des extrémités de la terre pour entendre la sagesse de Salomon”. (Matthieu 12:42; I Rois 10:1-10; II Chroniques 9:1-9, 12.) Ces faits suggèrent une question: Qu’apportera au peuple de Jéhovah l’avenir immédiat? Nous voulons attendre avec confiance — et nous verronsc.

      Ainsi prit fin, dans l’attente joyeuse de l’expansion mondiale, le programme de construction de la société théocratique de Jéhovah, programme qui s’était étendu sur vingt ans. Par l’intermédiaire de son Roi, Jéhovah devait ensuite établir l’ordre théocratique au sein de la société du monde nouveau formée par les témoins de Jéhovah. La conclusion satisfaisante prouve rétrospectivement que la main de Jéhovah reposait sur son peuple, guidant et dirigeant ses pas, et qu’il était contre les forces sataniques coalisées du fascisme, du nazisme et de l’Action catholique, qui non seulement n’avaient pas écouté le message de Jéhovah annonçant leur condamnation, mais encore s’étaient violemment opposées aux serviteurs de Dieu qui le proclamaient.

      À la fin de cette période de vingt ans, l’organisation de Jéhovah était unifiée dans le monde entier, complètement organisée et soumise au Roi Jésus-Christ; elle servait de symbole théocratique montrant que d’abondantes bénédictions découlent de l’attachement aux justes principes et au culte pur. Par contre, les nations s’acheminaient rapidement vers une seconde conflagration mondiale. Au lieu de la paix que ces nations du monde de Satan avaient annoncée avec tant de confiance par l’intermédiaire de la Société des Nations, contrefaçon et “expression politique du Royaume de Dieu sur la terre”, leur attitude hypocrite à l’égard de Dieu et entre elles les amena littéralement à transformer leurs socs de charrue en épées et leurs serpes en lances. Toutefois, nous arrêterons là notre discussion de ce sombre tableau, et la reprendrons la semaine prochaine.

      [Notes]

      a a Annuaire (angl.) 1935, p. 53.

      b b Ibid., p. 131; wF 1935, p. 236.

      c c Annuaire 1937, pp. 135-138.

      d d Annuaire (angl.) 1935, pp. 118, 119; wF 1935, pp. 253, 254.

      e e Annuaire (angl.) 1935, p. 119; wF 1935, p. 254.

      f f wF 1955, p. 356.

      g g wF 1934, pp. 51-59.

      h h L’Âge d’Or (angl.), Vol. XVI, 17 juil. 1935, pp. 653, 654; Annuaire (angl.) 1936, pp. 22-38.

      i i Loyalty (1935), pp. 16-25.

      j j Gobitis contre Autorités scolaires de Minersville, 24 F. Supp. 271 (18 juin 1938); 108 F. 2d 683 (10 nov 1939).

      k k Annuaire (angl.) 1932, pp. 94, 95.

      l l À Londres, Glasgow, Clydebank, Oldham, Newbridge, Hebburn-on-Tyne, Folkestone, Camberley, Leicester, Dundee, Ebbw Vale et Northwich. Consolation (angl.), Vol. XX, 31 mai 1939, pp. 26, 27; 28 juin 1939, pp. 3-7.

      a m Annuaire (angl.) 1940, p. 78.

      b n Consolation (angl.), Vol. XX, 5 oct. 1938, p. 18.

      c o Informateur (angl.), déc. 1938.

      d p L’Âge d’Or (angl.), Vol. XVIII, 18 nov. 1936; Informateur (angl.), mai et juin 1939.

      e q Fascisme ou Liberté (1939), p. 14; Consolation (angl.), Vol. XIX, 15 juin 1938, p. 14, reproduction de l’original.

      f r Fascisme ou Liberté (1939), pp. 19-22.

      g s Ibid., pp. 24, 25.

      h t En 1926, l’expression “directeur de l’œuvre locale” (wF fév. 1924, p. 50) fut changée en “directeur de service” (wF 1932, p. 184). En 1936, elle fut changée en “serviteur de groupe” (Informateur [angl.], juil. 1936; Informateur, janv. 1937) et en “serviteur d’assemblée” en 1959 (Notre ministère du Royaume, mai 1959).

      i u En octobre 1935, son nom fut changé en “Instructeur”, en juillet 1936 en “Informateur” et en septembre 1956 en “Notre ministère du Royaume”.

      j v w 1922, p. 389; wF déc.-janv. 1922/1923, pp. 37, 38, 40; wF mai 1924, p. 91.

      k w wF 1932, p. 184; Bulletin (angl.), nov. 1932.

      l x “Unité dans l’action”, wF 15 juil. 1938; “Organisation” (1e partie), wF 1er août 1938, (2e partie) wF 15 août 1938.

      a y wF 15 août 1938, pp. 246, 247.

      b z Voir Études des Écritures, Vol. VI, grand format, pp. 68-86.

      c aa wF 1938, pp. 250, 251, §§ 29-36.

  • La neutralité chrétienne pendant la Seconde Guerre mondiale
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 22

      La neutralité chrétienne pendant la Seconde Guerre mondiale

      THOMAS: Je suis bien heureux que vous ayez pu venir aujourd’hui au lieu de mercredi prochain, car ce dimanche nous disposons de tout l’après-midi; de plus, comme je vous l’ai dit au téléphone, Loïs et moi sommes avides de savoir ce qui s’est passé au cours de la Seconde Guerre mondiale. Compte tenu de ce que la Société endura pendant la Première Guerre mondiale, je ne m’explique pas comment vous avez survécu à la Seconde, et —

      LOÏS [Elle l’interrompt]: En outre, vous nous avez dit qu’un programme d’expansion mondiale suivit les vingt années au cours desquelles votre organisation se développa sur le plan théocratique. Cela a-​t-​il commencé durant la guerre? Autre chose encore. Vous nous avez parlé d’une sorte de combat ultime avec les catholiques fascistes en Amérique. Allez-​vous nous donner des détails sur ce sujet?

      THOMAS: D’après les paroles prononcées par le juge Rutherford dans son discours “Fascisme ou liberté”, ce pays a dû courir un plus grand danger de la part de la domination fasciste que beaucoup de personnes ne l’ont supposé. Mais j’aimerais savoir, Jean, quelle position la Société adopta en Europe au cours de la guerre. Comment les témoins de Jéhovah s’y prirent-​ils pour ne pas être anéantis par les dictateurs?

      JEAN: Eh bien, nous allons essayer de répondre cet après-midi au plus grand nombre de questions possible, bien que j’ignore jusqu’où cela nous mènera. Je dirai tout d’abord ceci: Certains éléments de notre programme d’expansion entrèrent immédiatement en vigueur, et cela même avant la fin de l’année 1938. Ils se développèrent d’une manière théocratique au cours de la guerre, bien qu’il fallût attendre la fin de celle-ci pour les rendre effectifs sur une grande échelle. Toutefois, nos techniques avancées de prédication étaient si bien établies à cette époque, et l’organisation avait acquis une telle maturité au cours de ces quelques années, que l’expansion se fit rapidement.

      L’organisation de la société du monde nouveau sur des bases entièrement théocratiques était venue à point nommé. Plus tard, j’aimerais décrire en détail certains aspects de l’organisation. Cette structure théocratique affermit sans aucun doute les témoins de Jéhovah qui devaient affronter de cruelles épreuves, lesquelles faisaient déjà partie de leur activité quotidienne. Citons pour exemple l’assaut catholique fasciste auquel Loïs a fait allusion précédemment, et qui pourrait presque être considéré comme l’accomplissement de l’avertissement donné par le juge Rutherford au peuple américain dans son discours “Fascisme ou liberté”. Au cours de l’été 1939, un groupe d’émeutiers fascistes sous la conduite de Charles E. Coughlin, prêtre catholique réputé pour ses émissions radiophoniques incendiaires, tenta de semer la confusion au sein d’une assemblée paisible des témoins de Jéhovah qui se tenait au Madison Square Garden, dans la ville de New York. Ce fut l’émeute la plus audacieuse jamais fomentée par l’Action catholique fasciste pour empêcher la proclamation publique de la bonne nouvelle; son but était de perturber le centre d’une importante chaîne de congrès devant se tenir en Amérique et ailleurs. Voici brièvement ce qui se passa:

      LES SUPPÔTS DE COUGHLIN MENACENT L’ASSEMBLÉE PRINCIPALE

      Une chaîne de congrès avait été prévue du 23 au 25 juin 1939. Le Madison Square Garden servait de centre à cette chaîne composée de vingt-huit autres congrès répartis en Australie, en Grande-Bretagne, à Hawaii et aux États-Unis. La grande publicité faite à New York pour annoncer la conférence publique intitulée “Gouvernement et paix” avait apporté la certitude que les groupes de l’Action catholique conjugueraient leurs efforts pour empêcher cette réunion. Compte tenu de cet avertissement, on envoya un grand renfort de police au Madison Square Garden, en vue de maintenir l’ordre au cas où des perturbateurs se manifesteraient. Mais écoutez plutôt ce rapport tiré de l’Annuaire:

      Plus de 18 000 personnes s’étaient rassemblées paisiblement au Madison Square Garden, afin de louer et d’adorer Jéhovah Dieu. Ces auditeurs étaient impatients de suivre le programme. La conférence publique commença à 16 heures précises, et quelque dix minutes plus tard, environ 500 nazis et catholiques romains, abusés et conduits par plusieurs prêtres, s’introduisirent dans le Madison Square Garden et occupèrent les sièges situés derrière l’estrade où se tenait l’orateur. La conférence durait depuis vingt minutes lorsque, sans raison valable, ces adversaires déclenchèrent une émeute par des huées, des sifflements, des cris de “Heil Hitler”, “Vive Franco” et “À mort Rutherford”. Ils montraient ainsi nettement qu’ils n’étaient pas venus en ce lieu dans un but louable, mais plutôt que la méchanceté les poussait à faire le mal, à perturber et à interrompre une assemblée tenue légalement par des chrétiens. (...) Pour ce faire, ils employèrent un langage vulgaire, des expressions injurieuses, des menaces, des malédictions et firent du tapage, attaquant nombre de placeurs qui essayaient de mettre fin au tumulte. Ces émeutiers ne parvinrent toutefois pas à interrompre la réunion, et le discours fut entièrement prononcé et enregistréa.

      Bien que les émeutiers aient échoué pour ce qui était d’interrompre la réunion, le tumulte fut nettement entendu par les 75 000 auditeurs dispersés dans le monde. Ce vacarme a également été enregistré sur des disques que des milliers de personnes dans le monde ont entendus depuis. Par leurs applaudissements répétés, les auditeurs donnèrent à l’orateur un puissant appui, tandis que d’un ton impérieux il continuait à parler au microphone pour maîtriser la tempête. La police ayant manqué à son devoir de préserver l’ordre, le 11 juillet 1939 le juge Rutherford écrivit une lettre au maire de la ville de New York, M. La Guardia; n’ayant pas obtenu de réponse, il fit publier cette lettre qui fut largement diffuséeb. Voici ce qu’elle disait entre autres:

      Environ vingt minutes après le début de la conférence et à un signal donné par l’un de ceux qui se trouvaient dans les tribunes, ce groupe de fanatiques sema la perturbation en criant à tue-tête, en hurlant et en vociférant des injures. Les placeurs firent appel à la police pour ramener l’ordre, mais l’officier en fonction répondit: “C’est votre affaire.” Cette déclaration fut faite alors que les agents étaient témoins des actes illicites des perturbateurs.

      Légalement responsables de la réunion, les placeurs se rendirent rapidement sur les lieux du tumulte et exigèrent que les perturbateurs cessent leur vacarme ou quittent l’assemblée. Au lieu d’obéir, ces catholiques fanatiques assaillirent violemment un certain nombre de placeurs et quelques-uns d’entre eux se défendirent. La police n’essaya même pas d’arrêter un seul de ceux qui violaient la loi en troublant cette assemblée légale, mais elle ne manqua pas de s’emparer de plusieurs placeurs qui avaient agi régulièrement dans l’exercice de leur fonction. Deux semaines se sont écoulées, et aucun des émeutiers n’a été arrêté pour avoir tenté d’interrompre une assemblée tenue conformément à la loi. Par contre, des citoyens respectueux des lois ont été arrêtés pour avoir fait ce que la police assermentée aurait dû faire et n’a pas faitc.

      Les 23 et 24 octobre 1939, le cas des trois placeurs accusés de voies de fait fut soumis à trois juges du Tribunal des Sessions spéciales de la ville de New York. Voici ce que révéla le rapport établi à l’occasion de ce jugement:

      Selon leur coutume (...) le combat de rues est l’une des techniques employées par ceux qui prétendent être partisans du “Père Coughlin”, membres du “Front chrétien” ou des “recruteurs chrétiens”, et qui sont en fait rattachés au “Bund” (ou mouvement) nazi et à d’autres partis extrémistes totalitaires, agissant sous le commandement direct de la hiérarchie catholique romaine. Il ne s’agit pas là d’une lutte ordinaire où deux hommes se fâchent, ont une altercation et se battent, non, cette coutume a plutôt été introduite en Allemagne nazie et employée particulièrement dans les pogromes ou soulèvements contre les Juifs. Leur tactique consiste à frapper quelqu’un ou à crier, comme si l’offenseur lui-​même avait été blessé, puis à appeler un agent compatissant et à accuser la véritable victime de voie de fait. (...)

      D’après les preuves circonstanciées exposées dans de nombreuses publications, les suppôts de Coughlin ont effectivement expérimenté cette méthode sur les Juifs de la ville de New York, au cours des mois passés. Ce même système fut perfectionné et utilisé au Madison Square Garden. Les témoins cités lors du jugement des trois placeurs mentionnés précédemment présentèrent nettement les faits à la cour. Ils dirent qu’un groupe composé de plusieurs centaines de partisans de Coughlin se mit en marche après avoir manifesté devant la station de radio WMCA, qui avait refusé de radiodiffuser les discours de Coughlin, (...) que ces émeutiers possédaient des exemplaires du périodique Social Justice, qu’ils brandissaient à la face des placeurs en disant: “Voilà ce qui vous attendd!”

      Les témoins à charge dressés contre les frères firent de si nombreuses déclarations contradictoires lors de ce jugement, que les trois juges (deux catholiques et un juif) non seulement disculpèrent les trois placeurs, mais encore les félicitèrent d’avoir fait preuve de la fermeté nécessaire contre les émeutiers, alors que la police de la ville manqua à son devoir de préserver l’ordree.

      UNE ASSEMBLÉE TENUE EN ANGLETERRE EST MENACÉE PAR LA IRA

      Les assemblées anglaises qui devaient retransmettre les discours de New York reçurent également un avertissement, annonçant qu’une action violente serait entreprise contre elles. Mais écoutez plutôt le rapport que rédigea le serviteur de la filiale de Londres, et qui fut publié dans l’Annuaire (angl.) de 1940. Voudrais-​tu le lire, Marie, s’il te plaît?

      MARIE [Elle lit]:

      Le samedi 24 juin, l’IRA (l’armée de la République irlandaise, mouvement terroriste catholique qui a déclenché une campagne d’attentats à la bombe dans toute l’Angleterre au cours des mois passés) adressa par téléphone des menaces “officielles” au bureau de la Société à Londres, l’avertissant qu’elle entreprendrait une action violente si le circuit Belfast-​Londres pour la transmission des discours du juge Rutherford n’était pas coupé. Cette information fut immédiatement transmise à Scotland Yard; des agents de police et des inspecteurs surveillèrent attentivement les salles de Belfast et de Londres. Peu de temps après la session du samedi soir, cinq bombes explosèrent dans le centre de Londres, non loin du Kingsway Hall, où le peuple de Jéhovah s’était réuni. Ce fut le plus terrible de leurs attentats à la bombe, causant de gros dégâts matériels et blessant de nombreuses personnes; cependant leur besogne indigne ne toucha pas un cheveu du peuple de Jéhovah. Il s’agissait là de la troisième menace en quatre mois de ces maniaques, qui signaient eux-​mêmes leur crime IRA.f

      Le lendemain, plus de 200 agents de police, sans compter ceux qui étaient en civil, encerclèrent le lieu du congrès, l’Alexandra Palace, loué pour la conférence publique du dimanche. Les bâtiments où se tenait l’assemblée de Belfast étaient protégés de la même façon, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Il y eut un moment angoissant quand la radio retransmit les échos de l’émeute du Madison Square Garden à l’assemblée de Londres; en effet, un grand nombre de congressistes, y compris les agents de police, pensaient que c’était peut-être le signal attendu par la IRA pour agir en Angleterre. Mais rien ne se produisit, ni à Londres ni à Belfast, et chaque mot de ce puissant témoignage public parvint aux oreilles des auditeurs réunis dans ces deux pays.

      UNE ATTAQUE GÉNÉRALE EST DÉCLENCHÉE

      Les témoins devaient ensuite faire face à des difficultés beaucoup plus sérieuses, notamment en Europe continentale. Immédiatement après cette démonstration fasciste aux États-Unis, des événements d’une portée internationale devaient se produire. Le 1er septembre 1939, les troupes d’agression allemandes envahirent la Pologne. Ce fut l’étincelle qui déclencha la Seconde Guerre mondiale. La Pologne fut rapidement asservie, et le 3 septembre la Grande-Bretagne et la France déclarèrent la guerre à l’Allemagne. Puis, pendant plusieurs mois, les hostilités semblaient avoir pris fin et beaucoup commençaient à qualifier le conflit de “drôle de guerre”. Ces espérances s’évanouirent toutefois quand, en avril 1940, les armées hitlériennes avancèrent rapidement et occupèrent le Danemark, la Norvège, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg. Puis, grâce à une manœuvre rapide, Hitler pénétra en France, forçant ce pays à signer un armistice le 22 juin 1940. Les troupes britanniques stationnées sur le continent se trouvaient dans une position délicate, aussi se virent-​elles dans l’obligation de se retirer le 4 juin 1940, en traversant la Manche à partir de Dunkerque. La Grande-Bretagne était désormais seule dans la guerre contre l’Italie et l’Allemagne, l’Europe entière étant tombée aux mains de ces forces totalitaires. De l’autre côté de l’océan Atlantique, les États-Unis restaient neutresg.

      Tandis que la guerre catholique fasciste nazie se propageait à une vitesse folle dans toute l’Europe, les interdictions, emprisonnements et restrictions légales frappaient les témoins de Jéhovah, faisant fermer, les unes après les autres, les filiales de la Société Watch Tower. Les ponts avec le siège de Brooklyn étaient coupés. Suivant le modèle déjà établi en Allemagne, les forces d’occupation nazies proscrirent les témoins dans un pays après l’autre, comme elles l’avaient fait en Autriche et en Tchécoslovaquie. Les eaux de ce déluge inspiré par l’Action catholique, déferlant sur les témoins de Jéhovah, grossissaient sans cesse et étaient sur le point de les engloutir totalement. La Suède et la Suisse étant les seuls pays demeurés neutres, ils offraient un refuge approprié pour les bureaux de la Société, à partir desquels les témoins de Jéhovah pouvaient étendre leur activité au moyen de méthodes clandestines. La France, l’Espagne, la Pologne, la Belgique, la Grèce, la Bulgarie, la Hongrie, l’Italie, les Pays-Bas, la Roumanie, la Yougoslavie, l’Estonie, la Finlande, le Danemark et la Norvège se trouvaient sous la botte du dictateur. L’arme tranchante de la guerre atteignit même l’Afrique, où l’on imposa des restrictions aux témoins de la Rhodésie du Nord, de la Rhodésie du Sud, du Nigeria et de la Côte-de-l’Or.

      Aussi loin qu’en Asie et dans les îles du Pacifique, les témoins de Jéhovah rencontrèrent de l’opposition, quand le rouleau compresseur japonais se mit en marche en 1941. Les témoins furent alors expulsés et cruellement persécutés au Japon, aux îles Philippines, en Birmanie, en Malaisie, aux Établissements du Détroit, dans les Indes néerlandaises, dans les îles Fidji, en Nouvelle-Zélande, en Inde et à Ceylan. Une attaque générale contre les témoins de Jéhovah prenait forme, comme si elle voulait complètement supprimer la prédication mondiale de ces proclamateurs du Royaumeh.

      LA QUESTION DE LA NEUTRALITÉ

      Quelle position les témoins adoptèrent-​ils en ce temps de crise grave? La question n’ayant pas été clairement débattue au cours de la Première Guerre mondiale, des conséquences désastreuses en avaient résulté pour les serviteurs de Jéhovah. En temps utile, La Tour de Garde (angl.) du 1er novembre 1939 donna à ses lecteurs habitant l’ouest de l’Europe des conseils qui les affermirent avant l’effondrement du système démocratique au printemps suivant. Il s’agissait d’une étude complète sur la “Neutralité”, position observée par le peuple de Dieu des temps anciens. Cette attitude neutre et apostolique adoptée par les témoins leur permit de rester fermes et de se préparer en vue des temps difficiles sous les occupations allemande et japonaise.

      Un rapport très intéressant, qui illustre ce point d’une manière précise et grave, nous parvint d’Albanie. Les frères de ce pays étaient persécutés de quatre côtés à la fois: par les Grecs, par les fascistes, par les nazis et par les communistes. En dépit de la rivalité existant entre ces groupes, les chrétiens gardèrent une stricte neutralité. Dans l’un des cas au moins, cette prise de position sauva la vie d’un frère.

      Un jour, alors que les nazis et les fascistes occupaient le port méridional de Bologne, un frère reçut la visite des communistes qui lui demandèrent de l’argent pour aider leur parti. Le frère leur expliqua qu’il était neutre, soulignant qu’il ne pouvait soutenir ce parti dans son activité clandestine. Une année plus tard, le communiste qui avait demandé de l’aide au frère changea d’opinion politique et se joignit au parti nationaliste. Celui-ci se servit de lui pour dénoncer tous les communistes de Bologne, étant donné qu’il les connaissait pour avoir déployé une activité en tant que membre du parti communiste. Devant la maison du frère, l’ex-communiste dit: “Non, pas cette maison; quand j’ai demandé de l’aide pour le parti communiste, cet homme a refusé net, parce qu’il se prétendait neutre.” Tous ceux qui avaient assisté les communistes furent arrêtés, tandis que le frère en question fut laissé en liberté.

      Le compromis mena des Albanais à une issue fatale. Quel que fût le parti qui dirigeait la ville, fasciste, nazi ou communiste, certains Albanais proclamaient toujours avoir opté pour ce parti en particulier. Parfois, les communistes revêtaient les emblèmes des fascistes et s’introduisaient dans la ville, pour s’enquérir de l’opinion des gens. Ceux qui disaient: “Nous sommes fascistes comme vous” étaient arrêtés ou tués par les communistes. En revanche, les frères sont toujours restés neutres et ont sans cesse répondu de la même façon aux communistes, aux nazis, aux fascistes ou à tout autre parti politique.

      Bien avant l’agression japonaise en Asie et avant que la guerre n’éclate en Europe, le juge Rutherford fit sa première visite en Australie. C’était en 1938. Il avait visité les îles Hawaii en 1935, par suite de la création d’une filiale à Honolulu, et des dispositions avaient été prises pour la construction d’une salle de réunion attenant au bâtiment de la nouvelle filiale qu’on était en train de bâtiri. Cette salle reçut le nom de “Salle du Royaume”; c’est alors que les témoins de Jéhovah du monde entier commencèrent à appeler Salle du Royaume les lieux où les congrégations se réunissaientj.

      En règle générale, le public accueillit favorablement le juge Rutherford lors de sa première visite en Australie en 1938, quoique dans ce pays également il y eût de nombreuses pressions et des préjugés religieuxk. Une grande campagne de publicité fut organisée pour annoncer sa visite personnelle à la nation ainsi que la conférence publique intitulée “Avertissement”, qui devait être prononcée au Terrain des Sports de Sydney et qui marquerait le point culminant du congrès tenu en cette occasion. À cette assemblée assistaient des proclamateurs du Royaume venus de tous les territoires placés sous la responsabilité de la filiale australienne: Malaisie, Java, Indochine française, Shanghaï, Nouvelle-Zélande et tous les États du Commonwealth d’Australie. Bien que toutes les dispositions aient été prises pour radiodiffuser la conférence, les pressions exercées par les chefs religieux locaux sur le ministre des Postes et Télécommunications aboutirent à l’annulation de la retransmission. Une lettre de protestation que 120 000 personnes signèrent en dix jours resta sans effet.

      Suite à ce discours prononcé par le président de la Société et accueilli avec enthousiasme par les 25 000 personnes présentes, un exemplaire de la conférence fut remis l’après-midi même au bureau de rédaction d’un journal qui avait été contacté quelques semaines auparavant. Ici encore, la crainte des pressions religieuses exercées incita les éditeurs à violer un accord qui consistait à porter cette importante conférence à la connaissance d’un plus grand public. Le discours fut toutefois enregistré, ce qui permit à des milliers de personnes dans le monde de l’entendrel. En revenant aux États-Unis, le président de la Société s’arrêta en Nouvelle-Zélande, aux îles Fidji, aux îles Samoa américaines, et à Hawaiia.

      LA VOIX DES ANGLAIS NEUTRES SE FAIT ENTENDRE

      En Angleterre également les frères se préparaient à affronter l’ouragan de la Seconde Guerre mondiale, et ils observaient avec zèle une stricte neutralité. Au début de la guerre, les journaux britanniques parlaient beaucoup des témoins de Jéhovah en Angleterre, à cause de la diffusion étendue et de la discussion du White Paper [Livre Blanc] (Allemagne no 2) paru le 30 octobre 1939 et intitulé “Traitements infligés aux ressortissants allemands en Allemagne”. Les faits présentés dans ce Livre Blanc étaient fondés sur un rapport compilé par sir Neville Henderson, ambassadeur de Grande-Bretagne à Berlin au moment de la déclaration de guerre, le 3 septembre 1939, et comprenaient les expériences vécues par les témoins de Jéhovah en Allemagne. Nous citons un extrait de ce Livre Blanc:

      Il y avait 1 500 Juifs et 800 Étudiants de la Bible [témoins de Jéhovah] (...). Chaque homme portait un insigne, jaune avec l’étoile de David pour les Juifs, violet pour les Étudiants de la Bible, etc. (...) Les prisonniers juifs écrivaient et recevaient des lettres deux fois par mois. Les Étudiants de la Bible ne pouvaient avoir aucune communication avec le monde extérieur, mais, d’un autre côté, leurs rations n’étaient pas réduites. Herr X parlait de ces hommes avec le plus profond respect. Leur courage et leur foi religieuse étaient remarquables, et ils se déclaraient prêts à subir jusqu’à l’extrême ce que, pensaient-​ils, Dieu avait voulu pour eux. (...)

      (...) Les “Bibelforscher” [Étudiants de la Bible], secte religieuse tirant sa doctrine de la Bible et comptant un nombre considérable d’adhérents dans tous les coins du pays, mais proscrite par la Gestapo depuis que ses membres refusent le service militaire; ces malheureux étaient presque aussi maltraités que les Juifsb.

      Le 15 novembre 1939, le bureau de la Société à Londres adressa à tous les membres du Parlement, aux chefs religieux, aux fonctionnaires locaux et à la presse la déclaration suivante:

      Les témoins de Jéhovah, en quelque endroit qu’ils résident, se montrent loyaux envers les lois et coutumes du pays; ils cherchent à servir Dieu et sont de bonne volonté envers tous les hommes. S’ils sont jugés déloyaux par les hommes, c’est seulement lorsqu’une loi humaine fait intervenir une instruction contraire aux Écritures, ou prescrit de rendre à l’homme l’adoration qui n’appartient qu’au seul Dieu tout-puissant. Afin que la position des témoins de Jéhovah touchant les événements actuels soit claire, une brochure reproduisant un article du périodique La Tour de Garde est jointe à la présente. En même temps, elle explique leur NEUTRALITÉ dans tous les cas, et donne la raison pour laquelle ils ne peuvent prendre part à aucune activité militaire.

      C’est en faveur des milliers de témoins de Jéhovah en Angleterre que nous souhaitons faire comprendre cette position. En tant que serviteurs du Dieu Très-Haut, notre position est la même que celle de nos frères allemands, à savoir celle de la stricte NEUTRALITÉ. Notre dévouement, notre service et notre loyauté sont consacrés au GOUVERNEMENT THÉOCRATIQUE de Jéhovah, et basé sur Jean 17:16, qui dit: “Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde.” Ci-joint un exemplaire de notre brochure Gouvernement et Paix, pour votre documentation personnellec.

      Cette déclaration se référait également au fait que le gouvernement britannique avait, au moyen de ce Livre Blanc, reconnu que les témoins de Jéhovah d’Allemagne étaient aussi persécutés parce qu’ils refusaient de faire le service militaire. Grâce à cette prise de position hardie qui fut publiée dans tout le pays, les jalons étaient posés en vue d’une année de service théocratique ininterrompue. Les autorités ainsi que le peuple apprirent que les témoins de Jéhovah n’étaient pas des pacifistes et n’avaient aucun rapport avec les nombreux mouvements pacifistes fauteurs de troubles en Angleterre. La seule opposition fut celle de la presse catholique, qui s’efforça de faire passer les témoins de Jéhovah pour un mouvement subversif.

      Les frères de Grande-Bretagne firent de nombreuses expériences pénibles par suite des bombardements répétés des nazis. Voici ce que rapporta le serviteur de filiale:

      PRÉDICATION SOUS LE FEU DE L’ENNEMI

      Une bombe incendiaire perça le toit de la Salle du Royaume située à Craven Terrace, près du centre de Londres, et les meubles prirent feu, mais les frères du Béthel chargés de la protection contre l’incendie le maîtrisèrent rapidement. Cette nuit-​là, sept bombes incendiaires tombèrent sur l’immeuble de la Société, qui abrite la famille du Béthel et les bureaux. Pour montrer à quel point les démons avaient pris le Béthel de Londres pour cible, en trois mois vingt-neuf bombes de grande puissance ont explosé à quelques centaines de mètres des bureaux de la Société, la plus proche étant tombée à trente mètres de l’autre côté de la rue. L’une des bombes les plus puissantes et qui ont causé des dégâts sans précédent ne tomba qu’à soixante-dix mètres derrière le Béthel. Le bureau fut deux fois menacé par des incendies violents qui ravagèrent des immeubles situés à cinq mètres derrière le Béthel. Celui-ci fut secoué à maintes reprises tout comme dans un tremblement de terre. Les murs fissurés ont dû être réparés. Il y eut des nuits de terreur et de mort qu’aucun des membres de la famille n’oubliera jamais. Mais malgré cela, l’“œuvre étrange” se poursuivit à Londres et dans toute la Grande-Bretagne, et elle progressa comme jamais auparavant, apportant l’espoir, la consolation et le réconfort à des milliers d’hommes qui recherchaient un véritable refuged.

      Pendant la “bataille d’Angleterre”, la terrible guerre aérienne qu’elle subit, une douzaine de témoins de Jéhovah à peine sur les 12 000 qui résidaient alors dans les îles Britanniques perdirent la vie. Il est vrai que de nombreux témoins furent blessés et perdirent leurs foyers, et que des Salles du Royaume furent détruites par les bombardements aériens nazis; néanmoins, ils ne cessèrent d’adorer Jéhovah, le Dieu vivant, et maintinrent la prédication de maison en maison à un niveau élevé. Les réunions de la congrégation durent avoir lieu le dimanche après-midi pour éviter les dangers des attaques aériennes du soir, mais toutes furent tenues régulièrement. La grande campagne de prédication qui se poursuivit et s’étendit même au cours de ces années de guerre apporta une grande consolation et une espérance solide à des milliers de cœurs honnêtes.

      Les grandes assemblées de zone prévues furent tenues comme s’il n’y avait pas eu la guerre, certaines sessions ayant même lieu pendant les bombardements. En 1940, au cours d’un raid de nuit, le vaste Free Trade Hall de Manchester fut démoli juste après que les témoins de Jéhovah eurent clos leur assemblée nationale dans cette ville. Celle qui se tint à Leicester, du 3 au 7 septembre 1941, fut des plus stupéfiantes. Au sein de la chaleur intense de la guerre, 12 000 témoins environ s’étaient rassemblés pour un festin théocratique de cinq jours. À tout moment, en face des forces hostiles, on devait triompher d’obstacles quasi insurmontables pour assurer la nourriture, le logement et le transport d’une foule aussi nombreuse. Les disques des principaux discours prononcés par le juge Rutherford à l’assemblée de Saint Louis, dans le Missouri, tenue du 6 au 10 août 1941, avaient été envoyés à Londres par avion, juste à temps pour être utilisés au congrès après leur passage à la censure. À quel degré d’élévation spirituelle cette assemblée ne parvint-​elle pas! Quel esprit d’unité, de coopération et d’amour y fut manifesté! Elle permit à tous les assistants de se fortifier pour supporter les épreuves des années de guerree.

      L’embargo fut mis sur les publications venant de Brooklyn. Ensuite, il fallut combattre pour s’approvisionner en papier afin que la Société pût entreprendre d’importants travaux d’impression en Angleterre et maintenir le flot de publications nécessaires au service du champ, où un groupe important de pionniers actifs veillait aux besoins spirituels de leurs semblables. Par la suite, l’importation du périodique La Tour de Garde fut interdite aux abonnés des îles Britanniques. Cependant, les articles d’étude n’ayant pas été prohibés, ils furent imprimés sur place; ainsi, les centaines d’études hebdomadaires de La Tour de Garde ne furent pas interrompues.

      En Angleterre, on enrégimenta tous les citoyens, hommes et femmes. Beaucoup de juges refusèrent aux frères l’exemption militaire. Il en résulta 1 593 condamnations, et le nombre total des peines d’emprisonnement dépassa six cents ans. Parmi ces condamnations, 334 concernaient des femmes, lesquelles, au même titre que les hommes, devaient faire de la prison pour n’avoir pas accepté les instructions gouvernementales relatives à l’accomplissement du service de guerre. Avant la guerre, de nombreux témoins s’étaient enfuis de Pologne, d’Allemagne, d’Autriche, de Belgique et de France, pour se réfugier dans ce pays. Ils y étaient devenus pionniers, mais quand les combats s’intensifièrent, le gouvernement les interna pour la durée de la guerre dans un camp de l’île de Man. Des témoins de Jéhovah d’origine américaine et suisse furent expulsés des îles Britanniques.

      Ainsi, en dépit des restrictions sévères et des limitations imposées par la guerre, les témoins de Jéhovah en Angleterre maintinrent leur neutralité, gardant leur intégrité envers Dieu. Le combat pour la liberté d’adorer Jéhovah ne diminua ni ne cessa en Angleterre. Au contraire, il s’intensifia plus que jamais.

      LES CANADIENS NEUTRES PRÊCHENT EN DÉPIT DE L’INTERDICTION

      Dans tout le Commonwealth britannique on imposa des restrictions aux témoins de Jéhovah, et dans certains endroits leur œuvre fut totalement interdite. Par exemple, au Canada, les frères persévérèrent durant la guerre au sein de grandes tribulations. Dans les débuts de la Société, l’œuvre au Canada se développa sous la direction du bureau de Brooklyn, lequel s’occupait également des congrégations aux États-Unis. Toutefois, vous vous rappelez certainement qu’en 1918 une filiale avait été établie à Winnipegf. Puis, après la Première Guerre mondiale, et peu de temps après que fut levée l’interdiction contre les témoins de Jéhovah au Canada, le 1er janvier 1920, la filiale canadienne de la Société fut transférée à Torontog. L’année 1925 vit la naissance de la société non lucrative appelée Association internationale des Étudiants de la Bible du Canada, qui devint propriétaire des biens de la filialeh.

      L’œuvre progressa assez bien au fil des années, mais à cause de la défection de quelques responsables, des changements administratifs devinrent nécessaires en 1936. Le manque d’acuité spirituelle qui rendit ces modifications indispensables avait provoqué un ralentissement momentané de l’œuvre, mais grâce au fonctionnement de cette nouvelle force administrative, les conditions spirituelles s’améliorèrent et de plus grands progrès dans l’œuvre de témoignage furent réalisési.

      Durant toute cette période, on rencontra une forte opposition dans le Québec catholique, où des arrestations avaient lieu constamment. Cependant, la véritable “bataille du Québec” devait avoir lieu plus tard, comme nous le verrons dans une autre discussion. Mais le Québec catholique avait le bras long; aussi, le 4 juillet 1940, lorsque les conquêtes d’Hitler en Europe atteignirent leur apogée, Ernest Lapointe, ministre canadien de la justice, fit adopter en conseil un arrêté qui proscrivait complètement l’activité des témoins de Jéhovah et leur Société, la IBSA.j

      Les revers de la guerre atteignaient alors leur point culminant pour les démocraties, aussi les témoins de Jéhovah devenaient-​ils d’excellents boucs émissaires; une inquisition moderne s’ensuivit donc. On encouragea l’espionnage des voisins, on fit des descentes de police dans les foyers, des bibliothèques privées furent saisies, des réunions bibliques, y compris la célébration de la Commémoration, furent interrompues, et même des exemplaires de la célèbre Version du roi Jacques furent confisqués et leur destruction ordonnée. La presse se montra malveillante dans ses attaques. Ces outrages s’étendirent d’un bout à l’autre du paysk.

      Bien que tout cela prît les témoins canadiens par surprise, ils ne se laissèrent cependant pas vaincre sans résistance. Bientôt ils organisèrent un système clandestin étendu et efficace, qui leur permit de se réunir en petits groupes pour étudier la Bible et continuer leur prédication. À l’exemple de leurs frères sous la domination totalitaire, ces témoins étaient déterminés à servir Dieu, et non l’homme; c’est pourquoi ils ne permirent pas aux lois humaines ou à quoi que ce soit de les empêcher de remplir la mission que Dieu leur avait confiée. Quelque 5 000 proclamateurs finirent par se remettre sur pied pour accomplir l’activité des nouvelles visites et des études bibliques.

      Un matin de novembre 1940, les frères se levèrent de bonne heure et parcoururent le pays d’une extrémité à l’autre, glissant sous les portes des exemplaires d’une brochure spéciale intitulée “Fin du nazisme”. Lorsque les habitants s’éveillèrent, ils trouvèrent cette déclaration hardie et courageuse, annonçant que bientôt le Royaume de Dieu remis entre les mains du Seigneur Jésus-Christ s’imposerait, détruirait toute opposition et mettrait fin aux pouvoirs totalitaires. Quoique plus de 7 000 témoins aient participé à cette campagne spéciale, moins d’une dizaine furent arrêtés et aucun d’entre eux ne fut accusé d’avoir diffusé des publications subversives, bien que le message fût semblable à celui qui était proclamé dans le pays depuis de longues annéesl.

      Dans une autre partie du Commonwealth britannique, les frères subissaient des restrictions dans leur œuvre. En Australie, à partir de juillet 1940, les chefs religieux se mirent à inciter l’action politique contre les témoins zélés. En conséquence, le 16 janvier 1941, le premier ministre Menzies annonça prématurément au Parlement la proposition de son gouvernement de proscrire les témoins de Jéhovah. Le lendemain, 17 janvier, l’arrêté ministériel fut publié dans le Journal officiel, interdisant les activités de la Société et de ses associations sœurs, y compris le groupe des témoins de Jéhovah d’Adélaïde qui possédait une Salle du Royaume que le gouvernement s’appropria. Il s’empara également du Béthel et l’occupaa.

      Mais dans tous ces pays, les témoins de Jéhovah n’abandonnèrent pas la mission dont Dieu les avait chargés, à savoir prêcher la bonne nouvelle du Royaume. Dans toutes les parties de la terre les témoins du Royaume restèrent actifs, et certains récits relatifs au courage et à l’ingéniosité manifestés par les frères sous le régime totalitaire sont des plus saisissants.

      [Notes]

      a a Annuaire (angl.) 1940, pp. 43, 44.

      b b Nouvelles du Royaume (angl.), no 4, juil. 1939.

      c c Voir aussi Le Messager (angl.), août 1939, p. 8.

      d d Consolation (angl.), Vol. XXI, 29 nov. 1939, pp. 20, 21.

      e e Ibid., p. 24.

      f f Annuaire (angl.) 1940, pp. 81, 82.

      g g The World Almanac [L’Almanach mondial], 1953, p. 248.

      h h Annuaire (angl.) 1940, p. 85; Annuaire (angl.) 1942, pp. 88, 107, 111, 142, 143, 144, 161, 163, 171, 172, 181, 190, 191, 199, 200, 208.

      i i Annuaire (angl.) 1936, pp. 144-146.

      j j Par ex.: en Angleterre, le “Tabernacle de Londres” fut remis à neuf et il reçut le nom de “Salle du Royaume”. Consolation (angl.), Vol. XIX, 6 avril 1938, pp. 26, 27.

      k k Consolation (angl.), Vol. XIX, 15 juin 1938, pp. 3-11.

      l l Annuaire (angl.) 1939, pp. 103-105.

      a m Consolation (angl.), Vol. XIX, 13 juil. 1939, p. 8.

      b n The White Paper [le Livre Blanc] (Allemagne no 2), 30 oct. 1939, Cmd. 6120, pp. 10, 35, publié par le gouvernement britannique. Voir aussi Annuaire (angl.) 1941, pp. 104, 105.

      c o Annuaire (angl.) 1941, pp. 104, 105.

      d p Annuaire (angl.) 1942, p. 84.

      e q Annuaire (angl.) 1942, pp. 83-97.

      f r w 1918, p. 2.

      g s w 1920, pp. 36, 37.

      h t Annuaire (angl.) 1945, p. 119.

      i u Annuaire 1937, pp. 120-133.

      j v Annuaire (angl.) 1941, p. 160.

      k w Consolation (angl.), 15 mars 1944, p. 4.

      l x Annuaire (angl.) 1942, pp. 156, 157.

      a y Ibid., pp. 124-134.

      [Illustration, page 151]

      “GOUVERNEMENT ET PAIX”, 1939.

      [Illustration, page 152]

      DÉBUT DE LA MARCHE, LONDRES, 1939.

  • La prédication clandestine en pleine guerre
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 23

      La prédication clandestine en pleine guerre

      JEAN: Au cours de ces sombres années de la Seconde Guerre mondiale, le seul but des témoins de Jéhovah, où qu’ils se trouvaient, était de prêcher le Royaume de Dieu comme l’unique espoir pour le monde! Dans les lointaines îles Philippines, les communications avec le siège de la Société en Amérique cessèrent après l’attaque de Pearl Harbor, le 7 décembre 1941. Néanmoins l’œuvre se poursuivit. Selon le dernier rapport établi par la filiale en 1941, il y avait 373 proclamateurs. Le travail que ces derniers accomplirent sous l’occupation japonaise est un exemple de foi et de persévérance. Voici, en partie, ce que disait le rapport du serviteur de filiale établi après sa sortie de prison:

      Les Japonais entrèrent dans la ville le 2 janvier 1942, et ne tardèrent pas à instaurer un gouvernement militaire sévère. La censure entra immédiatement en action. Tous les postes récepteurs furent mis sous scellés et confisqués, et on promulgua un décret soumettant toutes les publications à la censure du gouvernement militaire japonais, avant qu’elles soient remises entre les mains du public. Les Bibles vendues dans les librairies subirent la censure. Toutefois, pas un seul frère ne remit à la censure les publications qu’il possédait. Le message du Royaume qu’ils continuèrent de prêcher resta intact. À Manille et dans les environs, les Nippons perquisitionnèrent méthodiquement maison après maison, en vue d’y découvrir des armes et des munitions. Mais ils ne se soucièrent pas des armes du Seigneur et des munitions exposées sur les rayons des bibliothèques dans les foyers des frères.

      Le 26 janvier 1942, je fus interné ainsi que tous les autres étrangers considérés comme ennemis de ces envahisseurs avides. Tout d’abord, l’administration civile nous traita convenablement; mais quand celle-ci tomba sous la coupe des militaires japonais, les internés connurent de nombreuses privations. (...) Les trois années d’internement que nous avons subies nous affaiblirent considérablement. Il ne nous restait que la peau sur les os lorsque les forces américaines s’emparèrent du camp. Dans les derniers mois, la famine régnait. Chaque jour les prisonniers recevaient un bol de riz maigre à l’eau avec du sel. Tout ce qui nous tombait sous la main, comme des épluchures, de la mauvaise herbe et d’autres plantes, que nous pouvions ramasser dans la cour du camp, servait à remplir nos estomacs vides et atténuait un peu la sensation horrible de la faim. (...)

      Au cours des années que dura la domination des militaires japonais, les frères en liberté firent progresser l’œuvre théocratique. En qualité d’ambassadeurs du Royaume, le seul espoir du monde, ils ne pouvaient attendre la fin de la guerre pour nourrir ceux qui étaient affamés et assoiffés de vérité et de justice, bien qu’ils fussent exposés à de nombreux dangers. Quand ils en avaient la possibilité, ils faisaient bon usage du peu d’équipement qui n’avait pas été confisqué, et commençaient des études modèles. (...) Durant la domination implacable des Japonais, ils formèrent trente et un nouveaux groupes réunissant environ 2 000 proclamateurs. Sous le bras protecteur du Roi sans cesse victorieux, sept assemblées de zone furent organisées dans différentes parties de l’île Luçon. L’assistance la plus élevée fut de 2 000 personnes.

      Lorsque le faible stock de publications fut épuisé, les frères eurent recours à une méthode de diffusion qui s’avéra efficace: ils prêtaient pour une semaine des livres aux personnes bien disposées. Cela leur permit de faire un nombre impressionnant de nouvelles visites et d’études modèles, et de former de nouveaux groupes. De cette façon, ils furent à même de persévérer dans le témoignage de maison en maison, puisque les publications revenaient sans cesse.

      Pendant la dernière année de l’occupation japonaise, lorsque l’armée américaine fondit sur Manille et que les Japonais commencèrent à massacrer des civils innocents, les proclamateurs de la province étaient toujours actifs, servant joyeusement Jéhovah, le Tout-Puissant. La prédication de maison en maison allait bon train. Un groupe de frères vécut une expérience intéressante, tandis qu’ils obéissaient au Seigneur. Au cours de leur activité de prédication, les témoins traversèrent un petit village habité par des guérilleros et leurs familles, auxquels ils avaient prêché précédemment. Les frères se dirigeaient vers la ville voisine, afin de s’occuper “des affaires de notre Père”. On les avertit que des soldats japonais se trouvaient dans la ville. Ils ne rebroussèrent pas chemin pour autant, et continuèrent leur prédication de porte en porte. Les témoins virent les soldats japonais et les guérilleros brandir des fusils et ils se demandaient pourquoi ils ne tiraient pas, alors qu’ils étaient censés être des ennemis. Ils se surveillaient simplement les uns les autres. Toutefois, les proclamateurs ne s’arrêtèrent pas, mais achevèrent de parcourir leur territoire. Tandis qu’ils s’en retournaient, ils trouvèrent le même petit village en feu et ses habitants tués à la baïonnette: hommes, femmes et enfants. Comment ces frères échappèrent-​ils à une mort certaine alors que les Japonais auraient pu s’emparer d’eux? On ne peut le savoir, si ce n’est que Jéhovah a protégé son peuplea.

      LA PRÉDICATION EST INTERDITE AU JAPON ET EN CORÉE

      Pendant la guerre, l’œuvre de prédication fut interdite au Japon; dans ce pays essentiellement païen, elle avait progressé lentement depuis le moment où le message du Royaume de Dieu y avait retenti pour la première fois. C’était en 1912, quand C. T. Russell y débarqua en qualité de chef du comité de l’IBSA, afin de sonder le champ religieux en Orient. Frère Russell et ses compagnons entreprirent un voyage de 1 100 kilomètres à travers le Japon, de Yokohama à Nagasaki. Ayant remarqué que les missionnaires des Églises de la chrétienté étaient considérablement découragés, il en conclut que “ce dont les Japonais avaient besoin, c’était ‘l’évangile du Royaume’, annonçant la seconde venue de Jésus comme Messie glorieux, dans le but de régner, de guérir et d’instruire toutes les familles de la terre”.

      Vers 1913, des colporteurs visitèrent le Japon et plantèrent d’autres graines de vérité. En 1927, un Japonais américain fut envoyé au Japon, afin d’y ouvrir une filialeb. C’est ce qui fut fait à Kobe. Toutefois, on ne tarda pas à transférer les locaux au Ginza, à Tokyo, et ensuite à Igikubo, dans la banlieue de Tokyo, où une imprimerie fut installée. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, un travail considérable fut accompli par un groupe de colporteurs japonais, dont le nombre atteignit un maximum de 110 en 1938. On mit l’accent sur les réunions et la diffusion dans les rues de l’édition japonaise du périodique L’Âge d’Or, dont on plaça, rien qu’en 1938, 1 125 817 exemplaires.

      Tandis que s’amoncelaient les nuages menaçants de la guerre, les dictateurs japonais prirent des dispositions pour mettre un terme à l’activité des témoins de Jéhovah. Dès 1938, on arrêta et malmena les proclamateurs du Royaume, mais ceux-ci continuèrent de prêcher et se répandirent dans les pays voisins, à savoir Taïwan, la Corée et la Mandchourie. L’une des accusations portées contre les témoins était qu’ils “préconisaient le monothéisme, le culte de Jéhovah”. Il y eut des jugements à huis clos, accompagnés de tortures, dont la durée atteignit jusqu’à deux et trois ans. Ceux qui refusèrent de renoncer à leur croyance furent condamnés à cinq ans de prison ou plus, et les chrétiens qui restaient fidèles se voyaient recondamnés lorsque leur première peine était terminée.

      En Corée également l’oppression impitoyable des Japonais se faisait sentir. La première œuvre de prédication rapportée dans ce pays fut celle d’une sœur venue d’Angleterre, et qui voyagea au Japon, en Chine et en Corée à ses propres frais, avec l’accord du premier président de la Société, frère Russell. Son activité de colporteur consistait à visiter les personnes parlant l’anglais en Corée, y compris un grand nombre de Coréens. Au cours de son voyage, en 1915, elle plaça plus de 600 volumes des Études des Écritures.

      En 1926, la Société ouvrit en Corée un bureau de traduction et établit une petite imprimerie, afin de préparer des publications en langue coréenne pour le service du champ. D’autres publications furent imprimées dans cette langue à Brooklyn et envoyées en Corée. En 1931, deux frères travaillaient au dépôt, l’un traduisant et l’autre vérifiant l’activité des congrégations dans la diffusion des publications. Des représentants de la filiale de la Société à Tokyo firent une tournée de conférences en Corée et instruisirent les frères locaux. En 1933, le gouvernement japonais s’empara de certains biens que la Société possédait à Séoul, et le 17 juin 1933, il saisit 50 000 exemplaires de nos publications, y compris des livres cartonnés et des brochures. Pour tout évacuer, il fallut dix-huit charrettes tirées par des coolies, selon ce que rapporta le journal Tong-A Ilbo, no 4493. Le 15 août 1933, le gouvernement s’empara de 33 000 exemplaires de nos publications au domicile de l’un des témoins de Jéhovah de Pyongyang. Ce fait a été relaté dans le Tong-A Ilbo no 4452.

      Les shogouns du Japon partirent à la conquête de l’Asie et se servirent du shintoïsme, religion nationale japonaise, pour unir les peuples du grand empire. On obligea tous les Coréens à se prosterner devant le sanctuaire shinto dédié à l’empereur. Le refus de s’adonner au culte des idoles opposé par les témoins de Jéhovah les fit entrer pour la première fois en conflit avec les autorités japonaises; toutefois, l’organisation fut à même de poursuivre ses activités jusqu’en 1939.

      Le 18 juin 1938, on commença à arrêter les témoins de Jéhovah au Japon et en Corée. Le 29 juin 1939, les frères du bureau coréen furent emmenés, et en ce même jour les autorités saisirent des publications emmagasinées sur une surface de cent mètres carrés environ. Elles furent rassemblées sur les bords du fleuve Han et brûlées, d’après ce que rapporta la presse le lendemain. On arrêta nombre de témoins en Corée, et ceux qui refusaient de se prosterner devant le sanctuaire shinto étaient emprisonnés. Plus de trente témoins se virent infliger de longues peines et beaucoup moururent en prison. Une sœur âgée fut enchaînée à une pierre dans une position de continuelle prosternation, et cela pendant plus de deux ans. Notre œuvre fut alors interdite.

      En ce qui concerne ce culte idolâtrique, les protestants de Corée eurent la tâche facilitée, car leurs Églises décrétèrent que se prosterner devant le sanctuaire shinto était une affaire laïque et non religieuse, qui pouvait être considérée comme “rendre à César” son dû. Même un grand nombre de membres de ces Églises se rendirent compte que la ligne de conduite préconisée incitait au compromis; cette décision provoqua des scissions au sein des Églises, par exemple dans l’Église presbytérienne, pour n’en citer qu’une.

      RECHERCHE DES BREBIS DU SEIGNEUR EN POLOGNE ET EN GRÈCE

      En Pologne, la recherche des “autres brebis” était très bien organisée et efficace, particulièrement pour ce qui était de l’activité des pionniers zélés:

      En Pologne, il y eut aussi des pionniers pendant la guerre. À Varsovie, par exemple, des pionniers opéraient dans des quartiers entiers. Ils se présentaient comme commerçants. Munis d’une mallette, ils allaient de porte en porte et vendaient de la pâte dentifrice, de la crème pour chaussures et d’autres bagatelles. Il leur importait toutefois peu de vendre leur marchandise. Au contraire, ils étaient heureux de ne pas être obligés de la renouveler trop souvent. Ils cherchaient avant tout à nouer conversation avec les gens et à leur parler du Royaume. Le renchérissement et le manque d’argent étaient les meilleurs prétextes pour entamer une conversation. Quand quelqu’un se plaignait de cette [situation], il était alors facile d’en venir à parler (...) des temps en général. Puis, de fil en aiguille, on entretenait les gens d’un petit livre qu’on possédait avant la guerre et qui était si intéressant. Il leur était ensuite donné un témoignage. Quand on voyait que l’interlocuteur montrait de l’intérêt pour la vérité, on avait, “tout par hasard”, le petit livre sur soi et on lui prêtait le no 1. Les proclamateurs communiquaient alors l’adresse des intéressés à d’autres frères, qui venaient faire des visites complémentaires. On apprenait ainsi à connaître les gens et ceux qui faisaient vraiment preuve d’intérêt étaient, après quelques visites complémentaires, réunis en groupes de 5 à 10 personnes, avec lesquelles on procédait à des études modèles, selon un plan d’étude établi à cet effetc.

      En Grèce également le manque de publications créa un problème qui fut heureusement résolu grâce à un emploi judicieux de ce qui était disponible. Les témoins de ce pays recoururent à la prédication occasionnelle:

      Lorsque la guerre éclata entre l’Italie et la Grèce, en octobre 1940, beaucoup de frères refusèrent de faire du service, avec ou sans armes. Comme [la législation] était très sévère et qu’il n’existait aucune loi permettant d’exempter ceux qui refusaient le service par motif de conscience, les frères durent comparaître devant le tribunal militaire. Trois d’entre eux furent condamnés à mort, d’autres à des peines d’emprisonnement allant de sept à vingt ans, ou à la réclusion à perpétuité. Le Seigneur permit que ces condamnations servissent de vigoureux témoignage. La situation se développa de telle sorte qu’aucun arrêt de mort ne fut exécuté. Actuellement tous les frères condamnés sont hors de prison.

      Après que les communications entre la Grèce et l’Amérique furent coupées, en 1941, nous mîmes tout en œuvre pour aider les “autres brebis” du Seigneur et les frères et sœurs en général. Les articles secondaires de La Tour de Garde furent traduits et envoyés aux frères et sœurs. Les livres Salut et Religion, et la brochure Réfugiés, furent également traduits, multipliés (2 500 exemplaires) et remis aux membres du peuple de Dieu dans tout le pays. De cette façon, les assemblées ne furent pas interrompues, mais constituèrent une bénédiction pour tous les frères et sœurs.

      Comme notre stock de livres et de brochures menaçait de s’épuiser, nous cherchions à accomplir notre travail d’une autre manière, c’est-à-dire à entamer une conversation avec les gens assis dans les parcs et à leur rendre témoignage du Royaume. Lorsque les auditeurs manifestaient quelque intérêt, nous leur prêtions une brochure en leur disant que nous viendrions la chercher et parlerions des points qu’ils n’auraient pas compris. Lors de la visite suivante, nous offrions une autre brochure et leur proposions — si toutefois ils appréciaient ces vérités — de prendre part à des études avec d’autres intéressés. Après avoir traité deux ou trois brochures, ils furent invités à assister à l’étude de La Tour de Garde et des livres. De cette manière, grâce à la sollicitude du Seigneur, une méthode de visites complémentaires fut introduite, et, dès lors, en 1941, le nombre des “autres brebis” a considérablement augmentéd.

      LES BREBIS SONT NOURRIES EN DÉPIT DES ARRESTATIONS

      Les témoins de Jéhovah étant plus nombreux en Allemagne, une plus grande activité fut déployée dans ce pays. Il y eut par conséquent davantage d’arrestations. La cruauté et le sadisme des commandants des camps de concentration nazis et de leurs gardes étaient connus de tous, mais les témoins allemands ne se relâchèrent pas dans la crainte d’être internés. Ils ne firent pas non plus de compromis quant à leur neutralité chrétienne, pour des raisons d’opportunisme. Ces frères étaient résolus à trouver et à nourrir les brebis du Seigneur, tout en s’aidant spirituellement les uns les autres.

      À partir de 1934, les témoins d’Allemagne commencèrent à être congédiés par leurs employeurs, non seulement parce qu’ils refusaient de voter et de faire le salut hitlérien, mais encore parce qu’ils ne participaient pas aux manifestations du 1er mai. En octobre 1936, l’Angriff (l’Attaque), organe du parti national socialiste, demanda le renvoi des témoins de Jéhovah de toutes les entreprises allemandese.

      Des efforts spéciaux ont été faits pour découvrir et arrêter les témoins de Jéhovah lors de la célébration du “repas du Seigneur”. C’est ce qui ressort de cet ordre secret décrété en 1935:

      Police secrète d’État. I R I 3637-35. Berlin, 20 mars 1935. D’après un écrit confisqué aux Étudiants de la Bible, La Bataille de Dieu, les groupes “des oints” se réuniront probablement le 17 avril 1935, après 6 heures du soir, pour une fête commémorative du sacrifice de Jésus-Christ, à la gloire de Jéhovah. Il se peut qu’une visite à l’improviste, au moment indiqué, chez les chefs de groupes des Étudiants de la Bible ait du succès. Prière de signaler les résultats. Sig.: Hardtmannf.

      Lors de la célébration de la commémoration de la mort du Seigneur, on arrêta non seulement les “chefs de groupes”, mais encore quiconque assistait à l’une de ces réunions. Même là où deux ou trois seulement s’étaient réunis dans leur propre logement, ils ont été espionnés par la police secrète ou dénoncés par leurs voisins. Dans de tels cas, ils furent jugés par les tribunaux allemands pour avoir violé l’interdiction frappant les témoins de Jéhovah. Et on les punitg.

      Les témoins qui refusèrent d’accomplir le service militaire se virent infliger de longues peines de prison, et les frères furent exilés dans des camps de concentration. De même, le refus de dire “Heil Hitler” était considéré comme un acte contre l’État, entraînant des condamnations sévères. Posséder l’une des publications de la Société signifiait l’emprisonnement certain. Les enfants de témoins de Jéhovah enlevés à leurs parents et confiés à des familles nazies qui les adoptèrent refusèrent d’entrer dans les mouvements de la Jeunesse hitlérienne et maintinrent leur intégrité en dépit des sévères pressions exercées sur eux. Malgré ses efforts et ses rafles, de 1933 à 1945, Hitler ne fut à même d’emprisonner ou de bannir à n’importe quel moment donné que la moitié environ des témoins. Cela voulait dire que près de 10 000 d’entre eux étaient incarcérés, alors que le même nombre de frères libres à l’extérieur poursuivaient leur activité clandestine, témoignant hardiment, mais avec prudence. Les enterrements étaient autant d’occasions pour les témoins encore en liberté de se rassembler publiquement, d’entendre des discours bibliques et de goûter quelques courts instants de compagnie fraternelle. De petites réunions secrètes avaient lieu le soir ou dans les forêts. En outre, des portions de nourriture spirituelle récente publiées dans le périodique La Tour de Garde leur parvenaient polycopiées par des moyens détournésh.

      En dépit de toutes les tribulations qu’ils endurèrent dans ces pays affligés par la guerre, les frères n’ont jamais perdu de vue leur obligation primordiale de trouver et de nourrir les brebis. Cela signifiait non seulement qu’ils devaient rester intègres devant Jéhovah Dieu en raison de leur foi, mais également qu’il leur fallait faire face à l’ennemi, s’exposant à être arrêtés et poursuivis. Même les personnes bien disposées, que les témoins avaient trouvées et nourrissaient spirituellement, de sorte que la vérité les affermissait, reconnaissaient la nécessité de prêcher et de proclamer la bonne nouvelle du nouvel ordre juste de Dieu.

      Un frère d’Allemagne rapporta que durant les années 1934 et 1935, il rencontra un couple qui manifesta un grand intérêt pour la vérité et avec qui il étudia dans son foyer. Il visitait ces personnes régulièrement chaque semaine pour étudier La Tour de Garde en leur compagnie. Quand ce frère fut arrêté en 1936, sa femme reprit et continua l’étude, mais elle ne tarda pas non plus à se faire arrêter et condamner à trois ans de réclusion.

      Ce couple, nouvellement intéressé par la vérité et affamé de la Parole de Dieu, resta seul, ne possédant que l’adresse d’un frère habitant à quelque 400 kilomètres de là. La femme s’y rendit pour obtenir un exemplaire polycopié de La Tour de Garde et en prit quelques autres en supplément. Par la suite, quand elle se sentit plus forte, elle participa à la diffusion de ces périodiques dans de vastes territoires d’Allemagne, après l’arrestation de presque tous les frères connus. Le frère qui les contacta au début rapporte qu’après sa libération en 1945, il se rendit chez eux, mais leur maison avait été éventrée par une bombe et complètement brûlée. Il se renseigna donc et apprit que cette femme, qui avait coopéré avec tant de zèle, avait été poursuivie et arrêtée, ainsi que son mari. On les avait emmenés tous deux à la prison de la police de Munich, où le mari fut littéralement battu à mort à cause de sa position ferme, tandis que sa femme fut condamnée à mort et décapitée. Pour autant qu’on le sache, ces deux personnes fidèles n’avaient même pas eu l’occasion de symboliser l’offrande de leur personne à Jéhovah Dieu par le baptême d’eau. Toutefois, elles étaient animées du désir de servir Dieu et leurs semblables, au point même de donner leur vie pour cette œuvre.

      LES FRÈRES CONTINUENT À ÊTRE NOURRIS SPIRITUELLEMENT

      Le frère qui rapporta ce fait connut lui-​même de nombreux dangers en apportant des publications et de la nourriture spirituelle aux témoins de Jéhovah. Sa responsabilité consistait à subvenir aux besoins spirituels de toutes les congrégations de l’Allemagne du Sud. En 1935, il fut arrêté deux fois, puis relâché à la condition de se présenter aux autorités tous les deux jours. Entre ces visites, il voyageait souvent, parcourant de neuf cents à douze cents kilomètres en train, visitant un certain nombre de congrégations pour être de retour dans les quarante-huit heures et se présenter à la police. Voici ce qu’il dit:

      Je connus souvent des situations angoissantes, car à plusieurs reprises il me fallut fuir et changer immédiatement d’itinéraire, car j’étais suivi. Maintes fois j’échappai à l’arrestation comme par miracle. En une certaine occasion, je me trouvais déjà dans un immeuble, pris au piège comme un rat, car trois agents de police m’attendaient dans la maison; malgré cela je pus faire en sorte de leur échapper. Point n’est besoin de préciser qu’au cours de cette période, il ne m’a pratiquement pas été possible de dormir dans un lit; je dormais presque toujours dans les voitures de chemin de feri.

      Finalement, ce frère fut arrêté en secret, mais la mère d’un témoin de Jéhovah se trouvait justement dans la rue pour voir ce qui se passait. Ainsi, les efforts de la police pour faire “disparaître” ce frère et semer le doute et la confusion dans l’esprit de ses proches et de ses compagnons furent vains. À partir de son arrestation jusqu’à la fin de la guerre, on le transféra de camp en camp; il fut sans cesse interrogé et persécuté dans le but de lui faire révéler le nom d’autres frères. En une certaine occasion, la Gestapo du sud-ouest de l’Allemagne l’interrogea et alla même jusqu’à lui interdire de changer de linge de corps pendant quatre mois et demi. Maintes fois on prit des dispositions pour “se débarrasser” de lui, mais il y eut des contrordres à la dernière minute. Pendant presque cinq ans, il n’eut pratiquement aucun contact avec les témoins; en outre, on lui avait retiré sa Bible, afin de le briser, mais son intégrité ne faillit pas.

      Pourvoir à la nourriture spirituelle des frères était une phase difficile mais essentielle de l’activité clandestine des témoins. On faisait parvenir à la frontière un ou deux exemplaires à la fois de La Tour de Garde, que le responsable de l’organisation clandestine envoyait, par l’intermédiaire de messagers dignes de confiance, dans différents endroits équipés de machines à polycopier dissimulées soit dans des caves, soit dans des chambres mansardées ou encore dans des pièces spécialement aménagées et difficiles à découvrir. Plusieurs frères d’Allemagne accusés d’avoir préparé La Tour de Garde pour la diffuser furent condamnés à mort et exécutés.

      En dépit du caractère clandestin de leur œuvre, les frères étaient bien organisés. Nous en avons pour preuve la diffusion de la résolution adoptée lors d’un congrès tenu à Lucerne, en Suisse, au mois de septembre 1936. Environ 2 500 témoins de Jéhovah venus d’Allemagne purent assister à ce congrès, et la résolution que les congressistes adoptèrent en cette occasion fut diffusée dans toutes les grandes villes d’Allemagne, le 12 décembre 1936. Chaque proclamateur reçut un paquet contenant une vingtaine d’exemplaires à répandre dans une certaine partie du territoire qui lui était assignée. Après avoir glissé le feuillet sous la porte ou dans la boîte aux lettres (car il était interdit de le remettre en mains propres), le témoin s’en allait rapidement dans une rue voisine pour déposer un exemplaire de la résolution dans un autre foyer. Ainsi, en ce samedi du mois de décembre, on en diffusa 300 000 en l’espace de deux heures, entre cinq heures et sept heures du soir.

      Le frère responsable de l’activité clandestine en Allemagne à cette époque relata un fait intéressant à propos de la diffusion de cette résolution, fait qui lui a été rapporté par l’un des fonctionnaires qui l’avaient arrêté.

      La diffusion commença à 17 heures; quinze minutes plus tard, les autorités en étaient informées. Quinze autres minutes passèrent et la police de Berlin était sur pied. C’est alors qu’on enregistra des appels téléphoniques de Hambourg, de Munich, de Leipzig, de Dresde, de la Ruhr et de nombreuses villes. La campagne n’avait pas commencé depuis une heure que la police et les patrouilles de SS passaient toutes ces villes au peigne fin en vue d’arrêter les diffuseurs. Ils n’en prirent aucun. (...)

      La police visita minutieusement tous les pâtés de maisons et demanda à chaque habitant de lui remettre immédiatement le tract en question. Comme très peu de personnes l’avaient reçu et que la plupart d’entre elles n’étaient même pas au courant, les autorités eurent l’impression que tous les habitants s’étaient ligués contre elles pour se montrer solidaires à l’égard des Étudiants de la Bible et les protéger. Cette impression, compréhensible étant donné la mauvaise conscience du gouvernement et de son “bras puissant”, produisit un effet foudroyantj.

      APPORT DE “MUNITIONS” POUR LA PRÉDICATION

      Un frère d’Allemagne fut poursuivi par la police dans une grande partie du pays. Très souvent il fut sur le point de tomber entre ses mains, mais il réussit à lui échapper car aucun des agents ne connaissait sa physionomie. La tâche de ce frère consistait à réorganiser et à prendre soin des congrégations, afin de colmater les brèches causées par les arrestations constantes. Voici ce qu’il dit:

      Un jour, je transportai deux lourdes caisses contenant des livres Préparation, qui avaient été amenées à la frontière près de Trèves, à destination de Bonn et de Cassel. J’arrivai à Bonn tard dans la soirée, et par mesure de précaution, je déposai les caisses dans la cave du serviteur de congrégation. Le lendemain matin, à 5h.30, la sonnette retentit. Qui était-​ce? C’était la Gestapo et les SS qui venaient perquisitionner. Le [serviteur de congrégation] (...) frappa à la porte de ma chambre pour me dire qu’il y avait des visiteurs. Comme il n’y avait aucun moyen de nous échapper, il ne nous restait qu’à attendre et voir ce qui allait se produire. Quand ces hommes arrivèrent dans ma chambre, ils me demandèrent ce que je faisais là; je leur répondis brièvement que je faisais une excursion sur le Rhin et désirais visiter le jardin botanique de Bonn. Ils vérifièrent mes papiers et me les rendirent en me regardant pensivement, puis ils dirent au [serviteur de congrégation] de se vêtir et de les suivre.

      Suivant ce que rapporta plus tard le [serviteur de congrégation], quand ils arrivèrent au poste de police, l’officier dit: “Il y avait quelqu’un d’autre; où est-​il?” “Nous ne l’avons pas amené.” “Comment, vous ne l’avez pas amené? Vous êtes des incapables!” “Devons-​nous aller le chercher?” “Le chercher? Pensez-​vous qu’il vous a attendus?” En vérité, je n’avais pas attendu et j’étais parti pour Cassel en emportant une des caisses.

      À Cassel, le serviteur de congrégation m’accueillit et me dit: “Tu ne peux rester ici; je t’en prie, va-​t’en immédiatement. Depuis une huitaine de jours, la Gestapo me rend visite tous les matins.” Nous décidâmes qu’il marcherait devant moi, me précédant d’une cinquantaine de mètres, afin de m’indiquer l’endroit où je pourrais déposer les publications. Nous n’avions pas parcouru deux cents mètres, à travers la magnifique Allée des Marronniers, que des agents de la Gestapo venaient à notre rencontre. Ils se moquèrent du surveillant avec mépris, mais ne l’arrêtèrent pas, et je pus observer la scène à cinquante mètres de là. Les publications étaient donc sauvéesk.

      Ce frère fut arrêté après avoir été trahi par un ancien témoin, et on le conduisit en voiture à Berlin. Au cours du voyage, qui dura entre trois et quatre heures, on le frappa constamment. Voici ce qu’il dit:

      J’étais presque assommé quand j’arrivai dans la cave de la Gestapo située dans la rue Prinz-Albrecht à Berlin. Là, l’interrogatoire se poursuivit encore pendant deux jours et demi, au cours desquels je subis de cruels sévices corporels. Un homme me questionnait, deux autres me maintenaient tandis qu’un quatrième me frappait sans cesse avec une matraque en caoutchouc. Cette torture se poursuivit sans discontinuer pendant les deux jours et demi. Puis ils m’apportèrent du papier à écrire sur lequel je devais tout confesser et trahir les frères qui travaillaient avec moi. Quand ils revinrent et lurent ma déclaration dans laquelle je disais que ma responsabilité était exclusivement engagée envers Jéhovah et que je ne citerais aucun nom, les persécutions reprirent. On me ramena dans ma cellule, mais je fus incapable de me reposer tellement je souffrais. Un autre interrogatoire suivit; cette fois, une boîte crânienne trônait sur la table. Ils me battirent comme des déments pendant deux heures, puis cessèrent brusquement et jetèrent sur la table placée devant moi une pile de documents d’une épaisseur de dix centimètres, en me disant que j’étais un idiot pour me laisser battre ainsi, alors qu’ils connaissaient déjà tout ce qui les intéressait. Je parcourus rapidement ces pages et fus étonné de voir tout ce qu’ils avaient appris au sujet de mon activité. (...) Les interrogatoires durèrent en tout quarante jours. On me transféra ensuite à Francfort-sur-le-Main où je comparus devant un tribunal spécial qui me condamna à cinq ans de prison, la peine maximum.

      Deux ans plus tard, le procureur général et un fonctionnaire de l’administration pénitentiaire vinrent me voir, dans le but de me faire changer d’avis et renoncer à ma foi. Si j’acceptais, je serais relâché. Leurs efforts furent vains. Furieux, ils me quittèrent sur ces paroles: “Il mérite qu’on lui fende la tête avec une hache.” À la fin de mes cinq années de prison, je ne pesais que 51 kilosl.

      Même si très souvent les frères se virent infliger des condamnations allant de deux à cinq ans de prison, cela ne signifie pas qu’ils furent relâchés à la fin de leur peine, particulièrement quand la guerre éclata. Berlin donna l’ordre de ne libérer aucun témoin de Jéhovah. Ainsi, on les envoya dans des camps de concentration ou d’extermination. Ce n’est que grâce à la puissance de Jéhovah qu’un si grand nombre d’entre eux en revinrent vivants.

      [Notes]

      a a Annuaire (angl.) 1946, pp. 176-178.

      b b Annuaire (angl.) 1928, p. 104.

      c c Annuaire (angl.) 1946, pp. 181, 182; wF 1946, p. 238.

      d d Annuaire (angl.) 1946, pp. 140, 141; wF 1946, p. 124.

      e e Croisade contre le Christianisme (Éditions Rieder, Paris, 1939), p. 55.

      f f Ibid., p. 25.

      g g Ibid., pp. 25, 26. Voir aussi L’Âge d’Or (angl.), Vol. XVII, 9 oct. 1935, p. 7.

      h h Annuaire (angl.) 1942, pp. 167, 168.

      i i D’après le fichier de la Société Tour de Garde.

      j j D’après le fichier de la Société Tour de Garde.

      k k D’après le fichier de la Société Tour de Garde.

      l l Ibid.

  • Les camps de concentration ne ferment pas les lèvres qui louent Dieu
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 24

      Les camps de concentration ne ferment pas les lèvres qui louent Dieu

      JEAN: Dès son arrivée dans un camp de concentration allemand, le prisonnier était “initié”, afin d’être rendu plus “docile”. Les témoins de Jéhovah faisaient l’objet d’une attention toute particulière. À partir de leur arrestation et pendant tout leur internement, les autorités tentaient de forcer les témoins à renoncer à leur foi en Jéhovah et à rompre tout contact avec les autres témoins de Jéhovah. Les officiers SS ainsi que les responsables des camps de concentration avaient préparé une déclaration qu’ils présentaient aux témoins pour qu’ils la signent en échange de leur liberté. Cette déclaration était ainsi conçue:

      Je reconnais que la Société internationale des Étudiants de la Bible répand une doctrine erronée, et que, sous prétexte d’activités religieuses, elle poursuit uniquement des buts dangereux pour l’État.

      C’est pourquoi je me suis détourné complètement de cette organisation et me suis entièrement affranchi de la doctrine de cette secte.

      Par la présente, je certifie que je n’exercerai plus jamais aucune activité sous les auspices de la Société internationale des Étudiants de la Bible.

      Je dénoncerai immédiatement à la police toute personne voulant me gagner à cette doctrine erronée, ou révélant d’autre façon qu’elle fait partie des Étudiants de la Bible. Je porterai au bureau de police le plus proche tous les écrits des Étudiants de la Bible qui me seraient envoyés.

      À l’avenir, je veux respecter les lois de l’État et m’unir entièrement à la communauté du peuple.

      On m’a fait savoir aussi que je dois m’attendre à être arrêté immédiatement, de nouveau, si j’agis contrairement à ma présente déclarationa.

      Point n’est besoin d’ajouter que très peu de témoins signèrent cette renonciation totale à leur attachement à l’organisation théocratique de Jéhovah.

      Voici comment un frère a décrit “l’accueil” typique qui lui a été réservé dans l’un des camps les plus infâmes, après qu’il eut achevé sa peine s’élevant à cinq ans de prison:

      Puis vinrent les journées d’interrogatoires menés par la Gestapo, interrogatoires au cours desquels on me piétina, on me cracha au visage et on me battit parce que je refusais de signer la déclaration suivant laquelle je renonçais à ma foi. Je fus ensuite transféré avec d’autres au camp d’extermination de Mauthausen, en Autriche. Là, des SS, baïonnette au canon, nous attendaient à la gare avec des chiens; nous montâmes au camp par colonnes, en passant par d’étroits sentiers. Les chiens étaient dressés à mordre constamment les mollets des prisonniers, afin de les faire crier. Devant le camp, on nous fit mettre en rang, et certains furent alors invités à sortir des rangs. On leur demanda le motif de leur arrestation, puis ils reçurent de tels coups de massue qu’ils s’écroulèrentb.

      C’est ainsi que sept frères reçurent trois fois vingt-cinq coups de verge d’acier en arrivant au camp de Neuengamme, près de Hambourg. Cette verge consistait en une tige d’acier recouverte de cuir, aussi la douleur qu’elle suscitait était-​elle beaucoup plus vive que celle causée par un nerf de bœuf. Voici ce qui nous a été rapporté:

      Dès leur arrivée, un officier SS cria: “Où sont les clowns du ciel?” Personne ne répondit. “Où sont les vers de la Bible?” Pas de réponse. “Alors, n’y a-​t-​il aucun témoin de Jéhovah parmi vous?” Les sept répondirent simultanément: “Ici!” Il s’approcha du premier (...). Caressant la tête chauve du prisonnier avec sa verge d’acier il demanda: “Combien de temps encore resterez-​vous un Étudiant de la Bible?” Le frère répondit: “Jusqu’à ma mort.” “Vous croyez ça!” Il fut le premier à recevoir vingt-cinq coups de verge d’acier. Puis ce fut au tour du second, du troisième et ainsi de suite jusqu’au dernier. L’officier SS revint alors au premier (...). “Et maintenant, êtes-​vous toujours témoin de Jéhovah?” “Oui, jusqu’à ma mort.” Pour la deuxième fois il reçut vingt-cinq coups de verge d’acier. Il en fut de même du deuxième, du troisième, du quatrième et jusqu’au septième. Pour la troisième fois l’officier SS s’approcha du [premier frère] et dit: “Alors, combien de temps encore serez-​vous témoin de Jéhovah?” Il est difficile de décrire les sentiments qu’éprouve un homme qu’on vient de traiter de la sorte; toutefois le frère répondit: “Jusqu’à ma mort.” Pour la troisième fois il reçut, ainsi que les autres, vingt-cinq coups de verge d’acierc.

      Très souvent, on complétait ces séances “d’initiation” avec d’autres tortures, selon ce que révèle le rapport suivant du même frère:

      On m’emmena ensuite au camp de concentration de Sachsenhausen, près de Berlin (...). Après l’accueil, il fallut rester plusieurs heures à genoux en faisant le salut des Saxons (les mains nouées sur la nuque). Au camp, on nous fit passer à la douche, ou plus exactement, à l’aide de tuyaux, on dirigea alternativement sur nous un jet d’eau chaude puis d’eau froide. Après la douche, il fallut faire du sport; bien entendu, il ne s’agissait pas de sport au vrai sens du terme. Le mot meurtre convient mieux, car nombre de prisonniers souffrant de troubles cardiaques restèrent étendus sur le sol, morts. Trois SS ordonnaient: “Debout, couchés, roulez!”, jusqu’à ce que nous vomissions; tout cela sur un sol couvert de scories. Imaginez-​vous en train de faire un tel sport pendant une heure et parfois plus, puis être obligé de rester debout pendant des heures pour l’appel, et cela par tous les temps et sans être autorisé à quitter les rangsd.

      INITIATION À LA ROUTINE DU CAMP

      En réalité, l’initiation à la routine du camp était de nature à torturer le plus possible, mais Jéhovah soutint les hommes fidèles qu’on essayait d’initier.

      Nous devions nous dévêtir entièrement en plein air et attendre pendant deux heures jusqu’à ce que les uns après les autres nous soyons appelés pour le bain. Là, on nous rasait la tête. Ceux que l’on soupçonnait d’être malades étaient marqués au charbon de bois: on leur dessinait sur la poitrine un cercle surmonté d’une croix, et on ne les revoyait plus. On devait ensuite entrer dans la chambre à gaz, qui servait également de douche. De tous côtés un vent glacial soufflait dans les ventilateurs pendant le temps où tous les prisonniers étaient examinés et rasés. Deux ou trois jours plus tard, on ouvrait les fenêtres par lesquelles on jetait deux paquets renfermant les vêtements des prisonniers. Chacun prenait ce qu’il trouvait, l’un un pantalon, l’autre un bonnet, le troisième une veste, et ainsi de suite. La même chose se répétait tous les jours pendant environ deux semaines, jusqu’à ce que chacun reçoive ce dont il avait besoin.

      Pendant ce temps, des prisonniers employés au bureau venaient nous voir, afin d’établir notre curriculum vitæ. La méthode employée montrait qu’on entrait dans ce camp pour mourir et non pour vivre. Par l’entremise de ces prisonniers travaillant au bureau, les autres frères apprirent que j’étais arrivé, et immédiatement deux d’entre eux me rendirent visite tour à tour dans la soirée et m’apportèrent des vêtements chauds et du pain. Durant la dernière semaine de quarantaine, on nous organisa en un commando de travailleurs. Ainsi, quelque 450 hommes se virent dans l’obligation de dormir dans une pièce si petite qu’il y avait une paillasse pour six, l’un dormant à la tête, l’autre aux pieds, etc. Notre paquet de vêtements et nos galoches servaient d’oreiller, car autrement on nous les aurait volés. Il nous semblait dormir dans un étau. C’est la chose la plus pénible que j’aie jamais dû supporter. En me levant le matin, je pensais au soir avec dégoût. Heureusement cela ne dura pas plus d’une semaine. Si des plaintes se faisaient entendre, le surveillant du baraquement passait en courant sur tous les corps étendus et, comme un dément, il frappait avec un nerf de bœuf à l’endroit d’où avait jailli la plainte, sans se soucier si c’était le coupable ou non qui recevait les coups.

      En compagnie de 2 000 hommes environ, je fus envoyé dans un petit camp à l’extérieur. Il paraît que vingt et un camps de ce genre dépendaient de Mauthausen. Ce camp était situé à Grossramming, où nous devions construire des rues. Je perdais journellement du poids, et après trois mois j’étais complètement épuisé; j’avais de l’eau dans les jambes, premier signe annonçant la fin prochaine. Chaque jour des prisonniers mouraient par suite de sous-alimentation ou simplement d’épuisement. Il était interdit de se reposer, ne serait-​ce qu’une minute, pendant le travail. Pour nous diriger, les SS avaient nommé des caporaux parmi les criminels professionnels et d’autres canailles. Ceux-ci criaient sans cesse: “Activez! Activez!” On nous réveillait le matin à 4 h 30; nous devions ensuite nous laver ensemble et après que les lits étaient “faits” et les pièces nettoyées, nous n’étions pas autorisés à retourner au baraquement. Si le lit n’était pas “fait” selon les règles, le délinquant pouvait s’attendre à recevoir vingt-cinq coups de nerf de bœuf ou à être battu jusqu’au sang. Vers 6 heures, on nous donnait du café noir; s’il restait un morceau de pain de la veille au soir, on l’émiettait dans le café. Et ensuite, en route pour le travail! Pour nous y rendre, il y avait une demi-heure de marche. Notre tâche consistait à faire du terrassement ou à casser des pierres. À midi, nous recevions un quart de soupe au rutabaga et un peu de viande de cheval ou de saucisse. Avec le café noir qu’on nous servait le matin, voilà tout ce que nous mangions dans la journée, c’est-à-dire de 4 h 30 du matin à 21 heures; en outre, la plupart du temps nous devions absorber cette nourriture debout. À 18 heures, nous reprenions la route du camp en transportant ceux qui étaient morts dans la journée et les autres qui étaient épuisés. J’ai souvent pensé à ces paroles de Job: “Là se reposent ceux qui sont fatigués et sans force; les captifs sont tous en paix, ils n’entendent pas la voix de l’oppresseur.” (Job 3:17, 18). Tous les autres prisonniers devaient porter une lourde pierre et l’amener au camp, jusqu’à ce que l’emplacement où se faisait l’appel en fût complètement entouré.

      J’aimerais aussi décrire une séance d’épouillage, car j’en ai connu plusieurs. On nous examinait toutes les deux semaines; si les poux devenaient trop nombreux, on désinfectait le baraquement. En plein cœur de l’hiver, par une température au-dessous de zéro, tous les prisonniers devaient se déshabiller et laisser leurs vêtements dans le baraquement. Puis, on bouchait portes et fenêtres et les prisonniers devaient marcher dans la neige entièrement nus, pour monter aux douches. Là, chacun était arrosé d’un certain acide brûlant comme le feu. Il fallait ensuite sauter dans une grande cuve contenant environ 500 litres d’eau froide, et s’y tremper deux fois, après quoi les brûlures cessaient. On s’essuyait un tout petit peu et on parcourait quelque trois cents mètres, entièrement nus, jusqu’à un autre baraquement rempli de paille et légèrement chauffé. Nous attendions alors que nos baraques soient aérées. En raison de notre sous-alimentation, des prisonniers mouraient après chacun de ces épouillagese.

      AIDÉS PAR JÉHOVAH

      Affamés comme ils l’étaient, ces fidèles serviteurs de Dieu voyaient leur résistance s’affaiblir, mais ils savaient d’où venait leur force. Voici ce que déclara l’un d’eux:

      Manquant si souvent de nourriture et étant chaque jour astreints à un dur labeur, nous voyions nos forces physiques s’amenuiser à vue d’œil. Mon état était tel que je parvenais à peine à bouger mon squelette. Deux frères me tenaient sous les bras pour rentrer au camp. Il m’arrivait fréquemment d’avaler une poignée de sable, pour que mon estomac ait quelque chose à brasser. D’ailleurs, c’est ce que faisaient aussi les autres frères. Ainsi, nous faisions tout notre possible pour rester en vie et prouver que Satan et ses SS étaient menteurs, car ceux-ci nous disaient souvent: “Où est votre Jéhovah? Qu’il vous vienne en aide!” Je dois dire qu’il nous a merveilleusement aidés. Néanmoins, notre plus cher désir était de manger une fois à notre faim. Celui qui n’a jamais souffert de la faim ne peut se rendre compte de ce que c’est, mais personne n’aurait pu survivre avec une ration de 300 grammes de pain par jour et le midi une soupe de rutabagas, pratiquement sans matières grasses, si Jéhovah n’avait accordé sa bénédiction. En outre, comme les SS servaient plusieurs fois par semaine une tranche de saucisse renfermant du sang, ce que nous refusions, nous étions privés de repas. Mais Jésus n’a-​t-​il pas dit: “Il est écrit: ‘L’homme doit vivre, non seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Jéhovah.’” J’ai pleinement apprécié ces paroles; en vérité, c’était la nourriture spirituelle qui nous maintenait en vie. Quel avantage pour celui qui avait diligemment étudié les Écritures auparavant! Il pouvait alors puiser dans cette réserve. (...) Je reconnais que c’est la nourriture spirituelle qui m’a aidé à surmonter cet affreux sentiment qu’est la faim, et les autres frères sont là pour confirmer cette déclarationf.

      Le rapport suivant, émanant d’un de ces frères, apporte une preuve supplémentaire quant à la haine dont faisaient l’objet les témoins de Jéhovah:

      Évidemment, la direction du camp nous punissait pour notre prise de position ferme. Ainsi, pendant des années, il nous fut interdit d’acheter de la nourriture, bien que l’en-tête du papier à lettre portât la mention: “On peut tout acheter au camp.” Quelle ironie! Oui, les prisonniers politiques, les criminels professionnels, les paresseux et les hommes corrompus moralement pouvaient acheter tout ce qui se vendait dans le camp: pain, jambon, et autres choses; ils étaient même autorisés à lire les journaux.

      La correspondance normale de deux lettres de quatre pages par personne et par mois nous était également refusée. Nous n’avions le droit d’envoyer qu’une seule “lettre” de cinq lignes par mois, laquelle portait un cachet ainsi conçu: “Le prisonnier est plus que jamais un étudiant obstiné de la Bible, et il refuse de renoncer à l’hérésie des Étudiants de la Bible. Pour cette raison, il a purement et simplement été privé de l’échange de lettres normalement permis.” Ce cachet, qui figurait également sur les lettres venant de nos sœurs, était pour nous une preuve que l’expéditeur de la lettre était resté fidèle et étroitement attaché à l’organisation. En fait, ce n’était pas le contenu de la lettre qui nous intéressait le plus, — car que peut-​on dire en cinq lignes? — mais le cachet nous procurait toujours de la joieg.

      LES FEMMES TÉMOINS ENDURENT

      Même les femmes témoins n’étaient pas à l’abri des traitements inhumains infligés par les “surhommes” du troisième Reich. Certains camps de femmes étaient tout aussi célèbres que ceux des hommes.

      Les événements qui se sont déroulés au camp de femmes de Ravensbrück révèlent les pratiques viles employées par les troupes catholiques des SS contre les témoins de Jéhovah. Dans ce seul camp de femmes, il y avait 50 Polonaises dans la vérité, 15 Ukrainiennes, 10 Tchèques, 10 Hongroises, 25 Hollandaises, 2 Belges, 500 Allemandes et 300 jeunes Jonadabs russes qui connurent la vérité dans le camp même. Ici, près de mille femmes chrétiennes subirent les tortures d’un “purgatoire” catholique. (...) L’appel était fait à cinq heures du matin. (...) Pendant la journée, ces femmes étaient obligées d’accomplir un travail pénible: creuser des fondations pour les bâtiments, construire des routes, transporter du charbon, manipuler des malles et des caisses pesantes dans le service des bagages, monter des baraquements et accomplir bien d’autres besognes trop dures pour des gens sous-alimentés, insuffisamment vêtus et maltraités. Pour avoir refusé de faire des caisses de munitions, 495 femmes témoins de Jéhovah furent condamnées à huit semaines de cachot noir, ce qui voulait dire être enfermées dans une cellule sans fenêtresh.

      Les tourments physiques infligés par les gardes et les autres prisonniers n’étaient pas tout ce que les fidèles témoins devaient supporter. L’état indescriptible des camps eux-​mêmes est faiblement dépeint dans le rapport suivant établi par une femme témoin, sortie vivante d’Auschwitz:

      Après avoir passé trois mois dans le camp de Ravensbrück, j’arrivai à Auschwitz en juin 1942, avec une centaine d’autres sœurs. Notre voyage en train avait duré deux jours. Nos vêtements étaient en lambeaux et aux pieds nous avions des chaussures en bois. Tout le camp était infesté de poux et le fléau de puces était indescriptible.

      Si quelqu’un était malade, on l’envoyait immédiatement à Berkenau. Là, c’était terrible. Quand un prisonnier mourait, un malade était de suite transféré dans le même lit. Il y avait des poux et des excréments partout. Le service était assuré par des prisonniers peu sûrs, lesquels avaient également la charge d’appliquer les traitements. Ce camp était qualifié d’“extermination”, en raison des milliers et des milliers de personnes qui y moururent. On jetait les enfants juifs tout vivants dans le feu. Les Juifs devaient conduire eux-​mêmes leurs femmes et leurs enfants à la chambre à gaz. Pendant six semaines il leur fallait creuser une fosse immense, dans laquelle bien souvent ils devaient jeter leurs femmes qui, la plupart du temps, avaient seulement perdu connaissance. Ensuite tout était brûlé. Les hommes qui creusaient la fosse savaient qu’au terme des six semaines ce serait leur tour. Le feu entretenu dans la fosse brûlait nuit et jour. Il y avait en outre cinq fours crématoires à Auschwitz.

      Toutefois, on considérait que mourir du typhus ou s’envoler en “fumée” était une mort bien plus supportable que de se voir mangé par les rats. Rien que d’y penser nous en avons la chair de poule; pourtant certains témoins de Jéhovah moururent littéralement rongés par les rats, car ils étaient trop faibles pour se défendre contre eux. Le pis, c’est que ces témoins mangés vivants par les rats étaient de pauvres femmes sans défense. La torture et la faim les avaient à ce point affaiblies, qu’elles étaient incapables de se défendre elles-​mêmes contre cet horrible ennemi qu’est le rati.

      VEILLANT AUX INTÉRÊTS LES UNS DES AUTRES

      Même dans les camps de concentration, les témoins de Jéhovah furent vite reconnus comme étant dignes d’occuper des postes de confiance, en raison de leur ferme attachement aux principes justes, comme cela est exigé du chrétien.

      Dans le camp les T. J. (Témoins de Jéhovah) étaient réputés comme excellents travailleurs parfaitement consciencieux et d’une honnêteté à toute épreuve. Le commandant et les autres chefs ne se faisaient raser que par l’un d’eux, étant certains que celui-là n’aurait même pas la pensée de profiter d’une si belle occasion de leur couper la gorge. Ils savaient aussi qu’avec eux leur situation ne serait pas compromise. Aussi, pendant les travaux hors du camp, mettaient-​ils des Témoins de Jéhovah aux endroits où l’évasion était possible. Presque tous les T. J. avaient largement l’occasion d’expliquer aux détenus le message divin. Tous, y compris les surveillants et le commandant, n’ignoraient rien de leurs doctrines et de leurs espérancesj.

      Les frères ne voulaient en aucun cas trahir la confiance dont on les avait jugés dignes, en dépit du fait que leurs gardes se conduisaient comme des monstres à leur égard. Voici un fait qui illustre bien ce point:

      Le 22 février 1943, on nous fit monter dans des wagons de marchandises à destination de St-Malo, en France, via la Hollande et la Belgique. Un fait remarquable se produisit dans le courant de la journée, un frère hollandais en étant le protagoniste. Il avait été désigné pour répartir la nourriture dans les wagons, quand le train s’arrêtait. Soudain le train se mit en marche et le frère fut incapable de le rattraper. Il se trouvait donc tout seul en Hollande, non loin de chez lui! Qu’allait-​il faire? Fuir? Qu’arriverait-​il aux frères dans le train quand les SS s’apercevraient que l’un des Étudiants de la Bible avait fui? Il décida alors de suivre le train. Il arriva à un poste d’aiguillage où on lui donna d’abord un bon repas, puis on le conduisit par draisine jusqu’au train, dans lequel il monta à l’arrêt suivant. Les SS ne s’étaient pas rendu compte de son absence. C’était là un bon témoignage, et son attitude affermit la position de tous les autres frères. Après une halte de quelques jours à St-Malo, on nous fit embarquer dans des bateaux en vue de gagner Aurigny, une des îles anglo-normandesk.

      Malgré le traitement presque insupportable que subissaient les témoins de Jéhovah dans des camps comme Buchenwald, Ravensbrück, Sachsenhausen, Dachau, Belsen et d’autres encore, ces camps devinrent en fait des lieux d’assemblées internationales réunissant des témoins de Jéhovah allemands et des captifs venus de Russie, de Pologne, de Tchécoslovaquie, de Hollande, de Belgique, de France, de Norvège et d’autres pays. Les frères allemands n’avaient pas tardé à porter à un niveau élevé le système des communications d’ordre spirituel, par l’entremise de La Tour de Garde, qu’ils introduisaient dans le camp en fraude et faisaient circuler de main en main. Ces frères étaient réellement en mesure d’aider avec amour leurs compagnons non allemands, retenus dans les camps et les prisons. Ces relations familiales entretenues par des témoins de toutes nationalités qui souffraient ensemble les maintinrent spirituellement éveillés quant à leurs privilèges de service à l’intérieur des camps, et les aidèrent à s’organiser en vue d’étendre leurs activités théocratiques quand viendrait le jour de la délivrance.

      Au cours de leur détention, les frères étaient très étroitement liés et faisaient tout leur possible pour améliorer la condition des uns et des autres et pourvoir à la nourriture spirituelle de chacun. En voici un exemple:

      Au début de l’année 1943, une sœur venant de Ravensbrück arriva au camp de Buchenwald, afin de s’occuper d’une princesse étrangère emprisonnée, la princesse Mafalda, deuxième fille du roi Victor Emmanuel III. Nous savions que notre sœur était dépourvue de nourriture spirituelle. J’eus alors la possibilité de parvenir aux postes de garde, spécialement prévus pour surveiller les prisonniers dits de marque, et de persuader une sentinelle de me laisser voir ces deux femmes chaque semaine, contre la somme de 50 marks, que je réunissais grâce à une collecte parmi les frères. J’avais aussi besoin d’un permis spécial m’autorisant à travailler en cet endroit; toutefois, en ma qualité d’électricien, je l’obtins en cachette. Il nous fut ainsi possible de prendre soin de cette sœur et de rendre témoignage à la princesse.

      Le 24 août 1944, notre camp fut bombardé par les avions alliés. L’objectif était l’usine d’armement DAW dont le personnel se composait de prisonniers. Cette attaque coûta la vie à de nombreux prisonniers et SS. En tant que témoins, nous avons vécu des heures d’angoisse en pensant à notre sœur qui logeait près de l’usine. Nous avons appris par la suite qu’elle avait été emmenée dans une tranchée ainsi que la princesse et d’autres officiers prisonniers sous la garde des SS. Très près de là tomba l’une des 600 bombes qui furent larguées en cette journée, si bien que la tranchée fut entièrement recouverte. Pas un n’en réchappa à l’exception de notre sœur, que nous avons retirée de la tranchée saine et sauve. Elle avait été merveilleusement protégée. Nous avons pleuré, tant notre émotion était vive, et nous avons remercié Jéhovah. Dans nos rangs, il n’y eut que deux morts et douze blessésl.

      LA PRÉDICATION EST ORGANISÉE AU SEIN DE LA PRISON

      Les frères étaient également prompts à saisir toutes les occasions pour répandre la bonne nouvelle dans les camps de concentration. À mesure qu’ils recevaient de la nourriture spirituelle, ils étaient heureux de la communiquer à leurs compagnons de détention. Lisez ce qui nous a été rapporté:

      Comme de nouveaux frères arrivaient de temps à autre dans le camp, ils apportaient de nouvelles pensées qu’ils avaient puisées ailleurs, dans les numéros de La Tour de Garde. Cela nous permettait d’être à jour avec la vérité. Quand la nourriture spirituelle nous a manqué, nous avons imploré Jéhovah de pourvoir à de nouvelles connaissances, et le lendemain matin un autre frère se trouvait devant la porte. Il avait une jambe de bois, et dans cette jambe il avait caché les deux exemplaires de La Tour de Garde du 15 décembre 1938 et du 1er janvier 1939 qui contenaient les articles “Remplissez la terre”. Quelle joie! Maintenant, nous qui étions dans l’isolement, nous allions commencer l’étude régulière de La Tour de Garde. Cela dura jusqu’au jour où nous avons été surpris. On cessa alors de nous isoler et on nous dispersa dans tous les autres baraquements de ce grand camp. Qu’en résulta-​t-​il? Nous avons pu faire connaître aux autres prisonniers du camp ce que nous avions appris.

      L’œuvre de témoignage fut rapidement organisée. Chacun avait assez de travail à faire. Nous établissions régulièrement le rapport de notre activité. Bientôt il y eut des baptêmes. On célébra même la Commémoration avec les emblèmes. Tout ceci se passait au camp de concentration de Sachsenhausen, près de Berlin. Mais Satan aussi veillait; il changeait parfois de tactique. C’est ainsi qu’on nous confia des postes de responsabilité. Je fus transféré à l’atelier de confection, et le SS qui m’avait tourmenté au début, mais qui avait quelques années de plus maintenant, me prit comme adjoint. Il dit qu’il appréciait ma fermeté.

      Comme je me trouvais avec un frère polonais dans un baraquement où il n’y avait que des Polonais, ce frère devint mon interprète auprès d’eux. Le soir, nous prononcions des discours que nombre de jeunes Russes écoutaient; d’ailleurs, ces derniers demandèrent ensuite à être baptisés. Je préparais mes discours dans l’atelier de confection où j’avais des numéros de La Tour de Garde qui me servaient de référence. Ces exemplaires étaient cachés dans une petite pièce sans fenêtres. J’avais demandé à frère S___ de faire le guet et de me prévenir dans le cas où un SS arriverait.

      Eh bien, alors que j’étais plongé dans l’étude, la porte s’ouvrit brusquement, livrant passage à l’Obersturmführer. Je l’entends encore me dire: “Cette bande est enfermée depuis des années et maintenant elle est plus active ici qu’au dehors. Qui vous a remis La Tour de Garde?” — “C’est un frère hollandais décédé.” La petite pièce fut mise sens dessus dessous, mais les SS ne découvrirent pas tout ce qui s’y trouvait, ma Bible par exemple. Je dus suivre l’Obersturmführer dans le baraquement disciplinaire, qui était également dénommé le “bloc de la mort”. Il me dit: “Maintenant vous allez vous envoler en fumée vers Jéhovah; c’en est fini de votre propagande!” Il donna l’ordre de me surveiller étroitement. Mais je ne devais pas rester seul. Bientôt [trois autres frères] vinrent me rejoindre. Nous nous encouragions mutuellement, car la fin de notre captivité arrivait à grands pas du fait que les armées russes n’étaient pas loin. Environ deux semaines avant que le camp tout entier ne fût évacué, on nous libéra du bloc de la mort. Nous en étions reconnaissants envers Jéhovah; il nous avait accordé le privilège de faire également connaissance avec cet endroit. Il y avait toujours foule dans ce baraquement. Les conditions d’hygiène étaient lamentables, les poux et les punaises fourmillaient, mais là aussi le témoignage avait été donné, car c’était la véritable raison de notre présence en ce lieu.

      Évidemment, nous étions heureux de quitter ce bloc vivantsa.

      Le rapport de l’activité déployée à l’intérieur de ces camps constitue un encouragement pour tous ceux qui désirent que la bonne nouvelle atteigne les personnes bien disposées en dépit des circonstances.

      Les camps de concentration ont failli lamentablement dans leurs efforts visant à briser l’intégrité des témoins, en voulant leur faire signer une déclaration selon laquelle ils renonçaient à leur foi; en outre, ils n’ont pu réussir à fermer les lèvres de ceux qui s’étaient voués à chanter les louanges de Dieu et de son Royaume. Différents rapports font état de l’œuvre de témoignage accomplie dans les camps, et l’un d’entre eux, relatif au camp de Buchenwald, nous informe que les périodiques La Tour de Garde étaient même reproduits à l’intérieur de ce camp. Des gardes SS ont même abandonné le nazisme pour se vouer à Jéhovah Dieu, et ont par suite enduré la persécution en compagnie de leurs anciennes victimes, les témoins de Jéhovah. Le rapport suivant provient d’Allemands réfugiés en Suède, et il est daté du 9 juin 1945:

      D’après les témoignages concordants de codétenus, les témoins de Jéhovah enduraient les plus sévères traitements dans les camps. Voici ce qu’écrivit l’un de ces témoins venant des Flandres (en Belgique): “Seuls le ferme désir de vivre, l’espérance et la confiance en Jéhovah, le Tout-Puissant, ainsi que l’amour de la Théocratie, nous permirent d’endurer toutes ces choses et de sortir victorieux. — Romains 8:37.”

      Au camp de concentration de Neuengamme, près de Hambourg, une offensive secrète et bien préparée fut lancée en 1943. On fit des livres, on rédigea des cartes de témoignage en différentes langues et des troupes de choc spéciales entreprirent cette campagne de témoignage auprès des détenus du camp. D’autres intervinrent dans la lutte en faisant de nouvelles visites, en dirigeant des études de livre et en faisant des conférences, dont quelques-unes furent traduites par un interprète pour les personnes de langues russe et polonaise.

      Cette prédication puissante et organisée souleva évidemment la colère des ennemis; toutefois, les mesures prises pour lutter contre ce fléau n’aboutirent à rien. Néanmoins, vers la fin de l’année, un ordre vint de Berlin, selon lequel les témoins de Jéhovah devaient être répartis dans tous les baraquements; il ne fallait pas leur permettre de rester ensemble dans la même baraque. Au lieu d’entraver l’œuvre, cette disposition facilita les contacts avec les autres prisonniers. Ainsi, chaque bloc fut visité à fond, et les personnes bien disposées reçurent régulièrement l’enseignement dont elles avaient besoin. Des périodes spéciales de témoignage furent organisées, ce qui augmenta les heures passées dans le service pour la Théocratie, ainsi que les occasions de prêcher. Quelques personnes bien disposées commencèrent à prendre part à la prédication. (...)

      LA PRÉDICATION FIDÈLE PRODUIT DU FRUIT

      Dans ce camp, les témoins de Jéhovah publiaient régulièrement un journal intitulé Nouvelles du Royaume de Dieu. Entre autres choses, celui-ci rapportait les progrès de l’œuvre en Hollande, en Belgique, en France, en Suisse, en Angleterre, etc. (...)

      Quand les témoins enduraient une persécution spéciale, il en résultait un accroissement du témoignage et de nouvelles conquêtes pour la Théocratie. Dans un certain camp, les autorités essayèrent de forcer les témoins à travailler pour l’armée, mais leurs efforts furent vains. L’un d’entre eux fut cependant fusillé. Quand les autres prisonniers du camp virent son courage et la joie avec laquelle il fit un signe d’adieu à ses amis, ils furent si impressionnés que dix détenus prirent position pour Jéhovah. (...) Dans ce même camp, un total de 300 prisonniers embrassèrent la vérité, dont 227 jeunes Russesb.

      Un exemple tragique de cette proclamation orale fut donné un jour où les autorités de la prison avaient obligé un frère à se tenir debout contre un mur, devant le camp rassemblé. Les autorités lui dirent que s’il ne cessait pas ce qu’elles appelaient sa “propagande” concernant le Royaume de Dieu, il serait fusillé. On lui remit ensuite un micro pour qu’il annonce au camp qu’il était résolu à observer cette règle. Le frère était placé le dos au mur, face à un peloton d’exécution. Les 40 000 prisonniers étaient attentifs au moment décisif où il prit le micro dans la main et commença à parler. Allait-​il faire un compromis? Certainement pas! Il était avant tout témoin de Jéhovah, aussi profita-​t-​il de cette occasion pour témoigner concernant le Royaume des cieux. Certes, il fut fusillé de sang froid, mais le rapport s’achève par ces mots: “Malgré cela, les frères continuèrent de prêcher, si bien que nombre de jeunes Russes acceptèrent la vérité et symbolisèrent l’offrande de leur personne par le baptêmec.”

      De nombreux autres rapports parlent également de prisonniers qui ont embrassé la vérité. Par exemple, dans le camp de Ravensbrück 300 Russes et Ukrainiens prirent position pour le Royaume de Jéhovah. La prédication incessante ainsi que l’enseignement dispensé produisirent une grande moisson parmi ces malheureux détenus dans les camps de concentration. Des hommes et des femmes se vouèrent à Jéhovah Dieu pour faire sa volonté et symbolisèrent l’offrande de leur personne par le baptême d’eau. Dans un camp, un tonneau d’eau était même réservé à cet effet. Voici ce que révèle un rapport:

      Grâce à la prédication active dans le camp, nous trouvions un nombre sans cesse croissant de personnes bien disposées, et beaucoup d’entre elles exprimèrent leur désir de se faire baptiser. Jéhovah bénit nos efforts et exauça nos prières, si bien que même dans notre baraquement disciplinaire, nous avons eu le privilège d’organiser deux services de baptême, pour un nombre de 26 baptisées, la plupart d’entre elles étant des jeunes filles russes. Au cours de notre détention dans le camp, nous avons baptisé en tout 70 personnes bien disposéesd.

      Parfois ces nouveaux prirent position dans des circonstances tragiques. Un matin, par exemple, lors du rassemblement, on ordonna à tous les témoins de Jéhovah d’avancer de quelques pas, en vue d’une inspection spéciale. Le rapport poursuit en ces termes:

      Or, un jeune garçon de dix-neuf ans, qui avait tout récemment entendu le message, sortit des rangs de la division à laquelle il appartenait, et prit place parmi les témoins de Jéhovah. On l’amena alors devant le commandant du camp, qui le menaça de 25 coups. Le garçon répondit: “J’ai pris aujourd’hui position pour Jéhovah, et je ne changerai pas, même si vous me donniez 25 coups ou que vous preniez ma vie.” Alors le commandant hurla: “Apportez-​moi une barre de fer! Dans dix minutes il ne sera plus témoin de Jéhovah!” Le jeune frère supporta cette torture, et par la suite il fut l’un des proclamateurs les plus zélése.

      Obéissant au commandement de Jésus prescrivant de célébrer la commémoration de sa mort, même dans les camps de concentration les témoins de Jéhovah se réunirent le jour anniversaire de cette date.

      Il avait été dit à chacun de se trouver dans la buanderie à 23 heures. À 23 heures précises nous étions réunis à 105. Nous nous tenions tout près les uns des autres en formant un cercle. Au milieu, il y avait un tabouret recouvert d’un linge blanc sur lequel avaient été placés les emblèmes. Une bougie éclairait la pièce, car la lumière électrique nous aurait trahis. Nous pensions aux premiers chrétiens dans les catacombes. C’était une fête solennelle. Tous ensemble nous avons renouvelé notre vœu fervent, fait à notre Père, d’employer nos forces à la justification de son saint nom, de rester fidèlement attachés à la Théocratie et de présenter volontairement nos corps en sacrifice vivant, agréable à Dieuf.

      La Commémoration fut également célébrée à Ravensbrück. En 1945, même les sœurs internées dans ce camp participèrent à la Commémoration. Elles rapportèrent une assistance de 163 personnes, 109 d’entre elles ayant pris les emblèmes. Même les détenues du baraquement disciplinaire purent y participerg.

      LE MONDE A LES YEUX TOURNÉS VERS LES TÉMOINS

      Les mauvais traitements infligés aux témoins de Jéhovah dans ces camps de concentration et le ferme attachement à leur foi manifesté par ces fidèles serviteurs de Dieu ont été reconnus dans le monde entier. Le livre Croisade contre le Christianisme, dont nous avons tiré quelques-uns de nos récits, relate les persécutions subies par les témoins de Jéhovah pendant les cinq premières années de la domination nazie. Ce livre a été publié en 1938 par l’Europa-Verlag, à Zurich, en Suisse, et en 1939 par les éditions Rieder, à Paris. Dans une lettre datée du 2 août 1938, adressée à la filiale de la Société Tour de Garde à Berne, en Suisse, feu le docteur Thomas Mann, de renommée mondiale, dit entre autres:

      C’est avec la plus vive émotion que j’ai lu votre livre si riche en documents effroyables, et je ne puis décrire le mélange de mépris et d’horreur qui m’a saisi en feuilletant ces témoignages d’une bassesse humaine inégalable et d’une cruauté sans nom. La langue est incapable de décrire l’abjection de la mentalité révélée par ces pages qui nous content les souffrances horribles d’innocentes victimes fermement attachées à leur foih.

      Commentant également ce livre, l’auteur français bien connu Madame Geneviève Tabouis, dans une lettre datée du 28 octobre 1938, déclara entre autres:

      Nous subissons l’invasion des barbares comme au IVe siècle. Mais, l’armée d’Attila n’était rien en comparaison des apôtres du nazisme et du fascisme. Néanmoins, “la foi qui transporte des montagnes” l’emportera encore sur les Barbares du XXe siècle. La question ne se pose même pas. Ceux qui, aujourd’hui, sont martyrisés au nom de la foi lui rendent, en souffrant, certainement plus de services que n’en peut rendre un général à la tête de son armée.

      Nous vous sommes reconnaissants, Monsieur, de votre publication. Elle nous laisse partagés entre l’horreur des persécutions commises et l’admiration pour ceux qui les subissenti.

      Le pasteur T. Bruppacher, ministre protestant suisse, déclara avec juste raison:

      Alors que la chrétienté officielle manifeste un intérêt bienveillant pour la lutte des Églises allemandes, une troupe modeste se tient debout et souffre au premier chef. Tandis que des hommes se disant chrétiens ont échoué dans l’épreuve décisive, ces témoins de Jéhovah, inconnus comme martyrs chrétiens, maintiennent inébranlablement leur position contre la coercition de conscience et l’idolâtrie païenne. Le futur historien de l’Église devra reconnaître un jour que ce ne sont pas les grandes Églises, mais ces hommes calomniés et ridiculisés qui osèrent les premiers s’élever contre le démon nazi et résister à sa fureur, conformément à leur foi. Ils souffrent et saignent, parce qu’en leur qualité de témoins de Jéhovah et de candidats au Royaume de Christ, ils refusent d’adorer Hitler et de porter la croix gammée. Ces chrétiens particuliers sont estimés dignes de souffrir pour la cause de son Nom, et humblement, ils ont prouvé qu’ils savent vraiment comment défendre leur glorieux titre de témoins de Jéhovah! Celui qui, en toute sincérité, se laissera convaincre par ces documents, verra les Étudiants de la Bible tant calomniés sous un jour nouveau. Il ne les jugera plus hâtivement selon sa propre justicej.

      Voici ce que disait le périodique de langue allemande Argentinisches Tagblatt de Buenos Aires, en date du 6 février 1938, concernant les témoins de Jéhovah du camp de concentration de Dachau:

      Ils supportent tous les châtiments avec stoïcisme et continuent même de travailler avec succès à la cause de leurs compagnons de misèrek.

      Monsieur B. Stuart déclara dans le Daily News de Natal, province de la République sud-africaine, du 15 juillet 1939:

      Il est de notoriété publique que les “Bibelforschers” [Étudiants de la Bible ou témoins de Jéhovah] constituent le seul obstacle pour le vieux Reich, obstacle qu’Hitler n’est pas parvenu à balayer de sa route. (...) Telle une lampe qui ne vacille pas, ce petit groupe de chrétiens, hommes et femmes, reste fermement attaché à sa foi; c’est un sujet continuel d’irritation pour le Monarque de Munich et un témoignage vivant de sa mortalitél.

      Jean Fontenoy, journaliste français, fut autorisé à visiter le camp de concentration d’Oranienbourg. Un long rapport parut dans le “Journal” et des extraits de celui-ci furent publiés dans le journal suisse St-Galler Tagblatt. Ce journaliste rapporte tout d’abord comment le commandant du camp lui a décrit les témoins de Jéhovah, et il poursuit en ces termes:

      Cette discussion m’avait donné matière à réflexion; aussi plus tard, à midi, je suis revenu sur le thème des Étudiants de la Bible, disant: “Vous avez dans ce camp 450 Étudiants de la Bible, mais leur place est-​elle vraiment ici? La plupart d’entre eux sont de bonnes gens qui ne représentent aucun danger; à mes yeux ils paraissent être des saints, et en tout cas absolument inoffensifs.”

      Un fonctionnaire de Berlin qui accompagnait le groupe dans le camp spécifia qu’il était difficile de trouver en Allemagne les imprimeries clandestines d’où sortaient encore les publications des Étudiants de la Bible. On ne trouve sur les témoins ni noms ni adresses, et ils ne se trahissent pas les uns les autres. Quand on en eut arrêté 250 à Hambourg et que leur imprimerie fut confisquée, on pensait que cela mettrait fin à la diffusion d’un certain périodique, mais dans les deux semaines qui suivirent, le périodique en question réapparut comme auparavant, et jusqu’ici la police n’a pas encore été capable de découvrir où il est imprimé et qui le diffusea.

      De nombreuses autres personnes, dont certains codétenus, ont parlé de l’intégrité et de la foi des témoins de Jéhovah. Parmi elles se trouve la nièce du général de Gaulle, lequel était à cette époque à la tête du gouvernement français d’après-guerre. Dans une lettre adressée à la Société, elle déclare:

      Messieurs,

      Je suis heureuse de pouvoir vous donner mon témoignage sur les étudiantes de la Bible (Bibelforscherinnen) que j’ai rencontrées au camp [pour femmes] de Ravensbrück.

      En effet, j’ai pour elles une véritable admiration. Elles appartenaient à différentes nationalités: allemande, polonaise, russe ou tchèque et ont subi pour leurs croyances de très grandes souffrances.

      Les premières arrestations avaient eu lieu depuis dix ans et la plupart de celles qui avaient été amenées au camp à ce moment-​là étaient mortes des mauvais traitements qu’on leur avait fait subir, ou avaient été exécutées.

      J’ai connu cependant quelques survivantes de cette époque et d’autres prisonnières arrivées plus récemment; toutes faisaient preuve d’un très grand courage et finissaient par en imposer aux SS eux-​mêmes. Elles auraient pu être libres sur-le-champ si elles avaient renoncé à leur foi. Au contraire, elles ne cessaient de résister, réussissant même à introduire dans le camp des livres et des tracts qui ont valu la pendaison à plusieurs d’entre elles.

      Dans mon bloc, j’ai assez bien connu trois étudiantes de la Bible de nationalité tchèque. Par mesure de protestation, il leur est arrivé plusieurs fois, avec d’autres de leurs coreligionnaires, de refuser d’aller aux appels. J’ai assisté moi-​même à des scènes très pénibles où je les ai vu battues et mordues par les chiens sans qu’elles renoncent à leurs décisions.

      De plus, restant fidèles à leur croyance, la plupart d’entre elles ont toujours refusé de prendre part à des industries de guerre, ce qui leur a valu de mauvais traitements et même la mort.

      Je regrette de ne pouvoir vous donner tous ces détails de vive voix comme vous me le demandez, mais je suis actuellement contrainte de faire un séjour en haute montagne pour ma santé; j’espère que ces détails vous suffiront et répondent à ce que vous désiriez savoir.

      Croyez, Messieurs, à mes sentiments les meilleurs.

      [Signé] GENEVIÈVE DE GAULLEb

      UN FIDÈLE ADIEU

      Les rapports que nous avons considérés cet après-midi ne représentent qu’une partie de ceux qui ont été publiés ou qui sont classés dans les archives de la Société Tour de Garde. Le temps nous manque pour en citer davantage. Toutefois, pour terminer notre entretien, je vais encore vous lire une lettre. Elle exprime, en termes simples, l’intérêt sincère que les prisonniers dans les camps portaient à ceux qu’ils aimaient et qui se trouvaient au dehors. Il s’agit de l’émouvante lettre qu’un frère condamné adressa à sa femme.

      Ma chère Erna, c’est à présent ma dernière nuit. On m’a lu ma condamnation, et j’ai pris mon dernier repas. Ma vie sera accomplie quand tu auras reçu cette lettre. Nous savons que la mort a perdu son aiguillon et que le séjour des morts est vaincu. Évidemment, cela paraît tout à fait insensé et ridicule aux yeux de la plupart des gens, mais cela importe peu. L’heure viendra où le nom du Dieu tout-puissant sera justifié, et les hommes le verront. Quand ces derniers demandent aujourd’hui pourquoi Dieu ne l’a pas encore fait, nous savons que c’est parce que sa puissance sera par ce moyen démontrée avec plus d’éclat.

      Ainsi, ma chère Erna, je te remercie d’avoir partagé avec moi une partie de ma vie. Dans toutes les circonstances de la vie tu as été une compagne attentionnée, et tu m’as soutenu dans mon affliction jusqu’au bout. Me voici arrivé à la fin, et je prie pour que tu puisses également continuer à porter dignement ton fardeau dans l’avenir, à savoir l’opprobre qui m’a accablé et qui te frappe directement. C’est pourquoi, une fois encore, je contemple tes yeux sereins et brillants, et j’efface de ton cœur le dernier chagrin; malgré la douleur, relève la tête et réjouis-​toi, non pas de la mort, mais de la vie que Dieu offrira à ceux qui l’aiment.

      Je te dis mon amour et mon indéfectible amitié. Ton mari qui t’aimec.

      [Notes]

      a a Consolation (angl.), Vol. XXVI, 12 sept. 1945, p. 7.

      b b Rapport établi par un témoin oculaire et se trouvant dans les archives de la Société Tour de Garde.

      c c Rapport établi par un témoin oculaire et se trouvant dans les archives de la Société Tour de Garde.

      d d Ibid.

      e e Rapport établi par un témoin oculaire et se trouvant dans les archives de la Société Tour de Carde.

      f f Ibid.

      g g Ibid.

      h h Annuaire (angl.) 1946, p. 137.

      i i Consolation (angl.), Vol. XXVII, 16 janv. 1946, p. 11.

      j j Croisade contre le Christianisme, pp. 30, 31.

      k k D’après les archives de la Société Tour de Garde.

      l l Ibid.

      a m D’après les archives de la Société Tour de Garde.

      b n Consolation (angl.), Vol. XXVI, 12 sept. 1945, pp. 11, 12.

      c o Consolation (angl.), Vol. XXVII, 16 janv. 1946, p. 9.

      d p Ibid., pp. 4-10.

      e q Consolation (angl.), Vol. XXVI, 12 sept. 1945, pp. 11, 12.

      f r Consolation (angl.), Vol. XXVII, 16 janv. 1946, p. 8.

      g s Ibid.

      h t Croisade contre le Christianisme, introduction.

      i u Croisade contre le Christianisme, introduction; également d’après les archives de la Société Tour de Garde.

      j v Consolation (angl.), Vol. XXI, 18 oct. 1939, p. 5.

      k w D’après les archives de la Société Tour de Garde.

      l x Consolation (angl.), Vol. XXI, 15 nov. 1939, pp. 3, 4.

      a y Consolation (angl.), Vol. XXI, 18 oct. 1939, pp. 5, 6.

      b z wF 1946, p. 347.

      c aa Consolation (angl.), Vol. XXVI, 12 sept. 1945, pp. 5, 6.

  • Défenseurs des libertés de parole et du culte
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 25

      Défenseurs des libertés de parole et du culte

      LOÏS: Depuis que Marie et vous êtes venus dimanche dernier, Jean, je n’ai cessé de penser aux terribles traitements infligés aux témoins de Jéhovah du monde entier. Toute ma vie j’ai fréquenté l’Église, ma mère étant très pieuse comme vous le savez, et nous avons souvent discuté du pouvoir de la foi, mais je commence à me demander si j’ai jamais su ce que signifie avoir la foi. S’il m’avait fallu affronter des difficultés semblables à celles que vous nous avez décrites, je ne sais si je les aurais supportées.

      JEAN: Nous ne voulons pas honorer des hommes, même s’ils ont manifesté une foi inébranlable. Évidemment, nous nous réjouissons avec eux; toutefois, j’aimerais vous rappeler une chose qui a été l’objet de la première discussion que nous avons eue ici, un soir. Voilà: Jéhovah a suscité un peuple à notre époque, pour que ceux qui en font partie soient ses témoins et servent ses desseins. Jésus n’a-​t-​il pas dit à ses disciples: “Vous serez des objets de haine pour tous à cause de mon noma.” Ces serviteurs de Dieu, dont nous avons parlé, savaient que cette prophétie s’accomplirait, aussi ne se fièrent-​ils pas en leur propre force pour survivre, mais ils ne cessèrent de louer Jéhovah qui les délivrerait.

      LOÏS: J’ai en effet remarqué cela dans les récits que vous nous avez lus. Il n’en reste pas moins vrai que je puise un encouragement dans le fait que ces fidèles chrétiens, qui n’étaient que des gens ordinaires sous tous les rapports, sauf pour ce qui est de la sincérité, ont persévéré dans la foi.

      THOMAS: C’est parce qu’ils formaient un peuple entièrement voué à Dieu, Loïs. Mais que s’est-​il passé aux États-Unis, Jean? Vous nous avez laissé entendre tout à l’heure que les témoins avaient également connu des tribulations dans ce pays.

      JEAN: Certainement, bien que l’œuvre n’ait pas été interdite. L’opposition manifestée par le gouvernement ne se faisait ressentir que localement, sur le plan des municipalités, quoique de nombreux tribunaux aient failli à leur devoir de protéger nos droits et que beaucoup de juges aient montré une grande animosité à l’égard de notre œuvre.

      Comme je vous l’ai déjà dit, de 1928 à 1933 on n’a pas enregistré les arrestations. Mais en 1933, il y en a eu 269, et cela n’a fait que croître d’année en année. Rien qu’en 1936, on compta 1 149 arrestations, et pourtant le chiffre maximum n’était pas encore atteint. Ces cas mettaient en cause un certain nombre de lois et d’ordonnances que les autorités locales s’efforçaient d’appliquer contre les témoins de Jéhovah. Il s’agissait de lois relatives aux démarcheurs, aux quêteurs, à la vente de publications sans permis, licence ou paiement d’une taxe, ou encore de lois interdisant la diffusion d’écrits dans les rues, de décrets comme celui appelé “Green River”, selon lequel on ne pouvait visiter un foyer qu’après y avoir été invité, ou encore celui du nom de “Blue Law”, défendant de se livrer à certaines activités le dimanche, sans compter les ordonnances ayant trait à la violation de l’ordre public ou à la conduite désordonnée, et de nombreuses autres lois.

      La mise en application de ces lois avait pour but d’entraver l’œuvre des témoins de Jéhovah ou d’y mettre un terme. Ces lois concernaient en premier lieu l’activité déployée par les témoins et consistant à prêcher de maison en maison et à diffuser leurs publications; toutefois, outre celles intéressant directement notre œuvre, on se servit d’autres lois contre les témoins de Jéhovah. Citons, entre autres, le salut au drapeau obligatoire, les lois relatives à la délinquance juvénile et à la tutelle, à la sédition, à la diffamation, etc. Transgresser certaines de ces lois constituait un crime, aussi les témoins étaient-​ils représentés comme des criminels de la pire espèce.

      Les témoins de Jéhovah ne s’avouèrent pas vaincus. Nos cas ont été portés en justice, où nous avons plaidé non coupables. Nous n’avons pas abandonné la lutte quand les magistrats, tous les tribunaux inférieurs, voire même les Cours suprêmes des différents États, se prononcèrent contre nous. Non, nous nous sommes alors adressés à la plus haute cour du pays, en vue de faire reconnaître nos droits. Notre politique consistant à faire appel a été décrite dans les termes suivants:

      APPEL SYSTÉMATIQUE

      La réputation que les témoins de Jéhovah se sont faite aux États-Unis prouve combien il est important d’en appeler aux tribunaux supérieurs chaque fois qu’un jugement est défavorable. Si nous n’avions pas interjeté appel au sujet des milliers de condamnations prononcées par les juges, les tribunaux de simple police et autres, les précédents se seraient accumulés, devenant ainsi un obstacle gigantesque pour notre culte. Grâce aux pourvois en appel, nous avons empêché la formation d’un tel obstacle. Notre mode d’adoration a été consigné par écrit dans le code de lois des États-Unis et d’autres pays, en raison de notre insistance à faire appel quand la décision des tribunaux ne nous était pas favorableb.

      LOÏS: Excusez-​moi, Jean, mais j’aimerais que vous me donniez une explication à ce sujet. Depuis que vous nous avez entretenus de la “bataille du New Jersey” et des difficultés rencontrées par les témoins dans cet État, j’ai souvent pensé à la liberté accordée à chaque individu. J’ai eu quelques cours d’instruction civique en classe, mais comme la plupart des Américains, je n’ai pratiquement aucune notion du droit. J’ai toujours considéré les libertés dont nous jouissons comme un dû. Je pense que vous êtes parfaitement en droit d’aller de maison en maison et de vendre des Bibles et des manuels bibliques. Qui pourrait vous en empêcher? Ne sommes-​nous pas dans un pays libre?

      JEAN: Certes, vous avez raison, mais notre liberté a été considérée comme une chose établie. La Constitution des États-Unis a toujours été regardée comme la charpente ou le squelette des nombreuses lois promulguées par les législateurs rattachés aux municipalités ou à l’État. Toutefois, la façon dont ces lois ont été mises à l’épreuve dans les controverses débattues devant les tribunaux du pays a revêtu de chair ce squelette, en ce sens qu’elle a défini et éclairci ce code de lois, tout en déterminant lesquelles de ces nombreuses lois sont valides et comment elles doivent être appliquées.

      LIBERTÉS APPORTÉES PAR LES PREMIER ET QUATORZIÈME AMENDEMENTS

      Pour bien discerner les principes impliqués dans les cas défendus et gagnés par les témoins de Jéhovah, il faut savoir que la Constitution originelle des États-Unis ne garantissait pas les libertés individuelles. Cela ne fut inclus que plus tard dans les dix amendements rédigés par James Madison et adoptés par tous les États qui avaient accepté la première constitution. Ces amendements sont appelés le Bill of Rights (Déclaration de droits). Le Premier Amendement est bref; il a trait à la liberté religieuse et est ainsi libellé: “Le Congrès ne fera aucune loi relative à la création d’une religion, ni n’interdira le libre exercice du culte, pas plus qu’il ne portera atteinte à la liberté d’expression ou de la presse, à la liberté de s’assembler paisiblement et au droit de faire appel au gouvernement pour redresser les torts.”

      Cette constitution étant fédérale, le Premier Amendement n’imposait de contrainte qu’au gouvernement national des États-Unis. Les différents États inclurent des réserves semblables dans leur propre constitution, et à cette époque il n’avait pas été jugé utile d’appliquer des restrictions contre les États, pour autant qu’il s’agissait de la Constitution fédérale. Toutefois, après la guerre de Sécession, quand les Américains comprirent qu’il était indispensable de préserver les libertés civiles des esclaves affranchis, le Congrès proposa d’insérer le Quatorzième Amendement à la Constitution des États-Unis. Celui-ci ne concerne en rien la liberté religieuse; il stipule simplement, entre autres choses: “Aucun État (...) ne privera quelqu’un de sa vie, de sa liberté ou de ses biens sans procédure judiciaire dans les règles.” C’était là une restriction imposée aux États, et selon cet amendement toute personne qui avait été privée de ses droits par l’État pouvait en appeler à la Constitution fédérale. Pendant de nombreuses années, très peu de cas impliquant ces précieuses libertés d’expression, de la presse et du culte, furent présentés devant les cours.

      Les témoins de Jéhovah arguèrent que les termes liberté et procédure judiciaire dans les règles mentionnés dans le Quatorzième Amendement impliquaient toutes les libertés garanties par les dix premiers amendements, et que les libertés du culte, d’expression et de la presse assurées par le Premier Amendement et imposées comme restrictions au gouvernement fédéral seraient en revanche appliquées contre tous les États.

      Avant 1940, une seule affaire relative à la liberté du culte avait été portée devant la Cour suprême. Il s’agissait des cas David contre Beason (1890) et Reynolds contre États-Unis (1878)c, ayant trait au droit revendiqué par les Mormons de pratiquer la polygamie; les décisions relevaient du Premier Amendement. Les Mormons perdirent leur procès, car la constitution protège uniquement l’exercice du culte et non l’abus de cet exercice dans une pratique qui serait regardée comme une violation des lois morales.

      EXERCICE DES LIBERTÉS GARANTIES DANS LE PREMIER AMENDEMENT

      La position adoptée par les témoins de Jéhovah concernait leur mission de prêcher. Nous n’avons accepté aucun compromis, affirmant que nous considérions qu’en dépit du point de vue personnel d’un juge quelconque, notre activité consistant à aller de maison en maison pour diffuser les publications et présenter des sermons oraux, en bref la prédication, était notre façon d’adorer Dieu. Nous avons également pris le parti qu’il n’appartenait à aucun juge, fût-​il de la Cour suprême ou d’une autre cour du pays, de contester ou de nier que tel était notre mode d’adoration. Nous avons fait valoir que la décision prise par l’autorité ecclésiastique d’une organisation religieuse, quant à la qualification de ses ministres et au mode de prédication à observer par cette Église, était définitive et valable pour le monde entier. En conséquence, l’œuvre dans laquelle nous étions engagés n’était pas un abus de l’exercice du droit que garantit le Premier Amendement, mais constituait plutôt l’exercice de ce droit et ne devait donc pas être entravé. Les témoins de Jéhovah s’en tinrent strictement à ce principe fondamental pour défendre leur cause devant les tribunaux.

      Nous étions également d’avis que les lois appliquées contre les témoins n’étaient pas de simples ordonnances, mais des restrictions, et que, bien que certaines lois puissent réglementer à juste titre la vente ou la prospection, il n’en reste pas moins vrai que lorsqu’elles sont dirigées contre la prédication des témoins de Jéhovah, elles portent atteinte à la liberté religieuse qui est garantie intégralement, ce qui équivaut à une interdiction.

      Il importe de noter que les témoins de Jéhovah prirent aussi parti pour le principe juridique suivant lequel toutes les lois sont présumées constitutionnelles. En ce cas, les témoins déclarèrent que pour toutes les affaires dans lesquelles était impliqué le Premier Amendement, une loi employée pour restreindre la liberté religieuse devait être considérée comme invalide, c’est-à-dire anticonstitutionnelle.

      En 1938, le cas Lovell contre la ville de Griffin fut présenté devant la Cour suprême des États-Unis. Dans l’affaire Lovell, l’accusé, un témoin de Jéhovah, avait été condamné sur la base d’une ordonnance de la ville de Griffin, en Géorgie, interdisant “la diffusion (...) des publications de toutes sortes (...) sans l’autorisation écrite du maire de la ville de Griffin”. Défendant leur position de ministres, les témoins de Jéhovah refusèrent de demander cette autorisation. Les cours ayant statué que les décrets municipaux adoptés sous l’autorité fédérale constituaient une action de l’État et touchaient par conséquent aux droits accordés par le Quatorzième Amendement, la Cour suprême accepta d’examiner l’affaire et ses membres décidèrent d’un commun accord que l’ordonnance en question était manifestement nulle et non avenue. Toutefois, l’argumentation des témoins de Jéhovah n’était pas essentiellement fondée sur la liberté religieuse, mais également sur la liberté de la presse. Cette décision favorable de la Cour était ainsi exprimée:

      Nous pensons que l’ordonnance est nulle et non avenue. Quel que soit le motif qui a présidé à son adoption, par son caractère elle sape à sa base la liberté de la presse, en soumettant cette dernière à la censure et en la faisant dépendre d’un permis officiel. (...)

      On ne peut défendre cette ordonnance en faisant valoir qu’elle concerne la diffusion et non la publication. “La liberté de diffusion est tout aussi essentielle à la liberté de la presse que la liberté de publier; en fait, si elle ne pouvait être diffusée, une publication n’aurait guère d’utilité.” Ex parte Jackson, 96 U.S. 727, 733d.

      L’année suivante, en 1939, lors de la session du mois d’octobre, la Cour suprême des États-Unis disculpa un autre témoin de Jéhovah accusé d’avoir diffusé des publications de porte en porte sans autorisation à Irvington, dans le New Jersey. L’ordonnance en cause interdisait à “quiconque, sauf dans les cas prévus par la présente ordonnance, de colporter, de solliciter, de diffuser des circulaires et autres choses ou d’aller de maison en maison”. Suivant ce décret, il fallait se faire délivrer un permis par le chef de la police, qui procédait d’abord à une enquête, exigeait une photographie et relevait les empreintes digitales. Évidemment, les témoins refusèrent de soumettre à la censure leur œuvre venant de Dieu, et déployèrent leur activité de prédication sans demander d’autorisation. Ici encore il s’agissait d’une question de licence ou de permis, aussi la Cour décréta-​t-​elle:

      Cette cour a caractérisé les libertés d’expression et de la presse comme étant des libertés et des droits individuels fondamentaux. Cette déclaration n’est pas vide de sens et n’a pas été faite à la légère. Elle reflète la conviction des auteurs de la constitution qui croyaient que l’exercice de ces libertés est le fondement même du droit des hommes libres de se gouverner. Elle souligne, comme le font de nombreux arrêts de cette cour, l’importance d’empêcher la limitation de la jouissance de ces libertés. (...)

      Imposer une censure par le moyen de licences qui rendent impossible la libre diffusion d’imprimés porte atteinte au cœur même des garanties constitutionnellese.

      Le troisième cas intéressant les témoins de Jéhovah et présenté à la Cour suprême est celui dont nous avons discuté il y a quelque temps; il s’agissait de faire passer le disque “Ennemis” sur un phonographe et de diffuser le livre portant le même titre. Ce fut l’affaire Cantwell contre Connecticut. Le décret du Connecticut invoqué dans ce cas interdisait les quêtes faites au profit d’œuvres religieuses ou de bienfaisance, sans autorisation accordée par le secrétaire du comité de défense des intérêts des citoyens du comté. En outre, une condamnation de droit civil était également prononcée pour délit contre l’ordre public, quand on faisait jouer sur un phonographe des disques attaquant les doctrines de l’Église catholique romaine. Défendant et justifiant la position des témoins de Jéhovah devant ces deux chefs d’accusation, voici, en partie, ce que décida la Cour suprême:

      Nous déclarons que l’ordonnance, telle qu’elle est interprétée et appliquée contre les appelants, les prive de leur liberté sans procédure judiciaire dans les règles, ce qui est contraire au Quatorzième Amendement. La conception fondamentale de la liberté renfermée dans cet amendement embrasse toutes les libertés garanties par le Premier Amendement. Le Premier Amendement déclare que le Congrès ne promulguera pas de loi relative à la création d’une religion ni n’interdira le libre exercice du culte. Le Quatorzième Amendement a établi que le corps législatif des États était tout aussi incompétent que le Congrès pour décréter de telles lois. (...)

      (...) Il ne fait pas de doute qu’un État peut protéger ses citoyens contre le colportage frauduleux. (...) Un État est également autorisé à réglementer la prospection en général pour ce qui est du moment et de la manière d’exercer cette activité, et cela dans l’intérêt de l’ordre, de la sécurité et de la convenance du public. Toutefois, faire dépendre d’un permis la prospection visant à perpétuer les idées ou systèmes religieux, permis qui est délivré suivant la décision prise par l’État qui détermine ce qui est une cause religieuse, revient à freiner illicitement l’exercice de la liberté assurée par la constitutionf.

      Pour la première fois et à l’unanimité, la Cour suprême des États-Unis décida que les poursuites contre les témoins de Jéhovah constituaient une violation de la liberté religieuse garantie par la clause du Quatorzième Amendement contre l’ingérence de l’État.

      Assisté du service légal de la Société, le juge Rutherford, lui-​même avocat autorisé à plaider devant la Cour suprême, déposa des dossiers sur ces affaires.

      UN CHANGEMENT DÉCHAÎNE UNE VAGUE DE VIOLENCE

      En juin 1940, l’affaire Gobitis a marqué un “recul dans les décisions libéralesg”.

      THOMAS: Ne s’agit-​il pas du cas impliquant le salut au drapeau dont nous avons déjà parlé et à propos duquel la Cour d’appel des États-Unis s’était prononcée en faveur des témoins de Jéhovah?

      JEAN: En effet. Mais quand cette affaire fut portée devant la Cour suprême des États-Unis en 1940, celle-ci annula le jugement établi en faveur des témoins par huit voix contre une. Le juge Harlan F. Stone fut le seul qui s’opposa à cette décision cruciale. Certains aspects du cas Gobitis ainsi que les conséquences de la décision de la Cour ont été exposés dans la biographie du juge Stone (qui fut par la suite nommé président de la Cour suprême). Voyons cela ensemble.

      Par intervalles et sur une période de vingt ans, le juge Stone avait lutté sincèrement pour concilier la liberté et l’autorité à ce niveau délicat. (...) Jusqu’en 1940, à l’instar de la Cour elle-​même, il semblait hésiter entre deux points de vue. L’épreuve de force se produisit au printemps de cette année-​là. Alors, en parfaite contradiction avec la position que le juge Stone et d’autres avaient prise pour la liberté de pensée et de croyance, tous ses collègues approuvèrent la décision rendant le salut au drapeau obligatoire pour les témoins de Jéhovah. Le moment était décisif. Enfin, le juge Stone prit ouvertement position, seul.

      En 1936, les enfants Gobitis, âgés de douze et dix ans, avaient refusé de se joindre aux autres élèves pour saluer le drapeau conformément à l’ordre donné par la direction de l’école de Minersville, en Pennsylvanie. Ils furent par suite renvoyés du lycée de la ville. Leur refus ne signifiait pas qu’ils étaient antipatriotes et n’aimaient pas leur pays. Cela indiquait simplement, selon leur compréhension des Écritures, que le salut au drapeau constituait une violation de l’ordre biblique interdisant de se prosterner devant une image. La requête du père pour leur réadmission parvint à la Cour suprême juste au moment où la Seconde Guerre mondiale allait être déclarée. La nation était en pleine effervescence, se préparant activement. Influencés, semble-​t-​il, par les temps et les circonstances, huit juges, ayant pour porte-parole le juge [Félix] Frankfurter, exprimèrent l’avis que la direction de l’école avait organisé une cérémonie tout à fait conforme au but consistant à protéger l’unité nationale — “le fondement de la sécurité nationale”, et “un intérêt qui occupe une place importante dans la hiérarchie des valeurs légales”.

      La question fondamentale n’était nouvelle ni pour Stone ni pour Frankfurter. Dans le mémorandum qu’il avait adressé le 18 septembre 1918 au secrétaire de la guerre, Newton Baker, Frankfurter avait déclaré que les “objecteurs de conscience, qu’ils appartiennent à une secte ou non, (...) qui s’opposent d’une manière inflexible [que ce soit au service combattant ou non combattant] devraient être condamnés et emprisonnés”. “Je suggère, écrit Frankfurter, que ces absolutistes soient envoyés aux autorités du fort Leavenworth pour recevoir le traitement qu’ils méritent.” En revanche, Stone déclarait que “toutes les expériences faites par les hommes nous ont enseigné qu’il est impossible de supprimer ou de résoudre une question d’ordre moral, en faisant des martyrs de ceux qui défendent cette cause”. Le juge Stone s’en tint à cette conviction dans les cas des témoins de Jéhovahh.

      L’avis contraire exprimé par Stone fut favorablement accueilli; on déclara qu’il était “non seulement raisonnable mais courageux”, ainsi que “l’un des avis contraires les plus remarquables de l’histoire américaine”. Les commentaires de la presse étaient tout aussi favorables. Il y eut 171 journaux importants qui condamnèrent la décision de la Cour, tandis qu’une poignée seulement l’approuva. Cependant,

      en certains endroits, la hardiesse de Stone provoqua de violentes réactions. Une organisation d’anciens combattants de Boston réclama sa démission, au moyen d’une résolution qui disait: “En vous opposant à cette décision, vous avez donné le mauvais exemple et encouragé un plus grand nombre d’élèves à refuser de saluer le drapeau. Il ressort également de votre attitude que vous êtes soit un révolutionnaire ou un disciple de cette prétendue religion.”

      Après que la Cour eut approuvé la décision rendant le salut au drapeau obligatoire, le sectarisme et le fanatisme religieux ainsi que le patriotisme irréfléchi se déchaînèrent. On disait des témoins de Jéhovah qu’ils “ne croient pas à la religion, que pour eux la religion est une supercherie consistant à amasser de l’argent en vendant les livres du Juge Rutherford”. Des comités pleins de zèle prirent sur eux d’imposer le respect du drapeau au moyen de la violence. Entre le 12 et le 20 juin 1940, des centaines d’attaques dirigées contre les témoins furent enregistrées au ministère de la Justice pour qu’éventuellement le FBI puisse y donner suite. À Kennebunkport, dans le Maine, la Salle du Royaume fut brûlée. À Rockville, dans le Maryland, à environ trente mètres de l’imposant bâtiment de la Cour suprême, la police se joignit aux émeutiers, perturbant une réunion biblique. À Litchfield, dans l’Illinois, un millier d’habitants encerclèrent soixante témoins qui allaient de porte en porte, brûlant leurs tracts et renversant leurs voitures. À Connersville, dans l’Indiana, l’avocat des témoins fut battu et conduit hors de la ville. À Jackson, dans le Mississippi, une organisation d’anciens combattants expulsa de la ville les témoins et leurs caravanes. Des incidents semblables eurent lieu au Texas, en Californie, dans l’Arkansas et dans le Wyoming. Le ministère de la Justice fit remonter l’origine de cette vague de violence à la décision prise par la Cour dans la première affaire du salut au drapeaui.

      DES ACTES CONTRAIRES AUX PRINCIPES DES AMÉRICAINS

      Cette vague de violence sans précédent fut accompagnée d’arrestations dont le nombre allait sans cesse croissant. Au cours des années 1940, 1941 et 1942, on a enregistré une moyenne annuelle de plus de 3 000 arrestations. Dans de nombreux cas, les autorités locales et les représentants de l’ordre public prirent part à cette activité illégale. Voici un autre rapport révélant les effets néfastes que produisit sur le public la décision relative à l’affaire Gobitis.

      THOMAS [Il l’interrompt]: Je commence à croire de plus en plus que le juge Rutherford savait de quoi il parlait quand il mit en garde les Américains en 1938 contre la menace sans cesse croissante du fascisme aux États-Unis.

      JEAN: Eh bien, voici quelques-uns des actes illégaux et contraires aux principes des Américains commis contre les témoins de Jéhovah au cours de cette période.

      Les centaines de poursuites judiciaires n’ayant pas réussi à empêcher le peuple du Seigneur de chanter des louanges à Jéhovah de porte en porte et dans les rues, l’ennemi, agissant sous l’influence des démons, suscita une violente opposition, sous la forme d’émeutes dirigées contre les proclamateurs du Royaume. Ce genre de persécution se renouvela de nombreuses années plus tard, en commençant dans certains endroits de Pennsylvanie et de l’Ohio, en automne de 1939. La violence des émeutes atteignit son paroxysme en mai 1940, les troubles ayant débuté à Del Rio, au Texas, pour s’étendre immédiatement à d’autres villes de cet État et à de nombreux autres États.

      Le 3 juin 1940, la Cour suprême décréta que la direction des écoles publiques pouvait exiger que les enfants saluent le drapeau et les renvoyer en cas de refus. Sous l’influence de la Hiérarchie catholique romaine, la presse américaine présenta cette conception sous un faux jour, disant que chaque individu devait saluer le drapeau. Après cette déformation des faits, la Légion [anti]américaine, qui subissait l’influence des démons, ainsi que la Hiérarchie catholique romaine excitèrent la violence qui avait déjà pris naissance au Texas et dans les environs, si bien que ces violentes émeutes se répandirent rapidement dans tous les États de l’Union américaine.

      Depuis le mois de mai 1940, la Hiérarchie et la Légion américaine, passant outre à la loi, saccageaient tout au moyen de ces émeutes, causant des ravages indescriptibles. Les témoins de Jéhovah ont été attaqués, battus, enlevés, chassés des villes, des comtés et des États, enduits de goudron et garnis de plumes; on les a obligés à boire de l’huile de ricin, on les a attachés ensemble et chassés comme des bêtes dans les rues. Certains ont été castrés et autrement mutilés, ridiculisés et injuriés par des foules démonisées. Des centaines d’entre eux ont été emprisonnés sans raison et se sont vu refuser le droit de communiquer avec leurs parents, amis ou avocats. Des centaines d’autres ont été jetés en prison et tenus “en lieu sûr”; on a tiré sur certains pendant la nuit; d’autres, menacés d’être pendus, ont été battus jusqu’à ce qu’ils perdent connaissance. Des émeutes très variées ont été organisées. Un grand nombre de témoins ont été déshabillés, leurs vêtements ont été arrachés, on s’est saisi de leurs Bibles et d’autres publications pour les brûler publiquement. Leurs voitures, leurs caravanes, leurs maisons et leurs lieux de réunion ont été mis à sac et incendiés; les dommages s’élevèrent à de nombreux milliers de dollars.

      Cette violence d’origine démoniaque s’est totalement emparée des foules et des autorités et cela dans des centaines de villes d’Amérique, à tel point que ces gens ont faussement accusé les témoins de sédition et d’autres crimes, comme celui d’être “contre le gouvernement”. Cette sorte de persécution embrasa le Kentucky, le Missouri et l’Indiana. Dans le Kentucky, dix frères sont en instance de jugement pour sédition, crime qui leur fait encourir une peine maximale de vingt et un ans de réclusion dans un pénitencier. Dans l’Indiana, deux pauvres femmes ont été condamnées à dix ans de pénitencier pour “sédition”, parce qu’elles possédaient des publications que la Légion américaine déclare être “contre le gouvernement”.

      Dans de nombreux cas, où les jugements ont eu lieu dans des villes menées par des bandes d’émeutiers, les avocats comme les témoins de Jéhovah ont été malmenés et battus dans le tribunal même.

      Dans presque tous les cas d’émeutes violentes, les représentants de l’ordre ne sont pas intervenus et ont refusé d’accorder leur protection; de plus, de nombreuses fois, ils ont pris part aux émeutes et certains d’entre eux sont allés jusqu’à en prendre la têtej.

      Cette persécution devint si cruelle que le Procureur général des États-Unis, Francis Biddle, ainsi que Madame Éléonore Roosevelt, épouse du président des États-Unis d’alors, se sentirent dans l’obligation de faire une déclaration publique pour faire cesser de telles pratiques. Le Procureur général déclara, le 16 juin 1940, dans une émission radiodiffusée dans l’ensemble des États-Unis par le réseau de la N.B.C. (Compagnie nationale de radiodiffusion):

      Les témoins de Jéhovah ont été attaqués et battus à maintes reprises. Ils n’avaient commis aucun délit; mais la foule les en a jugés coupables et leur a infligé des châtiments populaciers. Le Procureur général a ordonné une enquête immédiate sur ces actes de violence.

      Les citoyens doivent être vigilants et se tenir sur leurs gardes et, par-dessus tout, faire preuve de calme et de bon sens. Étant donné que les violences perpétrées par la populace rendent la tâche du gouvernement infiniment plus difficile, celles-ci ne seront pas tolérées. Nous ne vaincrons pas le mal nazi en imitant ses méthodesk.

      Ensuite, un groupe de personnes qui s’intéressent aux libertés civiles a publié une brochure dans laquelle elles décrivaient ces excès. En voici un court extrait:

      Depuis la persécution des Mormons, qui remonte à de nombreuses années, aucune minorité religieuse n’a été aussi cruellement et généralement attaquée que les membres des témoins de Jéhovah, surtout au printemps et en été 1940. Ces attaques, qui ont alors atteint leur point culminant, sont le résultat de l’hostilité et de la discrimination qui règnent contre eux depuis plusieurs années.

      Des documents, déposés au ministère de la Justice par les avocats des témoins de Jéhovah et par l’Union pour les libertés civiles américaines, faisaient état en 1940 de plus de 335 cas où, dans 44 États, la populace avait commis des actes de violence contre 1 488 hommes, femmes et enfants.

      Les causes de cet extraordinaire déchaînement de violence étaient la crainte “patriotique” née du succès des armées nazies en Europe et la panique qui s’empara du pays à la pensée de l’invasion des États-Unis. De la Californie au Maine, cette angoisse se manifesta par la recherche de “membres de la Cinquième colonne” et de “Chevaux de Troie”, termes qui devinrent presque immédiatement populaires pour caractériser ceux que l’on pensait être opposés à la défense nationale.

      Les témoins de Jéhovah furent l’objet d’une attaque immédiate et générale, principalement à cause de leur attitude à l’égard du salut au drapeau, attitude qu’ils avaient fait connaître en diffusant partout l’édition du 29 mai 1940 de leur périodique Consolation (angl.), qui relatait les détails sur l’audience, devant la Cour suprême des États-Unis, de l’affaire Gobitis relative au salut au drapeau. En raison de la décision du 3 juin 1940, reconnaissant à la direction scolaire le droit d’expulser de l’école les enfants de cette secte qui refusaient de saluer le drapeau, cette propagande fut considérée par quelques-uns comme séditieusel.

      LE CONGRÈS DE 1940 EST UNE SOURCE D’ENCOURAGEMENT

      Au cœur des batailles légales et tandis que la persécution des témoins atteignait son point culminant, la Société décida d’organiser un congrès. Vous pensez peut-être que le moment était mal choisi pour cela, mais vous verrez qu’il en fut tout autrement. Les témoins de Jéhovah étaient déterminés à persévérer en dépit de l’opposition, et les congrès ont toujours été une source d’unité et de force pour le peuple de Dieu, grâce à la nourriture spirituelle qui y est dispensée et à la compagnie fraternelle.

      Ainsi, on procéda aux préparatifs de ce congrès qui devait avoir lieu à la foire commerciale de Columbus, dans l’Ohio, du 24 au 28 août 1940. Au même moment, des assemblées étaient organisées dans plus de trente autres villes des États-Unis. Elles devaient être reliées entre elles par téléphone pour ne former qu’un seul congrès. Cependant, suite aux pressions exercées par la Hiérarchie catholique romaine, les dirigeants de l’État de l’Ohio annulèrent le contrat et interdirent aux témoins d’employer la foire commerciale.

      Immédiatement une pétition circula dans tout le pays, et en quelques jours seulement, 2 042 136 signataires demandaient au gouverneur Bricker et à l’Association de la foire commerciale de l’Ohio d’autoriser les témoins de Jéhovah à tenir leur assemblée chrétienne à la foire commerciale. Le gouverneur Bricker refusa d’accéder à la requête des pétitionnaires, aussi les témoins se trouvèrent-​ils dans l’obligation de chercher une autre ville clé.

      Suite aux pressions exercées, nombre d’autres villes annulèrent les contrats, si bien que lorsque le moment vint de se réunir en assemblée, dix-huit villes seulement acceptèrent de recevoir les témoins. Quand la Société acquit la certitude qu’il ne fallait pas compter obtenir la foire commerciale de Columbus, la ville clé choisie fut Detroit, dans le Michigan, et en dépit de l’opposition, une assemblée eut lieu dans une série de grands garages reliés entre eux; elle remporta un vif succès. Le juge Rutherford, dont les forces déclinaient, put néanmoins se présenter trois fois devant l’auditoire. L’un des discours principaux était intitulé “Les temps et les saisons”. L’assistance à Detroit s’éleva à 35 000 témoins. À la fin de ce discours, on publia le livre Religion; les congressistes venus de toutes les parties du pays en emportèrent immédiatement 30 000 exemplaires. Le clou de l’assemblée fut le discours “La religion est-​elle le remède aux maux du monde?”. Il dénonçait particulièrement la fausse religion et la corruption des systèmes mauvais fonctionnant au nom de Jésus-Christ. Cette conférence fut gravée sur disques, ainsi qu’imprimée, et largement diffusée après le congrès.

      Ce discours public du dimanche 28 juillet fut prononcé à Detroit devant un auditoire de 45 000 personnes, qui se pressaient sur les lieux mêmes du congrès et à la salle Eastern Star Temple; des milliers d’auditeurs se trouvant dans les rues et aux sorties des salles écoutaient le message retransmis par les haut-parleurs. Des lignes privées diffusèrent également la conférence dans le camp de caravanes, où 12 000 personnes s’étaient réunies. Les chrétiens rassemblés dans les dix-sept autres villes vinrent s’ajouter à ceux de Detroit, ce qui fait qu’au total 80 000 personnes écoutèrent cet exposé sur la religion. Les deux discours “Les temps et les saisons” et “La religion est-​elle le remède aux maux du monde?” ont été publiés dans la brochure intitulée Conspiration contre la démocratie.

      D’autres points saillants du congrès furent la réunion avec les pionniers, la réunion de service modèle, l’étude de La Tour de Garde et la mise en service d’un phonographe à platine verticale, qu’on faisait fonctionner simplement en tournant un bouton, sans avoir à soulever le couvercle. Ce type de phonographe avait été conçu et fabriqué par les frères du Béthel de Brooklyn, et il était beaucoup plus adapté à l’activité de porte en porte. En outre, le no 6 de la feuille intitulée Nouvelles du Royaume fut publié lors de ce congrès et les frères en emportèrent plus de 2 000 000 d’exemplaires, afin de les diffuser immédiatement.

      Même cette assemblée de Detroit s’était déroulée au sein d’une grande opposition. La Légion américaine et la Hiérarchie catholique de Detroit exercèrent de violentes pressions en vue d’interrompre la réunion et de faire annuler le contrat de location dont le prix avait été payé d’avance. Les témoins se trouvèrent dans l’obligation de faire garder les lieux vingt-quatre heures sur vingt-quatre, par de nombreux frères, et cela avant et pendant l’assemblée.

      Des journalistes, des photographes et des représentants de presque tous les magazines étaient présents, en raison de l’intense persécution dont les témoins de Jéhovah avaient fait l’objet dans tout le pays; ainsi la presse donna aux témoins la plus grande publicité jamais vue jusque-​làa.

      Nombre d’articles rédigés en cette période n’étaient pas favorables à ces chrétiens, toutefois certains le furent, témoin cet éditorial du Michigan Christian Advocate du 8 août 1940:

      Voilà un groupe qui, en cette année 1940 de notre Seigneur, n’a pas honte de témoigner ouvertement pour Jésus-Christ. Il croit en Jésus et le fait connaître. À une époque où la religion a adopté une attitude fausse et compromettante, où certains membres des Églises considèrent leur adhérence comme une fin au lieu d’un commencement dans l’œuvre de témoignage sur le Christ et où un trop grand nombre d’entre nous hésitent à rendre témoignage par crainte d’être embarrassés, ces témoins se présentent sur la scène contemporaine comme un défi lancé contre notre contentement païen. (...)

      En outre, chose qui importe certainement plus aujourd’hui que tout ce qui précède, c’est l’attention que cette secte a attirée sur le problème de la liberté religieuse, dans un pays qui se convertit rapidement au fascisme. Que ce groupe ne représente qu’une faible minorité ne change absolument rien aux principes de la liberté religieuse qui ont été transgressés par suite de la persécution qu’on lui a infligéeb.

      De nombreuses personnes bien disposées furent éclairées par cette publicité et répondirent favorablement à notre œuvre de prédication.

      LA POLICE ADOPTE DEUX ATTITUDES OPPOSÉES

      Un peu plus d’un mois avant cette assemblée, le 14 juin 1940, jour anniversaire de l’adoption du drapeau, la ferme du Royaume située à South Lansing, dans l’État de New York, et appartenant à la Société, fut menacée par la foule. Le responsable de la ferme avait été averti par un homme âgé qui, la nuit précédente, avait surpris une conversation dans un café de South Lansing, selon laquelle la Légion américaine de l’ouest de l’État de New York convergerait le lendemain vers la propriété de la Société, pour incendier les bâtiments.

      Le serviteur de la ferme prit immédiatement ce rapport en considération et avertit le shérif du comté de Tompkins, lequel prit également la nouvelle au sérieux. Ce shérif était désireux de faire respecter les lois, et bien qu’il ne disposât lui-​même que de quelques hommes, il décida d’empêcher toute violence. Il avait aussi eu vent de cette émeute dirigée contre la ferme et appela la police d’État en renfort.

      Le 14 juin, à 6 heures exactement, des centaines de voitures firent leur apparition et se dirigèrent vers les bâtiments de la Société situés sur la Route 34. Dans chaque voiture il y avait quatre ou cinq hommes, mais la police était prête. La troupe de l’État et les shérifs adjoints protégeaient tous les bâtiments de la Société. En outre, la police de l’État avait promulgué une ordonnance spéciale, interdisant à tout véhicule de ralentir ou de stationner sur une longueur d’environ huit cents mètres, c’est-à-dire d’une extrémité de la propriété de la Société à l’autre. Des policiers étaient postés sur cette distance, afin de faire circuler les voitures; aucune n’était autorisée à s’arrêter, pour que ses occupants n’en descendent pas et ne mettent pas le feu aux bâtiments. La police resta sur les lieux jusqu’à plus de minuit, obligeant tous les véhicules à circuler. C’est ainsi que fut déjouée l’attaque de la ferme du Royaume. On estima le nombre des voitures à 1 000 et celui des manifestants à environ 4 000, venus de toutes les parties de l’ouest de l’État de New York, dans l’intention de détruire la ferme de la Société.

      LOÏS: C’est encourageant de constater qu’il y eut quand même des autorités désireuses de faire leur devoir.

      JEAN: Oui, et le fait qu’elles réussirent à enrayer de violentes émeutes met davantage en évidence la grande négligence de celles qui refusèrent d’accorder la protection de la police aux témoins de Jéhovah.

      Mais tous les chefs de police ne furent pas aussi désireux de faire respecter la loi que le shérif du comté de Tompkins. En effet, un incident révoltant, illustrant la brutalité de la police, se produisit en Virginie occidentale. Le 29 juin 1941, sept témoins masculins se rendaient à Richwood, afin d’y prêcher. Trois d’entre eux passèrent à la mairie pour remettre au maire une lettre demandant la protection de la police au cours de leur prédication. Les quatre autres restèrent dans la voiture. Cette requête avait été jugée nécessaire, car un an auparavant, deux de ces témoins avaient reçu l’ordre de quitter la ville, parce qu’ils diffusaient des publications et faisaient circuler la pétition relative à l’assemblée nationale devant se tenir à la foire commerciale de Columbus, dans l’Ohio.

      Le maire étant absent, on amena les témoins devant Bert Stewart, chef de la police de Richwood, et Martin L. Catlette, shérif adjoint du comté de Nicholas et membre de la Légion américaine. Catlette était l’un des six membres de la Légion américaine de Richwood qui avaient, l’année précédente, intimé l’ordre de quitter la ville aux témoins. La lettre sollicitant la protection de la police fut donc remise à Stewart, chef de la police, mais il n’y donna pas suite. Au contraire, les trois témoins furent poussés dans le bureau du maire que Catlette partageait en qualité de shérif adjoint et percepteur d’impôts, et on les retint alors que Catlette portait son insigne officiel et que le chef de la police gardait la porte.

      Catlette appela au téléphone d’autres membres de la Légion américaine, disant entre autres choses: “Nous tenons ici trois de ces crétins et nous allons cueillir les autres!” Pendant qu’une foule d’environ 1 500 personnes se rassemblait, on amena les quatre autres témoins dans le bureau. Alors Catlette ôta son insigne de shérif adjoint et déclara: “Ce qui se fera à partir de maintenant ne sera pas fait au nom de la loi.” On força trois des témoins à ingurgiter un quart de litre d’huile de ricin, et à un autre qui protestait on ordonna d’en boire un demi-litre, après qu’un docteur l’eut menacé avec une pompe stomacale.

      Les sept témoins furent ensuite attachés ensemble avec une longue corde, à environ un mètre les uns des autres, et on les fit marcher jusque devant le bureau de poste de Richwood, sur le toit duquel flottait le drapeau américain. Catlette lut les préliminaires de la constitution de la Légion américaine, et toutes les personnes présentes saluèrent le drapeau, à l’exception des témoins. On les conduisit ensuite, toujours liés, à travers les rues de Richwood et au-delà de ses limites. On les relâcha hors de la ville en leur enjoignant de ne plus reparaître, et on leur rendit leur voiture, qui avait été endommagée, enduite d’huile de ricin et décorée d’inscriptions peu flatteuses.

      À partir du moment où ils avaient pénétré dans le bureau du shérif adjoint, c’est-à-dire à 9h.30 du matin, jusqu’à trois ou quatre heures de l’après-midi, quand ils furent libérés, les témoins n’avaient ni mangé ni bu, à l’exception de l’huile de ricin, et on leur avait interdit d’aller aux toilettes.

      Catlette et Stewart furent condamnés pour avoir transgressé la loi sur les droits civiques, en conspirant dans le but d’enlever aux témoins de Jéhovah leurs droits de prêcher l’évangile et d’expliquer leur refus de saluer le drapeau américain par motif de conscience. Condamné par le tribunal de district des États-Unis, pour le district sud de la Virginie occidentale, Catlette interjeta appel, mais la Cour d’appel de la quatrième circonscription des États-Unis confirma la décision prise par le tribunal inférieur et déclara entre autres:

      L’argument de Catlette n’a conséquemment pas plus de valeur que l’idée selon laquelle un officier peut se dissocier lui-​même de ses devoirs officiels simplement en ôtant son insigne avant d’adopter une ligne de conduite illégale et, ce faisant, s’absolvant avec insouciance de toute culpabilité pour avoir commis des actes répréhensibles. Nous devons condamner cette suggestion insidieuse selon laquelle un officier peut se défaire avec légèreté de son rôle officiel. Accepter un tel dualisme juridique équivaudrait à détruire les protections constitutionnelles et à rendre dérisoire l’application de la loic.

      Catlette fut condamné à une amende de 1 000 dollars et à un an de détention à la prison fédérale de Mill Point, en Virginie occidentale.

      LOÏS: Quand je pense à toute cette opposition et aux violentes émeutes, je me demande comment vous êtes parvenus à poursuivre votre œuvre.

      JEAN: Il est de fait que ce fut une période d’épreuve même pour les États-Unis, mais dans ce pays au moins l’œuvre n’a pas été considérée comme illégale, si bien que nous n’avons pas été forcés d’entrer dans la clandestinité. Ainsi, en ces jours de batailles légales et de combat contre les foules démonisées, les témoins de Jéhovah jouirent d’une liberté relative, leur permettant d’accomplir la volonté divine, affermissant la structure théocratique de l’organisation et augmentant ainsi sa maturité.

      Il conviendrait maintenant de considérer les différentes modifications apportées dans les méthodes de prédication, car les années à venir devaient voir des changements décisifs dans le programme d’instruction suivi par la Société.

      [Notes]

      a a Matthieu 10:22.

      b b Defending and Legally Establishing the Good News (1950), pp. 14, 15.

      c c 133 U.S. 333, 10 S. Ct. 299, 33 L. Ed. 637 (1890); 98 U.S. 145, 25 L. Ed. 244 (1878).

      d d Lovell contre ville de Griffin, 303 U.S. 444, 451, 452, 58 S. Ct. 666, 669, 82 L. Ed. 949 (1938).

      e e Schneider contre New Jersey, 308 U.S. 147, 161, 164, 60 S. Ct. 146, 150, 151, 152, 84 L. Ed. 155 (1939).

      f f Cantwell contre Connecticut, 310 U.S. 296, 303, 306, 307; 60 S. Ct. 900, 903, 904, 905, 84 L. Ed. 1213 (1940).

      g g Minnesota Law Review, Vol. XXVIII, No 4, mars 1944, p. 227.

      h h Harlan Fiske Stone, de Alpheus Thomas Mason (New York, 1956: The Viking Press), p. 525.

      i i Ibid., pp. 531-533.

      j j Annuaire (angl.) 1941, pp. 96, 97.

      k k Dossier des défendeurs, West Virginia Board of Education contre Barnette, p. 74.

      l l The Persecution of Jehovah’s Witnesses [La persécution des témoins de Jéhovah], publié par l’Union américaine des libertés civiles, janv. 1941, p. 3.

      a m Annuaire (angl.) 1941, pp. 87-92.

      b n Ibid., pp. 43, 44.

      c o Catlette contre États-Unis, 132 F. 2e 902, 906 (1943).

      [Illustration, page 179]

      “ENNEMIS”, 1937.

      [Illustration, page 180]

      VOITURES RENVERSÉES PAR DES ÉMEUTIERS, LE 16 JUIN 1940, À LITCHFIELD, DANS L’ILLINOIS.

  • La prédication est étendue pour trouver et nourrir la “grande foule”
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 26

      La prédication est étendue pour trouver et nourrir la “grande foule”

      JEAN: Lorsqu’en 1938 l’organisation des témoins de Jéhovah était devenue complètement théocratique, sa structure était en réalité bien simple. Vous vous souvenez que cette organisation avait pour but de rassembler et de nourrir le reste oint; elle s’était d’ailleurs développée dans ce sens. Mais après 1931, et plus spécialement à partir de 1935, les oints reconnurent la nécessité de rechercher les “autres brebis” et de se préparer en vue d’un sérieux accroissement. Le début de cette campagne intensive mit en lumière de nombreux facteurs importants concernant l’organisation et le travail lui-​même. Fondamentalement, les formes variées de prédication avaient toutes commencé à l’époque où le pasteur Russell administrait les affaires de la Société, mais maintenant les conditions ayant changé à l’intérieur comme à l’extérieur, il devenait indispensable de modifier les différentes techniques employées.

      Par exemple, l’une des premières activités déployées par les membres de la Société avait été le service volontaire. Vous vous rappelez que ce service était assumé par de nombreux oints, et consistait à distribuer gratuitement des tracts à la sortie des églises ou de maison en maison le dimanche matin. Cette activité fut poursuivie jusqu’à la cessation du programme de prédication en 1918; mais quand on reprit les autres formes de service en 1919 et par la suite, le service volontaire, tel qu’il était effectué, ne fut pas relancé, et finalement on l’abandonna.

      Puis, en février 1940, on adopta une nouvelle forme d’activité dans les rues. On ne se contentait plus d’offrir des publications aux gens qui se rendaient à l’église; désormais les témoins de Jéhovah se postaient au coin des rues mouvementées, dans les quartiers d’affaires, et offraient aux passants les deux périodiques La Tour de Garde et Consolation pour une contribution volontaire de 5 cents le numéro. Pour ce faire, ils portaient un sac en bandoulière spécialement conçu pour contenir les périodiques et sur lequel étaient inscrits les noms des deux périodiques ainsi que la contribution demandée. Des millions de personnes prirent ainsi l’habitude de voir ces témoins se tenir chaque semaine au coin des rues et annoncer hardiment le gouvernement théocratiquea. En outre, commencé en plein cœur d’une persécution à l’échelle nationale, ce travail dans les rues devait constituer une cible parfaite pour ceux qui font le mal dans les formes légales et s’opposent violemment à ces pacifiques messagers remplis de bonne volonté.

      L’activité des nouvelles visites fut une autre forme de service qui commença à occuper une place prépondérante dans le programme de prédication. Il s’agissait de visiter spécialement ceux qui avaient manifesté de l’intérêt et de les encourager à étudier la Bible. La nécessité de l’étude biblique, particulièrement en groupe, avait été reconnue à partir du moment où le pasteur Russell avait organisé le premier groupe de ses associés en 1872, à Allegheny-Pittsburgh, en Pennsylvanie. À dater de ce moment-​là, l’étude biblique était devenue une partie essentielle du programme de développement spirituel pour tous les membres des “ecclésias” ou congrégations. Ainsi, il était tout à fait normal de diriger les personnes nouvellement intéressées à la vérité vers ces groupes d’étude, et si les colporteurs les rencontraient dans des territoires isolés, on s’attendait à ce qu’ils les encouragent à accepter une telle étude dans leur foyer. Voici ce que déclarait l’édition anglaise de La Tour de Garde en 1907:

      Un rapport récent émanant d’un groupe de colporteurs révèle qu’après avoir prospecté dans une petite ville, ils ont noté que nombre de chrétiens étaient sincèrement intéressés par le message; certains d’entre eux ont fait l’acquisition auprès des témoins de l’ouvrage AURORE DU MILLÉNIUM alors que d’autres le possédaient déjà. Les témoins réunirent ces personnes dans un foyer. Un colporteur leur parla du Divin plan des âges pendant un dimanche entier, et le dimanche suivant, il les pressa de tenir régulièrement des réunions. Vingt personnes votèrent l’adoption de cette résolution et l’une d’entre elles, qui non seulement manifestait un attachement profond à la vérité mais une connaissance exacte de celle-ci, fut désignée pour être leur aîné ou conducteur, en vue de coopérer dans l’étude en commun du Divin planb.

      Bientôt cette méthode consistant à étendre l’activité des études conduites par les témoins fut suivie par les congrégations elles-​mêmes. Vous vous rappelez certainement qu’il s’agissait de l’œuvre pour la formation de nouvelles ecclésias, qui a fait l’objet d’une discussion détaillée. Suite à une série de conférences, des études de livre furent régulièrement organisées au sein des congrégations, et quand l’intérêt était manifeste et l’assistance suffisante, on formait de nouvelles ecclésias ou congrégations. Cette œuvre pour la formation de nouvelles ecclésias vit le jour en 1911c. Vous vous souvenez également qu’avec la parution du nouveau livre La Harpe de Dieu en 1921, un cours spécial d’étude de la Bible était offert à l’acquéreur de cet ouvrage.

      Il n’est donc pas surprenant qu’avec un tel développement de l’œuvre, le phonographe portatif, mis en service en 1933, fût principalement consacré à l’activité des nouvelles visitesd. En 1936, la Société mettait l’accent sur cette forme de service et encourageait les frères à revisiter les personnes intéressées par le message. Cet encouragement stipulait entre autres:

      dans toutes vos visites emportez le phonographe. Si vous savez que vous devez revenir dans le territoire le lendemain, vous pouvez le confier aux personnes intéressées à la vérité et dignes de confiance, afin qu’elles l’écoutent dans la soirée, et le reprendre le lendemain matin pour l’employer dans le service du champe.

      La Société avait conseillé aux proclamateurs d’inviter les personnes bien disposées, au cours de ces nouvelles visites, à fréquenter régulièrement les études de livre de la congrégation où l’on examinait le livre Richesses.

      En 1937, quand la Société se retira des émissions radiophoniques commerciales, elle fit paraître un nouvel instrument, afin de rendre plus efficace encore l’activité des nouvelles visites. Il s’agissait du No 1 de la brochure Étude modèle, qui devait accompagner la brochure Dévoilées, éditée par la Société, et être employée conjointement avec la série de disques “Démasqué”. La brochure Dévoilées, ainsi que la série de disques, avaient été produites par la Société suite à une pétition adressée à la station de radio WIP.

      LOÏS: Je m’en souviens. C’était une pétition réclamant un débat entre le juge Rutherford et une autorité catholique romaine. Si mes souvenirs sont exacts, vous nous avez dit que la station WIP ne donna pas suite à la pétition, et qu’aucun dignitaire catholique n’a accepté le débat.

      JEAN: C’est bien cela. Ainsi la Société publia la brochure Dévoilées et la série de disques “Démasqué”, qui présentaient les doctrines fondamentales de la Bible, principalement dans le but de réfuter les faux enseignements de l’Église catholique romainef.

      Cette phase du programme d’instruction visant à aider la “grande foule” qui se manifestait maintenant permettait au proclamateur du Royaume de s’asseoir dans le foyer d’une personne bien disposée et de conduire avec elle une étude de la Bible. Au cours de la nouvelle visite, le témoin faisait d’abord jouer le phonographe tandis que le maître de maison suivait dans la brochure Dévoilées. Ensuite les questions étaient considérées à l’aide du questionnaire Étude modèle, et la personne répondait à l’aide de la Bible et des passages bibliques cités dans la brochure. De cette façon, le maître de maison apprenait à connaître la Parole de Dieu et recevait la réponse à ses questions directement de la Bible. Toutefois, ce ne fut pas avant 1938 qu’on enregistra ces nouvelles visites pour les rapporter à la Société. La première année, le rapport indiqua 298 489 nouvelles visites aux États-Unisg.

      En 1940, on se servit du No 2 de la brochure Étude modèle et des disques “Gouvernement et paix” et “Victoire”. Une intéressante variante de l’œuvre pour la formation de nouvelles ecclésias fut expérimentée en Angleterre et décrite en ces termes dans le rapport annuel du président de la Société:

      Ces instruments appropriés se sont avérés très efficaces pour enseigner aux personnes bien disposées le message de la Théocratie et renforcer un tel intérêt. Avec l’accord de frère Rutherford, une campagne d’études publiques modèles a été entreprise à l’échelle nationale. (...) L’extension du service comprenait une série de quatre réunions hebdomadaires, tenues dans une salle publique adéquate. Les gens étaient conviés à y assister au moyen de feuilles d’invitation courantes ou de lettres personnelles adressées à ceux que l’on savait intéressés au message. Le public britannique apprécia la réponse donnée à ses questions directement d’après la Bible. La brochure Étude modèle No 2 servait de base à ces questions et réponses. Nos rapports montrent que 4 176 réunions publiques ont été tenues au cours de l’année, lesquelles ont réuni une assistance de 157 663 personnes, dont 31 111 venues pour la première fois. Cette œuvre pour la formation de nouvelles ecclésias aida à l’organisation de près de 40 nouvelles unités de service et contribua grandement à l’apport de 3 000 nouveaux proclamateurs pour cette annéeh.

      EXTENSION DU PROGRAMME DES VISITES

      La Société a toujours jugé qu’il était nécessaire d’édifier et d’affermir les congrégations en les faisant visiter directement par un représentant du siège de l’œuvre. C’est pourquoi frère Russell lui-​même visita personnellement les congrégations et, à mesure que leur nombre croissait, il désignait d’autres frères capables pour l’aider dans cette tâche importante.

      THOMAS: Selon ce que vous nous avez dit, je pense qu’il s’agit des frères pèlerins.

      JEAN: En effet, et vous vous souvenez que cette activité débuta en 1894i. On fit un effort pour rendre visite au moins deux fois l’an aux congrégations des États-Unis et du Canada. Puis, en 1928, le nom désignant ces serviteurs fut changé en celui de “directeur de service régional”, et leurs privilèges de service furent élargis en ce sens qu’ils devaient “visiter les ecclésias, leur enseigner à s’organiser pour travailler efficacement dans le champ, tout en les servant en prononçant des discours renfermant les vérités présentesj”.

      En 1929, cette forme de service s’était développée au point que treize frères parlant l’anglais, un Ukrainien et deux Polonais prenaient part à ce service régional. D’ailleurs, voici ce que l’Annuaire rapportait à ce sujet:

      Les frères anglais ont visité et servi 902 ecclésias, passant trois jours ou plus avec chacune d’elles, et ils ont instruit 17 589 frères dans le service. Ils ont parcouru au total 178 687 kilomètres aux frais du siège de la Société. L’accroissement des activités déployées au sein des ecclésias est dû en grande partie aux efforts de ces directeurs de service régionaux. Ils ont aidé les ecclésias à étudier et à surmonter les conditions adverses dans leur territoire, ce qui leur a permis d’élaborer plus complètement leurs plans en vue d’assumer leur tâchek.

      Reconnaissant la bénédiction de Jéhovah sur cette façon mieux centralisée d’organiser le service, en 1932 la Société s’intéressa plus directement aux activités des congrégations sur le plan local. Vous rappelez-​vous quelle étape a marqué la marche vers une organisation plus théocratique?

      LOÏS: N’est-​ce pas lorsqu’il a été montré que l’élection à la fonction d’“aîné” n’était pas biblique?

      JEAN: Très exactement. En même temps, La Tour de Garde expliqua dans un de ses articles que, selon la Bible, la Société avait autorité pour nommer un frère dont la tâche consisterait à servir la congrégation locale en tant que directeur de servicel. Au début, seuls les frères appartenant au reste oint furent choisis pour occuper de tels postesa, mais en 1937, quand il fut révélé que la “grande foule” était identifiée aux “compagnons” du reste, certains hommes d’entre elle furent également désignés pour assumer cette chargeb.

      Graduellement, les membres de la société du monde nouveau s’affermissaient et s’unissaient pour former une association solide et unie. Le succès de cette société du monde nouveau était assuré du fait qu’elle mettait l’accent sur l’enseignement des principes divins renfermés dans la Bible. L’organisation théocratique s’étant mise à suivre plus étroitement l’exemple de la congrégation primitive du premier siècle, tous les proclamateurs du Royaume du monde entier recevaient des instructions du siège central et de l’aide grâce aux frères nommés par la Société.

      En 1936, les rapports existant entre ces serviteurs nommés et les frères au sein des congrégations furent soulignés quand, au mois de juillet, la Société annonça que le nom “directeur” ne servirait plus à désigner les fonctions de “directeur de groupe” et de “directeur de service régional”. On appellerait plutôt les frères occupant ces charges “serviteur de groupe” et “serviteur régional”. Ce fut aussi à ce moment-​là que le bulletin de service mensuel “Directeur” fut changé en “Informateurc”.

      Les expériences faites au cours des campagnes divisionnaires, qui s’échelonnèrent de 1933 à 1935, nous avaient appris que les congrégations, quand elles étaient réunies dans le témoignage, étaient capables de résister à la persécution et à l’opposition, et manifestaient une unité et une force peu ordinaires. C’est ce qui incita la Société à créer le service de zone.

      Une “zone” était formée d’une vingtaine de congrégations situées dans une certaine partie du territoire. La Société désigna un “serviteur de zone”, à qui incombait le devoir de passer une semaine dans chaque congrégation, afin de veiller à la bonne organisation de celle-ci et d’aider ses membres dans le service du champ. De temps à autre, une “assemblée de zone” était tenue, rassemblant les vingt congrégations ou davantage, qui profitaient alors des instructions données et d’une édification spirituelle. Le siège de la Société désignait des serviteurs spéciaux pour desservir de telles assemblées. Le 1er octobre 1938, la Société désigna 148 serviteurs de zone et onze serviteurs régionaux, qui parcouraient régulièrement le territoired. En 1939, suite à une nouvelle répartition du territoire, il y eut 153 zones et 6 régions, chacune visitée par son propre serviteure.

      RÉORGANISATION DU SERVICE DE COLPORTAGE

      On procéda ensuite à des changements dans une autre forme de service, afin d’en augmenter l’efficacité. Il s’agit du service des colporteurs, appelés plus tard pionniers. Le rapport de la Société pour 1932 atteste qu’un remarquable travail a été accompli par les pionniers, nombre d’entre eux travaillant dans des territoires isolés à travers tous les États-Unis. En outre, des pionniers déployaient leur activité en dehors des États-Unis, sous la direction du siège de Brooklyn; leur champ d’action s’étendait jusqu’à la zone du canal de Panama, la Colombie, Costa Rica, Cuba, la Guyane néerlandaise, Hawaii, le Honduras, El Salvador et les îles Philippines. Les pionniers étaient particulièrement actifs parmi les étrangers des États-Unis, car ce groupe de fidèles prédicateurs comptait des témoins originaires de trente pays différents, en dehors des États-Unis, qui avaient immigré en Amérique et visitaient leurs compatriotesf.

      À la veille d’une organisation entièrement théocratique, une étape importante fut franchie dans le cadre du service de pionnier. Elle est décrite dans le rapport que la Société publia pour l’année 1937.

      À la conclusion de l’exercice écoulé, la Société a organisé une troupe de “pionniers spéciaux”, en les équipant pour l’œuvre de témoignage et en les chargeant d’une mission particulière. Ils sont tous munis d’un gramophone et de disques qu’ils utiliseront chaque jour dans la proclamation du message du Royaume. Recevant l’aide nécessaire de la Société, ils consacreront tout leur temps à visiter des particuliers pour leur faire connaître personnellement, tant par le disque que par le livre et la brochure, le message du Royaume. Nous avons la ferme confiance que cette méthode de prêcher l’évangile sera plus efficace que les émissions radiophoniques. L’argent qui jusqu’à présent a servi à payer au tarif commercial des programmes radiophoniques sera maintenant employé à développer l’œuvre de témoignage par le moyen du gramophoneg.

      ILS PRENNENT LA TÊTE, MUNIS DE PHONOGRAPHES

      Ces pionniers spéciaux prirent la tête dans l’activité avec le phonographe quand la Société décida de ne plus recourir aux services des stations commerciales de radio.

      Afin de nous convaincre de l’efficacité de ce nouveau programme, lisons cet extrait de l’Annuaire (angl.) de 1940, qui publie le rapport de l’année de service 1939.

      Le service de pionnier spécial fut inauguré au congrès de Columbus, en septembre 1937, et il se poursuit depuis deux ans maintenant, produisant de bons résultats. Quand ce service débuta, les proclamateurs de groupe n’étaient pas convaincus de l’utilité de faire des visites et d’employer régulièrement chaque jour le phonographe.

      Environ 200 pionniers spéciaux, choisis dans tout le pays, endossèrent la responsabilité de se servir du phonographe. Ils furent envoyés dans les grandes villes, où il y avait des groupes, et il n’y eut plus aucun doute que le phonographe occupait une place importante dans la proclamation du Royaume. Au cours des deux années passées, les proclamateurs du Royaume étant devenus conscients de son importance, Brooklyn dut fournir 20 000 phonographes et fut incapable de satisfaire toutes les commandes. L’année dernière, le nombre des pionniers spéciaux est passé d’un seul coup à 300, et les statistiques prouvent qu’en moyenne 256 pionniers spéciaux ont travaillé régulièrement chaque mois.

      Au cours de cette même année, les pionniers spéciaux ont fait 516 982 auditions. L’assistance aux conférences s’est élevée à plus d’un million de personnes, et ces quelques frères firent 124 206 visites. Le service de pionnier spécial, tel qu’il a été mis en évidence au congrès de Columbus, a atteint son but en ce sens que tous les proclamateurs du monde entier reconnaissent que le phonographe est une grande aide pour faire avancer les intérêts du Royaume.

      Afin d’aider ces pionniers spéciaux à accomplir l’œuvre à laquelle ils se sont consacrés, la Société a dépensé 41 123,98 dollars au cours de l’année écoulée.

      Le service de pionnier spécial englobe maintenant d’autres tâches. Ceux que la Société a nommés comme pionniers spéciaux aideront désormais les serviteurs de zone, là où ils ont reçu leur assignation. Leur travail principal consistera à aider le serviteur de zone dans l’organisation de nouveaux groupes; quant aux groupes qui font progresser lentement les intérêts du Royaume, la Société leur enverra un pionnier spécial comme serviteur de groupe, afin que l’œuvre avance à un rythme plus accéléré. Ces pionniers spéciaux consacrant tout leur temps au service du Royaume, ils aideront grandement les proclamateurs dans le territoire qui leur est attribuéh.

      Ainsi, non seulement la Société pourvoyait à une nouvelle disposition théocratique grâce à laquelle les intérêts du Royaume progresseraient dans l’unité à travers le monde, mais également elle désignait des serviteurs qualifiés pour aider les frères à assumer les responsabilités qui incombent à chaque proclamateur du Royaume.

      L’UNITÉ ET UNE AUTRE TÂCHE NOUVELLE

      Toutefois, en 1941, frère Rutherford rédigea une lettre à l’adresse des frères, lettre qui fut publiée dans l’Informateur du mois de novembre. Sa lettre était datée du 24 octobre 1941 et portait l’en-tête “À TOUS LES PROCLAMATEURS POUR LA THÉOCRATIE”.

      À partir du 1er décembre 1941, il n’y aura plus de serviteurs régionaux et de serviteurs de zone; ils accompliront le travail décrit ci-dessous:

      UNITÉ: Depuis un certain temps déjà l’organisation THÉOCRATIQUE fonctionne, aussi les congrégations ont-​elles eu amplement l’occasion de travailler dans l’unité pour être désormais en mesure de poursuivre leur tâche sans l’aide d’un serviteur régional ou d’un serviteur de zone. L’Église, comprenant les membres oints encore sur la terre, est entièrement unie et chacun devrait être à même d’assumer sa propre responsabilité sans l’aide d’aucun homme. Les serviteurs de groupe ainsi que tous les autres serviteurs connaissent leurs charges respectives et chacun veillera diligemment à remplir sa tâche complètement et fidèlement. Chaque membre de l’organisation, y compris le reste oint et ses compagnons, doit accomplir une œuvre, aussi chacun se tournera-​t-​il vers le Seigneur pour recevoir conseil et instruction, tout en observant attentivement ce qui est dit dans Proverbes 3:5, 6. (...)

      L’ŒUVRE: “L’œuvre étrange” du Seigneur tire à sa fin; il faut donc se hâter, veiller, être sobre et prier. Puisque l’organisation terrestre du peuple de Dieu est en excellente condition, tous les proclamateurs ou ouvriers doivent être unis dans l’action, car ils sont tous engagés dans la même œuvre, à savoir proclamer ou annoncer le GOUVERNEMENT THÉOCRATIQUE. Fermement décidés à obéir au Seigneur, laissons-​nous diriger par les paroles de l’apôtre “Je ne fais qu’une chose”, c’est-à-dire annoncer la THÉOCRATIE. (...)

      À partir du 1er décembre 1941, tous les proclamateurs observeront la méthode de travail suivante: Le phonographe, le livre Enfants ainsi que la brochure Consolez les affligés constitueront les principaux instruments de travail. Chaque proclamateur se verra attribuer un territoire qu’il visitera entièrement, l’objectif primordial étant d’organiser des classes d’étude où l’on étudiera systématiquement le livre Enfants jusqu’à ce que l’on juge utile d’employer une autre publication.

      La lettre du président poursuivait en expliquant en détail la façon dont ce travail devait être fait. Il fallait visiter chaque maison du territoire sans en passer aucune. Le phonographe et le disque “Enfants” servaient d’introduction au proclamateur qui devait placer le livre Enfants chaque fois que cela était possible, prendre des dispositions pour revisiter la personne et commencer une étude. Quand plusieurs personnes du voisinage acceptaient le livre et manifestaient de l’intérêt, on s’efforçait de les réunir en une seule étude.

      THOMAS: Cela ressemble presque à une variante de l’œuvre pour la formation de nouvelles ecclésias.

      JEAN: En un certain sens, c’est vrai, bien qu’aucune conférence publique n’ait été donnée en rapport avec ce programme. Les études avaient lieu une fois par semaine et, après avoir complètement visité une partie du territoire, quand les études étaient conduites régulièrement, le proclamateur entreprenait une autre portion de territoire en répétant la même opération. Les proclamateurs spéciaux (pionniers spéciaux) étaient envoyés presque exclusivement dans des territoires isolés où il n’y avait pas de groupe. Là, ils devaient travailler suivant la méthode décrite précédemment, jusqu’à ce que le territoire ait été entièrement couvert au moins quatre fois. Ils étaient maintenus dans ce territoire au-delà de ce délai uniquement dans le cas où suffisamment d’intérêt était manifesté.

      Un an environ après le commencement de cette nouvelle activité pour les pionniers spéciaux, le rapport suivant parut dans l’Annuaire (angl.) de 1943:

      Au début de l’exercice écoulé, la Société avait organisé une nouvelle activité. Elle portait le titre de “proclamateur pionnier spécial”, et quand elle débuta il y avait 784 frères dans cette forme de service. Elle s’est si bien développée que maintenant un total de 1 578 proclamateurs pionniers spéciaux rendent chaque mois un rapport. Ces frères ont accompli un excellent travail dans le service du champ, en dépit de la grande opposition qui leur a été manifestée dans de nombreuses parties du pays. En tant que groupe, ils ont été très réguliers dans leur activité, passant en moyenne 175 heures par mois dans le service du champ, comme cela est requis, atteignant plus de 50 visites et prenant des dispositions pour organiser des études à l’aide des publications de la Société.

      Il est intéressant de noter qu’aux États-Unis ils ne représentent que 2 pour cent des proclamateurs, et pourtant ils font plus de 12 pour cent des heures, 17 pour cent des visites et placent 13 pour cent des publications. (...)

      Au cours de l’année passée, 259 villes ont été entièrement visitées, ce qui veut dire que les proclamateurs spéciaux ont couvert ce territoire au moins quatre fois. Ces proclamateurs pionniers ont formé dans cette même année 244 nouveaux groupes. (...)

      Dans 35 villes des États-Unis, il leur a été impossible de terminer leur œuvre de prédication en raison des violentes émeutes. L’État du Mississippi se distingue particulièrement pour ce qui est de violer la loi en supprimant les privilèges accordés par la constitution. Rien que dans cet État, neuf villes ont dû être abandonnées en raison des violentes émeutes. Vient ensuite le Texas, où six villes chassèrent les témoins de Jéhovah. (...) Il se peut que dans quelque temps d’autres proclamateurs puissent y retourner et contacter les personnes bien disposéesi.

      N’oublions pas que pendant ces années de développement commençant en 1938, la persécution était intense aux États-Unis. Au cours des années 1940, 1941 et 1942, il y eut annuellement plus de 3 000 arrestations, et on enregistra environ 600 émeutes en 1940 et à peu près 300 en 1941. Néanmoins, les témoins de Jéhovah étaient résolus à exécuter le dessein divin à leur égard, aussi à leurs yeux n’y avait-​il qu’une seule voie: aller de l’avant.

      LA DERNIÈRE ASSEMBLÉE DE J. F. RUTHERFORD

      LOÏS: Vous avez parlé d’un livre intitulé “Enfants” en rapport avec la nouvelle activité qui débuta en décembre 1941. Était-​ce une nouvelle publication éditée par la Société?

      JEAN: Oui, elle avait été publiée au cours de l’été, à l’occasion d’une assemblée tenue à Saint Louis, dans le Missouri, État où naquit le juge Rutherford. Ce congrès, organisé du 6 au 10 août 1941, devait être le dernier auquel assista Joseph Rutherford, second président de la Société. Ce fut à cette assemblée que, pour la première fois, on expliqua clairement au peuple de Dieu la grande question de la domination universelle, impliquant la souveraineté suprême de Jéhovah.

      Une grande opposition fut manifestée contre l’organisation de ce congrès. Bien que l’Action catholique et les vétérans des guerres d’outre-mer aient fait pression sur les directeurs responsables du terrain où devait se tenir l’assemblée, ceux-ci refusèrent d’annuler le contrat. Immédiatement après, dans les églises catholiques, on incita les ménagères à annuler les réservations de chambres faites par les témoins de Jéhovah pour les congressistes. Les journaux se dressèrent contre nous, et même certains syndicalistes s’opposèrent aux projets d’installation jusqu’au moment où ils reconnurent que l’œuvre des témoins de Jéhovah était vraiment chrétienne. Alors, favorablement impressionnés par le bon esprit des volontaires travaillant à la préparation du congrès, ces hommes coopérèrent pleinement et les préparatifs progressèrent. Afin de faciliter le logement, une Cité de caravanes fut aménagée, et en trois jours sa population s’éleva à 15 000 personnes.

      Le premier jour de l’assemblée, le président de la Société prononça un discours intitulé “Intégrité”, qui fut reproduit dans La Tour de Garde (angl.) du 15 août 1941. C’est dans ce discours que fut discutée la question de la souveraineté universelle. Analysant le drame de Job, l’orateur déclara:

      Ce n’est pas du temps de Job que le litige entre Satan et Jéhovah s’éleva pour la première fois, mais des siècles auparavant. Or le drame prophétique de Job dévoile ce que Jéhovah exige de toutes les créatures qui sont appelées à recevoir ses infinies bénédictions. Quoique la question à trancher, soulevée par le drame prophétique, fût et soit encore de savoir si “Jéhovah peut avoir sur la terre des hommes qui lui resteront fidèles et intègres malgré les épreuves les plus sévères”, cette grande question implique pourtant bien davantage que cela. Il ressort du récit biblique (...) que bien avant ce moment-​là Satan avait contesté la suprématie de JÉHOVAH en soulevant le grand litige. Nombreux sont les passages bibliques qui appuient cette pensée. Satan ayant porté son accusation en présence des anges des cieux, celle-ci était connue de toute l’armée des cieux. Quant aux hommes, ils ne la connaissaient ni n’en saisissaient le sens profond jusqu’à ce jour. Maintenant est arrivé le temps marqué par Dieu où ceux qui lui sont dévoués reçoivent la compréhension du véritable litige. Or le premier litige soulevé par le défi infâme de Satan concernait et concerne toujours la DOMINATION UNIVERSELLEj. (...)

      L’un des points saillants de l’assemblée fut le programme du dimanche matin 10 août, qui avait été préalablement annoncé comme étant “Le jour des enfants”. On procéda à l’inscription des enfants dès leur arrivée à l’assemblée, et le dimanche matin on les fit asseoir dans la moitié du stade spécialement réservée pour eux; au camp des caravanes on fit de même. En tout 15 000 enfants, âgés de cinq à dix-huit ans, étaient assemblés. Voici comment le rapport du congrès décrit la réaction de tous les autres assistants:

      Les mots sont trop pauvres pour décrire le spectacle qui s’offrit à nos yeux. Grâce à cette partie du programme nous avons ressenti, comme jamais auparavant, la joie de connaître le Seigneur. Il est impossible d’exprimer les sentiments qui nous animaient à la vue de ces enfants dont les visages reflétaient la joie de leur cœur; nous nous sommes alors souvenus de ces paroles: ‘De la bouche des tout-petits Jéhovah a produit la louangek.’

      Frère Rutherford prononça alors un discours plein d’espoir pour la grande foule qui s’était réunie en ce lieu. Puis, après s’être adressé aux auditeurs en général, il dirigea ses remarques vers les 15 000 enfants assis au centre, devant lui. Le rapport poursuit en ces termes:

      Une chose que les congressistes garderont toujours présente à l’esprit, (...) c’est l’image de ces enfants se levant pour répondre à l’invitation suivante de l’orateur: “Vous tous, enfants, qui avez accepté de faire la volonté de Dieu, qui avez pris position pour le GOUVERNEMENT THÉOCRATIQUE dirigé par Christ Jésus et qui êtes désireux d’obéir à Dieu et à son Roi, je vous prie de bien vouloir vous lever!” D’un seul mouvement, ils se levèrent, et frère Rutherford s’exclama: “Voyez, plus de 15 000 nouveaux témoins pour le Royaume!” Tout le stade résonnait des applaudissements et des cris de joie des assistants. Personne n’oubliera jamais cette scènel.

      Atteignant l’apogée de ce discours stimulant adressé aux enfants, frère Rutherford présenta le nouveau livre Enfants, que les assistants reçurent aussi avec des cris de joie et de chaleureux applaudissements.

      La réunion publique annoncée pour le samedi avait pour thème “Consolez les affligés”. En raison de la grande publicité qui avait été faite au sujet des préparatifs du congrès, des foules nombreuses vinrent écouter ce discours le samedi après-midi. Celui-ci, basé sur Daniel chapitre 11, avait pour but de montrer la fin des puissances de l’Axe, et de suite après ce discours, des milliers de frères partirent diffuser cette conférence sous forme imprimée. Les frères se procurèrent sur les lieux de l’assemblée 450 000 exemplaires de la brochure renfermant le discours “Consolez les affligés”, dont le plus grand nombre fut remis au public le jour mêmea.

      MORT DE JOSEPH F. RUTHERFORD

      À l’époque de ce congrès, frère Rutherford était âgé de soixante-douze ans; après cela sa santé continua de décliner rapidement jusqu’à ce que finalement il scelle son ministère dans la mort, le 8 janvier 1942. Pendant vingt-cinq ans et deux jours, il avait servi en qualité de second président de la Watch Tower Bible and Tract Society. L’annonce officielle de sa mort parut dans La Tour de Garde:

      À TOUS LES AMIS DE LA THÉOCRATIE: Le 8 janvier 1942, notre bien-aimé frère J. F. Rutherford a achevé fidèlement sa course terrestre en qualité de guerrier pour le GOUVERNEMENT THÉOCRATIQUE et de ministre de la Parole de Dieu. Connaissant votre profonde anxiété à son sujet et les prières que vous avez adressées à Dieu en sa faveur depuis qu’il était tombé sérieusement malade avant l’assemblée de Detroit, en juillet 1940, nous nous empressons de vous en informer.

      Le désir de frère Rutherford était de “mourir debout en combattant”; son désir s’est réalisé. Le Seigneur, dans sa grâce, lui permit d’achever le rapport destiné à l’Annuaire des témoins de Jéhovah de 1942, rapport montrant que le plus grand témoignage qui eût jamais lieu avait été rendu et que la distribution de livres et de brochures, au cours de l’année, avait atteint le chiffre total et considérable de 36 030 595 exemplaires. Il avait toujours eu à cœur de FAIRE UNE SEULE CHOSE: proclamer le nom de Jéhovah et son royaume, garder son alliance avec lui, et veiller sur les intérêts de ses frères. — I Jean 3:16.

      Il éprouvait de la joie et du réconfort à savoir que les témoins du Seigneur ne suivent pas un homme, mais le Roi Jésus-Christ, leur Chef, et qu’ils iront de l’avant dans l’œuvre, observant une complète unité d’action comme ils l’ont exprimé d’un commun accord lors de l’assemblée théocratique des témoins de Jéhovah à Saint Louis.

      Ceux qui ont pris fermement position pour la THÉOCRATIE ne seront pas troublés, affligés ou dans la crainte, mais ils se réjouiront plutôt de ce que leur fidèle compagnon et frère a maintenu son intégrité envers le Seigneur, en pleine santé comme dans la maladie, quand les rapports étaient bons comme lorsqu’ils étaient mauvais; il est entré maintenant et pour toujours dans un service beaucoup plus élevé, avec le Seigneur. — II Tim. 4:7, 8.

      L’activité fidèle et constante de frère Rutherford, ainsi que son dévouement indéfectible pour la THÉOCRATIE, particulièrement depuis qu’il était devenu président de la Société, le 6 janvier 1917, ont été et continuent d’être pour nous tous l’exemple béni et véritable d’un homme qui a ‘combattu l’excellent combat et observé la foi’, se montrant digne d’avoir part à la justification du nom de Jéhovah au moyen de Jésus-Christ, et nous en sommes reconnaissants à Dieu.

      Nous sommes unis à vous pour continuer de travailler, et déterminés, par la grâce du Seigneur, à ce que rien ne nous arrête jusqu’à ce que l’“œuvre étrange” du Seigneur soit terminée. Vos frères et compagnons, WATCHTOWER BIBLE AND TRACT SOCIETY, INC.b

      DÉBUT DE LA TROISIÈME ADMINISTRATION

      THOMAS: Est-​ce que la mort de J. F. Rutherford engendra une ère d’indécision comme l’avait fait celle de C. T. Russell, le premier président de la Société?

      JEAN: Non, au contraire; écoutez le rapport sur la succession, tel qu’il apparaît dans La Tour de Garde:

      L’œuvre du Seigneur ne reste jamais stationnaire, elle progresse toujours. Elle avance selon le temps fixé. Le Seigneur change souvent le personnel de son organisation terrestre visible, mais l’œuvre de témoignage rendu à sa Théocratie dirigée par Christ Jésus avance rapidement. L’opposition créée par le grand adversaire ne peut entraver les dispositions théocratiques que Jéhovah a prises en vue d’accomplir son “œuvre étrange”.

      En 1916, le Seigneur Dieu accorda le repos à un homme dont il s’était éminemment servi sur la terre pour son œuvre, et l’adversaire en profita pour essayer de faire entièrement cesser notre activité. (...) Mais cela n’affecta en rien la réalisation du dessein du Seigneur par l’intermédiaire de son organisation.

      En temps voulu Jéhovah suscita un autre serviteur, et par la suite l’œuvre progressa par bonds; ceux qui aujourd’hui sont rattachés à l’organisation et coopèrent avec elle sont témoins des privilèges accordés dans cette grande œuvre. Le Seigneur Jéhovah a maintenant appelé à lui ce fidèle serviteur dont il s’est grandement servi dans la proclamation de son nom et de son Royaume, afin qu’il reçoive sa récompense. Mais l’œuvre du Seigneur est si bien organisée sous la direction du Seigneur lui-​même, qu’une unité et une harmonie parfaites existent dans le champ, au sein de la famille du Béthel et parmi les directeurs des deux sociétés, celle de Pennsylvanie et celle de New York. Nulle part des membres de la “cinquième colonne”, appartenant à l’adversaire, ne se sont manifestés, comme cela fut le cas lors des années 1916 à 1918. Ce fait en lui-​même constitue une preuve convaincante que Jéhovah agit sur le cœur de son peuple dévoué, le guidant et dirigeant le travail accompli par l’organisation au moyen de laquelle il poursuit présentement son œuvre sur la terre. (...)

      Le 13 janvier 1942, dans l’après-midi, tous les membres des deux conseils d’administration [des deux sociétés] se réunirent dans le salon du Béthel à Brooklyn. Plusieurs jours auparavant, Nathan H. Knorr, qui, lors de la dernière élection générale à Pittsburgh, avait été élu vice-président, avait demandé que les membres des conseils d’administration se fassent un devoir de rechercher instamment la sagesse divine par la prière et la méditation, afin d’être bien guidés; ce qu’ils firent. La réunion mixte s’ouvrit par la prière. On demanda surtout à Jéhovah d’accorder sa sagesse dans le choix de ces serviteurs par lesquels il désire se faire représenter d’une manière légale sous la direction des organisations.

      Après mûre réflexion, les frères suivants furent respectivement présentés comme candidats et élus à l’unanimité: Nathan H. Knorr comme président, et Hayden C. Covington comme vice-président des deux sociétés. Plus tard, dans la même journée, lorsque la famille du Béthel de Brooklyn fut réunie, les résultats des élections furent annoncés par le secrétaire du conseil d’administration et accueillis par des applaudissements enthousiastesc.

      D’un peu partout dans le monde, la Société reçut des lettres et des câblogrammes exprimant la joie que procurait la nomination du président. Tous manifestèrent leur désir de l’aider et de coopérer avec lui dans sa nouvelle position de responsabilité.

      Maintenant, la troisième administration de la Société commençait à fonctionner; comme cela avait été le cas pour la seconde administration, le changement intervenait au beau milieu d’un conflit mondial. Sur la scène européenne, la Seconde Guerre mondiale battait déjà son plein, et le 7 décembre 1941, soit un mois avant la mort du juge Rutherford, l’attaque de Pearl Harbor par les Japonais avait précipité l’entrée des États-Unis dans le conflit. Toutes les grandes nations du monde se trouvaient dans l’obligation de se ranger d’un côté ou de l’autre dans leur lutte pour la suprématie. Quant à la Société du monde nouveau, La Tour de Garde (angl.) du 15 février 1942, dont nous venons de lire des extraits, faisait cette déclaration pleine de sens:

      Plusieurs faits indiquent que le Seigneur a encore un grand travail à accomplir avant la bataille finale d’Harmaguédon. En conséquence, il est nécessaire que son peuple soit en excellente condition pour combattre dans l’unité.

      Leurs armes n’étaient pas celles des guerriers du présent monde, toutefois leur efficacité n’était plus à prouver. Les progrès et l’unité réalisés par frère Rutherford au sein de l’organisation, lesquels avaient été décrits dans sa lettre du 24 octobre 1941, juste avant sa mort, n’étaient qu’un merveilleux avant-goût des bonnes choses à venir, grâce au programme d’enseignement ministériel personnel qui allait entrer en vigueur.

      [Notes]

      a a Informateur (angl.), janv. 1940.

      b b w 1907, p. 372.

      c c w 1911, pp. 453, 454.

      d d Annuaire (angl.) 1935, pp. 39, 40.

      e e Informateur (angl.), déc. 1936.

      f f Informateur (angl.), oct. 1937.

      g g Annuaire 1939, p. 47.

      h h Annuaire (angl.) 1941, pp. 109, 110.

      i i w 1894, p. 287.

      j j Annuaire (angl.) 1929, pp. 56, 57; w 1929, p. 143.

      k k Annuaire (angl.) 1930, pp. 49-51.

      l l Annuaire (angl.) 1933, p. 19; voir aussi Annuaire (angl.) 1935, p. 47.

      a m wF 1932, pp. 182, 183.

      b n wF 1937, p. 311.

      c o Informateur (angl.), juillet 1936.

      d p Annuaire 1939, pp. 40, 65.

      e q Annuaire (angl.) 1940, p. 72.

      f r Annuaire (angl.) 1932, pp. 56-63.

      g s Annuaire 1938, pp. 42, 43.

      h t Annuaire (angl.) 1940, pp. 66, 67.

      i u Annuaire (angl.) 1943, pp. 42, 43.

      j v w 1941, p. 245.

      k w Annuaire (angl.) 1942, p. 69.

      l x Ibid., pp. 69, 70.

      a y Annuaire (angl.) 1942, pp. 67, 68; voir aussi w 1941, pp. 283-288.

      b z w 1942, p. 45.

      c aa w 1942, pp. 61-63.

      [Illustration, page 187]

      DIFFUSION DU PÉRIODIQUE DANS LES RUES, SAINT LOUIS, 1940.

      [Illustration, page 191]

      AUDITION À UNE PORTE, TILLINGHAM DANS L’ESSEX, ANGLETERRE, 1940.

  • On bâtit et on plante en vue de l’expansion mondiale
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 27

      On bâtit et on plante en vue de l’expansion mondiale

      JEAN: Au cours des jours sombres de la Seconde Guerre mondiale et avec l’entrée en fonction de la troisième administration de la Société, s’ouvrit une période d’instruction intensive telle qu’on n’en avait jamais vue dans l’histoire moderne des témoins de Jéhovah. On mit sans cesse l’accent sur l’activité ministérielle de chaque chrétien. Cela avait déjà commencé en 1938, mais désormais le “programme mondial de construction” allait être sérieusement suivi. C’est au cours des années 1942 à 1945 que le fondement de ce programme a été fermement établi, grâce à l’intérêt porté à la maturité individuelle et au développement théocratique de chaque membre de la société du monde nouveau.

      Cela devint particulièrement notoire lors de l’assemblée théocratique du monde nouveau organisée du 18 au 20 septembre 1942 à Cleveland (Ohio, États-Unis). C’est à cette occasion que l’on présenta aux témoins de Jéhovah le nouveau président de la Société. L’assemblée principale de Cleveland fut reliée à cinquante et un autres congrès, qui profitèrent des discours essentiels dont le principal était intitulé “La paix de demain sera-​t-​elle de longue durée?”. Mais cette retentissante assemblée tenue au beau milieu de la guerre ne se limita pas seulement aux États-Unis, car à la même époque, les témoins de Jéhovah se réunirent dans trente-trois autres pays.

      THOMAS: Avant que vous ne “présentiez” le nouveau président aux témoins de Jéhovah réunis à cette assemblée, ne pensez-​vous pas qu’il serait approprié de nous donner quelques renseignements à son sujet? Pourriez-​vous nous dire, par exemple, où et quand le président est né, depuis combien de temps il était au Béthel au moment de sa nomination, etc.?

      JEAN: Volontiers. Voici donc une brève biographie du troisième président, telle qu’elle a été publiée par la Société:

      Nathan Homer Knorr naquit à Bethléhem, Pennsylvanie, en 1905, de parents américains. Il termina, en juin 1923, son instruction scolaire à l’École supérieure d’Allentown (Pennsylvanie). À 16 ans, il s’associa au groupe des témoins de Jéhovah d’Allentown, après avoir donné sa démission de membre de l’Église réformée. En 1923, à 18 ans, il devint ministre à plein temps, ayant été invité à devenir membre du personnel du bureau de la Société au Béthel de Brooklyn. Là, il fit de rapides progrès dans sa formation comme ministre, et plus tard, au cours de week-ends, il voyagea pour faire des conférences bibliques dans des groupes situés dans un rayon de 300 kilomètres de Brooklyn. Avec le temps, on lui attribua la tâche de coordonnateur de tous les travaux d’impression à l’imprimerie de la Société, et, en 1932, il fut chargé de la direction du bureau d’édition et de l’imprimerie. En 1934, il fut élu comme un des administrateurs de la société légale new-yorkaise (...). En 1940, il devint administrateur et fut élu vice-président de la société légale de Pennsylvanie, la Watch Tower Bible and Tract Society. En janvier 1942, eut lieu son élection à la présidence des deux sociétés américaines et de l’association légale britannique des Étudiants de la Biblea.

      Vous voyez donc qu’avec de tels antécédents, il n’était pas nécessaire de le présenter personnellement aux témoins de Jéhovah, mais tous les congressistes savaient que sur lui reposerait désormais une responsabilité nouvelle et grave, aussi attendaient-​ils avec impatience de le voir se mettre au travail et priaient-​ils pour que Jéhovah bénisse ses efforts.

      THOMAS: Je pense que vous nous avez également dit la semaine dernière que Hayden C. Covington avait été élu vice-président.

      JEAN: C’est exact. Il travaillait dans le service juridique, et succéda au juge Rutherford en tant que responsable de ce service et comme avocat de la Société. Il est né à Nelta, Hopkins County, au Texas, en 1911, a été diplômé de l’École de Droit de San Antonio en 1933, et a commencé à prêcher comme témoin de Jéhovah l’année suivante. Le 21 août 1939 il est entré dans le service juridique de la Société, et en novembre 1941 il est devenu membre du barreau de New York. Il assuma la fonction de vice-président de la Société de Pennsylvanie jusqu’au 1er octobre 1945, date à laquelle les membres du Conseil acceptèrent la requête qu’il avait formulée dans sa lettre du 24 septembre 1945 demandant à être relevé de ses fonctions de membre du Conseil d’administration et de vice-président. Il offrit sa démission non pour se soustraire aux responsabilités, mais pour se soumettre à ce qui paraissait être la volonté du Seigneur, c’est-à-dire que tous les membres du Conseil soient des oints, puisque son espérance était celle des “autres brebis” qui ont la perspective de vivre sur la terre. Il a continué de servir en qualité d’avocat de la Société, et l’un des membres du reste fut élu vice-président à sa placeb.

      UN ESPRIT RÉSOLU ANIME LA NOUVELLE ADMINISTRATION

      En dépit des conditions mondiales critiques, des arrestations, des émeutes et de la persécution intense subie par les témoins de Jéhovah dans le monde entier, la nouvelle administration ne manquait pas d’expérience et n’était pas indécise quant à la bonne ligne de conduite à observer. La situation a bien été décrite dans le rapport annuel publié par la Société et relatif à la première année de service qui suivit la mort du juge Rutherford. Lisons ce que rapporte l’Annuaire (angl.) de 1943.

      L’année 1942 se révéla être une année décisive pour le peuple de Dieu, et il semble aussi que celui-ci fut particulièrement mis à l’épreuve cette année-​là. La guerre se poursuivait sur toute la terre et elle servit d’excuse aux ecclésiastiques pour faire interdire presque partout l’activité des témoins de Jéhovah; dans tel pays, dans telle île, et même dans des villes des États-Unis, des publications furent confisquées et des frères emprisonnés; il y eut des émeutes et on détruisit les biens appartenant au peuple du Seigneur. D’une extrémité de la terre à l’autre, les témoins de Jéhovah durent défendre leur vie, et c’est ce qu’ils firent par la grâce du Seigneur.

      Au début de 1942, quand notre bien-aimé frère Rutherford acheva sa course terrestre et reçut la récompense pour ses nombreuses années de service fidèle, nos ennemis pensaient que c’était la ruine définitive de l’organisation connue sous le nom de “témoins de Jéhovah”. Aux yeux de nos adversaires, cela semblait une victoire. Les ecclésiastiques qui font le mal sous le couvert de la loi acculaient les témoins de Jéhovah, et maintenant que le “chef agressif” de ces derniers avait quitté la scène, pour eux l’organisation allait certainement se désagréger.

      Une journaliste avait déclaré en 1931, lorsque les membres de la Watchtower ont adopté le nouveau nom, à savoir témoins de Jéhovah, que ce nom ne tiendrait pas. Cette même journaliste reconnut dans un autre article qu’elle avait fait erreur, car le nom de témoins de Jéhovah avait tenu. Maintenant que le juge Rutherford n’était plus avec l’organisation terrestre, la journaliste en question déclarait: “Je ne ferai plus de prophéties concernant la Société Watch Tower des témoins de Jéhovah. Bien que nombre de personnes aient dit que l’organisation tomberait, je ne me risquerai pas à soutenir cette thèse; je préfère attendre pour voir ce qui va se passer.” Il semble que cette femme ait suivi le conseil de Gamaliel qui déclara: ‘Si cette œuvre ne vient pas de Dieu, elle sera certainement détruite, mais si elle vient de Dieu il serait dangereux d’être trouvés comme combattants contre Dieu!’ Cependant, c’était là une opinion exceptionnelle de la part de la pressec.

      Les denrées alimentaires et l’essence étaient rationnées, mais en dépit de ce qui, aux yeux du monde, semblait être des revers essuyés par la Société Watch Tower, dès le début du mois de mars 1942 celle-ci commençait les préparatifs de l’Assemblée théocratique du monde nouveau. La ville de Cleveland fut choisie comme centre principal et des dispositions furent prises pour la relier à cinquante et une autres villes des États-Unis, où des congrès étaient organisés. De plus,

      toutes les filiales du monde furent informées de l’organisation de ce congrès et on leur demanda de s’y joindre, bien que les communications téléphoniques directes fussent impossibles en raison de la guerre. De telles mesures furent prises en Grande-Bretagne, au Mexique, à Cuba, au Brésil, à la Trinité, en Afrique occidentale et au Cap, en Suède, en Suisse, à Hawaii, à Terre-Neuve et, grâce au Seigneur, il fut possible de transmettre en maints endroits les messages donnés à l’assemblée principale de Cleveland. En vérité, c’était bien une assemblée mondiale dirigée par le Grand Théocrate et le Roi Jésus-Christd.

      Le vendredi matin 18 septembre, premier jour de l’assemblée, les frères s’assemblèrent dans les différents auditoriums du pays, pour recevoir les instructions relatives au service du champ, ainsi qu’un territoire afin d’y annoncer la conférence publique intitulée “La paix de demain sera-​t-​elle de longue durée?” Tous les services du congrès étaient bien organisés; on avait prévu le logement des congressistes, des territoires pour le service du champ, des stands de publications, une cafétéria, un service de volontaires, l’enregistrement des pionniers, un parc à voitures; bref, tout avait été mis en œuvre pour satisfaire aux besoins des frères.

      ALLONS DE L’AVANT AVEC “L’ÉPÉE DE L’ESPRIT”

      Édifiés par cette journée de service consacrée à rendre témoignage à la Théocratie, le vendredi soir les congressistes se réunirent dans leurs salles respectives pour la session d’ouverture du congrès.

      Dès les premières paroles du président du congrès, les congressistes comprirent que cette assemblée n’avait pas été tenue en mémoire d’un compagnon de service. Une chose était clairement définie dans l’esprit de chacun: notre organisation n’est pas d’origine humaine, mais c’est celle de Dieu et elle continuera de fonctionner comme telle. Les paroles de bienvenue étaient brèves, mais très appropriées.

      Puis il y eut le discours clé intitulé “La seule lumière”; il fut entièrement publié dans La Tour de Gardee. Il n’y avait aucun doute dans l’esprit des assistants; le discours pouvait se résumer ainsi: “Allez de l’avant!” Quand l’orateur acheva d’expliquer les prophéties renfermées dans Ésaïe, chapitres 59 et 60, les frères étaient prêts. Allons-​nous ralentir notre activité pendant un certain temps? Non! Allons-​nous nous relâcher? Non! Allons-​nous nous reposer? Certainement pas! Allons plutôt de l’avant! Telle était la réponse. Les témoins de Jéhovah reçurent ce qu’ils attendaient: une preuve supplémentaire attestant que la ligne de conduite qu’ils avaient prise était la bonne.

      Les quinze dernières minutes de cette heure furent réservées au président de la Société qui présenta ‘l’épée de l’esprit’. Cet instrument fut accueilli avec joie, et les expressions qui se lisaient sur les visages reflétaient la gratitude et une satisfaction complète. Reconnaissants envers le Seigneur pour ce don, à savoir la nouvelle Bible de la WATCHTOWER, les frères étaient plus que jamais déterminés à “aller de l’avant” jusqu’à la fin, et rien ne les empêcherait de chanter les louanges du Très-Hautf.

      La publication de cette nouvelle Bible Watchtower constituait en réalité un pas en avant historique. Ce n’était pas la première Bible publiée par l’organisation en tant que Société biblique, mais pour la première fois, la Société avait imprimé sur ses propres presses un exemplaire complet de la sainte Bible. Une autre fois nous nous étendrons davantage sur ce sujet.

      Le samedi matin 19 septembre, le programme prévoyait la prédication de porte en porte, la marche publicitaire, la distribution de feuilles d’invitation et l’activité avec les voitures munies de haut-parleurs. Tous ceux qui n’étaient pas désignés pour remplir une tâche bien définie, soit à la cafétéria, au stand des publications, au service du logement ou à tout autre service utile au bon fonctionnement de l’assemblée, participaient au service du champ. À ce congrès, chacun avait de quoi s’occuper.

      Les congressistes attendaient avec impatience le discours intitulé “Combattants pour le monde nouveau” prévu pour le samedi après-midi. Cela est attesté par le fait que dans les cinquante-deux villes où se tenaient les assemblées, 80 000 personnes s’étaient réunies.

      Ce discours renfermait deux points saillants: La victoire de Jephté sur ses ennemis et l’offrande de sa fille pour le service à plein temps au temple, en sacrifice à Jéhovah. La description de la bataille menée sous la direction du Grand Jephté émut les frères. Ils comprirent clairement que le Grand Jephté se sert de l’organisation de Jéhovah, la Société, que la règle théocratique est la seule que le Seigneur désire que son peuple suive, et que le peuple du Seigneur combattra pour adorer librement Dieu et fera tout ce qu’il peut pour se maintenir dans sa position actuelle, en ne permettant pas aux puissances totalitaires ou aux Ammonites modernes de le vaincre. Il était clair pour chacun qu’il ne pouvait être question de se relâcher. Dieu avait accordé aux témoins de Jéhovah le droit de l’adorer conformément à sa Parole. Ils ne manqueraient pas de lui obéir. Quiconque s’aviserait de contester ce droit serait refoulé dans les limites de son domaine. Il fut nettement établi que cet évangile du Royaume sera prêché. Le signal incitant à “aller de l’avant” avait été donné et, par la grâce et l’aide du Seigneur, tous les serviteurs du Tout-Puissant iraient de l’avant jusqu’à la victoire finale. Ces paroles réjouirent le cœur de tous et apportèrent un grand réconfort aux fidèles disciples du grand Théocrate et de Jésus-Christ.

      Le second point saillant du discours, expliquant l’offrande de la fille de Jephté, fut si vivant et émouvant que nombre d’assistants furent touchés jusqu’aux larmes. Ils comprenaient pleinement que le drame de Jephté démontre que tous les fruits produits par notre témoignage et notre service pour le Royaume doivent être offerts au Seigneur, tout comme Jephté offrit sa fille unique. L’assistance nombreuse reconnaissait que l’accroissement de l’œuvre de rassemblement des “autres brebis” dans la bergerie vient du Seigneur, et elle était prête à lui offrir toutes ces “autres brebis”, pour qu’elles soient complètement employées à son service.

      À la fin de ce discours, une résolution fut proposée et acceptée à l’unanimité. Puis, dans les 52 congrès, on présenta simultanément aux combattants pour le monde nouveau le manuel intitulé Le monde nouveaug.

      Cet ouvrage renfermait une étude biblique de la prophétie de Job; il approfondissait et développait le thème du discours “Intégrité”, que frère Rutherford avait prononcé l’année précédente lors de l’ouverture de sa dernière assemblée. Un questionnaire fut publié ensuite, afin de faciliter la conduite des études bibliques à domicile; on procédait de la même manière qu’avec les brochures Étude modèleh.

      Le samedi soir 19 septembre, on présenta une nouvelle brochure renfermant des instructions sur l’organisation. Elle démontrait que la règle théocratique est la seule qui convient à l’organisation du Seigneur. Ces nouvelles instructions furent examinées dans le discours “Servons la Théocratie”. Les congrégations et les pionniers reçurent cette brochure par la suite, si bien que tous les serviteurs en possédaient un exemplaire; ces instructions devinrent effectives le 1er octobre 1942i.

      NOUVELLES DISPOSITIONS POUR LE SERVICE

      THOMAS: A-​t-​on inauguré de nouvelles formes de service à cette époque?

      JEAN: En effet. Je voudrais maintenant mentionner une chose importante; il s’agit de la reprise du programme de visite des congrégations par des représentants de la Société. Suite à cette réorganisation, les représentants itinérants de la Société furent désignés sous le nom de “serviteur des frères”, et leur tâche consistait à visiter les congrégations ou groupes au moins une fois tous les six mois. Ils devaient vérifier les fiches des proclamateurs, les fichiers des nouvelles visites, les territoires, les comptes, les publications, les périodiques et les autres choses mentionnées à leur intention dans la brochure Instructions sur l’organisation. Tous les frères furent encouragés à participer avec le serviteur des frères au service du champ pendant sa visite, étant donné que sa principale responsabilité au sein de la congrégation était de les aider à faire “progresser les intérêts du Royaume de la manière la plus efficacej”.

      À propos du programme de l’assemblée de 1942, il faut préciser qu’après le discours “Servons la Théocratie”, une autre allocution fut prononcée sur le thème “Victoire”. Elle soulignait que les combattants pour le monde nouveau avaient remporté de nombreuses victoires devant les tribunaux du pays au cours de l’année écoulée. L’orateur montra également qu’il restait beaucoup de combats à mener, mais que, par la grâce du Seigneur, pas un pouce de terrain ne serait lâché. À la fin de son discours, il présenta la brochure Nouvelles du Royaume (No 11). Le soir même et le lendemain, les congressistes en distribuèrent des centaines de milliers d’exemplaires.

      “LA PAIX DE DEMAIN SERA-​T-​ELLE DE LONGUE DURÉE?”

      Le dimanche matin 20 septembre, des dispositions furent prises en vue de baptiser ceux qui avaient voué leur vie au service de Jéhovah. Le rapport global pour les cinquante-deux assemblées tenues aux États-Unis révéla que 3 548 chrétiens symbolisèrent l’offrande de leur personne à Dieu par le baptême d’eau. Si nous ajoutons à ce chiffre le rapport parvenu des autres pays, il apparaît qu’en un jour presque 5 000 personnes attestèrent devant témoins qu’à partir de ce jour elles serviraient Dieu plutôt que les hommes.

      Le monde étant en guerre, le thème de la conférence publique convenait parfaitement; en outre, l’intérêt manifesté à l’avance laissait prévoir qu’il y aurait une bonne assistance. Les prévisions s’avérèrent exactes.

      Le dimanche 20 septembre, à 16 heures, le moment était venu de prononcer la conférence qui avait fait l’objet d’une si importante publicité. Le rapport indique que 129 699 personnes écoutèrent le discours public dans les 52 villes des États-Unis, lesquelles étaient directement reliées entre elles par téléphone. Une réponse biblique satisfaisante fut donnée à la question “La paix de demain sera-​t-​elle de longue durée?” Tous les assistants étaient sincèrement étonnés de la réalisation des prophéties bibliques, et la compréhension du dix-septième chapitre de la Révélation causa une grande joie; de plus, elle fit la lumière sur les événements futurs, ce qui prouve nettement que les témoins de Jéhovah ont encore beaucoup à faire avant qu’on ne crie “Paix et sécuriték!”

      On comprenait bien maintenant que selon Révélation 17:8 la “bête” ou organisme de la sécurité internationale, anciennement la Société des Nations, réapparaîtrait après la Seconde Guerre mondiale, et que suivrait une période durant laquelle la bonne nouvelle serait prêchée avant la fin à Harmaguédon. Un exemplaire de la brochure “La paix de demain sera-​t-​elle de longue durée?” fut remis gracieusement à chaque assistant. On offrit aussi à quiconque le désirait dix exemplaires de cette brochure, afin qu’il les remette à ses amis. Plus de 500 000 brochures furent emportées par les congressistes, pour eux-​mêmes et pour leurs connaissances. On présenta également l’édition courante du livre Le monde nouveau et les assistants s’en procurèrent par milliersl.

      LA VIOLENCE DÉCHAÎNÉE DANS LE PAYS NE RÉUSSIT PAS À INTERROMPRE LES ASSEMBLÉES

      LOÏS: Ce congrès national a-​t-​il rencontré de l’opposition?

      JEAN: Certainement; écoutez ceci:

      Le dernier jour de cette Assemblée théocratique du monde nouveau fut de loin le plus critique de ce congrès national. Des foules démonisées et menées par des ecclésiastiques fomentèrent des émeutes dans maints endroits des États-Unis, et déchaînèrent leur furie religieuse sur les fidèles témoins de Jéhovah qui désiraient se réunir en paix pour adorer le Dieu tout-puissant. Les villes de Little Rock, dans l’Arkansas, de Springfield, dans l’Illinois et de Klamath Falls, dans l’Oregon, commençaient à se faire une réputation d’un bout à l’autre du pays comme étant antiaméricaines; ainsi les émeutes se formaient librement, et pratiquement rien n’était fait pour défendre les droits des citoyens. On a battu et emprisonné les frères, on leur a tiré dessus, arraché leurs vêtements, on a brûlé leurs publications, renversé et détruit leurs voitures, saccagé leurs maisons; tout cela alors que les officiers, censés pourtant “faire respecter la loi”, permettaient à ces fous furieux de donner libre cours à leur violence, en dépit des preuves incontestables attestant la culpabilité de ces assaillants haineux. Les émeutiers allèrent même jusqu’à confisquer des Bibles pour les brûler publiquement. Seul le Diable pouvait inciter des hommes à se conduire de la sorte.

      Face à cette vague de violence et pleinement confiants en Jéhovah, les frères tinrent ferme et un bon témoignage fut rendu à ceux qui avaient vu ces actes de violence. Les témoins observèrent certaines tactiques de Néhémie et de ses compagnons fidèles dans le service de Jéhovah, et combattirent pour les intérêts du Royaume et de leurs frères. Par la grâce de Jéhovah, les témoins furent à même de se réunir dans toutes les villes où un congrès avait été organisé, et ils reçurent ainsi les vérités précieuses renfermées dans Révélation chapitre 17 et annoncées dans le discours public “La paix de demain sera-​t-​elle de longue durée?”, vérités que Jéhovah avait gardées à leur intention. Rien d’étonnant à ce que le Diable intervînt pour que les hommes ne reçoivent pas un tel message! Toutefois, il est incapable d’empêcher le message du Dieu tout-puissant d’atteindre ceux à qui il est adressé. Ces tentatives infructueuses visant à décourager les témoins de Jéhovah et leurs compagnons au moyen d’émeutes et de harcèlements ont eu pour effet de resserrer les liens du peuple du Seigneur et d’ouvrir les yeux de nombreuses personnes bien disposées quant à la méchanceté des hommes d’Église et de leurs acolytes politiques. Jéhovah manœuvra toutes choses de sorte qu’il fût glorifié et la Théocratie magnifiée par l’Assemblée théocratique du monde nouveaua.

      DES ÉTUDES POUR TOUS

      Grâce aux nouvelles dispositions prises par la Société et annoncées à l’assemblée, ayant en vue d’améliorer le ministère de chacun dans les congrégations par des visites régulières de représentants de la Société, le fondement d’un programme consistant à “bâtir” et à “planter” était posé. Ainsi, dès le commencement de la nouvelle administration de la Société, on mit l’accent sur l’enseignement de tous les témoins de Jéhovah. Notez en outre ces autres mesures destinées à former les témoins, mesures exposées dans le premier Annuaire publié sous la nouvelle administration.

      Tous les ministres de l’évangile ordonnés doivent étudier pour se montrer approuvés de Dieu, aussi doivent-​ils être formés dans la Parole du Seigneur. Des dispositions ont été prises par la Société afin de donner cet enseignement à ceux qui se sont engagés à faire la volonté du Seigneur. Dans toutes les villes où il y a des témoins de Jéhovah, un groupe est organisé. Ce groupe de témoins de Jéhovah se réunit régulièrement plusieurs fois par semaine et étudie avec application les Écritures. La Société Watchtower envoie à ces groupes des publications en vue de l’étude de la Bible. Non seulement elle leur fournit des livres et des périodiques pour qu’ils les étudient sérieusement, mais encore elle imprime des questionnaires afin de faciliter la tâche des étudiants. La Société pourvoit également à de nombreux manuels bibliques pour aider ces groupes dans leurs études sur le plan local. Chaque étude commence par la prière et un conducteur compétent nommé par la Société dirige la réunion d’une manière ordonnée. Ceux qui y assistent sont réellement des étudiants des Écritures, et ils suivent le conseil de l’apôtre, qui déclara: “Toi donc, mon enfant, ne cesse d’acquérir de la puissance dans la bonté imméritée qui est relative à Christ Jésus, et les choses que tu as entendues de moi avec l’appui de beaucoup de témoins, ces choses, confie-​les à des hommes fidèles, qui, de leur côté, sont suffisamment qualifiés pour en enseigner d’autres.” (II Tim. 2:1, 2). Ces étudiants comprennent qu’ils ont la responsabilité d’acquérir la connaissance, afin d’être à même d’enseigner leurs semblables, qui, à leur tour, prendront position pour le Royaume. Ces études sont ouvertes à toutes les personnes bien disposées qui sont désireuses d’en connaître davantage sur les Écritures et les enseignements de notre Père céleste.

      Les étudiants des Écritures qui assistent aux réunions tenues régulièrement par la Société dans les différentes villes, non seulement étudient pour augmenter leur connaissance concernant la Parole du Seigneur, mais conduisent également des études dans les foyers des personnes bien disposées habitant les villes et les villages. L’importance de ces études ainsi que le bon travail effectué grâce à elles seront exposés un peu plus loin dans ce rapportb.

      COURS SUPÉRIEUR DU MINISTÈRE THÉOCRATIQUE

      Au Béthel, situé au 124 Columbia Heights, à Brooklyn, New York, où il y a plus de 200 étudiants de la Bible, on a organisé, en plus de nombreuses études suivies par les groupes à travers les États-Unis, un cours supérieur du ministère théocratique. Les jeunes hommes inscrits à cette école reçoivent une formation complète dans l’art oratoire; tous les discours publics sont basés sur la Bible. Le cours comprend une étude des différentes traductions de la Bible, l’emploi de concordances et de dictionnaires bibliques, un examen approfondi de l’histoire et des personnages bibliques, des leçons de diction et de prononciation, et la façon de préparer un discours. De nombreux autres sujets sont considérés dans ces classes d’étude. Tous les étudiants ont l’occasion de prononcer des allocutions et de rédiger des traités sur différents sujets, lesquels sont soumis à l’examen des instructeurs de l’école. Ce cours supérieur du ministère théocratique s’est avéré des plus profitable et utile pour les étudiants. Ces derniers sont tous des ministres ordonnés qui conduisent régulièrement des études bibliques à domicile, et un grand nombre visitent régulièrement les congrégations dans différentes villes et régions du pays, en partant de New Yorkc.

      THOMAS: Cette école était une nouvelle disposition, n’est-​ce pas?

      JEAN: Oui, en effet, quoique peu de temps après que l’œuvre de prédication eut repris en 1919, quelques tentatives aient été faites en vue de pourvoir à un cours de perfectionnement dans l’art oratoire, car beaucoup en ressentaient la nécessité. Des groupes disséminés dans tout le pays avaient organisé ce qu’on appelait les “Écoles des prophètes”, et même au Béthel une telle école fonctionna pendant un certain temps; toutefois, la Société n’était pas à l’origine d’une telle entreprise, et ces écoles cessèrent leur activité.

      LOÏS: Pourquoi les appelait-​on “Écoles des prophètes”?

      JEAN: Ce nom venait sans doute d’un groupe d’étude qui avait été formé à l’époque d’Élie et d’Élisée. La Tour de Garde fit un commentaire dans le passé à propos de cette école qui fonctionnait du temps des prophètes. Veux-​tu nous le lire, Marie?

      MARIE [Elle lit]:

      [Élisée] ramassa le manteau d’Élie, qui était tombé, et en arrivant au Jourdain, il en frappa les eaux, comme Élie avait fait, en disant: “Où est l’Éternel, le Dieu d’Élie?” Cela voulait dire: L’Éternel, le Dieu d’Élie, est-​il avec moi? Si oui, alors j’exercerai la même puissance divine qu’Élie a exercée. Sa foi fut récompensée, car le Jourdain se divisa, comme du temps d’Élie. Élisée devenait ainsi le principal enseignant des écoles établies par Élie, et il était reconnu comme teld.

      THOMAS: Comment fonctionnait la nouvelle école créée par la Société? Les cours étaient-​ils donnés régulièrement?

      JEAN: Le programme commença le lundi 16 février 1942, et seuls les membres du sexe masculin du siège principal de la Société purent s’inscriree. L’école se tenait une fois par semaine, le lundi soir. Pour la première partie on s’assemblait dans la grande salle, où un discours était prononcé devant tous les membres inscrits à l’école. Les autres frères de la famille qui n’étaient pas inscrits, ainsi que les sœurs, furent aussi invités à y assister. Ensuite, il y avait une courte pause, qui permettait aux assistants de se séparer en plusieurs classes. Pendant la seconde partie, des allocutions d’élèves étaient présentées sur des sujets difficiles sous la direction de conseillers qualifiés.

      Grâce au programme progressif suivi à cette école, des cours d’éloquence et différentes études de la Bible étaient donnés. Au moyen des toutes dernières techniques de l’art de prononcer des discours improvisés, les élèves firent immédiatement des progrès considérables. Les membres du Béthel améliorèrent ainsi non seulement leurs qualités oratoires, mais également leur façon de prêcher de porte en porte. Ce nouveau programme d’enseignement profita à ceux qui étaient inscrits à l’école, et aussi aux sœurs de la famille du Béthel. Le succès de ces cours fut tel que cette école devint une partie du programme d’enseignement suivi régulièrement au siège principal de la Société.

      L’ÉCOLE DE GALAAD OUVRE SES PORTES EN 1943

      L’étape suivante du nouveau programme d’enseignement établi par la Société avait pour but d’étendre le programme de construction jusqu’aux confins de la terre, au moyen d’une activité de prédication élargie. Cela comprenait la fondation d’une école supérieure pour la formation de missionnaires et de représentants ministériels devant accomplir un service spécial à l’étranger. En raison du manque de place, le siège principal du Béthel de Brooklyn ne convenait pas pour cette institution, aussi chercha-​t-​on d’autres locaux.

      On reconnut immédiatement que l’endroit idéal pour dispenser cette nouvelle formation théocratique était la grande ferme s’étendant sur 320 hectares, dont la Société se servait depuis 1935 pour fournir la nourriture aux membres de la famille du Béthel de Brooklyn. Connue sous le nom de “Ferme du Royaume”, elle était située à 400 kilomètres au nord-ouest de New York, dans la région des Finger Lakes (Lacs des Cinq Doigts), dans l’État de New York, près de la ville d’Ithaca, où se trouve la célèbre Université Cornell. Il s’agit de la ferme dont nous avons déjà parlé à propos de l’émeute et du complot visant à détruire tous les biens de la Société, complot qui échoua grâce à l’intervention rapide du shérif.

      Au cours des années, un certain nombre de bâtiments avaient été construits sur les terres, et en 1941, après la menace, un grand bâtiment en briques fut achevé, auquel on donna le nom de “Galaad”, ce qui signifie “monceau de témoignage”. Ce bâtiment fut choisi comme édifice administratif quand le conseil d’administration approuva la fondation de l’école biblique en septembre 1942. On la désigna alors sous le nom de Galaad, l’École biblique de la Watchtower.

      Immédiatement, une faculté de quatre ministres ordonnés faisant partie du personnel du Béthel fut désignée pour procéder à la préparation d’un plan d’étude, élaborer des leçons, rechercher des manuels appropriés, rassembler une petite bibliothèque de 1 400 volumes, ouvrages de références essentiellement bibliques, et établir un plan de classes. Chaque cours devait durer cinq mois et compter une centaine d’étudiants inscrits, logés et nourris par la Société. Des modifications furent apportées aux bâtiments existants pour former des salles d’étude, une salle de conférences, une salle à manger et des chambres à coucherf.

      Attendu que la guerre durait encore et que la Société était interdite au Canada, seuls les pionniers américains furent invités à participer à la première classe. Le 31 janvier 1943, tous les étudiants étaient arrivés, avaient été enregistrés et se préparaient en vue de l’inauguration de l’école, qui devait avoir lieu le lendemain.

      En cette occasion, une centaine d’étudiants de la première classe, cinquante et un hommes et quarante-neuf femmes, certains étant mariés et d’autres célibataires, s’assemblèrent dans la grande salle de Galaad. Leurs parents et amis étaient venus de toutes les parties du pays, ainsi que les membres de la ferme du Royaume et les gens du voisinage. Voici ce que déclara le président de la Société, qui était aussi président de l’école, dans son discours d’inauguration:

      En plein cœur de la guerre mondiale qui ravage de nombreuses parties de la terre, beaucoup de collèges se sont vus obligés de fermer leurs portes. Aujourd’hui, 1er février 1943, nous qui sommes assemblés ici, nous avons le privilège d’assister à l’ouverture de Galaad, le Collège biblique de la Watchtower, situé dans cette magnifique région de l’État de New York. La gloire n’en revient à aucun homme, car c’est Jéhovah Dieu qui a pourvu à cet endroit et à cet édifice appelé “Galaad”, et cela pour la réalisation de son dessein. C’est vers lui que montent nos remerciements et nos louanges. Il apparaît que ses témoins ont encore un grand travail à accomplir, afin que se réalise le dessein de Dieu suivant lequel son nom doit être déclaré sur toute la terre avant qu’il ne manifeste sa puissance à son ennemi (Ex. 9:16). Ce collège est une disposition bienveillante de la part de Jéhovah pour que ce dessein s’accomplisse, car il formera des ministres de l’Évangile ordonnés en vue d’un service spécial. Nous prions pour que cet édifice serve toujours à la gloire et à la justification de son nom.

      BUT DE L’ÉCOLE DE GALAAD

      L’orateur expliqua ensuite que cette école de la Société Watchtower avait été fondée “uniquement dans le but de former des hommes et des femmes, afin qu’ils soient des serviteurs plus efficaces en leur qualité de ministres du Seigneur dans certains pays”, ce qui était parfaitement en harmonie avec la Charte de la Watchtower Bible and Tract Society, Inc. L’orateur poursuivit, disant:

      Il y a de nombreux endroits où le témoignage du Royaume n’a pas été très répandu. Les gens habitant ces territoires vivent dans les ténèbres de la fausse religion. Dans certains de ces pays où il n’y a que peu de témoins, on a remarqué que les personnes bien disposées écoutent attentivement le message et se joindraient à l’organisation du Seigneur si elles étaient convenablement enseignées. S’il y avait plus de travailleurs dans le champ, il serait possible de toucher des centaines, voire même des milliers de ces gens honnêtes. Mais par la grâce du Seigneur, il y aura davantage d’ouvriers.

      Ce collège NE FERA PAS de vous des ministres ordonnés, car vous êtes déjà des ministres actifs depuis des années, ce qui est d’ailleurs une condition requise pour être admis dans ce collège. Vous avez été ordonnés par Jéhovah Dieu. Par vos œuvres, par votre activité fidèle et par le combat que vous menez en tant que soldats, vous avez prouvé que vous êtes ordonnés, aussi la Société vous reconnaît-​elle comme ministres ordonnés. Le programme d’étude établi par le collège a uniquement pour but de vous préparer à devenir des ministres plus capables dans les territoires où vous serez envoyés. Vos études, dirigées par des instructeurs compétents, comprendront un cours d’arithmétique, des instructions sur l’expédition et l’emploi des formules et rapports de la Société, ainsi que sur la façon de traiter avec les autorités gouvernementales, un cours de droit international, et un cours d’anglais et de grammaire, afin d’améliorer vos connaissances de la langue en vue de présenter convenablement l’évangile du Royaume. On vous enseignera également les premiers rudiments d’une langue étrangère; vous pourrez ainsi apprendre plus rapidement la langue du pays où vous serez envoyés. En tant qu’étudiants, vous retirerez le plus grand profit du cours, à la condition que vous fassiez tout ce que vous pouvez. Vous devriez travailler de votre mieux, avec le désir d’être bien équipés pour le ministère théocratique et le service missionnaire dans lequel vous vous engagez.

      Vous étudierez attentivement tous les sujets que je viens de citer, mais votre principale formation sera axée sur la recherche biblique et l’art de parler de la Bible en public, et les instructions de l’organisation théocratique vous seront expliquées. Vous ne serez pas formés pour être “serviteurs de filiale” ou pour diriger l’œuvre dans certains pays en tant que représentants spéciaux de la Société; toutefois, si c’est la volonté du Seigneur et que les progrès de l’œuvre le justifient, il se peut qu’avec le temps vous soyez nommés à une telle fonction.

      Votre tâche principale consiste à prêcher l’évangile du Royaume de maison en maison à l’exemple de Jésus et de ses apôtres. Quand vous trouvez une oreille attentive, prenez des dispositions pour faire une visite, commencez une étude biblique à domicile et organisez dans la ville un groupe qui sera composé de ces personnes bien disposées. Non seulement il vous appartient de former un groupe, mais vous devez encore aider ceux qui en sont membres à comprendre la Parole, les affermir, leur parler personnellement de temps à autre, les aider au cours des réunions de service et sur le plan de l’organisation. Quand ils seront forts et pourront se diriger seuls et s’occuper du territoire, vous pourrez alors vous rendre dans une autre ville, afin d’y proclamer le Royaumeg.

      Plusieurs membres du conseil d’administration s’adressèrent ensuite aux étudiants, et le programme de l’école commença plus tard ce jour-​làh.

      CONDITIONS D’ADMISSION ET PROGRAMME

      THOMAS: Quelles étaient les conditions d’admission à l’école? Il est évident que les étudiants devaient être témoins de Jéhovah et, selon le discours d’ouverture du président, les élèves de la première classe étaient déjà dans le ministère depuis un certain nombre d’années. Mais n’avez-​vous pas dit que tous les étudiants de la première classe étaient pionniers?

      JEAN: Oui; en fait, deux années d’expérience dans le service de pionnier étaient une des conditions requises. Cela sous-entendait aussi qu’il fallait être voué et entièrement attaché au Seigneur. En outre, les candidats devaient posséder une bonne instruction de base, dispensée par les écoles du monde, être des étudiants de la Bible et bien connaître son contenu.

      Évidemment les cours n’étaient pas payants, car la Société Watchtower offrait gratuitement cet enseignement à chacun. De plus, la Société remboursait les frais de voyage aller-retour, elle nourrissait et logeait les étudiants pendant leurs cours, et leur accordait mensuellement une allocation pour leurs autres frais. Il était entendu que les étudiants accepteraient leur affectation de service, quel que soit l’endroit où la Société déciderait de les envoyer.

      LOÏS: C’était certainement une merveilleuse disposition. Comment fallait-​il s’y prendre pour être admis?

      JEAN: Le candidat devait remplir un questionnaire, et l’invitation était envoyée par l’intermédiaire du bureau du président; après quoi le candidat était immatriculé sur les registres de l’École de Galaad.

      Aucun autre collège n’offrait un cours comparable à celui que dispensait la Société au moyen de l’École de Galaad. On ne pouvait pas choisir les sujets, les étudiants devant tous suivre le même cours. La majeure partie des sujets traités étaient bibliques et comprenaient un cours supérieur sur le ministère théocratique et le service missionnaire. Dès le début, le programme d’études comportait: écritures théocratiques, service missionnaire, ministère théocratique, vérité biblique, art oratoire, recherches bibliques, faits bibliques, histoire de l’adoration, prophéties du Royaume, loi suprême, thèmes bibliques et une langue étrangèrei. La Bible était le principal manuel employé, et dans cette première classe on enseigna l’espagnol comme langue étrangère.

      LOÏS: Quel était le programme de la classe?

      JEAN: Cinq heures et demie d’école étaient prévues pour chacun des cinq jours de la semaine, de 8 heures du matin à 2 h 30 de l’après-midi, avec une heure d’interruption pour le déjeuner. Le samedi matin il y avait une conférence qui durait 1 h 30, et la fin de la matinée était consacrée à l’étude ou aux leçons particulières données par les instructeurs. Chaque soirée de la semaine était réservée à l’étude, de 19 heures à 22 heures.

      En plus de la conférence et de l’étude, chaque après-midi les étudiants passaient trois heures à s’occuper de travaux domestiques dans l’école et la ferme. Cette activité était non seulement salutaire pour détendre les nerfs entre les cours et les heures d’étude le soir, mais elle permettait également d’entretenir les cinq dortoirs réservés aux étudiants et d’assumer les nombreux travaux de la ferme. Grâce aux efforts d’un grand nombre d’étudiants, il a été possible de construire et d’améliorer de nombreux bâtiments autour des locaux réservés aux élèves; citons entre autres la construction d’une piscine, le pavement des routes, la construction d’un bâtiment devant servir de bibliothèque et l’aménagement des jardins.

      Pour apporter une diversion à la routine scolaire, les fins de semaine étaient réservées au service du champ. Des groupes d’étudiants rendaient témoignage dans les villes et les villages situés dans un rayon de quarante kilomètres, et par la suite le territoire s’étendit à quatre-vingts kilomètres, ce qui suscita un très grand intérêt pour le Royaume. Les étudiants revisitaient les personnes bien disposées et conduisaient avec elles des études bibliques. Les instructeurs, étant eux-​mêmes des ministres ordonnés, se joignaient aux étudiants dans le service de maison en maison, les visites et la prédication dans les rues. L’unité qui régnait entre les élèves et les instructeurs ajoutait à la qualité théocratique du système scolaire tout entierj.

      Le programme en vue de l’expansion mondiale était maintenant en bonne voie. Ayant reçu une formation complète dans l’œuvre de prédication mondiale des témoins de Jéhovah grâce à son travail au siège principal de la Société, et ayant fait un certain nombre de voyages en compagnie du second président de la Société, le nouveau président avait compris la nécessité de donner une meilleure formation à tous les ministres de la Société. En collaboration avec les membres de son bureau, le président avait immédiatement élaboré un programme d’enseignement théocratique. Les fondements étaient maintenant posés.

      [Notes]

      a a wF 1956, p. 75.

      b b Annuaire (angl.) 1946, pp. 221-224.

      c c Annuaire (angl.) 1943, pp. 60, 61.

      d d Annuaire (angl.) 1943, p. 62.

      e e w 1942, pp. 291-300.

      f f Annuaire (angl.) 1943, pp. 63, 64.

      g g Annuaire (angl.) 1943, pp. 65-67.

      h h Informateur (angl.), nov. 1942, p. 1.

      i i Informateur (angl.), oct. 1942, p. 2.

      j j Informateur (angl.), nov. 1942, p. 1.

      k k Annuaire (angl.) 1943, pp. 68, 69.

      l l Ibid., pp. 60-70.

      a m Annuaire (angl.) 1943, pp. 73-75.

      b n Ibid., pp. 24, 25.

      c o Annuaire (angl.) 1943, p. 25.

      d p w 1898, p. 223, par. 1.

      e q Bulletin (angl.), No 1, école du Béthel.

      f r Annuaire (angl.) 1943, pp. 25-27.

      g s w 1943, pp. 61-63.

      h t Voir Consolation (angl.), Vol. XXIV, 17 mars 1943, pp. 3-16, pour le récit complet de l’inauguration et des photos.

      i u Annuaire (angl.) 1944, pp. 39-43.

      j v Le Messager (angl.), 12 août 1946, p. 46.

  • La bonne nouvelle crée des précédents juridiques
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 28

      La bonne nouvelle crée des précédents juridiques

      THOMAS: La situation des témoins de Jéhovah ne s’est-​elle pas développée sur le plan juridique au cours de l’année 1942 aux États-Unis?

      JEAN: Si, certainement, mais cela se produisit plus particulièrement en 1943. Toutefois, avant d’en parler, je pense qu’il serait bien que nous passions en revue les cas ayant déjà fait l’objet de notre discussion. Marie, as-​tu les notes que tu as prises à propos de ces différentes affaires?

      MARIE: Oui, et j’ai même quelques indications supplémentaires. Au printemps de l’année 1938, le 28 mars, la Cour suprême des États-Unis promulgua le principe légal suivant lequel une ordonnance de Griffin, en Géorgie, était nulle et non avenue. “La liberté de la presse, déclara le président de la Cour, accordait à l’origine le droit de publier ‘sans autorisation ce qui auparavant ne pouvait être publié qu’avec une autorisationa’.” Il s’agissait du cas Lovellb.

      En automne 1939, le 22 novembre, la Cour suprême décréta, à propos du cas Schneiderc, qu’une ordonnance prescrivant aux colporteurs de fournir certains renseignements aux autorités et de demander un permis au chef de la police constituait une atteinte à la liberté de la presse, contrairement au Premier Amendement de la constitution.

      Le cas Cantwelld, examiné le 20 mai 1940, concernait une condamnation suite à la violation d’une ordonnance interdisant de solliciter de l’argent pour une cause religieuse sans l’autorisation de l’officier de police de la localité. La Cour suprême décida à l’unanimité que le statut appliqué dans ce cas constituait une violation de la liberté religieuse garantie par la clause du Quatorzième Amendement contre l’ingérence de l’Étate.

      THOMAS: N’est-​ce pas en 1940 que vous avez perdu le procès relatif au salut au drapeau?

      MARIE: En effet, cette décision a été prise dans le cas Gobitisf, qui fut jugé en juin 1940, n’est-​ce pas, Jean?

      JEAN: Oui, le 3 juin exactement. C’est ce verdict qui déclencha une vague de persécutions. En 1942, nous avons également perdu une autre cause importante. Il s’agit de l’affaire Jones contre Opelikag, jugée par la Cour suprême des États-Unis le 8 juin 1942. Ce procès portait sur la prédication dans les rues qui, à cette époque, était devenue une importante forme de service déployée par les témoins de Jéhovah. La Cour suprême jugea cette affaire ainsi que deux autres, l’une de l’Arkansas et l’autre de l’Arizona. Le cas Jones souleva la question de savoir si ce témoin de Jéhovah était vraiment coupable d’avoir transgressé une loi de la ville d’Opelika, dans l’Alabama, en “vendant des livres” sans licence ni paiement d’une taxe.

      Les témoins de Jéhovah perdirent ce procès par cinq voix contre quatre. La question constitutionnelle à débattre était de savoir si une patente non discriminatoire, d’un montant raisonnable, pouvait être exigée des témoins de Jéhovah pour exercer leur activité. La Cour décréta que cette patente était constitutionnelle. Stone, président de la Cour, conclut l’argumentation de son avis contraire par ces paroles:

      Vu que cette patente exerce une restreinte préliminaire sur le droit de publier, elle équivaut presque à une censure ou à une interdiction. Plus la cause est humble et pauvre, et plus cette patente fait office d’interdiction.

      Le juge Murphy abonda dans le même sens, déclarant entre autres choses:

      Quel que soit leur montant, les licences sont en réalité des taxes sur la propagation des idées religieuses, propagation réalisée grâce à la diffusion de publications religieuses dans un but uniquement religieux, et non pour un profit personnel. Ainsi la question de montant mise à part, ces taxes constituent un fardeau pesant pour la liberté de parole et de la presse, et pour le libre exercice du culte. En fait, sans la liberté de diffusion, il n’y aurait pas la liberté de la presse. (...)

      (...) Si cette Cour doit pécher en jugeant les plaintes déposées parce qu’on a porté atteinte à la liberté de parole, de la presse ou de religion, il est de beaucoup préférable qu’elle pèche pour avoir protégé à l’excès ces précieuses libertésh.

      POINT DE VUE DIFFÉRENT AU SUJET DE LA DÉCISION GOBITIS

      Un fait très intéressant se produisit à propos de la même affaire, à savoir le cas Jones. Après avoir exposé leur opinion, les juges Black, Douglas et Murphy ajoutèrent de leur plein gré cette déclaration significative et sans précédent, revenant sur leur vote de 1940 à propos du salut au drapeau:

      L’opinion de la Cour sanctionne une disposition qui, à notre avis, supprime ou tend à supprimer le libre exercice d’une religion pratiquée par une minorité. Cette action n’est autre qu’un nouvel aspect de l’attitude adoptée dans l’affaire Minersville School District contre Gobitis (...) contre la même minorité religieuse, et c’est une extension logique des principes sur lesquels était fondée cette décision. Puisque nous avons approuvé cette opinion dans le cas Gobitis, nous pensons que le moment est opportun pour déclarer que nous croyons que cette décision n’était pas bonne. Il ne fait aucun doute que notre forme démocratique de gouvernement opérant sur la base des Amendements garantissant les droits des citoyens assume la lourde responsabilité de s’adapter aux conceptions religieuses des minorités, aussi impopulaires et non orthodoxes soient-​elles. Le Premier Amendement n’accorde pas au droit d’exercer librement la religion une place subordonnée, toutefois nous craignons que les décisions adoptées à propos des cas présents et de l’affaire Gobitis ne fassent exactement celai.

      Vous vous souvenez à quel point la situation s’était aggravée dans tous les États-Unis. Les témoins de Jéhovah étaient persécutés de toutes parts, de violentes émeutes se déchaînant partout. De plus, les cérémonies au cours desquelles le salut au drapeau était obligatoire se multipliant dans les écoles, un nombre sans cesse croissant d’enfants se voyaient expulsés des établissements scolaires, ce qui incita la Société à aider les frères à instruire leurs enfants. Dès 1936, des écoles privées furent ouvertes; on les appela “Écoles du Royaume”, et elles fonctionnaient grâce à des enseignants qualifiés, eux-​mêmes témoins de Jéhovah, qui s’étaient offerts bénévolementj. Les cas de toutes sortes se chiffraient par milliers, et le courrier adressé au service juridique du siège principal de la Société était si important que les frères se voyaient dans l’impossibilité de traiter les affaires à mesure qu’elles se présentaient.

      Quand les juges Black, Douglas et Murphy adoptèrent cette position inattendue et encourageante à propos du cas Jones contre Opelika, l’avocat de la Société décida de rouvrir les débats sur la question du salut au drapeau, et de soumettre celle-ci rapidement à la Cour suprême. Il se rendit donc immédiatement dans la ville de Charleston, en Virginie occidentale, et déposa une plainte au tribunal du district Sud de la Virginie contre cet État, réclamant la remise de l’application de la loi exigeant le salut au drapeau. On ne s’attendait pas à ce que le jugement de cette affaire soit nécessairement rendu en faveur des témoins de Jéhovah, du moins en première instance. Ce procès fut présidé par trois juges. Cette cour de trois juges avait été formée afin de permettre aux témoins de Jéhovah de porter l’affaire directement devant la Cour suprême des États-Unis, pour qu’elle soit rapidement tranchée en cas de décision non favorable.

      Après la plaidoirie de l’avocat de la Société, l’avocat général de la Virginie occidentale prit la parole et dit: “Il n’est pas nécessaire que je réponde à M. Covington au sujet du cas nous intéressant. Je m’en tiendrai à la décision, toujours en vigueur, prise à propos de l’affaire Gobitis contre Minersville School District.” Le juge Parker de la Cour d’appel, qui présidait en compagnie des juges Moore et Watkins, déclara: “Si vous vous appuyez sur cette opinion, Monsieur l’avocat général, il serait préférable que vous arguiez le cas.” Totalement pris au dépourvu, l’avocat général présenta une argumentation sans poids, lut la décision de la Cour sur le cas Gobitis et s’assit. Alors, prenant une décision sans précédent, les trois juges refusèrent d’un commun accord de suivre l’arrêt que la Cour suprême des États-Unis avait rendu à propos des mêmes faits. Ils prirent une décision en faveur des témoins de Jéhovah.

      Dans l’intervalle, avant que ce cas ne fût présenté devant la Cour suprême, suite à l’appel interjeté par le Ministère de l’Éducation de la Virginie occidentale, plusieurs autres affaires impliquant des témoins de Jéhovah furent examinées par la Cour, y compris les deux cas suivants: Jamison contre Texask et Largent contre Texasl. Les jugements furent rendus le 8 mars 1943.

      Le premier des deux cas, celui de Jamison, concernait un arrêté de la ville de Dallas, au Texas, interdisant d’éparpiller des feuillets, de faire de la publicité et de lancer des invitations dans les rues. La simple diffusion de feuilles d’invitation faite par un témoin constituait une violation de cette ordonnance. Cependant, la Cour suprême décida que la mise en application de cet arrêté contre le témoin en question portait atteinte à la liberté de la presse, contrairement au Premier Amendement.

      Le second cas, celui de Largent contre Texas, portait sur une ordonnance de la ville de Paris, dans le Texas, qui exigeait un permis délivré par le maire après enquête et autorisant à faire du colportage ou de la vente dans les quartiers résidentiels. La condamnation infligée sur la base de cette ordonnance fut rejetée par la Cour suprême des États-Unis, car elle impliquait une censure préliminaire de la presse, ce qui était en contradiction avec le Premier Amendement.

      UN “JOUR FASTE” POUR LES TÉMOINS DE JÉHOVAH

      Les mois de mai et juin 1943 ont été une époque de joie pour les témoins de Jéhovah, en raison des remparts constitués par les précédents établis par la Cour suprême. Le 3 mai 1943 a été appelé un “jour faste” pour les témoins de Jéhovah, car ces derniers remportèrent douze victoires sur les treize cas jugésa. Le cas Murdock contre Pennsylvanie, portant sur la possession d’une patente, a particulièrement été retentissant; en effet, la décision prise à propos de cette affaire fut contraire à la position adoptée par la Cour suprême dans le cas Jones contre la ville d’Opelika.

      Il est toutefois entendu que le fait qu’une taxe puisse supprimer ou contrôler cette activité est sans importance, si elle ne produit pas ce résultat. Mais en raisonnant de la sorte, on ne tient pas compte de la nature de cette taxe. C’est une taxe, une simple taxe imposée sur l’exercice d’un droit protégé par les Amendements garantissant les droits des citoyens [américains]. Un État ne peut imposer une taxe pour la jouissance d’un droit garanti par la Constitution fédérale. (...) Le pouvoir d’imposer une taxe de patente pour l’exercice de ces libertés a des conséquences aussi sérieuses que le pouvoir de censurer auquel cette Cour a mis fin à maintes reprises. (...)

      Le jugement dans l’affaire Jones contre Opelika a été cassé ce jour. Libérés de ce précédent, nous pouvons rétablir à leur position constitutionnelle et élevée les libertés des évangélistes itinérants qui propagent leurs croyances religieuses et les doctrines de leur foi en distribuant des publications.

      Une déclaration faite par la Cour, quand elle rendit ce jugement, révèle particulièrement l’animosité cachée derrière ces arrestations et condamnations sur la base de telles ordonnances:

      L’accent est surtout mis sur la nature des publications que les requérants distribuent, — publications à caractère provocant, malhonnête et insultant pour les Églises établies et les croyances que nombre d’entre nous chérissent. (...) Toutefois, ces considérations ne justifient nullement l’exigence d’une taxe de patente imposée par l’ordonnance. Franchement, une communauté ne peut interdire ou un État taxer la propagation d’idées, parce qu’elles sont impopulaires, contrariantes ou désagréables. Si ce décret devait être ratifié, il constituerait alors un instrument prêt à supprimer la foi que chérissent ces minorités, quelles qu’elles soient, mais qui ne reçoit pas l’approbation générale. Cela équivaudrait à une répudiation complète de la philosophie des Amendements qui garantissent les droits des citoyensb.

      Une autre affaire jugée le même jour que le cas Murdock portait sur un arrêté interdisant de sonner aux portes pour diffuser de maison en maison des feuilles d’invitation ou des brochures publicitaires. La Cour décréta que cette interdiction portait atteinte à la liberté de la presse. La Cour énonça ce principe:

      Bien que les personnes qui diffusent des publications de porte en porte puissent nuire à la société ou cacher des activités criminelles, il se peut également que leur visite soit profitable, en ce sens que ces personnes répandent des idées valables dans la meilleure tradition des discussions libres. Le fait que ce moyen d’expression soit largement employé par de nombreux groupes défendant des causes diverses atteste son importance capitale. (...)

      La liberté de diffuser des informations auprès de chaque citoyen, que celui-ci le veuille ou non, est si manifestement vitale pour la conservation d’une société libre que, hormis des ordonnances raisonnables de la police et des services d’hygiène réglementant l’heure et la manière de la diffusion, cette liberté doit être pleinement préservéec.

      L’affaire Douglas contre Jeannetted fut un autre cas important réglé ce jour-​là. La Cour a déclaré que les témoins de Jéhovah n’avaient pas le droit de s’opposer à l’application des peines prévues par la loi sur la patente passée par la ville de Jeannette, en Pennsylvanie. La Cour décréta que puisque les témoins de Jéhovah pouvaient prouver, grâce à la décision dans l’affaire Murdock, que les charges retenues contre eux étaient fondées sur une ordonnance anticonstitutionnelle, ils étaient suffisamment protégés.

      Vous voyez qu’avant que la Cour suprême ne prenne des décisions absolues et d’une portée considérable au cours des mois de mai et juin 1943, ce qui eut pour effet de faire cesser les persécutions sur le plan national, les témoins de Jéhovah se servaient judicieusement de la loi sur les droits civiques pour en appeler aux cours fédérales contre les autorités locales, qui restreignaient les droits garantis par le Premier Amendement. Ces arrêts de sursis décrétés par les cours fédérales constituèrent un gigantesque barrage retenant la vague de poursuites judiciaires qui déferlait à cette époque.

      Puis la Cour suprême se prononça dans l’affaire Douglas contre Jeannette, ce qui eut pour effet de “dynamiter” ce barrage. Mais la décision rendue le même jour dans l’affaire Murdock fit disparaître les eaux pour ce qui était des cas concernant l’exigence d’une patente. C’est ainsi que dès le début de l’été 1943, on enregistra une nette diminution dans le nombre de procès intentés contre les témoins de Jéhovah. Simultanément, le nombre des poursuites judiciaires annulées augmenta remarquablement. Les centaines de cas, dont la solution faisait jurisprudence, atteignirent leur point culminant grâce à ces décisions marquantes adoptées par la Cour suprême des États-Unis au cours des mois de mai et juin 1943. Cette année a réellement marqué un tournant sur le plan juridique, en faveur des témoins de Jéhovah.

      LA COUR SUPRÊME RÉFORME DE NOUVEAU SON JUGEMENT

      Le 14 juin 1943, jour anniversaire de l’adoption du drapeau américain, fut à maints égards tout aussi remarquable que le 3 mai, car en cette journée mémorable la Cour suprême réforma de nouveau son jugement, justifiant ainsi la position juridique des témoins de Jéhovah. L’une des affaires jugées en cette journée concernait une autre accusation portée à cette époque contre les témoins de Jéhovah, à savoir l’accusation de sédition. En juin 1942, dans le Mississippi, trois témoins de Jéhovah avaient été arrêtés et faussement accusés d’avoir incité les citoyens à se montrer déloyaux envers le gouvernement des États-Unis et de l’État du Mississippi, et d’avoir diffusé des enseignements et des publications encourageant à l’infidélité à l’égard du gouvernement des États-Unis. Des cours inférieures les condamnèrent pour sédition à une peine d’emprisonnement couvrant toute la durée de la guerre; toutefois la sentence ne devait pas excéder dix ans. C’était un chef d’accusation très grave qui entachait le nom des témoins de Jéhovah. En ce jour anniversaire de l’adoption du drapeau américain, la Cour se décida à l’unanimité en faveur des témoins de Jéhovah. Voici ce qu’elle déclara:

      L’ordonnance, telle qu’elle fut interprétée dans ces cas, qualifie de délit le fait de communiquer à autrui des idées et des opinions sur la politique du gouvernement, ainsi que des prophéties relatives à l’avenir de notre pays et des autres nations. Telle qu’elle est appliquée aux requérants, elle les punit, bien qu’il ne soit pas prétendu ou démontré que ce qu’ils ont communiqué l’a été dans un dessein mauvais ou sinistre, qu’ils ont appuyé une action subversive ou incité à cette action contre la nation ou l’État, ou menacé de dangers évidents et immédiats nos institutions ou notre gouvernement. Ce que ces appelants communiquaient, c’étaient leurs croyances et leurs idées concernant certaines mesures intérieures et tendances dans les affaires nationales et mondiales.

      Conformément à nos décisions, des sanctions criminelles ne peuvent être imposées pour de telles communicationse.

      En ce même jour mémorable, après des années de violence et d’émeutes dirigées contre les témoins de Jéhovah comme conséquence directe du jugement défavorable prononcé à propos de l’affaire Gobitis, la Cour suprême des États-Unis réforma le jugement qu’elle avait rendu concernant cette affaire, par la décision qu’elle prit dans la célèbre cause Ministère de l’Éducation de la Virginie occidentale contre Barnette. La Cour décréta que le ministère n’avait pas le droit d’expulser de l’école et de refuser d’instruire les enfants des témoins de Jéhovah qui ne voulaient pas saluer le drapeau. Voici ce qui fut dit lors de ce jugement:

      (...) Pour soutenir le caractère obligatoire du salut au drapeau, nous sommes obligés de dire que les Amendements garantissant les droits des citoyens et protégeant le droit de l’individu d’exprimer sa pensée laissaient toute latitude aux autorités publiques pour l’obliger à dire ce qu’il ne pense pas. (...)

      Le but des Amendements qui garantissent les droits des citoyens était de soustraire certains sujets aux vicissitudes des controverses politiques, de les mettre hors d’atteinte des majorités et des autorités, et d’en faire des principes juridiques à observer par les tribunaux. Le droit à la vie, à la liberté, à la propriété, aux libertés de parole, de la presse, du culte et de réunion ainsi que d’autres droits fondamentaux, ne peuvent être soumis au vote; ils ne dépendent d’aucune élection. (...)

      S’il est quelque étoile fixe dans la constellation de notre constitution, c’est qu’aucun fonctionnaire, supérieur ou subalterne, n’a le droit de prescrire ce qui sera orthodoxe en matière de politique, de nationalisme, de religion ou dans d’autres questions, ou de contraindre des citoyens à confesser leur foi en ces choses par la parole ou par des actes. (...)

      Nous pensons que l’action des autorités locales consistant à imposer le salut au drapeau et la prestation de serment dépasse les limites constitutionnelles de leur pouvoir et empiète sur le domaine de l’intelligence et de l’esprit, que le Premier Amendement apporté à notre constitution a pour but de mettre à l’abri de tout contrôle officielf.

      Cette décision annula le verdict prononcé par la Cour à propos de l’affaire Gobitis. Désormais, les Écoles du Royaume créées momentanément n’avaient plus leur raison d’être et, pour la première fois depuis huit ans, les enfants des témoins de Jéhovah se voyaient accorder le droit de retourner dans les écoles publiques.

      THOMAS: Le climat dans lequel cette affaire s’est déroulée ainsi que ses conséquences me rappellent une déclaration faite par le célèbre historien moderne Arnold J. Toynbee, qui dit:

      L’une des raisons pour lesquelles nos temps sont périlleux, c’est qu’on nous a enseigné à tous à adorer notre nation, notre drapeau et notre propre passé historique. L’homme ne peut sans danger adorer que Dieug.

      JEAN: En 1944, la Cour renforça la position qu’elle avait adoptée dans les affaires Jones et Murdock, en décrétant que la constitution protège un ministre itinérant tout autant qu’un ministre local dans l’activité de porte en porte et la diffusion de publications; elle ajouta en outre que tirer sa subsistance du ministère ne justifie pas l’imposition sous la forme d’une taxe de patenteh.

      ARTISANS DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE

      Tous ces procès constituent une documentation monumentale que tous les hommes peuvent consulter. C’est d’ailleurs ce que déclara le juge Murphy de la Cour suprême des États-Unis, quand il dit:

      (...) Depuis les temps anciens jusqu’à nos jours, l’ingéniosité de l’homme n’a pas connu de limites dans son habileté à forger des armes pour opprimer ceux qui osent exprimer ou pratiquer des croyances religieuses non orthodoxes. Les témoins de Jéhovah sont la preuve vivante que même dans cette nation, fondée comme elle l’était sur l’idéal de la liberté, le droit de pratiquer la religion de manière non conventionnelle est très précaire. Leur foi est active et impopulaire, et ils l’exercent avec un zèle fanatique. Ils ont été sauvagement battus et leurs biens ont été détruits; à tout moment ils ont été harcelés en ce sens que l’on a ressuscité, pour les mettre en application, de vieilles ordonnances. (...) Sur eux, ainsi que sur les autres minorités religieuses actuelles, repose la responsabilité de mettre à l’épreuve notre attachement aux idéaux et garanties constitutionnels de la liberté religieusei.

      De nombreux experts juridiques et historiens modernes se sont également prononcés à propos des batailles légales livrées par les témoins de Jéhovah au cours de cette période.

      Jamais, ou rarement dans le passé, un individu ou un groupe n’a été à même de façonner, pendant une certaine période, une partie quelconque de notre immense recueil de lois constitutionnelles. Mais cela peut arriver, et cela est arrivé ici. Ce groupement, ce sont les témoins de Jéhovah. À travers des procès presque continus, cette organisation a rendu possible une liste sans cesse croissante de précédents concernant l’application du Quatorzième Amendement à la liberté de parole et de religion. (...)

      (...) Plus récemment, la même épreuve a été appliquée à la législation des États, en vertu du Quatorzième Amendement. Et ainsi s’est développé un recueil de lois fixant les précédents et touchant les limites des empiètements par les États.

      Ce sont les témoins de Jéhovah qui ont contribué le plus à ce développement, à la fois par le nombre et par la portéej.

      (...) Quoi qu’on puisse dire au sujet des témoins de Jéhovah, ils ont le courage des martyrs. Et ils ont de l’argent pour payer des avocats et défendre des causes devant les tribunaux. Il en est résulté, au cours des dernières années, qu’ils ont contribué plus que n’importe quel autre culte ou groupe au développement de la loi constitutionnelle sur la liberté religieuse. Croyez-​moi, ils ne perdent pas de temps. Parfois ils gagnent et parfois ils perdentk.

      Il est clair que les actuelles garanties constitutionnelles de liberté individuelle, telles que la Cour suprême des États-Unis les interprète avec autorité, sont bien plus étendues qu’elles ne l’étaient avant le printemps de 1938, et que l’on doit trouver la raison principale de cette extension dans les trente et un procès des témoins de Jéhovah (seize jugements faisant loi), dont celui de Lovell contre la ville de Griffin fut le premier. Si “le sang des martyrs constitue la semence de l’Église”, quelle est la dette de la loi constitutionnelle envers la persévérance dans l’action — je devrais peut-être dire le dévouement — de ce groupement étrangel?

      Les témoins de Jéhovah ont littéralement couvert la terre de leur témoignage. (...) Il n’y a pas de chrétiens modernes qui aient fait de l’Écriture un emploi plus constant, ou qui en aient appris plus de passages que les témoins. Pour discuter avec eux avec succès sur des questions bibliques, on doit connaître les Écritures mieux que la plupart des membres des Églises fondamentalistes elles-​mêmes. (...)

      Malgré toute sorte d’opposition, ils se frayent un chemin. Ils combattent avec tous les moyens légaux pour leurs droits civiques, le droit de réunion publique, — qui leur est parfois refusé, — le droit de distribuer leurs publications et le droit fondé sur leur conscience, de vouer leur fidélité premièrement à Dieu. Ils ont rendu un service insigne à la démocratie par leur combat pour préserver leurs droits civiques, car par leur lutte ils ont fait beaucoup pour garantir ces droits à tout groupe minoritaire en Amérique. Quand les droits civiques d’un groupe quelconque sont violés, les droits d’aucun autre groupe ne sont en sécurité. C’est pourquoi ils ont contribué sans aucun doute à la préservation de certaines des choses les plus précieuses de notre démocratiea.

      LOÏS: J’aurais presque envie de dire “bravo” en entendant ces déclarations. Ce sont là certainement des hommages dignes d’intérêt rendus aux desseins théocratiques des témoins de Jéhovah.

      [Notes]

      a a Minnesota Law Review, Vol. XXVIII, No 4, mars 1944, “The Debt of Constitutional Law to Jehovah’s Witnesses”, par le juge Edward F. Waite, p. 224.

      b b Lovell contre la ville de Griffin, 303 U.S. 444, 58 S. Ct. 666, 82 L. éd. 949 (1938).

      c c Schneider contre New Jersey, 308 U.S. 147, 60 S. Ct. 146, 84 L. éd. 155 (1939).

      d d Cantwell contre Connecticut, 310 U.S. 296, 60 S. Ct. 900, 84 L. éd. 1213 (1940).

      e e Minnesota Law Review, Vol. XXVIII, No 4, mars 1944, pp. 226, 227.

      f f Minersville School District contre Gobitis, 310 U.S. 586, 60 S. Ct. 1010, 84 L. éd. 1375 (1940).

      g g 316 U.S. 584, 62 S. Ct. 1231, 86 L. éd. 1691 (1942).

      h h 316 U.S. 584, 611, 616, 623, 62 S. Ct. 1231, 1245, 1248, 1251 (1942).

      i i 316 U.S. 584, 623, 624, 62 S. Ct. 1231, 1251, 1252 (1942).

      j j Annuaire 1937, p. 56; Annuaire 1938, p. 57; Annuaire 1939, pp. 74, 75.

      k k 318 U.S. 413, 63 S. Ct. 669, 87 L. éd. 869 (1943).

      l l 318 U.S. 418, 63 S. Ct. 667, 87 L. éd. 873 (1943).

      a m Minnesota Law Review par le juge Edward F. Waite, Vol. XXVIII, No 4, mars 1944, p. 209.

      b n Murdock contre Pennsylvanie, 319 U.S. 105, 112, 113, 115, 116, 117, 63 S. Ct. 870, 875, 876, 877, 87 L. éd. 1292 (1943).

      c o Martin contre la ville de Struthers, 319 U.S. 141, 145, 146, 147, 63 S. Ct. 862, 864, 865, 87 L. éd. 1313 (1943).

      d p 319 U.S. 157, 63 S. Ct. 877, 87 L. éd. 1324 (1943).

      e q Taylor contre Mississippi 319 U.S. 583, 589, 590, 63 S. Ct. 1200, 1204, 87 L. éd. 1600 (1943).

      f r West Virginia State Board of Education contre Barnette, 319 U.S. 624, 634, 642, 63 S. Ct. 1178, 1183, 1187, 87 L. éd. 1628 (1943).

      g s Look, 17 août 1948, cité dans wF 1957, p. 247.

      h t Follett contre McCormick, Caroline du Sud, 321 U.S. 573, 64 S. Ct. 717, 88 L. éd. 938 (1944).

      i u Prince contre Massachusetts, 321 U.S. 158, 175, 176, 64 S. Ct. 438, 447, 448, 88 L. éd. 645 (1944).

      j v American Bar Association’s The Bill of Rights Review, Vol. 2, No 4, été 1942, “Jehovah’s Witnesses Mold Constitutional Law”, par John E. Mulder et Marvin Comisky, p. 262.

      k w The Republic, par Charles A. Beard (New York, 1943; The Viking Press), p. 173.

      l x Minnesota Law Review, Vol. XXVIII, No 4, mars 1944, p. 246.

      a y These Also Believe, par C. S. Braden (New York, 1950; The Macmillan Co.), pp. 370, 380, 382.

  • La porte s’ouvre de nouveau à la prédication
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 29

      La porte s’ouvre de nouveau à la prédication

      JEAN: À partir de 1943, la porte donnant accès à la prédication de la bonne nouvelle du Royaume aux États-Unis s’ouvrit en fin de compte sur un champ d’activité plus vaste que ce pays. Dans la moitié du monde, les restrictions complètes imposées à la prédication commençaient à être levées, bien que les “gonds” de certaines de ces portes fussent encore rouillés et grinçants.

      L’une de nos premières victoires a été remportée en Australie. Vous vous souvenez certainement qu’une action politique avait été entreprise contre les témoins de Jéhovah à l’instigation des chefs religieux, et que le Béthel avait été saisi par le gouvernement le samedi 18 janvier 1941. Les locaux avaient été finalement occupés par les soldats. Les Salles du Royaume appartenant aux congrégations locales d’Adélaïde et de Perth avaient aussi été saisies par le gouvernementa.

      La congrégation d’Adélaïde ayant constitué une société, afin d’être reconnue propriétaire de la salle, une procédure fut donc entamée. Après une bataille légale qui dura deux ans et demi, l’affaire Adelaide Company of Jehovah’s Witnesses, Inc., contre The Commonwealth fut finalement présentée devant la Cour suprême d’Australie. Le 14 juin 1943, la Cour accorda la victoire aux témoins de Jéhovah par quatre voix contre une, décrétant que l’arrêté ministériel interdisant les témoins de Jéhovah en Australie était illégal. La Cour déclara que ni l’œuvre des témoins ni les publications qu’ils diffusaient ou imprimaient n’étaient séditieuses dans le sens où l’entend le droit criminel australien. En outre la Cour ajouta:

      Dans les questions relatives à la liberté religieuse, on prétend parfois que bien que le gouvernement n’ait pas à intervenir dans les opinions religieuses, il peut néanmoins, sans enfreindre pour cela le principe de la liberté religieuse, agir comme il l’entend à propos des actes, quels qu’ils soient, accomplis conformément aux croyances religieuses. Il nous semble difficile d’établir cette distinction, relevant de l’interprétation de l’article 116. Cette clause se réfère en termes précis à l’exercice de la religion; elle a donc pour but de protéger contre toute loi du Commonwealth des actes qui sont accomplis dans l’exercice de la religion. Cette clause fait bien plus que protéger la liberté d’opinion; elle protège également les actes accomplis conformément aux croyances religieuses comme faisant partie du culteb.

      En conséquence, la Cour décréta que les témoins étaient libres de poursuivre leur activité religieuse, et que leur œuvre n’était pas préjudiciable à la continuité officielle de la guerre.

      Au Canada, pendant près de deux ans, les témoins de Jéhovah souffrirent en silence, étant bâillonnés pour autant qu’il s’agissait de formuler une protestation formelle et de présenter une défense quelconque. En juin 1942, l’occasion leur fut donnée d’adresser une déclaration à une commission de la Chambre des Communes s’occupant des ordonnances relatives à la défense du Canada, dispositions qui avaient été prises le 1er juillet 1940 en raison de la guerre, et qui avaient servi à l’élaboration de l’arrêté ministériel interdisant les témoins de Jéhovah. La commission recommanda à l’unanimité la levée de l’interdiction frappant les sociétés enregistrées des témoins de Jéhovah, mais le nouveau ministre de la justice, L. S. St-Laurent, refusa de révoquer cet arrêtéc.

      L’opposition contre l’interdiction s’accrut non seulement dans la presse libérale, mais encore dans les débats à la Chambre des Communes. Finalement, le 15 octobre 1943, l’interdiction frappant la société non enregistrée des témoins de Jéhovah fut levée, mais non celle qui touchait les sociétés légales. Cette levée partielle de l’interdiction rendait encore impossible la réouverture de la filiale de Torontod; aussi les frères s’employèrent-​ils activement à obtenir la reconnaissance légale de l’œuvre.

      Les frères consacrèrent tout le mois de juin à recueillir des signatures; toutefois, avant que la pétition n’ait pu être terminée et présentée à la Chambre des Communes, le gouvernement avait décidé de lever l’interdiction sur la IBSA du Canada. Cette décision fut publiée le 13 juin 1944 au moyen d’un arrêté ministériel, mais elle ne fut rendue publique que le 16 juin. Cette bonne nouvelle fut rapidement communiquée à toutes les congrégations du pays; on cessa alors de faire circuler la pétition. Bien que soudainement interrompue, cette dernière avait recueilli 223 448 signatures. Certes, ces signatures ne furent pas employées selon ce qui avait été prévu, néanmoins les proclamateurs revisitèrent avec joie ces personnes, afin de leur faire connaître la bonne nouvelle concernant la levée de l’interdiction et de stimuler leur intérêt pour le message théocratique. Ainsi Jéhovah accordait une nouvelle victoire à son peuple choisie.

      Bien que les frères aient été dans l’impossibilité de rouvrir le Béthel de Toronto après la levée de l’interdiction en octobre 1943, ils louèrent des Salles du Royaume et les firent connaître. En 1940, quand l’œuvre fut interdite au Canada, il y avait en moyenne 6 031 proclamateurs, mais quand l’interdiction fut levée trois ans plus tard, le 13 juin 1944, 10 345 ouvriers y participaientf. Incontestablement, c’était là un accroissement encourageant en ces jours de restrictions, et une preuve supplémentaire que les témoins de Jéhovah étaient déterminés à faire la volonté divine.

      L’ÉCOLE DU MINISTÈRE THÉOCRATIQUE OUVRE SES PORTES

      Aux États-Unis, où régnait une plus grande liberté, on ne cessait d’enregistrer des progrès grâce au nouveau programme d’instruction, et d’autres occasions de service se présentaient. La Société était maintenant prête à franchir la troisième étape et la plus complète de cette campagne d’instruction. Le moment était venu d’aider toutes les congrégations des témoins de Jéhovah à dispenser une formation individuelle à tous les ministres de la Société, par l’intermédiaire d’écoles locales fonctionnant d’après le modèle établi par le cours supérieur du ministère théocratique qui s’était avéré si efficace au Béthel de Brooklyn. En vue d’inaugurer cet important programme d’instruction, en 1943 la Société composa son premier manuel d’étude intitulé “Cours pour le ministère théocratique”, comprenant cinquante-deux leçons à examiner, à raison d’une par semaine. Cette brochure de quatre-vingt-seize pages renfermait des instructions complètes sur le fonctionnement de cette école théocratique nouvellement recommandée dans chaque congrégationg. La publication de ce manuel fut une surprise pour les témoins réunis à l’assemblée ayant pour thème “Appel à l’action”, qui se tint les 17 et 18 avril 1943 dans 247 villes des États-Unish.

      Ce projet consistant à ouvrir des Écoles du ministère théocratique dans chaque congrégation reçut un accueil enthousiaste de la part des témoins d’expression anglaise. Dès que les manuels seraient traduits, l’école devait fonctionner pour les témoins de langues étrangères. On suggéra à toutes les congrégations qui désiraient organiser immédiatement une telle école de recommander à la Société un instructeur ou serviteur à l’école localei.

      Une fois les nominations officielles faites par la Société, les écoles furent ouvertes dans les Salles du Royaume et fonctionnèrent une heure par semaine après l’une des autres réunions hebdomadaires de la congrégation, telle que la réunion de service. En l’espace de plusieurs semaines, des Écoles du ministère théocratique se tenaient dans presque toutes les grandes congrégations des pays de langue anglaise. Des frères, jeunes et vieux, se firent inscrire pour apprendre à devenir des orateurs. Les sœurs assistèrent fidèlement aux discours et participèrent aux révisions orales, et, plus tard, aux révisions écrites, afin de tirer profit de l’instruction pratique et utile qu’elles employaient ensuite dans le service de prédication de porte en porte.

      Pour développer ce cours, la Société publia plus tard d’autres ouvrages, tels que Aide théocratique aux proclamateurs du Royaume (angl.) en 1945, et “Équipé pour toute bonne œuvre” en 1946. En 1944, les congrégations furent encouragées à fonder une bibliothèque du ministère théocratique dans leurs Salles du Royaume. Cela permit aux élèves de consulter les publications de la Société et d’autres manuels bibliques qui les aidèrent à préparer leurs discours d’instruction ou leurs allocutions d’élèvesj.

      À ces écoles, les témoins de Jéhovah apprirent à parler sur le ton de la conversation employé à l’époque moderne, et non avec l’affectation qui caractérise le clergé; suite à l’amélioration des qualités oratoires des témoins, l’emploi du phonographe dans la prédication cessa petit à petit, et après 1944, cette campagne de prédication à l’aide de phonographes et de disques, qui avait duré dix ans, commença à être remplacée par des sermons oraux présentés aux portes par les ministres eux-​mêmes, qui étaient maintenant parfaitement qualifiés.

      Après deux années de formation pour le ministère, la Société disposait d’un assez grand nombre d’orateurs bibliques bien instruits. Aussi, en janvier 1945, une campagne mondiale de conférences publiques fut inaugurée à l’aide de ces orateurs, dans le but d’augmenter l’intérêt pour le message du Royaume. Ce programme, très bien conçu et organisé, permettait une présentation uniforme des conférences au moyen d’une série de huit discours opportuns et frappants. Bien que chaque orateur préparât sa conférence, la Société établit un plan d’une page pour chacune de ces conférences d’une heure, afin de s’assurer de l’uniformité de la présentation. Ces plans furent envoyés aux congrégations et employés par tous les orateurs, qui présentèrent, en les soulignant uniformément, certains points bibliques essentiels. “L’homme réussira-​t-​il à édifier un monde nouveau?”, tel fut le titre captivant du premier discours public de cette première série.

      Cette campagne ne fut pas organisée pour que seuls les orateurs publics dans les congrégations aient part à cette importante activité. Sur commande des congrégations, la Société imprima des feuilles d’invitation annonçant chaque discours, si bien que tous les membres des congrégations avaient l’occasion de prendre part à ce programme de conférences publiques en distribuant ces feuilles d’invitation dans l’œuvre de témoignage de maison en maison ainsi que dans les rues. Des pancartes servirent à annoncer les conférences, et des proclamateurs “hommes-sandwichs” parcouraient les principaux quartiers d’affaires de la ville où devait se tenir la conférence, remettant des feuilles d’invitation aux passants. En outre, toutes les personnes rattachées à la congrégation locale étaient encouragées à y assister, à accueillir les nouveaux venus, à discuter avec eux des points essentiels du discours et à répondre à leurs questions.

      THOMAS: Il semble que ce fût là une excellente disposition uniforme. Comment les congrégations réagirent-​elles à l’annonce de ce programme?

      JEAN: En cette première année, aux États-Unis, on fit 18 646 conférences publiques, suivies par 917 352 assistants. Cependant, ces discours ne furent organisés que par 1 558 congrégations sur les 2 871 que les États-Unis comptaient à ce moment-​làk. Toutefois, en 1946, le nombre des conférences s’éleva à 28 703 pour le champ américain, chiffre qui indique l’intérêt croissant accordé à cette nouvelle façon de toucher le public, et dont on reconnaissait l’efficacitél.

      Comme pour la campagne des “Millions”, qui fut organisée après la Première Guerre mondiale, on s’efforça de tenir ces réunions publiques dans les territoires où aucune congrégation n’était établie, aussi bien que dans la Salle du Royaume locale.

      L’Assemblée théocratique des prédicateurs unis eut lieu du 9 au 13 août 1943, à Buffalo, New York, et des dispositions avaient été prises pour la relier à seize autres villes des États-Unis ainsi qu’à deux villes du Canada, où les témoins se réunirent pour la première fois depuis la levée de l’interdiction dans ce pays. Outre les discours instructifs et stimulants, plusieurs nouvelles publications furent présentées pour la première fois, la plus remarquable étant la Version standard américaine, éditée par la Watchtower. Parmi les autres publications figuraient le livre “Le Royaume de Dieu s’est approché” et un questionnaire qui l’accompagnait, ainsi que le nouveau recueil de cantiques intitulé “Recueil de cantiques pour le service du Royaume”. Les frères accueillirent ce recueil avec un grand enthousiasme, qui augmenta encore quand on annonça qu’il serait employé aux réunions de service hebdomadaires, car depuis un certain temps déjà on ne chantait plus aux réunions dans les congrégations. Les frères étaient heureux à la perspective de chanter de nouveau tous ensemble.

      La conférence publique intitulée “Le Royaume de Dieu est proche” fut retransmise simultanément dans les dix-huit autres villes et par les stations de radio WHLD de Niagara Falls, New York, et WBBR, celle de la Société à Brooklyn. L’assistance dans les dix-sept villes des États-Unis s’éleva à 92 723 personnes, et dans tous les pays du monde plus de 140 000 personnes entendirent cet important discours. Une brochure renfermant la conférence fut distribuée à la fin de celle-ci, et par la suite des millions d’exemplaires en furent diffusésa.

      UNE FORMATION MEILLEURE GRÂCE AUX SERVITEURS DES FRÈRES

      En février 1945, mois qui suivit le début de la nouvelle campagne de conférences publiques, il fut reconnu que le programme de la Société relatif à la visite des congrégations par les serviteurs des frères devait encore être rendu plus efficace et assurer la formation personnelle de tous les frères. L’Informateur (angl.) de janvier 1945 en a donné l’explication que voici:

      Afin d’aider les groupes et les autres membres du peuple du Seigneur, l’activité des serviteurs des frères a été réorganisée et augmentée approximativement de cinquante pour cent. Au lieu de ne rester que deux ou trois jours dans un groupe, comme par le passé, et suivant les instructions renfermées dans la brochure Instructions sur l’organisation de l’œuvre, à partir du 1er février 1945 les serviteurs des frères consacreront deux jours de service aux groupes de 1 à 18 proclamateurs, trois jours aux groupes de 19 à 50 proclamateurs, 6 jours aux groupes de 51 à 100 proclamateurs et deux semaines aux groupes dépassant 100 proclamateurs.

      L’objet de cette réorganisation est de permettre aux frères de demeurer suffisamment longtemps dans les groupes pour coopérer avec eux et les aider dans les études de livre, les visites et les autres formes d’activité, ainsi que pour instruire les serviteurs sur ces questions. Ces serviteurs accompagneront le plus grand nombre possible de frères dans l’activité des visites et des études, offrant des suggestions sur la façon de préparer de telles visites et de conduire des études avec efficacité.

      Cette réorganisation du travail mit davantage l’accent sur le service du champ et sur la responsabilité qui incombe à ces représentants itinérants de la Société, à savoir aider les frères à devenir plus efficaces dans les différentes formes de la prédication du Royaume. L’accroissement continua d’attester le succès de cette aide apportée par la Société aux congrégations.

      En octobre 1945, la Société envoya à toutes les congrégations un exemplaire revu de la brochure Instructions sur l’organisation de l’œuvre dans laquelle quelques instructions avaient été ajoutées. Cette fois, un exemplaire fut remis à chaque ministre du Royaume remplissant les conditions requises mentionnées à la page 2 de la brochure:

      Chaque proclamateur de plus de douze ans qui a démontré son dévouement au Seigneur et au Royaume de Jéhovah en témoignant pour ce Royaume pendant une période de trois mois, ou qui a atteint la norme d’heures du groupe dans son premier ou deuxième mois de témoignage, devrait recevoir un exemplaire de cette brochure. Chaque proclamateur devrait bien se familiariser avec les instructions sur l’organisation de l’œuvre et suivre la Parole du Seigneur en prêchant le message du Royaume.

      Ces instructions sur l’organisation de l’œuvre prirent effet le 1er octobre 1945b.

      Exactement un an plus tard, en octobre 1946, de nouveaux changements furent apportés à la brochure Instructions sur l’organisation de l’œuvre. Ils étaient consignés dans un feuillet de 8 pages à insérer dans la brochure en question. Une nouvelle forme de reconstruction et d’expansion mise en évidence dans ces modifications constitua un pas en avant dans le service accompli par les serviteurs des frères. L’une des particularités de ce programme d’expansion fut l’assemblée semestrielle de circuit, ainsi que la visite du serviteur de districtc. Depuis la suppression des assemblées de zone en 1941, c’était la première fois que les congrès semestriels faisaient partie du programme de service, et leur réapparition suscita l’enthousiasme général.

      RETOUR DES CAMPS

      Des occasions d’étendre la prédication à une échelle toujours plus vaste commencèrent à s’offrir. L’explosion inattendue des bombes atomiques à Hiroshima et à Nagasaki, ainsi que l’entrée victorieuse des alliés en Europe amenèrent la fin de la Seconde Guerre mondiale. Après la guerre, les témoins de Jéhovah sortirent des cendres, et tandis que des milliers d’entre eux revenaient des camps de concentration et des prisons, la porte de la liberté grande ouverte permettait de donner une nouvelle impulsion à l’activité de prédication. En Europe, sans perdre de temps, les témoins commencèrent à prêcher sur le chemin du retour après avoir quitté les prisonsd.

      En Allemagne plus particulièrement, la libération des camps de concentration était, bien souvent, une expérience périlleuse, quoique joyeuse. À mesure que la fin de la guerre approchait, les responsables des camps redoutaient l’avance des Russes et étaient déterminés à se laisser prendre par les Américains, s’ils devaient être faits prisonniers. C’est la raison pour laquelle des camps entiers se déplaçaient d’un endroit à l’autre. Voici un compte rendu poignant de l’évacuation du camp de Sachsenhausen, qui s’effectua du 21 avril au 5 mai 1945. Ce document, rédigé par un témoin oculaire, se trouve dans les fichiers de la Société, et des extraits en ont été publiés dans La Tour de Gardee. Écoutons la lecture d’un passage de ce rapport:

      Quand les armées russes envahirent l’Allemagne, la crainte s’empara des officiers du camp. On procéda alors aux préparatifs en vue de l’évacuation et de la fuite vers les lignes américaines. Bien avant cela, les témoins de Jéhovah avaient décidé qu’ils tenteraient l’impossible pour ne former qu’une seule unité lorsque l’exode commencerait. Ils fixèrent un lieu de ralliement et établirent les plans nécessaires. Bien leur en a pris, car la nuit précédant le départ, le chaos régnait dans le camp. Celui-ci comptait environ 25 à 30 000 prisonniers, qui devinrent pratiquement tous voleurs cette nuit-​là. Les chefs du camp avaient volé les Juifs; les prisonniers, qui avaient fomenté une révolte, volèrent à leur tour les chefs; ainsi, les voleurs étaient volés. Le vol se répandit dans tout le camp. En cette même nuit, 12 000 paquets de la Croix-Rouge furent dérobés. Les surveillants des blocs, démonisés, s’efforcèrent de maintenir l’ordre, et nombre de prisonniers furent roués de coups et d’autres fusillés.

      Mais où se trouvait le peuple du Seigneur pendant tout ce temps? Il était à l’abri dans l’atelier des tailleurs. Voici ce que ces témoins rapportèrent:

      Le peuple du Seigneur était réuni, attendant d’autres instructions de la part des autorités. Dans l’intervalle, les frères malades avaient été transportés de leur section dans l’atelier des tailleurs. Nous n’avons rien laissé; nous avons pris tout ce que nous possédions. Certains détenaient des exemplaires de La Tour de Garde, d’autres des Bibles ou des publications. Ainsi, nous avons tenu notre première assemblée du Royaume, chose que nous n’avions pu faire depuis des années. Seuls les coups de fusil tirés sur les prisonniers se livrant au pillage vinrent troubler la paix et la tranquillité de notre réunion, qui fut pour nous une bénédiction et une source d’encouragement à la veille de notre délivrance. Au cours des années précédentes, nous nous étions souvent entretenus au sujet du jour de notre libération.

      L’EXODE COMMENCE

      Le lendemain matin l’exode commença. Le convoi s’ébranla colonne par colonne, chacune d’elles comptant 600 hommes, d’abord les Tchèques et les Polonais, puis les ressortissants des autres nations; les Allemands devaient fermer la marche. Parmi eux se trouvaient quelques témoins de Jéhovah, mais, à l’exception de deux, ils s’arrangèrent de façon à sortir des colonnes, afin de rejoindre leurs frères dans l’atelier des tailleurs. Unis, les témoins de Jéhovah étaient les derniers à partir.

      Bien que leur groupe ne comptât que 230 personnes, aucun autre prisonnier n’était autorisé à prendre place dans leurs rangs. Pour quelle raison? Parce qu’ils en auraient profité pour prêcher? Certainement pas; ce facteur n’intervint pas dans les décisions prises au moment de la fuite. Les autorités du camp possédaient une charrette contenant les biens qu’ils avaient volés, aussi placèrent-​ils ce butin dans les rangs des témoins, car ils étaient les seuls en qui les chefs pouvaient avoir confiance. Ils savaient que les témoins ne sont pas des voleurs; ils savaient aussi que le peuple de Dieu se laisserait guider par la loi divine qui interdit de dérober, même lorsqu’il s’agit des biens de leurs persécuteurs. Mais lisons plutôt la suite du rapport.

      Alors le signal retentit: “Que tous les témoins de Jéhovah se préparent immédiatement!” En conséquence, nous avons rassemblé tous nos effets. Nous avons placé une sœur malade sur une charrette, et lentement notre colonne s’est ébranlée, par rangs de cinq. Pour la première fois, nous passions la porte que nous avions franchie en sens inverse de cinq à neuf ans auparavant. Nous quittions cet endroit duquel nous ne pensions jamais sortir vivants. C’était en tout cas ce que le Diable pensait et ce qu’il nous avait fait assez sentir par ses instruments humains. Mais la volonté du Seigneur était tout autre. Sachsenhausen était derrière nous, et les mots sont trop pauvres pour exprimer la joie qui inondait notre cœur.

      À une heure de marche de Sachsenhausen, les témoins pouvaient entendre les grandes explosions dues aux bombardements par les Russes de Sachsenhausen et d’Oranienburg. Les Russes étaient sur leurs talons, et les gardiens nazis étaient en proie à une grande excitation; quiconque était incapable de continuer la marche restait étendu sur le sol. À l’aube, les témoins voyaient effectivement des morts des deux côtés de la route et sur une petite distance ils en comptaient déjà trois cents. Jusqu’à la remise des détenus aux Américains, il tomba ainsi des milliers de victimes. Le rapport poursuit en ces termes:

      De notre colonne composée d’environ 230 frères et sœurs, il ne tomba personne sur la route, pas même le plus faible, bien qu’il y eût parmi nous des frères dont l’âge variait entre 65 et 72 ans. Tous se tenaient fidèlement debout. On pouvait voir par là la puissance de l’esprit théocratique et la protection de l’ange du Seigneur.

      Au cours des deux premiers jours et des deux premières nuits, ils avaient beaucoup marché et très peu mangé, aussi nombre d’entre eux étaient-​ils si faibles qu’ils voyaient tout en noir. Mais une halte avait été prévue quand les colonnes désordonnées atteindraient la ville de Neuruppin, qui avait subi de violents bombardements. Bien qu’on n’ait trouvé aucun abri pour les milliers de détenus et qu’un grand tumulte et la confusion aient commencé à se développer, tous les témoins de Jéhovah furent hébergés par les voisins aimables de quelques femmes vouées qui avaient connu l’un des témoins prisonniers avant la guerre. Avec joie, ils souhaitèrent la bienvenue au groupe tout entier, se composant de plus de deux cents personnes, et ils les logèrent pour la nuit dans une grange. Les voisins n’acceptèrent d’héberger les prisonniers que lorsqu’ils eurent la certitude qu’il n’y avait que des témoins de Jéhovah dans ce groupe. Alors, non seulement ils leur offrirent un abri pour la nuit, mais ils leur donnèrent à manger le lendemain matin, au grand étonnement des gardiens. Ce récit prouve que les gens avaient peur de permettre aux autres prisonniers d’utiliser leurs granges pour une halte, car ces derniers se livraient généralement au pillage, volant tout ce qui se trouvait à portée de leur main. Par contre, les habitants avaient confiance dans les témoins de Jéhovah, qui annonçaient le Royaume de Dieu et réconfortaient leurs hôtes. La suite du rapport montre comment certains autres prisonniers trouvaient leur nourriture.

      Des mouvements de troupes [allemandes] indiquaient que le front n’était pas loin. Des deux côtés de la route gisaient des morts. Puis nous avons vu les maisons détruites par l’aviation, et des avions brûler. Souvent des prisonniers russes et ukrainiens sortaient des rangs, se jetaient sur les cadavres des chevaux se trouvant sur notre chemin, en arrachaient prestement et avec une avidité sauvage, tant avec leurs doigts qu’avec leurs couteaux, des lambeaux de chair qu’ils avalaient tout crus ou faisaient griller quand l’occasion s’en présentait. Leurs mains et leur visage étaient barbouillés de sang. Ils agissaient de même quand ils voyaient des sacs de pommes de terre. Ils tentaient de les voler, et alors les gardiens les abattaient. Plus d’une fois nous avons vu des cadavres sur des sacs de pommes de terre.

      Tout au long du chemin, les frères eurent l’occasion de rendre témoignage, très souvent à des soldats qui écoutèrent attentivement et les aidèrent en leur donnant de l’argent et des provisions. Un sergent qui avait fait une collecte pour les témoins les encouragea en disant: “Courage, les gars! encore un peu de temps, et vous aussi vous serez libres!” Chez des cultivateurs ils reçurent du pain, du lait, de la farine, des pommes de terre et même des tartines de pain beurré. Un fermier éprouva tant de joie en entendant le message du Royaume présenté par ces témoins dans les chaînes, qu’il partagea avec eux son dernier morceau de pain.

      Le 29 avril, les colonnes quittèrent une grande forêt où elles cantonnaient depuis quatre jours, et la marche reprit. Les quelques jours qui suivirent passèrent comme les autres: le groupe principal des prisonniers affamés se rebellait et nombre d’entre eux se faisaient tuer, tandis que les témoins de Jéhovah prêchaient la bonne nouvelle aux habitants qui, en retour, leur donnaient à manger. Le rapport décrit la terrible famine qui régnait dans le grand camp: l’herbe, l’écorce des arbres et les racines, tout cela était cuit et mangé. Inutile de dire que le nombre des morts était impressionnant: 100 à 110 prisonniers mouraient chaque jour.

      LE MAINTIEN DE L’INTÉGRITÉ PORTE DES FRUITS

      Puis les événements atteignirent leur point culminant. Les colonnes gagnèrent péniblement la forêt de Schwerin. Les Américains n’étaient plus qu’à 6 ou 7 kilomètres devant les prisonniers, et les Russes les talonnaient. La plus grande agitation régnait dans le camp. Les “héros” nazis commençaient à trembler et appelaient “camarades” les témoins qu’ils avaient si outrageusement persécutés. Les responsables du camp avaient fui, laissant derrière eux quelques gardes SS. Ces derniers ne pouvaient venir à bout du chaos qui régnait, et nombre d’entre eux disparurent subrepticement à la faveur de la nuit. Pour la première fois depuis neuf ans, les témoins étaient libres, sans surveillance. Ils montèrent leurs “tabernacles” ou tentes dans la forêt et organisèrent leur vie comme auparavant. Voici ce que dit encore le rapport:

      Les attaques aériennes redoublèrent d’intensité vers le soir, et la canonnade aussi devint plus vive des deux côtés. Les armes crépitaient et tonnaient dans toute la contrée; la nuit promettait d’être agitée. De plus, des prisonniers russes et ukrainiens s’emparaient des armes abandonnées par les SS, d’où une augmentation du danger. Nous nous sommes couchés tout de même pour la nuit, après une prière en commun dans chacun de nos groupes, étant persuadés que le lendemain apporterait du nouveau. Auparavant nous avions été avisés par le major du grand camp que les Russes étaient tout proches, que nous devions immédiatement nous préparer à partir de là pour nous rendre dans la zone occupée par les Américains, à quelque six kilomètres plus loin. Cet ordre avait provoqué une confusion indescriptible dans le camp. C’était un va-et-vient, une bousculade générale dans une nuit très noire. Dominant le tumulte à intervalles réguliers, les salves se faisaient de plus en plus distinctes. Une certaine agitation s’était manifestée aussi parmi nous.

      Dans une prière en commun, nous avons exprimé notre confiance en Jéhovah et, en dépit du chaos qui nous entourait, nous avons dormi jusqu’au matin. Les anges du Seigneur avaient campé autour de nous pour nous préserver de tout mal. Nous n’avons pas tardé à comprendre que nous avions agi en étant guidés par sa main sûre. Qu’on en juge: l’ordre de départ du major n’avait eu d’autre but que la mise à mort, à la faveur de l’obscurité, d’un bon nombre de prisonniers; preuve en fut donnée par le retour, à l’aube, de quelques-uns de ceux qui y avaient obéi. Ces rescapés racontèrent que les SS avaient tiré sur eux sans merci. Nous avons effectivement pu voir beaucoup de ces malheureux le long de la route, morts ou grièvement blessés.

      C’était le 1er mai, vers 11 heures, et nous nous dirigions vers Schwerin. Pour la première fois nous étions sans escorte, sans SS à nos côtés! Les grandes routes offraient un spectacle impressionnant. Une foule de gens en voitures et une multitude à pied allaient à la rencontre des Américains. Nous n’avancions que très lentement et avons mis 6 heures pour atteindre notre prochain camp. Voitures de l’armée, fuyards de toutes les classes sociales, soldats, hommes, femmes et enfants, tous s’enfuyaient devant les Russes. Des deux côtés de la route, les champs étaient couverts d’armements de tous genres, de munitions, de chars, de livres, de papiers, d’autos démolies, de cadavres de chevaux. C’était un pêle-mêle indescriptible. Sur tous les visages on lisait le désespoir, la détresse, l’horreur, la douleur causée par toutes les cruelles désillusions de ces derniers jours. Nous vivions là l’effondrement d’un système impie dirigé par des hommes insensés et soumis aux démons. Une bulle de savon aux brillantes couleurs qui en douze ans s’était élevée à une certaine hauteur, avait éclaté et s’était volatilisée.

      Nous devions apprendre plus tard que notre départ avait eu lieu au bon moment. Deux heures après, les SS qui s’étaient de nouveau assemblés avaient tout à coup cerné la forêt et fusillé tous ceux qui s’y trouvaient encore, soit entre 360 et 400 prisonniers [sans compter ceux qui étaient partis plus tôt sur l’ordre du major et qui furent également tués].

      Comme nous l’avons déjà appris, dans les autres pays également les témoins de Jéhovah souffrirent sous l’occupation nazie. Par exemple, aux Pays-Bas, il y avait au total quatre cents témoins dans les camps de concentration allemands. Environ cinquante d’entre eux furent tués et quelques-uns moururent de maladies contractées dans le camp. Toutefois, ceux qui n’étaient pas emprisonnés prenaient une part active à la prédication. Avant que ne commencent les cinq années de l’occupation nazie, 317 ministres chrétiens prêchaient aux Pays-Bas, et à la fin de la Seconde Guerre mondiale les efforts diligents de ces ministres travaillant dans la clandestinité furent récompensés, car 2 166 prédicateurs étaient actifs dans le champ en 1945f.

      ÉCHANGE MUTUEL DE BIENFAITS

      Nous disposons de nombreux autres rapports montrant la persévérance des témoins de Jéhovah sous la botte du dictateur, et de nombreux récits ont décrit l’accueil réservé aux témoins au cours de leur prédication de maison en maison, au moment de leur libération. Le temps nous manque pour les citer tous, mais aux yeux du public, ces anciens prisonniers ressemblaient à des ressuscités.

      La réorganisation du service commença, car on s’efforçait de rassembler de nouveau les témoins dans les congrégations et de les aider à devenir actifs dans le service du champ. Les filiales furent rouvertes dans un pays après l’autre, et l’organisation avait un grand besoin de serviteurs en bonne santé pour le service des circonscriptions et pour d’autres tâches, en vue de subvenir aux besoins spirituels des frères. Bien que fortifiés spirituellement par suite des épreuves cruelles qu’ils avaient subies pendant la guerre, les frères étaient matériellement pauvres, et un équipement de fortune était nécessaire afin de faire tourner de nouveau les imprimeries et de produire des publications et d’autres aides bibliques. La nourriture et le vêtement étaient d’ordre secondaire. Le principal objectif consistait à nourrir de nouveau spirituellement ces pays ravagés par la guerre, en leur procurant la nourriture fortifiante de la Bible, d’abord aux témoins eux-​mêmes et ensuite aux nombreuses personnes bien disposées engourdies et affamées spirituellement.

      Tous les pays n’étaient pas aussi pauvres matériellement que ceux qui avaient subi les ravages de la guerre. Aussi les témoins organisèrent-​ils immédiatement dans les pays moins éprouvés une campagne mondiale de secours, qui s’ouvrit en janvier 1946. Des milliers de frères des États-Unis, du Canada, de Suisse et de Suède donnèrent volontairement à leurs frères moins fortunés des vêtements et de l’argent pour acheter de la nourriture. Le programme d’aide s’étendit sur deux ans et demi et remit sur pied les témoins dans les pays suivants, déchirés par la guerre: Allemagne, Angleterre, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chine, Danemark, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Italie, Norvège, Pays-Bas, Philippines, Pologne, Roumanie et Tchécoslovaquie. Le poids total des envois de vêtements s’éleva à 1 056 247 livres (479 105 kg) et, pour la nourriture, à 718 873 livres (326 088 kg); de plus, 124 110 paires de chaussures leur furent expédiées. Le tout d’une valeur de 1 322 406,90 dollarsg.

      Ce chiffre ne comprend pas les nombreuses heures que les frères consacrèrent avec amour à rassembler et à répartir ces dons. Cette manifestation de l’amour des frères se révéla être doublement profitable. D’une part, l’aide matérielle afflua et, d’autre part, les frères persécutés fournirent une preuve ineffaçable de leur intégrité.

      Bien que dans de nombreux pays les distributions de publications fussent réduites, les statistiques établies à l’échelle mondiale prouvent qu’au cours des années de guerre les témoins furent infiniment plus actifs que durant la Première Guerre mondiale. Mais ce qui étonne, c’est l’accroissement enregistré dans le nombre des prédicateurs. Le chiffre maximum de proclamateurs jusqu’à la Seconde Guerre mondiale était de 73 469, mais durant la guerre, soit des années 1940 à 1945, le chiffre maximum s’éleva à 141 606 proclamateurs, c’est-à-dire presque le double.

      Apparemment, on aurait pu croire que l’œuvre avait cessé, les Béthels étant fermés et des milliers de ministres emprisonnés. Mais les rapports attestent le contraire. Loin d’être arrêté, le service du Royaume continua infailliblement de progresser, même au cours de ces sombres années de la Seconde Guerre mondiale.

      DES MISSIONNAIRES DIPLÔMÉS DE GALAAD SE RENDENT DANS LEUR TERRITOIRE

      LOÏS: Qu’en est-​il des missionnaires diplômés de Galaad depuis 1943? Ont-​ils pu se rendre à l’étranger, alors que la guerre sévissait toujours?

      JEAN: Oui, quelques-uns y sont parvenus. Ils furent envoyés dans différents endroits éloignés de l’Amérique du Nord. Il est évident qu’à cette époque, la Seconde Guerre mondiale progressant toujours, les transports en direction de l’Europe et de l’Ouest, vers les îles du Pacifique et l’Asie, étaient pratiquement nuls. C’est la raison pour laquelle les premiers missionnaires furent envoyés au Mexique, à Terre-Neuve, en Alaska et dans des pays de l’Amérique centrale comme Costa Rica, El Salvador et le Honduras, colonie de la couronne britannique. Des missionnaires furent également envoyés à Panama et dans la province francophone canadienne du Québech.

      Vers la fin de 1943, des diplômés de Galaad furent envoyés à Cuba, où ils remportèrent un succès immédiat en enseignant les amis sincères de la vérité biblique. Peu de temps après, des missionnaires entrèrent à Porto Rico, en République dominicaine, à Haïti, à la Trinité, aux Bermudes, aux Bahamas, à la Jamaïque et dans d’autres îles des Antilles. À partir de 1944, et pendant trois années consécutives, le président de la Société visita Cuba et les autres îles, afin d’encourager les excellents débuts de l’œuvre dans ces régionsi.

      Au début de 1945, avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, le président de la Société, N. H. Knorr, accompagné de l’un des directeurs, F. W. Franz, fit sa première visite officielle au Mexique et en Amérique centrale, où des dispositions définitives furent prises en vue de l’expansion de l’activité missionnairej.

      En février et en mars 1945, les deux représentants de la Société se rendirent en Amérique du Sudk. Les principaux pays furent visités et des projets établis pour y étendre l’activité missionnaire. L’œuvre avait commencé en Argentine et au Brésil vers le début des années 1920, mais il était nécessaire d’amener les frères en contact plus étroit avec le siège principal de l’organisation et de les former aux dernières méthodes théocratiques à utiliser dans le service.

      Jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, tous les pays d’Amérique du Sud, totalisant 120 000 000 d’habitants, semblaient être une chasse gardée appartenant à l’Église catholique romaine. Cependant, en 1945, quand les démocraties de l’Ouest vainquirent le mouvement catholique, fasciste et nazi qui tentait de contrôler le monde, la porte de l’Amérique du Sud s’ouvrit toute grande au véritable christianisme, par l’entremise de ces courageux missionnaires représentant la société du monde nouveau. Des missionnaires formés à Galaad furent envoyés en Amérique du Sud peu de temps après la visite du président de la Société, et en 1947 il y en avait 117 répartis dans 12 pays différents de ce territoire. Rien qu’en 1946, la Société dépensa 125 000 dollars pour ces régions d’Amérique centrale, d’Amérique du Sud et pour les Antilles. Un total de dix-huit pays différents de cette partie de la terre reçurent cette aide, afin que la bonne nouvelle puisse être prêchéel.

      L’expansion de l’œuvre en Europe n’était pas beaucoup moins grande qu’en Amérique du Nord et du Sud. Comme nous l’avons vu précédemment, les publications de la Société étaient répandues en Europe depuis 1880a. Avec le temps, toute l’activité fut déployée à partir de ces trois centres: l’Angleterre, la Suisse, qui s’occupait de l’Europe centrale, et le Danemark et la Suède qui supervisaient l’Europe septentrionale. Le continent tout entier était desservi par ces trois centres, l’Allemagne devenant finalement un champ d’expansion des plus féconds. Ces trois centres ont survécu intacts à la Première et à la Seconde Guerre mondiale, et furent à l’origine de rapides renouveaux dans toutes les autres parties de l’Europe.

      En 1942, en plein cœur de la Seconde Guerre mondiale, les témoins travaillaient dans treize pays du continent européen, avec 22 796 ministres actifs, sans compter les Allemands qu’Hitler avait interdits et emprisonnés. À la fin de la guerre, il y eut une réorganisation et une reprise rapide des activités, reprise provoquée par une tournée d’inspection du président Knorr et de son secrétaire M. G. Henschel, pendant l’hiver de 1945-​1946b.

      L’œuvre connut une réjouissante expansion; en 1947, le rapport des témoins revenus à la vie dans dix-neuf pays d’Europe indiquait que 74 196 ministres avaient pris part au service du champ, ce qui représentait un chiffre plus élevé que le nombre le plus important enregistré dans le monde entier avant la Seconde Guerre mondiale. Bien que les frères locaux aient effectué la plus grande partie du travail, ils reçurent une aide précieuse de la part des missionnaires formés à Galaad et que la Société avait commencé à envoyer dès 1946; leur tâche fut également facilitée du fait que la Société ouvrit de nouvelles filiales et pourvut à l’équipement et aux publications qui leur étaient nécessaires, ce qui représentait des dons pour une valeur de 100 000 dollarsc.

      Ainsi, à dater de 1945 particulièrement, la voie était ouverte à l’expansion générale. Le temps était venu pour que la grande multitude au nombre incalculable se manifeste davantage, et des milliers de personnes ne cessèrent de se joindre à la société du monde nouveau pour prendre part à l’œuvre de prédication. La porte s’ouvrait maintenant toute grande au service théocratique, pendant quelques années au moins, et cette foule unie de prédicateurs zélés de la bonne nouvelle du Royaume de Dieu franchissait cette porte et pénétrait dans les champs, où la moisson était prête à être rentrée.

      [Notes]

      a a Annuaire (angl.) 1942, p. 130.

      b b Adelaide Company of Jehovah’s Witnesses, Inc. contre The Commonwealth 67 C. L. R. 116, 124 (1943).

      c c Consolation (angl.), 15 mars 1944, pp. 4, 5, 7.

      d d Ibid., pp. 7-14.

      e e Annuaire (angl.) 1945, p. 119.

      f f Ibid., pp. 116, 117.

      g g Annuaire (angl.) 1944, pp. 63-66.

      h h Ibid., p. 75.

      i i Informateur (angl.), mai et juin 1943.

      j j Informateur (angl.), janv. 1944.

      k k Annuaire (angl.) 1946, pp. 43, 44.

      l l Annuaire (angl.) 1947, p. 46.

      a m Annuaire (angl.) 1945, pp. 67-84. Pour le rapport complet et les photos, voir Consolation (angl.), Vol. XXVI, 25 oct. 1944, pp. 3-29.

      b n Informateur (angl.), nov. 1945, p. 2.

      c o Informateur (angl.), oct. 1946, p. 2.

      d p Annuaire (angl.) 1946, p. 133.

      e q Voir w 1945, pp. 268-272.

      f r Pour d’autres comptes rendus détaillés, voir w 1945, pp. 236-240; Consolation (angl.), Vol. XXVII, 2 janv. 1946, pp. 3-11; 16 janv. 1946, pp. 3-14.

      g s wF 1949, pp. 44, 45.

      h t Annuaire (angl.) 1945, p. 42.

      i u w 1946, pp. 172-176, 187-192.

      j v w 1945, pp. 125, 126; w 1946, pp. 220-224.

      k w w 1945, pp. 125-128, 172, 173.

      l x Annuaire (angl.) 1947, p. 254.

      a y w oct. et nov. 1881, pp. 5, 6.

      b z w 1946, pp. 14-16, 92-95, 110-112, 141-143; wF 1946, pp. 156-158, 171-174, 205, 206.

      c aa Annuaire (angl.) 1947, p. 254.

  • Le modèle des futures assemblées théocratiques
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 30

      Le modèle des futures assemblées théocratiques

      THOMAS: Jean, lors de votre dernière visite, vous nous avez promis de nous parler, la fois suivante, de quelques-unes des grandes assemblées tenues par les témoins de Jéhovah des temps modernes.

      JEAN: En effet. Ce sont les assemblées, tenues par les anciens Israélites, qui nous servent de modèle. Ceux-ci avaient reçu l’ordre de s’assembler trois fois par an pour célébrer des fêtes. Or, les témoins de Jéhovah suivent ce modèle depuis plus d’un demi-siècle déjà. C’est ainsi que nous avons eu des assemblées, nationales et internationales, aux États-Unis et partout ailleurs dans le monde. Je vais commencer par celle de 1946, qui nous a réunis à Cleveland, dans l’Ohio, aux États-Unis. Il s’agit de la première grande assemblée tenue après la Seconde Guerre mondiale et, chose importante, ce fut pour les témoins de Jéhovah le premier grand congrès vraiment international.

      THOMAS: Mais qu’en est-​il de la question que je vous ai posée au téléphone l’autre jour? Le pasteur de Loïs a dit dimanche dernier que les témoins de Jéhovah se sont dérobés aux obligations militaires pendant la guerre. Est-​ce vrai?

      JEAN: Ce qui, entre autres, a fait de l’assemblée de Cleveland en 1946 un événement exceptionnel, c’est précisément parce que cette question y fut traitée. Une résolution y a été adoptée à l’unanimité, demandant au président des États-Unis d’amnistier quelque 4 300 témoins de Jéhovah auxquels les bureaux de recrutement et les tribunaux fédéraux avaient refusé de façon illégale de reconnaître les droits, et cela partout aux États-Unis de 1940 à 1946. Cette pétition a été remise au président Truman par un comité comprenant l’avocat général de la Société, un autre avocat et un témoin de Jéhovah qui avait combattu comme officier d’artillerie aux côtés du président Truman au cours de la Première Guerre mondialea.

      LOÏS: C’est plutôt exceptionnel que vous ayez été reçus par le président des États-Unis en personne. Cette pétition a-​t-​elle eu des résultats?

      JEAN: Elle a été acceptée. Après quoi, le président Truman a nommé une commission d’amnistie. Celle-ci a entendu certains cas, revu des milliers de condamnations prononcées par les tribunaux et examiné des fiches établies par les bureaux de recrutement. Ensuite, elle a recommandé de gracier quelques témoins. Tenant compte de cette recommandation, le 23 décembre 1947 le président des États-Unis a amnistié seulement une poignée de témoins de Jéhovah. En effet, moins de 150 témoins ont fait l’objet de cette mesure, alors que 1 523 personnes au total ont bénéficié de l’amnistie. Comparativement aux 4 300 témoins de Jéhovah, ce sont les autres groupements religieux, dont seulement 1 000 hommes en tout se trouvaient en prison, qui se sont vu accorder la part du lion dans cette amnistie. Là aussi, les témoins de Jéhovah ont été traités avec discrimination, tout comme par les bureaux de recrutement et les tribunaux fédéraux auparavant. Voici ce que le professeur Cushman, rédacteur consultatif, a déclaré à ce propos dans une étude sur les libertés civiles, publiée par l’Université Cornell:

      Six mille objecteurs de conscience ont été envoyés en prison pendant la Seconde Guerre mondiale (plus des deux tiers étaient des témoins de Jéhovah), étant assimilés ainsi à des criminels (...). Les efforts entrepris en vue d’obtenir pour ce groupe [d’hommes] une amnistie générale du président ont échouéb.

      THOMAS: D’après vous, les tribunaux auraient donc également fait preuve de discrimination. J’ai toujours cru que leur rôle était d’appliquer la justice. Y a-​t-​il vraiment eu des entorses à la justice?

      JEAN: Certainement, et non seulement de la part des bureaux de recrutement, mais aussi de la part des tribunaux fédéraux. Ce fait a d’ailleurs été mentionné dans de nombreuses publications juridiquesc.

      LOÏS: Donnez-​nous plus de détails sur ce sujet.

      JEAN: Après la promulgation de la loi de recrutement en 1940, le directeur du service du recrutement avait convoqué un représentant des témoins de Jéhovah, pour que nous exposions notre cas devant l’état-major américain avant que celui-ci n’élabore des directives pour toute la nation. Le conseiller juridique des témoins s’est alors présenté devant un comité comprenant le directeur du service du recrutement et des officiers de l’armée. Il leur a exposé l’affaire en détail et leur a montré que tous les témoins de Jéhovah qui ont coutume d’enseigner et de prêcher régulièrement l’évangile sont des ministres. En effet, ce terme avait été utilisé dans la loi de recrutement pour désigner ceux qui étaient exemptés du service militaired. Puis, le 12 juin 1941, le général Hershey, en sa qualité de directeur du service du recrutement, a adressé à tous les officiers de recrutement du pays un mémoire concernant les témoins de Jéhovah. Ce mémoire (amendé par la suite) déclarait en substance ce qui suit:

      FAITS: Les témoins de Jéhovah demandent à être exemptés de l’instruction et du service militaires et à être classés dans la catégorie IV-D comme ministres de la religion dûment ordonnés, mentionnés sous section 5 (d), loi de l’instruction et du service militaires de 1940 (...).

      Section 5 (d): “Les ministres de la religion, réguliers ou dûment ordonnés, (...) seront exemptés de l’instruction et du service militaires (mais non de l’inscription) conformément à cette loi.” (...)

      Question. — Les témoins de Jéhovah peuvent-​ils être classés dans la catégorie IV-D comme ministres de la religion réguliers ou dûment ordonnés, lesquels sont exemptés de l’instruction et du service militaires?

      Réponse: 1. La Watchtower Bible and Tract Society, Inc., a été enregistrée selon les lois de l’État de New York pour des buts charitables religieux et scientifiques. Les personnes connues sous le nom de témoins de Jéhovah forment un groupement qui n’a pas la personnalité juridique, mais elles ont en commun certaines doctrines et croyances religieuses et reconnaissent comme leur organisation administrative terrestre la Watchtower Bible and Tract Society, Inc. C’est par leur adhésion à l’organisation de cette institution religieuse légale que les témoins de Jéhovah, tout en formant un groupement qui n’a pas la personnalité juridique, sont considérés et reconnus comme constituant une secte religieusee.

      Le 3 avril 1943, le général Hershey a adressé son deuxième rapport au président. Ce rapport disait, en partie, ce qui suit concernant la définition que l’état-major national donnait de la vocation de ministres de la religion:

      L’application de ce principe fut étendue à des personnes qui n’étaient des ministres ou des prêtres ni au sens strict du terme ni au sens sacerdotal proprement dit. Elle incluait les Frères chrétiens, qui sont des religieux, lesquels vivent dans des communautés à l’écart du monde et se consacrent exclusivement à l’enseignement religieux; les enseignants laïques luthériens, qui se consacrent aussi à l’enseignement, ainsi qu’à la religion; les témoins de Jéhovah, qui vendent leurs livres religieux et répandent ainsi la Parole. Elle inclut les frères laïques des ordres religieux catholiques, et de nombreux groupements qui consacrent leur vie à la propagation de leur religionf.

      THOMAS: Eh bien, j’estime que ce texte aurait dû permettre de tirer les choses au clair. Comment se fait-​il que 4 300 témoins de Jéhovah aient été envoyés en prison malgré cela?

      JEAN: Votre commentaire renferme la réponse, car les choses n’ont pas été tirées au clair par ces déclarations administratives. En fait, seuls quelques-uns se sont vu accorder l’exemption réservée aux ministres de la religion. C’étaient des membres de la famille du Béthel de Brooklyn, ainsi qu’un nombre restreint de pionniers, ceux qui consacraient tout leur temps au ministère et n’avaient pas d’occupation profane. Malgré l’intervention et la protestation de l’avocat de la Société, le général Hershey n’a pas élargi suffisamment le sens de ses déclarations pour apporter aux témoins de Jéhovah une protection suffisante. Celles-ci renfermaient des normes d’orthodoxie religieuse et imposaient une distinction entre le clergé et les laïques, privant ainsi de toute protection légale un vaste groupe de ministres d’entre les témoins de Jéhovah auxquels la loi et les règlements, appliqués avec impartialité, auraient accordé l’exemption. Mais on a atténué et rendu inutiles les parties des mémoires qui étaient favorables aux témoins de Jéhovah. Par conséquent, très peu (peut-être même aucun) d’entre les ministres chargés de la présidence (serviteurs de congrégation) ont été exemptés, à moins d’être pionniers. La plupart des témoins ayant l’âge de recrutement (fixé finalement de 18 à 45 ans pendant la guerre) se sont vu arbitrairement refuser l’exemption par les bureaux locaux de recrutementg. Les Cours d’appel de district ont très peu remédié à cet état de choses. Quant à la Cour d’appel instituée à Washington par le président, elle a révisé si peu de cas, comparativement parlant, que seule une poignée de ceux-ci a été tranchée en faveur des témoins de Jéhovah. C’est ainsi que des milliers de témoins — qui avaient pourtant coutume de participer régulièrement à la prédication de l’évangile — ont reçu l’ordre d’accomplir le service militaire ou bien un service civil comme objecteurs de conscience, tandis que les membres jeunes du clergé, étudiants en théologie et séminaristes d’autres dénominations, ont été autorisés à rester chez euxh. Mais les témoins ont refusé d’obéir aux ordres des bureaux de recrutement en raison de leur attitude de neutralité absolue fondée sur les Écritures.

      LOÏS: Qu’est-​ce qui s’est produit alors?

      JEAN: Ils ont été déférés à la justice, traduits devant les tribunaux fédéraux et envoyés en prison par tous les tribunaux fédéraux de district, ce qui les a identifiés à des criminels. Beaucoup d’entre eux ont été condamnés à la peine maximum de cinq ans de prison, et à une amende de 10 000 dollars. De tous les objecteurs condamnés pour refus de servir, plus des deux tiers ou près des trois quarts étaient témoins de Jéhovahi. C’est ce qui a fait dire à une certaine organisation:

      Ce nombre surprenant de prisonniers se compose d’environ deux tiers de témoins de Jéhovah, et tous pratiquement ont demandé à être reconnus comme ministres de l’évangile, statut que les bureaux de recrutement ont cependant refusé de leur accorderj.

      LOÏS: La Société n’a-​t-​elle rien pu faire contre cette carence? L’avocat de la Société n’est-​il pas intervenu en justice?

      JEAN: En principe, la Société avait chargé son propre avocat de plaider la cause des ministres qui étaient pionniers ou serviteurs de congrégation, et, dans des centaines de cas entre 1941 à 1946, elle a confié cette défense à beaucoup d’autres avocats dans tous les États-Unis.

      THOMAS: Quel a été le résultat obtenu dans la plupart de ces cas ainsi traités et pris en main?

      JEAN: Quand les témoins se présentaient devant les tribunaux fédéraux et que leurs avocats les défendaient, on dressait devant eux un mur d’opposition que rien ne pouvait renverser. Les procureurs du gouvernement se retranchaient derrière l’argument selon lequel les témoins de Jéhovah n’avaient aucun droit légal de venir présenter une défense. Les bureaux de recrutement leur avaient donné l’ordre, en bonne et due forme, de se présenter et d’accomplir leur service dans l’armée ou dans des camps de travail prévus pour les objecteurs de conscience, mais ils avaient refusé d’y obéir. Les procureurs soutenaient que les témoins de Jéhovah devaient aller à l’armée, revêtir d’abord l’uniforme et qu’ils pourraient ensuite demander aux tribunaux fédéraux de leur venir en aide. Alors, et seulement alors, déclaraient les procureurs du gouvernement devant les cours de justice dans ces milliers de cas, les juges fédéraux pourraient examiner cette question. Vous comprenez à présent qu’on mettait les témoins dans une situation vraiment difficile, et que c’était un cercle vicieux: ou bien ils reniaient leur foi en Jéhovah et acceptaient de faire des compromis dans l’espoir que les tribunaux les écoutent sans partialité, mais ils perdraient ainsi leur vie, ou bien ils maintenaient une neutralité absolue, ce qui les menait en prison. Voilà pourquoi un juriste a pu dire au sujet de cette règle qu’elle était

      (...) très dure, d’autant plus qu’elle empêchait un objecteur de conscience d’obtenir une révision judiciaire de son cas, à moins de se laisser incorporer dans l’armée, où il s’exposait à l’ignominie et au mépris des militaires et où il aurait à comparaître devant la cour martiale, ce qui pouvait mener à un emprisonnement illimité ou même à la peine de mortk.

      LOÏS: Quelle argumentation extraordinaire pour des procureurs! Est-​ce que les juges admettaient qu’on vous refuse, d’une façon si déraisonnable, le droit de vous défendre devant la justice?

      JEAN: Oui, hélas! Chose étonnante, les juges fédéraux partageaient tout à fait cet avis. Quant à l’avocat de la Société, il affirmait que les témoins avaient le droit de se défendre devant la justice tout en gardant leur neutralité. Il insistait sur le fait que c’étaient les bureaux de recrutement qui enfreignaient la loi (en classant les témoins de Jéhovah d’une manière illégale) et non pas les témoins de Jéhovah (en refusant d’obéir aux ordres illégaux donnés par les bureaux de recrutement). Dans les nombreux cas dont il s’est occupé entre 1941 et 1946, notre avocat a pris pour argument que la Constitution des États-Unis garantit à chacun le droit de se défendre s’il est accusé de quoi que ce soit. Il a souligné maintes et maintes fois que le gouvernement, qui dressait des actes d’accusation contre les témoins de Jéhovah, ne pouvait pas invoquer la loi pour justifier leur validité si les ordres donnés par les bureaux de recrutement se trouvant à l’origine de ces actes étaient nuls par suite de classifications illégales. L’avocat de la Société faisait valoir qu’on appliquait aux témoins de Jéhovah (en leur refusant le droit de se défendre devant la justice) un procédé analogue à ceux pratiqués autrefois, c’est-à-dire l’ordalie, la mort civile ou encore la chambre étoiléel. Du moins cela équivalait à un refus d’appliquer dans les tribunaux américains les principes fondamentaux d’impartialité et, toujours d’après lui, cela ne constituait donc rien de moins qu’un refus de respecter la procédure légale pourtant garantie par la constitution du paysa.

      LOÏS: Ce raisonnement me paraît valable. Mais que se passait-​il quand les juges fédéraux rejetaient cette argumentation? Que faisaient les Cours d’appel? Et surtout, qu’a fait la Cour suprême?

      JEAN: Dix d’entre les Cours d’appel fédérales ont suivi cette même voie, tracée par les tribunaux de district. Elles ont refusé d’écouter la défense en prétextant que les témoins devaient d’abord obéir aux ordres, les obligeant ainsi à violer leur intégrité, pour obtenir que la cour tienne audienceb. Dans l’affaire Falbo, toute cette querelle juridique a atteint son point culminant lorsque (le 3 janvier 1944) la Cour suprême a jeté tout son poids dans la balance en refusant son aide aux témoins de Jéhovahc. Seul le juge Murphy a émis un avis contraire, favorable aux arguments de l’avocat qui défendait les témoins de Jéhovah.

      THOMAS: Et qu’a déclaré le juge Murphy?

      JEAN: Je vais vous lire un extrait de son avis qui était contraire à celui des autres juges de la Cour suprême:

      Le bon sens et la justice réclament que tout citoyen accusé d’un crime quelconque soit entendu de la façon la plus complète possible, outre qu’il doit avoir l’occasion de présenter toute défense raisonnable. Seule une jurisprudence non éclairée condamne une personne sans lui accorder ces droits-​là. Pareil refus est spécialement accablant là où l’audience complète de l’affaire pourrait révéler que la mesure administrative se trouvant à l’origine des poursuites judiciaires est le produit d’émotions excessives dues à la guerre. L’expérience prouve que, en temps de guerre, les libertés individuelles ne sont pas toujours à l’abri de la discrétion incontrôlée de l’administration (...).

      Enfin, la poursuite efficace de la guerre n’exige en aucune façon qu’on refuse au requérant de l’entendre complètement dans la présente affaire. (...)

      Qu’une personne languisse en prison pendant cinq ans sans se voir accorder l’occasion de prouver que les poursuites judiciaires intentées contre elle étaient fondées sur une mesure administrative arbitraire et illégale, voilà qui ne s’accorde pas avec le niveau élevé de notre système judiciaire. (...) La loi ne connaît pas de moments plus nobles que lorsqu’elle tranche dans des concepts formels et des émotions transitoires, pour protéger des citoyens impopulaires contre la discrimination et la persécution. Quant à moi, je ne conçois pas que la loi puisse suivre une autre voie dans la présente affaired.

      Or, les huit autres juges ont refusé de partager l’avis du juge Murphy et ont décidé que les témoins de Jéhovah n’avaient pas le droit de présenter une défense dans des cas semblables à celui de Falbo, et c’est ainsi que le défilé des condamnations s’est poursuivi. Dans de nombreuses cours fédérales, il y a eu des spectacles impressionnants. Écoutez ce que racontent les auteurs d’un livre déjà cité, en parlant des procès collectifs faits aux témoins de Jéhovah:

      (...) En effet, à mesure que la guerre devenait plus acharnée et totale et que le nombre des cas provenant du service du recrutement augmentait, bien des juges estimaient qu’il valait mieux laisser s’accumuler les nombreuses audiences impliquant les objecteurs de conscience, notamment les témoins de Jéhovah. Quand leur nombre était suffisamment grand, le juge tenait une audience collective et liquidait les cas par fournée de trente ou de quarante à la foise.

      THOMAS: Est-​ce que les témoins de Jéhovah et la Société ont abandonné la lutte après ce coup de grâce porté contre le droit à une audience impartiale devant les tribunaux?

      JEAN: Non, ils n’ont pas abandonné la partie pour autant. Dans de nombreux autres cas, l’avocat de la Société a tout fait pour renverser les obstacles. Ainsi, dans deux cas, les témoins de Jéhovah avaient donné suite aux conditions d’appel jusqu’au bout, et ils s’étaient même présentés devant l’officier du centre d’incorporation. Mais arrivés à ce point, les témoins Smith et Estep, l’un domicilié dans la Caroline du Sud et l’autre en Pennsylvanie, ont refusé de se laisser incorporer dans l’armée. Ils ont donc été déférés à la justice, et leurs condamnations ont été confirmées séparément par deux Cours d’appel distinctes qui ont déclaré toute défense inadmissible. Ensuite, les deux cas ont été portés en même temps devant la Cour suprême. Cependant, la guerre a pris fin entre-temps. Le 4 février 1946, la Cour suprême s’est prononcée en faveur des témoins de Jéhovah, arrivant à la conclusion que tous les tribunaux fédéraux inférieurs des États-Unis avaient eu tort de refuser aux témoins de Jéhovah le droit à une audience impartiale, et d’affirmer que ceux-ci devaient faire des compromis au détriment de leur neutralité et entrer dans l’armée avant de pouvoir se défendre devant la justice. De plus, cette même Cour a conclu que les témoins pouvaient démontrer que les ordres des bureaux de recrutement étaient entachés d’invalidité, parce que ces bureaux avaient enfreint la loi et les règlements de recrutement en refusant de les classer parmi les ministres, à l’encontre des faitsf.

      Plus tard, dans la même année (le 23 décembre 1946), la Cour suprême a élargi le sens de la loi, de manière à permettre la défense devant les tribunaux à des témoins de Jéhovah accusés de ne s’être pas présentés dans un camp pour objecteurs de conscience ou de n’être pas restés dans un tel camp après l’appel. Il en a été ainsi dans les affaires Gibson et Dodezg.

      LOÏS: Après que la Cour suprême eut éclairé le sens de la loi dans de tels cas et redressé la situation créée par les tribunaux fédéraux inférieurs qui avaient refusé toute défense devant la justice, n’a-​t-​on rien fait pour réparer les torts causés aux 4 300 témoins qui furent incarcérés et frappés d’amendes pendant la guerre?

      JEAN: Eh bien, comme je l’ai dit il y a un petit moment, le seul remède possible était d’en appeler au président des États-Unis, chose qui a été faite par le comité représentant les témoins de Jéhovah à la suite de la résolution adoptée par le grand congrès de Cleveland, en 1946. Or, le président et sa commission d’amnistie ont tout simplement glissé sur cette affaire en graciant un minimum de témoins de Jéhovah, environ 136, et en traitant avec discrimination tous les autres, comme je vous l’ai expliqué tout à l’heureh.

      LOÏS: Quel a été le sort de ces 4 300 hommes tandis qu’ils étaient en prison?

      JEAN: Ils ne présentaient pas un gros problème pour leurs gardiens, car leur conduite était exemplaire. Comme ils étaient très nombreux à être envoyés en prison, il a fallu agrandir les prisons fédérales et même, dans un certain nombre de cas, construire des établissements entièrement nouveaux. Pendant leur détention, les témoins n’ont toutefois pas gaspillé les heures où ils n’étaient pas occupés par les travaux de la prison. On leur a permis d’avoir des études portant sur la Bible et d’autres écrits publiés par la Société, et ils n’ont pas manqué non plus de bien profiter de leurs heures de loisir pour améliorer leur culture générale. À intervalles réguliers, ils étaient autorisés à recevoir la visite de ministres spéciaux venant du siège de la Société pour les aider sur le plan spirituel. D’ailleurs, l’intégrité de ces hommes a fait l’objet de rapports officiels, et le courage qu’ils ont manifesté en défendant les principes de neutralité absolue a servi à fortifier un grand nombre de leurs frères qui n’ont pas eu de démêlés avec la loi de recrutementi.

      Est-​ce que ces détails répondent suffisamment à votre question, Thomas, à propos de ce que le pasteur de Loïs a dit contre les témoins de Jéhovah?

      THOMAS: Oui, en partie, Jean. Mais il y a encore autre chose qui préoccupe mon esprit. Les témoins de Jéhovah ont-​ils dû renoncer définitivement à se faire reconnaître comme ministres?

      JEAN: Pas du tout! L’avenir allait montrer que la longue lutte menée par les témoins de Jéhovah pour obtenir, eux aussi, le statut de ministres de la religion ne faisait que commencer. Bien entendu, il fallait d’abord gagner la bataille qu’ils avaient livrée pendant plusieurs années pour avoir le droit de se défendre devant la justice. Mais il était alors trop tard pour que soient classés parmi les ministres les 4 300 hommes envoyés en prison de 1941 à 1946. Les bureaux de recrutement en avaient terminé avec eux, et les tribunaux aussi, mais la loi de recrutement n’a pas été abrogée avec la fin de la Seconde Guerre mondiale, comme on pourrait le croire. Au contraire, en 1948, le Congrès a remis en vigueur la loi de recrutement en votant la loi du service militaire de 1948. Plus tard, en 1951, celle-ci a reçu le nom qu’elle porte actuellement: loi universelle d’instruction et de service militaires. De 1948 à ce jour, la lutte juridique s’est poursuivie à l’échelle nationale devant les tribunaux fédéraux, entre les témoins de Jéhovah d’une part et les bureaux de recrutement, le service du recrutement et le ministère de la Justice de l’autre, pour savoir s’il y a des témoins de Jéhovah qui ont le droit d’être classés parmi les ministres de la religion et, si oui, lesquels d’entre eux remplissent ces conditions.

      LOÏS: Je suis curieuse de savoir ce que vous avez à nous dire à ce sujet.

      JEAN: Finalement, les témoins de Jéhovah ont réussi dans un grand nombre de cas à faire reconnaître par les tribunaux qu’ils sont des ministres qui ont droit à l’exemption du service militaire. Mais ce résultat n’a pas été obtenu facilement, ni immédiatement.

      THOMAS: Voulez-​vous dire par là que les témoins ont eu à se battre de nouveau pour cette question devant les tribunaux de tout le pays, comme pour le droit de se défendre devant la justice?

      JEAN: Oui, effectivement. L’avocat des témoins de Jéhovah suivait les directives de la Société en assumant lui-​même ou en orientant la défense des pionniers, ou ministres à plein temps, et des serviteurs de congrégation faisant l’objet de poursuites judiciaires, et cela dans tout le pays, en invoquant le statut de ministres et en attaquant leur classification par les bureaux de recrutement comme une entorse aux faits. Un précédent venait appuyer cet argument. En effet, il s’agissait d’un cas porté devant la Cour d’appel de Chicago, qui avait déclaré:

      (...) Peu importe ce qu’un bureau de recrutement ou un tribunal, ou encore une personne compétente en cette matière, peuvent penser d’eux. Le fait est que le service du recrutement les a reconnus comme étant une organisation religieuse et qu’ils ont droit au même traitement que celui dont jouissent les membres de toute autre organisation religieuse. (...)

      (...) Nous doutons fort qu’il y ait eu une raison quelconque justifiant le refus du Bureau de classer l’intéressé dès l’origine dans la catégorie 4-D. Quoi que l’on pense, toutefois, de la mesure originale prise par le Bureau sous ce rapport, aucun doute n’est permis quant à la preuve subséquente qui démontre d’une façon concluante que l’intéressé avait droit à une telle classificationj.

      THOMAS: Voilà qui me semble logique. Pourquoi les autres tribunaux n’ont-​ils pas suivi cet exemple?

      JEAN: C’est que les procureurs du gouvernement ont argué partout aux États-Unis, malgré le jugement rendu dans l’affaire Hull, que même si les pionniers étaient des ministres à plein temps, ils n’avaient pas droit à l’exemption parce qu’ils ne possédaient pas de congrégations fixes. Et quand il s’agissait des serviteurs de congrégation, ces mêmes procureurs soutenaient que ceux-ci n’avaient pas droit à l’exemption parce que leurs congrégations ne se composaient pas de laïques mais de témoins de Jéhovah. Leurs arguments n’ont pas pu être battus en brèche ni ruinés avant l’affaire Dickinson que la Cour suprême a tranchée le 30 novembre 1953. Or, Dickinson était serviteur de congrégation et pionnier. Il consacrait cinq heures par semaine à un travail profane pour subvenir à ses besoins, tout en accomplissant son ministère. La Cour suprême est arrivée à la conclusion que le ministère était la vocation de Dickinson et qu’il n’avait pas besoin d’une congrégation fixe de laïques. Il avait droit à l’exemption, d’après elle, quoiqu’il consacrât la plus grande partie de son temps à la prédication de porte en porte et au ministère du champ au domicile des gens, plutôt que de prêcher du haut d’une chaire. L’exemption en qualité de ministre ne lui a pas non plus été refusée quoiqu’il présidât une congrégation de ministres. Voici l’un des passages les plus intéressants de l’avis émis par la majorité des juges composant la Cour suprême:

      Nous estimons que M. Dickinson est un cas qui remplit les critères du statut. Il a été ordonné selon les rites de sa secte et, compte tenu des preuves apportées ici, il remplit la condition essentielle qui consiste à enseigner et à prêcher, comme vocation, les principes de sa secte, et à conduire le culte public selon la tradition de sa religion. Que l’ordination, les doctrines ou la façon de prêcher de sa secte divergent de ce qui est reconnu orthodoxe et traditionnel, cela ne nous concerne pas; il va sans dire que ledit statut ne prétend pas imposer une preuve d’orthodoxiek.

      LOÏS: Ainsi donc, après tant d’années, la Cour suprême a quand même fini par déclarer qu’un des témoins de Jéhovah était ministre! Ce fut une grande victoire, mais qui est arrivée un peu tard, n’est-​ce pas?

      JEAN: Vous avez raison. Ce fut le cas qui a vraiment balayé une bonne partie des préjugés que les bureaux de recrutement, le ministère de la Justice et les tribunaux manifestaient à l’égard des témoins de Jéhovah. Les tribunaux fédéraux inférieurs se sont mis, après cela, à suivre cet exemple. Ils ont reconnu le bien-fondé de cet arrêt et en ont appliqué les principes.

      Dans l’affaire Olvera, le juge Hutcheson, président de la Cour d’appel de la Nouvelle-Orléans (États-Unis), étant d’accord avec les arguments présentés par l’avocat qui défendait les témoins de Jéhovah, a fait la déclaration suivante que je vais vous lire en partie:

      Lorsque tout a été dit et fait, il n’en demeure pas moins vrai que ce qui est mis en question dans ces cas et dans d’autres analogues, c’est la conciliation de la loi avec la liberté, chose qui différencie un gouvernement régi par des lois d’un autre dirigé par des hommes. C’est pourquoi, dans l’interprétation et l’application de la loi de l’instruction et du service militaires dans les cas où il s’agit d’objecteurs de conscience, il faut garder présentes à l’esprit les choses suivantes: 1) le statut en voie d’élaboration est un statut de liberté religieuse; 2) le sang des martyrs est la semence de l’Église; et 3) la liberté et la loi doivent marcher la main dans la main; aucune des deux ne doit aller plus vite que l’autrel.

      THOMAS: Ce qui m’étonne, c’est qu’on dise que la loi de recrutement renferme une déclaration des droits de l’objecteur de conscience.

      JEAN: Mais oui. D’ailleurs, une quantité d’autres décisions, rendues dans diverses parties du pays, le prouvent effectivement. Maintes fois les tribunaux ont déclaré que les témoins de Jéhovah ont droit au même traitement que celui dont jouit le clergé des grandes organisations religieuses. J’ai ici tout un tas de copies imprimées qui reproduisent de telles décisions. Et voici une liste où j’ai réuni plus d’une trentaine d’avis exprimés par les tribunaux de première instance et des Cours d’appel, tous favorables aux témoins de Jéhovah et qui font tous savoir qu’on ne peut pas priver de l’exemption un pionnier ou ministre à plein temps parce qu’il subvient à ses propres besoins par un travail profane à temps partiel.

      Voici en quels termes l’une des Cours d’appel a répondu à la fausse accusation d’après laquelle les témoins de Jéhovah n’ont pas une instruction conventionnelle suffisante pour bénéficier de l’exemption:

      (...) Ladite loi n’impose pas aux ministres de fournir la preuve de leur érudition. Quelques-uns d’entre les plus grands ministres de la religion, dont les apôtres de Jésus-Christ, étaient des hommes sans instructiona.

      D’après la Cour d’appel des États-Unis pour la cinquième circonscription, la véritable difficulté à laquelle se heurtaient quelques bureaux de recrutement, c’est qu’ils

      (...) cherchaient à modeler un pionnier, ministre ordonné des témoins de Jéhovah, pour le faire entrer dans la camisole de force orthodoxe des ministres d’une Église dite orthodoxe, en dépit du fait qu’il est impossible de faire entrer dans les vêtements de l’orthodoxie un pionnier qui est ministre des témoins de Jéhovah (...)b.

      La même Cour d’appel a tranché l’affaire Wiggins le 26 novembre 1958. Wiggins, qui n’était pas ministre à plein temps mais serviteur à l’étude de livre dans une congrégation, subvenait à ses besoins par un travail profane. Il avait dû comparaître devant la Cour de district des États-Unis pour le district méridional de l’Alabama. Celle-ci l’avait condamné pour refus d’accomplir un service civil, auquel il avait été assujetti après sa classification comme objecteur de conscience au lieu de celle de ministre. À la suite de son pourvoi en appel, la cour a annulé cette condamnation, estimant qu’elle se voyait “dans l’obligation de reconnaître que M. Wiggins constituait un cas qui, de prime abord, paraissait bien fondé, et que le bureau n’avait pas de raison pour lui refuser l’exemption comme ministre”. Sur ce, le sous-secrétaire à la Justice des États-Unis a déposé un recours en cassation auprès de la Cour suprême du pays pour obtenir la révision et l’annulation de cet arrêt prononcé par ladite Cour d’appel. Cependant, la Cour suprême a rejeté ce recours, laissant ainsi inchangé le jugement reconnaissant que Wiggins était effectivement un ministrec.

      LOÏS: Jean, vous nous avez fourni la preuve que les témoins de Jéhovah, tout en étant différents de mon pasteur, ont devant la loi les mêmes droits que lui de se faire exempter du service militaire.

      JEAN: C’est tout à fait exact, Loïs. Et je pourrais vous en parler encore plus longuement, car les tribunaux fédéraux ont prononcé plus de 150 jugements dans lesquels ils ont dégagé les témoins de toute accusation d’assujettissement à la loi de recrutement. Quand vous m’avez dit l’autre jour que vous voudriez que je réponde au pasteur qui accusait les témoins de Jéhovah de s’être dérobés aux obligations militaires, je me suis mis à rechercher un tas de renseignements. C’est ainsi que j’ai ici une quantité d’autres cas, des journaux, des revues juridiques et d’autres publications pour prouver que son assertion est fausse. Car contrairement à ce qu’il avance, et comme le juge Hutcheson l’a formulé dans le jugement rendu dans l’affaire Olvera que nous avons lu tout à l’heure, les témoins de Jéhovah ont su démontrer qu’ils ont en eux le sang de martyrs et, chose plus importante encore, c’est grâce à l’esprit de Jéhovah qui repose sur eux qu’ils ont pu rester fermes pendant tant d’années et résister au flot de décisions illégales et hostiles qui les privaient du droit à un jugement impartial et qui entraînaient pour nombre d’entre eux de longues peines de prison. Mais finalement ils ont été réhabilités par la puissance de Jéhovah, et le jour est venu où ils se sont vu accorder le droit de se défendre à leur tour devant la justice, si bien qu’il y a maintenant de nombreux ministres aux États-Unis d’Amérique qui ont été déclarés exempts de tout service militaire.

      LOÏS: Est-​ce que cela met un point final à votre récit des cas se rapportant à la loi de recrutement aux États-Unis?

      JEAN: Presque, mais il y a encore trois cas importants que la Cour suprême a tranchés favorablement le 14 mars 1955. Dans l’un d’eux, le ministère de la Justice avait recommandé de ne pas reconnaître un certain témoin de Jéhovah comme objecteur de conscience, parce que celui-ci affirmait, comme tous les témoins, que les guerres mentionnées dans la Bible étaient théocratiques et qu’il croyait à la légitime défense. La Cour suprême a estimé que cette recommandation était contraire à la loi, et qu’il fallait casser la condamnation qui avait été prononcée sur la base de l’ordre donné à la suite de cette recommandationd. Par les cas qu’elle a tranchés ce jour-​là, elle a déclaré nuls certains règlements élaborés par le service du recrutement et le ministère de la Justice, car ceux-ci refusaient aux objecteurs de conscience le droit de se défendre devant la justice et d’être jugés avec impartialitée. Cette décision a eu pour effet que des dizaines et des dizaines de cas pendants ont dû être classésf.

      Les témoins de Jéhovah ont été outragés avec acharnement pendant de nombreuses années. Le noyau même de leur organisation, c’est-à-dire le siège international qui se trouve pourtant aux États-Unis, a été accusé de subversion, et partout dans ce pays, aussi bien pendant qu’après la Première et la Seconde Guerre mondiale, les témoins de Jéhovah ont été stigmatisés à la suite de la publicité faite autour de ces condamnations qu’ils subissaient à cause de la loi de recrutement. Ainsi, bien des sympathisants se sont laissé détourner du message de la bonne nouvelle en voyant que les témoins étaient de plus en plus exposés aux préjugés et à la discriminationg. Mais les témoins de Jéhovah ont maintenu fermement leur position biblique de stricte neutralité, tout comme l’Église chrétienne primitiveh, se consacrant activement à la prédication de la bonne nouvelle.

      Puis Jéhovah a poussé les hautes cours de justice des États-Unis à admettre que ses témoins n’ont jamais cherché à se dérober aux obligations militaires. Ceux-ci sont des ministres de Dieu qui se consacrent activement, sur toute la terre, à la prédication d’un ordre de choses nouveau où régnera la justice et dont la venue est proche. Bien des membres du clergé et de nombreuses personnalités éminentes se sont réjouis en voyant et en apprenant que les témoins avaient tant d’ennuis à cause de la loi de recrutement. En fait, ils ont encore jeté de l’huile sur le feu de la persécution en nous faisant passer pour des gens qui se dérobent aux obligations militaires, en quoi ils ont agi comme leurs homologues des temps anciens décrits par Zacharie (Zach. 1:15). Or, si les tribunaux eux-​mêmes ont fini par les laver de cette odieuse accusation, c’est parce que les témoins de Jéhovah n’ont pas renoncé à lutter pour le droit de prêcher malgré l’interdiction du gouvernement et quoique les bureaux de recrutement, composés de leurs soi-disant “prochains”, ainsi que certains hauts fonctionnaires ou même des présidents, sans parler de la presque totalité des juges fédéraux pourtant hautement respectés, les aient publiquement couverts de reproches et de honte.

      Certes, l’action tardive de la Cour suprême dans l’affaire Dickinsoni n’a pas manqué de faire date en jurisprudence et de déclencher une réaction en chaîne ayant pour effet un grand nombre de décisions légales favorables qui accordaient aux témoins de Jéhovah l’exemption comme ministres. Et parmi le public en général, cela a effacé dans une large mesure l’opprobre dont l’organisation avait été couverte. La société du monde nouveau des ministres de Jéhovah est sortie de ces démêlés non pas comme une organisation religieuse réprouvée ou mise hors la loi, comme certains cherchent encore faussement à le faire croire, mais elle occupe maintenant la même haute position légale, garantie par la Constitution des États-Unis, que la plupart des religions dites orthodoxes. Quant à ses ministres, ils ont été réhabilités devant la loi de recrutement, et ils bénéficient à présent de la même exemption que celle accordée aux membres du clergé qui passe pour orthodoxe.

      À l’extérieur des États-Unis, la situation est encore différente. Beaucoup d’entre nos frères voués d’Europe ou d’autres parties du monde se sont efforcés de prouver leur droit à l’exemption du service militaire comme ministres chrétiens, mais les lois de leur pays ne prévoient pas l’exemption des ministres de la religion. Ils ont donc eu à souffrir à cause de leur refus d’agir à l’encontre des obligations qu’ils doivent assumer envers le Dieu très-haut en tant que ses ministres ordonnés. Prenons l’exemple de la Suède. Jusqu’en 1966, si, dans ce pays, un de nos ministres prenait position pour la neutralité chrétienne à l’égard de ce monde, on l’envoyait en prison, où il devait purger sa peine. À sa sortie de prison, il reprenait son activité ministérielle jusqu’au prochain appel sous les drapeaux. Et parce qu’il refusait tout compromis dans le domaine de la neutralité enseignée par le Christ, on le renvoyait en prison, où il purgeait sa nouvelle peine. Après quoi, ce procédé se répétait pour lui cinq, six ou sept fois, ou même davantage. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était d’affirmer et de réaffirmer sa position devant les autorités du pays, puis d’écouter le verdict lui faisant connaître la peine à laquelle il était condamné.

      Vous voyez donc qu’aux États-Unis la loi tient compte des ministres ordonnés, et c’est pourquoi les témoins de Jéhovah de ce pays étaient pleinement dans leur droit de prouver par les Écritures, et dans les limites de la loi, qu’ils sont vraiment des ministres ordonnés dignes d’être dispensés du service militaire.

      THOMAS: En tout cas, je ne m’étais jamais rendu compte jusqu’à présent que les témoins vivant ailleurs qu’aux États-Unis ont eu de grandes difficultés et qu’ils ont certainement souffert plus que dans ce pays. Il leur fallait, sans aucun doute, avoir une grande foi en Dieu et un attachement indéfectible à sa cause pour adopter une telle position biblique dans cette question et vouloir garder ainsi leur intégrité chrétienne à l’exemple de leur Chef Jésus.

      PROBLÈMES POSÉS PAR LES CONGRÈS

      À présent, nous voudrions en savoir davantage sur le congrès de 1946. Si j’avais à donner mon avis, je dirais que les assemblées tenues par les témoins de Jéhovah ont joué un rôle important dans l’accroissement et le développement enregistrés par l’organisation.

      JEAN: C’est tout à fait vrai. Elles ont répondu à plusieurs besoins: celui de se trouver en compagnie d’autres frères dans la foi, celui de permettre à l’organisation et à chacun des frères d’acquérir une vue plus large des choses, et celui de leur apporter le stimulant spirituel nécessaire à l’accomplissement d’œuvres de foi plus grandes et à la pratique du vrai culte. Avant 1918, les assemblées annuelles avaient un caractère plutôt local, et aucune d’elles n’a jamais réuni plus de 4 000 personnesj. De 1919 à 1937, une seule assemblée, tenue dans un même endroit, a atteint le chiffre record de 30 000 personnes. C’était aux États-Unis, à Columbus, dans l’Ohio, le dimanche 19 septembre 1937, lors de la conférence publique ayant pour thème “Sécuriték”.

      En ce temps-​là, les assemblées revêtaient un caractère international restreint, car peu de frères pouvaient se rendre aux États-Unis pour y assister. Il en a été de même à l’époque de la Seconde Guerre mondiale, soit de 1938 à 1944, époque à laquelle des congrès se sont tenus simultanément dans plusieurs villes situées dans des pays de langue anglaise, et qui étaient reliées entre elles par fil direct ou par radio. De cette façon, les témoins ont pu se rassembler sur le plan international, du moins pour les principaux discours, mais sans qu’il y ait échange de communications entre les délégués respectifs venus assister à ces rassemblements fort éloignés les uns des autres. Le plus grand de tous ces congrès, compte tenu de l’assistance, a été celui de 1938 qui a réuni cinquante villes, Londres étant la ville clé. À cette occasion, l’assistance totale à la conférence publique a été de 150 000 personnesl.

      On a acquis une grande expérience dans la préparation et la mise sur pied des congrès, surtout en 1941 à Saint Louis, dans le Missouri, et en 1942, à Cleveland, dans l’Ohio (États-Unis). En effet, c’est le plein succès de ces assemblées qui a permis d’envisager quelque chose de bien plus vaste encore pour le lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Aussi a-​t-​on projeté d’organiser un congrès vraiment international permettant de rassembler dans un même lieu central des délégués venus de toutes les parties du monde. Il a eu lieu à Cleveland, dans l’Ohio, du 4 au 11 août 1946, sous le thème “Assemblée théocratique des nations joyeuses”. À cet effet, la Société a loué le stade municipal de la ville, les terrains autour de celui-ci et la salle communale contiguë. Quant aux délégués, ils sont venus de trente-deux pays autres que les États-Unis, ainsi que de chacun des États de ce pays. La plus forte assistance à ce congrès a été dénombrée le dernier jour, le dimanche, lorsque 80 000 personnes se serraient dans le stade pour écouter le discours “Le Prince de la Paix”, prononcé par le président de la Société.

      Réunir en un seul endroit un si grand nombre de personnes pendant huit jours de culte chrétien, cela ne va pas sans poser beaucoup de problèmes. Bien entendu, le plus gros problème a été celui du logement. Avec les années, les frères avaient élaboré une méthode efficace qui a toutefois été mise à rude épreuve à Buffalo, dans l’État de New York, en 1944, parce que toutes les chambres d’hôtel disponibles étaient occupées par un congrès de la Légion américaine qui tenait ses assises en même temps que notre assemblée. Il s’agissait alors de trouver la plupart des logements chez les particuliers et, pour cette raison, il a fallu aller de maison en maison et faire toute la ville jusqu’à six fois, ce qui n’a pas manqué de pousser à la dernière limite l’organisation du service du logement et ses possibilités. Et pourtant, les résultats ont été encourageants, non seulement par le nombre des logements ainsi obtenus, mais aussi par l’intérêt suscité parmi les gens qui ont accepté de loger des témoinsa.

      Cette méthode de recherche de logements a encore été perfectionnée en 1946, si bien qu’elle a pu servir de modèle à toutes les assemblées nationales et internationales tenues par la suite. Ainsi, pendant des semaines avant une telle assemblée, des dizaines de pionniers et tous les frères de la congrégation locale faisaient des visites de maison en maison et s’adressaient aux hôtels pour retenir les logements nécessaires.

      DES INNOVATIONS DANS LE DOMAINE DU LOGEMENT ET DES REPAS

      Une autre forme de logement a été introduite lors de ce congrès. En effet, un terrain a été aménagé pour recevoir des caravanes et des tentes. Déjà aux assemblées antérieures tenues en 1937 à Columbus et en 1941 à Saint Louis, de nombreux témoins américains et canadiens avaient apprécié ce mode de logement et l’avaient trouvé peu coûteux. C’est pourquoi on a loué, pour la durée du congrès de Cleveland, de vastes champs situés aux abords de la ville. Une véritable “cité” y a été aménagée, avec des rues et des parcelles assez grandes pour l’érection de tentes ou le parcage de caravanes. Des installations sanitaires, de l’eau, plus de seize kilomètres de câbles électriques et un certain nombre de constructions, voilà ce qu’il fallait à cette communauté de 20 000 témoins arrivés du jour au lendemain pour la durée de l’assemblée. La surveillance de la circulation et l’administration de cette “cité” étaient entre les mains d’une équipe de 550 témoins, tous volontaires, qui faisaient marcher tout cet ensemble conformément aux prescriptions gouvernementales sur la santé publique en vigueur dans le comté. Ce “camp de caravanes” a même été équipé d’une installation de sonorisation, de sorte que tout le programme du congrès pouvait être retransmis depuis le stade à l’intention de ceux qui ne pouvaient pas quitter le camp.

      Une autre tâche de grande envergure pour les organisateurs de ce congrès consistait à servir des repas, trois fois par jour, aux milliers de congressistes. Les expériences faites aux assemblées antérieures avaient démontré que le style cafétéria était le plus pratique Ainsi, au congrès de Cleveland, on s’est rendu compte que les plateaux en plastique à plusieurs compartiments, semblables à ceux utilisés par les forces armées américaines, facilitaient énormément les choses. Grâce à cinq machines à laver les plateaux, ceux-ci pouvaient être réutilisés aussitôt. Des files comprenant des milliers de congressistes, avançant rapidement, étaient dirigées vers des points de distribution où on remettait à chacun un plateau avec des couverts, et où des volontaires plaçaient des mets tout préparés dans les divers compartiments du plateau. Une fois servis, les congressistes étaient dirigés vers d’autres emplacements couverts où étaient installées des tables suffisamment hautes pour que les repas puissent être pris debout. De cette façon, les plateaux et les couverts revenaient plus vite aux points de distribution des repas. À la cafétéria, et partout ailleurs à ce congrès, tout le travail a été fait par des volontaires qui servaient leurs frères bénévolement, donc sans aucune rémunération. Ainsi, rien que pour ce congrès, il a fallu faire appel à plus de 1 000 volontaires répartis dans tous les services.

      DES DISCOURS ENTHOUSIASTES ET DE NOUVELLES PUBLICATIONS

      On avait donné un thème à chaque jour de ce congrès. Ainsi, le premier jour, le dimanche 4 août, était la “Journée d’allégresse pour les moissonneurs”. Dans la soirée, après le discours officiel de bienvenue prononcé par le président du congrès, c’est le vice-président de la Société qui a pris la parole pour traiter le sujet “La moisson, la fin du monde”. Il s’agissait d’un exposé détaillé sur la comparaison faite par Jésus à propos du blé et de l’ivraie, rapportée dans Matthieu, au Mt chapitre 13. À l’aide de faits bien connus et que tout le monde avait pu voir, l’orateur a démontré que cette moisson de la classe formant le Royaume céleste de Dieu s’effectue depuis 1918 de notre ère. Toutefois, au cours de ces dernières années, elle a été complétée par le rassemblement des “autres brebis” du Seigneur, lesquelles nourrissent une espérance terrestre. Il a été prouvé avec force que ce “temps de la fin”, au cours duquel doit se faire la moisson, approche de sa fin définitive.

      Le lundi 5 août, “Journée de la défense de l’Évangile”, a vu commencer les réunions en langues étrangères, dix-sept au total, tenues dans différentes parties des terrains occupés par le congrès. Que celui-ci ait vraiment revêtu un caractère international, cela a encore été démontré par des écriteaux en vingt langues, accrochés à la corniche de la première galerie, qui annonçaient tous: “Nations, réjouissez-​vous avec son peuple! — Romains 15:10.” C’était le texte biblique pour cette année-​là. Quant à l’écriteau en anglais, rédigé en gros caractères, on l’avait accroché en travers du fronton circulaire qui se dressait derrière les gradins découverts du stade. Dans l’après-midi, l’avocat de la Société a prononcé un discours fort utile, intitulé “La conduite appropriée à observer devant les tribunaux”.

      Le discours clé de ce congrès a été donné par le président de la Société dans l’après-midi du mardi 6 août, “Journée du bon courage”. En voici quelques points saillants retenus dans le compte rendu de ce congrès:

      Ce fut un message courageux. (...) L’orateur montra comment l’association d’après-guerre des nations est une conspiration mondiale contre le juste règne du Gouvernement théocratique de Jéhovah par Christ Jésus sur la terre. S’appuyant sur l’avertissement de Jéhovah à ses témoins, il mit en garde contre cette conspiration internationale démoniaque, invitant à ne pas se joindre à la tendance populaire qui plaide pour un supergouvernement mondial, parce que cet organisme et cette conspiration seront brisés et échoueront dans la honte. Ce discours hardi illustra la devise du jour: “Bon courage”, en vue d’aiguillonner la lutte à mener pour la défense du Royaume de Jéhovah sous son Christ — à travers la période d’après-guerre — jusqu’à ce que la conspiration mondiale soit brisée, car “Dieu est avec nous”. Cela signifie le triomphe pour son peupleb.

      Dans la soirée, arrivé au point culminant de son discours ayant pour thème “Une réponse à l’appel de s’éveiller”, le président a annoncé la parution en anglais du premier numéro du périodique Réveillez-vous!, daté du 22 août 1946, dont 200 000 exemplaires avaient été apportés de Brooklyn où se trouve l’imprimerie de la Société. Or, ce périodique allait remplacer Consolationc.

      UN ÉQUIPEMENT NOUVEAU ET L’EXPANSION FUTURE

      La “Journée de l’équipement des proclamateurs”, soit le jeudi 8 août, allait être riche en surprises et en preuves de l’essor évident réservé à l’œuvre d’après-guerre. Dans son discours de l’après-midi, et à la grande satisfaction de toutes les personnes présentes, le président de la Société a fait savoir qu’un nouveau livre de 384 pages, intitulé “Équipé pour toute bonne œuvre”, venait de paraître en anglais. Mais ce n’était pas là tout l’équipement nouveau destiné à être utilisé à l’avenir par les témoins de Jéhovah. C’est ce que dans la soirée le président a bien laissé entendre dans son discours intitulé “Les problèmes de reconstruction et d’expansion”, en déclarant

      qu’aucune interruption ne s’était produite dans le témoignage pendant les six années de la guerre mondiale. L’œuvre de reconstruction et d’expansion fut remise en route dans les filiales européennes de la Tour de Garde, dès la fin de la guerre. En général, à partir du 15 octobre, du nouveau serait introduit dans l’œuvre. Le champ serait divisé en circonscriptions comprenant vingt groupes chacune, chaque circonscription devant être visitée par un serviteur des frères (serviteur de circonscription). Tous les six mois, il devra y avoir une assemblée de circonscription. Cette déclaration souleva une grande joie. La plus grande campagne de proclamation du Royaume est maintenant ouverte. Pour satisfaire aux demandes mondiales de publications du Royaume, les ateliers de Brooklyn doivent être agrandis. Un nouveau Béthel doit être construit pour abriter les forces accrues de [l’imprimerie] et du bureau. L’émetteur (station WBBR) de la Tour de Garde doit être perfectionnéd.

      THOMAS: Y a-​t-​il un rapport entre ces assemblées de circonscription et l’innovation que vous nous avez mentionnée la semaine dernière à propos des huit pages de modifications ajoutées aux Instructions sur l’organisation?

      JEAN: Oui. Cela a été annoncé à ce congrès de 1946. C’est également avec un grand enthousiasme que les frères et sœurs ont réagi en apprenant que la Société allait construire une nouvelle imprimerie et agrandir le Béthel, car, après avoir parlé des besoins de la Société, le président a expliqué que les ressources de l’imprimerie étaient exploitées à fond et qu’il n’était pas possible d’augmenter la production pour satisfaire aux demandes. En effet, si l’imprimerie, construite en 1927, utilisait à l’époque 829 tonnes de papier par an, les besoins se sont accrus au point d’atteindre 2 700 tonnes par an. Voilà pourquoi le compte rendu de ce congrès poursuit en ces termes:

      Vu le fait qu’il sera nécessaire dans un avenir immédiat de produire des écrits bibliques pour les exporter à l’étranger tout en satisfaisant les besoins des États-Unis, le conseil d’administration est arrivé à la conclusion que la seule voie ouverte à la Société consistait à agrandir considérablement les locaux de l’imprimerie actuelle. À cette fin, la Société a déjà procédé à l’achat de la propriété qui entoure son imprimerie actuelle, située au 117 Adams Street. Les architectes ont déjà été chargés de tracer les plans pour la construction d’un bâtiment de neuf étages contigu à l’imprimerie actuelle, laquelle pourra ainsi faire face aux demandes pendant plusieurs années.

      Or, une imprimerie considérablement agrandie demandera des effectifs supplémentaires de travailleurs volontaires qu’il faudra loger et nourrir au Béthel. Ainsi, le Béthel actuel, situé au 124 Columbia Heights, aura également besoin d’être agrandi. En outre, la ville de New York, prévoyant la construction d’une autoroute de dégagement passant à l’arrière du bâtiment de l’actuel Béthel, a frappé d’alignement une partie de celui-ci sur une largeur de 15 mètres, ce qui restreindra encore les possibilités de logements existant actuellement. Pour faire face à cette situation, le conseil d’administration a décidé d’acheter cinq propriétés contiguës au bâtiment actuel, situé au 124 Columbia Heightse.

      Le lendemain, le caractère international de ce congrès a été mis en relief une fois de plus.

      C’est le vendredi 9 août que l’Assemblée des nations joyeuses devint tout particulièrement un congrès de toutes les nations, en raison même du thème choisi pour la journée et du programme tracé en harmonie avec ce thème, à savoir “Journée de toutes les nations”. D’abord, il y eut un discours sur le baptême d’eau, suivi de l’immersion de plus de 2 600 témoins de Jéhovah nouvellement voués. Beaucoup d’entre eux étaient venus de nombreuses nations. Les sessions de la matinée, de l’après-midi et de la soirée rappelaient sans cesse aux congressistes le thème “Toutes les nations”, car celles-ci se succédaient sans interruption. Commençant le matin par l’Alaska et s’achevant le soir par les États-Unis d’Amérique, ce programme permit à des délégués venus de 31 nations de réjouir les congressistes en leur exposant des rapports sur ces divers pays. Mais la “Journée de toutes les nations” s’inscrivait parfaitement dans le cadre des “Nations joyeuses”, nom donné à ce congrès, car tous ces comptes rendus faisaient état de l’allégresse des nations qui, en la personne de leurs délégués, se réjouissaient avec le peuple de Jéhovah. En fait, on peut bien citer tout le congrès comme une illustration de peuples de “toute nation, de toute tribu et de toute langue” se réjouissant avec le peuple de Dieu et travaillant dans l’unité. Les nations font des efforts futiles pour abolir les barrières nationales et unir l’humanité en un seul monde afin d’échapper à l’autodestruction en cette ère de l’atome, mais tous leurs efforts aboutiront à un échec lamentable. Toutefois, grâce à l’esprit de Jéhovah qui opère en eux, ceux qui forment son organisation visible sont unifiés et les barrières nationales et raciales disparaissent entre eux, quoiqu’ils proviennent de nombreuses nations différentesf.

      Un autre événement marquant de la même journée a été l’annonce de la parution en espagnol d’une nouvelle concordance de la Bible de 288 pages. C’est avec enthousiasme que tous les témoins de langue espagnole qui étaient présents l’ont accueillie.

      Puis le samedi 10 août fut la “Journée de la véracité de Dieu”. Dans son discours de l’après-midi prononcé devant un auditoire de 67 009 personnes, le président de la Société a exposé la position doctrinale des témoins de Jéhovah en traitant le sujet “Qu’on reconnaisse que Dieu est véridique!” À la fin de cet exposé, les 67 009 congressistes enthousiastes ont adopté par un oui retentissant une résolution affirmant que les témoins de Jéhovah sont déterminés à obéir au commandement de Dieu consigné dans Ésaïe 8:9, 10, à savoir:

      Que nous (...) refuserons de nous unir aux peuples de la “chrétienté” dans une conspiration mondiale pour calmer la crainte et la terreur des hommes et recommandant qu’un gouvernement humain soit ainsi établi pour diriger le monde et être un ersatz au Gouvernement de Dieu par Christ intronisé depuis 1914; (...)

      et nos frères ont en outre pris la résolution

      que nous continuerons à conduire les gens vers la loi, le témoignage et toute la Parole de Dieu au moyen de l’œuvre d’éducation biblique, “publiquement et de maison en maison”. — És. 8:20; Actes 20:20g.

      Ensuite, en apprenant la parution du nouveau livre “Que Dieu soit reconnu pour vrai!”, toute cette multitude était au comble de l’enthousiasme et de la joie.

      Mais c’est le dimanche 11 août, “Journée de la paix universelle”, que ce congrès devait atteindre son point culminant. En effet, dans l’après-midi, le président de la Société s’est adressé aux 80 000 personnes assemblées sur les terrains du congrès et au camp de caravanes. Son sujet, “Le Prince de la Paix”, avait été annoncé partout. Un résumé en a été donné dans le compte rendu que La Tour de Garde a publié de ce congrèsh.

      Quant au texte intégral de cette conférence, il a été reproduit dans The Messenger, dont 200 000 exemplaires ont été enlevés en un rien de temps par les congressistes. Dans ses paroles finales, le président leur a appris, ce soir-​là, que des assemblées nationales auraient lieu en 1947 en Australie et en Orient, auxquelles il espérait assister lui-​même, et qu’une grande assemblée se tiendrait la même année sur la côte du Pacifique, en Californie.

      Après ce congrès, de nombreux serviteurs de filiale et d’autres frères affectés dans des filiales à l’étranger sont allés à Galaad, l’École biblique de la Watchtower, où ils devaient avoir avec le président un entretien de trois jours sur les intérêts du Royaume dans les divers pays. Ils y ont discuté de bien des aspects de l’œuvre, ainsi que de l’activité des serviteurs de circonscription auprès des frères et sœurs, du travail incombant au serviteur de district, de l’organisation des bureaux, de l’activité des pionniers, des maisons de missionnaires et de l’expansion en général. Cinquante-quatre frères ont assisté à ces séances de travail. Plusieurs d’entre eux sont restés sur place pour se joindre à la huitième classe de Galaad, convoquée peu après le congrèsi.

      LA TOURNÉE MONDIALE DU PRÉSIDENT SERT D’ENCOURAGEMENT

      L’expansion à l’échelle mondiale était à présent à l’ordre du jour. C’est donc en 1947 que le président de la Société, accompagné de son secrétaire, a entrepris une tournée mondiale longue de 76 472 kilomètres. Ce voyage de service autour du globe a permis à ces deux représentants de la Société de mettre le siège de l’organisation en contact direct avec la vaste activité déployée par les témoins de Jéhovah. Grâce à des observations personnelles sur place, les besoins du champ ont pu être décelés aussitôt, et il a été possible de prendre des mesures immédiates en vue d’affermir et d’unifier l’organisation mondiale dans son activité théocratique. C’était en effet la première occasion qui s’offrait, depuis le rétablissement complet de la structure théocratique, de mettre sur pied un tel programme unificateur, et grâce aux missionnaires formés à Galaad pour aider les frères directement dans le ministère du champ, l’étroite coopération de tous les rouages de l’organisation devenait à présent une réalité. Les restrictions de toutes sortes ayant été levées peu auparavant dans beaucoup de parties du monde, les frères étaient enchantés de pouvoir accueillir le président et son compagnon, et ils étaient disposés à faire tout leur possible pour tracer un nouveau programme intensif pour le ministère du Royaumej.

      En Afrique aussi l’œuvre a pris un grand essor après la guerre. La prédication y avait commencé au début de ce siècle, car c’est alors que les premières personnes d’Afrique du Sud sont entrées en contact avec la Société Watch Tower, qui a ensuite ouvert une filiale dans ce pays. Puis, dans les années 1920, l’œuvre d’instruction biblique s’est mise à progresser vers le nord, à l’intérieur du pays. C’est aussi dans les années 1920 qu’une activité a été enregistrée dans le Sud-Ouest africain. La Société n’a pas tardé à y ouvrir une filiale, d’où l’œuvre a pu avancer vers l’intérieur.

      Dans les premières années 1930, l’œuvre a pris pied en Égypte, d’où elle s’est lentement étendue à travers le haut de l’Afrique. À partir de ces trois têtes de pont, elle a pu s’étendre à onze pays d’Afrique, si bien qu’on y trouvait en 1942 quelque 10 070 témoins. En 1947, la Société a commencé à envoyer en Afrique des missionnaires sortis de Galaad. Cette année-​là, ils étaient au nombre de vingt. Pour compléter sa tournée mondiale, le président de la Société a encore visité, en décembre 1947 et en janvier 1948, presque toutes les filiales d’Afrique, profitant de son passage pour s’entretenir avec les témoins et pour étudier avec eux les problèmes qu’ils rencontraient dans la prédicationk.

      Avant l’ouverture de l’école de Galaad, le vaste continent asiatique n’avait pratiquement pas été touché par les témoins de Jéhovah. Au cours de l’année 1942, 406 ministres étaient actifs dans six pays, le plus grand nombre se trouvant en Inde ou dans des pays voisins. Au Japon, l’œuvre était interdite pendant les années de guerre. Puis, au cours de sa tournée mondiale, le président de la Société et son secrétaire ont fait des étapes importantes en Extrême-Orient, au Moyen-Orient et au Proche-Orient, rendant ainsi visite aux témoins d’Asie et prenant des dispositions pour l’ouverture de centres missionnaires dans tous les pays visitésl. C’est à la suite de ce voyage que dix-sept missionnaires ont été envoyés, en 1947, dans cette partie du monde.

      Les îles du Pacifique et l’Australie ont également eu leur part d’attention à cette époque. Vous vous rappelez certainement que la Société a ouvert une filiale en Australie en 1903. Or, avec le temps, l’œuvre s’était étendue de là jusqu’en Nouvelle-Zélande et dans d’autres îles voisines. En pleine guerre du Pacifique, en 1942, trois pays ont néanmoins rapporté un chiffre de 4 275 ministres. Après la tournée présidentielle de 1947, treize missionnaires de Galaad sont parvenus dans quelques-unes de ces îles pour y commencer leur œuvre d’instruction bibliquea.

      Pendant la Seconde Guerre mondiale, les frères s’étaient mis dans une fâcheuse situation en Australie. Nombre d’entre eux, et même certains des responsables de l’œuvre de la Société, au lieu de garder leur position de neutralité, avaient cru bien faire en prêtant leur concours à des entreprises qui soutenaient l’effort de guerre du pays et qui devaient apporter des gains matériels à l’organisation et à quelques hautes personnalités australiennes. En découvrant cette situation, le président de la Société a immédiatement exposé aux frères le point de vue biblique sur ce sujet. Se rendant compte de leur erreur, les frères se sont repentis et se sont mis aussitôt à purifier l’organisationb.

      1947, UNE ANNÉE D’ASSEMBLÉES NATIONALES

      LOÏS: L’assemblée de 1947, qui devait se tenir sur la côte du Pacifique, comme vous nous l’avez dit tout à l’heure, était-​elle de nouveau un congrès international?

      JEAN: Non, car en 1947, un changement est intervenu dans la façon d’organiser les congrès, pour que les frères du monde entier puissent bénéficier au maximum de la visite du président de la Société. Voici à ce propos quelques précisions empruntées à un compte rendu:

      Au lieu d’un seul grand congrès international, il y eut en 1947 des assemblées nationales dans le monde entier, dans la plupart desquelles les frères eurent le plaisir d’écouter le président de la Société. La première d’entre elles se tint en février dans les îles Hawaii; elle fut suivie d’une autre en Nouvelle-Zélande. Ensuite, six assemblées eurent lieu en Australie, avec une assistance totale de 4 626 personnes.

      Peu après, les frères des Philippines eurent leur assemblée à Manille, où on dénombra une assistance de 4 200 personnes et 151 baptêmes.

      Puis, entre autres, il y eut de telles assemblées à Bangkok, Bombay, Milan, Zurich, en Allemagne (dans la banlieue de Stuttgart), à Brno (Tchécoslovaquie), Vienne, Hambourg, Copenhague, Helsinki, Stockholm, Oslo, en France (quatre) et en Belgique (deux).

      La plus grande assemblée du continent européen se tint à Amsterdam, la capitale des Pays-Bas, où 7 650 personnes vinrent écouter la conférence publique et où 324 furent baptisées par immersion. Finalement, toujours en Europe, nos frères et sœurs anglais tinrent du 3 au 6 juillet une grande assemblée à Londres, dans un édifice énorme appelé Earl’s Court. Là, 17 782 personnes vinrent écouter la conférence publique et 420 se firent baptiser.

      Cette année-​là, deux assemblées eurent lieu aux États-Unis. La première se tint à Wrigley Field, Los Angeles, en Californie, sous le thème “Assemblée pour l’expansion dans toutes les nations”, à laquelle assistèrent un maximum de 45 729 personnes et dont le programme comportait des rapports présentés par le président de la Société et par d’autres frères ayant participé à la tournée mondiale; la seconde, intitulée “Assemblée du cantique de louange”, se tint à Philadelphie, en Pennsylvanie, où fut révélée la vérité suivant laquelle les serviteurs de Jéhovah n’ont ni drapeaux ni bannières, car le Christ Jésus est leur seul et unique Signal. Plus de 28 000 personnes vinrent écouter la conférence publique prononcée par le présidentc.

      En 1948, une autre disposition a encore été prise pour permettre aux témoins de Jéhovah de s’assembler. Mais auparavant, il me faut mentionner qu’un nouveau bâtiment important a été achevé en 1947 sur les terrains de l’École biblique de Galaad, propriété de la Société Watchtower. Voici à ce propos le commentaire paru dans La Tour de Garde et qui est tiré de l’Annuaire (angl.):

      Un rapport sur Galaad, l’École biblique de la Watchtower, ne serait pas complet s’il n’y était pas fait mention du nouveau bâtiment contenant sa bibliothèque. Les étudiants de la 7e, 8e et 9e classe aidèrent les frères appelés à bâtir cet édifice. Il s’agit d’un immeuble à un étage sur rez-de-chaussée construit en béton armé et à l’aspect vraiment esthétique. Le rez-de-chaussée est uniquement occupé par un grand hall aux murs à panneaux de sapin; le plafond a fait l’objet d’une attention particulière afin de contribuer à développer l’acoustique du lieu; le parquet est à carreaux de caoutchouc rouge. Cette construction représente, dans son ensemble, un bâtiment agréable équipé de façon riche et moderne. La bibliothèque de l’école, qui est dotée de cinq mille volumes, témoigne d’un ordre impeccable et se trouve à l’une des extrémités du hall. Les livres de la bibliothèque traitent essentiellement de sujets bibliques. Du côté opposé à ce magnifique hall se trouve une salle de classe moderne. Le nom donné au bâtiment de la bibliothèque est Shiloah (en français: Siloé) qui signifie envoyé. Le Seigneur a sûrement béni Galaad en envoyant ainsi un “monceau de témoignage” (signification de “Galaad”) jusqu’aux extrémités de la terred.

      Je vais encore me permettre une petite digression pour dire que la Cour Suprême des États-Unis a rendu en 1948 une autre décision importante pour les témoins de Jéhovah. En effet, elle a annulé un arrêté qui était en vigueur à Lockport, dans l’État de New York, et d’après lequel il fallait demander une autorisation avant de pouvoir utiliser une installation de sonorisation dans la ville. Ayant estimé qu’il s’agissait là d’une atteinte à la liberté de parole et de réunion, la Cour suprême a tranché la question comme suit:

      Les haut-parleurs sont de nos jours des instruments indispensables pour parler efficacement en public. La voiture équipée de haut-parleurs est devenue un moyen courant dans les campagnes politiques. C’est une façon d’atteindre les gens. (...) Or, l’ennui causé par des idées peut être mis sur le compte de l’ennui causé par le son. Le pouvoir de censure inhérent à ce genre d’arrêté révèle son point faiblee.

      LES ASSEMBLÉES DE DISTRICT DE 1948 ET DE 1949

      Puis, conformément à ce que le président avait annoncé à l’assemblée tenue en août de l’année précédente à Los Angeles, en Californie, il n’y a eu en 1948 ni assemblées nationales ni congrès international. À leur place, il devait y avoir des assemblées de district dans tous les pays où les témoins de Jéhovah étaient organisés pour le service. La première de celles tenues aux États-Unis a eu lieu à Atlanta, en Géorgie, du 12 au 14 mars, tandis que la sixième et dernière s’est déroulée du 17 au 19 septembre à Providence, dans l’État de Rhode Island. Au total, 66 000 personnes ont assisté à ces six assembléesf.

      Quatre assemblées de district se sont tenues au Canada, avec une assistance totale de 17 917 personnes. Il y en a eu quatre aussi en Grande-Bretagne, avec un maximum de 18 200 personnes. Six ont eu lieu en Australie, trois en Suisse et en Norvège, deux en Pologne et en Allemagne. Dans ce dernier pays, l’assistance a atteint un maximum de 39 150 personnes. Des assemblées de district ont également eu lieu au Mexique, en Suède, en Autriche, au Chili, dans les Antilles britanniques et dans d’autres pays encoreg.

      En 1949, on a continué à tenir des assemblées de district, mais en plus grand nombre. Comme toutes les autres assemblées antérieures, celles-ci se sont distinguées par de nombreuses instructions précieuses, l’activité dans le service, l’occasion de recevoir le baptême et une conférence publique ayant pour titre “Les temps sont plus avancés que vous ne le pensez!” Aux cinq assemblées tenues au Canada, plus de 23 000 personnes sont venues écouter ce discours publich, et aux États-Unis, il y en a eu 85 441 aux quatorze assemblées qui ont commencé à Portland, dans l’Oregon, et se sont terminées à Jacksonville, en Floridei.

      Les communistes de l’Allemagne de l’Est ont fait tout ce qu’ils ont pu pour empêcher les témoins d’assister à l’assemblée de district tenue à Berlin Ouest, mais malgré leurs efforts 17 232 témoins ont eu la joie d’y assister, et 33 657 personnes sont venues écouter la conférence publique. C’est à cette assemblée qu’a été adoptée une résolution qui attirait l’attention sur les persécutions infligées aux témoins de Jéhovah dans la zone orientale, et qui faisait savoir aux communistes que les témoins de Jéhovah ne les craignent pas plus qu’ils n’ont craint les nazis. En tout il y a eu quatre assemblées en Allemagne, avec une assistance totale de quelque 40 000 témoins, tandis que 63 401 personnes ont assisté aux conférences publiques et que 2 486 se sont fait baptiserj.

      Des assemblées de district ont également eu lieu dans tous les autres pays où les témoins de Jéhovah sont organisés pour le service, soit dans d’autres pays d’Europe, en Australie, en Afrique, en Asie et dans l’hémisphère occidental. Mais le temps nous manque pour citer tous ces détails pourtant fort intéressants.

      Les assemblées et les congrès sont des événements qui comptent dans la carrière ministérielle des témoins de Jéhovah, et ce sont autant de pas en avant. Leur conviction de posséder la vérité se trouve renforcée à ces occasions-​là, car l’espoir qu’ils placent dans le Royaume devient plus ferme à mesure qu’ils écoutent les exposés logiques fondés sur les Écritures, et ils s’imprègnent pendant quelques jours de l’ambiance du nouvel ordre de choses, loin du bruit de bataille, étant réunis auprès des sources de l’eau de la vie pour se remémorer les actes de justice de Jéhovah et pour coopérer les uns avec les autres.

      Maintenant que les assemblées de 1949 n’étaient plus qu’un souvenir, tout le monde attendait avec impatience l’année 1950. En 1948 déjà, la Société avait fait savoir qu’un autre congrès international se tiendrait cette année-​là. C’est pourquoi les frères du monde entier faisaient de sérieux projets pour assister à ce congrès qui allait être un événement mémorable.

      [Notes]

      a a Réveillez-vous! (angl.), Vol. XXVII, 8 oct. 1946, pp. 3-8; en français, voir celui du 8 janvier 1947, pp. 6, 7; Conscription of Conscience, par Sibley & Jacob (Ithaca, N. Y., 1952: Cornell University Press), p. 392.

      b b Civil Liberties in the United States, par Cushman (Ithaca, N. Y., 1956: Cornell University Press), pp. 96, 97; Réveillez-vous! (angl.), Vol. XXIX, 8 mars 1948, pp. 9-12.

      c c Voir, par exemple, Yale Law Journal, Vol. LVI (janv. 1947), pp. 273-275, 408.

      d d Voir United States Code, titre 50, appendice, section 305 (loi de 1940); comparez avec United States Code, titre 50, appendice, sections 456, 466 (loi actuelle).

      e e Vol. III Opinion No 14 (amendé), état-major national, service du recrutement, 2 nov. 1942; Consolation (angl.), Vol. XXIV, 17 fév. 1943, pp. 13-15.

      f f Selective Service in Wartime (Deuxième rapport du directeur du service du recrutement) (Washington, 1943: Imprimerie du gouvernement), p. 241.

      g g Voir aussi l’avis contraire du Juge Murphy dans Falbo contre États-Unis, 320 U.S. 549, 556, 557, 64 S. Ct. 346, 350, 88 L. Ed. 305 (1944); voir aussi Conscription of Conscience, supra, pp. 70, 71, 335.

      h h Selective Service as the Tide of War Turns (Troisième rapport du directeur du service du recrutement) (Washington, 1945: Imprimerie du gouvernement), p. 464; Selective Service and Victory (Quatrième rapport du directeur du service du recrutement) (Washington, 1948: Imprimerie du gouvernement), p. 502.

      i i Selective Service and Victory, supra, p. 186.

      j j Conscience and the War (New York, 1943: Union américaine pour les libertés civiles), p. 33.

      k k Conscience and the State, par Cornell (New York, 1944: John Day Co.), pp. 66, 67; voir aussi Ver Mehren contre Sirmyer, 36 F. 2e 876 à p. 881 (8e cir. 1929), où il est déclaré, entre autres, à l’appui de la position prise par M. Cornell: “L’appel d’un civil sous les drapeaux est chose sérieuse, lourde de conséquences (...) il s’agit d’assumer de nouvelles responsabilités; l’omission de remplir strictement ces responsabilités entraîne une peine sévère.”

      l l Pour l’explication de ces expressions, voir Réveillez-vous! (angl.), Vol. XXVII, 22 oct. 1946, pp. 25, 26; 8 nov. 1946, pp. 23, 24.

      a m Les arguments fournis par l’avocat de la Société dans de telles affaires se trouvent résumés dans les conclusions écrites présentées par le requérant, Hayden C. Covington, à la Cour suprême des États-Unis avant l’audience de l’affaire Falbo contre États-Unis, No 73, session d’octobre 1943, pp. 23-102.

      b n Réveillez-vous! (angl.) Vol. XXVII, 22 oct. 1946, pp. 20-28; voir aussi Civil Liberties in the United States, supra, pp. 97, 98; Yale Law Journal, Vol. LVI (janv. 1947), pp. 273-275, 408.

      c o 320 U.S. 549, 64 S. Ct. 346, 88 L. Ed. 305 (1944).

      d p Falbo contre États-Unis, 320 U.S., pp. 556, 557, 559, 560, 561, 64 S. Ct., pp. 350, 351, 352.

      e q Conscription of Conscience, supra, p. 345.

      f r 327 U.S. 114, 66 S. Ct. 423, 90 L. Ed. 567 (1946); voir aussi Réveillez-vous! (angl.), Vol. XXVII, 8 nov. 1946, pp. 21-28.

      g s 329 U.S. 338, 67 S. Ct. 301, 91 L. Ed 331 (1946).

      h t Réveillez-vous! (angl.), Vol. XXIX, 8 mars 1948, pp. 9-12; voir aussi Conscription of Conscience, supra (note a en bas de page), pp. 392, 396, 397, 500-508; Federal Register, Vol. XII, p. 8731.

      i u Faith on the March, par Macmillan (Englewood Cliffs, N. J., 1957: Prentice-Hall, Inc.), pp. 187-191.

      j v États-Unis ex rel. Hull contre Stalter, 151 F. 2e 633, 637, 638, 639 (7e cir. 1945).

      k w 346 U.S. 389, 395, 74 S. Ct. 152, 157, 98 L. Ed. 132 (1953); voir aussi Réveillez-vous! (angl.), Vol. XXXV, 22 mars 1954, pp. 5-15.

      l x Olvera contre États-Unis, 223 F. 2e 880, 883 (5e cir. 1955).

      a y États-Unis contre Hurt, 244 F. 2e 46, 52 (3e cir. 1957).

      b z Pate contre États-Unis, 243 F. 2e 99, 103 (5e cir. 1957).

      c aa 261 F. 2e 113, 119 (5e cir.); refus de la Cour suprême de rendre une ordonnance pour évoquer cette affaire, 79 S. Ct. 723 (23 mars 1959).

      d bb Sicurella contre États-Unis, 348 U.S. 385, 75 S. Ct. 403, 99 L. Ed. 436 (1955).

      e cc Simmons contre États-Unis, 348 U.S. 397, 75 S. Ct. 397, 99 L. Ed. 453 (1955); Gonzales contre États-Unis, 348 U.S. 407, 75 S. Ct. 409, 99 L. Ed. 467 (1955).

      f dd Voir Réveillez-vous! (angl.), Vol. XXXVI, 22 juin 1955, p. 8.

      g ee Voir Falbo contre États-Unis, supra (notes o et p en bas de page), 320 U.S. en p. 557, 64 S. Ct. en p. 350; Prince contre Massachusetts, 321 U.S. 158, 175, 176, 64 S. Ct. 438, 447, 448, 88 L. Ed. 645 (1944) (avis contraire émis par le juge Murphy); Conscription of Conscience, supra (note a en bas de page), pp. 70, 71, 335, 385, 386, 461; Réveillez-vous! (angl.), Vol. XXVII, 8 oct. 1946, p. 5 (remarques du président Truman); Vol. XXIX, 8 mars 1948, pp. 9-12 (d’où il ressort que des hauts fonctionnaires ainsi que des juges persistaient, plus de deux ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, à faire preuve de préjugés et de discrimination).

      h ff Voir “The Rejection of Military Service by the Early Christians”, par Edouard A. Ryan, S. J. (Woodstock College). Theological Studies, Vol. XIII, mars 1952, pp. 9 et suiv., 28. Le professeur Bainton (“The Early Church and War”, Harvard Theological Review, Vol. XXXIX, 1946, p. 190 et suiv.) dit: “Depuis la fin de l’époque du Nouveau Testament jusqu’à la décennie allant de 170-181, il n’existe pas la moindre preuve de ce que les chrétiens servaient dans l’armée.” À l’appui de ses arguments, il cite (pp. 208 et suiv.) des déclarations laissées par Tertullien, Minucius Félix, Cyprien, Arnobe l’Ancien, Lactance, Victrice, Athênagoras, Origène, Basile et Marcion.

      i gg Voir note w en bas de page, supra.

      j hh w 1911, p. 371.

      k ii Annuaire 1938, pp. 39-47.

      l jj Consolation (angl.), Vol. XX, 5 oct. 1938, p. 18.

      a kk Consolation (angl.), Vol. XXVI, 25 oct. 1944, pp. 7, 8.

      b ll wF 1947, p. 59.

      c mm The Messenger, 12 août 1946, p. 21 [voir aussi wF 1947, p. 60].

      d nn wF 1947, p. 61.

      e oo The Messenger, 12 août 1946, p. 28.

      f pp The Messenger, 12 août 1946, p. 27 [voir aussi wF 1947, pp. 61, 62].

      g qq wF 1947, p. 62.

      h rr Ibid., p. 78.

      i ss Ibid.

      j tt wF 1947, pp. 219-223, 236-240, 251-256, 267-272, 284-288, 301-304, 315-320, 333-336, 349-352, 363-368; wF 1947, pp. 316-318, 334, 347-350, 380, 381; wF 1948, pp. 12-14, 26-30.

      k uu w 1948, pp. 61-64, 77-80.

      l vv w 1947, pp. 236-240, 251-256.

      a ww wF 1947, pp. 316-318, 334, 347-349.

      b xx Annuaire (angl.) 1948, p. 62; wF 1948, p. 270.

      c yy Report of the Theocracy’s Increase Assembly, 8 août 1950, pp. 14, 32.

      d zz Annuaire (angl.) 1948, pp. 44, 45; wF 1948, p. 94.

      e aaa Saia contre le peuple de l’État de New York, 334 U.S. 558, 561, 562, 68 S. Ct. 1148, 1150, 1151, 92 L. Ed. 1574 (1948).

      f bbb w 1948, pp. 18, 146, 352.

      g ccc w 1948, pp. 351, 365-367.

      h ddd w 1949, pp. 365-367 [voir aussi wF 1950, p. 93].

      i eee w 1950, pp. 28-31 [voir aussi wF 1950, p. 140].

      j fff w 1949, pp. 379-382 [voir aussi wF 1950, p. 125].

  • La haine acharnée du Québec contre Dieu et la liberté est démasquée et vaincue
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 31

      La haine acharnée du Québec contre Dieu et la liberté est démasquée et vaincue

      JEAN: Quand on parle de 1950, les témoins de Jéhovah se rappellent en général qu’ils ont eu, cette année-​là, leur premier congrès international au Yankee Stadium de New York. Mais 1950 a aussi été une année marquante en ce qui concerne le Canada. En effet, elle a apporté la première de toute une série de victoires juridiques qui devaient battre en brèche, au Canada, l’opposition des adversaires du culte pur, comme l’avaient fait les décisions mémorables rendues par la Cour suprême des États-Unis en faveur des témoins de Jéhovah.

      Depuis plusieurs années, la lutte pour la liberté des cultes faisait rage dans toute la province du Québec, bastion de la Hiérarchie catholique romaine où on parle le français. C’était une lutte ardente et opiniâtre. C’est pourquoi je trouve que nous ferions bien d’évoquer ces événements avant de parler du congrès tenu au Yankee Stadium.

      Remontons à l’année 1946. Cette année-​là, le serviteur de la filiale du Canada insistait, dans le rapport annuel adressé au président de la Société, sur la nécessité d’accomplir un effort concerté pour atteindre les personnes affamées de vérité:

      Dans les provinces du Québec et du Nouveau-Brunswick, de vastes territoires n’ont pas encore été touchés par notre action. Sur les onze millions et demi d’habitants que compte le pays, trois millions et demi peuplent ces deux provinces. Il est du plus haut intérêt de remarquer que près de 10 700 proclamateurs [visitent] les huit millions d’habitants du reste du Canada (...), tandis que (...) 500 proclamateurs [desservent] ces deux provinces. Montréal, dont la population dépasse le million, en a la plupart [300]. Le temps est venu où l’évangile doit être prêché à ceux qui dans ces provinces sont entourés de ténèbres. Les Canadiens français sont gens de loyauté et de sincérité et quand leurs yeux se dessillent pour voir la vérité, ils ont une grande joie à chanter le joyeux cantique nouveau. Notre travail rencontre une forte résistance dans ces régions, mais les proclamateurs de groupes et les pionniers ont une confiance absolue en Jéhovah; ils vont avec intrépidité de l’avant et ne désirent pas du tout travailler ailleurs.

      Nous nous sommes opposés de toutes nos forces à tout ce qui a été tenté pour limiter la liberté d’adoration; et dans la catholique Québec la lutte se poursuivit avec une violence non diminuée. Les arrestations, les procédures et les actes de violence de la populace sont à l’ordre du jour. À Montréal et à Verdun, 800 citations en justice sont actuellement pendantes. (...) Dans ces villes, la lutte a pris un caractère si sérieux que tous se portent caution pour les frères et sœurs de Montréal pour plus de 100 000 dollars en nature, outre plus de 2 000 dollars versés en espèces. Dans ces provinces, il y a beaucoup de personnes qui appartiennent aux “autres brebis” du Seigneur et c’est pourquoi l’œuvre continuera à prospérer avec plus de solidité encore que jusqu’à présenta.

      Or, la réponse à la question “Qu’allons-​nous faire?” a été donnée à l’Assemblée théocratique tenue à Montréal, Québec, les 2 et 3 novembre 1946, soit peu avant la parution de ce rapport dans l’Annuaire (angl.) de 1947. La persécution n’avait pas réussi à décourager les 1 400 témoins qui se sont assemblés le samedi 2 novembre, ni les 1 800 personnes qui se serraient dans le local de réunion le dimanche 3 novembre. Au cours de la session de l’après-midi du dimanche, l’avocat de la Société, venu exprès du siège situé à Brooklyn, s’est adressé aux frères de langue française par le truchement d’un interprète. Il les a tous encouragés en insistant sur le fait que la loi garantissant la liberté des cultes dans la province du Québec est une garantie de la liberté tout aussi solide que la Constitution des États-Unis, et que les témoins de Jéhovah ont l’intention d’aller de l’avant dans la lutte pour cette liberté.

      PARUTION D’UN TRACT “ARDENT”

      Ensuite, toujours par le truchement d’un interprète, c’est le président de la Société qui s’est adressé à l’auditoire, attentif et curieux, en posant d’emblée cette question stimulante: “Qu’allons-​nous faire?” Peu après, il a brandi un feuillet de quatre pages, imprimé en français, qu’il s’est mis à lire en grande partie d’après un manuscrit rédigé en anglais. Or, ce tract “ardent” portait le titre “La haine ardente du Québec pour Dieu, pour Christ et pour la liberté, est un sujet de honte pour tout le Canada”. Le premier paragraphe disait:

      Avant que les dénégations, les protestations et les contre-accusations se mettent à gronder de la part des gardiens sacerdotaux de la province de Québec et soulèvent une frénésie absurde, veuillez raisonner calmement, sobrement et avec des facultés mentales lucides, sur l’évidence présentée à l’appui de l’accusation contenue dans l’en-tête ci-dessus. Les paroles provenant d’un service des lèvres fait à Dieu, à Christ et à la liberté, peuvent être aussi bon marché que le souffle libre employé à les prononcer, mais les actions parlent avec plus d’éloquence aux esprits bien-pensants. Et comme le dit la Parole de Dieu, “n’aimons pas seulement de paroles et de la langue, mais aimons en effet et en vérité”. (I Jean 3:18; Voir Bible catholique Crampon.) Votre esprit est-​il assez raisonnable pour vous permettre de prêter l’oreille aux actions éloquentes qui parlent avec beaucoup plus de force que ne le font les mots faciles? Êtes-​vous consentant et assez [intrépide] pour permettre que l’évidence soit pesée dans la juste balance de la Parole véridique de Dieu, et pour voir si le Québec apparaît sans amour pour Dieu, pour Christ et pour la liberté? Les quelques minutes ainsi employées par vous à réfléchir [vous laisseront le temps de] croire ensuite les dénégations violentes, les protestations et les contre-accusations fausses lancées par le Québec religieux, si vous le désirez encore. Mais pour le moment, faites une pause et considérez ceci (...)b.

      Puis suivait une série de questions telles que celle-ci: “Est-​ce l’amour pour Dieu qui anime la populace de Québec et lui fait déchirer des exemplaires de la Parole de Dieu, la Bible, la mettant en lambeaux et la livrant ensuite aux flammes?” Ces questions attiraient l’attention sur quelques-uns des actes scandaleux commis en raison de la haine du Québec pour la liberté des cultes. Plus loin, l’article relatait plusieurs cas où la populace s’était livrée à des voies de fait, comme par exemple dans le cas suivant:

      Le 15 septembre 1945, à Lachine, une émeute [furieuse] éclata contre les témoins de Jéhovah qui annonçaient un discours biblique. Les assauts de la rue atteignirent toute leur ampleur lorsqu’un gros groupe de la population catholique établit le siège de la boutique et de la demeure de Joseph Letellier, lequel, avec trois autres témoins, était à l’intérieur. La glace de la devanture vola en éclats tandis que les pierres et les tomates étaient lancées à l’intérieur en une pluie constante. Le témoin Joyce fut frappé en pleine poitrine, et tandis que le témoin Letellier essayait de téléphoner à la police, un vandale se précipita à l’intérieur et frappa le vieillard à la figure, lui [faisant] une longue entaille au visage et [jetant] ses lunettes [sur le] plancher. Les témoins se barricadèrent à l’intérieur et durent subir la pluie de pierres pendant plus de cinq heures. Jusqu’à minuit, deux heures après que d’autres témoins eurent aidé les assiégés à s’évader sous le couvert de l’obscurité par un étroit passage de 25 pieds [8 mètres] à l’arrière, une populace en colère bombarda la bâtisse. La devanture entière fut [saccagée], et des horloges de prix à l’intérieur de la boutique furent détruitesc.

      La responsabilité d’une conduite si odieuse a été franchement imputée au fait que l’État obéissait à l’Église, ainsi qu’à la domination exercée par les prêtres catholiques romains:

      Un officier [de police] qui arrêtait un des témoins de Jéhovah dans la ville de Québec dit au témoin qu’il avait reçu l’ordre de le faire de M. Lavergne, le curé de la paroisse. [Le procureur de la ville, le greffier et le chef de police-adjoint déclarèrent à un avocat catholique français défendant un des témoins de Jéhovah] que les arrestations étaient illégales, mais qu’ils étaient tellement poussés par le clergé qu’il leur fallait rendre la chose le plus difficile possible pour les témoins. On déclara à quatre témoins arrêtés dans la ville de Québec, et cela venait de représentants du département de la police, que des délégations du palais épiscopal venaient quotidiennement, qu’elles prétendaient avec insistance que les témoins étaient une menace pour l’Église catholique, et que c’était le devoir de la police de s’en débarrasser, légalement ou non. [Un chef-adjoint de la police] admit une fois qu’il n’était jamais aussi ennuyé par les prêtres que lorsqu’il y avait des causes pendantes contre les témoins de Jéhovah. Et, très souvent, on remarque que l’officier [de police] sort par la porte de derrière l’église ou du couvent avant de procéder aux arrestations! Oui, la Hiérarchie catholique domine si complètement les tribunaux de Québec que dans les salles des palais de justice l’image du crucifix prend la place des armoiries britanniques qui sont en évidence dans les autres cours à travers tout le Dominiond!

      Le tract terminait par cet émouvant appel:

      Vous, Québec, vous vous êtes soumis en serviteurs obéissants aux prêtres, et vous avez produit des récoltes abondantes de mauvais fruits. Maintenant, pourquoi ne pas étudier la Parole de Dieu, la Bible, [obéir] à ses commandements, et [voir] combien abondante sera la récolte de bons fruits [preuve de votre amour pour Dieu, pour Christ et pour la liberté] que vous produirez? Les yeux du Canada sont sur vous, Québece.

      LA CAMPAGNE EST MENÉE AVEC “LA HAINE ARDENTE DU QUÉBEC”

      Ce tract annonçait dans l’en-tête qu’il était publié en anglais, en français et en ukrainien. Le président de la Société a fait savoir que 1 000 000 d’exemplaires en avaient été imprimés en anglais, 500 000 en français et 75 000 en ukrainien. Il était prévu que la distribution gratuite de ce tract commencerait le 15 novembre 1946. Mais ce n’était pas tout. Le président a en outre annoncé que cinquante pionniers, d’entre ceux inscrits dans la prochaine classe de l’école biblique de Galaad, étudieraient le français pour aller ensuite prêcher au Québec et dans les Provinces maritimes, toutes sous la férule des prêtres. Soixante autres étudiants fréquenteraient la classe suivante dans le même butf.

      En une action fulgurante de seize jours, ce feuillet fut distribué en anglais, en français et en ukrainien d’une extrémité à l’autre du Canada. La Hiérarchie catholique hurla sa fureur et passa à la contre-attaque. Elle ne tenta pas de nier ses méthodes honteuses, préférant user de ses armes de prédilection, la calomnie, le mensonge, la violence, et de l’oppression exercée par les partis politiques corrompus sur les pouvoirs exécutifs. En l’espace de 16 jours, 260 proclamateurs furent arrêtés par la police dans le secteur de Montréal, alors que dans les autres provinces du Canada aucun ne fut appréhendé. Maurice Duplessis, premier ministre de Québec, esprit fasciste et instrument de l’“Église”, lança le 4 décembre 1946 une flèche qui porta la désolation dans ses propres rangs: de propos délibéré il ruina le commerce florissant d’un témoin de Jéhovah, homme dont l’unique délit était de se porter caution pour ses frères. Cet abus d’autorité politique pour appuyer une persécution manifestement “religieuse” suscita la colère de tous les Canadiens amis de la liberté. L’affaire fut commentée par le public et beaucoup de personnes influentes prirent la parole ou la plume pour défendre la cause des témoins de Jéhovah et réprouver le procédé du premier ministre. Des associations et des sociétés tinrent dans tout le pays des assemblées de protestation; des résolutions furent votées et adressées au gouvernement Duplessis. Des journalistes qualifièrent le premier [ministre] de “César volage”, d’“allié de Franco”, de “représentant général du fascisme”, etc. L’un d’eux déclara: “L’affaire des témoins de Jéhovah a indigné la population du Canada comme rien ne l’avait fait depuis longtemps.”

      Les ennemis de la vérité, à Québec, prouvèrent par leur dureté que le titre du feuillet: “La haine ardente du Québec pour Dieu, pour Christ et pour la liberté” n’était pas encore assez précis. En effet, il devint indispensable, dans notre combat pour la liberté d’adorer Dieu, de faire connaître au public comment ils persécutaient les enfants de Dieu. C’était là un témoignage contre eux que devaient entendre tous les amis de la liberté. Le second feuillet, “Québec! vous avez manqué à votre peuple!”, fut distribué en janvier, par un très grand froid, dans le Canada tout entier et en trois langues comme le premier. Il s’ensuivit des arrestations quotidiennes (une trentaine de personnes étaient jetées en prison en un seul jour). Il suffisait souvent d’être monté dans un tramway pour se voir saisir. (...) De novembre à février, donc en quatre mois, 843 proclamateurs furent arrêtés, ce qui portait le nombre total des causes pendantes devant les tribunaux à plus de 1 300. La plupart des arrestations avaient pour prétexte le “colportage”. La haine des adversaires était si véhémente que 64 frères furent accusés de “sédition” et de “conspiration”g.

      QUELQUES-UNES DES MÉTHODES EMPLOYÉES PAR LES ADVERSAIRES SONT PORTÉES À LA CONNAISSANCE DU GRAND PUBLIC

      Ce second tract devait commenter d’autres aspects de la discrimination malveillante pratiquée par Duplessis:

      Les premières arrestations faites durant la distribution de la feuille le furent pour manque de permis, mais les journaux déclarèrent que Duplessis allait faire arrêter de nouveau, sous de nouvelles accusations, celles de “conspiration et de distribution d’écrits diffamatoires et séditieux”, tous les témoins qui avaient été arrêtés durant les deux dernières semaines du mois de novembre. Deux semaines après avoir lancé la poussée contre les témoins, Duplessis, dont l’intolérance est avouée, déclara à la presse: “La propagande des témoins de Jéhovah ne peut pas être tolérée et il y a plus de 400 d’entre eux maintenant devant les tribunaux de Montréal, Québec, Trois-Rivières et d’autres centres.” Les arrestations s’élevèrent jusqu’à trente par jour, et à la fin de novembre il y avait plus de 1 000 causes pendantes devant les cours de Québec. Certains témoins avaient jusqu’à 43 causes contre eux. Des demandes de cautions exorbitantes s’élevèrent jusqu’à $500 comptant ou $950 sur propriété.

      À travers toutes ces épreuves les témoins de Jéhovah prouvèrent leur amour inextinguible pour Dieu par l’obéissance à son commandement de prêcher. En demeurant fermes dans l’esprit de liberté, ils rendent plus assurées les libertés civiles de tous les hommes. Mal compris, diffamés, critiqués, houspillés, repoussés dans toute la province, poursuivis systématiquement et arrêtés abusivement, retenus ensuite à cause des demandes de cautions exorbitantes dans des prisons infestées de vermine et de microbes, ils ont cependant maintenu leur intégrité envers Dieu, et ils retournent à Son service dès qu’ils sont relâchés. Et c’est à se demander quelle est l’épreuve la plus dure, les prisons immondes ou le travail dans le champ. Quelquefois des jeunes gens catholiques précèdent les témoins de porte en porte, avertissant et prévenant les gens, ou encore, ils les suivent, ramassent les feuilles et les détruisent. Des personnes qui aimeraient les lire sont souvent craintives à cause de leurs voisins. Dans les districts plus arriérés où les gens ne sont que de simples marionnettes des prêtres, aussitôt que trois ou quatre maisons ont été visitées, [le maître de maison] de la première sort en criant des menaces et en soulevant le voisinage. Bientôt on peut voir beaucoup de personnes sur le seuil de leurs portes ou dans la rue remplissant l’air de propos insultants et de jurons, tandis que d’autres téléphonent à la police. Souvent les témoins doivent travailler une demi-douzaine de maisons, s’en aller dans un autre secteur et y travailler quelques minutes, et retourner ensuite finir le premier secteur commencé. Ce serait une épreuve navrante et insupportable s’il n’y avait pas la force réconfortante et l’esprit de Jéhovah Dieu.

      Des chefs catholiques farouches coopèrent étroitement avec la police pour faire prendre ces ministres chrétiens. Dans la ville bien connue de Québec, les Ligues du Sacré-Cœur imprimèrent une feuille de 24 × 30 cm en français demandant à tous les catholiques de travailler avec la police pour courir après tous les témoins de Jéhovah. Imprimée en gros caractères noirs, suivant la mode des annonces tapageuses, elle contenait un message du chef de police. Elle annonçait avec fanfaronnade que “La chasse à l’homme contre les témoins de Jéhovah se poursuit avec plus d’intensité que jamais”, et elle plaçait la radio-police à la disposition de tous “pour libérer les rues des témoins de Jéhovah”. Le numéro de téléphone de la radio-police y était étalé en évidence. C’est là une des méthodes modernes de la Hiérarchie pour chasser les “hérétiques” en vue d’une autre inquisitionh.

      UNE PÉTITION POUR UNE DÉCLARATION ÉCRITE FIXANT LES DROITS DU CITOYEN

      De telles méthodes n’ont cependant pas réussi à arrêter la prédication de la bonne nouvelle. Écoutez ce que nous apprend encore le rapport rédigé par le serviteur de la filiale du Canada:

      Cette furieuse et sauvage attaque de nos ennemis ne réussit pas à intimider les fidèles serviteurs du Tout-Puissant, ni à troubler leur paix. Ils supportèrent les tribulations en bons soldats de Christ en affirmant leur position. Et voici que les forces de la justice furent de nouveau appelées à combattre. Le 2 mars, chaque groupe de témoins au Canada fit une conférence publique sur ce thème: “La lutte pour la liberté d’adorer Dieu à Québec. Canadiens, réveillez-​vous, ouvrez les yeux sur les réalités!” Les raisons de cette lutte y furent révélées. Les regards du peuple entier étaient fixés sur nous. Les journaux du pays accueillirent pratiquement le litige et beaucoup d’hommes de bonne volonté virent clair, tandis que les religionistes s’irritaient des rapports très favorables pour nous que la presse apportait. Nombre de journaux de Québec “écumaient de rage”. Cependant la lutte suivait son cours. Les conférences publiques du 2 mars n’étaient que les préliminaires d’une action s’étendant à tout le Canada aux fins d’inviter le peuple à signer une pétition réclamant au gouvernement un “Bill of Rights” [ou déclaration écrite] pour la garantie de la liberté de parole et d’adoration de Dieu. Cela faisait partie de la lutte engagée. Les citoyens canadiens ne jouissent de leurs droits et libertés qu’en vertu de tolérance ou d’accord tacite. Ils ne leur sont pas garantis. Une loi qui assurerait les droits civiques nous permettrait de poursuivre longtemps la lutte pour ladite liberté. L’action eut lieu au rude mois de mars, par une température de plusieurs degrés au-dessous de zéro. La pétition — la plus importante qu’ait reçue le Parlement — était signée par un demi-million de Canadiensi. Cette pétition et les milliers de lettres adressées aux membres du Parlement pour demander un “Bill of Rights” engagea le gouvernement à instituer un comité qu’il chargea d’étudier la question. Une partie des difficultés était redevable au fait qu’il n’existe pas de possibilité de recourir aux tribunaux [supérieurs]. À Québec on ne peut pas en appeler du jugement des magistrats d’une ville. On fit donc des démarches pour obtenir le droit de recourir à la Cour suprême. Ainsi, le litige relatif aux libertés civiques suscité par la conduite loyale des témoins de Jéhovah a amené des milliers de Canadiens amis de la liberté à reconnaître l’insuffisance des lois.

      Nous avons usé de tous les moyens légaux connus ainsi que de méthodes pratiques inédites pour porter les affaires devant les tribunaux supérieurs. Chaque fois qu’un tribunal nous refusait la protection, nous en appelions à un autre et parvînmes finalement jusqu’à la Cour suprême. Mais on nous fit savoir que cette Cour même n’avait aucune compétence pour juger nos causes. Celles-ci revinrent donc aux tribunaux de première instance. Malgré tout cela, le zèle du peuple de Dieu ne se refroidit point et la lutte recommença. Ce furent procès, recours, requêtes, propositions, pourvois d’un genre spécial, dans chacun des innombrables cas. Aucune cause ne fut abandonnée avant que nous n’eussions épuisé toutes les possibilités de défense.

      La haine frénétique de quelques fonctionnaires de Québec se manifesta de la façon suivante: la province promulgua une loi qui autorisait les communes à interdire la [distribution] d’écrits. Une peine d’emprisonnement de trois mois ou une amende de cent dollars pourraient être imposées pour une unique feuille volante. Ces ennemis pensaient que, désormais, les témoins de Jéhovah ayant perdu leur beau courage, ils pourraient s’abattre sur eux comme des vautours sur leur proie blessée; ils voyaient déjà les frères et sœurs sans défense. Mais nous fûmes dirigés d’une autre manière et eux, les adversaires, virent leur plan déjoué. Les proclamateurs suivirent les instructions qu’ils avaient reçues: ils allèrent de maison en maison, à Québec, prêcher la bonne nouvelle du Royaume par la seule parole, à l’aide de la Bible, de la version (catholique) de Douay, autant que possible. Ils purent consacrer tout leur temps à cette prédication de l’évangile au lieu de languir dans d’infectes geôles. Guidés par le Seigneur nous serons victorieux, car il n’y a pas de puissance au monde qui puisse se dresser avec succès contre le Tout-Puissant. Nous ne sommes pas au bout de la lutte pour la liberté d’adorer Jéhovah, loin de là; c’est plutôt maintenant qu’elle commencej.

      UNE SECONDE PÉTITION POUR UNE DÉCLARATION DES DROITS DU CITOYEN

      Les frères du Canada ont donc agi selon les paroles de ce rapport et ont continué leur vaillant combat pour la défense du vrai culte. Puis, deux ans plus tard, ils ont fait circuler une nouvelle pétition, car certains prétendaient que beaucoup de personnes auraient refusé de signer la première pétition si elles avaient su, à l’époque, que celle-ci était en faveur des témoins de Jéhovah. Dans cette seconde campagne, menée en septembre et en octobre 1948, la pétition attirait donc clairement l’attention sur les persécutions des témoins de Jéhovah; d’ailleurs, le nom de “témoins de Jéhovah” figurait deux fois dans le texte de cette pétition. De plus, avant d’être invité à signer, chaque maître de maison se voyait offrir un exemplaire du tract intitulé “Lutte pour la liberté”, lequel exposait de nombreux faits concernant les témoins de Jéhovah et insistait sur la nécessité d’une déclaration écrite fixant les droits du citoyen. Parmi une population de 9 000 000 d’habitants que comptait alors le Canada, il a été distribué 1 490 000 exemplaires de ce feuillet.

      Quel a été le résultat de cette campagne en ce qui concerne le nombre des signatures recueillies? Eh bien, “le 8 février 1949, M. Alistair Stewart, membre du Parlement pour le Winnipeg-Nord, (...) a pu montrer une pile de feuilles de pétition haute de plus de trois mètres et sur lesquelles figuraient 625 510 nomsk”. Dans tout le Canada, la réaction du public a été extrêmement favorable envers les témoins de Jéhovah qui avaient pris l’initiative dans cette lutte dont devaient bénéficier tous les Canadiens.

      Finalement, en 1950, le cas de l’un des témoins de Jéhovah — arrêté pour avoir distribué le tract La haine ardente du Québec — est parvenu jusque devant la Cour suprême du Canada. Ignominieusement accusé du crime d’avoir répandu un libelle séditieux et diffamatoire, les tribunaux du Québec l’avaient condamné. Voici un bref récit du procès qu’on lui a fait:

      En décembre 1946, à Saint-Joseph de Beauce, province de Québec, s’ouvrit une instruction contre Aimé Boucher, accusé d’avoir distribué le fameux tract dit séditieux. Le coupable fut traduit devant le juge catholique français, Alfred Savard, et devant un jury non moins catholique siégeant dans une atmosphère lourde de haine et de suspicion. Ce juge inique fut cruel; il ne cessa d’interrompre la défense, et fit constamment appel aux préjugés religieux du jury contre les témoins de Jéhovah. Sa conduite fut à ce point illégale qu’elle servit de prétexte au défenseur pour demander à la Cour suprême la révision du procès. Les ténèbres inséparables à la bigoterie, qui obscurcissaient cette affaire, furent déchirées par quelques rayons d’espoir de voir le jugement rectifié lorsque M. Letourneau, président de la Cour d’appel de Québec, et M. Galipeault, juge à la même Cour, désapprouvèrent l’inique Savard. Leur désaveu permit de porter l’affaire devant la Cour suprême siégeant à Ottawal.

      DÉCHARGÉ DE L’ACCUSATION D’AVOIR DISTRIBUÉ UN LIBELLE SÉDITIEUX

      Puis, il y a eu une suite d’événements sans précédent. Le différend dont nous venons de parler a été porté devant les cinq juges de la Cour suprême du Canada, qui s’est réunie du 31 mai au 3 juin 1949a. Par trois voix contre deux, ceux-ci se sont prononcés contre les témoins de Jéhovah, le 5 décembre 1949b. Mais lorsque la Cour suprême a été saisie d’une demande de révision par la Cour entière composée de neuf juges, il s’est produit une chose rare et inhabituelle: la demande a été acceptée! Quand la décision a été rendue, le 18 décembre 1950, seuls deux juges qui entendaient la cause pour la première fois se sont déclarés en faveur de l’acquittement. Et pourtant, ce jour-​là, la Cour s’est prononcée par cinq voix contre quatre pour l’acquittement, parce que l’un des cinq juges qui avaient primitivement instruit l’affaire, un catholique d’origine irlandaise, est revenu sur sa propre décision et a jeté le poids de sa voix dans la balance de la justice, la faisant ainsi pencher du côté du droit et de la liberté réclamés par la minorité méprisée connue sous le nom de témoins de Jéhovah. Voici d’ailleurs quelques “perles” relevées dans l’un des avis émis par les juges dans cette affaire Boucher contre la Couronne:

      Les incidents, comme on les décrit, sont le fait de Canadiens paisibles qui ne manquent pas d’humilité mais qui, pour avoir distribué, manifestement sans autorisation, des Bibles et des tracts sur les enseignements chrétiens, conduit des services religieux en association chrétienne dans des maisons ou propriétés privées et fait des conférences publiques exposant des vérités religieuses en accord avec leur croyance chrétienne, ont été, dans l’exercice de ce qui est reconnu pour être les droits inaliénables des Canadiens, attaqués et battus par des personnes seules et par la foule qui ont déchiré et détruit leurs Bibles et leurs publications (...).

      Le comportement de l’accusé semble avoir été irréprochable; d’après l’enquête, c’est un citoyen exemplaire qui manifeste de la sympathie pour les doctrines de la religion chrétienne, quoique celles-ci soient, de toute évidence, différentes des versions qu’en donnent les protestants et les catholiques romains; mais le fondement est le même chez tous: Christ et ses rapports avec Dieu et l’humanité (...).

      (...) mais personne ne peut contester que tout ce qu’ils ont fait, ils l’ont fait pacifiquement, comme ils le prétendent, et à leurs yeux, dans l’intention d’apporter la lumière et la paix de la religion chrétienne aux âmes des hommes et des femmes. Cela revient à dire que leurs actes étaient légauxc.

      Cet arrêt a été appelé la décision la plus remarquable de l’histoire judiciaire du Canada. En effet, il a brisé, une fois pour toutes, les chaînes rouillées qu’on avait forgées en s’appuyant sur la doctrine moyenâgeuse de la “monarchie de droit divin”, formulée dans la loi désuète sur la sédition qui datait de l’époque de la chambre étoilée, soit autant de vieux souvenirs que le procureur de la Couronne et les juges du Québec sont allés déterrer dans les catacombes de la législation anglaise de l’âge des ténèbres.

      Toutefois, la lutte était loin d’être terminée au Québec après cette décision mémorable. Duplessis a insisté sur des poursuites judiciaires dans une centaine d’autres cas où les accusations étaient basées exactement sur le même documentd. Mais quelle avance les vaillants combattants pour le vrai culte ont enregistrée au Québec, bastion des catholiques romains! Au début de cette campagne, soit à peine quatre ans auparavant, il n’y avait que dix-huit congrégations: huit de langue française et dix de langue anglaise. Elles prenaient soin de quelque trois cents frères. Or, voyez la récolte de bons fruits qui a été produite par les quatre années de prédication faite malgré une pareille opposition: en 1950, il y avait trente-six congrégations, soit vingt et une de langue française et quinze de langue anglaise, lesquelles servaient plus d’un millier de frères! Pour leur prêter main forte dans cette lutte pour la liberté d’adorer Dieu, il y avait 164 combattants de première ligne, comprenant quatre-vingt-trois pionniers ordinaires et quatre-vingt-un pionniers spéciaux. Soixante-trois d’entre ces derniers étaient diplômés de Galaade. Aucun doute n’était plus permis: les témoins de Jéhovah étaient en train de gagner du terrain!

      LA LUTTE CONTRE L’ORDONNANCE SUR LA CENSURE PROMULGUÉE PAR LE QUÉBEC

      Puis, 1953 a apporté une nouvelle victoire, marquant ainsi le point culminant d’une lutte de vingt ans menée contre la ville de Québec et la province du même nom. La ville de Québec avait en effet promulgué, en octobre 1933, une ordonnance sur la censure visant nettement à empêcher les témoins de Jéhovah de distribuer des Bibles et des écrits bibliques. Cette ordonnance stipulait:

      Il est interdit de répandre dans les rues de Québec livres, brochures, prospectus ou tracts quelconques sans l’autorisation écrite du commissaire de policef.

      En 1947, nos frères canadiens ont lancé une attaque contre cette ordonnance en intentant un procès à la ville de Québec dans le dessein d’obtenir une déclaration la qualifiant de suppression illégale de la liberté des cultes. Le juge de première instance a permis à la défense de faire venir à la barre des ecclésiastiques protestants, catholiques et juifs pour que ceux-ci exposent leur point de vue sur ce que les organisations religieuses devraient croire et faire. Ce procès a duré, en tout, une quinzaine de joursg. Le tribunal de première instance s’étant prononcé contre les témoins de Jéhovah, l’affaire a été portée devant la Cour d’appel du Québec où, le 13 mai 1952, la majorité des juges ont confirmé, malgré leur désaccord, la validité de ladite ordonnance sur la censure. Les frères ont alors interjeté appel devant la Cour suprême du Canada, où l’affaire a été débattue pendant sept jours à partir du 9 décembre 1952.

      La question fondamentale portée devant la Cour suprême du Canada était de savoir s’il est permis de prêcher sans patente. Avant cette affaire qui devait faire date dans les annales judiciaires, la plupart des législateurs, avocats et juges canadiens étaient d’avis qu’il n’existait, au Canada, aucun document écrit garantissant la liberté de religion. Mais voilà qu’on a fait, au cours de ce procès, une découverte tout à fait exceptionnelle: on a retrouvé une loi sur la liberté des cultes qui était tombée dans l’oubli, mais toujours en vigueur. Cette loi avait été promulguée par le Parlement du Canada en 1852. Or, exactement cent ans plus tard, soit en 1952, les témoins de Jéhovah ont pu l’invoquer pour la première fois devant la Cour suprême du Canada pour leur défense.

      LOÏS: Comment a-​t-​on pu faire une loi et ensuite la laisser tomber dans l’oubli? Pourquoi, en somme, a-​t-​elle été promulguée?

      JEAN: C’est que, bien avant sa promulgation en 1852, il y avait eu, en Angleterre, une vive controverse religieuse entre les catholiques et les protestants pendant la guerre de Sept Ans. La loi canadienne était tout simplement une remise en vigueur d’une loi bien plus ancienne, la loi sur la liberté des cultes votée par le Parlement anglais à Londres après le traité de Paris (1763) dans le but de rendre effectives les dispositions dudit traité, de sorte que les Québécois catholiques de langue française soient à l’abri des persécutions religieuses infligées aux catholiques d’Angleterre pendant la guerre de Sept Ans. En 1867, lorsque les quatre premières provinces du Canada se sont unies pour former une confédération, cette loi est restée en vigueur. Depuis lors, il semble qu’elle soit tombée dans l’oubli faute d’être utilisée. C’est ainsi qu’elle n’avait plus été imprimée dans les codes de lois de l’Ontario depuis quarante ans, quand on l’a retrouvée. Par contre, dans le Québec, on l’avait réimprimée mais jamais utilisée. Cette ancienne loi stipule:

      ATTENDU QUE la reconnaissance de l’égalité entre toutes les associations religieuses est un principe admis dans la législation coloniale; (...) qu’il soit déclaré (...) que le libre exercice et la pleine jouissance d’une croyance religieuse et d’un culte, sans distinction ni préférence, pourvu que cette liberté ne serve pas de prétexte à des actes de dérèglement ou à des pratiques incompatibles avec la paix et la sécurité de la Province, sont autorisés par la constitution et les lois de cette Province pour tous les sujets de Sa Majesté qui y habitenth.

      VICTOIRE REMPORTÉE DANS L’AFFAIRE SAUMUR

      Les avocats du Québec arguaient et soutenaient que les témoins de Jéhovah ne sont pas une dénomination religieuse, qu’on ne pouvait pas considérer leur façon de prêcher publiquement au moyen d’imprimés comme une pratique du culte protégée par la loi, que leurs critiques de la Hiérarchie catholique romaine constituaient des “actes de dérèglement”, et que leur refus de respecter la loi sur la censure était “incompatible avec la paix et la sécurité de la Province”; ils prétendaient enfin que l’ordonnance prise en 1933 au Québec n’était pas une mesure de censure mais simplement un règlement sur la circulation. Ces arguments ont été réfutés point par point par la majorité des juges de la Cour suprême qui, par cinq voix contre quatre, ont rendu un arrêt favorable aux témoins de Jéhovah, le 6 octobre 1953. Il s’agissait là d’une véritable victoire, remportée après une lutte de vingt ans et après une bataille juridique de six ans qu’il a fallu livrer dans une affaire dont la solution devait faire jurisprudence!

      La presse canadienne a fait un accueil élogieux à cette décision. Voici quelques extraits empruntés à divers éditoriaux publiés à ce propos:

      UN VERDICT EN FAVEUR DE LA LIBERTÉ DES CULTES

      En soutenant le droit des témoins de Jéhovah de répandre des publications dans les rues sans restriction, la Cour suprême du Canada a libéré d’un fardeau la conscience de ce pays. Les citoyens des deux langues principales et de toute croyance, exempts de préjugés, s’inquiètent depuis longtemps de la tendance à persécuter indirectement certaines opinions. Au Québec notamment cette décision dans l’affaire Saumur devrait avoir comme résultat une déclaration de non-lieu dans les 800 cas analogues. Elle signifie que personne au Canada n’a besoin d’une autorisation pour adhérer à une doctrine religieuse. Ce verdict est une des quelques décisions judiciaires qui, durant ces dernières années, ont défini la liberté civile dans les provinces et le pays tout entier. (...) Dans un pays libre, on doit permettre à la minorité d’essayer de changer l’opinion de la majorité, quelle qu’en puisse être l’issue. Les Canadiens peuvent être fiers de la vigilance de leurs tribunaux qui ne permettent pas l’intolérance, laquelle supprimerait peu à peu toute libertéi.

      LA LIBERTÉ DE CROYANCE

      La majorité des juges de la Cour suprême du Canada a établi par une décision d’une portée considérable un principe important qui est à la base des libertés civiles du Canada. (...) Le jugement déclare qu’aucune juridiction inférieure, celle d’une Province ou d’une municipalité par exemple, ne peut restreindre les droits et les libertés que possède constitutionnellement tout citoyen du pays, où qu’il habite. (...) Le juge Kellock a fait ressortir un point très important en attirant l’attention sur le fait que l’ordonnance était conçue de telle sorte qu’on pouvait l’appliquer de diverses manières. Il a déclaré qu’elle n’établissait aucun règlement, si ce n’est que l’on ne peut répandre que les écrits autorisés par le censeur (car le commissaire de police remplit effectivement ce rôle). Le facteur décisif serait le contenu des écrits. On pourrait appliquer la même ordonnance contre certains partis politiques ou certains journaux. Il est évident qu’accorder des pouvoirs aussi étendus à un simple fonctionnaire municipal (que ce dernier s’en serve ou non) constituerait une atteinte flagrante aux droits civils élémentaires. Il est invraisemblable que ceux qui ont élaboré notre constitution aient eu pareille intentionj.

      LA LIBERTÉ DE RELIGION

      Par sa décision serrée dans un nouveau cas impliquant les témoins de Jéhovah, la Cour suprême a soutenu un principe important, à savoir qu’un homme doit pouvoir pratiquer librement ses croyances religieuses. (...) Il nous faut applaudir à cette décision. (...) Il est mal d’entraver le culte d’autrui. Le fait que la victime professe une croyance qui n’est pas populaire n’a aucune importancek.

      THOMAS: Comment les autorités du Québec ont-​elles réagi? Se sont-​elles inclinées devant la décision rendue par la Cour suprême?

      JEAN: Oh! non, surtout pas le premier ministre Duplessis. Voici, à ce propos, le rapport du serviteur de la filiale du Canada:

      Le 6 octobre 1953 le Tribunal suprême du Canada rendit son jugement dans l’affaire relative à l’exercice de la censure et impliquant la ville et la province de Québec. Une grande publicité fut donnée à cet arrêt par la distribution spéciale, à travers tout le pays, de milliers et de milliers d’exemplaires de Réveillez-vous! du 22 novembre 1953. Cette décision avait pour effet de mettre un frein au zèle intempestif de M. Duplessis, premier ministre de Québec. Cependant, il soumit peu après à l’Assemblée législative de la province de Québec sa fameuse et injuste loi No 38 qui se moquait du verdict du Tribunal suprême et était dirigée directement et spécifiquement contre les témoins de Jéhovah. La loi passa rapidement les Chambres basse et haute et prit force de loi dans la province. On en éprouva probablement un sentiment de satisfaction dans le camp de nos ennemis, mais il fut de courte durée, car une action fut engagée devant les tribunaux tendant à obtenir qu’un ordre soit adressé à Duplessis lui enjoignant d’avoir à suspendre toute procédure fondée sur cette loi. Cette affaire est pendante. L’effet désiré a été obtenu car la loi ne peut être appliquée à présent et l’œuvre de la proclamation du Royaume progresse rapidement dans toute la province.

      Les missionnaires et les pionniers spéciaux continuent à travailler durement en prêchant l’évangile, surtout dans la province de Québec. À la fin de l’année de service écoulée 56 missionnaires travaillant dans 19 localités de la province nous ont envoyé leurs rapports qui nous montrent qu’un excellent service est accompli par l’établissement solide de têtes de pont théocratiques dans cette partie du champ de travail. De temps à autre il faut soudain faire face à l’action violente de la populace et à l’intervention de fonctionnaires locaux. Nos adversaires usent aussi de menaces et d’intimidation à l’égard de ceux qui osent accorder l’hospitalité aux missionnaires. Il y a cependant beaucoup de personnes au cœur sincère qui prennent fermement position pour la véritél.

      Tard dans l’année 1959, l’affaire de la loi No 38 se trouvait toujours devant les tribunaux du Québeca.

      LE VENT TOURNE ENFIN

      Voilà que l’atmosphère saturée d’intolérance religieuse s’est éclaircie brusquement dans le Québec. On pouvait apercevoir partout dans le ciel de grandes trouées bleues et, même dans quelques-uns des territoires qui avaient été très difficiles, le soleil commençait à percer. Écoutez le fait suivant relaté par le serviteur de la filiale du Canada dans une lettre qu’il a écrite au président de la Société:

      Nous venons d’apprendre un cas intéressant que tu seras content de connaître à ton tour. Il montre comment la décision rendue par les tribunaux aide nos frères. La chose s’est produite dans l’une des unités de Montréal, ville très dure où les prêtres ont toujours l’œil sur les témoins de Jéhovah. Ceux-ci allaient de porte en porte un dimanche matin. Un prêtre rassembla des jeunes gens pour essayer de faire pression sur les témoins et de les forcer ainsi à quitter le territoire. L’un de nos frères s’empressa alors de dire au prêtre que nous avions le droit de faire cette œuvre et qu’il appellerait lui-​même la police si on continuait de les molester. À quoi le prêtre répondit: “Bon, allez-​y, appelez donc la police.” C’est ce que le frère fit. Et la police vint voir sur place. Le prêtre se mit alors à essayer de donner aux agents l’ordre de chasser les témoins du quartier. Mais le frère leur expliqua que nous avions le droit de prêcher, que les tribunaux s’étaient prononcés en notre faveur et que la police ne devrait pas intervenir contre nous. Sur ce, les agents de police répétèrent au prêtre que les témoins de Jéhovah étaient autorisés par la loi à faire leur œuvre. Mais le prêtre se mit à argumenter avec eux et à déclarer: “Qu’ils aient ce droit aux yeux des tribunaux ou non, ils agissent à l’encontre de nos dispositions.” Puis les agents essayèrent de raisonner avec le prêtre, mais rien n’y fit. Alors ils se fâchèrent et dirent au prêtre que s’il ne voulait pas être raisonnable, ils devraient l’emmener au commissariat. Cependant, cette menace n’eut aucun effet sur le prêtre. Celui-ci continua d’argumenter avec eux, si bien qu’ils finirent par lui dire: “Vous feriez mieux de monter dans notre voiture. Suivez-​nous au commissariatb.”

      LOÏS: J’aurais eu de la peine à imaginer qu’un changement aussi radical puisse intervenir un jour. Mais si les témoins de Jéhovah n’avaient pas insisté pour faire la volonté de Dieu plutôt que celle des hommes, une chose pareille ne se serait jamais réalisée, n’est-​ce pas?

      JEAN: Non, mais la victoire remportée au Québec par les témoins de Jéhovah devait encore avoir une plus grande portée. Leur persévérance, face à des forces bien supérieures, leur a non seulement apporté de nouvelles victoires qui allaient leur assurer la liberté pour leur activité de prédication, mais elle les a aussi justifiés d’avoir pris hardiment position pour le culte pur.

      Vous vous rappelez sans doute l’un des exemples que nous avons cités tout à l’heure pour montrer comment la Hiérarchie catholique romaine avait essayé d’user de représailles contre les témoins à cause de la campagne avec le tract La haine ardente du Québec pour Dieu, pour Christ et pour la liberté. Nous l’avions emprunté au rapport annuel que le serviteur de la filiale du Canada avait adressé au président de la Société. Il y écrivait: “Maurice Duplessis, premier ministre de Québec, esprit fasciste et instrument de l’‘Église’, lança le 4 décembre 1946 une flèche qui porta la désolation dans ses propres rangs: de propos délibéré il ruina le commerce florissant d’un témoin de Jéhovah, homme dont l’unique délit était de se porter caution pour ses frèresc.”

      Ce frère, un restaurateur bien connu à Montréal, s’était en effet porté caution dans 391 cas. Voilà la seule raison pour laquelle Duplessis lui a fait retirer la licence de débit de boissons alcooliques, mesure qui, à Montréal, ville de langue française, constituait pour cet homme un coup aussi dur que si Duplessis avait mis un cadenas à la porte de son restaurant. Or, ce boomerang inattendu lancé par le premier ministre, et que le serviteur de la filiale a mentionné, devait recevoir une telle publicité qu’il a soulevé un tollé général partout au Canada. Mais tout le poids de cet acte d’intolérance, commis par Duplessis, allait bientôt retomber sur lui-​même et le frapper comme une gifle donnée en pleine figure.

      Entre-temps, un autre incident s’est produit qui devait, lui aussi, avoir des conséquences d’une grande portée et infliger une défaite retentissante aux forces que Duplessis avait mobilisées contre Dieu et les vrais chrétiens. Cet incident s’est produit à peine trois jours après que les moyens d’existence du frère de Montréal avaient été ruinés. Écoutez le récit de ce qui est arrivé:

      Le 7 décembre 1946 (...), Paul Benoit, officier de la police provinciale, arrêta à Verdun (Québec) Louise Lamb, ministre de l’Évangile. Benoit avait reçu l’ordre d’arrêter tout témoin de Jéhovah qu’il trouverait en train de répandre la feuille intitulée “La haine ardente du Québec”. Quoique Mlle Lamb n’eût en sa possession aucune de ces feuilles, elle fut néanmoins appréhendée de façon arbitraire.

      L’arrestation eut lieu le samedi et la jeune femme fut détenue pendant tout le week-end sans qu’aucune accusation n’ait été formulée contre elle. On ne lui permit même pas de téléphoner à ses amis ou à son avocat. On la photographia et on lui prit les empreintes digitales comme s’il s’agissait d’une vulgaire criminelle. Le lieu de détention au poste de police était immonde. Mlle Lamb devait partager la cellule d’une prostituée rongée par la maladie, et utiliser les mêmes commodités qu’elle.

      Le lundi, après lui avoir infligé un traitement aussi infâme, Benoit déclara à Mlle Lamb qu’il avait une “bonne nouvelle” à lui annoncer: il allait lui rendre la liberté. Cependant, il l’invita à signer une déclaration par laquelle elle s’engageait à ne pas intenter une action contre lui à cause de sa détention illégale de trois jours dans des conditions aussi révoltantes. Benoit menaça d’entamer des poursuites si elle ne signait pas. Bien que seule dans des circonstances aussi difficiles, Mlle Lamb resta fidèle aux principes justes et refusa de signer. Benoit engagea des poursuites, mais le tribunal rendit une ordonnance de non-lieu.

      Mlle Lamb intenta une action judiciaire contre Benoit pour arrestation injustifiée et poursuites intentées par malveillance. L’affaire passa au tribunal de première instance, puis à la cour d’appel, mais ces deux tribunaux déboutèrent la plaignante en invoquant un vice de forme. C’est pourquoi la Cour suprême fut saisie de l’affaire, afin qu’elle soit mise au courant des mauvais traitements infligés aux témoins de Jéhovahd.

      Cette affaire a été entendue par la Cour suprême en même temps que l’action en dommages et intérêts intentée par le frère de Montréal contre Duplessis. L’attention de tout le Canada s’est aussitôt portée sur l’issue de ce procès. La Cour suprême était elle-​même mise sur la sellette. En effet, deux fonctionnaires, l’un du plus haut rang et l’autre d’un rang tout à fait inférieur, étaient accusés d’avoir abusé de l’autorité que leur conférait leur poste officiel pour causer de propos délibéré un préjudice à de simples citoyens. L’officier de police du Québec qui avait opéré l’arrestation arbitraire allait-​il échapper au châtiment? La personnalité politique la plus puissante de la province du Québec, l’arrogant premier ministre et avocat de la Couronne, homme sans scrupule, allait-​il pouvoir continuer d’affirmer en substance: “La loi, c’est moi”?

      La situation était sans précédent dans l’histoire du Canada. Mais en prononçant ses deux arrêts mémorables, le 27 janvier 1959, la Cour suprême a fait honneur à l’administration de la justice au Canada. Les manchettes et les comptes rendus de la presse écrite exaltaient, à travers tout le pays, la victoire remportée par les témoins de Jéhovah grâce à leur persévérance: “La Cour suprême rend un verdict contre Duplessis”, “Duplessis perd son procès avec une secte”, “Duplessis condamné à payer”. Au témoin de Jéhovah de Montréal, qui s’était porté caution dans de nombreux cas, Duplessis a été condamné à payer 33 123 dollars, plus les intérêts et les frais de justice que le Star de Montréal a évalué entre 20 000 et 30 000 dollarse. C’est ainsi que Duplessis a dû payer plus de 50 000 dollars pour action vindicative inspirée par ses sentiments catholiques. Quant à son officier de la police provinciale, Paul Benoit, il a été condamné à payer 2 500 dollars à la femme témoin de Jéhovah qu’il a arrêtée arbitrairement, plus les intérêts et les frais de justice.

      La radio et la télévision sont venues ajouter leur voix pour commenter la défaite de Duplessis dans leurs émissions. Ces victoires étourdissantes ont été acclamées par tous les Canadiens épris de justice qui n’approuvaient pas les méthodes dictatoriales de Duplessis, et grande a été leur joie de le voir réduit à ses justes proportions. Les journalistes et les caricaturistes ne lui ont épargné aucune critique, et de manière franche et mordante, ils ont montré que la leçon publique donnée par la Cour suprême lui était bien appliquée.

      Le Telegram, quotidien de Toronto, écrivait dans un éditorial:

      Le jugement rendu par la Cour suprême du Canada contre le premier ministre Duplessis est moins important comme décision en faveur de l’appelant (..) que comme déclaration protégeant les droits de l’individu contre l’abus de l’autorité. (...) Aucun homme, aussi élevée que soit sa position, ne peut commettre une injustice même à l’égard du plus humble de ses concitoyens. Aucune autorité ne peut abuser de son pouvoir pour priver une personne de ses droits. Même l’autorité doit s’incliner devant la loi et rendre compte de ses actes. La justice qui fait triompher la cause du plus humble, parce que celle-ci est juste, est digne de ce nomf.

      Dans le Daily Star de Toronto, on pouvait lire:

      Le premier ministre Duplessis, du Québec, disait en substance: “La loi, c’est moi.” La Cour suprême du Canada en a décidé autrement. Elle refuse de permettre à M. Duplessis ou à n’importe quel autre homme politique de tyranniser les citoyens canadiens et de fouler aux pieds leurs droits légauxg.

      Le Citizen d’Ottawa a récapitulé la lutte victorieuse menée par les témoins de Jéhovah en faveur de la liberté et contre les empiètements de Duplessis:

      De nombreux Canadiens sont persuadés que justice a été faite (...). Les lois de M. Duplessis, destinées à étouffer toutes les opinions qu’il n’approuve pas, ont été sérieusement battues en brèche. En 1950, lors de l’affaire Boucher, la Cour suprême débouta la province du Québec qui prétendait qu’une certaine feuille, répandue par les témoins de Jéhovah, constituait un “libelle séditieux”. En 1953, lors de l’affaire Saumur, la Cour suprême décida qu’une ordonnance municipale de la ville de Québec, invoquée pour faire cesser la distribution des publications des témoins de Jéhovah, enfreignait la loi du Québec sur la liberté des cultes. (...) Certes, ces défaites ont lié les mains [à Duplessis], mais aussi longtemps que le gouvernement commet de tels actes, les libertés civiles ne seront pas sauvegardées au Québech.

      En tout cas, ces deux autres décisions venaient consolider plus fermement encore le puissant bastion, fait de principes juridiques, qui devait désormais protéger les droits des minorités contre les flots d’oppression et de destruction déchaînés par des autorités agissant au mépris de la loi. En effet, les témoins de Jéhovah ont livré, dans le Québec catholique, un dur combat qui n’est d’ailleurs pas terminé. Mais c’est grâce à la bonté imméritée, manifestée par Jéhovah, qu’il a été possible d’ouvrir publiquement la voie de la vérité et du culte pur à toute personne bien disposée. Quant à ceux qui, au Québec, nourrissaient une haine farouche contre Dieu, le Christ et la liberté, ils ont connu la consternation et la défaite.

      [Notes]

      a a wF 1947, pp. 108, 109.

      b b Pour le texte intégral de ce feuillet, voir Réveillez-vous!, 8 mai 1947, pp. 8-12.

      c c Ibid., pp. 9, 10.

      d d Ibid., p. 11.

      e e Ibid., p. 12.

      f f Ibid.

      g g wF 1948, pp. 347, 348.

      h h Réveillez-vous!, 8 juin 1947, p. 4.

      i i La pétition portant 500 967 signatures fut présentée à la Chambre des communes le 9 juin 1947. Réveillez-vous! (angl.), Vol. XXX, 8 mai 1949, p. 4.

      j j wF 1948, p. 348.

      k k Réveillez-vous! (angl.), Vol. XXX, 8 mai 1949, p. 5.

      l l Réveillez-vous!, 8 juil. 1951, p. 3.

      a m Réveillez-vous!, 8 juil. 1950, pp. 3-5, 9.

      b n Ibid., p. 5.

      c o [1951] S.C.R. 265, 285, 291 [voir aussi Réveillez-vous!, 8 juil. 1950, p. 4].

      d p Annuaire (angl.) 1952, p. 107.

      e q Annuaire (angl.) 1951, p. 123.

      f r Réveillez-vous!, 8 mars 1954, p. 3.

      g s Réveillez-vous!, 8 juil. 1949, pp. 3-5; 8 août 1949, pp. 15, 16.

      h t Loi de 1852 de l’ancienne Province du Canada, 14-15 Victoria, c. 175.

      i u Evening Citizen d’Ottawa, Ontario, 7 oct. 1953.

      j v Globe and Mail, quotidien de Toronto, Ontario, 8 oct. 1953.

      k w Herald, Montréal, Québec, 7 oct. 1953. Compte rendu sur les délibérations dans l’affaire Saumur, [1953] 2 S.C.R. 299.

      l x wF 1955, p. 59.

      a y wF 1959, pp. 47, 48.

      b z Lettre de la filiale du Canada, A/AS, 27 janv. 1959, No 259.

      c aa wF 1948, p. 347.

      d bb Réveillez-vous!, 8 juil. 1959, p. 9.

      e cc Star, quotidien de Toronto, 27 janv. 1959, p. 1.

      f dd Telegram, quotidien de Toronto, 28 janv. 1959.

      g ee Daily Star de Toronto, 28 janv. 1959.

      h ff Citizen d’Ottawa, 28 janv. 1959.

      [Illustration, page 240]

      FAC-SIMILÉ DU TRACT “LA HAINE ARDENTE DU QUÉBEC”, DIFFUSÉ AU CANADA EN 1946, HAUT DE LA PAGE 1.

  • L’accroissement de la Théocratie se manifeste dans la prédication et la parole imprimée
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 32

      L’accroissement de la Théocratie se manifeste dans la prédication et la parole imprimée

      THOMAS: Lorsque vous nous expliquiez, la semaine dernière, comment la persévérance des témoins de Jéhovah du Canada a porté des fruits, Loïs m’a fait penser à un détail que vous avez mentionné il y a quelques semaines, Jean, en nous parlant de l’Assemblée théocratique du monde nouveau qui s’est tenue en 1942 à Cleveland.

      JEAN: Est-​ce la raison pour laquelle vous êtes venus, l’autre jour, nous emprunter notre volume relié de La Tour de Garde de l’année 1942? Y avez-​vous fait une découverte?

      THOMAS: En effet, car je me suis souvenu que vous nous aviez dit que le discours clé était résumé dans le compte rendu de ce congrès par ces trois mots: “Allez de l’avant!” Puis-​je vous lire un ou deux paragraphes de ce discours intitulé “L’unique lumière”?

      JEAN: Nous vous écoutons.

      THOMAS [Il lit]:

      À l’appel de Dieu, le Seigneur, des volontaires se sont présentés, sans la moindre contrainte, en répondant: “Me voici, envoie-​moi.” Ce n’est pas d’une quelconque institution religieuse terrestre, mais bien du Très-Haut, Roi du ciel et de la terre, que viennent les paroles ordonnant à chacun d’eux: “Va, et dis à ce peuple: Vous entendrez”; de le dire même à ceux qui refusent d’entendre et de voir, et d’attendrir leur cœur afin qu’ils soient guéris.

      Jusqu’à quand ces volontaires se dérangeront-​ils pour aller parler aux gens? Jusqu’à ce que les dictateurs, les régimes totalitaires et le nouvel ordre de l’“abomination de la désolation” arrivent au pouvoir et commencent à enrégimenter toutes les nations? Non, mais jusqu’à ce qu’ils soient dépossédés du pouvoir et précipités dans “le lac de feu et de soufre”. Voici l’ordre formel donné par le grand Maître des témoins de Jéhovah: “Jusqu’à ce que les villes soient dévastées et privées d’habitants; jusqu’à ce qu’il n’y ait personne dans les maisons, et que le pays soit ravagé par la solitude, jusqu’à ce que l’Éternel ait éloigné les hommes, et que le pays devienne un immense désert.” (És. 6:1-12). Cela revient à dire jusqu’à ce que l’œuvre de porte en porte soit devenue inutile parce qu’il n’y aura plus de gens dans les maisons pour répondre quand vous sonnerez à leur porte, car Dieu aura anéanti tous ceux qui ont refusé d’écouter son message prêché par ses témoins, et les villes, qui ont forgé des lois dans un dessein inique et dont la populace vous a chassés, auront subi le sort de Sodome et Gomorrhe (Mat. 10:13-15). Voici donc le signal “Allez de l’avant”, donné par la plus haute Autorité, qui nous ordonne de poursuivre son “œuvre étrange” de témoignage, quoi qu’il arrive, avant qu’Harmaguédon ne vienne désoler la terre pour la débarrasser de la classe des “boucs”. Ne craignez pas ce que vous pouvez avoir à affronter. Le Seigneur ne retirera pas son esprit de vous; cette force invincible restera auprès de vous et fera de vous plus que des vainqueurs par Christ Jésusa.

      Par rapport aux nombreux événements qui se sont produits depuis 1942 et que vous nous avez racontés ces dernières semaines, je trouve que ces déclarations revêtent le plus haut intérêt. Est-​ce que l’activité théocratique a connu le même essor jusqu’au congrès international de 1950 et encore après celui-ci?

      “ASSEMBLÉE POUR L’ACCROISSEMENT DE LA THÉOCRATIE”

      JEAN: Bien sûr. Et c’est d’ailleurs pourquoi ce congrès a été appelé “Assemblée des témoins de Jéhovah pour l’accroissement de la Théocratie”; il devait avoir lieu à New York, au Yankee Stadium, du 30 juillet au 6 août. Quelle fête théocratique joyeuse cela a été pendant huit jours! Ceux qui y ont assisté ne pourront jamais l’oublier. À ce congrès aussi, tous ont reçu beaucoup d’encouragements à continuer de faire le bien.

      La guerre était alors finie depuis cinq ans, ce qui a permis à plus de 10 000 témoins de Jéhovah, venus de soixante-sept pays, sans compter ceux des États-Unis, de se rendre à New York et de faire ainsi de ce congrès le rassemblement le plus important jamais tenu en un seul endroit par les témoins de Jéhovah. En effet, des centaines d’entre eux sont venus de l’Europe même, auparavant déchirée par la guerre. D’autres centaines sont venues d’Afrique, d’Australie et de Nouvelle-Zélande. L’Asie était représentée, elle aussi, de même que les îles du Pacifique. Les Latino-Américains sont venus par centaines et les Canadiens par milliers. Pour venir de toutes les parties du monde, ces voyageurs se sont servis de toutes sortes de moyens de transport: bateaux, avions, trains, autocars et automobiles. L’affluence d’étrangers à New York était tellement forte quelques jours avant le congrès que les services d’immigration américains se sont alarmés et ont fait subir des tracasseries à certains congressistes, choses contre lesquelles les délégués venus à ce congrès ont par la suite protesté avec vigueurb.

      Malgré ces difficultés, le dimanche 30 juillet 1950, premier jour du congrès, 79 247 personnes ont assisté à la remise des diplômes aux 120 étudiants de la quinzième classe de Galaad. Au cours du dernier jour, le dimanche 6 août, qui était le point culminant de ce congrès, 123 707 personnes sont venues écouter le président de la Société Watch Tower développer le sujet “Pouvez-​vous vivre à jamais dans le bonheur sur la terre?” Vous vous rappelez sans doute qu’au congrès international précédent, ou Assemblée théocratique des nations joyeuses, tenu à Cleveland du 4 au 11 août 1946, il y avait eu une assistance maximum de 80 000 personnes. Quelle preuve vraiment remarquable de l’expansion intervenue dans les rangs des témoins de Jéhovah en à peine cinq ans d’activité après la fin de la guerre! Ce congrès portait donc bien son nom: “Assemblée pour l’accroissement de la Théocratie.”

      L’organisation de ce congrès, calquée sur celle de Cleveland en 1946, comprenait tous les services nécessaires à la bonne marche d’un congrès. C’est ainsi qu’il a fallu procurer un logement à 75 000 témoins venus de l’extérieur et, en outre, aménager une “Cité de caravanes”, située à une soixantaine de kilomètres de New York, où pouvaient loger plus de 15 000 congressistes. Toute cette activité inhabituelle n’a pas échappé à l’attention de la presse écrite qui, on pouvait s’y attendre, a donné une large publicité au déroulement de tout ce congrèsc.

      À la session d’ouverture, le dimanche matin, les congressistes ont eu leur première surprise en apprenant la parution d’un nouveau recueil de cantiques intitulé “Cantiques à la louange de Jéhovah”. Puis, le lundi 31 juillet, fut présentée la brochure Defending and Legally Establishing the Good News (Défense et établissement juridique de la bonne nouvelle). Cette publication de quatre-vingt-seize pages a été de loin l’auxiliaire le plus complet et le plus précieux publié depuis plus d’une décennie par la Société pour aider les frères dans leur lutte pour la légalitéd.

      Le mardi 1er août, les congressistes ont eu le plaisir de se voir présenter La Tour de Garde, en anglais, dans un format entièrement nouveau, juste après la lecture de la “Résolution contre le communisme”, libellée en termes énergiques, et que 84 950 personnes présentes à cette session de l’après-midi venaient d’adopter avec enthousiasme. Dans la soirée, c’est la parution de la brochure L’évolution opposée au monde nouveau qui a été annoncée.

      Le mercredi 2 août est devenu un jour historique à partir du moment où le président de la Société a présenté, à un auditoire tout à fait surpris, Les Écritures grecques chrétiennes — Traduction du monde nouveau. Vous êtes certainement curieux de connaître quelques-unes des remarques faites par le président concernant cette nouvelle traduction de la Bible. Nous en parlerons un peu plus longuement tout à l’heure.

      Le jeudi a été un jour exaltant d’intérêt, les sessions du matin, de l’après-midi et du soir étant consacrées aux comptes rendus présentés par les missionnaires galaadites. C’est aussi ce jour-​là que 3 381 personnes se sont fait baptiser. La “Journée des filiales”, soit le vendredi, a également été émouvante par les nouvelles de l’expansion théocratique enregistrée dans le monde entier.

      LE TEMPS POUR L’APPARITION DES “PRINCES”

      Puis, le samedi 5 août, vint la “Journée de la connaissance de Dieu”, pleine d’encouragements et d’éclaircissements. Le président de la Société a fait savoir qu’un nouveau livre intitulé C’est ici la vie éternelle! venait de paraître simultanément en anglais et en espagnol. C’est ce même jour que le vice-président de la Société a prononcé un discours qui devait faire époque, à savoir “De nouveaux systèmes de choses”. D’ailleurs, les congressistes qui étaient présents n’oublieront jamais l’effet que ce discours a produit sur l’auditoire. Pendant de nombreuses années, le point de vue de La Tour de Garde avait été que les hommes fidèles des temps anciens, c’est-à-dire ceux qui avaient servi Dieu fidèlement avant l’époque de Jésus, seraient ressuscités d’entre les morts avant Harmaguédon même, pour participer à l’organisation du peuple de Jéhovah des temps modernes et pour aider les membres du reste à assumer leurs responsabilités consistant à représenter le Seigneur Jésus-Christ en qualité de surveillants du troupeau de Dieu sur la terree. On se référait à ces hommes de différentes façons, en les appelant les “anciens dignitaires”, les “hommes fidèles du passé” et les “princes”, à la lumière du Psaume 45:17 (Crampon 1905). Peut-être voudriez-​vous nous lire ce verset, Loïs?

      LOÏS [Elle lit]: “Tes enfants prendront la place de tes pères; tu les établiras princes sur toute la terre.”

      JEAN: Merci, Loïs. C’est à cause de la compréhension qu’on avait depuis si longtemps de ce texte que bien des témoins de Jéhovah s’attendaient, à chaque congrès, à pouvoir saluer Abraham, Isaac, Jacob, David et d’autres fidèles encore, revenus d’entre les morts, et leur souhaiter la bienvenue. Vous pouvez donc imaginer l’effet que la déclaration suivante de l’orateur a produit sur l’auditoire:

      Cette assemblée internationale serait-​elle heureuse de savoir qu’il y a ICI, CE SOIR, parmi nous, un certain nombre de futurs PRINCES DE LA NOUVELLE TERRE?

      Voici en quels termes le compte rendu de ce congrès, publié en anglais, décrit la réaction de l’auditoire et la réponse donnée à cette question:

      Des applaudissements nourris et prolongés et des cris de joie assurèrent à l’orateur que rien ne les intéressait davantage à ce moment-​là. Puis un profond silence se fit dans tout le Yankee Stadium. Chacun tendait l’oreille pour ne perdre aucune syllabe de ce que frère Franz allait dire dans son exposé de quelques-uns des faits importants concernant le Psaume 45:17 (...).

      En cette année 1950, fit remarquer l’orateur, il y a des centaines de milliers d’“autres brebis” qui sont entièrement vouées à Jéhovah. Les croyances de celles-ci vont plus loin que celles d’Abel, d’Hénoc, de Noé, d’Abraham et de Sara, car ces personnes des temps anciens attendaient simplement par la foi la venue de la Postérité, le Christ, tandis que les “autres brebis” d’aujourd’hui ont réellement accepté Jésus comme Sauveur et Roi. Au lieu de placer le Royaume dans un avenir indéfini, ces brebis déclarent qu’il a déjà été instauré.

      De plus, ces témoins des temps modernes ont souffert tout autant pour leur foi que les témoins de Jéhovah du passé. Ils ont été mis à mort, ils sont allés de-ci de-là revêtus de peaux de bêtes, et ont été maltraités et obligés de chercher refuge dans les déserts et dans les montagnes. Lorsque frère Franz fit remarquer que rien, dans la Bible, ne s’oppose à ce que le Christ prenne beaucoup d’entre ces “autres brebis” pour les établir “princes sur toute la terre”, selon les besoins, un tonnerre d’applaudissements vint de nouveau interrompre son discours mémorablef.

      L’orateur a ensuite expliqué que le mot “prince”, traduit du mot hébreu sar, ne désigne pas toujours une personne de naissance royale. En fait, il a insisté là-dessus en disant: “Il signifie le premier, le plus élevé ou le chef de n’importe quelle classe, la tête de n’importe quelle assemblée ou groupeg.” Le terme “prince” ne s’appliquerait donc pas comme un titre, mais désignerait simplement la charge de “serviteur”.

      Voici un autre point intéressant sur lequel l’orateur a attiré l’attention de l’auditoire:

      En 1904, le premier président de la Watch Tower Society écrivit le sixième volume des Études des Écritures intitulé La Nouvelle Création. Au chapitre 3 intitulé “L’appel de la nouvelle création”, il disait en haut de la page 157: “Et nous pouvons être sûrs que toute personne se consacrant et faisant l’entier sacrifice d’elle-​même dans les intérêts de la cause du Seigneur, après que la classe céleste sera complète, trouvera que le Seigneur a encore beaucoup d’autres bénédictions à donner, et que toutes ses bénédictions ont été prévues pour ceux qui se consacrent et se sacrifient de la sorte. Il est possible qu’ils soient compris avec les anciens dignitaires qui eurent le désir agréable à Dieu de se sacrifier avant le début de la ‘vocation célesteh’.”

      L’orateur a cité une autre explication qui a paru des années après celle que nous venons de lire. En effet, on la trouve dans La Tour de Garde (angl.) du 1er septembre 1915. Dans un article sur l’“œuvre de la moisson”, les paragraphes 5 et 6 (pages 268 et 269) suggéraient que ceux qui se vouaient à Dieu après la fermeture de la “porte” donnant accès à la classe céleste, mais avant le “commencement de l’œuvre du rétablissement”, seraient acceptés “non sur le plan spirituel, mais sur le plan terrestre. De telles personnes entreraient sous des conditions semblables à celles des anciens dignitaires qui furent acceptés par Dieui”.

      C’est dans ce même discours, prononcé au cours de la session du samedi soir, que le vice-président de la Société a expliqué les rapports existant entre les “nouveaux cieux” et la “nouvelle terre”, en précisant que ceux-ci font partie du “nouveau système de choses”. Puis, dans la conclusion de ce discours mémorable, l’orateur a résumé cette explication nouvelle et plus profonde des desseins divins par les témoins de Jéhovah en déclarant:

      Avec ces perspectives ravissantes si près de nous, soutenons l’organisation théocratique et que Dieu continue à la perfectionner comme une société du monde nouveau. Que jamais nous ne regardions en arrière, vers cette Sodome moderne qui est réservée pour la destruction, mais nous regarderons toujours en avant avec une foi entière. En avant donc! fermement, tous ensemble, comme une société du monde nouveauj!

      Le dimanche 6 août a été le point culminant de ce congrès. Ce jour-​là, appelé la “Journée du mode de vie d’un monde nouveau”, a été marqué par la conférence publique intitulée “Pouvez-​vous vivre à jamais dans le bonheur sur la terre?” Cette conférence avait reçu une grande publicité. Au total, 123 707 personnes ont afflué au Yankee Stadium ou bien se sont rassemblées dans le camp de caravanes, aménagé à 64 kilomètres du stade, pour écouter le président Knorr exposer de nombreux faits bibliques qui répondaient affirmativement à cette question. Il ne subsistait plus le moindre doute! D’ailleurs, par ses fréquents applaudissements enthousiastes, cette vaste assemblée a su montrer qu’elle n’avait aucun doute à ce sujet.

      LE NOUVEAU BÉTHEL ET LA NOUVELLE IMPRIMERIE ATTIRENT LES FOULES

      Mais voilà que la foule n’avait aucune envie de s’en aller. En effet, de nombreux congressistes sont restés, si bien qu’on a pu voir, pendant les jours suivants, des milliers de frères répondre à l’invitation cordiale de la Société. C’est en foule qu’ils se sont rendus au Béthel, vivement intéressés par les nouveaux locaux de la Société. Ils n’ont pas été déçus: la magnifique annexe du Béthel, au 124 Columbia Heights, et l’imprimerie, énormément agrandie et située au 117 Adams Street, dépassaient toute leur attente. Combien ils étaient heureux d’avoir approuvé avec un si grand enthousiasme le programme d’expansion annoncé par le président, le jeudi 6 août 1946, lors de l’Assemblée théocratique des nations joyeuses, à Clevelandk!

      THOMAS: A-​t-​on construit une imprimerie entièrement nouvelle?

      JEAN: Oui et non; en réalité, on a construit une annexe à l’ancien bâtiment, mais de façon que toute la construction, une fois achevée, ne forme qu’un seul corps. D’abord, il avait fallu acheter la propriété attenante à l’ancien bâtiment et démolir les maisons qui s’y trouvaient après les avoir fait évacuer. Les travaux de terrassement pour la construction de la nouvelle imprimerie ont commencé le 6 décembre 1948, si bien que les fondations ont pu être posées en janvier 1949. Ce nouveau bâtiment, qui est venu s’ajouter à l’imprimerie existante, est en béton et compte huit étages, de sorte que l’imprimerie ainsi agrandie occupe à présent tout l’espace compris entre les rues Adams et Pearl, Prospect et Sands. Grâce à cette nouvelle annexe, la surface de travail primitive se trouvait presque doublée.

      Le Béthel avait, lui aussi, besoin d’être agrandi en conséquence. De plus, la ville envisageait la construction d’une autoroute surélevée à deux niveaux, réservée aux véhicules à moteur, et ayant une promenade. Par conséquent, la propriété de la Société a été amputée sur une largeur de quinze mètres du côté de la rue Furman, et il a fallu démolir pour cela une partie du Béthel qui datait de 1911. Par contre, le bâtiment datant de 1927 est resté intact, et la nouvelle construction, achevée en 1950, a été élevée sur un terrain contigu donnant sur la rue Columbia Heights et que la Société avait acheté au sud de ces bâtiments. Ce nouveau et magnifique Béthel occupe une surface de 30m.50 sur 61, compte neuf étages et s’élève à 43m.50 de hauteur. Les deux sous-sols abritent la nouvelle cuisine et la salle à manger, ainsi que d’autres locaux remplaçant ceux qui ont été démolis avec l’ancien bâtiment. Maintenant, le nouveau bâtiment du Béthel s’étend le long de Columbia Heights, entre les rues Orange et Pineapple. Il permet désormais de loger 450 personnes à raison de deux par chambrel.

      C’est à la même époque que l’émetteur WBBR a été agrandi et sa puissance augmentée. Mais déjà auparavant, la Société avait installé un nouveau matériel de transmission sur sa ferme de Staten Island. Trois nouveaux pylônes en acier, d’une hauteur de 125 mètres, y avaient été élevés. Le soir du mardi 25 mai 1948, à 19 heures, l’ancien émetteur a quitté les ondes pour toujours, et c’est le nouveau matériel, portant la puissance de 1 000 à 5 000 watts, qui est entré en fonction pour émettre le programme dans toute la zone métropolitaine de la ville de New York et de sa banlieue, région très peuplée mais jusque-​là hors de sa portée. Le Béthel de Brooklyn ayant reçu une nouvelle annexe, de nouveaux studios de radiodiffusion y ont été installés, si bien que le dimanche 12 mars 1950, à 8 heures du matin, l’émetteur WBBR a pu commencer ses émissions depuis ces nouveaux studios; le président de la Société présenta le texte quotidien puis, après un intermède musical, un commentaire détaillé tiré de La Tour de Gardea. L’inauguration du nouveau Béthel avait eu lieu le 30 janvier 1950, et celle de la nouvelle imprimerie a pu se faire le 3 avril de la même annéeb. La Salle du Royaume, peinte avec goût, comptait 500 places assises et servait aux réunions de la famille du Béthel et de la congrégation locale. Au-dessous, la grande salle à manger, avec les cuisines contiguës, pouvait recevoir 450 personnes. Au septième étage, il y avait une bibliothèque bien agencée et dotée de petits cabinets de travail réservés à quelques membres du personnel de la rédaction, tandis que les bureaux du trésorier et du service des affaires juridiques se trouvaient au huitième étage. Les bureaux administratifs du président de la Société étaient installés au neuvième étage.

      UNE SOCIÉTÉ PRODUCTRICE DE BIBLES

      LOÏS: Thomas et moi-​même espérons avoir un jour l’occasion de visiter le siège de votre Société. Mais pour l’instant pourriez-​vous nous parler un peu plus longuement de la Traduction du monde nouveau, dont la parution a été annoncée à ce congrès? À d’autres occasions, vous nous avez dit en passant que la Société a publié des éditions de la version du roi Jacques (angl.) et de l’American Standard Version, et vous aviez promis de nous en dire davantage à leur sujet. Pouvez-​vous le faire à présent? Vous nous avez dit aussi un jour que ce n’étaient pas les premières Bibles produites par la Société, n’est-​ce pas?

      JEAN: Parfaitement, car la Société a toujours été, en premier lieu, une société biblique. Quand le président a annoncé la parution des Écritures grecques chrétiennes — Traduction du monde nouveau, le mercredi 2 août 1950, il a attiré l’attention sur ce fait important dans son discours, en disant:

      Depuis sa formation, la Watch Tower Bible & Tract Society a employé la version du roi Jacques de 1611, comme version de base pour l’étude de la Bible. Notre but principal a été de rendre clairs aux personnes les purs enseignements de la Bible à la lumière des prophéties révélées. Nous cherchons à progresser avec la lumière croissante de la vérité et à nous débarrasser de toutes les traditions des hommes et des philosophies païennes de ce monde, qui plongent dans les ténèbres. Lorsqu’elle fut formée en 1881, la Société fut appelée la Watch Tower Tract Society pour attirer l’attention sur son but consistant à répandre les vérités bibliques révélées. (The Watchtower, avril 1881, angl.) En 1884, elle fut enregistrée sous le nom de Zion’s Watch Tower Tract Societyc, mais en 1896 elle fut appelée Watch Tower Bible & Tract Societyd. Fidèle à son nom, elle distribua des Bibles et publia des livres, des brochures et d’autres feuilles pour l’expansion d’une connaissance chrétienne, basée sur les enseignements solides de la Parole de Dieu. L’enseignement biblique qu’elle donnait aux personnes n’a pas été sectaire, et seul ce genre d’enseignement permet au chrétien de se dégager des traditions religieuses, des philosophies de ce monde et de retourner à la “foi transmise aux saints une fois pour toutes”. Ainsi, depuis le moment de la publication du périodique The Watchtower, en 1879, jusqu’à présent, les publications anglaises de la Watch Tower Society ont noté, cité (et se sont reportées à) plus de soixante-dix traductions bibliques en anglais et en d’autres langues. Ainsi la Société a reconnu la valeur de toutes ces traductions et a employé ce qu’elles ont de bien, afin de mettre en valeur le véritable message de Dieu et de rejeter la confusion religieusee.

      Nous avons déjà appris qu’au début la Société n’imprimait même pas ses propres livres cartonnés, écrits pour expliquer la Bible. En effet, aucune Bible ne s’imprimait à l’époque sur les presses de la Société. Toutefois, en 1896 déjà, celle-ci avait fait imprimer une Bible portant sur la page de titre le nom de “Watch Tower Bible and Tract Society, Allegheny, Pa. [Pennsylvanie], USA.” Il s’agissait du Nouveau Testament de Joseph B. Rotherham, douzième édition revue.

      Dans La Tour de Garde (angl.) du 15 juillet 1901, la Société a proposé de faire imprimer une Bible avec de larges marges où figuraient en regard de chaque verset des renvois appropriés, se rapportant aux cinq volumes de L’Aurore du Millénium, aux Figures du Tabernacle et au Phare de la Tour de Sion (angl.) des années 1895 à 1901. À cet effet, il a été décidé d’utiliser la “Holman Linear Bible” qui contenait les versions Autorisée et Révisée (angl.) de l’“Ancien” et du “Nouveau Testament”. Le texte de cette Bible a été disposé de manière à présenter les variantes existant entre ces deux versions. Les mots et les phrases identiques étaient reproduits sur une même ligne en gros caractères, tandis que toutes les différences figuraient dans des lignes doubles en caractères plus petits, la version Autorisée se trouvant au-dessus de la version Réviséef.

      La Société a fait imprimer à un bon prix 5 000 exemplaires de cette édition spécialeg. En avril 1902, elle avait déjà pu en écouler un millierh, si bien qu’au début de mai le siège de la Société recevait les premières lettres de remerciementsi. Le premier jour de l’année suivante, en 1903, toute cette édition de cinq mille exemplaires était épuiséej.

      UNE SOCIÉTÉ QUI IMPRIME DES BIBLES

      Bien entendu, dans tous ces cas, la Société avait fait simplement imprimer ces Bibles à son nom, car elle-​même ne possédait pas les clichés et elle ne pouvait imprimer des Bibles dans sa propre imprimerie. Le premier pas que la Société Watch Tower a dû faire en vue de produire elle-​même des Bibles a été décrit par le président dans son discours intitulé “Donner aux peuples une langue pure”, et qu’il a prononcé au congrès de 1950:

      En 1902, la Watch Tower Society fit l’acquisition de ses premières plaques [clichés] pour l’impression des Écritures et put devenir une société imprimant la Bible. C’étaient les [clichés] d’une traduction des Écritures grecques chrétiennes, connue sous le nom de “The Emphatic Diaglott”. Cette dernière a été publiée pour la première fois en 1864 par son auteur, Benjamin Wilson, un éditeur de journaux de Geneva, Illinois, qui ne fut jamais associé à la Watch Tower Bible & Tract Society. Cette traduction accentuée avait quelques caractéristiques remarquables qui tendaient vers une meilleure compréhension de la vérité. Cependant, ce ne fut pas avant le 21 décembre 1926 que The Emphatic Diaglott fut imprimée sur les presses de la Société et reliée dans une imprimerie lui appartenant.

      Cela amena la Société à vouloir imprimer la Bible entière sur ses presses. La Deuxième Guerre mondiale accentua encore la nécessité de publier des Bibles en ne dépendant de personne. Pendant les malheurs de ce conflit mondial, la Société parvint à se procurer les [clichés] composant la Bible complète selon la version du roi Jacques. Le 18 septembre 1942, l’Assemblée théocratique du monde nouveau des témoins de Jéhovah s’ouvrit avec son congrès principal à Cleveland, Ohio. C’est là que le président de la Société parla sur le sujet “Présenter ‘l’épée de l’esprit’”, et comme point capital, il lança cette première Bible imprimée sur nos presses. Dans son appendice se trouvent de nombreuses caractéristiques utiles pour l’étude de la Bible. En Amérique, 35 000 exemplaires furent immédiatement distribués et depuis, 700 000 exemplaires de cette édition de la Watch Tower furent distribués dans beaucoup de pays.

      Une excellente traduction de la Bible, du vingtième siècle, est l’American Standard Version. Non seulement elle est de beaucoup supérieure à la version du roi Jacques, mais elle a encore la caractéristique remarquable et appréciable de rendre le nom de Dieu par “Jéhovah” aux 6 823 endroits où il apparaît dans les Écritures hébraïques. Après de longs pourparlers et par un arrangement financier, la Watch Tower Society fut à même, en 1944, d’acheter l’emploi des [clichés] de la Bible complète de l’“American Standard Version”, pour l’imprimer sur ses presses avec comme appendice une aide spécialement préparée pour l’étude de la Bible. Le 10 août 1944, à Buffalo, New York, la ville centrale des 17 assemblées simultanées des témoins de Jéhovah, reliées entre elles par des lignes téléphoniques privées, le président de la Société réjouit son vaste auditoire en lançant l’édition de la Watch Tower de l’American Standard Version. À l’heure actuelle, 252 000 exemplaires en ont déjà été édités et se sont [révélés] être des instruments supplémentaires pour une vaste proclamation du saint nom de Dieu et la publication de la grande nouvelle de son Royaume du monde nouveau de vie et de paix.

      PRÉPARATION ET PUBLICATION DE LA “TRADUCTION DU MONDE NOUVEAU”

      Nous reconnaissons notre dette envers toutes les versions de la Bible que nous avons employées pour arriver à la vérité de la Parole de Dieu que nous possédons aujourd’hui. Nous ne déconseillons l’emploi d’aucune de ces versions de la Bible, mais nous-​mêmes continuerons à les employer d’une manière appropriée. Cependant, au cours de toutes les années pendant lesquelles nous nous en sommes servis, nous les avons toutes trouvées défectueuses, même la plus récente. Que ce soit sur un point vital ou sur un autre, elles sont illogiques ou laissent à désirer, altérées par des traditions religieuses ou par des philosophies de ce monde et, par conséquent, en désaccord avec les vérités sacrées que Jéhovah a révélées à son peuple dévoué qui invoque son nom et qui cherche à le servir d’un commun accord. Cela fut spécialement vrai dans le cas des Écritures grecques chrétiennes qui éclairent et donnent une interprétation convenable des anciennes Écritures hébraïques. Le besoin d’une traduction en langage moderne, en harmonie avec la vérité révélée, et nous donnant cependant la base permettant d’acquérir d’autres vérités par la présentation fidèle du sens des originaux, se faisait de plus en plus sentir, une traduction aussi compréhensible aux lecteurs actuels que l’étaient les écrits originaux des disciples de Christ pour les lecteurs simples, ordinaires, communs et humbles de leur temps. Jésus nous rappela que notre Père céleste connaît les besoins de ses enfants, avant même qu’ils ne les lui présentent. Comment a-​t-​il pourvu à ce besoin impérieux que nous ressentions?

      Depuis 1946 spécialement, le président de la Watch Tower Bible & Tract Society était en quête d’une telle traduction des Écritures grecques chrétiennes. Le 3 septembre 1949, à 8 heures, aux bureaux principaux de Brooklyn (Béthel), le président de la Société convoqua une réunion unique des comités directeurs des sociétés pennsylvanienne et de New York, un seul des directeurs étant absent. Après l’ouverture de la réunion par la prière, le président annonça à ces huit autres directeurs l’existence d’un “Comité de traduction de la Bible du monde nouveau” et que ce dernier avait terminé une traduction des Écritures grecques chrétiennes. Celle-ci avait été donnée et soumise au contrôle de la Watch Tower Bible & Tract Society, société de Pennsylvanie, la veille seulement. Il lut le document par lequel le comité destinait le manuscrit de la traduction à la Société, en reconnaissance de son œuvre non sectaire consistant à répandre la Parole sacrée de Dieu, à faire progresser la connaissance et la compréhension de ses enseignements parmi [les hommes] de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue, et afin que cette traduction puisse être un nouveau moyen d’étendre ses activités d’éducation chrétienne dans le monde entier.

      Le président lui-​même avait lu le manuscrit et sur la demande de l’assemblée, il lut plusieurs chapitres entiers pour permettre aux directeurs de voir la nature de la traduction. Cette lecture fut suivie de commentaires favorables de la part de tous les directeurs présents. L’un des directeurs de la Société pennsylvanienne proposa alors que la Société accepte le don. Cette proposition fut appuyée. Elle fut unanimement adoptée par tous les directeurs de la Société et ainsi, la traduction devint légalement la propriété de la Société pennsylvanienne. Mais elle devait être imprimée à l’imprimerie de la Société de New York, à Brooklyn, N. Y. Le 29 septembre 1949, le président transmit la première partie du manuscrit à l’imprimerie de Brooklyn afin d’en commencer le travail.

      Avec tous les autres travaux devant être accomplis par l’imprimerie, et avec toutes les adjonctions spéciales que le comité prépara pour accompagner la traduction, un immense travail était nécessaire pour produire la publication complète. Un groupe de 40 membres de la famille des bureaux principaux de Brooklyn (Béthel) fut organisé pour faire une dernière correction et vérifier l’exactitude des points caractéristiques de la publication. Le 9 février 1950, le Comité de traduction de la Bible du monde nouveau nous soumit son importante Préface de la traduction. Depuis longtemps s’était posé le problème de savoir si le travail allait être accompli en temps voulu pour l’événement principal de l’été 1950k.

      Cet exploit a été réalisé, comme nous l’avons déjà vu tout à l’heure, et cette nouvelle traduction a été reçue avec le plus grand enthousiasme et une profonde gratitude par l’immense multitude comptant plusieurs dizaines de milliers de personnes accourues de soixante-douze pays de la terre pour assister à ce congrès. Ainsi, l’après-midi même de sa parution, les congressistes se sont empressés de s’en procurer des dizaines de milliers d’exemplaires, et d’autres milliers encore avant le 6 août, dernier jour du congrès.

      CARACTÉRISTIQUES DE LA “TRADUCTION DU MONDE NOUVEAU”

      LOÏS: Pourquoi l’a-​t-​on appelée une traduction des “Écritures grecques chrétiennes”?

      JEAN: Parce que ce terme, plus exact et plus biblique, est plus approprié pour désigner le recueil des livres de la Bible allant de Matthieu à la Révélation, et qu’on a l’habitude d’appeler le “Nouveau Testament”. Voyez-​vous, cette nouvelle traduction voulait s’éloigner complètement des traditions religieuses de la chrétienté, laquelle est prisonnière de ses croyances. D’ailleurs, il est antibiblique et trompeur d’appeler “Nouveau Testament” les vingt-sept livres chrétiens des Écritures inspirées.

      THOMAS: Cette traduction était-​elle une révision de la version du roi Jacques et de la Version standard américaine?

      JEAN: Non, il s’agissait d’une traduction tout à fait nouvelle, faite d’après le texte original grec établi par Westcott et Hort, deux érudits anglais mondialement reconnus. Mais le comité de traduction a également consulté des textes grecs dus aux érudits d’autres pays. Toutes les tournures et les expressions archaïques et désuètes en ont été bannies, d’autant plus que les Écritures originales ont été écrites dans le langage naturel que les gens utilisaient à l’époque. Mais on s’est efforcé d’arriver à une traduction aussi littérale que possible. Il en résulte une meilleure intelligence du texte et, par conséquent, un plus grand plaisir à lire cette traduction.

      L’un des points essentiels qui a soulevé une certaine controverse parmi les traducteurs modernes et les chefs religieux de la chrétienté, c’est que cette traduction des Écritures grecques chrétiennes emploie le nom que Dieu s’est donné lui-​même. En effet, le nom divin est représenté dans la Bible par un mot hébreu de quatre lettres, appelé “tétragramme” par Jérôme, traducteur latin. Or, ce nom figure 6 823 fois dans les anciennes Écritures hébraïques, et quoique personne ne sache avec certitude comment le prononcer correctement, les anciens documents attestent que ce nom se lisait “Jéhovah” dès le douzième siècle de notre ère et qu’il a été rendu populaire dans la chrétienté sous cette forme-​là. C’est donc sous cette forme qu’il est utilisé 237 fois en tout dans le corps du texte des Écritures grecques chrétiennes, sans parler des soixante-douze fois supplémentaires où il figure dans les notes en bas de page.

      “Mais vous ne pouvez pas faire ça!”, s’est écrié un critique à qui on lisait le manuscrit de cette traduction pour connaître ses commentaires. Le comité, dans sa préface de vingt-neuf pages, montre qu’il y a des raisons valables pour le faire, et il l’a faitl.

      LOÏS: Qui faisait partie de ce comité qui a traduit la Bible?

      JEAN: On l’ignore, car les membres de ce comité ont demandé à rester anonymes même après leur mort.

      LES RECUEILS DE CANTIQUES DE LA SOCIÉTÉ

      LOÏS: En tout cas, moi, je suis contente d’avoir mon exemplaire de cette traduction. Elle rend la lecture de la Bible effectivement plus compréhensible et plus agréable. Mais qu’en est-​il du recueil de cantiques qui a été publié à ce congrès? Je me rappelle vaguement que vous avez mentionné un autre recueil dont la parution a été annoncée à un congrès antérieur.

      JEAN: En effet, la Société a déjà eu plusieurs recueils de cantiques. Le premier, utilisé en 1879, s’appelait Cantiques de l’Épousea. Puis, en 1890, la Société en a publié un autre intitulé “Poèmes et hymnes de l’aurore du Millénium”. Celui-ci contenait “151 poèmes religieux et 333 hymnes choisis”, publiés sans musique. Si la plupart étaient l’œuvre d’écrivains bien connus, quelques-uns avaient cependant été écrits par les témoins eux-​mêmes. L’édition de 1890 a été suivie de plusieurs autres, dont l’une ne contenait que les poèmesb.

      En 1896, un numéro entier de La Tour de Garde (angl.) a été consacré aux cantiques, aux paroles et à la musique écrits par des témoins. Il s’agissait de celui du 1er février 1896, et les onze cantiques qu’il contenait avaient pour titre “Cantiques joyeux du matin de Sion”. Ensuite, en 1900, la Société a publié un recueil broché de quatre-vingt-deux cantiques dont la plupart ont été écrits par le même frère et placés sous le titre “Cantiques joyeux de Sion”. Commentant cette parution, La Tour de Garde précisait:

      Loin de nous l’idée que le nouveau recueil vienne remplacer l’ancien; car de nombreux beaux hymnes anciens ne peuvent être égalés par les nouveaux, tant en paroles qu’en musique. Il s’agit plutôt d’un supplément, et comme tel nous vous le recommandons à tous. Notre première édition de 6 000 exemplaires est maintenant prête, et les commandes seront satisfaites dès leur réceptionc.

      La Société a abandonné ce recueil dès 1909d.

      C’est peut-être le recueil de cantiques publié par la Société en 1906 qui a été le premier à avoir une certaine importance. Il s’appelait “Hymnes de l’aurore du Millénium” et contenait le même choix de 333 hymnes que le recueil publié en 1890, mais avec de la musique. Les droits d’auteur de ce recueil ont été acquis en 1905, et l’avant-propos a été rédigé en juillet de la même année. Toutefois, ce n’est pas avant avril 1906 qu’il a pu être publiée. Les paroles de ce recueil n’ont été changées que pour supprimer des erreurs de doctrine qui avaient cours dans les systèmes religieux auxquels elles avaient été empruntées. En 1909, ces hymnes ont été publiés en format de poche, sans musique, à l’intention des frères lors des congrès et des réunionsf.

      En 1924, les frères ont jugé utile de produire un recueil de cantiques spécialement pour enfants. La préface est datée de juin 1924, mais ce n’est qu’en 1925 que les droits d’auteur en ont été acquis, si bien qu’on n’a pu commencer à le distribuer qu’au début de 1926. Il s’agissait là d’un petit recueil relié en carton fort, qui renfermait quatre-vingts cantiques avec de la musique. Il avait pour titre “Hymnes du Royaumeg”.

      L’année 1928 a vu la parution d’un recueil tout à fait nouveau contenant 337 cantiques et appelé “Cantiques de louanges à Jéhovah”. Outre de nombreux cantiques nouveaux écrits par les témoins, celui-ci contenait encore beaucoup d’anciens hymnes des recueils de cantiques antérieurs que les frères connaissaient bienh.

      Nous avons mentionné déjà le Recueil de cantiques pour le service du Royaume qui avait une couverture rouge. Celui-ci contenait soixante-deux cantiques, et sa parution a été annoncée le mercredi 9 août 1944 lors de l’Assemblée théocratique des prédicateurs unis, tenue à Buffalo, dans l’État de New Yorki.

      LOÏS: Je m’en souviens. Vous nous avez dit à ce propos qu’on s’est remis à chanter davantage dans les congrégations à la suite de cette assemblée, en se servant du nouveau recueil de cantiques.

      JEAN: C’est juste. Le chant avait été auparavant une partie agréable des réunions; voilà pourquoi les frères étaient heureux d’avoir ce nouveau recueil de cantiques, et d’appliquer les dispositions prises par la Société pour qu’on s’en serve. Celui-ci renfermait un certain nombre de cantiques originaux.

      Quant au nouveau recueil de quatre-vingt-onze cantiques, publié le dimanche 30 juillet 1950, premier jour de l’Assemblée pour l’accroissement de la Théocratie, il contenait beaucoup plus de compositions originales dues aux témoins de Jéhovah pour exprimer en paroles et en musique leur manière d’adorer Dieu, laquelle différait complètement de la religion apostate: ces cantiques leur rappellent sans cesse qu’ils occupent une place exclusive dans les desseins divins.

      LOÏS: Que s’est-​il produit en 1951? Je ne pense pas que vous ayez eu si tôt un nouveau congrès international.

      JEAN: Bien sûr que non. Dans ses paroles finales au congrès international de 1950, tenu au Yankee Stadium, le président de la Société a annoncé que, pendant l’été de 1951, la famille internationale des témoins de Jéhovah se réunirait en Europe, en une série d’assemblées, et que tous devraient immédiatement commencer à faire des préparatifs pour y assister. C’est ce que beaucoup de frères ont fait, et quand l’année 1951 est venue, sans conflit mondial pour entraver les transports, ce rassemblement a eu lieu grâce aux Assemblées pour l’adoration pure.

      [Notes]

      a a w 1942, p. 295.

      b b Report of the Theocracy’s Increase Assembly of Jehovah’s Witnesses, 6 août 1950, pp. 4-9.

      c c Voir Report of the Theocracy’s Increase Assembly of Jehovah’s Witnesses, 30 juil. au 6 août 1950.

      d d La Société a publié auparavant, en 1939, Order of Trial (Informateur [angl.], juil. 1939), Advice for Kingdom Publishers (Informateur [angl.], nov. 1939), puis en 1940 le feuillet Law Abiding (Informateur [angl.], nov. 1940), en 1941 Jehovah’s Servants Defended (Informateur [angl.], sept. 1941) et en 1943 Freedom of Worship (Informateur [angl.], déc. 1943).

      e e w 1941 p. 275, § 2; w 1942, p. 124, § 40; p. 133, § 13; wF 1939 p. 5, § 13.

      f f Report of the Theocracy’s Increase Assembly, 8 août 1950, p. 3.

      g g wF 1951, p. 123.

      h h wF 1951, p. 122.

      i i Ibid., pp. 122, 123.

      j j Ibid., p. 124.

      k k The Messenger, 12 août 1946, p. 28.

      l l wF 1950, p. 347; Report of the Theocracy’s Increase Assembly, 8 août 1950, p. 6.

      a m wF 1950, pp. 347, 348, 349.

      b n Annuaire (angl.) 1951, pp. 33-35.

      c o w janv. 1885, p. 1.

      d p Statuts de la Watch Tower Bible and Tract Society, pp. 4, 5.

      e q wF 1951, p. 23.

      f r w 1901, pp. 238, 239.

      g s w 1902, p. 98.

      h t Ibid., p. 130.

      i u Ibid., pp. 158, 159.

      j v w 1903, p. 50.

      k w wF 1951, pp. 23, 24.

      l x Les Écritures grecques chrétiennes — Traduction du monde nouveau (angl.), “Préface”, pp. 5-27; wF 1951, pp. 22-27.

      a y w sept. 1879, p. 5.

      b z w sept. 1890, p. 1; Hymns of the Millennial Dawn (1905), “Avant-propos”.

      c aa w 1900, p. 274.

      d bb w 1909, p. 18.

      e cc w 1905, p. 338; w 1906, p. 98.

      f dd w 1909, pp. 18, 82.

      g ee L’Âge d’Or (angl.), Vol. VII, 10 fév. 1926, p. 320.

      h ff w 1928, p. 18.

      i gg Annuaire (angl.) 1945, p. 71.

      [Illustrations, page 254]

      VUES INTÉRIEURES DU BÉTHEL. EN HAUT À GAUCHE: LA BIBLIOTHÈQUE; À DROITE: LA SALLE À MANGER; EN BAS: LA SALLE DU ROYAUME.

  • L’unité internationale consolide la société d’un monde nouveau
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 33

      L’unité internationale consolide la société d’un monde nouveau

      JEAN: Le congrès qui a inauguré la série des Assemblées pour l’adoration pure a eu lieu à Londres, du 1er au 5 août 1951, au célèbre stade de Wembley, où s’est réunie une foule de témoins représentant quarante nations, venus en train, en voiture, par mer et par air. L’assemblée a atteint son point culminant lorsque le président de la Société a prononcé, devant un auditoire de 36 315 personnes, le discours public intitulé “La religion résoudra-​t-​elle la crise mondiale?”

      Bien qu’à ce congrès les discours aient été donnés essentiellement en anglais, on avait également prévu des sessions en allemand, en danois, en finnois, en français, en néerlandais, en norvégien et en suédois. Les réunions, qui ont été édifiantes et bien suivies, ont illustré le caractère international du congrès: tous les frères s’y côtoyaient librement, unis par les liens d’une amitié internationale. Dans toute la ville de Londres, on pouvait reconnaître les congressistes au bel insigne qu’ils avaient épinglé à leurs revers, non seulement pour indiquer qui ils étaient, mais aussi pour annoncer la conférence publique.

      Le thème de chaque discours présenté à ce congrès faisait ressortir le côté pratique de l’adoration pure de Dieu, ainsi que la nécessité de faire de la prédication de sa Parole notre carrière, notre profession. Les renseignements, les conseils et les instructions donnés alors ont répondu à un besoin essentiel en montrant à chaque auditeur comment améliorer son mode de vie. Les discours et les démonstrations axés sur la prédication et l’enseignement qui ont été présentés ont transformé le stade, pendant cinq jours, en un vaste centre d’éducation et de formation, et ont préparé tous ceux qui y ont assisté à un service accru et plus efficace. Bien entendu, le programme prévu pour le congrès de Londres a été repris, en grande partie, dans les villes où se sont tenues par la suite les autres assemblées de cette série.

      Le congrès de Londres a donc débuté le mercredi 1er août sur une note optimiste. En effet, le président de la Société a engagé ses auditeurs à imiter Jéhovah, “le plus grand optimiste de l’universa”. Puis, après ces paroles encourageantes, l’orateur a annoncé la parution de quatre nouveaux tracts intitulés “Quelles sont les croyances des témoins de Jéhovah?”, “Le feu de l’enfer — vérité biblique ou épouvantail païen?”, “Les témoins de Jéhovah: communistes ou chrétiens?” et “Réveillez-​vous de votre sommeil!”

      Le vendredi 3 août, la presse a publié de nombreux comptes rendus sur le baptême qui a eu lieu au magnifique Ruislip Lido, où 1 123 personnes se sont fait baptiser. Le même soir le président de la Société a montré d’une façon pratique comment nous pouvons renouveler notre esprit pour nous mettre en harmonie avec le nouvel ordre de choses tout procheb.

      Le samedi, le discours prononcé par le président sur le thème “Le triomphe de l’adoration pure et sans tache” a été accueilli avec enthousiasme et a atteint son apogée lors de l’annonce de la parution du nouveau livre La religion a-​t-​elle servi l’humanité?

      Le soleil commençait à percer à travers les nuages, lorsque le dimanche après-midi 5 août des milliers de Londoniens — y compris quelques membres de la haute société — affluèrent comme des fourmis au stade de Wembley pour assister à ce qui allait être le point culminant de cette grande assemblée. Cette journée était placée sous le thème “Louez Jéhovah le Roi”, et le discours que les congressistes et leurs amis, au nombre de 36 315, étaient venus écouter était tout indiqué pour qu’ils puissent le faire. “La religion résoudra-​t-​elle la crise mondiale?” — c’est ce thème d’une actualité brûlante que le président de la Société avait choisi, et la réponse franche qu’il a donnée à cette question a comblé de joie et d’enthousiasme son public, qui a été très réceptif. À la fin de la session, on a présenté une brochure reproduisant le texte de la conférence; il y en avait 500 000 exemplaires à la disposition des auditeurs, qui purent ainsi en recevoir gratuitement autant qu’ils en voulaient pour les distribuer ensuite à d’autres personnesc.

      LES ASSEMBLÉES POUR L’“ADORATION PURE” SE SUCCÈDENT

      De Londres, un grand nombre de témoins ont fait route vers le continent pour participer aux assemblées suivantes et rencontrer des milliers de leurs frères qui n’avaient pu se rendre en Grande-Bretagne. La première semaine, du 9 au 12 août, ils se sont arrêtés à Paris, au Palais des Sports, où la conférence publique a rassemblé 10 456 personnes. Des délégués de vingt-huit pays étaient présents à ce congrès tenu, pour la première fois depuis quatorze ans, à l’intention des témoins de Jéhovah de toute la France. Le vendredi 10 août, il y a eu 351 baptêmes. Pendant quatre jours ce congrès a été une fête théocratique enthousiaste et instructive, rehaussée encore le samedi par la publication en français du livre “Équipé pour toute bonne œuvre”.

      Ensuite, il y a eu deux assemblées d’un jour: la première à Luxembourg, le mardi 14 août, et la seconde à Bruxelles, le jeudi 16. À ces deux assemblées, on a noté la présence du président de la Société et de quelques-uns de ses compagnons de voyage. Puis les Pays-Bas ont eu, à leur tour, leur assemblée pour l’adoration pure. Celle-ci s’est tenue à Rotterdam à l’Ahoy Gebouw, l’arène des sports, du 17 au 19 août. Le dimanche 19 août, 285 personnes se sont fait baptiser, tandis que les deux jours précédents les frères de ce pays avaient eu la joie de recevoir deux nouvelles publications en néerlandais: la brochure Pouvez-​vous vivre à jamais dans le bonheur sur la terre? et le périodique Réveillez-vous!, ainsi que la promesse de la parution prochaine du livre C’est ici la vie éternelle! On avait pourvu de paille six grandes tentes pour héberger 3 600 congressistes. Grâce à une bonne publicité, la conférence publique a réuni le dimanche un auditoire de 10 775 personnes, ce qui constitue le plus grand rassemblement que la Société ait jamais enregistré dans ce paysd.

      L’assemblée de Francfort-sur-le-Main, en Allemagne, qui a eu lieu du 24 au 26 août 1951, a été très agréable, et pendant les trois jours elle a rappelé un peu la vie dans les bois. En vue de ce congrès, le plus grand ayant jamais eu lieu en Allemagne, on avait loué le vaste stade des sports, ainsi que le vélodrome avoisinant pour avoir des places supplémentaires. Il a fallu de longs préparatifs pour organiser cette assemblée gigantesque, et 4 901 travailleurs volontaires ont contribué à en faire un immense succès.

      Au Stadtwald, un bois situé à proximité du stade, on avait aménagé trois grands campements traversés par des artères portant des noms bibliques. Plusieurs des tentes immenses qu’on avait dressées étaient affectées aux divers services du congrès: c’était le cas pour la “cafétéria”, où une locomotive fournissait la vapeur nécessaire aux installations de la cuisine, si bien qu’il a été possible de servir 30 000 repas à l’heure. Cependant, la ville de toile était réservée en majeure partie au logement de 27 000 congressistes pour qui on n’avait plus trouvé de place dans les hôtels ou chez les particuliers à Francfort même. Les frères ont manifesté leurs dons pour la musique en créant un orchestre de 150 musiciens pour agrémenter le congrès et diriger les cantiques.

      Un programme identique à celui du congrès de Londres a été présenté à cette assemblée. Mais là les frères ont eu la joie de recevoir, le samedi après-midi 25 août, l’édition allemande du livre “Équipé pour toute bonne œuvre”. Le matin même, 2 373 personnes ont été baptisées. La presse et la radio ont fait une excellente publicité pour le congrès, y compris la conférence publique du dimanche, au cours de laquelle l’assemblée a atteint son point culminant avec une assistance de 47 432 personnes.

      L’accueil chaleureux des frères allemands s’est manifesté à la fin du programme, lorsqu’ils ont entonné spontanément et à pleine voix un chant d’adieu recommandant à Jéhovah leurs compagnons venus de vingt-quatre pays pour prendre part avec eux à la fête théocratique. On en voyait un grand nombre agiter leur mouchoir, et soudain, au moment où le président a quitté l’estrade, c’est par centaines que ces frères enthousiastes, cédant à un mouvement de reconnaissance bien émouvant, ont franchi les clôtures, traversé le terrain, rejoint l’orateur et l’ont entouré en rangs serrés. Ce n’est qu’un bon moment plus tard qu’il a pu rejoindre le bureau du congrès situé dans la tribune, non pas dans l’intention de rentrer chez lui, mais plutôt pour rester encore un peu sur place et prendre congé des congressistese.

      ILS FRANCHISSENT CLANDESTINEMENT LE RIDEAU DE FER

      L’œuvre des témoins de Jéhovah ayant été interdite par les communistes en Allemagne de l’Est le 30 août 1950, seuls quelque cinq cents frères est-allemands ont eu la possibilité d’assister au congrès de Francfort. C’est pourquoi on a organisé pour le mardi 28 août 1951 une assemblée spéciale d’un jour à Berlin Ouest; plusieurs orateurs qui avaient pris la parole à Francfort sont venus y présenter un résumé des principaux discours et d’autres points intéressants. Cette assemblée a eu lieu dans un agréable amphithéâtre en plein air, la Waldbühne, où 13 563 personnes ont écouté un programme encourageant de quatre heures. Parmi ces congressistes pleins d’enthousiasme, on a évalué à 8 000 le nombre de ceux venus de la zone orientale communiste. Ces frères buvaient littéralement les paroles que leur ont adressées, entre autres orateurs, le président de la Société et le serviteur de la filiale ouest-allemande; ils ont applaudi à maintes reprises en faveur de la liberté, ainsi que pour désapprouver les méthodes dictatoriales appliquées contre les témoins de Jéhovah.

      À cette assemblée aussi, quand le moment est venu pour eux de se séparer, les frères ont chanté de tout cœur des cantiques d’adieu et ont exprimé leur amour et leur reconnaissance avec des sourires de satisfaction spirituelle. De plus, au lieu de demeurer à Berlin Ouest pour jouir d’une plus grande liberté, ils sont au contraire retournés derrière le rideau de fer pour continuer leur ministère, faisant véritablement preuve de courage et de dévouement pour leur mission théocratiquef.

      La campagne de 1951 s’est alors poursuivie par les congrès du nord et du centre de l’Europe. À l’assemblée de Copenhague, qui s’est tenue du 31 août au 2 septembre, 259 personnes se sont fait baptiser, et le dimanche la conférence publique a réuni 6 912 personnes. Au double congrès de Vaasa, le 5 septembre, et de Helsinki, du 7 au 9, en Finlande, on a compté en tout 170 baptêmes et une assistance totale de 5 750 personnesg. L’assemblée suivante a eu lieu à Stockholm, du 14 au 16 septembre, avec 6 211 assistants et 141 baptisés. À Lillehammer, en Norvège, 89 personnes ont reçu le baptême le samedi, et 2 391 sont venues le dimanche à la conférence publique, dans le cadre de l’assemblée qui s’y est tenue du 21 au 23 septembreh. Quant à nos frères d’Autriche, ils ont eu la grande joie d’assister à Vienne au plus grand congrès jamais tenu dans leur pays, du 28 au 30 septembre. L’assistance a compté jusqu’à 4 467 personnesi.

      La série des assemblées organisées en 1951 a pris fin avec le congrès des témoins de Jéhovah des États-Unis, réunis du 12 au 14 octobre à Washington, au Griffith Stadium. L’assistance a atteint le chiffre surprenant de 57 500 personnes, le dimanche, pendant la conférence publique. La veille, 558 personnes s’étaient fait baptiserj.

      DES SIGNES D’ACCROISSEMENT

      Le programme stimulant préparé pour la série d’assemblées de 1951 a réellement favorisé les contacts théocratiques, tout en apportant la connaissance et des bénédictions spirituelles. Bien que ces dispositions aient été prises avant tout à l’intention des frères du monde entier, du fait que ces assemblées ont été organisées dans différentes villes d’Europe et des États-Unis, de nombreuses autres personnes encore ont eu l’occasion de recevoir ces bienfaits spirituels. Le nombre des assistants a démontré l’importance du rôle joué par ces assemblées dans le rassemblement mondial des autres brebis de Jéhovah. Il était désormais indéniable que l’expansion théocratique devenait une réalité.

      Tout au long de l’année 1952, des assemblées de circonscription et de district ont été organisées dans tous les pays du monde. Pour cette année-​là non plus on n’avait prévu aucun congrès international, car tous les frères formaient maintenant des projets en vue de celui qui aurait lieu en 1953 à New York, comme on l’avait annoncé longtemps d’avance. Tous s’attendaient à une reprise du célèbre congrès tenu au Yankee Stadium en 1950.

      Les demandes toujours plus importantes d’ouvrages bibliques qui parvenaient à l’imprimerie de la Société, à Brooklyn, constituaient un autre signe d’accroissement. Voici, à ce propos, le rapport qui a paru dans l’Annuaire (angl.) concernant le développement de l’imprimerie en 1952:

      En raison de l’accroissement constant enregistré dans la distribution des périodiques et des livres cartonnés, et des progrès importants de l’œuvre en général sur toute la terre, il a été nécessaire d’agrandir les locaux de l’imprimerie à Brooklyn. Tous les témoins de Jéhovah savent déjà que la Société a construit à Brooklyn une nouvelle annexe à l’imprimerie; les frères ont été très occupés durant l’année écoulée à en tirer le meilleur rendement possible. Il a fallu installer encore une nouvelle presse pour pouvoir satisfaire les besoins importants de publications bibliques. Plusieurs autres nouvelles machines ont également été installées, mais nous aimerions vous dire un mot surtout de la dernière rotative rapide que nous nous sommes procurée. Elle servira d’abord à imprimer les périodiques La Tour de Garde et Réveillez-vous! à raison de 30 000 exemplaires à l’heure, mais nous pourrons encore l’utiliser pour imprimer les livres cartonnés et les brochures à raison de 60 000 cahiers (de 32 pages) à l’heure. Cette rotative pèse 58 tonnes; il nous a fallu pratiquer une ouverture dans la façade du cinquième étage pour pouvoir l’installer dans l’imprimerie; après les essais, nous avons démonté la presse, et nous l’avons transportée à l’imprimerie en pièces détachées assez grosses, certaines d’entre elles pesant jusqu’à 15 tonnes. Les pièces de cette énorme rotative furent alors hissées de la rue jusqu’au cinquième étage, puis passées par l’ouverture pratiquée dans la façade, qui mesurait 5 mètres sur 5,50 m. Cette rotative apportera une aide considérable à l’imprimerie et permettra de satisfaire les demandes de publications venant du monde entierk.

      MARIE: Un fait intéressant figure dans l’Annuaire (angl.) de 1954 au sujet de Galaad, l’École biblique de la Watchtower. Me permets-​tu d’en dire quelques mots, Jean? Il nous apprend qu’en janvier 1953, soit dix ans après l’ouverture de cette école, le ministère américain de l’Éducation, à Washington, l’a reconnue officiellement comme un établissement d’enseignement supérieur comparable aux universités et aux écoles professionnelles. Grâce à cette mesure, à partir du 15 janvier 1953 le service de l’immigration et des naturalisations, qui est sous la dépendance du ministère américain de la Justice, a pu accorder aux étrangers venus étudier à Galaad les facilités de visa consenties par le gouvernement des États-Unis aux étudiants non immigrants. À la suite de cette décision, le Département d’État a informé ses consulats de par le monde que l’École biblique de la Watchtower figure sur la liste des établissements d’enseignement américains habilités à accueillir des étudiants en vertu de ces dispositions particulièresl.

      JEAN: Merci, Marie. Eh bien, puisque nous sommes en train de parler de Galaad, j’aimerais vous signaler qu’on a installé en 1954, sur les terrains de cette école, un observatoire équipé d’un télescope de quarante centimètres d’ouverture, pour permettre aux étudiants d’admirer les merveilles de l’univers étoilé de Jéhovaha. L’installation a été complétée en 1955 par une coupole moderne qui loge divers instruments astronomiques de grande valeurb.

      L’ASSEMBLÉE DE LA SOCIÉTÉ DU MONDE NOUVEAU

      En 1953, les témoins de Jéhovah ont présenté au monde, une fois de plus, un exemple concret d’unité internationale. Des délégués venus de toutes les parties du monde, c’est-à-dire de quatre-vingt-seize pays et îles de la mer, y compris les États-Unis, se sont réunis à New York, au Yankee Stadium: c’était la deuxième fois qu’un grand congrès international avait lieu à cet endroit. Les congressistes ont envahi la ville en empruntant tous les moyens de transport connus, si bien que l’assistance s’est élevée à 126 387 personnes, le 19 juillet, premier jour du congrès, durant la session de l’après-midi. Celle-ci a été caractérisée par la remise des diplômes aux 127 missionnaires formant la vingt et unième classe de Galaad, l’École biblique de la Watchtower. Parmi la foule des congressistes on reconnaissait également 945 missionnaires diplômés, sortis des vingt classes précédentes de Galaad. Le discours de circonstance, prononcé par le président de la Société sur le thème “Rassemblement d’hommes de toutes les nations en un seul troupeau”, a été ponctué à maintes reprises par des salves d’applaudissements, donnant ainsi un départ enthousiaste à l’Assemblée de la société du monde nouveauc.

      Prenons donc connaissance de quelques-uns des points saillants du rapport qui a paru dans La Tour de Garde:

      Cette assemblée fut vraiment internationale car elle réunit entre autres 22 000 délégués venus par air, terre et mer de 95 pays autres que les États-Unis.

      [La Cité de caravanes] située près de New Market, dans le New Jersey, soit à une soixantaine de kilomètres du stade, constitua une partie non négligeable de l’Assemblée de la société du monde nouveau. Quelque 1 500 caravanes et 6 000 tentes furent installées presque du jour au lendemain, sur toute son étendue, évaluée à environ 80 hectares, le long de rues désignées par des noms théocratiques. Reliée directement par fil avec le Yankee Stadium, [la Cité de caravanes] dotée de 80 bâtiments dont les tentes-auditoriums pourvut amplement aux besoins matériels et spirituels de ses 45 000 habitants.

      L’assemblée par elle-​même fut bien organisée. Ses vingt-trois services, placeurs, premiers secours, etc., assurés allégrement par 20 000 volontaires, fonctionnèrent à merveille et firent l’étonnement de ceux du dehors. On avait pensé à tout: traduction des discours pour les sourds-muets, enregistrements à l’intention des absents, séances en vingt langues étrangères pour ceux qui ne comprenaient pas l’anglaisd et, enfin, possibilité de visiter [après l’assemblée] le Béthel et l’imprimerie de Brooklyn, la WBBR de Staten Island ainsi que Galaad, l’École biblique de la Watchtower.

      Le programme de l’assemblée était judicieusement conçu. Chaque jour eut son thème continental particulier: Journée de l’Asie, Journée de l’Afrique, etc., caractérisé par les rapports intéressants et bien fournis des serviteurs de filiale et des missionnaires. De nouvelles vérités furent exposées pour ainsi dire journellement au cours des principaux discours d’une heure prononcés par le président et le vice-président. Signalons encore l’annonce ininterrompue de nouvelles publications, 75 en tout, en anglais et en bien d’autres langues, qui firent depuis le premier jour jusqu’au dernier la joie de l’assemblée. En cette grande occasion, Jéhovah manifesta bien son esprit et sa puissance sur son peuple et c’est vers lui que s’élevèrent toutes les louangese.

      La première nouveauté publiée a été le livre “Éprouvez toutes choses”. Quand il a eu fini de présenter ce manuel, le président de la Société a proposé une résolution cristallisant la position des témoins de Jéhovah en tant que société d’un monde nouveau unie. Les 125 040 personnes présentes l’ont adoptée par un oui retentissant, exprimant leur reconnaissance pour le privilège béni que constitue un tel lien: c’était là une preuve de plus que les témoins de Jéhovah forment un peuple à part jouant un rôle unique dans les desseins divinsf.

      Puis, le mercredi 22 juillet, le premier volume des Écritures hébraïques — Traduction du monde nouveau (angl.) a paru à son tourg.

      SONNONS L’ALARME AVANT L’ASSAUT DE GOG

      Le jeudi, la description prophétique ayant pour thème “La société du monde nouveau attaquée par l’extrême nord”, tirée des chapitres 38 et 39 du livre d’Ézéchiel Éz 38, 39, a tenu en haleine les 112 700 auditeurs présents à la session du soir. En termes sans équivoque, le vice-président de la Société a sonné l’alarme en ce qui concerne Harmaguédon. Écoutez ce qu’en dit le compte rendu:

      L’orateur montra que Gog, le personnage principal de cette prophétie, représente Satan lui-​même. Le pays de Magog correspond à l’endroit où se trouvent les forces invisibles de Satan, le domaine spirituel limité situé près du voisinage de la terre où elles ont été reléguées après leur expulsion des cieux en 1918. Méschec, Tubal, Gomer, Puth et les autres pays auxquels se réfère la prophétie représentent les diverses parties de l’organisation terrestre de Satan.

      Ces contrées dispersées au loin, situées au nord ou au sud, figurent une conjuration formée par l’ensemble des peuples tournés contre Jéhovah en vue d’attaquer et de détruire la société du monde nouveau sur notre planète. C’est à cause de la prospérité, de l’unité et de la sécurité que le peuple de Jéhovah connaît actuellement que ces hordes sataniques, animées par la jalousie et la méchanceté, désirent éliminer le peuple de Jéhovah une fois pour toutes. À partir de 1914-​1918, Satan, tout comme son nom d’ailleurs, a subi un abaissement humiliant, au moment même où sur la terre entière le nom de Jéhovah est sorti de l’ombre et a atteint le sommet de la gloire, ce qui a soulevé la plus grande controverse de tous les temps. (...)

      Le jour de cette attaque mondiale approche et soumettra la foi de chaque témoin de Jéhovah à rude épreuve. “Soyez désormais sans relâche sur vos gardes”, déclara frère Franz. “Les témoins de Jéhovah doivent être au courant d’Harmaguédon à l’avance, ajouta-​t-​il, pour être prêts à l’affronter. Ne nous laissons pas gagner par l’insouciance, même si nous connaissons une grande prospéritéh.”

      On a annoncé ensuite la parution de la brochure Raisons de croire en un monde nouveaui et celle de quatre nouveaux tracts intitulés “Croyez-​vous à l’évolution ou à la Bible?”, “Quelle est la bonne religion?”, “Le signe de la présence du Christ” et “Le seul espoir de paixj”.

      “ENFUYEZ-​VOUS VERS LE SALUT”

      Quand le samedi 25 juillet est arrivé, loin de se raréfier, les grands moments du congrès ont continué à se succéder à une fréquence accrue. Les traits saillants du programme de l’après-midi ont été le discours ayant pour thème “Enfuyez-​vous vers le salut en compagnie de la société du monde nouveau” et la publication du nouveau livre “De nouveaux cieux et une nouvelle terre”. Avec franchise, le président de la Société a dénoncé l’alliance internationale connue sous le nom de Nations unies, comme étant l’expression principale et la plus puissante de la coalition politico-religieuse appelée “la chose répugnante” dans Matthieu 24:15 et “l’abomination de la désolation” dans Daniel 11:31 (Sacy). Ses paroles ont constitué un appel pressant adressé aux personnes au cœur droit, leur enjoignant de fuir vers les “montagnes”, c’est-à-dire là où se trouve maintenant la société du monde nouveau de Jéhovah. Le compte rendu sur ce congrès, paru en anglais, rapporte que le président a commencé son discours par les paroles suivantes:

      “La fondation et l’instauration de choses nouvelles et durables se poursuivent avec succès tandis que s’effectue la destruction des choses anciennes condamnées.” Il poursuivit en montrant que la position de la chrétienté au sein du monde actuel offre un parallèle direct avec la situation du système juif, et son alliance avec Rome, au cours des années 33 à 70 de notre ère.

      Les célèbres prophéties de Jésus sur la destruction de Jérusalem, rapportées dans Luc 19:41-44 et dans Matthieu 24:16, furent ensuite examinées en détail. Il fut montré que c’était l’alliance politique entre la hiérarchie juive de Jérusalem et celle de la puissance politique de Rome qui constituait [“la chose répugnante”] ayant amené une désolation complète en 70 de notre ère. Quand les Juifs s’écrièrent: “Nous n’avons de roi que César!” au jour du jugement de Jésus, ils prouvèrent aux yeux du monde entier qu’ils soutenaient cette alliance répugnante.

      Conformément à la prophétie de Jésus, Jérusalem commença à être investie par des armées en l’an 66 lorsque l’un des partenaires de l’alliance, le pouvoir politique, commença à se dresser contre l’autre partie contractante, la puissance religieuse juive. Cet événement indiqua aux chrétiens vivant à Jérusalem que le moment était venu de quitter la ville et de fuir dans les montagnes de Galaad, suivant l’ordre prophétique de Jésus. Pour une certaine raison, les Romains levèrent le siège entrepris en 66; ce ne fut que pour le reprendre en 70, afin de réduire à néant la ville condamnée de Jérusalem, ce qui causa la mort d’un million de ses habitants. Pas un seul chrétien n’y perdit la vie, car ils avaient déjà tous quitté la ville.

      Jérusalem est une figure de la chrétienté actuelle, qui fit alliance, en 1919, avec les puissances politiques de ce monde pour créer la Société des Nations. Au lieu de reconnaître le Royaume du Christ, les nouveaux cieux établis en 1914, à l’instar de l’antique Jérusalem qui rejeta le Messie, la chrétienté a préféré faire alliance avec les puissances politiques pour trouver la sécurité. Après la Première Guerre mondiale, le clergé suivit l’exemple des chefs politiques en présentant la Société des Nations comme le seul espoir de l’humaniték.

      “Au même moment, a fait remarquer l’orateur, la voix des témoins de Jéhovah commença à se faire entendre, proclamant avec courage et conviction que le Royaume de Dieu sous la direction du Christ était l’unique espérance de l’humanité affligée.” Puis, soutenu par des applaudissements enthousiastes, il a poursuivi en ces termes:

      Lequel de ces deux mouvements était vraiment en faveur du royaume de Dieu? Lequel fut considéré par le Très-Haut comme une abomination? Les témoins de Jéhovah ou la Société des Nations bénie par le clergé? Les témoins de Jéhovah sont toujours présents, comme le prouve l’Assemblée de la société du monde nouveau, mais où se trouvent les nouveaux cieux politiques: la Société des Nations? Où était-​elle durant la Seconde Guerre mondiale? Dans l’abîme de l’inactivité. Pour enlever son opprobre, on l’a ranimée et lui a donné une nouvelle façade et un nouveau nom: les Nations unies. Ceux qui étudient les prophéties bibliques savent que cela vérifia exactement ce qui avait été prédit. — Apoc. 17:9-11l.

      LA FUITE EST DEVENUE UNE NÉCESSITÉ IMPÉRIEUSE DEPUIS 1945

      Quand le signal de la fuite a-​t-​il donc été donné? L’orateur a rappelé que, tout comme pour l’antique Jérusalem, le signal était l’encerclement par des armées. Ces armées, a-​t-​il déclaré, n’étaient pas la force de police ou forces militaires des Nations unies.

      Les armées qui, selon la prédiction de Jésus, doivent désoler la Jérusalem moderne se trouvent dans les rangs politiques de l’ONU. Ce sont les éléments qui font la guerre au système religieux de la chrétienté. Dès sa sortie de l’abîme en 1945, [“la chose répugnante”] comptait dans ses rangs des membres puissants du bloc communiste et antireligieux. (...)

      Par conséquent, l’année 1945 où apparurent les Nations unies marque particulièrement le temps où ceux qui lisent avec intelligence la prophétie de Daniel et l’avertissement de Jésus voient des armées camper autour de la Jérusalem moderne pour l’investir, la désoler et la mettre à nu comme une prostituée spirituelle. (...)

      Le signe de l’imminence d’Harmaguédon apparaît maintenant devant nos yeux. Quand cette coalition adultère formée de la politique et de la religion se dissoudra et que la bête et ses dix cornes se retourneront contre la religion organisée, cela indiquera que la “guerre du grand jour du Dieu tout-puissant” a commencé. Dieu exécutera tous les ennemis de son royaume messianique. Cette guerre prendra fin quand le Roi-Messie suivi de ses exécuteurs angéliques détruira complètement [“la chose répugnante”] et tous les autres éléments de ce vieux monde qui s’opposent à son règne. (...)

      Il n’y a pas de temps à perdre. Le moment est venu de s’enfuir vers la sécuritéa.

      Les congressistes, qui entendaient encore retentir à leurs oreilles l’avertissement leur annonçant que la fuite est devenue une nécessité impérieuse depuis 1945, avaient les dispositions d’esprit qu’il fallait pour assister à la session du dimanche matin. Après des rapports bien appropriés à cette “Journée des îles du Pacifique”, c’est le vice-président de la Société qui est monté sur l’estrade.

      Son captivant discours intitulé “La maison remplie de gloire” était fondé sur Aggée 2:7 (Darby): “J’ébranlerai toutes les nations. Et l’objet du désir de toutes les nations viendra, et je remplirai cette maison de gloire, dit l’Éternel des armées.” Comment sa maison est-​elle remplie de gloire? Jéhovah amène jusque dans sa maison de culte la “grande foule” de personnes désirables sorties de toutes les nations.

      Lorsque Jéhovah intronisa son Roi, le Christ Jésus, en 1914, les nations avaient de bonnes raisons de craindre pour leur avenir. “Elles devaient désormais compter avec le Royaume de Dieu!” L’accroissement de la société du monde nouveau contribua davantage à ébranler les nations.

      L’ébranlement du monde de Satan par Jéhovah annonçait la venue de quelque chose. Aggée disait que c’était “l’objet du désir de toutes les nationsb”.

      Après avoir expliqué qu’une vue plus nette du texte hébreu éliminait l’explication antérieure de ce que représente “l’objet du désir” des nations, l’orateur a continué en ces termes:

      Les yeux éclairés par ces prophéties interprétatives, le moment est venu de poser la question suivante: Les choses désirables, précieuses, choisies, les trésors de toutes les nations, affluent-​ils? Vous, membres oints du reste, qui êtes rassemblés par milliers, levez vos yeux, promenez vos regards sur le Yankee Stadium et voyez les dizaines de milliers de personnes de bonne volonté venues de nombreuses nations. Voilà la réponse que Jéhovah des armées donne à la question. Il a ébranlé toutes les nations par la prédication de la bonne nouvelle du Royaume dans toute la terre habitée, pour servir de témoignage à toutes les nations, et les choses désirables sont en train d’affluer. Un grand nombre d’entre elles viendra encore avant que Jéhovah achève ce grand ébranlement par la bataille d’Harmaguédon où sombreront les cieux et la terre bouleversés de l’organisation du Diable. (...)

      Contemplez cette maison remplie de gloire et d’une paix divine. Heureux sont nos yeux qui voient cette réhabilitation de la parole de Jéhovah. Bénis sommes-​nous de pouvoir demeurer dans cette maison pour adorer Jéhovah dans “un ordre sacré” et travailler sans relâche à remplir cette maison d’une gloire toujours plus grande en y faisant entrer toutes les personnes désirables qui sont encore dans les nationsc.

      CONCLUSION ET PROLONGEMENTS DU CONGRÈS DE 1953

      Le dimanche 26 juillet, à 13 heures, une conférence publique a été prononcée en espagnol devant un auditoire enthousiaste de 4 075 personnesd. Ensuite, à 16 heures, le président de la Société a prononcé le discours public intitulé “Après Harmaguédon, Dieu établira un monde nouveau”, discours qui a porté à son point culminant l’Assemblée de la société du monde nouveau tenue par les témoins de Jéhovah. Sur les 165 829 personnes qui sont venues écouter la conférence, 49 027 l’ont entendue à la “Cité des caravanes”, 91 562 y ont assisté dans l’enceinte du Yankee Stadium, tandis que 25 240 personnes s’étaient rassemblées sous des tentes dressées à proximité du stade. Le discours a sans aucun doute été entendu encore par des milliers d’auditeurs de la WBBR. À la fin de la session, on a distribué gratuitement à toute l’assistance la brochure contenant le texte imprimé de la conférencee.

      Les remarques finales que le président a présentées de manière très détendue, suivies d’un cantique et d’une prière, ont mis ce soir-​là un terme à ce congrès. En guise d’adieu, l’orateur a donné cet encouragement plein d’amour:

      (...) quelle que soit la petitesse des groupes ou la grandeur des assemblées, la société du monde nouveau traversera sans encombre la bataille d’Harmaguédon sous la protection de Jéhovah. C’est pourquoi louons tous Jéhovah et, lorsque nous aurons regagné notre foyer, continuons à le servir fidèlementf.

      THOMAS: Et qu’en est-​il de tous ceux qui n’ont pas pu se rendre à New York? A-​t-​on pris des dispositions pour leur permettre de partager les bienfaits de ce programme?

      JEAN: Bien entendu, on a publié dans La Tour de Garde les discours les plus importants. En outre, dans les mois qui ont suivi le congrès de New York, tenu en 1953 au Yankee Stadium, on a organisé sur le modèle de celui-ci des assemblées sur les cinq continents.

      En Afrique, par exemple, nos frères indigènes ont travaillé des jours à l’avance pour aménager en plein air des terrains de congrès gigantesques et habilement conçus, ainsi que des huttes pour le logement des congressistes. L’ingéniosité et le zèle de ces frères africains, tout comme leur enthousiasme pour les méthodes théocratiques jusque dans les moindres détails, leur ont acquis l’admiration et l’amour de leurs frères du monde entier.

      RÉACTIONS SUSCITÉES PAR LA SOCIÉTÉ DU MONDE NOUVEAU EN ACTION

      THOMAS: Il est surprenant qu’ils aient su comment se tirer d’affaire!

      JEAN: Eh bien, c’était précisément une des particularités importantes du fonctionnement du congrès. En effet, le personnel du congrès ne s’est pas occupé uniquement à trouver du matériel pour ses besoins immédiats, mais — comme c’est le cas dans tous les autres domaines de l’activité théocratique — il avait les yeux fixés sur le futur et songeait aux besoins analogues qui se présenteraient quand on organiserait de tels congrès à l’avenir. Par conséquent, on avait réservé une place importante dans l’organisation du congrès à la formation de nouveaux collaborateurs, qui seraient appelés à accomplir les mêmes tâches au cours des assemblées futures.

      Tout comme en 1950, des comptes rendus sur le congrès tenu à New York ont été publiés sur la terre entière par tous les moyens d’information connus. Voici un commentaire typique, publié par un journal new-yorkais, le World-Telegram and Sun du 22 juillet 1953:

      Les 125 000 adeptes de la secte des témoins de Jéhovah venus assister dans notre ville à leur Assemblée du monde nouveau se font remarquer par leur politesse, leur comportement adulte et leur indifférence stoïque face à l’atmosphère de bain turc qui règne actuellement. Leur campement situé à New Market, N. J., qui aurait facilement pu être une agglomération de baraques laide et sale, constitue en réalité un modèle de préparation et d’organisation. (...) Nous formons des vœux pour que les portes de notre ville soient en tout temps ouvertes à ces gens sérieux. (...) Nous espérons également que l’exemple qu’ils laissent donnera une bonne leçon à certains de ces congressistes délinquants qui se donnent chaque année rendez-vous chez nousg.

      L’unité, ainsi que la vision lumineuse du monde nouveau soumis au Seigneur Jésus-Christ que les témoins de Jéhovah venaient de découvrir, ont véritablement fait d’eux un peuple nouveau, animé du désir de faire progresser les parties les plus lointaines de l’organisation d’une manière aussi ordonnée et efficace que toutes les autres. Pour donner une illustration de cette unité, la Société a produit, à la suite du congrès de 1953, un film traçant un portrait émouvant de “La Société du Monde Nouveau en action”.

      Le soir du 3 avril 1954, ce film, qui dure une heure vingt minutes, a été projeté pour la première fois ailleurs que dans les bureaux de Brooklyn, devant un auditoire de 1 110 personnes, au cours d’une assemblée de circonscription tenue à New York. Il s’est révélé être un instrument puissant pour faire connaître par l’image l’organisation remarquable de la Société, ses institutions, le ministère qu’elle effectue dans le champ, ses congrès à grande échelle, son fonctionnement efficace et sans heurts ainsi que l’esprit qui la dirige. Le film a été présenté à de nombreux spectateurs, qui l’ont accueilli favorablement dans les territoires desservis par les filiales de la Société Watch Tower, et cela même à Formose, alors que l’œuvre des témoins de Jéhovah y était interdite depuis dix-huit ans. Ainsi, à la fin de l’année de service 1955, on avait présenté ce film, avec le commentaire qui l’accompagnait, à 2 379 549 personnesh.

      Il s’est passé encore beaucoup de choses au cours des années 1954 et 1955, mais nous n’avons pas le temps d’en parler ce soir. Maintenant que quarante ans de service sous la direction du Royaume tiraient à leur fin, on faisait des efforts supplémentaires pour consolider l’unité de la société du monde nouveau en équipant et en formant chaque ministre en particulier. Par ailleurs, on arrivait au terme des dix premières années de prédication ayant suivi la Seconde Guerre mondiale. Nous devrions donc jeter un coup d’œil sur le ministère du champ dans le monde entier et examiner les progrès qui ont été réalisés. C’est ce que nous ferons la semaine prochaine.

      [Notes]

      a a wF 1952, pp. 19-27.

      b b Ibid., pp. 100-107.

      c c Report of the Clean Worship Assembly of Jehovah’s Witnesses, Londres, 1er au 5 août 1951; w 1951, pp. 707-715.

      d d wF 1952, pp. 61-64.

      e e w 1952, pp. 25-29, 56, 57; Annuaire (angl.) 1952, p. 140.

      f f w 1952, pp. 27, 58, 59; Annuaire (angl.) 1952, p. 141.

      g g w 1952, pp. 90, 93.

      h h Ibid., pp. 121, 122, 124, 125.

      i i w 1952, p. 156.

      j j Ibid., pp. 188, 189.

      k k Annuaire (angl.) 1953, pp. 68, 69.

      l l Annuaire (angl.) 1954, p. 62.

      a m Annuaire (angl.) 1955, p. 62.

      b n Réveillez-vous!, 22 mai 1956, pp. 6, 7.

      c o Report of New World Society Assembly of Jehovah’s Witnesses, 21 juil. 1953, pp. 5, 6. Voir aussi Réveillez-vous!, 8 janv. 1954, pp. 4-7.

      d p Des réunions eurent lieu en albanais, allemand, arabe, arménien, danois, espagnol, finnois, français, grec, hongrois, italien, lituanien, néerlandais, norvégien, polonais, portugais, russe, slovaque, suédois et ukrainien. Voir Report of New World Society Assembly of Jehovah’s Witnesses, 25 juil. 1953, p. 43.

      e q wF 1954, p. 40.

      f r Report of New World Society Assembly of Jehovah’s Witnesses, 21 juil. 1953, pp. 1-4.

      g s Ibid., 23 juil. 1953, pp. 17-19.

      h t Ibid. 25 juil. 1953, p. 36. Voir aussi wF 1954, pp. 35-39, 45-48.

      i u Report of New World Society Assembly of Jehovah’s Witnesses, 25 juil. 1953, pp. 33-35, 42.

      j v Ibid., p. 40.

      k w Report of New World Society Assembly of Jehovah’s Witnesses, 26 juil. 1953, pp. 49, 50.

      l x wF 1954, p. 23.

      a y Ibid., pp. 24, 25.

      b z Report of New World Society Assembly of Jehovah’s Witnesses, 28 juil. 1953, p. 67.

      c aa wF 1954, pp. 89, 91.

      d bb Report of New World Society Assembly of Jehovah’s Witnesses, 28 juil. 1953, p. 76.

      e cc Ibid., pp. 65, 66, 81.

      f dd Ibid., p. 75.

      g ee Voir Report of New World Society Assembly of Jehovah’s Witnesses, 19 au 26 juil. 1953, p. 71.

      h ff wF 1955, pp. 333, 334; w 1955, pp. 680-683.

      [Illustration, page 263]

      LEVAGE D’UNE PRESSE DESTINÉE À L’IMPRIMERIE (1952).

  • Le Royaume achève la quatrième décennie de son règne et commence la cinquième
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 34

      Le Royaume achève la quatrième décennie de son règne et commence la cinquième

      LOÏS: Vous savez, Jean, je trouve que vous nous avez appris pas mal de choses remarquables au cours des trois derniers mois. Je dois reconnaître que j’étais plutôt sceptique quand vous et Marie êtes venus nous voir pour la première fois le soir où il faisait si mauvais temps. Bien sûr, je savais pertinemment que les conditions mondiales n’allaient pas s’améliorer, et je me rendais bien compte que les temps avaient changé considérablement, même depuis ma jeunesse, mais je n’y avais jamais réfléchi assez sérieusement pour me demander quels en étaient les causes et les effets réels. C’est grâce à vous que j’ai été amenée à réfléchir.

      JEAN: Voilà qui est bien, Loïs, car ce soir, par notre récit de l’histoire moderne des témoins de Jéhovah centrée sur les années 1954 et 1955, nos pensées iront une fois de plus à l’événement le plus important de l’histoire moderne, à savoir la naissance du Royaume de Dieu. Voyez-​vous, le “royaume des cieux” confié à Jésus-Christ, revêtu du pouvoir royal à la droite de son Père, a achevé en 1954, vers le 1er octobre, sa quarantième année de domination au milieu de ses ennemis. C’est en effet pendant la Première Guerre mondiale, en 1914, que ce Royaume a commencé à régner, et il a terminé sa quarantième année au milieu de la “guerre froide” qui oppose l’Est à l’Ouest. D’ailleurs, ces deux blocs de nations, issus de la Seconde Guerre mondiale, sont hostiles au Royaume. Connaissant bien les temps et les saisons des desseins divins, les témoins de Jéhovah sont entrés dans la quarantième année du Royaume sans joindre leurs voix aux prédictions sinistres que certains chefs et certains adeptes de la fausse religion ont faites à propos de l’année 1954, en se basant sur leurs idées de périodes chronologiques parallèles marquant les événements de l’Histoire. Les témoins sont entrés de plain-pied dans l’année 1954 en faisant des projets et en prenant des dispositions en vue d’accomplir des œuvres encore plus importantes dans le service du Royaume. Aussi pouvait-​on lire dans l’Annuaire (angl.) et dans La Tour de Garde de cette année-​là:

      Alors que nous sommes entrés dans la quarantième année du royaume de Jéhovah, nous est-​il permis de ralentir notre activité? Non. Rappelez-​vous plutôt qu’il y a plus de 1 900 ans Jésus fut cloué au bois; le complot ourdi par les religionistes et les politiciens lui valut d’être torturé et mis à mort. Ce fut certainement un coup dur pour les disciples de Jésus de cette époque. C’est en l’an 33 que se produisirent ces stupéfiants événements. À ce moment, la situation des disciples que Jésus envoya prêcher paraissait fort sombre, mais plus tard, dès la Pentecôte, ils allèrent sans relâche de maison en maison. Après avoir prêché la bonne nouvelle pendant de nombreuses années, au cours des derniers jours de cet ordre de choses, négligerons-​nous ou ralentirons-​nous dès à présent notre activité, ou irons-​nous vivre dans la retraite? Nous ne pouvons agir de la sorte. De nos jours, nous voyons le Royaume beaucoup plus distinctement qu’en 1914, 1918, 1931 ou qu’à n’importe quel moment du passé. Nous sentons sa puissance, nous le voyons en fonction. Aussi, à l’instar des disciples de Jésus, devons-​nous prêcher sans cesse la bonne nouvelle du glorieux royaume de Jéhovah [Dieu] et enseigner. Un grand travail doit encore être accompli et la société du monde nouveau s’en acquitteraa.

      L’explosion de deux nouveaux modèles de bombes à hydrogène par les États-Unis dans l’océan Pacifique, en mars 1954, n’a pas été un sinistre présage aux yeux des témoins de Jéhovah. Sans se laisser troubler, ceux-ci ont continué à rendre un témoignage encore plus grand concernant le Royaume de Dieu instauré en envoyant plus de ministres prêcher dans le champ. En effet, aux États-Unis, 154 367 ministres ont rapporté le temps qu’ils ont consacré à la prédication durant le mois de mars de cette année-​là; ce nouveau maximumb fut suivi en avril d’un autre plus élevé et atteignant 169 015c. D’autres pays ont également enregistré de l’accroissement. C’est ainsi qu’à la fin du mois d’août, soit au terme de l’année de service 1954, on a atteint un nouveau maximum mondial de 580 498 proclamateurs, ce qui représentait un bond de 60 516 par rapport à l’année précédented.

      DES PREUVES ATTESTANT QUE LES TEMPS CHANGENT

      À mesure que dans le monde entier s’accumulaient les preuves démontrant que seul le Royaume de Dieu confié au Christ pouvait instaurer une ère de paix durable, les “trésors de toutes les nations” affluaient à la société du monde nouveau pour occuper leur place dans les desseins divins. C’est leur foi en Jéhovah Dieu et dans ses promesses qui a amené ces personnes à opérer ce choix, car elles n’avaient pas foi dans les “hommes sages” du présent système de choses. Nombre de ces “sages” étaient capables de voir ce signe, mais ils n’en discernaient pas la signification. Dans un article intitulé “Le ‘temps de la fin’”, La Tour de Garde du 1er mai 1955 disait à ce propos:

      Il est intéressant de constater que nombre d’“intellectuels” — philosophes, hommes de science, historiens — conviennent qu’un frappant changement est intervenu depuis 1914. Le philosophe Bertrand Russell déclara dernièrement: “Depuis 1914 le monde, semblable à un ivrogne, s’achemine en titubant vers la catastrophe.” Un article du Times-Herald de Washington (13 mars 1945) dit: “La dernière année “normale” de l’histoire fut 1913, année qui précéda la Première Guerre mondiale.” Le Dr Harold C. Urey, un des principaux créateurs de la bombe atomique, dit: “Depuis 1914 nous n’avons pas eu un monde paisible.” (Cleveland Plain Dealer du 9 décembre 1951). Le 1er août 1954 un éditorialiste du Sun-Telegram de Pittsburgh déclara: “Il y a quarante ans le monde a passé du jour au lendemain, au pas cadencé, de l’“âge d’or” à une époque volcanique caractérisée par des guerres sanglantes.”

      Un éditorial du Journal d’Edmonton (Alberta, Canada), du 7 août 1954, déclare encore: “Si l’histoire du XXe siècle est couchée par écrit, le 4 août 1914, jour où les hostilités éclatèrent dans toute l’Europe, jouera probablement un plus grand rôle que le jour où éclata la Seconde Guerre mondiale ou celui où fut lancée la première bombe atomique. Nous comprenons peu à peu que ce jour du mois d’août 1914 constitue une ligne de démarcation dans l’histoire. Une ère de paix, de progrès et de sécurité prit fin et une époque de guerre et de révolution débuta.” Un professeur d’histoire au Collège Barnard de l’Université Columbia fit la même remarque dans The Scientific Monthly de juillet 1951: “L’année 1914 plus que celle d’Hiroshima marque un tournant à notre époque, car, quoi que nous réserve l’avenir, nous discernons maintenant que la Première Guerre mondiale introduisit une période de transition déconcertante dans laquelle nous marchons à tâtons.”

      Comparant les deux guerres mondiales le Times Magazine de New York (1er août 1954) conclut en ces termes: “La Première Guerre mondiale marqua un changement bien plus grand dans l’histoire. Elle clôtura une longue ère de paix généralisée et [instaura] un nouvel âge de violence dans lequel la Seconde Guerre n’est qu’un épisode. Depuis 1914 le monde revêt un caractère nouveau: un caractère d’anarchie internationale. (...) Ainsi, la Première Guerre mondiale marque un tournant dans l’histoire modernee.”

      Puis l’article poursuit par ce commentaire significatif:

      Des expressions telles que: “un tournant dans l’histoire moderne”, “un âge de violence”, “une époque de guerre et de révolution”, “une époque volcanique”, employées par d’éminentes personnalités, devraient ébranler les moqueurs et les rendre à la raison! Car les choses ne demeurent pas comme dès le commencement. Le “temps de la fin” est là! Le signe des “derniers jours” est visible! Jamais avant 1914, toutes ces choses ne se sont réalisées sur une seule générationf.

      LE PROGRAMME DE FORMATION COMMENCE

      Pleinement conscients de leur responsabilité devant Dieu et leur prochain, les témoins de Jéhovah ont donc bien rempli quatre décennies de service pour le Royaume et, avec confiance, ils sont entrés dans la cinquième, déterminés à aider plus de personnes encore à hâter leur fuite vers la sécurité avant qu’Harmaguédon ne puisse les prendre au dépourvu.

      Pour cela, il fallait que chacun apprenne à mieux s’organiser et s’applique au ministère du champ. Aussi, pour parvenir à ce résultat, la Société a-​t-​elle renforcé et mieux adapté son programme de visites aux congrégations par les serviteurs de circonscription et de district. À l’Assemblée de la société du monde nouveau des préparatifs ont déjà été faits dans ce sens, et un programme à long terme a démarré le 1er septembre 1953. Commentant cette nouvelle disposition prise en vue d’améliorer l’activité et la qualité ministérielles de chaque proclamateur du Royaume, le compte rendu de ce congrès disait entre autres:

      N. H. Knorr a galvanisé l’assemblée, mercredi matin, en annonçant tout d’abord qu’un vaste programme de formation allait être mis sur pied pour améliorer l’activité de maison en maison. En raison du rôle essentiel qu’ils allaient jouer dans cette campagne, les serviteurs de circonscription et de district avaient été invités à prendre place dans la partie centrale du stade, face à frère Knorr, qui exposa dans ses lignes générales “le travail principal de tous les serviteurs”, en précisant que désormais chaque serviteur devait s’efforcer d’aider chaque proclamateur à prêcher régulièrement de maison en maison.

      “Chacun, dit-​il, devrait être à même de prêcher la bonne nouvelle de maison en maison.” Cela étant l’objectif principal, tous les serviteurs de circonscription accorderont désormais une attention spéciale à la formation pour le service de maison en maison.

      Plusieurs changements ont été apportés à l’organisation pour lui permettre d’atteindre une plus grande efficacité. À présent, les serviteurs de circonscription ont un emploi du temps régulier à suivre, leur imposant de passer chaque mois un minimum de 100 heures dans le travail de maison en maison, y compris l’activité des nouvelles visites et celle des études. Pendant la semaine de sa visite, le serviteur de circonscription dirigera le programme de formation en choisissant des proclamateurs mûrs dans le service de maison en maison pour travailler avec les proclamateurs nouveaux et les inexpérimentés.

      Il annonça que les serviteurs de district accompagneront désormais les serviteurs de circonscription pendant une période de deux semaines, pour se rendre compte de leur efficacité et pour leur donner des conseils, si nécessaireg.

      Au cours de l’année 1954, des détails supplémentaires concernant ce programme de formation ont été portés à la connaissance des frères par le truchement de l’Informateur et, par la suite, toutes les filiales les ont adoptésh. Toutes les congrégations ont ainsi pu se conformer au programme de formation, et des ministres qualifiés et expérimentés ont été désignés exprès pour former personnellement les proclamateurs irréguliers ou ceux qui avaient peu de succès, ou encore les personnes nouvellement intéressées à la vérité, en les instruisant quant aux façons les plus efficaces de prêcher dans le champ.

      On recommandait désormais tout spécialement d’utiliser, en allant de porte en porte, des sermons d’une durée de trois à huit minutes tirés de la Bible. Ceux-ci sont devenus une partie intégrante des dispositions prises pour améliorer la prédicationi. Une fois que les proclamateurs connaissaient bien cet aspect fondamental du ministère du Royaume, on mettait de plus en plus l’accent sur l’activité des nouvelles visites et l’utilisation de sermons de dix à quinze minutes auprès des personnes bien disposéesj.

      À la même époque, on a remis en valeur l’activité introduite en février 1940, consistant à distribuer des exemplaires isolés de La Tour de Garde et de Réveillez-vous! dans les rues et de maison en maisonk, et les proclamateurs ont été encouragés à offrir ces périodiques à toutes les occasions. Suite à cela, les demandes de périodiques ont fait des bonds si prodigieux que le président de la Société Watchtower a annoncé, en juin 1954, à Boston, qu’on projetait de construire une nouvelle imprimerie de douze étages juste en face de l’actuelle imprimerie de Brooklyn, haute de huit étages. Le nouveau bâtiment servirait surtout à l’impression et à l’expédition des périodiques.

      Pour comprendre combien les besoins s’étaient accrus dans ce domaine, il suffit de connaître l’augmentation constante et rapide des tirages de La Tour de Garde et de Réveillez-vous! enregistrée au cours d’une période de vingt ans, uniquement par l’imprimerie de Brooklyn. En effet, en 1934, il a fallu que la Société en imprime 3 738 545 exemplaires pour satisfaire aux demandes. En 1944, celles-ci atteignaient 17 897 998 exemplaires et, en 1954, le total surprenant de 57 396 810 exemplaires! L’accroissement dans la seule année de 1953 à 1954 a été de 8 410 000 périodiquesl! Au printemps de 1955, les travaux de terrassement pour la nouvelle imprimerie avaient commencé et, vers la fin de l’été, les fondations ont pu être jetéesa.

      THOMAS: L’assemblée de Boston en 1954 était-​elle nationale?

      JEAN: Non, elle faisait partie d’une série d’assemblées de district qui duraient quatre jours. Commençant par Boston, dans le Massachusetts, le 24 juin 1954, celles-ci se sont tenues au cours de l’été tout autour du globe, entre autres au Pakistan, en Thaïlande, en Indonésie, en Corée du Sud, et dans d’autres pays encore sur les cinq continents et dans les îlesb.

      C’est fort à propos qu’en 1954, c’est-à-dire soixante-dix ans après la création de la Watch Tower Bible and Tract Society of Pennsylvania, le 13 décembre 1884, la Société a achevé à Pittsburgh la construction d’un beau bâtiment abritant les bureaux de son siège social. Ce bâtiment se trouve à l’angle du boulevard Bigelow, au numéro 4100, et de l’avenue Parkmanc.

      L’inauguration de ce nouveau bâtiment par des responsables de la Société a eu lieu le 4 septembre 1954, et le vendredi 1er octobre 1954 la Société y a tenu sa première assemblée générale annuelle sous la direction de son président. Comme l’assistance s’élevait à 820 personnes et que la salle principale ne compte que 500 places assises, il a fallu occuper une deuxième salle située dans le sous-sol de l’immeuble. À ce propos, il est intéressant de citer la brève description suivante des 484 membres qui composaient à l’époque la Watch Tower Bible and Tract Society:

      Les membres de la Société représentent vraiment la société du monde nouveau de toute la terre. Vingt-neuf nationalités y figurent. Ces membres servent dans les quarante-huit États des États-Unis, dans le district de Columbia et en tout dans soixante-neuf pays. Ce sont des frères mûrs dont les deux tiers font partie du reste. Leur âge moyen est d’environ soixante ans et, à part douze, tous travaillaient pour le Royaume déjà avant 1940, la plupart depuis plus de vingt-cinq ans. Comme ils habitent fort loin l’un de l’autre, la majorité ont voté par procurationd.

      1955, POINT DE DÉPART D’ACTIVITÉS UNIES

      Avec l’année 1955, le Royaume établi de Dieu a entamé la cinquième décennie de son règne au milieu de ses ennemis. Sous la direction de Jéhovah ses témoins sont allés de l’avant, pleins de confiance. Pour guider tous les proclamateurs du Royaume d’une façon générale dans leurs activités du champ et pour unifier encore davantage l’œuvre de prédication dans le monde entier, la Société a fait paraître en anglais, le 1er janvier 1955 (en français, le 1er décembre 1955), une nouvelle brochure de soixante-quatre pages concernant le service et intitulée Pour rester unis dans la prédication.

      La Société a la joie de vous annoncer la parution de Pour rester unis dans la prédication. Cette nouvelle brochure prend la place du livret Conseils aux témoins de Jéhovah sur l’organisation théocratique. Elle permettra à tous les membres du peuple de Jéhovah de travailler dans une étroite union et de comprendre plus clairement leurs rapports mutuels, alors que Jéhovah continue d’étendre la société du monde nouveau.

      Ce petit ouvrage nous montre comment faire pour rester unis dans la prédication. [Sa portée est mondiale.] Il s’applique à tous les serviteurs voués de Jéhovah dans tous les pays, que ce soit dans les groupes ou comme proclamateurs isolés, car tous ont l’obligation de demeurer unis en aidant les personnes de bonne volonté à obtenir une plus claire compréhension des desseins de Jéhovah. Cette brochure mettra les témoins de Jéhovah au courant de tous les aspects de l’œuvre du Royaume et les fera voir avec les mêmes yeux lorsqu’ils collaborent pour bien accomplir leur ministèree.

      Le début de l’année 1955 a été marqué par des décisions judiciaires d’une grande portée. En effet, le 7 janvier, à Édimbourg, le président de la Cour suprême d’Écosse a rendu son arrêt dans l’affaire Walsh contre le Procureur général, reconnaissant que les témoins de Jéhovah sont une dénomination religieuse, mais déclarant que leurs proclamateurs pionniers et leurs serviteurs de congrégation ne sont pas des “ministres réguliers” de la religion au sens de la Loi sur le service militaire national, promulguée en Grande-Bretagne en 1948. Il a été fait appel contre cette partie négative de l’arrêt devant les trois juges de la Cour suprême en matière criminelle, siégeant à Édimbourg, en Écosse; mais malheureusement, le 21 juillet 1955, les trois juges ont confirmé ce point de l’arrêtf. Là-dessus, un appel a été interjeté devant la Chambre des Lords, à Londres, dernière Cour d’appel de l’Empire britannique. C’est le 19 juillet 1956 que cette haute cour a prononcé son arrêt.

      Pendant l’année, l’appel Walsh a été entendu par la Chambre des Lords. La cour entière, composée de cinq juges, estima que, étant donné que les témoins de Jéhovah ne font pas de distinction entre le clergé et les laïques, ce qui donnerait à certains d’entre eux un statut spirituel supérieur aux autres, ils ne possèdent pas de “ministres réguliers”. Ainsi, un pionnier qui fait du ministère la vocation de sa vie se voit refuser les privilèges accordés par la loi aux membres du clergé. Et il en est de même pour un ministre qui préside une congrégation de témoins de Jéhovah. Loin de décourager les frères, cette décision a incité les témoins de Jéhovah de ce pays à relever le défi et à prouver que ce n’est pas en vain que Jéhovah les a “suffisamment qualifiésg”.

      Au début de l’année 1955, la Société a lancé la plus vaste campagne spéciale de distribution qui ait jamais eu lieu à l’échelle du globe. En effet, tel un jugement, le message intitulé Qui est “La lumière du monde”, la chrétienté ou le christianisme? est venu frapper tout le système de religion enraciné dans le présent monde. Ce dur message a brusquement ébranlé ce dernier le dimanche 3 avril 1955, lorsque la même conférence publique a été donnée simultanément en trente langues sur toute la terre. À la fin de cette conférence, on a annoncé la parution de ce même sujet sous la forme d’une brochure de trente-deux pages; tous les assistants en ont reçu des exemplaires gratuits. D’ailleurs, sur la terre entière, plus d’un demi-million de personnes sont venues écouter ce puissant discours. D’après la lettre du président, datée du 10 février 1955, on s’attendait à publier dix millions d’exemplaires de cette brochure en dix langues. Toutefois, les filiales de la Société désiraient si ardemment répandre ce message que celui-ci a été publié en trente langues et tiré à plus de 21 000 000 d’exemplairesh.

      La distribution de cette brochure parmi le grand public s’est faite aussitôt après la conférence publique. Des milliers de personnes nouvellement intéressées à la vérité ont, pour la première fois, participé à la diffusion du message. Cette activité intense a produit un nouveau maximum de 625 256 proclamateurs du Royaume pendant le mois d’avril. Entièrement “réveillées”, ces personnes bien disposées sont venues si nombreuses le soir du jeudi suivant 7 avril à la célébration du repas du Seigneur, qu’on a atteint le chiffre sans précédent de 878 303 assistants, dont 16 815 seulement ont pris les emblèmes réservés aux membres du reste de la classe céleste du Royaumei.

      En avril et en mai, la nouvelle brochure a été répandue dans quatre-vingt-huit pays, et rien qu’en ces deux mois, sa diffusion a été tout à fait phénoménale, même dans des pays où les témoins de Jéhovah étaient interdits, à savoir dans la République dominicaine, en Argentine, en Espagne, au Portugal et en Allemagne de l’Est. Le clergé de la chrétienté a par la suite été l’objet d’une attention particulièrej.

      Parallèlement à cette distribution éclair, les témoins de Jéhovah ont achevé leur campagne spéciale d’abonnements à La Tour de Garde en obtenant, du mois de janvier au mois d’avril, 562 228 nouveaux abonnements à ce périodique, et cela en quarante langues. Il s’agissait de la dix-septième campagne annuelle d’abonnements à La Tour de Garde; la première avait eu lieu en 1939 pendant cinq mois, et au cours de celle-ci 93 000 nouveaux abonnements avaient été obtenus rien qu’aux États-Unisk. La première campagne d’abonnements à Consolation (angl.) a eu lieu en 1938, et en trois mois 73 006 nouveaux abonnements ont été souscrits rien qu’aux États-Unisl.

      LES ASSEMBLÉES DU ROYAUME TRIOMPHANT

      L’année 1955, qui a marqué le commencement de la cinquième décennie du règne du Royaume, a été éminente également en ce sens que la société du monde nouveau a tenu sa plus grande assemblée jamais organisée jusque-​là. En effet, celle-ci a commencé le mercredi 22 juin et s’est poursuivie avec succès jusqu’au dimanche 28 août, pour se terminer à des milliers de kilomètres plus loin.

      THOMAS: On dirait que c’était une assemblée qui se déplaçait. Était-​elle calquée sur les Assemblées de l’adoration pure tenues en 1951?

      JEAN: Oui, mais sur une échelle bien plus grande encore. En effet treize assemblées ont eu lieu en l’espace de dix semaines, avec un total de 403 682 assistants à la conférence publique, parmi lesquels 13 016 avaient symbolisé l’offrande de leur personne par le baptême d’eau. Les principales publications nouvelles, parues en anglais, étaient le volume II des Écritures hébraïques — Traduction du monde nouveau, et les livres Qualifiés pour le ministère et Vous pouvez survivre à Harmaguédon et entrer dans le monde nouveau de Dieu. Voici ce que l’Annuaire (angl.) rapporte à ce sujet:

      À peine l’été avait-​il commencé dans l’hémisphère nord que les témoins de Jéhovah s’assemblèrent à Chicago, dans l’Illinois. Cinq jours d’un temps beau et clair donnèrent le départ aux Assemblées du “Royaume triomphant”, avec un record d’assistance de 42 116 personnes rassemblées dans l’immense parc Comiskey le dimanche après-midi (26 juin), pour écouter le discours intitulé “Conquête prochaine du monde par le Royaume de Dieu”.

      Semaine après semaine, de grandes foules s’assemblèrent dans différentes parties de la terre. La deuxième assemblée merveilleuse eut lieu à Vancouver, en Colombie britannique [Canada]; puis une autre à Los Angeles, en Californie; cette assemblée fut la troisième par ordre d’importance tenue aux États-Unis; ensuite ce fut le tour de Dallas, au Texas, et enfin de New York, dont l’assemblée marqua la fin de celles tenues sur le continent nord-américain. Dans l’hémisphère occidental, c’est au célèbre Yankee Stadium qu’on a dénombré pour un seul et même endroit la plus forte assistance, soit 55 009 personnes. Ce fut la troisième fois que les témoins de Jéhovah se servirent de cet excellent lieu d’assembléea.

      Ensuite, le voyage s’est poursuivi vers l’est, en direction de l’Europe, pour ce qu’un journal a qualifié de “Probablement le plus important mouvement en masse d’Américains à travers l’Europe depuis l’invasion alliée au cours de la Seconde Guerre mondialeb”.

      Quarante-deux avions furent affrétés par la Société Watch Tower, ainsi que deux bateaux, l’Arosa Kulm et l’Arosa Star. En fait, ceux-ci devinrent des salles d’assemblée flottantes avec des programmes conçus spécialement en vue de l’édification de tous les passagers à bord.

      EN ROUTE POUR DE NOUVEAUX LIEUX DE RÉUNIONS

      Le plus vaste rassemblement a eu lieu à Nuremberg, en Allemagne, sur l’immense stade Zeppelin. C’était la troisième fois que les témoins s’en servaient depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Hitler avait construit ce stade pour y tenir ses rassemblements gigantesques qui duraient une semaine et pour y étaler la puissance et la solidarité naziesc.

      Quelle victoire pour ces témoins de Jéhovah d’Allemagne qui avaient été traqués et persécutés sans merci par le Troisième Reich d’Hitler, lequel cherchait à les supprimer! Quel triomphe pour le message du Royaume prêché pour la quarantième année consécutive depuis l’instauration du Royaume, à la vue des 107 423 personnes assemblées en ce lieu particulier, le dimanche 14 août, afin d’écouter la conférence publique intitulée “Conquête prochaine du monde par le Royaume de Dieu”! Les paroles suivantes d’un éditorialiste, écrites à l’occasion d’un autre “rassemblement d’une multitude paisible [les témoins de Jéhovah] dans la fraternité et la bonne volonté”, pourraient tout aussi bien s’appliquer à l’assemblée de Nuremberg, tenue au stade Zeppelin:

      C’est sans doute l’époque la plus dangereuse que le monde ait jamais connue, mais ceux qui viennent paisiblement et sans aucune arme font partie de toutes les époques dangereuses de l’Histoire; il semble qu’ils n’en constituent qu’une partie peu importante, car les destructeurs tiennent toujours la vedette dans l’Histoire. (...)

      Mais il n’en est peut-être rien. Il se peut qu’une force trompeuse se cache quelque part derrière l’apparence candide de ceux qu’on croit être sans défense. Après tout, combien d’entre les foudres de guerre sanguinaires du genre Attila et Hitler ont réussi dans leur entreprise? Dans chaque cas, leurs monuments sont construits en matériaux faits de leurs propres infamies, tandis que les “hommes sans défense” passent sur leurs tombes pour rallier de nouveaux lieux de réunions.

      Ainsi, il se peut que les débonnaires ne soient pas autant en danger qu’ils le paraissent. La tentative de les priver de l’héritage qui leur est promis constitue peut-être le jeu le plus dangereux entre tousd.

      Il est certain que les témoins de Jéhovah ne craignaient pas les dangers qui pouvaient se présenter sur leur chemin. Mais voici la conclusion que l’Annuaire (angl.) tire des assemblées:

      Cette merveilleuse Assemblée du “Royaume triomphant” a mis un point final à l’année de service des témoins de Jéhovah, et aucun d’entre eux ne se posait la question de savoir si Jéhovah avait déversé sur nous des bienfaits plus grands que nous ne pouvions en recevoir, et c’est ce qui servit de tremplin à son organisation en vue de progrès plus importants encore au cours de l’année de service 1956. En effet, la “grande foule”, venue de toutes nations, de toutes tribus et de toutes langues, ne cessait d’affluer au temple de Jéhovah pour le culte, et la société du monde nouveau était soucieuse de les accueillir, de les instruire et de les aider à manifester un attachement exclusif au Maître souveraine.

      Après ces assemblées, les témoins du monde entier ont envoyé à chaque membre du clergé et à chaque rédacteur des principales publications de leur territoire un total sans précédent de 257 124 exemplaires de la brochure intitulée Qui est “La lumière du monde”, la chrétienté ou le christianisme? Les lettres reçues par la Société pour accuser réception de cette brochure étaient écrites sur tous les tons; les unes étaient carrément méchantes, les autres exprimaient des regrets, certaines étaient d’accord avec nous ou simplement poliesf.

      Jusqu’en 1955, donc au cours des dix années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale, vingt-cinq groupes d’étudiants ont pu assister au cours semi-annuel de Galaad, l’École biblique de la Watchtower. Depuis son ouverture en 1943 jusqu’à l’été 1955, soit en douze ans et demi, 2 721 étudiants originaires de cinquante-neuf pays sont passés par Galaad. De ce nombre, 2 631 ont suivi le cours avec succès, 90 ont dû le quitter pour des raisons de santé, à cause de leurs notes insuffisantes ou pour d’autres motifs. Des diplômes ont été décernés pour des études méritantes à 2 487 élèves, mais 144 autres n’en ont pas reçu parce que leurs notes étaient au-dessous du minimum fixé. Parmi ceux qui ont fini le cours, il y avait 1 136 ministres venus de cinquante-huit pays autres que les États-Unis, et 1 495 de nationalité américaine. Autre détail intéressant, 833 étaient des hommes célibataires, 796 des femmes célibataires et 1 002 étaient mariés. À présent, en 1955, où se trouvaient ces missionnaires, et que faisaient-​ils?

      Un coup d’œil sur les statistiques nous apprend que 663 missionnaires diplômés de Galaad travaillaient dans douze pays de l’Amérique du Nord, 144 étaient à l’œuvre dans trente-huit îles de l’Atlantique, de la mer des Antilles et de la Méditerranée, tandis que 340 autres avaient été affectés en Amérique du Sud. L’Europe, elle aussi, avait reçu sa part avec 278 Galaadites. En Afrique, 108 missionnaires de la Société servaient dans trente-quatre pays; en Asie, 186 étaient dispersés dans dix-huit pays; et dans les îles du Pacifique, 85 s’occupaient du ministère théocratique.

      L’expansion enregistrée dans ces pays n’était pas due uniquement à l’activité énergique des missionnaires, mais leur formation théocratique avancée et leurs nombreuses heures de prédication zélée dans les foyers des gens leur ont certainement permis de prendre la tête et de donner l’exemple. En 1955, il y avait en Amérique du Nord un ministre des témoins de Jéhovah pour 922 habitants, soit un total de 236 124 proclamateurs, contre 75 589 en 1942, l’année avant la création de Galaad. Dans les îles de l’Atlantique, de la mer des Antilles et de la Méditerranée, on comptait un témoin pour 971 habitants, soit un total de 19 615 témoins, tandis qu’en 1942 il n’y en avait que 1 297. En Amérique du Sud, la proportion était moins élevée, car on n’y trouvait qu’un témoin pour 6 435 habitants, autrement dit 18 800 ministres en tout. Pourtant il s’agissait d’un accroissement énorme par rapport aux 807 qui y étaient actifs en 1942! L’Europe avait en moyenne un témoin pour 1 746 habitants, soit 227 374 témoins; l’accroissement était important par rapport à 1942, où on ne comptait que 22 796 proclamateurs. Sur le continent africain, le nombre des témoins était passé en 1955 à 98 146, soit un proclamateur pour 2 068 personnes; il y en avait seulement 10 070 en 1942. Quant à l’Asie, on pouvait l’appeler le continent des “ténèbres”, car en 1955 on n’y comptait que 4 541 témoins, soit un pour 280 000 habitants. Mais en 1942, il n’y en avait que 406. Les îles du Pacifique en comptaient en moyenne un pour 2 800 habitants, avec un total de 38 325 proclamateurs, tandis qu’en 1942 ils n’avaient été que 4 275.

      Vraiment, la “grande foule” affluait nombreuse! C’était évident! Cependant, bien que l’accroissement ait été remarquable au cours du deuxième conflit mondial, surtout en Europe, l’augmentation est intervenue plus particulièrement à partir de 1945. Prenons l’exemple des États-Unis pour illustrer ce point. L’Annuaire (angl.) de 1956 fait à ce propos le commentaire suivant:

      Les témoins de Jéhovah des États-Unis se réjouissent du privilège qu’ils ont eu pendant l’année de service 1955 d’atteindre un maximum sans précédent de 187 120 proclamateurs prêchant la bonne nouvelle. Il est intéressant de jeter un coup d’œil sur les années précédentes et de constater qu’en 1940 il y avait 58 000 proclamateurs. Pendant sept ans, c’est-à-dire jusqu’à la fin de 1946, leur nombre se situait entre 58 000 et 66 000. Mais depuis, un accroissement constant d’environ 12 000 nouveaux proclamateurs a pu être enregistré en moyenne chaque annéeg.

      Rappelez-​vous en outre qu’en 1942 on comptait, dans le monde entier, 115 240 témoins de Jéhovah qui prêchaient, et qu’en 1945 ils étaient 141 606. C’est pourquoi l’Annuaire (angl.) de 1956 poursuit son commentaire en ces termes:

      Lorsque nous jetons un regard rapide sur les dix dernières années, nous pouvons voir comment Jéhovah Dieu a nourri et rassemblé, par l’intermédiaire de son organisation visible, un demi-million de personnes bien disposées, qui ont toutes pris position pour lui et ont démontré qu’elles sont des ministres qualifiés de Jéhovah Dieu. Un demi-million, voilà l’accroissement de la société du monde nouveau rien qu’en l’espace de dix ansh!

      Ainsi donc, en entrant dans la cinquième décennie du règne du Royaume, les témoins de Jéhovah étaient au nombre de 642 929. Cependant, malgré leur certitude de l’expansion future, ils avaient aussi à affronter une opposition croissante. En Pologne, d’après des informations fournies par la presse et la radio, cinq témoins de Jéhovah ont été arrêtés sous la fausse accusation d’être des espions au service des États-Unis, et ils ont été condamnés en mars 1955 à plusieurs années d’emprisonnement. Marc 13:9 et Luc 21:12 continuaient en effet à s’accomplir sur les témoins de Jéhovah en ce “temps de la fin”.

      [Notes]

      a a wF 1954, p. 75.

      b b Informateur (angl.), mai 1954.

      c c Ibid., juin 1954.

      d d wF 1955, pp. 93-95.

      e e Ibid., p. 142.

      f f Ibid.

      g g Report of New World Society Assembly of Jehovah’s Witnesses, 23 juil. 1953, p. 21.

      h h Informateur, sept. 1953, pp. 1, 4; juin 1954, pp. 1, 3.

      i i Ibid., nov. 1953, pp. 1, 2; mars 1954, p. 3; mai 1954, p. 3.

      j j Ibid., nov. 1954, pp. 1, 3, 4.

      k k Informateur (angl.), janv. 1940, p. 4.

      l l Annuaire (angl.) 1955, p. 72.

      a m Annuaire (angl.) 1956, p. 70.

      b n wF 1955, p. 143.

      c o Pour compte rendu et photo, voir wF 1955, pp. 76, 77.

      d p Ibid., p. 77.

      e q Informateur (angl.), déc. 1954, p. 1; Informateur, nov. 1955, p. 2.

      f r wF 1955, pp. 317, 318.

      g s Annuaire (angl.) 1957, p. 101.

      h t Informateur, mars à juin 1955.

      i u wF 1956, p. 94.

      j v Informateur, juin 1955, p. 2.

      k w Annuaire (angl.) 1940, p. 57.

      l x Annuaire 1939, p. 50.

      a y Annuaire (angl.) 1956, pp. 42, 43.

      b z The Stars and Stripes, édition européenne, 5 août 1955.

      c aa Réveillez-vous!, 8 avril 1956, p. 8.

      d bb Amazing, Vol. XXXII, oct. 1958, p. 5.

      e cc Annuaire (angl.) 1956, pp. 43-45.

      f dd Ibid., p. 288.

      g ee Annuaire (angl.) 1956, pp. 66, 67.

      h ff Ibid., p. 286.

      [Illustration, page 275]

      VUE AÉRIENNE DES TERRAINS DE GALAAD; AU CENTRE: LE BÂTIMENT PRINCIPAL; EN HAUT À GAUCHE: LA BIBLIOTHÈQUE.

  • La nuée de témoins des temps modernes avance en maintenant la fidélité de sa conduite
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 35

      La nuée de témoins des temps modernes avance en maintenant la fidélité de sa conduite

      THOMAS: En parlant des difficultés que les communistes ont créées aux témoins de Jéhovah en Pologne, Jean, vous me faites penser que vous n’avez rien dit sur la guerre de Corée. Quel était le sort des témoins de Jéhovah en Corée à cette époque? Je me souviens de vous avoir entendu dire qu’ils avaient un dépôt de publications dans ce pays avant la Seconde Guerre mondiale.

      JEAN: C’est exact. Ce dépôt a été installé par quelques frères en 1931. Cependant, de 1939 à 1945, vous vous en souvenez, l’œuvre a été frappée d’interdiction absolue. Mais en 1945, l’heure de la libération a sonné. Le frère responsable de l’œuvre en Corée était mort. Seulement la moitié environ des frères qui avaient été emprisonnés ont pu reprendre le service une fois remis en liberté. Les autres étaient morts ou avaient perdu la santé.

      Pendant huit ans, les frères de Corée avaient été privés de tout contact avec l’organisation; mais malgré tout, certains d’entre eux savaient qu’il y avait beaucoup de personnes bien disposées à qui il fallait prêcher. C’est pourquoi ils ont rassemblé les publications qu’ils possédaient et les ont toutes distribuées très rapidement. Alors, en 1948, la Société a pris des dispositions pour envoyer en Corée des missionnaires qualifiés, diplômés de Galaad, l’École biblique de la Watchtower. Les deux premiers y sont arrivés le 9 août 1949. Sans tarder, ils ont organisé les frères pour le service du champ, si bien que huit d’entre eux y ont pris part dès le premier mois de l’arrivée des missionnaires.

      Durant la guerre de Corée, les missionnaires ont été évacués au Japon, tandis que les frères coréens sont restés prisonniers dans la ville de Séoul quand celle-ci a été prise par les communistes. Cependant, ils ont été libérés trois mois plus tard. Ensuite, avant que Séoul ne soit prise une seconde fois par les communistes, la population a eu l’occasion de s’enfuir. Les frères se sont alors dispersés dans les villes du sud de la Corée pour y trouver refuge. Bientôt de nouvelles congrégations étaient à l’œuvre dans les villes de Taegu, Fusan, Taejon, Kunsan et Chonju. En novembre 1951, un des missionnaires américains a pu retourner en Corée; les frères ont été rapidement réorganisés, de sorte que 407 proclamateurs ont remis un rapport en août 1953. Le 1er septembre 1953, une filiale a été ouverte à Séoul. Dès lors, l’accroissement a été si rapide qu’en 1959, soit dix ans après l’arrivée des premiers missionnaires, le nombre des proclamateurs participant au ministère était passé de huit à 3 456, et cela malgré la guerre qui avait fait rage entre-tempsa.

      L’expansion que l’Europe a connue après la Seconde Guerre mondiale ne s’est pas réalisée sans de grandes difficultés. Ce fut le cas surtout dans les pays où l’influence communiste s’est fait fortement sentir. Quand la Russie s’est mise à baisser le rideau de fer en Europe après 1948, des milliers de témoins se sont trouvés en butte à une persécution sous bien des rapports encore pire que celle qu’ils avaient endurée sous le régime nazi. Trois ou quatre ans seulement après leur libération des camps de concentration, c’est par milliers qu’ils se sont retrouvés déportés dans des institutions diaboliques du même genre, qu’ils ont été condamnés aux travaux forcés dans les mines russes, ou, pis encore, qu’ils ont été exilés en Sibérie. Rien qu’en Allemagne de l’Est, 1 016 témoins, hommes et femmes, ont été condamnés en tout à 6 865 ans de prison; en 1953, quatorze témoins avaient été mis à mortb. En 1958, il y en avait encore 440 en prisonc.

      On peut citer comme autre exemple l’histoire tragique des témoins en Pologne. En 1939, avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, ils étaient 1 039 ministres à résister vaillamment aux cruelles persécutions infligées avec fanatisme par la Hiérarchie catholique romaine, qui avait réduit les témoins à la clandestinité depuis des annéesd. La délivrance de la tyrannie des nazis en 1945 a été douce, mais s’est révélée éphémère. Dès que la liberté a laissé la porte ouverte à l’activité, on a rapidement réorganisé le culte théocratique dans le pays, de sorte qu’en 1946 on atteignait un nouveau maximum de 6 994 ministrese. En 1947, des missionnaires formés à l’École de Galaad sont venus les aider à s’organiser encore davantage en vue de l’expansionf, si bien qu’en 1948 on a compté un maximum de 10 385 ministres actifs dans la prédicationg, et qu’en 1950 leur nombre s’est encore accru pour arriver au total surprenant de 18 116h.

      Brusquement, en 1950, la Pologne s’est trouvée enfermée derrière le rideau de fer. Cette même année, les témoins de Jéhovah ont été frappés d’interdiction et les bureaux de la filiale fermés le 21 juin, tandis que les frères à la tête de l’œuvre ont été arrêtés et condamnés à de longues peines d’emprisonnement. La majorité des serviteurs des congrégations, ainsi que d’autres frères et sœurs, ont été arrêtés d’un bout à l’autre du pays, à l’exception seulement des femmes âgées et des mères ayant des enfants de moins de huit mois. Bon nombre d’entre les frères arrêtés ont été déportés aussitôt après dans des camps de travail, où ils ont continué à prêcher. Les missionnaires de l’École de Galaad ont été expulsés du pays; ainsi, une nouvelle fois, les témoins polonais sont entrés dans la clandestinité et ont repris leurs activités dans les “catacombes”, pour continuer à faire resplendir le flambeau du culte chrétien à l’intention des nombreuses “autres brebis” cherchant encore à trouver refuge au sein de la société du monde nouveau de Jéhovahi.

      En Tchécoslovaquie également, les témoins se sont montrés de véritables champions de la liberté chrétienne. Avant qu’Hitler ne les ait privés de cette liberté, en 1938, ils étaient 1 166 ministres actifsj. Pendant la domination inflexible d’Hitler, ces fidèles serviteurs de Jéhovah Dieu ont eu de la peine à rester en contact entre eux à cause de leur activité clandestine. En 1945, avec la chute d’Hitler, l’œuvre a été promptement raniméek, si bien qu’en 1946 on a compté 1 209 témoins actifsl. Quand la Tchécoslovaquie a disparu à son tour derrière le rideau de fer, en 1948, les témoins ont été frappés d’interdiction également dans ce pays-​là; à la fin de novembre, les bureaux de la filiale ont été fermés et de nombreux frères arrêtésa. Cette mesure n’a pas mis fin pour autant à l’œuvre de rassemblement, car en 1950, il y a eu 2 882 prédicateurs actifs du Royaume de Jéhovahb, et, en 1951, leur nombre est passé à 3 705c.

      Si le temps le permettait, nous pourrions relater des faits analogues concernant les témoins en Yougoslavied, en Bulgarie, en Hongriee et en Roumanief communistes. Même en Union soviétique, en 1948, plus de 8 000 ministres du Royaume de Jéhovah ont pris part activement à l’œuvre de prédication biblique, usant de méthodes souvent très ingénieusesg. Nous savons que des milliers d’entre eux ont été exilés en Sibérie. Pendant l’année 1954, 64 123 témoins étaient toujours actifs dans l’ensemble des pays situés derrière le rideau de ferh, alors qu’en 1959 leur nombre s’est élevé à plus de 123 000i. Désormais, la Société ne publie plus les chiffres individuels de chacun des pays derrière le rideau de fer, pour empêcher leurs gouvernements respectifs de savoir combien de vrais chrétiens résident dans leur territoire.

      UNE PÉTITION EST ADRESSÉE AUX DIRIGEANTS COMMUNISTES DE L’UNION SOVIÉTIQUE

      En 1956, au cours de leurs assemblées de district organisées sur la terre entière, les témoins de Jéhovah ont attiré énergiquement l’attention du monde sur les mauvais traitements que leurs coreligionnaires subissent en Union soviétique. Réveillez-vous! relate les faits en ces termes:

      Les assemblées de district des témoins de Jéhovah en 1956 furent uniques dans ce sens qu’à chacune d’elles, pendant la session du samedi soir, fut présentée une pétition adressée à M. Nikolaï A. Boulganine, premier ministre de l’URSS, concernant les traitements subis par les témoins derrière le rideau de fer, notamment en Russie et en Sibérie. (...)

      En premier lieu, elle décrit les persécutions de témoins de Jéhovah en Russie d’Europe et en Sibérie révélées par des rapports récentsj.

      MARIE [Elle l’interrompt]: Excuse-​moi, Jean. Ne penses-​tu pas qu’il serait intéressant de citer à ce propos les chiffres mentionnés dans le texte de la pétition et dans celui de la résolution?

      JEAN: Oui, bien sûr. Voudrais-​tu nous lire ce paragraphe, s’il te plaît?

      MARIE [Elle lit]:

      Au cours des deux dernières années, la nouvelle nous est parvenue de Russie, soit par les dépêches de grands quotidiens, soit par des rapatriés, que 1° il y a ou il y avait environ 2 000 témoins de Jéhovah dans le camp de travail de Vorkouta; 2° au début d’avril de l’année 1951, environ 7 000 témoins furent pris dans une vague d’arrestations, qui sévit des [pays baltes] jusqu’en Bessarabie, et transportés en trains de marchandises vers cette région lointaine située entre Tomsk et Irkoutsk et aux environs du lac Baïkal en Sibérie; 3° il y a des témoins de Jéhovah détenus dans plus de cinquante camps situés en Russie [d’Europe], en Sibérie et plus au nord vers l’océan Arctique, et même dans l’île arctique de [la Nouvelle-Zemble]; et 4° un certain nombre de ces détenus, notamment parmi les 7 000 mentionnés plus haut, sont morts de sous-alimentation au cours des deux premières années de leur séjour en Sibériek.

      JEAN: Merci, Marie. Reprenons maintenant la suite du rapport paru dans Réveillez-vous!:

      [La pétition] demande qu’une impartiale enquête gouvernementale ait lieu et qu’on libère les témoins, les autorisant à s’organiser comme dans les autres pays. Elle demande en outre que l’on permette aux témoins en Russie d’établir des rapports réguliers avec leur conseil d’administration aux États-Unis, et d’imprimer et d’importer toutes les publications bibliques qui leur sont nécessaires pour l’accomplissement de leur ministèrel.

      Puis, dans un “Énoncé des faits”, la pétition décrivait l’œuvre des témoins de Jéhovah et les raisons bibliques de cette œuvre, leur déniait tout intérêt ou toute attache politique, et mettait l’accent sur le fait que ces chrétiens sont reconnus dans le monde entier pour leur stricte adhésion aux enseignements de la Bible; enfin, elle demandait si le gouvernement soviétique désirait prendre sa part de responsabilité dans l’accomplissement de la prophétie de Jésus suivant laquelle ses disciples seraient haïs et persécutés par toutes les nations à cause de son nom. Matthieu 10:16 et 24:9 étaient cités à l’appui. Le rapport publié par Réveillez-vous! dit encore:

      Pour conclure, la pétition propose une discussion entre les représentants du conseil d’administration des témoins de Jéhovah et ceux du gouvernement soviétique. Elle suggère qu’une délégation de témoins de Jéhovah soit autorisée à se rendre à Moscou dans ce but et pour visiter les divers camps où des témoins sont incarcérés. Elle ajoute:

      “En attendant, nous ne pouvons rien faire d’autre que d’informer le monde de la situation des témoins de Jéhovah dans les prisons, les camps de travail et les centres de déportation de Russie, car nous le leur devons comme à des amis et à des frères dans la foi. Mais notre désir serait de pouvoir dire au monde que vous, le Gouvernement de Russie, avez donné l’ordre de libérer les témoins de Jéhovah.”

      À chaque assemblée, la résolution proposant l’envoi de cette pétition fut accueillie avec enthousiasme et adoptée à l’unanimité. Entre juin 1956 et février 1957, elle fut adoptée par 199 assemblées réunissant un total de 462 936 congressistes. Quatre administrateurs de chaque congrès signèrent les trois exemplaires de la pétition au nom des assistants. Un exemplaire fut envoyé au premier ministre Boulganine, le deuxième à l’ambassade locale de l’Union soviétique et le troisième aux bureaux principaux de la Société. Des copies furent remises à la presse et beaucoup de journaux imprimèrent un compte rendu de la pétitiona.

      Rien qu’aux États-Unis, environ 1 500 journaux ont donné un compte rendu de la pétition. Puis, le 1er mars 1957, les sept directeurs de la Société Watch Tower ont signé en commun une pétition et l’ont envoyée au gouvernement soviétique. Les communistes n’y ont jamais répondu et n’en ont même pas accusé réception.

      LES TÉMOINS D’UNION SOVIÉTIQUE TROUVENT LA FOI ET LA GARDENT

      Toutefois, nous savons que le gouvernement soviétique n’ignore aucunement l’activité de prédication déployée avec énergie par nos frères derrière le rideau de fer. Écoutez, par exemple, ce que déclare un éditorial paru dans le Post de Washington sous le titre significatif “Une nuée de témoins”.

      LOÏS: Mais n’est-​ce pas l’expression que l’apôtre Paul emploie pour désigner les tout premiers témoins de Jéhovah mentionnés dans la Bible? Je me rappelle que vous m’avez fait lire ce texte le premier soir que vous êtes venus chez nous.

      JEAN: Je suis bien content de voir que vous vous en souvenez. On trouve cette expression dans Hébreux 12:1. Mais écoutez à présent ce que rapporte cet éditorial:

      Il est intéressant d’apprendre, par la voie d’une longue diatribe parue dans la Pravda, que la secte des témoins de Jéhovah donne aux chefs de la Russie communiste presque le même mal de tête qu’à ceux de l’Allemagne nazie. Il apparaît que les témoins ont fait des convertis dans toute l’Union soviétique, même dans des endroits aussi reculés que la Sibérie et [la ville de] Kourgan, et qu’à l’heure actuelle leur œuvre constitue un mouvement redoutable de résistance clandestine au régime.

      Les rédacteurs de la Pravda affectent de croire que l’ensemble du mouvement est subventionné par “les éléments les plus réactionnaires du capitalisme américain” et que son dessein est d’infecter les masses soviétiques d’un esprit de docilité et de résignation qui neutralisera ou retardera le triomphe mondial du prolétariat révolutionnaire. Les organisateurs du mouvement sont décrits comme d’“anciens criminels de guerre, des collaborateurs fascistes et des informateurs de la Gestapo” endoctrinés et formés pour leur rôle dans les camps de concentration allemands.

      Cette affirmation selon laquelle ils ont été endoctrinés dans les camps de concentration n’est peut-être pas dénuée de fondement.

      LOÏS [Elle l’interrompt]: Eh bien, nous, nous sommes persuadés que c’est vrai, n’est-​ce pas? Car vous nous avez lu de nombreux comptes rendus montrant comment les prisonniers russes ont appris la vérité de la bouche des témoins allemands, dans les camps de concentration.

      JEAN: C’est juste. Et cet article nous en donne une confirmation fondée sur des faits. Il constitue un témoignage véritable de l’intégrité et du zèle manifestés par ces chrétiens qui, après leur retour en Union Soviétique et bien qu’encore jeunes spirituellement, ont persévéré dans la foi qu’ils venaient de trouver.

      THOMAS: Je voudrais ajouter que c’est une preuve de l’authenticité et de la pureté de leur foi. D’ailleurs, celle-ci n’avait rien de commun avec cette espèce de “foi des tranchées”, comme on l’appelle, que tant de soldats américains ont acquise pendant la guerre.

      JEAN: L’article poursuit en ces termes:

      Presque tous les survivants de ces camps rendent hommage au courage et à l’inflexibilité des témoins détenus, ainsi qu’à leur résistance inébranlable à l’intimidation et même aux tortures. Il n’y aurait donc rien d’étonnant que de nombreux prisonniers russes — qui avaient presque autant de raisons que les témoins allemands d’identifier le régime avec le règne de l’antichrist et pas moins de raisons qu’eux d’envisager l’Histoire d’un point de vue apocalyptique — aient été fortement impressionnés par cet exemple.

      En tout cas, la doctrine millénariste des témoins — qui croient que la seconde venue de Jésus-Christ est depuis longtemps un fait historique, que son règne invisible sera bientôt transformé pour devenir son Royaume visible sur la terre, et que toutes les formes d’État existantes sont donc sataniques et condamnées à disparaître au cours de la proche Bataille d’Harmaguédon — a offert un immense attrait à des hommes vivant sous les formes de gouvernement les plus totalitaires et les plus tyranniques. On peut donc facilement accepter les estimations des témoins eux-​mêmes suivant lesquelles le nombre de leurs convertis au-delà du rideau de fer dépasse les 100 000. On peut ajouter foi également à la plainte formulée par la Pravda selon laquelle, dans les fermes collectives et les usines de l’Union soviétique, les témoins résistent aux influences coercitives du communisme et de sa propagande avec autant d’obstination que leurs frères des États-Unis lorsqu’ils refusent de faire le service militaire et de saluer le drapeaub.

      Un journal de Wilmington, dans le Delaware, a consacré un éditorial à cet article de la Pravda et a donné le sage commentaire que voici:

      Les “superpatriotes” de ce pays, qui considèrent les témoins de Jéhovah comme subversifs, ont d’étranges sympathisants. Les Russes partagent leur opinion! À l’encontre de nos “superpatriotes” cependant, les Russes ne pensent pas que les témoins soient sous l’influence des communistes.

      Cet éditorial reprenait ensuite l’“accusation” portée par la Pravda suivant laquelle “les témoins ont été formés dans les camps de concentration allemands pour tenter criminellement de ruiner l’esprit militant manifesté par le prolétariat”. Après avoir avancé son opinion concernant les raisons pour lesquelles notre message trouve des adeptes en Union soviétique, l’article concluait en ces termes:

      En Russie, pareille doctrine n’est nullement un opium pour le peuple. Elle constitue pour le moins une invitation à la désobéissance civile, et elle pourrait avoir sur les opprimés des effets bien plus explosifs que ses propagateurs ne le pensent. La Pravda, qui voit des capitalistes à tous les coins de rue, ne pouvait manquer de considérer ce mouvement comme une sinistre création de Wall Street. Toutefois, même si l’épouvantail de Wall Street est absurde, la Pravda n’a peut-être pas entièrement tort en voyant dans cette religion particulariste un danger possible pour l’État soviétique immortelc.

      ILS GARDENT LA FOI SOUS LES DICTATURES NON COMMUNISTES

      LOÏS: À présent, je comprends pourquoi les témoins de Jéhovah ont continué à augmenter en nombre sans que rien ne les arrête. Et j’arrive à m’imaginer que des hommes tels qu’Hitler en avaient réellement peur, bien qu’ils aient su que les témoins ne leur feraient aucun mal à eux personnellement. Du reste, ne nous avez-​vous pas cité des exemples au sujet des camps de concentration?

      JEAN: Oui. Mais des conditions semblables ont existé dans de nombreux pays, même dans ceux qui ne sont pas communistes. Ainsi, bien que la Grèce n’ait pas été dirigée par un gouvernement communiste, les frères y ont connu une intense persécution. Le clergé a accusé les témoins de Jéhovah d’être des communistes, des anarchistes, de mauvais patriotes, des traîtres refusant de prendre les armes pour défendre leur pays. Il a pressé ses ouailles non seulement d’éviter les témoins, mais de les chasser comme la peste quand ils viendraient les visiter avec le message du Royaume.

      Sous l’autorité dictatoriale actuelle, il nous est défendu de nous assembler dans des salles publiques sans l’autorisation du ministère des cultes, lequel n’a jamais été disposé à nous accorder cette permission. C’est pourquoi nos [réunions] ont lieu chez l’un ou l’autre des proclamateurs. Il arrive fréquemment que des agents de police fassent irruption, sur un ordre, dans ces locaux particuliers d’où ils arrachent nos frères et nos sœurs pour les emmener au poste. Ces derniers doivent comparaître en justice où on les accuse de prosélytisme. Souvent aussi les témoins sont arrêtés en pleine rue pour avoir eu La Tour de Garde dans leurs [poches] ou seulement pour avoir prononcé le nom de Jéhovah.

      Les pires des voies de fait que nous ayons enregistrées sont celles dont deux de nos frères ont été victimes: ils furent battus à mort pour s’être refusés à faire le signe de croix et à baiser des icônesd.

      Pourtant, dans ce pays-​là, plusieurs fonctionnaires savaient qui étaient les véritables fauteurs de troubles. Le récit suivant du serviteur de la filiale grecque va l’illustrer:

      Dans une île du sud de la Grèce, les frères ont subi de cruelles persécutions de la part de certains membres du clergé. Ils ont été souvent traduits devant les tribunaux, tantôt pour avoir étudié La Tour de Garde, tantôt pour avoir parlé à quelqu’un de la vérité, et tantôt pour avoir offert à quelqu’un un périodique. Toutefois, dans la plupart des cas, les tribunaux locaux ont acquitté les frères parce que ces accusations étaient toutes sans fondement. En une certaine occasion, quand un officier de la police visita la contrée, le prêtre se précipita vers lui et commença à se plaindre de l’accroissement numérique des témoins de Jéhovah. L’officier de police lui dit: “C’est vous, les prêtres, qui en êtes responsables. Vous feriez mieux d’aller à leur recherche avec l’évangile. Je vous ai déjà conseillé de ne pas les amener devant les tribunaux, et de ne pas provoquer de tapage à tout bout de champ. Ceux que vous avez fait comparaître en justice l’autre jour ont été acquittés, et ensuite ils sont allés au café central du village pour y lire La Tour de Garde. Je vous répète que vous êtes les seuls responsables. Ce sont les persécutions que vous leur infligez qui sont la cause de leur accroissement. Il n’y avait aucun témoin de Jéhovah dans le village autrefois, mais maintenant il y en a. En agissant comme vous le faites, vous allez inciter les juges eux-​mêmes à devenir témoins de Jéhovahe.”

      Donc, l’œuvre ne s’est pas arrêtée en Grèce. La République dominicaine constitue un autre exemple de persécutions en pays non communiste. Cette “république” insulaire située au sud-est immédiat des États-Unis a frappé d’interdiction les témoins de Jéhovah le 21 juin 1950f. Puis, le 17 août 1956, pour des raisons connues de lui seul, le gouvernement dominicain a levé l’interdiction. Pourtant, pendant que celle-ci avait été maintenue, le nombre de ministres actifs du Royaume est passé de 217 à 469g. Mais à peine un an plus tard, la police a commencé à s’attaquer avec violence à certains frères, notamment aux serviteurs de congrégation; le 24 juillet 1957, l’œuvre était de nouveau frappée d’interdiction. Le 3 août 1957, dix missionnaires américains ont été expulsés; plusieurs d’entre eux habitaient pourtant le pays depuis 1945.

      Cette mesure hostile du gouvernement dominicain a incité les 33 091 délégués réunis en assemblée de district à Baltimore, dans le Maryland, à adopter une pétition le 24 août 1957. Celle-ci développait un énoncé des faits montrant ce qui était arrivé aux témoins de Jéhovah dominicains, et elle invitait le généralissime Rafael Leónidas Trujillo, dictateur de la République, à réhabiliter son gouvernement en levant l’interdiction qui frappait les témoins de Jéhovahh.

      Par la suite, cette pétition a été adoptée par de nombreuses autres assemblées et congrégations des témoins de Jéhovah réunies autour du monde. Tant la pétition que l’expulsion des missionnaires ont reçu une large publicité dans la presse mondiale.

      LES ASSEMBLÉES DE DISTRICT DE LA “SAGESSE VIVIFIANTE” TENUES EN 1957

      THOMAS: Parlez-​nous un peu de cette assemblée de Baltimore qui a adopté la pétition.

      JEAN: C’était l’une des assemblées de district tenues en 1957 tout autour du monde et ayant pour thème “La sagesse vivifiante”. En voici une brève description tirée de l’Annuaire (angl.):

      Une série de discours spéciaux fut consacrée aux livres poétiques de la Bible: Job, les Psaumes, les Proverbes, l’Ecclésiaste et le Cantique des cantiques. À mesure que les discours se succédaient, l’intérêt et la curiosité devenaient plus vifs, jusqu’au moment où fut annoncée la parution du volume III des Écritures hébraïques — Traduction du monde nouveau (angl.), à la joie de tous les assistants.

      Un symposium consacré aux trois premiers chapitres de la Révélation 1-3 fit ressortir avec netteté la responsabilité que Jéhovah a placée sur ceux qui servent leurs frères en tant que surveillants de congrégation ou “étoiles”. Le festin spirituel atteignit son apogée quand fut prononcée la conférence publique, fort opportune, intitulée “La guérison des nations est proche”, dont le texte fut également présenté sous forme de brochure.

      Pour beaucoup de frères, ces assemblées marqueront peut-être le point de départ d’une nouvelle vie de louanges, car ils y furent invités à “servir là où le besoin est grand”. Nous espérons que de nombreux frères auront la possibilité d’aller s’installer dans d’autres pays où l’on a un grand besoin de frères mûrs, d’y trouver du travail et de contribuer à l’expansion de l’œuvre du Royaume. Les assemblées tenues aux États-Unis se sont terminées par celle de Baltimore, où 33 091 congressistes ont appuyé une protestation énergique à l’adresse du gouvernement de la République dominicaine, lequel a interdit notre œuvre et brutalise de nombreux frères. Selon un premier bilan, quarante assemblées ont été tenues dans quatorze pays, plus de 375 000 frères y ont assisté, et 8 070 personnes se sont fait baptiser pour symboliser l’offrande de leur personne à Jéhovahi.

      L’EXPANSION DES INSTRUMENTS DE L’ŒUVRE DU ROYAUME SE POURSUIT

      En 1956, on a achevé la construction d’une nouvelle imprimerie de douze étages servant à imprimer La Tour de Garde et Réveillez-vous! Tous les témoins de Jéhovah ont certainement eu de la joie en voyant que la diffusion accrue des périodiques a rendu nécessaire une telle construction — signe évident de la bénédiction de Jéhovah. La description et une photo de ce nouveau bâtiment ont été publiées dans le numéro du 22 décembre 1956 de Réveillez-vous! Le récit dit notamment:

      Le 9 juin 1955, on commença les fondations de ce solide bâtiment d’acier et de béton, d’une nécessité si urgente, destiné à loger les énormes rotatives qui impriment le merveilleux message du royaume de Dieu.

      (...) L’aire de l’édifice mesure 17 840 mètres carrés, ce qui représente une expansion de plus de cent pour cent, car l’aire des deux anciens bâtiments réunis mesure 15 050 mètres carrés.

      L’augmentation phénoménale du tirage de La Tour de Garde et de Réveillez-vous! rend également nécessaire l’achat et l’installation de nouvelles pressesj.

      À la fin de l’année de service 1958, la Société a pris livraison de deux nouvelles presses. Ainsi, le total des grandes rotatives a été porté à treize, pour permettre à la Société de faire face à la demande toujours croissante d’écrits bibliquesk.

      Mais ce n’est pas là toute l’expansion qui avait lieu. Un nouveau bâtiment qui abrite les bureaux de la filiale desservant les frères du Canada a été achevé presque en même temps que l’imprimerie de Brooklyn. Il a été inauguré le 25 mai 1956l. Dans l’imprimerie qui lui est rattachée, la Société imprime maintenant tous les périodiques La Tour de Garde et Réveillez-vous! en langue anglaise destinés à être distribués au Canada. En même temps, un nouveau bâtiment devant abriter la filiale et une imprimerie était en construction à Londres, en Grande-Bretagnea. En 1959, cette imprimerie était déjà en pleine activité; elle fournit à présent les périodiques de la Société en langue anglaise à presque toutes les nations du Commonwealth britannique. Le 31 août 1957, c’est à Copenhague, au Danemark, qu’a eu lieu l’inauguration des nouveaux locaux de la filiale et l’imprimerieb.

      Mais il faut encore mentionner une autre réalisation: un nouveau film d’une heure, intitulé “Le bonheur de la société du Monde Nouveau”. Celui-ci montre plusieurs scènes marquantes des assemblées du “Royaume triomphant”, tenues en 1955; on l’a projeté aux assemblées de circonscription dans le monde entier à partir du 15 juin 1956c.

      Autre signe d’expansion, le poste émetteur WBBR qui appartenait à la Société a été vendu le 15 avril 1957. Cette station avait fait son temps et bien servi les intérêts du Royaume de Dieu, mais on n’en avait plus besoin. En 1924, quand la station a commencé à émettre, il n’y avait qu’une congrégation d’environ deux cents proclamateurs pour desservir les cinq quartiers de la ville de New York, tout Long Island et même une partie du New Jersey. Ce petit groupe devait donc s’occuper de plusieurs millions d’âmes. Or, au moment où l’émetteur a été vendu, il y avait à l’intérieur des limites administratives de la ville de New York soixante-deux congrégations, comptant un maximum de 7 256 proclamateurs, plus 322 pionniers qui leur étaient associés.

      Oui, la ville de New York recevait un bon témoignage. Vous vous rappelez certainement que les témoins s’y étaient réunis à trois occasions, lors de deux congrès internationaux en 1950 et en 1953, et lors d’une assemblée de district en 1955. Les trois fois ils s’étaient assemblés au Yankee Stadium, le plus grand stade de base-ball de New York. Comme en 1953, celui-ci était archicomble, et 49 000 personnes en surnombre étaient réunies à la Cité de caravanes, à une soixantaine de kilomètres de là. Tous les témoins de Jéhovah se demandaient où l’on pourrait bien tenir un autre congrès international de ce genre après que la société du monde nouveau se serait accrue encore pendant quelques années. Alors, dans La Tour de Garde (angl.) du 15 décembre 1956, au bas de la page 763, on a pu lire cette annonce:

      IL NE RESTE PLUS QUE 19 MOIS! Oui, dans un peu plus d’un an et demi, les témoins de Jéhovah envisagent de tenir une assemblée internationale. Où donc? Dans la ville de New York. Quand cela? Du 27 juillet au 3 août 1958. Commencez d’économiser maintenant. Prenez des dispositions pour y assister!

      Avec foi, les témoins de Jéhovah ont donc commencé à se préparer dans le monde entier. Nous vous raconterons la semaine prochaine ce qui en est résulté.

      [Notes]

      a a Rapport pour avril 1959, adressé au bureau du président de la Société.

      b b Annuaire (angl.) 1954, p. 161.

      c c Annuaire (angl.) 1959, p. 126.

      d d Annuaire (angl.) 1940, p. 160.

      e e wF 1947, p. 253.

      f f wF 1948, p. 155.

      g g wF 1949, p. 32.

      h h wF 1951, p. 59.

      i i Annuaire (angl.) 1951, p. 242.

      j j Annuaire 1938, p. 157.

      k k wF 1946, p. 268.

      l l Annuaire (angl.) 1947, p. 118.

      a m wF 1950, pp. 142, 156.

      b n wF 1951, p. 59.

      c o Annuaire (angl.) 1952, p. 246.

      d p De 130 en 1944, leur nombre passa à 1 164 en 1954 (Annuaire [angl.] 1955, p. 271).

      e q Accroissement: de 837 en 1946 à 3 265 en 1954.

      f r De 2 191 en 1946, leur nombre passa à 6 072 en 1954 (Annuaire [angl.] 1954, p. 240).

      g s wF 1949, p. 141.

      h t wF 1955, p. 95.

      i u Rapport pour avril 1959, établi par le bureau du président de la Société.

      j v Réveillez-vous!, 22 mai 1957, p. 3.

      k w wF 1957, p. 122.

      l x Réveillez-vous!, 22 mai 1957, p. 3.

      a y Réveillez-vous!, 22 mai 1957, p. 3.

      b z Post, Washington, samedi 21 mars 1959, p. A8 [voir aussi wF 1959, p. 378].

      c aa Journal-Every Evening, Wilmington, Delaware, jeudi 26 mars 1959, p. 16 [voir aussi Réveillez-vous!, 8 oct. 1960, p. 14].

      d bb wF 1947, p. 284.

      e cc Annuaire (angl.) 1959, p. 168.

      f dd Annuaire (angl.) 1951, p. 148.

      g ee Réveillez-vous!, 22 janv. 1958, p. 6.

      h ff Ibid.; Annuaire (angl.) 1958, p. 67.

      i gg Annuaire (angl.) 1958, pp. 66, 67. Voir aussi w 1957, pp. 617-619.

      j hh Réveillez-vous!, 22 déc. 1956, pp. 6, 7.

      k ii Annuaire (angl.) 1959, p. 79.

      l jj Réveillez-vous!, 8 déc. 1956, p. 11.

      a kk Annuaire (angl.) 1956, p. 103.

      b ll Réveillez-vous!, 8 avril 1958, p. 11.

      c mm Informateur, juin 1956, pp. 1, 2.

  • Accomplissons la volonté divine dès maintenant et à jamais
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 36

      Accomplissons la volonté divine dès maintenant et à jamais

      LOÏS: Nous sommes impatients de vous entendre parler de l’Assemblée internationale de la volonté divine, tenue en 1958, maintenant que l’intérêt que nous portons à l’organisation des témoins de Jéhovah a été éveillé tout au long de nos entretiens. Naturellement, nous avons vu à la télévision quelques-uns des aspects les plus remarquables de ce congrès; en outre, Thomas a lu presque tous les articles que les journaux y ont consacrés, et il y en avait pas mal! Quant à moi, j’ai été impressionnée par le nombre considérable de baptêmes que vous avez célébré, mais je dois avouer que j’ai été quelque peu troublée à la vue des manchettes mentionnant votre adoption de cette fameuse résolution accusant le clergé d’avoir failli à son devoir.

      THOMAS: Allons, Loïs, avoue-​le donc! Tu étais franchement en colère. Je t’entends encore dire: “Qu’ils laissent donc le clergé tranquille!” Naturellement, tu n’aurais pas lu l’article qui, à mon avis, expliquait qu’ils avaient de très bonnes raisons de l’accuser ainsi.

      LOÏS: Bon! Mais maintenant j’en sais davantage. Si nous laissions Jean reprendre son récit?

      JEAN: Je ne pense pas pouvoir mieux l’introduire qu’en lisant le premier paragraphe du compte rendu paru dans La Tour de Garde. Le voici:

      Le royaume de Dieu règne dans tout l’univers! Comme jamais auparavant, il fit sentir sa présence à la terre au cours de l’été 1958, non par la violence, mais par une remarquable démonstration pacifique. Jamais auparavant ses ambassadeurs [et ses envoyés] ne s’assemblèrent en si grand nombre, pour s’instruire, délibérer, rendre témoignage et faire une proclamation publique en commun. Le célèbre Yankee Stadium et les Polo Grounds, tout proches, les plus grands parcs de base-ball de la ville de New York, regorgeaient littéralement de milliers de personnes, cependant tout se déroula sans le moindre désordre, comme il sied de la part de représentants du sublime Gouvernement de l’ordre universel. Pendant huit jours consécutifs, plus de 145 000 d’entre elles se réunirent quotidiennement et délibérèrent au sujet des intérêts du royaume de Dieu; la paix, la discipline et la fraternité régnèrent parmi elles. La tension, les accusations et contre-accusations pleines de menaces, la rivalité et le désaccord qui caractérisent les réunions officielles des Nations unies, dont le siège se trouve à quelques kilomètres au sud, ne dérangèrent ou ne troublèrent aucune session de l’Assemblée internationale de la volonté divine des témoins de Jéhovah, qui eut lieu du dimanche 27 juillet au dimanche 3 août. Originaires d’au moins 123 pays et îles, ils se réunirent toutefois dans une unité loyale autour du royaume de Dieu, entré maintenant dans son règnea.

      Sur le plan politique, on vivait une époque particulièrement décisive en ce qui concerne les relations internationales, car une guerre totale menaçait d’éclater au Moyen-Orient; c’est ce que montre le compte rendu, qui poursuit en ces termes:

      La situation mondiale devenait de plus en plus inquiétante. Le moment d’organiser une assemblée internationale de quelque importance et ne présentant aucun caractère politique semblait des plus inopportuns, d’autant plus que les délégués viendraient des quatre coins de la terre, même des régions situées dans la zone troublée, et devraient emprunter les moyens de transport du monde.

      Cependant, l’assemblée internationale, annoncée longtemps à l’avance, avait reçu un nom bien approprié. C’était la “volonté divine” qu’elle se tînt, et les conditions du monde devaient céder devant elle. Le Dieu très-haut du ciel, qui règne par l’intermédiaire de son Fils Jésus-Christ assis sur le trône, manifesta son pouvoir de régner au milieu de ses ennemis démoniaques et humains. Il contint les forces derrière les blocs des nations, oriental et occidental, afin que les ambassadeurs [et les envoyés] de son royaume céleste pussent s’assembler en paix conformément à la volonté divineb.

      Quand l’avis annonçant le congrès a été publié dans La Tour de Garde dix-neuf mois à l’avance, la Société avait déjà signé le contrat pour la location du Yankee Stadium. Mais étant donné l’accroissement connu par la société du monde nouveau depuis 1953, il ne faisait pas de doute qu’il faudrait plus de place que ce stade ne pouvait en offrir à lui seul.

      THOMAS: Vous avez eu de la chance de pouvoir obtenir également la location des Polo Grounds.

      JEAN: Ce fut même providentiel. La Société avait suivi avec un vif intérêt le déroulement des événements touchant ce terrain de base-ball de l’équipe des “New York Giants”, parce qu’il est situé de façon idéale par rapport au Yankee Stadium; en raison d’un déplacement possible de cette équipe new-yorkaise de New York à San Francisco, le stade pouvait être libéré. Aussi quand ce transfert a été approuvé, le 19 août 1957, le président de la Société a-​t-​il conclu immédiatement un contrat avec les propriétaires des Polo Grounds pour louer ceux-ci en même temps que le Yankee Stadium.

      Il s’est posé alors un autre problème: celui de se procurer un emplacement vaste et commode convenant à un camp de caravanes. Malgré des efforts répétés, on n’a obtenu aucun résultat. Finalement, on s’est rendu compte que c’était la volonté divine que tous les participants à ce congrès théocratique se rassemblent sans exception en un seul endroit, “en contact direct l’un avec l’autre, sans se perdre de vue, sous une administration unique, pour faire ensemble une démonstration de solidarité, de fraternité et d’amour chrétiens”. Aussi a-​t-​on avisé les frères qu’il n’y aurait pas de camp de caravanesc.

      En outre, la Société a envisagé de tenir plusieurs autres réunions importantes avec des membres de l’organisation visible de Jéhovah occupant des positions clés. Pour les recevoir convenablement, et pour accueillir par la suite le surplus de la foule, on a retenu le New Rockland Palace, situé dans le pâté de maisons voisin, au sud des Polo Grounds.

      DES PRÉPARATIFS À GRANDE ÉCHELLE EN VUE DU CONGRÈS

      Longtemps avant la première annonce officielle du congrès, des préparatifs étaient déjà en cours dans les coulisses.

      Cette assemblée (...) devait être, à la face du monde, une démonstration impressionnante de la puissance, de la capacité d’organisation, de la nature théocratique et de la présence du royaume de Dieu. L’assemblée exigeait donc de grands préparatifs, une attention appropriée étant accordée à des milliers de détails. Le royaume de Dieu ne tolère aucune négligence. Pour une assemblée d’une telle envergure, il fallut réunir un personnel de dix mille travailleurs volontaires à qui l’on attribua des tâches, depuis les travailleurs inscrits [au] programme, en passant par ceux qui figuraient dans les vingt-deux services prévus, oui, jusqu’à ceux dont la charge était de veiller au nettoyage et à l’hygiène, un important service. Tout méritait d’être fait pour le confort, la commodité et pour fournir l’aide nécessaire aux délégués de l’assemblée afin que pendant huit jours ils pussent mieux goûter les discours figurant au programme et participer aux activités conjuguées en annonçant le royaume de Dieu. On peut imaginer le travail étendu et intense qu’il fallut accomplir pour dresser les plans, prendre des arrangements, organiser. Il fallut non seulement former une organisation, mais de nombreuses constructions matérielles durent être préfabriquées pour les tribunes et leur décoration, pour les tentes, les appareils de sonorisation et maintes autres choses. En peu de temps il fallut imprimer une quantité considérable d’informations en de nombreuses langues, ce qui obligea les imprimeries de la Société à Brooklyn à travailler nuit et jour pendant des semainesd.

      L’une des entreprises principales a été de trouver des chambres pour héberger plus de 150 000 invités qui viendraient de plus de cent pays et qui, en grande partie, ne disposeraient que de moyens limités pour se loger et faire face aux autres dépenses du congrès. Pour lancer cette campagne, on a tenu une “réunion préliminaire” le samedi après-midi 26 avril 1958, au Yankee Stadium: 9 000 personnes y ont assisté. Le lendemain matin, les participants à la campagne de recherche de chambres, dont on n’avait jamais vu pareil nombre en une telle occasion, étaient déjà dans le champ. En dépit des efforts acharnés déployés au cours des semaines qui ont suivi, le premier dimanche du mois du Congrès il manquait plus de 30 000 chambres, mais la foi et la persévérance des zélés chercheurs de logements ont été finalement récompensées. En effet, quelques jours seulement avant l’ouverture du congrès, la marge entre les demandes et les chambres obtenues était comblée; on avait même plusieurs centaines de chambres supplémentaires pour ceux qui n’auraient pas fait de demande à l’avance.

      Les bureaux du congrès se trouvaient dans le “Watchtower Building”, la nouvelle imprimerie de douze étages de la Société située 77 Sands Street, à Brooklyn. Tout le dixième étage était réservé à l’organisation des préparatifs du congrès; chaque mètre carré était utilisé au maximum.

      Profitant de ce congrès, le président de la Société a organisé une réunion pour tous les serviteurs de filiale.

      En dépit des conditions troublées que traverse le monde, seuls deux serviteurs de filiale, empêchés par les hommes au pouvoir, ne purent répondre à l’appel et venir au bureau central des témoins de Jéhovah à Brooklyn. Le président de la Société, qui a visité presque tous les bureaux de ces filiales et imprimeries autour du globe, reconnut la nécessité, pour toutes les filiales, d’organiser uniformément les divers services, selon des méthodes s’étant révélées efficaces. Ainsi, après s’être livré lui-​même, pendant plusieurs semaines, à une inspection de la filiale à Brooklyn, la plus vaste et la plus [complexe] de la Société, il composa un livre contenant des instructions à l’intention de toutes les filiales organisées et le fit imprimer. Cet ouvrage de 158 pages, à feuilles mobiles, est intitulé [“Façon de procéder dans les] filiales de la Watch Tower Bible and Tract Society of Pennsylvania”. Les instructions qu’il contient devaient entrer en vigueur à partir du 1er septembre 1958. Ce nouveau livre devait être étudié et discuté. Le 16 juillet, soit environ deux semaines avant l’ouverture de l’assemblée, le président de la Société convoqua tous les serviteurs de filiale présents, plus de quatre-vingts, et leurs assistants, en tout 160 surveillants, à la Salle du Royaume située dans le bâtiment du Béthel de Brooklyn, 136, Columbia Heights. Là, jour après jour, il parcourut avec eux cet ouvrage sur le fonctionnement des filiales, le discutant, le développant, répondant à leurs questions à son sujet, jusqu’à l’avant-veille de l’ouverture de l’assemblée. Un exemplaire de ce livre spécial, remis à chacun des serviteurs de filiale, fut en fait la première publication mise en circulation à l’assemblée internationale.

      Attendu que chaque filiale est équipée de ce livre d’instructions et doit s’y conformer, les témoins de Jéhovah de n’importe quel territoire du globe peuvent avoir la plus grande confiance dans la filiale qui surveille leurs activités et les affaires de leurs assemblées. Ils savent qu’une telle filiale, quels que soient la distance qui la sépare des bureaux [principaux], son faible développement ou le caractère récent de son établissement, fonctionne selon les méthodes les plus avancées, les plus modernes, en parfaite harmonie avec les autres, même les plus anciennes et les plus grandes. Nul ne devrait donc mépriser ou refuser de reconnaître une filiale quelconque, mais tous les témoins de Jéhovah actifs devraient apprécier que l’organisation se compose de nombreuses parties qui travaillent en parfaite unité. Chaque témoin devrait donc coopérer et être soumise.

      DES JOURNÉES SIGNIFICATIVES

      Suivant un programme habilement tracé, chacune des journées du congrès a reçu un nom mettant en évidence tel principe ou telle activité théocratique.

      En commençant par le dimanche 27 juillet, les jours reçurent, dans l’ordre suivant, les noms de: Jour de fidélité, Jour du dévouement exclusif, Jour de l’expansion de notre ministère, Jour de l’appréciation de la bonté divine, Jour de la plénitude du service, Jour du ministère intrépide, Jour “Que ta volonté soit faite” et Jour du Royaume de Dieu. Ainsi, le thème du huitième et dernier jour attirait l’attention sur l’enseignement le plus important de la sainte Bible, le royaume de Dieu. Cela s’adaptait harmonieusement avec le sujet du discours public, point culminant du dernier jour, “Le royaume de Dieu est entré dans son règne — La fin du monde est-​elle proche?” Ce royaume théocratique est inséparable de la volonté divine, car c’est par le royaume de Dieu que la prière modèle adressée au Père céleste reçoit une réponse: “Que ta volonté se fasse, comme au ciel, aussi sur la terre.” (Mat. 6:9, 10, NW). Grâce aux conférences et aux discours des sept jours précédents, les assistants avaient acquis une bien meilleure appréciation du royaume de Dieu qui règne dans le ciel depuis 1914 par son Fils intronisé, Jésus-Christf.

      L’Assemblée internationale de la volonté divine n’avait pas pour but de procurer simplement aux chrétiens voués d’agréables moments de détente en commun, passés à écouter un programme divertissant ou des discours élogieux. Le compte rendu publié dans La Tour de Garde explique le but élevé que visait ce grand congrès; il mentionne en détail plusieurs des dispositions merveilleuses prises par l’“esclave fidèle et avisé” pour procurer une nourriture substantielle aux membres de la société du monde nouveau, les équiper convenablement et leur donner ainsi les moyens de jouer un rôle plus compétent dans les desseins divins. On y lit en effet:

      [L’assemblée] fut organisée pour être, et elle le fut, une école de formation des plus instructives, grâce à l’enseignement qui y fut donné, le plus avancé qui soit du point de vue scriptural et sur le plan de l’organisation. Dans ce but, non seulement les serviteurs de filiale de la Société furent invités à venir, mais encore tous les serviteurs de district et de circuit et le plus grand nombre possible de serviteurs de groupe de l’étranger comprenant l’anglais. Tous ces hommes sont des pivots dans la société du monde nouveau des témoins de Jéhovah répandue sur la terre entière. Ils avaient besoin et méritaient bien de profiter des conseils, de la formation et du stimulant réconfort spirituel communiqués par cette assemblée. De plus, on fit venir les diplômés de l’École biblique de Galaad, pour ainsi dire tous ceux qui étaient encore actifs dans le service à plein temps comme missionnaires ou pionniers spéciaux. Les groupes du globe entier avaient envoyé des contributions volontaires à la Société Watch Tower pour couvrir les frais de voyage de tous ceux qui le méritaient. Grâce à cette aide pécuniaire, des serviteurs à plein temps d’Asie, d’Afrique, d’Australie, d’Europe, des Amériques et de nombreuses îles purent assister à l’assemblée.

      Le président de la Société prit des dispositions pour rencontrer, le matin, dans des sessions spéciales, ces représentants éminents et serviteurs nommés par la Société. Ce fut en particulier pour ces sessions spéciales que le New Rockland Palace fut retenu. Le mardi matin 29 juillet, 1 211 missionnaires, qui font usage de cinquante-huit langues dans leurs territoires, s’assemblèrent avec le président de la Société et le corps enseignant de l’École de Galaad, entendirent des discours encourageants et prirent ensemble leur dîner avec joie, le repas étant servi sur des plateaux. Les trente et une classes de diplômés de Galaad étaient représentées, parmi lesquelles se trouvaient trente et un missionnaires appartenant à la première classe de 1943. Le mercredi matin fut caractérisé par une réunion avec un autre groupe de travailleurs à plein temps que la Société soutient financièrement, à savoir les pionniers spéciaux, dont l’œuvre d’une nécessité vitale s’accomplit dans de nombreux pays, dans des lieux qui leur sont spécialement attribués.

      De nombreux serviteurs de circuit et de district ont fréquenté l’École de Galaad. Malgré cela, le jeudi et le vendredi à 9h.30, le président de la Société les retrouva tous au Palace. Cette réunion avait pour objet l’amélioration de leur ministère en qualité de surveillants spéciaux des nombreux groupes de leurs circuits et districts. À ces deux matinées de discussions et de délibérations en commun s’ajoutèrent les discours “Prenons bien garde à notre manière de marcher” et “Paissez les brebis avec habileté”, prononcés respectivement par le président et le vice-président de la Société, le mercredi soir au Yankee Stadium. Ces discours s’adressaient particulièrement aux serviteurs de groupe, de circuit et de district, assis tous ensemble dans une partie réservée du stade.

      Un autre discours, prononcé le samedi matin par l’un des directeurs de la Société, du département de service des bureaux principaux, sur le sujet “Surveillants, maintenez en vie votre groupe”, souligna l’importance et la responsabilité des surveillants spirituels, à quelque niveau qu’ils se trouvent, pour ce qui est des privilèges de service. Les serviteurs de filiale et leurs assistants, exerçant un contrôle plus vaste, furent l’objet d’une attention appropriée pendant l’assemblée quand le président de la Société s’adressa encore une fois à eux, au Palace, le samedi à 9 heuresg.

      Toutes ces réunions ont eu un effet stimulant et éducatif sur tous ceux qui ont eu le privilège d’y participer. Elles ont été une preuve de l’intérêt bienveillant que le collège central spirituel de la Société attache au bien-être du troupeau; et, du fait des instructions qui y ont été données, elles ont permis encore davantage aux serviteurs jouant un rôle essentiel au sein de l’organisation visible de s’acquitter de leurs responsabilités de surveillants.

      LA RÉALITÉ DÉPASSE LES PRÉVISIONS

      Dès le premier jour du congrès, le programme promettait de merveilleuses choses inédites aux serviteurs de Jéhovah venus du monde entier pour l’écouter; en outre, il donnait une preuve supplémentaire de l’unité qui régissait les pensées de ces chrétiens réunis en congrès.

      Dès le début, l’assemblée fut marquée par son caractère international. Chaque jour, le président, dans chaque stade, appartenait à une nationalité différente: américaine, japonaise, brésilienne, philippine, mexicaine, [nord-rhodésienne], [ghanéenne], égyptienne, marocaine, argentine, autrichienne, britannique, [ceylanaise], grecque et française. En outre, les lundi, mardi, jeudi et vendredi matins, des sessions de deux heures furent tenues dans différentes sections des deux stades en vingt langues, pour donner des résumés des discours de l’assemblée à ceux qui ne connaissaient pas bien l’anglaish.

      Parmi les sujets traités durant le matin du jour d’ouverture, le dimanche 27 juillet, figuraient les discours des serviteurs de filiale de quinze pays sur le thème “Nous sommes heureux que ce soit la volonté divine que nous soyons ici”. Puis le serviteur de la filiale américaine, en sa qualité de président du congrès, a prononcé un cordial discours de bienvenue devant un auditoire de 122 061 personnes venues d’au moins 123 pays.

      Au programme de la même matinée figurait également l’exposé de sept serviteurs de zone sur le thème “Serviteurs de zone représentant les nations”. Ces serviteurs sont des représentants itinérants du président de la Société, chargés de visiter les filiales comprises dans la “zone” qui leur a été attribuée. Depuis 1956, tout le globe a été divisé en dix zones, chacune d’elles comprenant un certain nombre de filiales de la Société; c’est le 1er janvier 1956 que les premiers serviteurs de zone ont inauguré cette nouvelle forme de service consistant à inspecter les filiales.

      Ce dimanche après-midi-​là, les 103 étudiants de la trente et unième classe de l’École de Galaad ont occupé les places qu’on leur avait réservées sur le terrain de l’équipe de base-ball du Yankee Stadium. C’était le moment fixé pour la remise des diplômes. Sur la piste tout autour du stade étaient assis, groupés par classes, les missionnaires et les serviteurs à plein temps encore actifs des trente classes précédentes. Nombre d’entre eux avaient revêtu leur costume national. Tous ont suivi avec une attention soutenue le déroulement de la cérémonie; il en a été de même du vaste auditoire de 180 291 témoins se trouvant à l’intérieur et autour des deux stades. Même l’averse qui s’est mise à tomber au beau milieu du discours d’une heure, prononcé par le directeur de l’École sur le thème “Demeurez dans ces choses”, ne les a pas fait bouger de leurs sièges. Ces éducateurs du Royaume nouvellement formés étaient maintenant prêts à être envoyés en mission dans cinquante-deux pays.

      Nombreux ont été les comptes rendus présentés par des serviteurs de filiale, des missionnaires et des représentants spéciaux de la Société venus de la terre entière; tous ces orateurs ont mis au premier plan la structure et l’activité internationales de la société du monde nouveau, tandis qu’ils emmenaient en pensée leur auditoire attentif aux quatre coins des 164 pays où les témoins de Jéhovah prêchaient alors en plus de 120 langues. On a remarqué tout particulièrement l’exposé intitulé “Derrière le rideau de fer”. Voici le commentaire qu’en donne La Tour de Garde:

      Pour ajouter un certain réalisme émouvant à ce rapport de derrière le rideau de fer, le délégué suisse fit entendre une bande enregistrée qui traversa en contrebande de nombreuses frontières. C’est ainsi que les 127 802 assistants du samedi matin entendirent un groupe de témoins de la clandestinité chanter harmonieusement à quatre voix deux cantiques sacrés tirés de notre livre de cantiques de 1928, et des salutations et de bons souhaits émanant d’un surveillant travaillant dans la clandestinité. Quelle loyauté suscitée par le royaume de Dieui!

      Plusieurs serviteurs de filiale, de district et de circonscription, ont participé au programme d’enseignement. Des frères représentant le Béthel de Brooklyn sont également montés sur l’estrade pour présenter certaines parties importantes du programme.

      Les conseils bibliques et l’instruction donnés concernaient non seulement les serviteurs responsables et délégués de l’organisation sur toute la terre mais ils se rapportaient aussi aux obligations chrétiennes des parents et des enfants, des maris et des femmes, et des centaines de milliers de membres de groupes qui participent à la prédication du Royaume. En fait, tous les aspects de la vie chrétienne furent abordés dans les discours, et de nombreux conseils pratiques tirés de la Parole de Dieu furent prodiguésj.

      C’est alors que le vendredi 1er août une nouvelle forme d’enseignement a été proposée:

      La discussion de trente minutes sur “Une école théocratique pour des ministres sans crainte” suscita des applaudissements soutenus quand l’orateur, le président de la Société, fit une surprise aux 173 079 assistants, le vendredi soir. Quelle surprise? Celle-ci: À partir de janvier 1959, les sœurs dans les groupes auraient le privilège de s’inscrire à l’École hebdomadaire du ministère théocratique. Elles montreraient, de l’estrade, comment on fait des sermons de six minutes aux gens dans leurs foyers. Pour cela, elles utiliseraient (dans les territoires où on parle l’anglais) la nouvelle publication intitulée “Du paradis perdu au paradis reconquis”. Pour les sœurs, il s’agissait de prendre une part active à l’École du ministère théocratique, car elles recevraient ensuite des conseils du serviteur de l’école au sujet de leur présentationk.

      Auparavant, le mercredi matin 30 juillet, “Journée de la gratitude pour la bonté divine”, a offert un spectacle qui n’a point eu d’égal au cours des dix-neuf siècles qui ont suivi le jour de la Pentecôte de l’an 33 de notre ère à Jérusalem. En effet, c’est à cette occasion qu’a été célébré le plus grand baptême de chrétiens rapporté dans l’Histoire. Tous les candidats au baptême avaient pris place devant l’orateur, qui leur a parlé sur le sujet intitulé “Le baptême conformément à la volonté divine”. Ce qui s’est passé ensuite, nous le trouvons décrit en ces termes dans La Tour de Garde:

      [L’orateur] leur posa deux questions fondamentales, allant au fond des choses, afin de savoir si rien ne les empêchait d’être baptisés. Sur sa demande, les candidats au baptême se levèrent pour répondre d’une façon audible, à l’unisson, à ces deux questions déterminantes. À ce moment-​là, la foule considérable des observateurs fit entendre des applaudissements renouvelés et prolongés qui emplirent l’immense stade. Pourquoi? Parce qu’un nombre impressionnant de candidats s’étaient levés pour montrer que rien ne les empêchait de symboliser le don de leur personne à Dieu, par l’intermédiaire de Jésus-Christ, au moyen du baptême d’eau.

      Ils furent transportés à la plage d’Orchard Beach, à plusieurs kilomètres de là, par soixante-quinze autocars; là, ils formèrent trente rangées et furent baptisés dans la mer. Au bout de deux heures et demie, le nombre de ceux qui avaient été baptisés s’élevait à 2 937 hommes et 4 199 femmes, soit un total de 7 136. C’était 4 136 de plus que lors de la Pentecôte, et ils représentaient beaucoup plus de nations qu’à cette époque-​là, puisqu’il n’y en avait que seize. Le baptême de la Pentecôte, où 3 000 personnes furent [plongées] dans l’eau, eut lieu en raison du fait que Jésus était assis comme Seigneur et Christ à la droite de son Père dans les cieux. Le baptême de 7 136 personnes à l’Assemblée internationale de la volonté divine de 1958 était une preuve convaincante que le royaume de Dieu règne depuis 1914, année fâcheuse pour le mondel.

      Quant à la résolution que Loïs a évoquée au début de notre entretien de ce soir, c’est le vendredi 1er août que le congrès l’a adoptée.

      LOÏS: J’y ai bien souvent pensé tout au long des semaines où vous nous avez rendu visite, vous et Marie, surtout quand vous nous avez décrit la série d’accusations et de résolutions adoptées par les témoins de Jéhovah de 1922 à 1928. Mais je voudrais bien savoir en quoi la résolution de 1958 différait des précédentes.

      JEAN: Elle était différente sous de nombreux rapports. Aucune autre résolution n’a jamais été présentée jusque-​là comme clou du programme Or, celle-ci l’a été; en fait, on y a consacré presque tout un après-midi, car il s’agissait de donner une explication complète des raisons qui plaidaient en faveur de son adoption. En outre, on en avait avisé préalablement le public, et on avait insisté pour que toute l’assemblée assiste à la session qui devait y être consacrée. Par ailleurs, de nombreuses nations avaient envoyé des délégués. À cela s’ajoute la distribution qu’elle allait connaître par la suite, se distinguant des autres en ce que tous les exemplaires ont été remis directement aux personnes, lesquelles ont été revisitées plus tard. Lisons le compte rendu publié dans La Tour de Garde:

      Pendant les deux jours qui précédèrent le vendredi, un appel urgent avait été lancé pour que tous les délégués fussent présents le vendredi après-midi lorsque la question suivante serait posée à l’auditoire: “Pourquoi cette assemblée a adopté une résolution.” À la grande joie de tous les assistants, 194 418 personnes, nombre stupéfiant, répondirent à l’invitation. Pendant trois quarts d’heure, le vice-président de la Société exposa, devant cette multitude heureuse qui approuvait, les raisons scripturales pour lesquelles l’assemblée devrait saisir cette occasion sans pareille pour adopter une résolution sans équivoque et rendre ainsi témoignage à Dieu, aux anges et aux hommes. Pendant les quinze minutes suivantes, ils écoutèrent avidement le président de la Société qui lut la résolution (...). Celle-ci démasquait sans ménagement le clergé de la chrétienté comme étant aujourd’hui la classe la plus répréhensible sur la terre. Elle réaffirmait les principes théocratiques des témoins. Elle proclamait sans honte que le royaume de Dieu administré par le Christ est le seul moyen de salut pour les hommes qui soupirent après la paix et la sécurité. Elle affirmait énergiquement leur détermination de servir et de prêcher sans relâche le royaume de Dieu dans l’amour, la paix et l’unité, comme le font nos fidèles frères derrière le rideau de fer, et cela jusqu’à ce que Jéhovah mette fin à l’œuvre de témoignage par la destruction du monde, en rendant témoignage lui-​même, par un acte qui lui serait particulier, Harmaguédon. Des applaudissements saluèrent la motion présentée par le président pour que la résolution telle qu’il venait de la lire fût adoptée. Sa proposition appuyée, il posa la question, et 194 418 voix crièrent Oui! unanimement. Tous ceux qui ont adopté cette franche résolution de bon cœur se tiennent prêts à en supporter les conséquences avec l’aide du Dieu tout-puissanta.

      THOMAS: Combien d’exemplaires de la résolution a-​t-​on distribués? A-​t-​elle été publiée sous forme de brochure?

      JEAN: Non. Elle a paru dans un tract de quatre pages, du format actuel de La Tour de Garde. En haut de la première page, on pouvait lire ce titre écrit en grandes lettres rouges: “Comment la chrétienté a-​t-​elle failli à sa mission envers l’humanité?” Et juste au-dessous apparaissait le sous-titre suivant: “Qui seul prend aujourd’hui fait et cause pour un monde nouveau au gouvernement parfait, où régneront la justice et une paix éternelle, où le bonheur et la prospérité seront le partage de tous?”

      Au total, dans le monde entier, on en a distribué 70 millions d’exemplaires en cinquante langues, principalement en décembre 1958, le mois où la campagne a commencé.

      THOMAS: C’est la plus grande diffusion qu’aucun tract de la Société ait jamais connue, semble-​t-​il.

      JEAN: Oui. Par ailleurs, rappelez-​vous que tous les tracts ont été remis directement à chaque personne. On ne s’est pas contenté de les glisser sous les portes ou de les distribuer dans la rue, comme de simples feuilles d’invitationb. En outre, par la suite, les proclamateurs sont retournés visiter les gens pour recueillir leurs impressions et répondre à toutes les questions qu’ils auraient pu se poser. En conséquence, un grand nombre de nouvelles études bibliques à domicile ont été commencées.

      Une autre forme de distribution de la résolution a également connu un retentissement considérable. La résolution ainsi que le texte intégral du discours qui l’avait introduite au congrès ont été publiés en anglais dans La Tour de Garde du 1er novembre 1958 (en français dans celle du 1er décembre 1958). Les congrégations ont alors envoyé un exemplaire de ce périodique à tous les membres du clergé, aux hommes d’affaires influents et aux hommes politiques résidant dans leurs territoires respectifs. Leurs réactions ont été très variées, mais on a reçu de nombreux commentaires favorables.

      DES DONS IMPRIMÉS

      THOMAS: A-​t-​on présenté de nouvelles publications pendant ce congrès?

      JEAN: Oui, bien sûr. Voici quelques commentaires à ce propos tirés de La Tour de Garde:

      Les dizaines de milliers de congressistes ignoraient que le comité s’occupant de la traduction de la Bible du monde nouveau avait achevé le tome IV de la “New World Translation of the Hebrew Scriptures”, le 13 avril 1958 et l’avait remis à l’imprimerie de la Société Watchtower. Le tome IV contient la traduction des livres prophétiques d’Ésaïe, de Jérémie et des Lamentations de Jérémie. Jéhovah ayant procuré à ses témoins cette toute récente traduction de ces trois livres, il devint évident que ses messages spéciaux pour l’Assemblée internationale de la volonté divine seraient tirés de ces prophéties. Ils le furent. La culpabilité du clergé de la chrétienté, telle qu’elle fut dévoilée dans la résolution adoptée par l’assemblée, fut préfigurée par la mise à nu, par Jéhovah, des chefs religieux de Juda, dans Jérémie chapitre 23. D’autres discours importants s’appuyaient également sur les prophéties contenues dans ce dernier ouvrage de la “New World Translation”. Le discours clé du président, le lundi après-midi, “Signes et prodiges du temps de la fin”, reposait surtout sur la prophétie d’Ésaïe; pareillement, le discours du vice-président, le mardi après-midi, “La bonté divine et le Royaume”, et celui qu’il prononça le samedi soir, “Quand Jéhovah se lèvera pour faire son œuvre singulière”. Dans le discours que le président prononça le mercredi après-midi sur le thème “À bas le vieux! Vive le nouveau!”, il appliqua à notre époque les prophéties dynamiques de Jérémie. Avec d’autres hommes de bonne volonté, Jérémie survécut à l’épouvantable destruction de la ville sainte de Jérusalem par les Babyloniens en 607 avant J.-C. Le président de la Société termina son discours dramatique reposant sur la prophétie de Jérémie, puis il annonça aux 150 282 assistants la parution du tome IV de la “New World Translation of the Hebrew Scriptures”, ce qui souleva les applaudissements de l’auditoire. Des dizaines et des dizaines de milliers d’exemplaires de cet ouvrage furent emportés avec avidité par l’immense foule à la fin de la sessionc.

      Ensuite, le jeudi après-midi 31 juillet, le président de la Société a traité le sujet “Gardons notre paradis spirituel”; il a couronné son argumentation de manière tout à fait inattendue en annonçant et en présentant un nouveau livre splendide et abondamment illustré, intitulé “Du paradis perdu au paradis reconquis”. Il s’agissait d’un livre de 256 pages; son format est plus grand que celui des autres livres cartonnés de la Société. La description suivante donne une idée de son contenu:

      Ce livre ne réserve pas ses lignes pour discuter les fausses doctrines des religions de ce monde, mais il explique simplement les vérités bibliques honorant Dieu à mesure qu’elles apparaissent dans le développement du dessein de Dieu en vue de restaurer l’humanité obéissante dans un paradis terrestre éternel. Mais cette restauration doit être précédée de l’établissement du royaume céleste de Dieu et de la restauration d’un paradis spirituel pour ses fidèles témoins chrétiens. C’est ce paradis spirituel qui doit être gardé maintenant, grâce à la fidélité et à la productivité de ses habitants bénis et heureuxd.

      Le livre a été publié, non pas à l’intention des enfants, mais dans le dessein de répondre au besoin et au désir de personnes adultes de nombreux pays, à qui il fallait rendre accessible l’étude des vérités élémentaires ou fondamentales de la Parole de Dieu.

      La parution d’une des publications les plus marquantes de la Société a été annoncée le samedi après-midi 2 août:

      La raison pour laquelle l’assemblée fut agrémentée du titre “Volonté divine” vint à l’esprit des délégués le samedi après-midi en particulier. Le thème de ce jour avait été tiré des paroles de la prière de notre Seigneur. Il en fut ainsi également du discours du président “Que ta volonté soit faite”. Vingt-trois fois, les 175 441 auditeurs applaudirent les descriptions qu’il fit de la façon dont Jéhovah a accompli sa volonté dans le ciel et sur la terre. Il le fit en dépit de l’opposition manifestée par les armées démoniaques de Satan dans le ciel et les grandes puissances mondiales sur la terre, depuis la puissance mondiale babylonienne, qui détruisit Jérusalem, jusqu’à notre époque où domine la septième puissance mondiale, équipée d’armes atomiques, le système anglo-américain, ainsi que la huitième puissance mondiale, les Nations unies. Par son royaume céleste, que Jéhovah Dieu remit en 1914 à celui qui fut jadis “le plus vil des hommes”, Jésus-Christ, le Dieu du ciel fera en sorte que sa volonté soit faite lors de la proche bataille d’Harmaguédon et ensuite dans le monde nouveau sans fin. Appréciant profondément la façon dont Dieu accomplit sa volonté, l’assemblée applaudit lorsque le président mentionna le titre du nouveau livre, livre magnifique comptant 384 pages et intitulé “Que ta volonté soit faite sur la terre”. La distribution de 228 000 exemplaires de cet ouvrage entre les mains des assistants, au cours des jours suivants, révéla l’impatience avec laquelle ils attendaient l’explication des prophéties de Daniel et celles d’autres saints hommes inspirése.

      LA “JOURNÉE DU ROYAUME DE DIEU”

      Le congrès tirait maintenant à sa fin. Mais, comme nous l’avons dit tout à l’heure, le programme devait atteindre son point culminant à la “Journée du royaume de Dieu”, c’est-à-dire le dernier dimanche du congrès. Et ce but non plus n’a pas été manqué; écoutez plutôt:

      Pour le ciel comme pour la terre, l’après-midi du dernier dimanche fut un moment heureux. Il est certain que le grand Roi du ciel, Jéhovah Dieu et son Fils régnant, Jésus-Christ, se réjouissaient avec les saints anges de voir le royaume de Dieu prêché par un porte-parole devant le plus vaste auditoire qu’il y ait jamais eu. Du ciel, ils regardaient l’auditoire composé de plus d’un quart de million de personnes, 253 922 au total, occupant tous les sièges dans les deux stades de l’assemblée; de plus, des milliers d’assistants se tenaient, en formations serrées, sur le terrain de base-ball, derrière la tribune des orateurs au Yankee Stadium; d’autre part, toutes les places dans les tentes, qui devaient accueillir la foule n’ayant pu pénétrer dans les stades, étaient occupées, et d’autres milliers écoutaient, debout, sur les trottoirs à l’extérieur des stades et des tentes. Le sujet du discours public, qui constituait un défi et avait fait l’objet d’une vaste publicité depuis des semaines, était “Le royaume de Dieu est entré dans son règne — La fin du monde est-​elle proche?” Montrant qu’il possédait parfaitement son sujet, l’orateur témoin de Jéhovah, le président de la Société, prouva, à l’aide des Écritures et des prophéties accomplies depuis 1914, que le royaume de Dieu administré par le Christ règne dans le ciel depuis cette date. Cela indique inévitablement que la fin de ce monde politique, commercial et religieux est proche. Sa fin complète à Harmaguédon ne produira aucun vide, car l’éternel monde nouveau de la justice de Dieu glorifiera le ciel et la terre après Harmaguédon, et sa volonté sera faite à jamais ici-bas dans des conditions paradisiaques comme elle est faite là-haut dans les cieux.

      C’était vraiment là une chose que ce vaste auditoire pouvait acclamer, et il le fit, par ses applaudissements, véritable tribut rendu au message du Royaume. Au cours de la pause qui suivit, ils acceptèrent avec joie les deux exemplaires gratuits, offerts à chaque personne, de la brochure contenant le texte complet du discours, dont un demi-million d’exemplaires avaient été imprimés et apportés dans les stades pour cet événement solennel. À en juger par l’immense auditoire qui avait caractérisé l’après-midi du vendredi précédent, près de 60 000 personnes du public invité étaient venues se joindre, croyons-​nous, à l’assemblée pour entendre ce joyeux message du royaume de Dieu entré maintenant dans son règnef.

      Bon nombre de ces 60 000 personnes ont dû répondre à l’invitation d’écouter les paroles finales du président après une brève pause, car il y a eu, à cette dernière session, une assistance de 210 778 personnes, soit le second maximum atteint au cours de tout le congrès. Les paroles que ces personnes ont entendues les ont largement récompensées:

      Il est des gens qui désirent prêcher ce message du Royaume. Rien qu’en avril, il y a eu 787 967 ministres. Cela représente une augmentation de 71 066 proclamateurs par rapport au maximum de l’année passée. Vous rendez-​vous compte que ces proclamateurs conduisent chaque semaine 546 968 études bibliques? L’année dernière, la moyenne était de 413 049. À cette heure, nous conduisons donc chaque semaine 133 000 études bibliques de plus qu’il y a un an. Persévérez dans cette bonne voie! Si nous agissons de la sorte, il y aura bien plus de 71 000 proclamateurs qui se joindront à l’organisation d’ici douze mois. (...)

      Quelle est notre responsabilité? En avril [1958], 1 159 212 personnes ont assisté à la Commémoration, soit 84 049 de plus que l’année précédente. Le rassemblement des autres brebis est en cours. On constate en effet qu’il y a une grande différence entre les 1 159 212 personnes venues à la Commémoration et les 787 967 proclamateurs qui ont pris part au ministère en avril. De vastes perspectives s’offrent à nous, puisqu’il s’est trouvé 370 000 personnes qui ont montré assez d’intérêt pour venir à cette réunion. Un beau jour, ces 370 000 personnes seront peut-être des proclamateurs. Nous ne nous en tiendrons pourtant pas là. Nous conduisons plus d’un demi-million d’études bibliques. Les témoins de Jéhovah sont en train de s’accroître. Ils sont des signes et des prodiges pour toutes les nations de la terre. Qu’il continue d’en être ainsi!

      Tandis que la société du monde nouveau des témoins de Jéhovah connaît un essor rapide, les membres du reste deviennent toujours moins nombreux. En 1957, 15 628 personnes ont participé aux emblèmes. Cette année, en 1958, 15 010 y ont pris part, c’est-à-dire 618 de moins. Mais quelle joie les membres du reste n’éprouvent-​ils pas à la vue de la grande œuvre qui ne cesse de progresserg!

      Le président a ensuite entretenu son auditoire des nouvelles publications merveilleuses qui avaient été présentées durant le congrès, puis il a posé la question:

      Et la prochaine réalisation? Eh bien, je crois que je devrais vous en parler un peu déjà maintenant. La Watch Tower Bible and Tract Society envisage de construire un nouveau bâtiment le long des Columbia Heights, vis-à-vis de l’actuel Béthel, situé 124 Columbia Heights. À présent, je prie les placeurs de passer dans les rangs et de distribuer des cartes postales en nombre suffisant aux adultes assis dans les tribunes; ainsi vous aurez la carte postale sous les yeux pendant que je parlerai de nos projets. Vous pouvez garder cette carte postale en couleurs.

      Pourquoi avons-​nous besoin de ce nouveau bâtiment? C’est bien simple. Vous n’avez qu’à regarder autour de vous pour vous en rendre compte. Notre organisation est en plein essor; le Béthel est plein à craquer, un édifice plus grand est nécessaire pour loger toute la famille qui y réside, cette famille qu’il nous faut pour satisfaire tous vos besoins dans le monde entier, dans toutes les langues. Évidemment, ce bâtiment ne pourra pas être construit avant une année au moins. Les locataires des appartements situés actuellement sur cette propriété les auront quittés d’ici le 1er janvier 1959; alors nous espérons, grâce à la bonté imméritée de Jéhovah, démolir ces bâtiments et entreprendre la construction d’un nouvel édifice de onze étages.

      Vous savez tous que l’un des buts visés par la Société est de former des ministres; nous espérons donc en former un certain nombre dans ce bâtiment. Sous la direction de Jéhovah et la conduite de l’esprit saint, nous allons intensifier notre programme d’éducation en faisant venir au Béthel des ministres ordonnés de toutes les parties du monde pour leur faire suivre un cours de formation de dix mois. Notre organisation est en train de se développer. Il lui faut un plus grand nombre de ministres pour superviser l’œuvre dans tous les pays du monde, et nous avons l’intention de nous en occuper à Brooklyn même.

      Des salles de classe spéciales seront réservées à ces ministres et des instructeurs seront nommés exprès pour surveiller leur formation. La charte de la Société Watchtower de New York autorise celle-ci à instruire des ministres et à les former en vue du ministère et de l’œuvre missionnaire, aussi désirons-​nous les préparer à accomplir le mieux possible la grande œuvre religieuse consistant à prêcher la bonne nouvelle du Royaume dans le monde entier.

      Est-​ce à dire que l’École de Galaad, située à South Lansing, New York, va subir des modifications? Non. Nous désirons que cette école continue à fonctionner; toutefois nous envisageons d’élargir son champ d’activité. Si c’est la volonté de Jéhovah que nous poursuivions une telle œuvre, la Société espère que d’ici 1961 des endroits tels que l’École de Galaad, la nouvelle filiale de Toronto, au Canada, le nouveau bâtiment de Londres, en Grande-Bretagne, les vastes locaux de Wiesbaden [en Allemagne], le bureau de Paris et plusieurs autres filiales où nous disposons d’assez de place, seront transformés en écoles pour former une certaine catégorie de personnes.

      En tout premier lieu, les serviteurs de district, tout comme les serviteurs de circonscription, ont besoin d’être formés. Ensuite, ce sera le tour des surveillants de congrégation. Pour eux, la durée des cours ne sera pas tout à fait aussi longue, probablement de quinze jours à un mois, et si les surveillants peuvent arranger leurs affaires (je parle donc des serviteurs qui ne sont pas des serviteurs de circonscription ou de district) pour quitter leur emploi pendant un mois, alors il leur sera possible de suivre un cours spécial de formation consacré à la fonction du surveillant.

      L’œuvre d’enseignement n’en est pas à son déclin, mais est plutôt engagée sur la voie du progrès. Vous avez pu vous en rendre compte tout au long de ce congrès. Maintenant que l’École du ministère théocratique dans les congrégations va être ouverte aux sœurs, nous allons connaître un progrès considérable sur le plan de l’enseignement. Nous avons fait paraître une brochure destinée à apprendre aux gens à lire et à écrire. Nous désirons atteindre un niveau de compréhension plus élevé pour pouvoir pénétrer encore plus profondément les pensées de Jéhovah exprimées dans sa Parole, afin d’arriver à connaître ses desseins. Par conséquent, si c’est la volonté divine que nous poursuivions la grande œuvre de prédication du Royaume pendant plusieurs années encore, alors la Société est prête à former tous ses surveillants pendant un certain temps dans ses filiales les plus importantes du monde.

      Des précisions concernant ces dispositions prévues pour 1961 seront données plus tard, mais nous vous en parlons déjà maintenant pour montrer que la Société fait des projets d’avenir en vue de favoriser une meilleure compréhension de la Parole et des desseins de Jéhovah. Vraiment, c’est une responsabilité extraordinaire qui nous incombe quand chaque année 70 000 nouveaux se joignent à l’organisation. Il nous faut des enseignants! Nous avons besoin de gens qui comprennent la vérité et qui soient capables de l’enseigner à d’autres! Désirez-​vous être l’un de ces enseignantsh?

      THOMAS: Rien ne nous fait plus envie! Après tout ce que nous avons vu et entendu au cours des seize semaines écoulées, nous sommes convaincus qu’il n’y a qu’une seule façon d’accomplir la volonté divine. Loïs et moi en avons discuté depuis quelque temps déjà, et nous sommes tous les deux résolus à nous mettre au travail et à prendre part à la prédication de la bonne nouvelle. Nous espérons que vous accepterez, vous et Marie, de nous aider précisément à le faire.

      JEAN: Vous pouvez compter sur nous. C’est qu’il n’y a pas une minute à perdre! Après ces événements passionnants de l’été 1958, et à la suite des remarques finales prononcées par le président de la Société au terme de l’Assemblée internationale de la volonté divine, quelques points du nouveau programme ont immédiatement commencé à prendre corps. Le 25 novembre 1958, l’autorisation a été accordée de démolir les vieilles bâtisses occupant le terrain où on envisageait de construire l’annexe du Béthel, si bien que le 8 décembre la démolition commençait. Le 25 mars 1959, les plans de la nouvelle annexe du Béthel ont été approuvés et le permis de construire a été accordé; le 7 avril, les démolisseurs ont achevé leur tâche et ont cédé la place aux terrassiers. Le 16 avril 1959, on amenait sur les lieux la première pelle mécanique Diesel pour commencer à creuser les fondations du nouvel édifice.

      La Société a donné aux frères l’occasion de participer au financement de la construction, non pas en sollicitant des dons, mais en leur proposant de prêter de l’argent et de recevoir en contrepartie des billets à ordre émis par la Société, avec un intérêt annuel de 3%, par coupons de 100 dollars. Voici un extrait de la lettre que la Société a adressée le 1er avril 1959 AUX TÉMOINS DE JÉHOVAH DES ÉTATS-UNIS:

      Bon nombre d’entre vous se souviennent qu’en 1926, en 1946 et une fois encore en 1955, le peuple de Jéhovah a financé la construction de nouveaux locaux en prêtant à la Société les fonds suffisants pour couvrir les frais de construction et d’aménagement de nouveaux immeubles. Le montant total de ces prêts a été remboursé. Nous sommes persuadés que les témoins de Jéhovah vont une fois de plus mettre à la disposition de l’œuvre les moyens financiers nécessaires permettant à l’expansion prévue pour 1959 de se réaliser sans encombre. Afin de donner le privilège aux témoins de Jéhovah d’y prendre part, la Société va de nouveau emprunter de l’argent aux frères qui sont disposés à en prêter; aussi émettra-​t-​elle des billets à ordre en date du 30 juin 1959.

      Les billets à ordre de la Watchtower Bible and Tract Society of New York, Inc., seront délivrés pour tout montant qui sera un multiple de 100 dollars.

      Entre-temps, le 21 février 1959, le président de la Société quittait New York en avion à destination de l’Afrique pour effectuer une tournée d’inspection de trois mois et demi auprès des filiales et des maisons de missionnaires de la Société. Son itinéraire comprenait une visite de toutes les nouvelles filiales importantes de la Société où l’on prévoyait d’ouvrir les nouvelles écoles pour la formation des surveillants de congrégation, en Afrique et en Europe.

      Tout de suite après l’annonce faite au Yankee Stadium, on a commencé la préparation du cours qui serait donné dans ces écoles. Celui-ci a reçu le nom d’“École du ministère du Royaume”, et il comprend quatre-vingt-seize heures de classe et vingt discours d’instruction ou allocutions répartis sur une durée de vingt-quatre jours. Les sujets traités sont les suivants: “Les enseignements du Royaume”, “Le ministère dans le champ”, “Les réunions” et “Les surveillants”.

      THOMAS: Cela semble être un excellent programme de formation et un cours très pratique. Quand la première classe a-​t-​elle commencé?

      JEAN: La première classe comprenait vingt-cinq élèves; il s’agissait de serviteurs de circonscription des États-Unis accompagnés de leur femme, qui n’étaient pas des diplômés de l’École de Galaad. Leur cours a commencé le 9 mars 1959, à Galaad, pour prendre fin le 3 avril. La deuxième classe a débuté le 13 avril et s’est terminée le 9 mai.

      LOÏS: En voyant se dérouler des événements aussi passionnants, nous sommes impatients de nous mettre au travail, nous aussi. J’ai l’impression d’avoir déjà perdu beaucoup trop de temps. Je donnerais n’importe quoi pour avoir pu assister à l’Assemblée internationale de la volonté divine.

      JEAN: Ma foi, il est trop tard maintenant pour y assister, mais il vous reste encore une possibilité de vous trouver dans l’ambiance du congrès et de revivre ses grandes heures.

      LOÏS: Que voulez-​vous dire? Comment est-​ce possible?

      JEAN: Écoutez cet avis paru dans Notre ministère du Royaume (angl.) de mai 1959:

      C’est avec un grand plaisir que la société annonce un nouveau film intitulé “L’Assemblée internationale de la volonté divine des témoins de Jéhovah”. À partir du 2 mai 1959, il sera projeté dans toutes les assemblées de circonscription le samedi soir et sera suivi d’un programme spécial de quarante minutes.

      Pour permettre la projection du nouveau film le samedi soir, la réunion d’activité de la circonscription consacrée à l’art d’enseigner dans les études bibliques, programme qui a été si apprécié par les frères, sera reportée au vendredi soir et remplacera la réunion de service et l’École du ministère théocratique.

      Projetez dès maintenant d’être présents pendant les trois jours entiers de votre assemblée de circonscription, et faites tout ce que vous pouvez pour encourager les nouveaux proclamateurs et les personnes bien disposées à vous accompagneri.

      Il s’agit d’un film en couleurs qui dure une heure et quinze minutes, et qui est entièrement commenté de vive voix. Nous aimerions beaucoup que vous puissiez le voir en notre compagnie.

      LOÏS: Nous ne nous ferons pas prier, vous pouvez en être sûrs! Nous apprécions beaucoup le temps que vous avez passé en notre compagnie pour nous aider à nous faire une image de la société du monde nouveau et de son essor. Maintenant qu’une occasion comme celle-là se présente à nous de voir les frères du monde entier réunis à l’occasion du congrès, nous ne voudrions à aucun prix la laisser échapper. À quand est fixée notre prochaine assemblée de circonscription?

      JEAN: À la fin de la semaine prochaine. Nous serons heureux, Marie et moi-​même, d’y aller avec vous et Thomas. Nous espérons qu’un autre jeune couple, chez qui nous conduisons une étude biblique, y sera également. Nous voudrions bien que vous fassiez sa connaissance. Ce sera aussi sa première assemblée.

      Dans le monde entier, de nouveaux proclamateurs commencent à partager avec les témoins de Jéhovah les joies du service du Royaume. La société du monde nouveau va croissant. En 1958, au mois de décembre, nous avons atteint un nouveau maximum de 805 401 proclamateurs de la bonne nouvelle dans le monde entierj. Ensuite, quand nous avons célébré le repas du Seigneur, le 23 mars 1959, l’assistance sur la terre entière dépassait largement 1 200 000 personnes, mais seulement un peu plus de 14 400 d’entre elles ont pris part au pain et au vin emblématiquesk. Cette nombreuse assistance a révélé la possibilité d’emmener dans le ministère du champ encore des milliers de proclamateurs de la bonne nouvelle. Tenez, pendant le mois d’avril 1959, le dernier des quatre mois de la campagne de souscription d’abonnements au périodique La Tour de Garde, notre rapport mondial montrait que plus de 860 000 proclamateurs avaient participé activement à l’annonce du message suivant lequel le Royaume de Dieu a commencé son règne et que la fin du présent système de choses est proche. Dans l’ensemble, ils ont prêché dans 170 pays, mais il vaut la peine de remarquer qu’un septième (c’est-à-dire 14 pour cent) de ces témoins de Jéhovah exercent à cette heure leur activité derrière le rideau de ferl.

      THOMAS: Ça alors, c’est extraordinaire! Sans aucun doute, quelle que soit la tournure que pourront encore prendre les événements avant Harmaguédon, les témoins de Jéhovah auront désormais démontré de façon indéniable la place qu’ils occupent dans les desseins divins.

      JEAN: En effet! En outre, les prophéties divines montrent avec certitude que les témoins de Jéhovah vont poursuivre leur œuvre et jouir de privilèges encore accrus pour la justification de la souveraineté universelle de Jéhovah. En harmonie avec leur détermination de servir Dieu constamment, jour et nuit, ils ont choisi pour 1959 le texte annuel suivant tiré de Révélation 16:15, passage dans lequel Jésus-Christ glorifié nous prévient de sa venue à la bataille d’Harmaguédon et déclare à ses disciples réunis au temple spirituel de Jéhovah: “Heureux celui qui reste éveillé et qui garde ses vêtements de dessus.” Ainsi, ils veulent rester éveillés dans le ministère de Jéhovah et, lors de la venue du Christ, se montrer dignes de garder à jamais leurs vêtements ministériels.

      THOMAS: Une chose est certaine: je veux revêtir de tels “vêtements de dessus” ministériels le plus tôt possible.

      LOÏS: Et moi aussi! Oui, nous deux, Thomas et moi!

      JEAN: Magnifique! Mais pour cela, il vous faudra étudier et être actifs.

      THOMAS: Loïs et moi, nous en sommes pleinement conscients. C’est pourquoi, dès maintenant, vous et Marie allez continuer à venir chez nous chaque semaine, non pour nous raconter seulement l’histoire moderne des témoins de Jéhovah, mais pour nous aider à le devenir nous-​mêmes. Il faudra que vous commenciez avec nous une étude biblique. Est-​ce que vous trouverez le temps de le faire?

      LOÏS: Oh! je vous en prie, dites oui!

      JEAN: Je ne demande pas mieux que de le faire, et cela dès la semaine prochaine. L’auxiliaire biblique le plus efficace que nous utilisons à présent dans nos études bibliques à domicile est le livre publié par la Société Watch Tower qui a pour titre La vérité qui conduit à la vie éternelle. Ses vingt-deux chapitres exposent les doctrines fondamentales de la Bible, la Parole de Dieu.

      THOMAS: C’est avec plaisir que je contribuerai aux frais de deux exemplaires de ce livre pour Loïs et pour moi-​même. Mais vous nous les apporterez le plus tôt possible, et vous nous direz ce qu’il faudra étudier à l’avance pour nous permettre de nous préparer.

      MARIE: Êtes-​vous aussi libres le mardi soir?

      THOMAS: Oui. Pourquoi?

      MARIE: Eh bien, parce que le mardi soir, les témoins de Jéhovah organisent sur la terre entière des études bibliques en groupe dans le cadre des rendez-vous de service; elles ont lieu en général dans le foyer d’un frère. Il y a dans le quartier un rendez-vous de service que vous pourriez fréquenter très facilement: il se tient chez nous. En ce moment, nous sommes une douzaine à étudier le livre qui a paru lors de l’Assemblée internationale de 1958 et qui est intitulé “Que ta volonté soit faite sur la terre”. Avant l’étude, nous sortons tous ensemble pour rendre témoignage dans le territoire des alentours, pendant une heure environ.

      LOÏS: Oh! ce sera un moyen très facile et pratique pour nous permettre, à Thomas et à moi, de faire nos premiers pas dans la prédication et d’accroître nos connaissances!

      THOMAS: Oui, et nous sommes tout aussi impatients de commencer d’assister aux réunions que vous tenez régulièrement, vous les témoins, dans votre Salle du Royaume. Il nous faut profiter dès maintenant de toutes les dispositions prises par Jéhovah; de cette façon nous pourrons, nous aussi, servir Dieu à jamais, à vos côtés, en tant que témoins de Jéhovah dans les desseins divins.

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